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Anne Bellouin
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1. Initialement, selon un plan allemand conservé aux Archives bavaroises (BayHStA Inv.
Div. 20), c’est une petite carrière plus au nord qui est baptisée « Drachenhöhle » par un régiment
bavarois. L’actuelle Caverne du Dragon porte alors le nom de « grotte de la Creute, Creutehöhle ».
Les unités françaises qui reprennent pied dans la carrière en 1917 conservent ce nom pour l’ensemble
du réseau souterrain.
Guerres mondiales et conflits contemporains, no 235/2009
34 Anne Bellouin et Damien Becquart
2. Un plan aquarellé, daté du XVIIIe siècle, est conservé aux Archives départementales de l’Aisne
(sous la cote C 475). Il indique un lieu-dit « la Creute » dont la localisation, à l’ouest de la ferme
d’Hurtebise, incite à penser qu’il s’agit bien de l’actuelle Caverne du Dragon. Les archives communa-
les de Laon (sous la cote SRL 98) conservent la Déclaration des biens et revenus de l’abbaye de Vauclair,
ordre de Cîteaux, donnée en exécution du décret de l’Assemblée nationale du 28 novembre 1789, dans laquelle
sont évoquées des possessions « au lieu-dit la Creute ».
3. Cet instituteur, Hilaire Jonneaux, a rédigé la monographie de sa commune suite à l’envoi
en 1884 d’une lettre-questionnaire de la Société de géographie de l’Aisne, portant sur la géographie
physique, historique, économique du site et l’histoire de l’école dans la commune. Cette mono-
graphie se trouve aux Archives départementales de l’Aisne.
4. Le terme de « creute » désigne localement une carrière.
5. Cartes postales conservées aux Archives départementales de l’Aisne (fonds 18 Fi) et dans des
collections particulières.
6. Une carte trouvée récemment dans le « Journal de marche et d’opération du 2e Génie », qui
date d’octobre 1914, mentionne un puits de 7 m de profondeur, à sec. Le puits, encore visible
aujourd’hui, n’est donc pas creusé par les Allemands. En revanche, le bassin adjacent pourrait être leur
œuvre.
7. Les sources varient sur ce point : 124 corps sont mentionnés parfois, ou bien on trouve les
chiffres de 114 Allemands et de 7 Français. Une liste datée de 1920 mentionne 50 corps retrouvés
dans la Caverne du Dragon.
« La Caverne du Dragon : Le musée du Chemin des Dames » 35
mentionnée dans les communiqués de l’armée et fait partie des rares topo-
nymes allemands conservés après guerre.
Les traces de cette période sont nombreuses mais anecdotiques : des
clous fichés dans les parois pour accrocher un casque, un sac, ou encore
un fusil ; des éléments du circuit électrique (les pièces de porcelaine qui
servaient de conducteur aux fils) et de raccordement téléphonique instal-
lés par les Allemands ; du mobilier métallique dont des restes de châlits et
du fil barbelé. Des inscriptions, allemandes pour la plupart, attestent l’or-
ganisation de la vie souterraine. En revanche, de nombreux témoignages
de soldats dans des journaux ou des lettres, les mentions de la Caverne
dans les journaux de marche et d’opération des régiments français, un rap-
port officiel du Commandant des pionniers de la 14e division d’infanterie
allemande8 permettent de reconstituer ce que fut cette caserne souterraine
de 1914 à 1918. Pour exemple, le texte d’un soldat français décrit la
Caverne du Dragon, le 29 juin 1917, quelques jours après la reprise par les
Français d’une partie de la carrière : « Couloirs où l’on rampe au milieu
d’invraisemblables débris ; trous où l’on se glisse, salles immenses à demi
comblées par les éboulis des voûtes, vastes galeries taillées dans la pierre,
barrées de sacs à terre par endroits ; (...) escaliers à pic encombrés des
poilus de garde qui dorment pêle-mêle dans l’obscurité que trouent à
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voie qui court le long d’un talus à pic : elle mène à la Caverne du Dra-
gon (...) Ayant parcouru 150 à 200 m dans la galerie principale de la
caverne, où l’on pourrait s’égarer en s’aventurant trop loin, revenir à
l’entrée. »12
Le premier guide de la Caverne, Alphonse Hanras (Landerneau,
1892 ; Oulches, 1958) s’est installé à proximité (à Oulches) et vit de
divers travaux : récupération de métaux, collecte et revente de peaux de
lapin, édition de cartes postales. En fait de visite, il sécurise l’accès à la
Caverne du Dragon en créant un escalier et fait le récit des combats de
l’isthme d’Hurtebise, secteur resserré du plateau et clé de la partie est du
Chemin des Dames. Le succès de la Caverne du Dragon, comme de tout
le Chemin des Dames, est compréhensible : alors que l’image communé-
ment partagée de la Grande Guerre est celle de tranchées qui scandent de
grandes plaines trouées et dénudées par les bombardements, le paysage est
ici inhabituel13. Le relief particulier du Chemin des Dames semble créer
un champ de bataille impossible en raison de la pente. Quant à la Caverne
du Dragon, il s’agit d’un site surprenant, sinon unique.
Auguste Rogez (1911-1992) qui, enfant, accompagnait Auguste Han-
ras à la Caverne, tire parti de cette vision de la Caverne comme lieu parti-
culier, de grande valeur patrimoniale et historique. Surtout, il sait com-
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12. Le Chemin des Dames, « Guides illustrés Michelin des Champs de bataille », Clermont-Fer-
rand-Paris, Michelin & Cie, novembre 1920, 127 p. En novembre 1920, ce sont 23 guides illustrés,
composés de 3 896 illustrations, qui sont édités par Michelin, avec le slogan « un guide, un panorama,
une histoire ». Six autres viendront en complément.
13. C’est ce que dit en substance Joëlle Beurier dans un article qui présente la Caverne du Dra-
gon et l’Historial de la Grande Guerre à Péronne, publié en italien dans les Actes du colloque de
Schio, tenu en octobre 2002, intitulé « En parcourant les lieux de la mémoire... La tutelle du patri-
moine historique de la Grande Guerre et la loi du 7 mars 2001, no 78 ». Ces actes sont disponibles sur
Internet, à l’adresse suivante : http://www.4novembre.it/pdf/atticonvegno.pdf.
14. Les Historiques régimentaires ainsi que les Journaux de marche et d’opération des unités
engagées au Chemin des Dames, à présent consultables sur le site internet du ministère de la Défense,
http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/, indiquent les pertes causées par chaque tenta-
tive de reprise de la carrière aux Allemands, installés là depuis le 26 janvier 1915. Ainsi, le
25 juin 1917, la reprise d’une partie de la Caverne par les Français occasionne de 79 à 144 morts
(selon les historiques du 152e régiment d’infanterie et du 334e RI). Dans la nuit du 9 au 10 juil-
let 1917, le sous-lieutenant Blet est blessé mortellement au cours d’un assaut dans la Caverne (histo-
rique du 68e RI) ; le 31 octobre 1917, le sergent Jacques Léon Meydieu (5e compagnie du 21e RIC) est
tué dans la Caverne en posant des défenses accessoires (SHAT, 26 N 865). Mais aucune référence à des
combats au corps à corps dans la Caverne n’est à ce jour connue.
« La Caverne du Dragon : Le musée du Chemin des Dames » 37
15. Le Souvenir français, association créée en 1887 par Xavier Niessen, un professeur alsacien,
et reconnue d’utilité publique en 1906, assure la gestion du site de la Caverne du Dragon à partir
de 1968.
16. L’inventaire manuscrit établi par le Souvenir français ne comporte en effet que la dénomina-
tion courante de l’objet et n’indique pas sa provenance ni son histoire.
17. Il existe un reportage photographique de l’inauguration aux Archives départementales de
l’Aisne (fonds 2 Fi).
38 Anne Bellouin et Damien Becquart
18. Ce sont les trois principaux temps de l’historiographie de la Grande Guerre qui sont mis en
évidence par Antoine Prost et Jay Winter dans Penser la Grande Guerre. Un essai d’historiographie, Paris,
Le Seuil, « Points-Histoire », 2004.
19. L’interprétation a d’abord été conçue et mise en œuvre aux États-Unis et au Canada.
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20. L’ouvrage réalisé sous la direction de Denis Defente, conservateur en chef des musées, Le
Chemin des Dames 1914-1918, Paris, Somogy Éditions d’art, 2003 (rééd. 2006), 160 p., aborde l’his-
toire du Chemin des Dames dans la guerre et dresse un état des connaissances des services départe-
mentaux à cette date.
21. Constitué le 14 mars 1996, le Comité scientifique est composé de Jean-Paul Amat (géo-
graphe), Stéphane Audoin-Rouzeau, Annette Becker, Jean-Jacques Becker, Guy Pedroncini, Mau-
rice Vaisse (historiens), de Jacques Pérot (directeur du musée de l’Armée), de Frédérique Pilleboue
(directrice des Archives départementales de l’Aisne), du général Jean Delmas (président de l’Institut
d’histoire comparée et de la Commission française d’histoire militaire), du colonel Dichart (Service
historique de l’Armée de Terre), du général de Persin (président général du Souvenir français) et du
général Jacques Servranckx.
22. Selon l’expression de Guy Marival dans le hors-série no 2 de la revue Graines d’histoire consa-
cré à la Caverne du Dragon, Laon, Éd. du Point du Jour, 1999, 12 p. L’aménagement d’une dizaine
de sites où sont présentés des panneaux didactiques, comme « autant de jalons sur cette route chargée
d’histoire » constitue « un musée de plein air inédit » (p. 1).
23. C’est la formulation retenue qui apparaît dans les notes échangées entre le maître d’œuvre
du projet et le maître d’ouvrage.
40 Anne Bellouin et Damien Becquart
24. Le film débute par le récit des premiers combats de la Grande Guerre et la progressive fixa-
tion des lignes au Chemin des Dames. La géographie du lieu est évoquée, puis des retours sur les évé-
nements historiques antérieurs à 1914-1918 au Chemin des Dames sont faits. Une large place est
accordée au 16 avril 1917.
25. Joëlle Beurier, op. cit., p. 3, n. 10.
26. D’après un document allemand conservé dans les Archives bavaroises (BayHStA Inv.
Div. 2f), on sait que l’effectif maximum dans la carrière a été celui de deux à trois compagnies soit 500
à 600 hommes.
27. Le Comité scientifique a validé le découpage des espaces de la Caverne du Dragon accessi-
bles au public en 14 séquences : premières traces, observatoire allemand, mur allemand, bassin, tunnel,
casernement, dortoir, poste de secours, 16 avril, chapelle, salle communautaire, poste de commande-
ment, Caverne aux deux murs, souvenirs.
« La Caverne du Dragon : Le musée du Chemin des Dames » 41
28. En témoignent les comptes rendus des réunions du Comité scientifique entre 1996 et 1998.
Des extraits de la correspondance de soldats sont ainsi audibles dans l’espace intitulé le dortoir.
29. Si la Caverne du Dragon, située en première ligne, ne présente que deux sculptures certai-
nement antérieures à 1914 (des visages sculptés dont celui d’un personnage biblique ?), d’autres creu-
tes, comme celle de Braye-en-Laonnois, de Rouge-Maison ou, plus au sud, de Confrécourt, sont très
richement sculptées et comportent des centaines d’inscriptions, témoignages exceptionnels du passage
dans ces lieux d’hommes français, allemands, américains, britanniques, irlandais...
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30. Vingt bataillons de tirailleurs, soit un peu plus de 15 000 hommes, sont rassemblés en pre-
mière ligne, autour de Vauxaillon-Laffaux et de Paissy-Hurtebise. 1 100 d’entre eux, victimes de
pneumonies ou souffrant d’engelures à cause du froid, doivent être évacués avant même le déclenche-
ment de l’offensive. Et dès le 16 avril, premier jour de la bataille, au moins 1 400 tirailleurs sénégalais
meurent dans les combats pour la conquête du mont des Singes, pour la prise des fermes de Moisy et
d’Hurtebise ou sur les pentes d’Ailles.
31. Après le photographe John Foley, ce sont Guy Hersant et Bruno Gouhoury qui ont animé
ces deux dernières années les ateliers financés par le musée du Chemin des Dames.
32. Les expositions évoquées sont : en 2005-2006, « Au nom du peuple français... Fusillés dans
l’Aisne en 14-18 » ; en 2006-2007, « Chemin des Dames, les arbres aussi se souviennent » ; en 2007-
2008, « Dans la guerre des Toubabs, les Tirailleurs sénégalais en 14-18 » ; en 2008, « 1918 : feu sur
Paris ! La véritable histoire de la grosse Bertha ».
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Accès
Depuis Paris, A1 ou A26 en direction de Lille, puis RN2 vers Soissons, puis Laon,
prendre la RD18 (Chemin des Dames).
Depuis Lille, A26 en direction de Reims, sortie no 14 en direction du Chemin
des Dames.
Tarifs
— Visite de la Caverne du Dragon (durée 1 h 30)
Adultes : 6,00 E
Enfants (6 à 18 ans) : 3,00 E
Groupes (à partir de 30 personnes, sur réservation), tarifs réduits et gratuités :
nous consulter.
— Visite « À la recherche du dragon » (sur réservation)
Pour les familles avec enfants de 4 à 12 ans, uniquement le mercredi à 10 h 30
Adultes : 6,00 E
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Informations - Réservations
Caverne du Dragon / musée du Chemin des Dames
RD18 CD – 02160 Oulches-la-Vallée-Foulon
Tél. : 03 23 25 14 18 – Fax : 03 23 25 14 11 / E-mail : caverne@cg02.fr
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