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SPECTROFLUORIMETRIE

Cible
Etudiants en L3, UFR PHARMACIE, UAC
Pré requis
Généralités sur les méthodes spectrales
Objectifs
1. Enoncer le principe de spectrofluorimétrie
2. Décrire l'appareillage
3. Expliquer le phénomène d'interférence en spectrofluorimétrie
4. Citer 3 exemples d'application de la spectrofluorimétrie

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Introduction
La spectrofluorimétrie ou fluorimétrie ou spectroscopie de fluorescence moléculaire est une
technique d’analyse spectrale, basée sur la fluorescence, phénomène électronique d’émission
moléculaire consécutif à une absorption d’énergie photonique. Ainsi certains composés
organiques ou minéraux, liquides ou solides, qu’ils soient purs ou en solution, émettent de la
lumière lorsqu’ils sont excités par des photons du domaine de l’IR au proche UV. Il s’agit d’une
émission de lumière sans dégagement de chaleur, donc une émission à température basse . Ce
qui la distingue des phénomènes d’incandescence.
Le phénomène de fluorescence est connu depuis près de 4 siècles, mais son utilisation est
relativement récente.
En 1852, Stokes montra que la longueur d’onde λ du rayonnement émis est plus grande que
celle de la lumière excitatrice.

L’intérêt de la leçon est double:


- Du point de vue technologique, l’appareillage de mesure s’est grandement perfectionné
en particulier dans le domaine de la sensibilité
- Du point de vue analytique, le développement des méthodes d’analyse par fluorescence
a pris une importance croissante car ce sont des méthodes à la fois sélectives et très
sensibles permettant de très nombreux dosages ; l’intensité de fluorescence étant en
rapport avec la concentration en analyte. Elle présente de nombreuses applications aussi
bien en analyse qualitative qu’en analyse quantitative dans des domaines très divers

Avant d’énoncer le principe de cette technique spectroscopique, des éléments de rappels sont
indiqués dans le 1er paragraphe du 1er chapitre relatif aux notions générales.

I. Notions générales
1. Aspects qualitatifs
Il s’agit de l’étude de la position des spectres et de leur forme.
a) Origine
A température ambiante, la plupart des molécules se trouvent dans le niveau de vibration le plus
bas du niveau électronique fondamental

b) Absorption
Lorsque la solution est soumise à un faisceau lumineux de longueur d’onde convenable, chaque
molécule peut absorber un photon donnant lieu à une transition électronique : un électron passe
au niveau électronique supérieur.
Cette étape est absolument identique à l’absorption moléculaire mise en jeu dans la
spectrophotométrie UV Visible.
Le spectre d’excitation est identique au spectre d’absorption.

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c) Relaxation
La molécule excitée perd son excès d’énergie de vibration par collision avec les molécules
environnantes et l’électron redescend au niveau de vibration le plus bas (Vo) de S1, quel que
soit le niveau d’énergie atteint lors de l’excitation. La durée de vie de l’état excité est de
l’ordre de 1 nanoseconde.
d) Retour à l’état fondamental
L’électron peut revenir à l’état fondamental de trois façons mais dans la fluorescence
l’électron revient à un niveau de vibration quelconque.

a b

Diagramme de Jablonski ; a : bande d’absorption ; b : bande de fluorescence

Plusieurs possibilités de retour à l’état fondamental des e- mais une seule transition est
radiative.
• Etape de la fluorescence = Etape d’émission lumineuse. (durée de vie = 10-9 secondes) =
Retour des e- à n’importe lequel des niveaux d’énergie de vibration de l’état fondamental (v?,
E0)
• Retour au niveau d’énergie de vibration le plus bas du niveau électronique fondamental (v0,
E0) se fait par désactivation ou relaxation vibrationnelle.
• Conversion interne : Perte d’énergie par collision au cours d’un phénomène non radiatif ;

• Phosphorescence : Retour à l’état fondamental en passant par un état triplet intermédiaire par
retournement du spin d’un électron. Phénomène d’émission lumineuse plus long (plus long que
la fluorescence et se poursuivant même à l’arrêt de la lumière incidente) = phénomène radiatif.

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e) Types de transition

• Les électrons de la molécule occupent des orbitales moléculaires, donc chacune peut
posséder 2 électrons. Une transition électronique est représentée par le passage d’un
électron d’une orbitale moléculaire dans une autre. Parmi les 4 types de transition
électronique possible σ → σ* ; π → π* ; n → σ* ; n → π*, seules les transitions π → π* et
n → π* donnent la fluorescence.

Les transitions π → π* sont hautement probables mais leur énergie est assez forte. Elles
sont responsables d’une fluorescence intense. Au contraire, les transitions n → π* sont peu
probables, mais leur énergie est faible. Elles produisent une fluorescence peu intense.

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Le diagramme ci-dessous résume les différentes étapes du phénomène.

f) Aspect général d'un spectre de fluorescence


Il regroupe les spectres d'absorption, d'excitation et d'émission
- Un spectre d'absorption trace l'absorbance en fonction de λ. Il s'obtient normalement à
l'aide d'un spectrophotomètre. Pour obtenir un spectre d'émission, on va:
fixer une λ d'excitation (choisie grâce à la littérature ou au sein d'une bande forte
d'absorption conduisant à une fluorescence ; on pourra choisir λexc. vers un maximum
d'absorption par exemple) ;
- balayer les λ d'excitation en mesurant l'intensité de fluorescence. On obtient un spectre
d'émission.

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Voici deux exemples associant un spectre d'absorption et un spectre d'émission.

g) Facteurs influençant la fluorescence


- Structure : Polycycles aromatiques (naphtalène, anthracène), certains hétérocycles
(quinoléine, coumarine, indole) sont fluorescents ;
- Rigidité structurale;
- Température : diminue le rendement quantique de la fluorescence par augmentation
des collisions entre molécules.
- Nature du solvant: Viscosité qui tend à diminuer la fluorescence.
- Substitution :
➢ Activateurs: Substituants ortho et para (-NR > NH> -OH > -OH).
➢ Désactivateurs: Substituants méta (COOH, COOR, CHO, COR, NO2, NO),
atomes lourds.
➢ Pas d’effet des groupements alkyls et acides sulfoniques.
h) Extinction de fluorescence, quenching et quenchers (atténuateurs)
Au sens général l'effet "quenching" est un effet d'atténuation ou d'exctinction de fluorescence
lié à la présence d'une molécule -le quencher- dans le milieu réactionnel. Classiquement on
distingue 3 grands types de quenching : le quenching de collision (dit aussi dynamique), le
quenching statique et le quenching par transfert d'énergie de l'état excité par résonance.
Un désactivateur (noté par exemple D) ou quencher (extincteur en anglais) est une entité
moléculaire, ou une espèce chimique, capable de désactiver un état excité (E*) créé dans une
entité moléculaire (E).
E + hν → E*
E* + D → E + D*
D* → D + chaleur

Exemple de quencher : L’oxygène moléculaire (O2 ) quenche la majorité des fluorophores ;


les amines quenchent les hydrocarbones aromatiques

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2. Aspects quantitatifs
Il s’agit de la mesure de l’intensité de la fluorescence et de la capacité de la molécule à
réémettre les photons absorbés.

a) Rendement quantique
Par définition, le rendement quantique de fluorescence (ΦF), est le rapport du nombre de
photons émis au nombre de photons absorbés :

IF
𝚽𝐅 =
IA
Ce rapport varie entre 0 (pas de fluorescence) et 1 (fluorescence maximale) et il est sans
dimension. Il représente l'efficacité d'émission d'un fluorophore donné.
ΦF est caractéristique de la substance fluorescente et défini pour une température donnée et dans
un solvant donné
ΦF diminue lorsque la température augmente (environ 1% par degré), car la conversion interne
et les désactivations par chocs intermoléculaires sont favorisés
ΦF peut varier considérablement d’un solvant à l’autre (d’un facteur de 10 à 100)
En revanche ΦF est indépendant de la longueur d’onde d’excitation, car seuls les photons
absorbés sont pris en compte.
b) Intensité de Fluorescence
De la définition précédente (point a), il découle : 𝐼𝐹 = 𝚽𝐅 𝐗 𝐈𝐀
L’intensité absorbée IA est donnée par la loi de Beer-Lambert. On démontre que
𝐼𝐹 = 𝚽𝐅 ∗ 𝐈𝟎𝛌 ∗ 𝟐, 𝟑ελ . l . C
I0λ = Intensité incidente (le faisceau est monochromatique)

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C = concentration (mole.L-1) ; l = longueur du trajet d’absorption (cm) ; ελ = coefficient
d'absorption (ou d’extinction) molaire (cm-1.mole-1.L)
L’intensité de fluorescence est donc proportionnelle à la concentration C
c) Expression des spectres
Le spectre d’émission d’une substance est obtenu en mesurant la fluorescence à une
longueur d’onde fixe et en faisant varier la longueur d’onde d’excitation.
3. Principe
Mesure de l'intensité du rayonnement émis par une molécule suite à son excitation par une
source lumineuse.
La mise en œuvre de ce principe nécessite un appareillage que nous décrivons dans le 1er
paragraphe du second chapitre relatif à la mise en œuvre .
II. Mise en œuvre
1. Appareillage:

Sélecteur de λ Cuve +
d’excitation

Sélecteur de λ
d’émission

Schéma fonctionnel d’un spectrofluorimètre

a) Source lumineuse
Lampe à arc à xénon émet un spectre continu entre 220-700 nm, avec une faible intensité dans
l’UV;
Lampe à vapeur de mercure qui émet un spectre discontinue avec deux raies à 254 et 366 nm.

b) Sélecteur de λ d’excitation
c) Filtre
Monochromateur d’excitation (réseau) encadré par une fente de chaque côté dont le rôle est
de sélectionner la λexc

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d) Cuve porte échantillon
le plus souvent en quartz, de section carré ou cylindrique, dont certaines faces sont argentées
afin de renvoyer la lumière émise vers le photomultiplicateur et augmenter l’intensité du
signal
e) Sélecteur de λ d’émission
Filtre ou Monochromateur d’émission généralement placé à 90° par rapport au faisceau
d’excitation (d’autres angles sont possibles car la fluorescence est émise dans toutes les
directions)

f) Détecteur: Photomultiplicateur ou photo diode


Photomultiplicateur en raison de sa grande sensibilité, qui convertira la lumière émise en
courant électronique. Le système de lecture convertit l’intensité du courant, amplifiée et
l’oriente vers un système d’affichage, qui donnera une déviation proportionnelle à IF ou pour
les appareils les plus sophistiqués des spectres

2 types d'appareils
- Fluorimètres à 2 filtres donc analyse quantitative IF = f(C) ;
- Spectrofluorimètres à 2 monochromateurs ou alors 1 filtre pour l’excitation et 1
monochromateur pour l’émission, à simple ou double faisceau pour analyse
qualitative et quantitative

2. Conditions pour qu’une molécule soit fluorescente

La fluorescence est un processus radiatif qui entre en compétition avec des processus non
radiatifs (conversion interne, réaction photochimique). Pour que la fluorescence se manifeste,
plusieurs caractéristiques sont nécessaires :
- Forte probabilité maximale d'absorption (indiquée par εmax)
- Faible énergie de transition électronique pour éviter la photodissociation (indiquée par
λmax)
- Absence d'atomes ou de groupements favorisants les phénomènes non radiatifs
Les molécules les plus fluorescentes sont: polycycles aromatiques (naphtalène, anthracène),
hétérocycle (quinoléine, coumarine, indole). L’effet des substituants est important
Lorsque toutes ces conditions sont remplies, la fluorescence d’une molécule est observable à
condition d’être dans un solvant approprié et que le milieu ne renferme pas de « quencher »
(substance qui « éteint » la fluorescence)

3. Phénomènes parasites
Ces phénomènes peuvent être liés à l’appareillage, aux mesures en solution et à l’échantillon.
a) Liés à l’appareillage
L’ appareillage fournit spectres non corrigés = superposition du spectre vrai de l’échantillon +
spectre des différents éléments de l’appareillage.
Correction : Introduction d’un compteur quantique et d’un second photomultiplicateur dit de
référence. Les spectres obtenus sont corrigés : spectre d’excitation = spectre d’absorption

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b) Liés aux mesures en solution

Dans les mesures en solution en faibles concentrations, possibilités d’interférence dues aux
effets de diffusion de type Raman, Rayleigh et Tyndall.

Effet Rayleigh = diffusion élastique d’une partie du faisceau d’excitation par les molécules du
solvant ;
Effet Raman : transfert d’une partie de la lumière excitatrice aux molécules du solvant

c) Liés à l’Echantillon

➢ Phénomènes internes
Il y a photodécomposition lorsque transition est très énergétique et le faisceau d’excitation
très intense.
➢ Phénomènes externes : nature du solvant, polarité, pouvoir donneur/accepteur de
liaisons hydrogène, viscosité, pH.
➢ Quenching

4. Optimisation
a) Réactions chimiques : Certaines substances fluorescentes voient leur émission amplifiée
après une réaction chimique, notamment l’hétérocyclisation (formation d’un cycle
supplémentaire au niveau d’un atome d’azote ou d’oxygène). On obtient des dérivés
hétérocycliques très fluorescents : quinoléine, indoles, coumarines….Cas des
catécholamines transfomées en dérivés hydroxyindoliques

b) Dérivatisation en chromatographie liquide à détection fluorimétrique : Certaines molécules


non fluorescentes peuvent être transformées en dérivés fluorescents, à condition de posséder
un groupement fonctionnel assez réactif. Il existe pour chaque classe (acide, amines,
alcools, thiols, carbonylés…) des réactifs de dérivation à haut rendement quantique de
fluorescence qui permettent d’étendre considérablement le champ d’application de la
spectrofluorimétrie : Les amines (acides aminés, amines biogènes…) réagissent par
exemple avec la fluorescamine. Les acides carboxyliques (acides gras, prostaglandines… )
sont couplés avec la bromomethoxymarine.
Les différentes exploitations analytiques de la fluorescence sont nombreuses. Nous les
abordons dans le paragraphe du 3ème chapitre relatif aux applications.

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III. Applications
1. Exploitation analytique
- Qualitative: nous exploitons le spectre
➢ Détermination du spectre d'absorption d'une substance dans des conditions où
la spectrophotométrie d’absorption est mise à défaut
➢ Tracé de spectre d'excitation d’une molécule à très faible concentration ou en
présence d'interférences grâce à la grande sélectivité et la sensibilité de cette
technique.
➢ Identification des substances fluorescentes, parfois même dans des mélanges
grâce à l’usage de techniques multidimensionnelles qui consistent à enregistrer
l’intensité de fluorescence en fonction de paramètres multiples : longueur
d’onde d’excitation et d’émission, durée de vie de l’état excité, polarisation,
concentration d’un quencher
- Quantitatives: On exploite l'intensité de fluorescence
➢ Avantages:
Sensibilité: 10-6g
Spécificité: Sélection d'une λexc et d'une λém
➢ Etalonnage: interne, ajout dosé, externe

Les différentes exploitations sont effectuées dans différents domaines que nous abordons à
présent dans un 2ème paragraphe
2. Domaines d'application
a) Pharmacie
Contrôle de qualité de médicaments à base de quinine, riboflavine, furosémide, quinolone,
sérotonine, pyridoxine, thiamine : Ces substances présentent une fluorescence naturelle et
peuvent être analysées directement.

b) Agro-alimentaire
Dosage de la quinine dans des sodas; λexc 350 nm; λém 445 nm
Dosage des HPA dans l'eau
Dosage aflatoxine dans les céréales
c) Biochimie
Quantification des protéines ou des acides nucléiques au moyen de réactifs qui se fixent sur
les composés
d) Biologie
Méthode de choix pour l’analyse dans les milieux biologiques de médicaments ou de
substances naturelles et aussi des métabolites qui sont souvent à des concentrations très
faibles
Utilisation dans le cadre des méthodes immunologiques, en phase homogène ou hétérogène,
le traceur étant constitué par la molécule marquée par un fluorophore.

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Conclusion
La spectrofluorimétrie est une méthode très sensible, sélective et possédant un large éventail
d’application. L’appareillage est cependant onéreux et la mise en œuvre de la technique assez
délicate. Elle nécessite de la part des opérateurs une bonne connaissance fondamentale et
pratique des phénomènes mis en jeu. La technique est actuellement en plein essor avec le
développement de la micro chromatographie liquide couplée à la détection
spectrofluorimétrique avec comme source laser. Cela permet d’atteindre des limites de
sensibilité inférieure au femtogramme (10-15g).

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