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Université Mohammed Premier – Oujda

Faculté des Sciences Juridiques Économiques et Sociales


Droit français, Cours S1: Introduction aux relations internationales
Pr. ZEROUALI Mohammed & Pr. EL HAJI Hamid
Année universitaire : 2020-2021

Section 2 : Les organisations internationales


On qualifie les organisations internationales de sujets dérivés de droit
international car elles sont créées à partir d’autres sujets de droit international que sont
les Etats.
Une organisation internationale est une association d’Etats donnant naissance à
une entité nouvelle dotée d’une permanence d’organes propres et de la personnalité
internationale.
Une organisation internationale peut être définie comme un groupement d’Etats
créé par ces Etats au moyen d’un traité (charte constitutive). Elle est dotée d’organes
permanents agissant indépendamment des Etats membres pour la poursuite d’intérêts
communs. Ces deux définitions mettent en évidence que les organisations
internationales sont des sujets dérivés crées à partir d’un traité.
Les organisations internationales ne sont pas souveraines, mais ce sont des sujets
autonomes du droit international public, car ce dernier organise leurs rapports avec les
Etats. Il existe cependant des organisations internationales dont les membres sont à la
fois des Etats et des acteurs non étatiques. Il en est ainsi de l’organisation
internationale du tourisme (OMT)1.
Il est à souligner que :
- Seuls les Etats créent des OI. Exceptionnellement, quelques entités non
étatiques (mouvements de libération internationale, Etats fédérés) sont habilitées à
prendre part à la formation de telle ou telle OI à côté des Etats.
- Une OI ne peut pas créer une OI, ni même un organe principal; ce dernier
pouvant néanmoins créer des organes subsidiaires.
- Les OI revêtent un caractère permanent, ce qui les distingue des conférences et
des congrès internationaux dont la durée est éphémère;
- L’OI dispose d’une personnalité juridique internationale, c’est-à-dire
strictement proportionnelle et limitée aux objectifs que sa charte lui demande de
réaliser.

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L'Organisation mondiale du tourisme (OMT) (anglais: World Tourism Organization (UNWTO)) est une
institution spécialisée des Nations Unies, depuis 1976, destinée à promouvoir et développer le tourisme. L’OMT
joue un rôle dans la promotion du développement du tourisme responsable, durable et accessible à tous, en
veillant tout particulièrement aux intérêts des pays en développement.
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A. Les conditions d’admission et de retrait des membres des organisations
internationales
1. Les conditions d’admission des membres des OI
En matière d’admission, le principe est celui du volontariat. La participation d’un
Etat à une organisation internationale ne peut être contrainte. C’est un acte
discrétionnaire. L’adhésion doit se faire de façon propre aux règles des Etats.
Le caractère de volontariat se manifeste du côté de l’Etat mais l’Organisation
n’est pas non plus obligée d’accepter un Etat membre. Il n’y a pas de droit pour l’Etat
de devenir membre d’une organisation, ce n’est pas automatique. Chaque organisation
peut définir des conditions d’admission. Ces conditions sont de forme et/ou de fond.
A l’ONU, par exemple, les conditions d’admission sont définies à l’article 4 de la
Charte: «Peuvent devenir membres de l’Organisation, tous les Etats pacifiques qui
acceptent les obligations de la Charte, qui sont capables de les remplir et disposer à le
faire. L’admission comme membre des Nations Unies de tout Etat remplissant ces
conditions se fait par décision de l’Assemblée Générale sur recommandation du
Conseil de Sécurité, suivi d’un vote majoritaire à l’Assemblée Générale».
Les cinq membres du Conseil de sécurité ont ainsi un pouvoir de filtrage.
L’Assemblée générale s’exprime par la majorité des deux-tiers (2/3) mais le plus
souvent elle s’exprime par acclamation dans les situations où il n’y a pas de difficultés
juridiques ou politiques.
Pendant les premières années de l’ONU, l’URSS et les Etats Unis se livraient une
bataille juridique à l’ONU en refusant la candidature de l’Etat soutenu par le camp
adverse. L’URSS a essayé d’imposer des conditions supplémentaires à l’Article 4 de la
Charte en demandant l’admission en bloc de candidats appartenant aux deux camps.
Cette réforme a été soumise à la CIJ en 1948 mais la Cour a considéré qu’on ne
pouvait ajouter de conditions supplémentaires à l’Article 4.
Par la suite, les admissions sont devenues quasi automatiques à quelques
exceptions près. Au-delà des critères posés par l’Article 4, le contexte diplomatique
peut compliquer la chose. La question de l’admission d’un Etat a été précisée par la
CIJ en 1950 sur la compétence de l’Assemblée Générale. La question porte sur le
caractère contraignant de la recommandation adoptée par le Conseil de sécurité. La
Cour va alors trancher par l’affirmative, c'est-à-dire que l’Assemblée Générale ne peut
se prononcer sans un vote favorable du Conseil de sécurité.
2. Les conditions de retrait des membres des OI
Il s’agit aussi de l’organisation d’un retrait. Les Etats sont-ils libres de se retirer
d’une organisation? La liberté des Etats est limitée par les règles définies par le traité
constitutif. Un Etat qui disparaît n’est plus membre de l’organisation internationale.
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C’était le cas pour l’ex Yougoslavie, la république fédérale n’a pas été admise, donc
tous les Etats issus de la Yougoslavie ont dû refaire une demande. Le retrait est
demandé par l’Etat membre, il peut être prévu par le traité lui-même, c’est le cas du
traité qui institue l’UNESCO, les USA ont quitté l’UNESCO en 1984 jusqu’en 2003
car ils considéraient que la politique de l’UNESCO n’était pas favorable aux pays
occidentaux.
Lorsque le traité est muet, le retrait est-il possible? Le principe qui est défini par
la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités est à l’effet que le retrait est
possible s’il est établi qu’il entrait dans les intentions des parties au traité. Sur la base
des négociations de l’acte constitutif, il faut pouvoir prouver que les Etats avaient
envisagé cette possibilité.
L’Indonésie s’est retirée pendant un an de l’ONU en 1965. Néanmoins, dans la
pratique, il y a peu d’Etats qui se retirent d’une organisation internationale. Il n’en
demeure pas moins que les Etats pratiquent la politique de la chaise vide, c'est-à-dire
qu’ils refusent de siéger dans l’organisation, ou refusent de participer aux activités de
celle-ci.
Après le retrait volontaire d’un Etat d’une organisation internationale, on peut
aussi envisager l’exclusion. Cette avenue est généralement prévue par les traités
constitutifs en tant que sanction relative à des actes d’un Etat membre contraires à un
traité. La Charte de l’ONU prévoit cette exclusion dans l’article 6: «Un Etat peut être
exclu s’il enfreint de manière persistante les principes de la Charte». L’Etat est exclu
par l’Assemblée générale sur recommandation du Conseil de sécurité. C’est la même
procédure que pour l’admission. Les exclusions sont extrêmement rares. Plutôt que de
recourir à l’exclusion, les organisations internationales préfèrent recourir à des
pressions sur les Etats membres, par exemple en suspendant un Etat ou encore en le
privant de son droit de vote. L’exclusion est rare également parce que les Etats
préfèrent prendre les devants et quitter les organisations internationales plutôt que d’en
être exclus.
B. Statut des Etats au sein des OI
S’agissant des rapports entre les organisations internationales et les Etats, on peut
s’intéresser aussi aux modalités de participation des Etats à de telles organisations. Les
Etats n’ont pas tous le même statut dans l’organisation et il faut distinguer les
membres de plein droit, les membres associés et les observateurs.
1. Les membres de plein droit
Les membres de plein droit sont des Etats qui eux-mêmes n’ont pas toujours le
même statut. On distingue en général deux catégories de membres de plein droit, les
membres originaires, soit les Etats qui ont négociés, conclu et créé l’organisation; et
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les membres admis. Les membres originaires ont une supériorité du fait qu’ils vont
définir les conditions d’adhésion des nouveaux Etats, ils peuvent donc contrôler les
adhésions à l’organisation.
Parmi les membres de plein droit, il y a les Etats, mais il peut y avoir aussi des
organisations internationales. L’Union européenne, par exemple, est membre de
l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC).
2. Les membres associés
Les membres associés sont des Etats qui ne peuvent adhérer mais qui peuvent
participer aux travaux de l’organisation sans prendre part au vote. Cette qualité tend à
être minimisée.
3. Les membres observateurs
Les membres observateurs ont un mode de participation limitée aux activités des
organisations internationales. Ils ne peuvent participer à des travaux de l’Organisation
que si cela les concerne directement, ou s’ils y sont expressément invités. Mais cette
catégorie des observateurs est assez vaste, et chaque Organisation définit le statut et les
droits des observateurs. Pour chaque observateur, l’Organisation peut définir l’étendue
des droits qui lui sont conférés. Lorsque l’Etat se voit attribuer le statut d’observateur,
c’est très souvent précurseur à l’admission. Les mouvements de libération nationale
peuvent être admis en tant qu’observateurs dans les Organisations, afin de pouvoir
s’exprimer et de pouvoir participer aux travaux qui les concernent.
Les Observateurs peuvent être aussi des Organisations internationales. Par
exemple, à l’ONU, une cinquantaine d’organisations bénéficient d’un statut
d’observateur. L’Union européenne, notamment, bénéficie de ce statut. Ce statut peut
être aussi attribué à des Organisations Non Gouvernementales, agissant ainsi en tant
que partenaires de l’Organisation internationale.
C) La typologie des organisations internationales
Ces organisations internationales sont extrêmement nombreuses, plus de 400
actuellement. Il faut donc les classer selon plusieurs critères.
1. Le critère de la compétence
On se basant sur le critère de la compétence, on distingue plusieurs catégories:
- Les Organisations internationales disposant de compétences normatives sont
celles créatrices de règles juridiques avec des destinataires variés dont toutes les
dispositions sont soumises au droit international. De nombreuses organisations servent
de cadre à la négociation de conventions internationales. Les organisations peuvent
aussi adopter des actes normatifs qui leurs sont directement imputables, c’est le droit
dérivé, en opposition au droit originaire, composé de traités. Il faut distinguer le droit

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originaire, à savoir les traités, et le droit dérivé, à savoir les règlements, les résolutions,
etc.
Certains actes normatifs adoptés ont un caractère d’autorégulation, c'est-à-dire
qu’ils ont comme destinataire à l’Organisation elle-même et ses Etats membres. Il y a
notamment des actes dérivés qui sont externes à l’Organisation, c’est-à-dire des actes
qui visent la conduite des Etats membres dans tous les domaines couverts par l’action
de l’Organisation.
La compétence opératoire ou opérationnelle (compétence en termes d’action)
peut être très diversifiée, comme l’assistance économique, financière, militaire,
sanitaire, etc.
Les Organisations internationales disposent aussi de la compétence de contrôle
et de sanction: contrôle de l’application de leurs droits (originaire ou dérivé) et du
respect des engagements des Etats, et aussi sanction de la non application des
engagements par les Etats.
2. Le critère du nombre
Ce critère permet de distinguer les organisations universelles, ouvertes à tous les
Etats (Ex: l’ONU), et les organisations à caractère restreint.
Les restrictions à la participation peuvent être de nature variée. Cela peut être sur
la base de restrictions géographiques (Ex: l’UE n’accepte que des Etats européens). Ou
encore fondées sur des critères religieux (Organisation de coopération islamique).
3. Le critère de la portée des décisions
Les organisations de coopération sont les plus nombreuses, elles reposent sur la
méthode qu’on appelle intergouvernementale, c’est-à-dire qu’elles préservent
entièrement la souveraineté des Etats, elles reposent sur des mécanismes de
concertation. Autrement dit, leurs organes statuent à l’unanimité, chaque Etat
disposant donc d’un droit de veto. Le Conseil de l’Europe est, par exemple, une
organisation de coopération. L’Union européenne, dans certains domaines, fonctionne
comme une organisation de coopération. Ce sont les domaines les plus importants pour
les Etats qui touchent le plus aux fonctions régaliennes des Etats en matière de
politique étrangère et de sécurité commune ou en matière de coopération policière et
judiciaire, pénale.
Les Organisations d’intégration, ou organisation supranationales sont celles
dans lesquelles les Etats renoncent à une partie de leur souveraineté, ils opèrent un
transfert de compétences au profit de l’Organisation. Ils décident d’exercer, en
commun, certaines compétences. L’Organisation d’intégration est dotée de pouvoirs
propres, de pouvoirs indépendants de ses membres. Cela signifie qu’il existe dans ces
organisations des organes indépendants des Etats membres.
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Certaines décisions sont adoptées à la majorité des Etats membres malgré
l’opposition de certains représentants d’Etats, cela signifie que les Etats mis en
minorité doivent malgré tout appliquer les décisions prises. Très souvent, les normes
adoptées par l’Organisation sont directement applicables dans l’ordre juridique interne
des Etats membres, aucune mesure nationale d’intégration ou de réception de la norme
internationale n’est nécessaire.
L’Union européenne est encore pour l’instant à la fois une organisation de
coopération et une organisation d’intégration. Ses domaines d’intervention n’ont cessé
d’être étendus depuis sa création.
D) L’autonomie des organisations internationales
L’autonomie est définie par le droit international car c’est lui qui confère aux
organisations cette autonomie juridique et fonctionnelle.
1. L’autonomie juridique
La Reconnaissance progressive de la personnalité juridique. La personnalité
juridique n’implique pas la souveraineté. C’est l’aptitude d’une entité à être titulaire de
droits et d’obligations dans un ordre juridique donné. En tant que personnes morales,
les organisations internationales disposent d’une personnalité juridique internationale.
C’est une personnalité distincte de celle des Etats membres.
La théorie des pouvoirs implicites, en vertu de laquelle les organisations
internationales disposent de tous les pouvoirs qui leurs sont nécessaires pour exercer
leurs fonctions et pour atteindre leur but. Cette théorie de pouvoirs implicites a été
admise par la CIJ à propos de l’ONU, laquelle «doit être considérée comme possédant
[…] les pouvoirs essentiel à l’exercice des fonctions de l’Organisation». Cette théorie
s’appuie la plupart du temps sur l’intention présumée des Etats fondateurs.
2. L’autonomie fonctionnelle
Le statut du personnel est un statut assez complexe car il y a diverses catégories
de professionnels. Le personnel des organisations est composé : d’agents
internationaux, soit des personnes ayant un statut de fonctionnaires ou employés à
titre permanant ou pas (agent temporaire) chargé par une organisation internationale
d’exercer ou d’aider à exercer une fonction de l’organisation.
Ce personnel, quel que soit son statut, est indépendant. Au sein du personnel de
l’Organisation, il y a une catégorie importante, celle des fonctionnaires
internationaux. Ce sont des personnes recrutées par l’Organisation qui exercent leurs
fonctions dans le cadre d’un régime juridique particulier, celui défini par l’organisation
elle-même, de façon continue et durable dans l’intérêt de l’Organisation. Les
fonctionnaires ne sont pas au service des Etats dont ils ont la nationalité mais au
service de l’Organisation elle-même.
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Le statut des fonctionnaires internationaux est soutenu par une indépendance de
principe assurée au recrutement. Le mode de recrutement varie selon les organisations
mais garde des principes généraux. Les fonctionnaires internationaux d’une
Organisation sont nommés par les responsables administratifs des organisations, pour
l’ONU par exemple c’est le secrétaire général. Les fonctionnaires sont choisis en
fonction de leur compétence et de leur honnêteté. La seule spécificité est la question
des origines géographiques, question des quotas de nationalité = la fonction publique
d’une organisation internationale doit représenter l’ensemble des Etats membres et
donc refléter les différents groupes géographique régionaux.
Les fonctionnaires internationaux ne doivent pas recevoir d’ordre de leur Etat
d’origine. Ils sont soumis également à un devoir de réserve comme les fonctionnaires
nationaux, et doivent s’abstenir d’activité politique incompatible avec leurs fonctions,
avec le principe d’indépendance et d’impartialité.
Pour garantir leur indépendance, les fonctionnaires internationaux sont protégés
contre leur Organisation et leur Etat d’origine par un statut qui prévoit des privilèges et
des immunités. Les fonctionnaires internationaux ne peuvent être arrêtés ou poursuivis
et déférés devant une juridiction pour les actes accomplis dans le cadre de leurs
fonctions. Seule l’Organisation internationale peut lever leur immunité. Ils bénéficient
de privilèges d’ordre fiscal. Les fonctionnaires internationaux bénéficient du droit de
grève, du droit de recours devant le Tribunal administratif des NU (TANU).
L’autonomie fonctionnelle: les organisations bénéficient aussi d’un statut
matériel caractérisé par des privilèges et des immunités qui sont adaptés aux
organisations internationales elles-mêmes. Elle a toujours son siège sur le territoire
d’un État, appelé l’État du siège, dans lequel elle doit disposer de prérogatives de droit
interne pour assurer son fonctionnement, doit être protégé contre d’éventuelles
pressions de l’Etat sur le territoire où elle se trouve. L’ensemble de ce régime est
défini par un acte particulier, l’Accord de siège, c’est l’accord entre l’organisation
internationale et l’Etat où elle va s’installer, l’Etat d’accueil ou de siège.
L’organisation internationale bénéficie de l’immunité de juridiction. En effet,
l’OI ne peut être traduite devant un tribunal national et si elle cause un dommage par
son fonctionnement elle le répare elle-même. Elle bénéficie aussi de l’immunité des
locaux et des archives: la police ne peut entrer dans les locaux de l’organisation.
Comme pour les ambassades, les organisations internationales bénéficient de
l’immunité de communication: immunités fiscale et douanière.
Les organisations internationales doivent avoir recours à des moyens financiers,
elles établissent en général leur budget sur la base des contributions des Etats
membres. Rares sont les organisations internationales qui disposent de ressources
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propres obtenues par les activités mêmes de l’organisation, exemple: le FMI ou la
Banque mondiale.
On peut considérer que les organisations internationales font évoluer la société
internationale vers une véritable communauté internationale définie par des liens. Elles
stabilisent les relations internationales et les rapports internationaux deviennent plus
prévisibles (négociations encadrées, etc.). Les organisations internationales ont un
effet légitimateur en particulier sur la question des droits de l’Homme, en matière de
droit de l’environnement, etc. Les organisations internationales favorisent aussi les
innovations juridiques (codification du droit international, exemple: le droit de la mer).

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