Vous êtes sur la page 1sur 3

Transfusion

L’œil du cinéaste
André S. Labarthe
Dans Études théâtrales 2010/3 (N° 49), pages 177 à 178
Éditions L'Harmattan
ISSN 0778-8738
ISBN 9782930416328
DOI 10.3917/etth.049.0177
© L'Harmattan | Téléchargé le 22/02/2024 sur www.cairn.info (IP: 103.151.172.95)

© L'Harmattan | Téléchargé le 22/02/2024 sur www.cairn.info (IP: 103.151.172.95)

Article disponible en ligne à l’adresse


https://www.cairn.info/revue-etudes-theatrales-2010-3-page-177.htm

Découvrir le sommaire de ce numéro, suivre la revue par email, s’abonner...


Flashez ce QR Code pour accéder à la page de ce numéro sur Cairn.info.

Distribution électronique Cairn.info pour L'Harmattan.


La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le
cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque
forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est
précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.
André S. Labarthe

Transfusion
L’œil du cinéaste

J’ AI LONGTEMPS détesté le théâtre – la sinistre odeur des planches ! Je


l’ai pourtant beaucoup fréquenté au tout début des années 1950 :
Brecht, Pirandello, souvenirs impérissables ! Mais il y avait toujours,
au bout du miracle, cet éclairage de fin de partie qu’il me fallait
traverser pour me retrouver, vivant, sur le trottoir, ébloui par les lumières
de la ville et assailli par la rumeur de la circulation des voitures. Au fond,
c’est cet instant que j’appréciais par-dessus tout, cet instant où je quittais
l’univers confiné de la salle de théâtre pour reprendre pied dans la vie et
me disais : plus jamais ça !
Je sortais de prison ! Ni Beckett ni Genet ne m’ont guéri de cela.
Puis peu à peu, j’avais fini par croire que la (nouvelle) vague du
cinéma avait recouvert comme un linceul la terre inhospitalière du théâtre,
lorsque, au cours des deux décennies suivantes, je me suis trouvé con-
fronté à une autre forme de théâtre qui m’a violemment bouleversé. Il y a
© L'Harmattan | Téléchargé le 22/02/2024 sur www.cairn.info (IP: 103.151.172.95)

© L'Harmattan | Téléchargé le 22/02/2024 sur www.cairn.info (IP: 103.151.172.95)

eu Marc’O et ses idoles (qui ont tellement influencé la Nouvelle Vague). Il


y a eu le Living Theater. Il y a eu Tadeusz Kantor. Et il y a eu Richard
Foreman qui, retourné à New York, poursuivait et poursuit sans doute,
dans son garage, ses expérimentations tellement novatrices – mais qui s’en
soucie ? Le théâtre n’a pas la pérennité que la pellicule assure au cinéma.

Ces nouvelles formes de théâtre, qui empruntaient beaucoup au ci-


néma, avaient en elles-mêmes beaucoup de rapport avec la danse et c’est
probablement cela qui a dirigé mon intérêt vers une forme d’expression
qui jusqu’ici m’était totalement étrangère. Et il a suffi d’une rencontre

André S. Labarthe
Il commence sa carrière de critique de cinéma épisodes et qui sera reprise sur Arte au début
dans les années 1950 et contribue beaucoup à la des années 1980 sous le titre Cinéma, de notre
ligne des Cahiers du Cinéma en faveur de Renoir, temps (une centaine de films à ce jour). Il est le
Hawks ou Ford, mais aussi des cinéastes de la réalisateur de nombreux films sur la peinture
Nouvelle Vague. Il est également réalisateur et (Rauschenberg, Tapiès, Kandinski…), la danse
fonde en 1964 avec Janine Bazin, à la télévision, (Carolyn Carlson, Sylvie Guillem, William
l’émission Cinéastes de notre temps, collection de Forsythe…) et la littérature (Bataille, Artaud,
portraits de cinéastes dont il réalise plusieurs Sollers…).

177
imprévisible – avec Alain Plagne – pour que, en quelques mois, la danse
devienne l’une de mes préoccupations. Et je ne parle pas du spectre
d’Antonin Artaud.
Dès lors, tout s’est enchaîné. De Carolyn Carlson à Sylvie Guillem et
à Patrick Dupont, de William Forsythe à John Neumeier et à Ushio
Amagatsu, j’ai su que la danse faisait partie de ma vie.

Ainsi aurai-je passé dix ans à interroger la danse comme on éventre


une poupée – pour savoir ce qu’elle a dans le corps. Je vis désormais avec
une chimère qui me tire par les pieds et dont je remercie Alain Plagne
d’avoir su me faire aimer « le plancher évité par bond ou dur aux pointes »
(Mallarmé).
© L'Harmattan | Téléchargé le 22/02/2024 sur www.cairn.info (IP: 103.151.172.95)

© L'Harmattan | Téléchargé le 22/02/2024 sur www.cairn.info (IP: 103.151.172.95)

178

Vous aimerez peut-être aussi