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De King's Cross à St.

Pancras, le nouveau quartier de


l'Eurostar : géopolitique de trente ans de conflits
Peter Newman, Delphine Papin
Dans Hérodote 2010/2 (n° 137), pages 93 à 118
Éditions La Découverte
ISSN 0338-487X
ISBN 9782707164537
DOI 10.3917/her.137.0093
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De King’s Cross à St. Pancras,
le nouveau quartier de l’Eurostar :
géopolitique de trente ans de conflits

Peter Newman 1, Delphine Papin 2

Situé au centre de Londres, le quartier de King’s Cross-St. Pancras est au cœur


d’un vaste projet d’aménagement lié à la présence d’une friche industrielle de
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54 hectares et de deux gares, King’s Cross et St. Pancras, cette dernière accueillant
depuis 2007 le nouveau terminal Eurostar.
Si King’s Cross est aujourd’hui un quartier moderne, bien desservi et très
prisé par les cadres londoniens, à la fin des années 1990 il fait face à de multiples
problèmes sociaux : un environnement urbain dégradé, une population pauvre
concentrée dans les quelques logements sociaux ayant résisté à la politique du
Right to buy mise en place par Margaret Thatcher et un taux record de criminalité
lié à la concentration de prostitution et de drogue autour des deux gares.
L’opération de gentrification conduite depuis les années 1980 est aujourd’hui
bien avancée. Elle a pourtant fait l’objet de nombreux débats entre l’État (à l’ori-
Hérodote, n° 137, La Découverte, 2e trimestre 2010.

gine du projet), les collectivités locales et une population locale hostile au projet
du gouvernement. L’opposition entre les différents acteurs et la crise économique
du milieu des années 1990 ont retardé le début de la régénération. Au final, il
aura fallu plus de trente ans, trois Premiers ministres et autant de « masterplans »
dessinés par les plus grands architectes et urbanistes pour que le quartier, jadis lieu

1. Professeur, université de Westminster-Londres, département « Comparative Urban


Planning ».
2. Docteur de l’Institut français de géopolitique, université Paris-VIII. Elle a publié avec
Mark Bailoni l’Atlas géopolitique du Royaume-Uni, aux éditions Autrement (2009). L’auteur
tient à remercier Paul Benkimoin pour sa relecture précieuse.

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HÉRODOTE

CARTE 1. – SITUATION DES QUARTIERS ÉCONOMIQUES ET STRATÉGIQUES DE LONDRES

A1 (M)
Limites du

5
M2 M25 « Greater London »
M ou Grand Londres
1
11 Limites de
M
l‘« Inner-London »
Limites de borough
Autoroutes
Wood

M25
Green Romford
Harrow
King's Cross Ilford Espaces bâtis
St Pancras
Quartiers cumulant les
difficultés sociales et
La City économiques
Ealing
Parcs et espaces verts
West End
M4
La « Green Belt » ou
Hounslow ceinture verte
Tamise
Centres
internationaux
Centres urbains
Bromley secondaires
Kingston
3

M
M

20 Réaménagement
Croydon urbain
Sutton
©Adaptation AFDEC

Périmètre du
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« Thames Gateway »

Site olympique
M25 de Stratford
M M25 Source : Atlas géopolitique du
10 km 23 Royaume-Uni, Ed. Autrement, 2009.

de « transit » à la fin du XIXe siècle, puis lieu de « trafic » à la fin du XXe, devienne
aujourd’hui une « destination » 3.
Avec le temps, les représentations des acteurs, les revendications, voire
même les personnalités en place ont changé et la régénération du quartier par-

Hérodote, n° 137, La Découverte, 2e trimestre 2010.


ticulièrement bien situé dans la capitale peut finalement débuter. Ce quartier de
King’s Cross-St. Pancras, moins étudié par les géographes que les Docklands,
symbolise pourtant une lutte significative du rapport de forces sur les questions
d’aménagements au Royaume-Uni ces trois dernières décennies.
Dans le cas de cet aménagement, la prise en compte de représentations contra-
dictoires des différents acteurs (gouvernement, municipalités, promoteurs privés

3. Le terme de « destination » est largement utilisé dans la campagne des promoteurs pour
vendre la nouvelle image du quartier. De même, pour changer l’image du quartier, le nom de
King’s Cross – associé à la prostitution et à la drogue – a disparu et c’est « St. Pancras » qui est
désormais privilégié car associé à l’image positive de l’Eurostar.

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DE KING’S CROSS À ST. PANCRAS, LE NOUVEAU QUARTIER DE L’EUROSTAR

ou associations locales) permet de mettre en lumière les rivalités, les enjeux,


les incompréhensions qui font obstacles à la mise en œuvre d’une rénovation
souhaitée par tous. L’étude du territoire permet de prendre en compte les mul-
tiples configurations spatiales des différents phénomènes, et la cartographie d’en
rendre compte. Au-delà des spécificités urbaines de ce quartier que le regard du
géographe peut mettre en lumière, il existe selon les acteurs des logiques territo-
riales différentes. Les limites (géographique, administrative ou psychologique) sur
ce territoire ont bougé dans le temps en fonction de l’évolution du projet, de sa
mise en chantier, des nouveaux rapports de forces entre les différents groupes qui
se sont composés ou recomposés au fil des ans. Ainsi, si l’observation du territoire
est déterminante dans la compréhension d’enjeux urbains, c’est aussi l’étude des
différentes perceptions de ce territoire qui permet d’affiner cette compréhension.

King’s Cross : une image marquée par l’héritage industriel


et par la prostitution

L’héritage architectural de la friche industrielle de 54 hectares


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La gare de St. Pancras, à la silhouette élancée et à l’architecture néogothique,
s’élève comme une cathédrale. Elle domine sa voisine, la gare de King’s Cross,
plus modeste par sa taille, et dont l’architecture fonctionnelle est dépourvue de
tout ornement. Ce contraste entre les deux édifices n’est pas sans rappeler les
querelles et la concurrence qui avaient opposé les compagnies de chemin de fer du
Nord dans les années 1870. Le directeur de la Midland Mainline avait d’ailleurs
commandé au célèbre architecte de l’époque, sir George Scott, une gare « écrasant
ses rivales, effaçant la présence de la vieille gare Euston [située plus à l’est] et
mettant en relief la simplicité et la banalité de celle de King’s Cross 4 ». Le quartier
hérite donc de cette époque riche et prestigieuse liée à la Révolution industrielle.
Hérodote, n° 137, La Découverte, 2e trimestre 2010.

Ainsi les façades luxueuses du Great Northern Hotel et du St. Pancras Chambers,
hôtels prestigieux des compagnies ferroviaires sous l’Empire, replongent le
passant dans le Londres aristocratique des romans d’Oscar Wilde. Il ne faut
parcourir que quelques mètres en direction du sud, à l’arrière des deux gares,
pour retrouver l’ambiance ouvrière des romans de Dickens. Les rues étroites et
pavées, les anciennes fabriques et dépôts de briques, la halle aux poissons et le
Regent Canal. Un peu plus loin, s’opposant aux lignes droites des voies ferrées
et du canal, subsistent les larges cylindres cerclés de fer des sept usines à gaz
échafaudées dans les années 1850. L’ensemble forme une friche industrielle de

4. In St. Pancras Chambers, The Midland Grand Hotel, 1996.

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HÉRODOTE

54 hectares : le King’s Cross Railway Land laissé à l’abandon par la British Rail
propriétaire du terrain depuis le déclin de l’industrie dans le pays.
Depuis les années 1830 et jusque dans les années 1960-1970, c’est à King’s
Cross-St. Pancras qu’étaient acheminés et stockés matières premières et matériaux
de construction pour la ville de Londres. Peu touchée par les bombardements
de la Seconde Guerre mondiale contrairement à de nombreuses autres parties de
Londres, cette zone n’a pas bénéficié des plans de reconstruction et de rénovation
urbaine d’après guerre. Ainsi la plupart des dépôts et des usines, fermés à la suite
du déclin du secteur secondaire, sont aujourd’hui tels qu’ils étaient au XIXe siècle.
Les Anglais sont attachés à cette époque glorieuse où leur nation était la
première puissance mondiale, aussi ce patrimoine est-il précieusement conservé
et protégé, une dizaine de bâtiments sont d’ailleurs classés. La présence active de
l’association Victorian Inheritance, agissant pour la conservation des bâtiments
industriels de la période victorienne, témoigne de l’importance accordée à ce
patrimoine. Très engagée dans le quartier, cette association a joué et joue un rôle
déterminant dans le projet de rénovation. Plusieurs urbanistes et architectes ont dû
revoir leur copie pour ne pas avoir respecté dans leurs plans ces édifices.

Les coupures urbaines : marqueur territorial et facteur d’insécurité


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L’absence de rénovation sur cette friche industrielle a largement favorisé la
dégradation générale du quartier. La principale conséquence en a été la formation
de coupures urbaines, tant géographiques que psychologiques.
En effet, la friche quasi inhabitée, partiellement murée, a constitué une coupure
physique qui a longtemps scindé le quartier en deux : Somers Town à l’ouest et
le borough d’Islington à l’est. À cette coupure est/ouest s’ajoutait celle d’Euston
Road, principale rocade qui contourne le centre de Londres et qui mène à l’auto-
route de l’Ouest, la M40. Le trafic sur cette avenue équivaut à une barrière
scindant le quartier selon un axe cette fois nord-sud. La présence de deux restau-

Hérodote, n° 137, La Découverte, 2e trimestre 2010.


rants McDonald’s, situés de part et d’autre de cette même rue, est une preuve de
la réalité de cette barrière invisible. Coupure physique, cette grande artère a long-
temps fait figure de barrière psychologique pour les habitants au sud comme au
nord, percevant l’autre côté de l’avenue comme dangereux, peuplé de marginaux,
drogués, dealers et prostitués.
En outre, les limites administratives ont longtemps renforcé les coupures
urbaines. Le quartier de King’s Cross-St. Pancras est « à cheval » sur le borough
de Camden et sur celui d’Islington, une position qui présente des inconvénients en
matière de rénovation urbaine. De même, quatre corps de police se partagent ce
territoire : l’un dépend du borough d’Islington, un autre du sud d’Euston Road, le
troisième du nord de cette même rue, enfin le dernier est le corps de police du Tube.
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DE KING’S CROSS À ST. PANCRAS, LE NOUVEAU QUARTIER DE L’EUROSTAR

CARTE 2. – LES COUPURES URBAINES DANS LE QUARTIER

Limite du KXP, King's

York W
Cross Partnership
Caledonian
Road Friche industrielle,
King’s Cross

ay

Caledonian
Camden Railway Land

▲▲
Road
▲▲▲
Coupure urbaine



Concentration de la



prostitution et des

Road

dealers dans les


années 2000



▲▲
Anciens bâtiments
Gazomètres industriels en

York Way
▲▲▲▲
reconversion
Zone hôtelière
construite au début

▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲
R eg en t' s des années 2000
ca na l
Mornington
Crescent Nouvelle zone

ad
économique et de

Ro
logement de standing
CAMDEN ISLINGTON (début 2000)

ian
▲▲
King’s

on
▲▲▲▲▲▲▲

Cross Future zone de

led
Ev

développement de
Ca
ers

bureaux sur la friche


▲▲▲▲
ho

industrielle de
Road
Pentonville
lt

St Pancras ▲▲▲
▲▲▲
▲▲▲
▲▲▲
▲ l’ancienne British Rail
Str

▲▲ ▲

King Extension de la gare
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British

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ros de St Pancras ouverte
Gra

Library s



Road en novembre 2007
y's

Euston

Métro


station
Inn


©Cartographie AFDEC


Train Eurostar
Roa




d

ad Limites de borough
Ro
ton Rue principale
Eus
Euston Voie ferrée
200 m
Square Source : Terrain D. Papin, 2000-2010

Paradoxalement, l’accumulation des forces de l’ordre et leur manque de coordina-


Hérodote, n° 137, La Découverte, 2e trimestre 2010.

tion jusqu’au début des années 2000 ont joué contre la protection dans le quartier,
chacune agissant sur son périmètre en évitant d’empiéter sur celui du voisin. Si l’on
superpose les limites administratives, les limites d’intervention de la police et celles
du plus grand taux de criminalité, on remarque une corrélation entre les trois.
La sectorisation des établissements scolaires renforce également les clivages,
les jeunes vivant au nord ne traversant jamais l’Euston, territoire des jeunes du
sud. L’important trafic de drogue et l’implantation de la prostitution créent des
zones d’influence, des limites de territoire définies lors des bagarres parfois très
violentes entre adolescents. Cette fragmentation du quartier a pour conséquence
de développer un sentiment d’appartenance à un territoire donné contre un terri-
toire voisin, en particulier chez les adolescents et les dealers. Cette fragmentation
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HÉRODOTE

urbaine – souvent invisible pour le visiteur extérieur – a favorisé le développement


d’un très fort sentiment d’insécurité auprès de la population locale, sentiment au
cœur des enjeux de la rénovation.
Ainsi, au milieu des années 2000, King’s Cross est considéré comme l’un
des hot spots de la capitale avec l’un des taux de criminalité les plus élevés de
Londres. À la criminalité localisée aux abords des deux gares s’est ajoutée, à
la fin des années 1990, une délinquance juvénile dont les jeunes Bangladeshis,
la communauté ethnique majoritaire dans le quartier, sont souvent à la fois les
victimes et les auteurs 5.
Les coupures urbaines, la dégradation du quartier et l’image négative aussi
bien auprès des habitants que des Londoniens sont des éléments avec lesquels
l’État, les collectivités locales et les promoteurs doivent composer pour attirer des
investisseurs dans le quartier.

L’émergence d’un projet de rénovation urbaine à King’s Cross


sous le gouvernement Thatcher

L’affaiblissement du pouvoir local dans les projets de rénovation urbaine


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Le 4 mai 1979, lorsque le gouvernement conservateur arrive au pouvoir, le
Royaume-Uni est en proie à un déclin économique accéléré. Le nombre de
demandeurs d’emploi ne cesse d’augmenter et avoisine les 3 millions. Les inner
cities (villes-centres) sont les plus touchées du fait de la fermeture ou de la délo-
calisation de nombreuses usines vers des villes nouvelles ou la périphérie des
grandes agglomérations, laissant d’immenses friches industrielles dans les vieux
quartiers ouvriers. Jusqu’à la fin des années 1960, le pouvoir central n’a eu que
peu de considération pour la question des inner cities, question qui relevait davan-
tage de la compétence des collectivités locales. Du fait de l’accroissement des

Hérodote, n° 137, La Découverte, 2e trimestre 2010.


tensions raciales et de la prolifération de discours nationalistes ou xénophobes 6, le
gouvernement s’intéresse de plus près aux quartiers en difficulté. On passe alors

5. Début 2000, l’institut de sondage MORI indique que plus de 40 % des personnes résidant
à King’s Cross considéraient que la délinquance est le problème majeur dans le quartier contre
31 % pour l’ensemble du borough. Parmi les crimes et délits, le vol à la tire est, pour 73 % des
personnes interrogées, la principale cause d’insécurité. Selon ce même sondage, 17 % d’entre
elles déclarent ne jamais sortir le soir.
6. En avril 1968, le député Enoch Powell dénonce dans un discours resté célèbre, « Rivers
of Blood », le flot d’immigrés menaçant la Grande-Bretagne en général et la classe ouvrière
anglaise en particulier, discours qui aura un large écho auprès des dockers de Londres.

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DE KING’S CROSS À ST. PANCRAS, LE NOUVEAU QUARTIER DE L’EUROSTAR

d’une politique essentiellement axée sur la planification de l’espace à la prise


en compte de la dimension sociale des problèmes urbains : c’est la création de
l’Inner-City policy 7.
L’Inner-City policy s’inscrit largement dans l’héritage travailliste et de l’État-
providence. Cette politique sert en fait de cadre pour organiser la distribution des
prestations sociales aux personnes les plus touchées par la crise. Le secteur public
est largement mis à contribution et le secteur privé – alors perçu comme la cause
du déclin des villes-centres – n’est pas sollicité comme partenaire. Ainsi les muni-
cipalités et les boroughs sont les principaux interlocuteurs du gouvernement pour
la rénovation des zones en déclin, en particulier dans les villes du Nord ou dans les
quartiers industriels de la capitale. Cette politique sera suivie de la fin des années
1960 jusqu’en 1979.
Les collectivités locales jouent un rôle prépondérant dans la gestion des
services publics, leur rôle étant avant tout de mettre en œuvre la politique de
l’État. Elles possèdent d’importants pouvoirs d’administration, elles sont compé-
tentes dans la gestion des services locaux, lèvent un impôt local (business rates ou
rates community charge) et peuvent mobiliser un savoir, un personnel, vendre des
terrains et des bâtiments. Elles jouissent également d’une certaine légitimité poli-
tique, puisque c’est la seule institution avec le Parlement qui soit élue au suffrage
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universel. Cependant, seul le gouvernement central a le pouvoir de décider de
la marge d’autonomie qu’il souhaite concéder à ces collectivités locales. L’État
reste en effet l’instance qui définit les règles du jeu politique et ce, en fonction
de ses intérêts. Il est ainsi possible pour l’administration centrale d’envisager
des réformes de l’administration locale. La période Thatcher en est un exemple
frappant puisqu’elle n’aura de cesse, au cours de ses trois mandats, d’affaiblir le
pouvoir des collectivités locales.
Au moment même où la Dame de fer engage ses réformes libérales, un certain
nombre de grandes municipalités clés passent, entre 1980 et 1984, à gauche, dont
le Greater London Council qui refuse ouvertement d’appliquer les réformes libé-
Hérodote, n° 137, La Découverte, 2e trimestre 2010.

rales édictées par le gouvernement conservateur en place.


Pour enrayer ce contre-pouvoir grandissant, M. Thatcher n’hésite pas à modi-
fier les structures territoriales pour assurer à son gouvernement la gestion directe
des villes en matière urbaine. Elle justifie cette décision en dénonçant les « excès
budgétaires » du secteur public en général et les « abus de pouvoir » des collec-
tivités locales de gauche en particulier, discréditant ainsi au passage les mairies

7. Le terme d’Inner-City policy n’est pas évident à traduire. Bien que les difficultés
majeures se concentrent essentiellement dans les inner cities à savoir les quartiers centraux des
villes, d’autres quartiers qui connaissent également de graves problèmes socioéconomiques sont
concernés par ces politiques.

99
HÉRODOTE

travaillistes. Elle supprime ainsi les comtés métropolitains 8 dont le Greater London
Council (GLC).
La gestion locale, autrefois dévolue au GLC, passe aux mains des boroughs 9.
La plupart des services sont passés pour l’essentiel au niveau de l’État : logement,
transports en commun, développement économique reviennent désormais au
département de l’Environnement [Chaline, 1991, p. 68].
Margaret Thatcher institue par exemple le Local Government Planning and
Land Act en 1980 qui ouvre les marchés publics au secteur privé, dans le domaine
de la construction et de l’entretien des bâtiments et des routes nationales, ou
encore, en 1988, l’Education Reform Act et le Local Government Housing Act
qui instaurent une compétition pour les services de l’enseignement et les sociétés
publiques de construction de logements sociaux.
Elle cherche à relancer les rénovations locales et détache des fonctionnaires du
département de l’Environnement auprès des autorités locales pour participer, voire
gérer, les projets d’aménagement et de régénération urbains. Elle met en place
des équipes légères capables de conduire efficacement des projets de rénovation
s’inscrivant dans sa politique libérale. Ainsi, au milieu des années 1980, les City
Action Teams et les Task forces sont créés pour encourager l’investissement et
contourner les autorités locales, souvent peu enclines à appliquer les décisions du
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gouvernement central de l’époque.
Par ailleurs, les collectivités locales sont de plus en plus concurrencées par des
structures intermédiaires : les QUANGO (Quasi-Autonomous Non Governmental
Organisations) qui sont souvent de compétence régionale et qui intègrent des
acteurs privés nommés directement par l’État. Les QUANGO ne datent pas de
l’ère Thatcher, mais leur croissance sous son gouvernement est la marque d’une
perte de pouvoir des autorités locales. Ces instances ont été pensées comme des
instruments de la mise en œuvre de la politique de l’État central et se voient donc
attribuer des compétences qui étaient jadis dévolues aux collectivités territoriales.
Ainsi, pour les questions d’aménagement, le gouvernement central n’a plus à

Hérodote, n° 137, La Découverte, 2e trimestre 2010.


s’embarrasser des blocages des autorités locales.
En 1980, le Local Governement Planning and Land Act crée les Urban
Development Corporations (UDC). Le principal but des UDC est de transformer
un quartier dégradé et le rendre, du point de vue physique et économique, favorable
aux investisseurs privés. Les UDC disposent de larges compétences en matière

8. Les comtés métropolitains étaient une sorte d’autorité fédérative au-dessus des boroughs
ou des districts urbains, qui devaient permettre le bon fonctionnement de l’agglomération et
assurer la cohérence des projets d’aménagement.
9. les boroughs peuvent être comparés, d’un point de vue administratif, aux arrondissements
de Paris.

100
DE KING’S CROSS À ST. PANCRAS, LE NOUVEAU QUARTIER DE L’EUROSTAR

d’acquisition foncière, d’autorisation d’urbanisme, d’aménagement et de négocia-


tion avec des partenaires du secteur privé. D’un point de vue politique, les acteurs
de ce programme, nommés par l’État et responsables devant lui seul, n’ont plus
à tenir compte du droit local en matière d’urbanisme. Par suite, s’affranchissant
des contraintes qu’impose la démocratie locale londonienne, les conservateurs
obtiennent les pleins pouvoirs et demeurent les seuls maîtres à bord. D’un point de
vue économique, l’UDC avantage les promoteurs et les investisseurs sur le plan
de la fiscalité. Le programme est d’abord axé sur l’acquisition de terrains qui seront
ensuite mis à la disposition du secteur privé. Il encourage le maintien et le dévelop-
pement des activités économiques, anciennes comme nouvelles, et, pour ce faire,
est alimenté par des subventions importantes de la part du gouvernement central.
Comme c’est ce même gouvernement qui nomme les représentants du secteur privé,
il s’agit d’une action en boucle dont sont totalement exclues les autorités locales qui
n’ont, par voie de conséquence, plus aucun droit de regard sur ce secteur clé qu’est
l’aménagement urbain de leur propre territoire [Allmendinger, 1998].
La suppression de tous les organismes de planification du territoire, l’affaiblis-
sement des pouvoirs locaux en matière de décision urbanistique et la création de
l’UDC ont effectivement donné aux promoteurs une très grande liberté d’action.
L’argent public a servi à rendre plus attrayantes des zones jusqu’alors aban-
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données. L’aménagement des Docklands est sans doute le meilleur exemple de
rénovation issue de ce programme.

Projet Foster pour King’s Cross : une annexe de la City


En 1986, avec la déréglementation du marché financier, la City est saturée et
les promoteurs cherchent toujours plus de surface à aménager. Les investisseurs
sont à la recherche d’espace proche du cœur économique de Londres : comme le
site Canary Wharf qui s’étend à l’est, sur la Tamise, ou les 54 hectares du King’s
Cross Railway Land dans l’inner city.
Hérodote, n° 137, La Découverte, 2e trimestre 2010.

Pour un grand nombre d’investisseurs, King’s Cross est un quartier intéressant.


Bien situé dans la capitale, le quartier dispose d’un vaste espace constructible dont
le prix du terrain reste faible au regard de la dégradation du quartier. Par ailleurs,
l’arrivée supposée de l’Eurostar offre un potentiel non négligeable et permet aux
promoteurs de vendre l’image d’un quartier aux portes de l’Europe.
D’un point de vue politique, Margaret Thatcher encourage les investisseurs.
La compagnie de chemin de fer British Rail, encore nationalisée à l’époque,
est propriétaire de la majorité du terrain de la friche de King’s Cross. Il s’agit
donc pour le Premier ministre de favoriser la vente des terrains pour financer la
mise en route du projet de l’Eurostar et, dans le même temps, faciliter la vente
de terrains nationaux pour les investisseurs privés. L’opération vise également à
101
HÉRODOTE

dénoncer la politique de la gauche locale. Le borough sur lequel est situé le King’s
Cross Railway Land est le borough de Camden, traditionnellement travailliste.
Cet aménagement local d’ampleur nationale sera donc, selon elle, le témoin de
la réussite des conservateurs en matière urbaine et, par conséquent, de l’échec
des travaillistes, incapables en leur temps d’engager et de mener à bien cette
revitalisation.

Le projet Foster : une « City office » à King’s Cross


Sous l’impulsion du gouvernement, Dick Keegan, directeur de projet de la
British Rail, lance un concours d’architecture pour l’aménagement du King’s
Cross Railway Land et d’une gare. C’est le projet de Norman Foster, architecte de
renommée internationale, qui est retenu. Il prévoit d’enterrer le terminus Eurostar
sous la gare de King’s Cross et d’édifier, entre les deux gares, sur l’emplacement
du Great Northern Hotel, un édifice en glaces pour les voyageurs en transit avec de
nombreux commerces à l’image des grands aéroports.
L’autre grande idée de ce projet est de créer « une ville dans la ville » sur les
54 hectares de terrain. Ce nouvel espace urbain, dominé par deux grandes tours
jumelles de 44 étages essentiellement constitués de bureaux, est envisagé comme
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s’organisant autour d’un parc ovale. Pour participer à la construction du site,
Foster a prévu d’inviter huit des plus grands architectes du moment, chacun devant
s’attacher à la réalisation d’un édifice, entre autres : Renzo Piano, Richards Rogers,
le Français Jean Nouvel [Bertolini, Spit, 1998, p. 180-205]. En invitant ces hautes
personnalités, Norman Foster espère faire de son projet l’un des plus prestigieux
de son époque.
Les propriétaires, les promoteurs et les architectes n’ont accordé, dans leur
schéma de réflexion, qu’une part minime à la population. En Angleterre, tous
les projets d’aménagement, y compris ceux qui sont entièrement financés par le
secteur public, ont l’obligation de consacrer une part du budget qui leur est imparti

Hérodote, n° 137, La Découverte, 2e trimestre 2010.


au secteur social, en construisant soit une école, soit un parc, soit des logements.
Dans le plan Foster, la part réservée à la population autochtone est minime et
localisée en marge du schéma. L’habitat social prévu est en effet situé à l’extrême
nord-ouest du King’s Cross Railway Land, entre deux lignes ferroviaires.
Ce projet a le soutien des propriétaires qui souhaitent réaliser un maximum de
profit, et celui de l’État. Le pouvoir local, rendu inopérant par un gouvernement
autoritaire et écrasé par le prestige de l’architecte urbaniste Foster, n’a d’autre
choix que de se résigner et l’enquête publique est faite sans passer par le borough
de Camden.
Dans le cadre des débats démocratiques en matière urbaine, traditionnels en
Angleterre, Foster a très tôt invité les habitants à une présentation publique de
102
DE KING’S CROSS À ST. PANCRAS, LE NOUVEAU QUARTIER DE L’EUROSTAR

son masterplan. En optant pour la stratégie de la « transparence », il prévient les


objections et compte bien s’attirer les faveurs des résidents.
L’exposition est en effet construite de façon à convaincre les habitants qu’ils
sont au centre des préoccupations des urbanistes. Rien n’a été laissé au hasard :
prospectus en couleurs, panneaux grand format, maquettes soignées, photos,
croquis, etc. Les espaces verts sont mis en lumière puisque faisant partie des
principales revendications des habitants de King’s Cross. Pour cela, il ne faut
surtout pas mettre en valeur les immeubles de bureaux, mais l’environnement.
Les couleurs utilisées dans le masterplan sont à cet effet bien choisies. La gamme
de tons varie du vert clair au vert foncé avec quelques encadrements de brun ;
quelques touches de jaune figurent les immeubles et un bleu pâle dessine le Regent
Canal. Le plan est vu d’en haut, perpendiculairement, ce qui élimine presque, en
les aplatissant, la perspective des buildings. Alors qu’en réalité cet espace forme
un quartier d’affaires, annexe de la City, où la place réservée aux résidents reste
finalement minime.
En dépit de ces images hautes en couleur, une partie de la population s’est vite
rendu compte de la supercherie et a dénoncé l’absence d’une véritable politique
d’aménagement au niveau local. La population s’organise alors en association et
crée le King’s Cross Railway Land Group.
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Les habitants de King’s Cross : acteurs incontournables de la rénovation
du quartier

Près de 400 personnes, résidents, commerçants, membres d’associations du


quartier, sont réunies au Theatro Technis, petit théâtre local de King’s Cross,
pour s’entretenir du devenir de leur quartier. Nous sommes en 1987, une rumeur
circule depuis peu sur un projet d’aménagement du King’s Cross Railway Land, et
personne dans le quartier n’a, semble-t-il, été consulté 10.
Hérodote, n° 137, La Découverte, 2e trimestre 2010.

Certains relatent les écrits de la presse nationale – jusque-là unique source


d’information sur le sujet – qui expliquent que la British Rail souhaite vendre
ses terrains afin d’autofinancer la construction d’un terminus Eurostar en gare
de King’s Cross. D’autres commentent le projet de construction de bureaux. Les
uns pestent contre le gouvernement, les autres dénoncent un nouveau « projet
Docklands ». Tous sont prêts à s’organiser pour se faire entendre. Car ni le gouver-
nement ni la British Rail – à l’époque toujours entreprise publique – n’ont pris la
peine de les consulter ni même de les informer.

10. Source : archives du King’s Cross Railway Lands Group, KCRLG, disponibles pour
partie sur le site : http://www.kxrlg.org.uk

103
HÉRODOTE

Pour le Premier ministre, Margaret Thatcher, cet espace est simplement un


terrain disponible dans une capitale qui manque alors cruellement de bureaux,
indispensables au développement du secteur tertiaire.
Si, pour Margaret Thatcher, la sidérurgie et l’industrie sont révolues, pour les
Britanniques issus de la classe ouvrière comme le sont la plupart des habitants de
King’s Cross, cela ne va pas de soi. Au milieu des années 1980, les représentations
politiques sont encore guidées par un certain bipolarisme idéologique. Pas facile
donc, pour les habitants de King’s Cross traditionnellement de gauche, d’accepter
un aménagement porté par un gouvernement conservateur qui prône une régénéra-
tion urbaine libérale. Ainsi, la lutte entre les habitants et le gouvernement Thatcher
n’est pas seulement une lutte du local contre l’État ou du local contre le global,
elle s’inscrit aussi dans le tournant politique qu’est en train d’opérer le pays.
La construction du Channel Tunnel Rail Link (société Eurostar du côté britan-
nique) est perçue par un certain nombre d’habitants du quartier comme une
décision prise à un échelon politique supérieur, celui de l’Europe, sans consultation
des premiers concernés : ceux qui y vivent [Deckha, 2003]. Cette représentation du
géant européen venant imposer ses vues à la population d’un vieux quartier indus-
triel sera l’un des éléments de cohésion de la population. Par ailleurs, ce quartier
qui vote traditionnellement à gauche n’apprécie pas de voir le gouvernement
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libéral de Margaret Thatcher, en accord avec un secteur privé dérégulé, penser
le quartier sans ses habitants. Le scénario ressemble trop à celui des Docklands.
L’association prend d’ailleurs contact avec un groupe de résidents des Docklands
pour étudier toutes les luttes menées par d’autres associations au Royaume-Uni.
Un premier groupe de pression se constitue en 1989 et forme le King’s Cross
Conservation Areas Advisory Committee. Ses membres appartiennent à différentes
sociétés de défense du patrimoine. Ensemble, ils produisent un rapport détaillé sur
la valeur historique et architecturale de ce quartier et le soumettent aux autorités
locales en charge du patrimoine à Camden. Leur but est de montrer que certaines
zones méritent effectivement d’être régénérées et d’autres, protégées. Ce rapport

Hérodote, n° 137, La Découverte, 2e trimestre 2010.


reçoit alors le soutien des historiens de l’English Heritage, en charge de la protec-
tion des édifices historiques en Angleterre, et de la célèbre Victorian Society.
Pour le KXRLG (King’s Cross Railway Land Group) comme pour le King’s
Cross Conservation Areas Advisory Committee, l’architecte Foster a tort de penser
l’espace du Railway Land comme un territoire uniforme qu’il faut aménager en
faisant table rase de son passé industriel, pour en faire « a new European commer-
cial and financial center for London » (un nouveau centre européen, commercial
et financier, pour Londres). Si le borough de Camden n’a pu que s’incliner face
aux pressions gouvernementales, pour autant, une large partie du financement du
KXRLG provient du borough, ce qui montre que la mairie soutient malgré tout
l’association.
104
DE KING’S CROSS À ST. PANCRAS, LE NOUVEAU QUARTIER DE L’EUROSTAR

Quelques mois plus tard, le KXRLG présente donc à son tour un masterplan,
Alternative Development Scenario, opposé à celui de Norman Foster. Le KXRLG
démontre qu’enterrer l’Eurostar sous la gare de King’s Cross est bien trop coûteux
et suggère donc d’aménager la gare voisine, Saint Pancras, sous-utilisée et en
déclin constant. Cette nouvelle proposition a le soutien de la population et des
autorités locales. L’atout de l’association ne réside pas seulement dans la sympa-
thie qu’elle suscite. Le dossier est établi par un certain nombre de spécialistes,
car il faut compter, dans le quartier, avec la présence de la Bartlett School of
Architecture, une école d’architecture dont un certain nombre de professeurs
se mobiliseront également. Face à ce dossier solidement construit, le Parlement
décrète l’ajournement du projet pendant trois ans et la British Rail doit ainsi revoir
sa copie.
Michael Parkes, expert sur les opérations de gentrification, devient consultant
de l’association à partir de 1990 et propose un véritable projet d’aménagement
pour le site : Planning for Real. Il met en place une maquette de la zone à aménager
et propose des cartes de couleurs permettant d’identifier maisons, immeubles
sociaux, espaces de loisirs, bureaux, commerces, etc. La population vote ensuite
pour ce qu’elle souhaite voir construire, au moyen de la petite carte colorée.
S’ajoutait un questionnaire qui demandait, par ordre de priorités, quels étaient les
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besoins de la population locale dans un schéma de rénovation, exercice qui a été
reproduit auprès des enfants de tous les collèges et lycées locaux. Les résultats ont
été publiés dans The People’s Brief.
Parkes présente ainsi au Parlement une proposition alternative solide répondant
à la demande de la population locale. Il réclame dans le même temps un audit pour
savoir si le London Regeneration Consortium est bien en capacité de financer le
projet Foster dans la mesure où la conjoncture de l’époque voit la vente de bureaux
décliner. Les promoteurs en conviennent, en conséquence le Parlement refuse le
projet de « City Office » et ne permet pas la construction du terminus Eurostar sous
la gare de King’s Cross [Deckha, 2003].
Hérodote, n° 137, La Découverte, 2e trimestre 2010.

Ce ne sont pourtant pas les pressions populaires qui ont entravé le projet Foster.
Celui-ci reposait sur la bonne santé du marché immobilier et de l’économie en
général. Or, le krach boursier de 1987 a entraîné une perte de confiance des inves-
tisseurs. Du jour au lendemain, les projets tertiaires, dans le pays en général et à
Londres en particulier, sont jugés inutiles et surabondants. Les banques sont de
moins en moins disposées à investir et les promoteurs se retirent. En conséquence,
le projet Foster est abandonné.

105
HÉRODOTE

Nouveau contexte politique, nouveau programme de développement urbain :


le partenariat public-privé à l’anglaise

John Major, qui succède à Margaret Thatcher, est obligé en matière urbaine
de restituer une partie des pouvoirs aux boroughs, puisque le programme UDC a
montré ses limites. Major s’oriente donc vers une solution de compromis avec le
programme City Challenge fondé sur la valorisation du partenariat public-privé et
conciliant l’initiative locale et le financement des programmes en fonction de leurs
mérites évalués par le gouvernement.
En 1994, le gouvernement conservateur poursuit sa politique urbaine en propo-
sant le Single Regeneration Budget qui regroupe les subventions des différents
ministères en un seul budget. Ainsi, l’État finance vingt programmes SRB dont
chacun bénéficie d’une enveloppe budgétaire de 35 millions de livres sterling pour
financer la mise en place de projets locaux de revitalisation urbaine, sous la forme
d’un partenariat. Un concours, sur la base d’un cahier des charges, a permis à
l’État de sélectionner une trentaine de projets, dont celui concernant King’s Cross
porté par le King’s Cross Partnership (KXP). Le gouvernement financera ce parte-
nariat sur une durée de cinq ans. En contrepartie, celui-ci sera chargé de mobiliser
tous les acteurs et de définir les limites du quartier à rénover, afin d’établir les
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priorités dans le projet de réhabilitation de la zone.
Ce nouveau programme permet aux autorités locales d’accéder aux différentes
étapes de la procédure. La victoire écrasante des travaillistes aux élections muni-
cipales de 1994 permet à ces derniers de conduire la majorité des partenariats
de Londres.
Les travaillistes au pouvoir dans les boroughs de Camden et d’Islington
présentent donc au gouvernement un projet pour rénover le quartier de King’s
Cross. Ce projet ne se limite plus à la friche industrielle du King’s Cross Railway
Land – comme le projet Foster – mais couvre une surface cinq fois plus étendue

Hérodote, n° 137, La Découverte, 2e trimestre 2010.


englobant les rues les plus dégradées du quartier. Cette politique contractuelle
entre le pouvoir central et les autorités locales suscite une nouvelle approche
plus globale qui fait appel à tous les acteurs. Ainsi la police, les urbanistes, les
entreprises publiques et privées sont mis à contribution dans cet aménagement.
La revitalisation ne peut en effet être efficace que si elle est faite globalement et en
collaboration. La population est largement consultée, au moyen de questionnaires
et par l’intermédiaire des associations de quartier, en particulier les associations de
minorités ethniques dont le poids démographique représente plus d’un quart de la
population mais qui ne sont que rarement entendues.
L’objectif principal du King’s Cross Partnership est de faire du quartier « non
plus un simple nœud de communication, mais une destination finale, un lieu
106
DE KING’S CROSS À ST. PANCRAS, LE NOUVEAU QUARTIER DE L’EUROSTAR

d’informations et de culture 11 ». Pour ce faire, ce partenariat bénéficie de fonds


alloués par l’État (£37,5 millions) auxquels se sont ajoutés des fonds publics
(£43,6 millions) et des fonds privés (£171,4 millions), soit 251 millions de livres.
Le Channel Tunnel Rail Link a, lui, investi 2 milliards de livres pour l’aména-
gement de la gare et des voies ferrées. Le King’s Cross Partnership hérite d’une
situation qui, pendant dix ans, a contribué à la dégradation de la zone et à l’aug-
mentation de la criminalité.

L’évolution de la criminalité : facteur de coordination des administrations locales

L’année 1992 est marquée par un pic de violence dans le quartier. C’est aussi
une période de troubles consécutive à la peur du sida et à l’impuissance mondiale
face au phénomène, dans un quartier fatalement plus touché du fait de la présence
des prostitué(e)s et des drogués. C’est dans ce contexte tendu qu’un enfant jouant
dans un bac à sable se pique avec une seringue. Les mères du quartier laissent alors
exploser leur colère et bloquent, avec enfants et poussettes, Euston Road, cette
rocade qui fait le tour de Londres (cf. carte 1). Elles exigent des mesures immédiates
contre la criminalité, les prostituées, les dealers et les drogués. Cette « manifestation
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de poussettes » émeut une grande partie de l’opinion qui s’insurge d’une telle dégra-
dation sans protection ni surveillance à quelques minutes seulement du plus grand
centre financier du monde, la City, placé, lui, sous haute surveillance.
Cette manifestation à King’s Cross s’inscrit dans un débat plus large sur la
prostitution à Londres. Au début des années 1990, outre King’s Cross, les quartiers
de Paddington, Stoke Newington, Mayfair, Streatham et Soho sont confrontés
à des problèmes de prostitution relativement similaires. À l’époque, on estime,
dans l’Inner London, que plus de 600 prostituées travaillent dans la rue, 2 000 à
la maison et 500 comme hôtesses dans les bars, en particulier dans le West End
[Hubbard, 2004].
Hérodote, n° 137, La Découverte, 2e trimestre 2010.

La première réponse apportée à la mobilisation des mères de King’s Cross


sera l’établissement d’une coordination des différents corps de police du quar-
tier, prémices à une coopération administrative entre les boroughs de Camden et
d’Islington 12.
L’administration locale, coupée de son pouvoir décisionnel à la suite de la
politique de Thatcher sur les autorités locales, s’avoue incapable de faire face à

11. Interview des auteurs de Cities on Rail avec les responsables du King’s Cross
Partnership.
12. Entretien avec Gary Buttercase, sergent de police chargé de coordonner les forces de
police dans le SRB, le 15/12/1999.

107
HÉRODOTE

la situation ; par suite, la police est la première à répondre à la crise qui sévit dans
le quartier. Les forces de l’ordre d’Islington et de Camden décident de créer une
seule et même équipe chargée d’agir autour des deux gares et dans les rues adja-
centes sur un demi-mile, afin de déjouer l’obstacle des barrières administratives
des deux boroughs. La police du tube (British Transport Police) renforce cette
opération. Il faudra pourtant attendre 1995, date de la mise en place du King’s
Cross Partnership, pour que des mesures se concrétisent véritablement.
Tout se consolide, un an après le vote (au Parlement, en 1994) du projet d’amé-
nagement d’une seconde gare Eurostar qui viendra s’ajouter à celle de Waterloo.
La gare de St. Pancras, sous-utilisée, semble être un bon compromis, moins
onéreux que le premier choix de King’s Cross, tout aussi bien situé, qui aura en
outre l’avantage de redonner vie à cet édifice classé.

Changer l’image du quartier de King’s Cross 13

L’un des objectifs principaux de ce partenariat est sans aucun doute d’essayer
de redorer l’image de King’s Cross. Le King’s Cross Partnership a largement
misé sur le développement de l’hôtellerie et du tourisme en raison de l’arrivée
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de l’Eurostar. La force de ce type de partenariat réside essentiellement dans la
possibilité et dans la fréquence de communication des acteurs. La police et les
urbanistes s’efforcent donc de coopérer, conscients que la dégradation favorise la
criminalité et vice versa.
Cette coopération s’effectue souvent par tâtonnements. Ainsi, après avoir
condamné avec des plaques de tôle les ouvertures des bâtiments abandonnés afin
d’en empêcher l’accès, la police a demandé aux urbanistes d’ouvrir au contraire
tous les espaces fermés. En effet, l’expérience a montré que la condamnation des
issues, censée empêcher squatters, dealers ou prostituées d’investir les locaux, n’a
pas rempli sa fonction. Au contraire, après avoir forcé les ouvertures, les squatters

Hérodote, n° 137, La Découverte, 2e trimestre 2010.


pouvaient installer là leur trafic en toute tranquillité et hors de vue de la police,
à proximité du lieu principal de rencontre avec la « clientèle ». La police locale
demande donc aux urbanistes de la municipalité de démurer tous les bâtiments
abandonnés.
Un autre exemple encore plus frappant de la coordination de la police et des
urbanistes est la rue d’Argyle Square. Jusqu’en 1998, cette petite rue étroite et sans
attrait particulier à première vue était sans doute la plus congestionnée de toute
la capitale. La police et les urbanistes ont conjugué leurs efforts pour trouver une

13. Interview de Judy Sugg, responsable du secteur publicité et communication pour la pro-
motion du quartier, le 15 décembre 2000.

108
DE KING’S CROSS À ST. PANCRAS, LE NOUVEAU QUARTIER DE L’EUROSTAR

solution à ce problème et ont proposé de paver cette rue, d’en fermer l’accès aux
véhicules et de l’éclairer 14.
Le King’s Cross Partnership a créé en 2000, à l’emplacement du parking
longeant la gare de King’s Cross, une sorte de marché couvert avec une vingtaine
de petites boutiques, afin de recréer un pôle de commerces dans le quartier et de
supprimer physiquement ce parking investi par les prostituées et, par suite, de faire
la démonstration concrète de l’efficacité du King’s Cross Partnership.
De même, l’installation d’une quarantaine de caméras de vidéosurveillance
pour filmer les points chauds du quartier doit permettre une diminution de la crimi-
nalité et surtout permettre de rassurer la population. Les commerçants d’Euston
Road ont, par exemple, noté une nette amélioration de la sécurité à l’intérieur et à
l’extérieur de leurs magasins, comme en témoignent les entretiens que nous avons
pu avoir avec une dizaine d’entre eux. Pourtant, ce bilan reste relatif car, pour une
partie de la population, ces caméras vidéo n’ont fait que déplacer le problème. Les
dealers et les drogués ont quitté Euston Road, particulièrement surveillée, pour
aller s’installer dans les rues adjacentes : la Caledonian Road, la Caledonian Street
et la York Way. Ainsi une nouvelle géographie de la criminalité s’est dessinée dans
le quartier au début des années 2000.
Malgré la mise en place de cette collaboration entre les différents acteurs, la
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rénovation du quartier se heurte pourtant à deux obstacles : d’une part, l’arrivée de
l’Eurostar soumise à la décision finale de la société Railtrack chargée de financer
et de construire la nouvelle ligne Eurostar ; d’autre part, au type d’aménagement
des 54 hectares. L’arrivée de l’Eurostar en gare de St. Pancras conditionne les
investissements et les investisseurs.

Politique urbaine de Tony Blair

L’arrivée de Tony Blair au pouvoir en 1997 n’aura pas de conséquences


Hérodote, n° 137, La Découverte, 2e trimestre 2010.

notables et immédiates pour le quartier : le King’s Cross Partnership est déjà


en place depuis 1996 et son financement, le Single Regeneration Budget, court
jusqu’en 2001. Pour autant, les objectifs du SRB sont redéfinis, en particulier avec
la prise en compte plus importante des minorités ethniques dans les projets et les
financements.
En 2001, le gouvernement travailliste lance un nouveau programme intitulé :
Neighbourhood Renewal Strategy 15 (NRS) [Cabinet Office, 2001] dont le borough

14. Visite du quartier avec Gary Buttercase, le 20 novembre 1999.


15. Ce programme ne s’applique pour le moment qu’à l’Angleterre.

109
HÉRODOTE

de Camden sera l’un des bénéficiaires. Cette nouvelle manne financière permettra
aux acteurs locaux de King’s Cross de poursuivre leurs actions tout en s’adaptant
aux nouvelles directives du gouvernement New Labour.
Les actions menées avec le financement du NRS à King’s Cross diffèrent peu
de celles qui étaient menées avec le financement du SRB mais les limites territo-
riales du projet, le rôle de municipalité et la prise en compte de certains groupes
de population comme les minorités ethniques marquent un changement notable
comparé à ses prédécesseurs conservateurs.
Le changement de philosophie politique entre les conservateurs et les néotra-
vaillistes se perçoit dans la différence de langage pour nommer les politiques
urbaines des deux partis.
Ainsi, dans le cadre des politiques de la ville, les tories parlent de « City
Challenge », de « Urban Development Corporation », de « Challenge Fund », un
vocabulaire qui fait clairement référence à l’économie et à la concurrence. Tandis
que les blairistes utilisent un tout autre vocabulaire : « New Deal for Communities »,
« Community Empowerment Fund », « Community Chest » ou « Neighbourhood
Renewal Strategy » et « Neighbourhood Management Programme », termes qui
insistent notamment sur l’idée de communauté locale ou de voisinage. On retrouve
ici nettement l’idée d’inclusion sociale.
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La prise en compte des communities marque un tournant dans les politiques
sociale et urbaine qui sont désormais liées. L’un des chevaux de bataille de Tony
Blair fut de mettre en place les outils et les fonds pour favoriser la démocratie
participative et l’implication de tous les groupes, en mettant particulièrement
l’accent sur la participation des groupes ethniques et religieux (populations de
couleur et musulmans qui sont majoritaires).

Local Strategic Partnership (LSP) ou la démocratie participative


du développement local

Hérodote, n° 137, La Découverte, 2e trimestre 2010.


Cette politique urbaine met donc l’accent sur les zones défavorisées d’Angleterre
avec l’idée que ce sont les habitants eux-mêmes qui doivent déterminer ce dont ils
ont besoin, d’où la mise en place du Local Strategic Partnership (LSP). L’un des
objectifs du LSP est de déterminer les quartiers ou les zones prioritaires à l’échelle
du borough. Pour cela, il doit permettre de coordonner un certain nombre d’acteurs
locaux, régionaux et nationaux. Ainsi, les membres du LSP doivent être constitués
d’habitants ou de représentants des différentes communautés, associations, commu-
nautés religieuses (qui sont, selon le gouvernement, souvent celles qui touchent les
plus exclus), secteur privé, conseillers municipaux, enfin responsables des différents
services publics (autorités locales, responsables d’écoles et de lycées..., représentants
110
DE KING’S CROSS À ST. PANCRAS, LE NOUVEAU QUARTIER DE L’EUROSTAR

locaux du Learning and Skills Council, du secteur de santé, du Small Buisness


Service, de la Regional Development Agency, du Government Office for Region).
L’un des rôles importants du LSP est de trouver les moyens de développer la
participation des groupes communautaires. Pour cela, le gouvernement a mis des
fonds à la disposition du LSP : le Community Empowerment Fund pour favoriser
l’implication des groupes communautaires ethniques et religieux. Le fonds est de
54,6 M d’euros (£35 M) sur trois ans (soit 624 000 euros par an) pour financer des
réunions de quartier.
Cette Strategy met également l’accent sur le thème de la sécurité et de la qualité
des espaces publics, par la multiplication de la télésurveillance et la reconfigura-
tion de l’éclairage, mais aussi par le développement d’une nouvelle fonction de
conciergerie urbaine (street wardens).
Ce programme vise enfin au développement des entreprises qui s’implantent
dans ces quartiers défavorisés (Urban regeneration Companies, City Growth
Strategy : pour les quartiers centraux), à la formation des exclus, à l’orientation
des jeunes.

Le choix des zones défavorisées : Neighbourhood Renewal Strategy


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Le choix des zones prioritaires a été établi en deux étapes : dans un premier
temps, on détermine les autorités locales qui possèdent une forte concentration de
populations défavorisées puis, dans un second temps, quels sont, dans la munici-
palité considérée, les territoires les plus défavorisés ou deprived 16.
Sur les 354 autorités locales qui composent l’Angleterre, 88 ont été identi-
fiées comme pouvant bénéficier du programme NRS. Londres regroupe un certain
nombre de boroughs particulièrement défavorisés comme ceux de Tower Hamlet,
de Hackney, ou encore de Camden.
Ainsi, Camden a été identifié à la 56e position, parmi les autorités locales les
plus défavorisées, et a donc bénéficié du programme NRS. Pour cela, ce borough
Hérodote, n° 137, La Découverte, 2e trimestre 2010.

a dû identifier sur son territoire les zones d’intervention prioritaire. L’avantage de


ce programme réside dans le fait que les municipalités peuvent choisir des zones
d’action à la fois à l’échelle des wards ou du quartier, du voisinage (neighbour-
hood) ou même à une échelle beaucoup plus fine, celle de la poche de pauvreté.

16. Ce terme de « défavorisés » est une traduction du terme anglais « deprived » qui a une
signification bien particulière au Royaume-Uni et qui correspond à une mesure statistique pré-
cise en Angleterre. Cet indice de « deprivation » est établi à partir de six indicateurs : « Income
Deprivation », « Employment Deprivation », « Health Deprivation and Disability », « Education,
skills and training Deprivation », « Housing Deprivation » et « Geographical Access to Services ».

111
HÉRODOTE

CARTE 3. – LES NRS


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Les limites de l’ancien SRB de King’s Cross n’ont pas été reconduites. Camden a

Hérodote, n° 137, La Découverte, 2e trimestre 2010.


déterminé pour sa part dix Neighbourhood Renewal Areas définies dans le rapport
de mars 2000, Neighbourhood Regeneration Study, en fonction des critères de
l’indice de déprivation ou encore par la présence particulièrement élevée de mino-
rités ethniques sur telle ou telle zone.
En plus des analyses statistiques, le borough de Camden a mené des études
sur les entreprises, le niveau de formation et la perception de la qualité de vie des
populations locales. Ainsi, dix zones ont été établies comme prioritaires et, sur
plusieurs indicateurs, se démarquent des quartiers favorisés (Hampstead Town,
Belsize, Frognal...).
Le budget alloué à Camden par le NRS est de 9,4 millions de livres sur trois
ans, ce qui reste un chiffre très relatif au regard du budget de Camden qui, en
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DE KING’S CROSS À ST. PANCRAS, LE NOUVEAU QUARTIER DE L’EUROSTAR

2002-2003, est de 276 millions de livres et les investissements de 386 millions de


livres, dont 244 millions pour l’amélioration du parc de logements.

Volonté d’impliquer les minorités ethniques dans les nouveaux programmes


urbains

La Strategy insiste sur l’implication des communautés locales, c’est pourquoi


une partie de ces programmes (comme le Neigbourhood management) vise des
échelles spatiales encore plus fines que celle des wards, afin de traquer les petites
poches de pauvreté (postcode poverty) et œuvrer au plus près des résidents.
Les minorités ethniques sont particulièrement visées par cette politique
puisque plus de 70 % d’entre elles vivent dans ces quartiers. La mise en place de
ce programme urbain est d’ailleurs liée aux problèmes que certaines villes ont eu
à connaître durant l’été 2001, avec des affrontements interethniques très violents.
Ainsi le Neighbourhood Renewal Community Chest 17, caisse communautaire pour
la régénération des quartiers, doit aider financièrement à se rencontrer les indi-
vidus ou les groupes communautaires situés dans les 88 autorités locales les plus
défavorisées, déterminées par le gouvernement. Ce fonds s’adresse avant tout
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aux communautés qui sont en général difficiles à atteindre comme les minorités
ethniques, raciales ou religieuses, les jeunes, les personnes âgées, les réfugiés...
Il doit permettre de financer des manifestations sportives ou culturelles,
l’impression de bulletins d’information locale, la rénovation de locaux pour les
communautés, ou encore des activités très ponctuelles comme la garde des enfants,
pour que les parents puissent participer aux réunions de quartier. Le montant des
subventions est relativement faible puisqu’il oscille entre 50 et 5 000 livres, mais
doit être suffisant pour donner l’envie de coordonner des projets entre les diffé-
rents groupes du quartier.
Tous les programmes en lien avec la Strategy sont, on l’a vu, évalués par le
Hérodote, n° 137, La Découverte, 2e trimestre 2010.

gouvernement. L’une des conditions de cette évaluation est la participation des


minorités ethniques. Ainsi le gouvernement a introduit une base de données natio-
nales qui permet de contrôler la composition ethnique des partenariats ainsi que
d’évaluer les avantages que ces minorités retirent de ces partenariats. Un audit
indépendant peut aussi être mis en place pour faire apparaître les carences, mais
également les bonnes pratiques qu’il faut diffuser.
Le borough de Camden a donc bénéficié des fonds NRS et a déterminé un
certain nombre de zones. Ainsi, trois NRA découpent désormais l’ancien territoire

17. www.neighbourhood.gov.uk, dans la section Neighbourhood Renewal Community


Chest, texte proposé sur le site en français. Site visité le 15 juin 2004.

113
HÉRODOTE

du SRB. Ces trois NRA sont des territoires géographiques particuliers, aux
problématiques socioéconomiques différentes, mais, dans chacun d’entre eux, la
criminalité et la délinquance des mineurs sont un problème de fond.
La municipalité de Camden doit faire face à l’évolution rapide de la crimi-
nalité : aux questions de prostitution et de drogue se sont ajoutées des rivalités
entre bandes de jeunes Blancs et Bangladeshis, puis entre bandes rivales de cette
dernière communauté. Si les fonds octroyés par le NRS visent les zones défavori-
sées, ils visent également à lutter contre la délinquance juvénile qui se développe
souvent dans ce type de quartier.

Le nouveau plan d’aménagement pour la friche : l’« Argent Scheme »

En 2000, un nouveau partenariat d’aménagement a repris en charge le projet


King’s Cross. Désormais connue sous le nom de King’s Cross Central, la friche
industrielle située juste derrière les gares de King’s Cross et Saint Pancras allait
être aménagée par un consortium réunissant les propriétaires, les London and
Continental Railways (LCR), avec la chaîne d’approvisionnement de DHL et, au
titre d’aménageur, Argent St. George. Les premiers plans ont été publiés en 2001
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et le projet principal a pris le nom d’« Argent Scheme ».
Trois types de facteurs ont déterminé la progression des plans d’aménagement
depuis 2001. Tout d’abord, l’investissement dans les infrastructures de transport.
Un investissement conséquent pour la construction à St. Pancras du terminus du
CTRL (maintenant appelé High speed 1) a fourni l’élan commercial au programme
de réaménagement. Bien que son ouverture n’ait pas été prévue avant 2007, Argent
a établi son planning dans le contexte de la nouvelle gare internationale. En 2005,
la décision de confier les jeux Olympiques de 2012 à Londres a amené d’autres
investissements pour les infrastructures, dont les trains à grande vitesse Javelin
shuttle pour transporter les spectateurs du centre de Londres au Parc olympique.

Hérodote, n° 137, La Découverte, 2e trimestre 2010.


Argent pouvait dès lors envisager un aménagement conséquent et prestigieux
autour de cette nouvelle infrastructure internationale. Avec un plan de dévelop-
pement pour la phase 1 arrivant à échéance en 2012, suivi par huit à douze ans de
travaux supplémentaires.
La deuxième série de facteurs renvoie au nouveau contexte des décisions
de politique urbaine et d’aménagement à Londres. Les plans d’Argent ont été
élaborés avec en toile de fond les ambitions du gouvernement travailliste pour une
« renaissance urbaine » et la nouvelle priorité donnée aux aménagements à usage
unique et à la création d’espaces publics et d’immeubles « verts » exemplaires.
Alors que vingt ans auparavant les plans pour King’s Cross proposaient plus
de 700 000 m2 de bureaux, cet espace commercial était cette fois combiné à des
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DE KING’S CROSS À ST. PANCRAS, LE NOUVEAU QUARTIER DE L’EUROSTAR

logements, une université et divers autres usages. Le gouvernement travailliste


a également réclamé une nouvelle approche pour la consultation de la popula-
tion et, comme nous le verrons, Argent s’est engagé activement pour que cette
consultation permette à un large éventail d’acteurs de participer. Le contexte de
politique urbaine a également changé en 2000 avec l’élection d’un maire pour
le Grand Londres, responsable de la planification stratégique pour l’ensemble du
territoire de la métropole. Le Plan pour Londres du maire (2004) donne la priorité
au rôle de Londres comme ville mondiale, ce qui nécessitait une série de projets
significatifs tels que King’s Cross, mais le maire fixait également des normes envi-
ronnementales élevées avec des attentes importantes en matière de consultation de
la population. Le borough de Camden reflétait bien les ambitions du maire comme
les positions du gouvernement sur la renaissance urbaine.
Le troisième type de facteurs tient aux variations économiques qu’ont connues
Londres en général et le quartier de King’s Cross en particulier. Au moment où
Argent planifiait King’s Cross Central, d’autres projets importants étaient en cours
sur des terrains voisins. Le projet du Regent Quarter autour du canal, à l’est de la
friche, a remodelé la physionomie des rues et a attiré des occupants prestigieux
(les journaux le Guardian et l’Observer par exemple). Le borough de Camden
a négocié des contreparties avec le secteur privé en imposant notamment une
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salle de concert et d’autres équipements culturels. L’ouverture de cette nouvelle
zone économique avec de nombreux cafés et restaurants le long du canal a été un
élément positif dans la transformation de King’s Cross.
Mais, de la même manière que King’s Cross a bénéficié du boom de la
construction au début des années 2000, il a également été vulnérable au krach de
2008. Les grands projets urbains de la taille de King’s Cross à Londres sont en
effet particulièrement sensibles aux aléas des marchés financiers.
Le moment choisi pour le projet CTRL a probablement été crucial dans le
maintien de l’intérêt des investisseurs pour l’aménagement de King’s Cross. Il a
effectivement permis de garantir la poursuite, au pire de la crise financière, d’au
Hérodote, n° 137, La Découverte, 2e trimestre 2010.

moins une partie des projets à petite échelle associés à l’aménagement des gares
et des connexions souterraines (400 millions de livres financées par le ministère
des Transports et l’Union européenne) et la rénovation des immeubles classés.
En 2008, le consortium Argent a dû ajouter 400 millions de livres sur ses fonds
propres afin de stabiliser le financement du projet et passer la première vague de
resserrement du crédit.
De ce fait, la phase la plus récente du principal réaménagement de la friche
industrielle est soumise aux investissements dans les transports, au contexte d’une
nouvelle politique et aux inquiétudes persistantes quant aux apports financiers
pour l’aménagement. En d’autres termes, l’histoire de King’s Cross est celle d’une
continuité. Les habitants du quartier ont des besoins sociaux élevés et un regard
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HÉRODOTE

attentif marqué par des années de lutte. Aujourd’hui comme hier, ils veulent avoir
leur mot à dire sur la planification. Leur succès reste limité.

Le projet Argent

Le projet Argent couvre un site de 27 ha et propose un aménagement à usage


mixte de 2 milliards de livres, incluant des espaces de bureaux et de commerces,
des bâtiments et des résidences universitaires, des logements permettant une mixité
sociale (dont 40 % correspondent aux normes municipales de logement « abor-
dable »), des magasins, des écoles et des équipements sociaux, un projet de CHP
(système combiné de chauffage et d’électricité), des piscines, vingt nouvelles rues
et dix nouveaux espaces publics pour rendre plus fluides les déplacements dans le
quartier et lutter contre les coupures urbaines. Camden a réussi à faire en sorte que
l’ensemble des vingt rues aient un statut public et ne soient pas sous contrôle privé,
mais les dix espaces de domaine public pourraient, comme le suggère Edwards
[2009], devenir des lieux consacrés au marché des matières premières. D’autres
travaux prévus concernent des ponts sur les canaux, la réhabilitation d’immeubles
classés, la rénovation des stations de métro et l’installation d’éoliennes. Le site est
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à présent voué véritablement à un usage mixte tandis que, par le passé, il fallait
dédier une partie importante des immeubles à des bureaux afin de financer les
travaux de couverture au-dessus des voies ferrées. Les avantages que le projet
devrait apporter à la population font l’objet d’une négociation entre l’aménageur
et le LBC.
Le borough de Camden a eu le soutien du maire qui reconnaissait l’importance
stratégique de cet espace comme la « porte d’entrée de Londres » et affirmait :
« C’est l’un des sites les plus vastes restant à aménager dans le centre de la capitale
et j’espère que l’aménagement peut enfin débuter après tant d’années de prépara-
tion » [Mayor of London, 2006]. Dans sa déclaration de soutien, le maire souligne

Hérodote, n° 137, La Découverte, 2e trimestre 2010.


aussi le processus ayant abouti à la décision :
L’aménageur a répondu avec imagination à cette opportunité et aux défis posés par
ce site en travaillant étroitement avec toutes les parties prenantes, y compris la Great
London Authority, la London Development Agency, les conseils municipaux de
Camden et d’Islington, et les populations locales afin de s’assurer que nous aurions
une conception de la plus grande qualité possible.

Si les relations d’Argent avec le borough de Camden et la Greater London


Authority sont celles, classiques, d’un aménageur devant prendre en compte
les demandes de son interlocuteur public (exprimées, par exemple, dans de
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DE KING’S CROSS À ST. PANCRAS, LE NOUVEAU QUARTIER DE L’EUROSTAR

nombreuses directives de programmation) [LBC, 2004] et s’engager dans des


négociations serrées, l’approche adoptée par Argent pour les consultations
publiques est assez novatrice. Comme nous l’avons vu, cette partie du centre de
Londres implique la prise en compte des multiples acteurs, en particulier celle de la
population locale. On se souvient en effet que, durant les vingt années de prépara-
tion de l’aménagement et d’expériences de rénovation (y compris les 37,5 millions
de livres investis à travers le SRB en 1996), de nombreux groupes consultatifs ont
été créés. Le commerce local était représenté dans le Business Forum de King’s
Cross. Le Fonds d’aménagement de la population de King’s Cross (King’s Cross
Community Development Trust) a été mis sur pied dans le cadre d’actions de réno-
vation menées plusieurs années auparavant. Le Partenariat pour la sécurité de la
population (Community Safety Partnership) reflète la préoccupation croissante vis-
à-vis de la délinquance et de l’image de la zone, y compris l’opération Welwyn à
la fin des années 1990, qui visait les rues aux alentours des gares. La tactique
d’Argent a été de discuter avec tous les résidents et groupes de populations qui
souhaitaient des informations sur les plans, mais aussi pour éviter l’influence de
quelques « ténors » et « experts » locaux [Imrie, 2009]. Le borough de Camden a
facilité le processus en prenant l’initiative d’un King’s Cross Development Forum
en 2002, au sein duquel de multiples intérêts locaux pouvaient être représentés.
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À travers ce Forum, Argent a pu dégager un consensus sur le projet d’aména-
gement. Des groupes d’individus ont affirmé que peu de choses avaient changé
entre les propositions initiales avancées en 2001 et le plan approuvé en 2006. Pour
l’une des plus anciennes organisations de la population – le King’s Cross Railway
Lands Group, constitué à la fin des années 1980 –, « les intentions ont toujours été
claires : la rénovation ne bénéficierait pas nécessairement à la population locale »
[KXRLG, 2010]. Pour autant, les aménageurs ont pu avancer qu’ils bénéficiaient
localement aussi bien de manifestations de soutien que de critiques. Toujours est-il
que, malgré les critiques locales, l’aménagement de King’s Cross constitue l’occa-
sion pour les principaux acteurs, tant Argent que le maire de Londres ou même le
Hérodote, n° 137, La Découverte, 2e trimestre 2010.

borough de Camden, d’acquérir une stature internationale. Si les aménageurs ont


cherché à inclure résidents et commerçant bien plus que le projet Foster à l’époque
de Margaret Thatcher, c’est bien la portée internationale du projet qui a été et est
déterminante dans la régénération urbaine de ce quartier au cœur de cette ville
mondiale qu’est Londres.

117
HÉRODOTE

Bibliographie

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www.kxrlg.org.uk.
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Hérodote, n° 137, La Découverte, 2e trimestre 2010.

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