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BOULINEAU groupe n°512

Lisa

TD 3- Retrait des États des organisations internationales

Le professeur de droit Christian Phillip, dans son article nommé « Une typologie des statuts
de membres des organisations internationales » publié dans la Revue Québécoise de droit
international, explique que « la souveraineté d’un Etat ne permet pas de l’obliger à rester au sein
d’une organisation s’il estime ne pas vouloir rester en son sein ». Par cette affirmation, Christian
Phillip montre que le droit de retrait est un droit de tout Etat partie à une organisation internationale.
Ainsi, ces organisations doivent nécessairement envisager une réponse à un tel acte.
Une organisation internationale est une association d’États constituée sur la base d’un accord,
possédant une personnalité juridique distincte de celle de ses membres et d’organes propres chargés
de poursuivre la réalisation d’intérêts communs.
Le retrait d’un Etat correspond à la fin de l’adhésion d’un Etat à une organisation internationale. Le
retrait peut être volontairement décidé par l’Etat lui-même ou par l’organisation internationale qui
souhaiterait l’exclure.
Les premiers regroupements d’Etats ont été opérés dans un intérêt défensif mais la création
d’organisations internationales s’est fondée sur des intérêts de plus en plus diversifiés : intérêt
économique ou encore administratif avec, par exemple, l’Union Postale Universelle. Le nombre
d’organisations internationales et de raisons pour lesquelles elles ont été créées a explosé depuis la
fin de la seconde guerre mondiale et il existe aujourd’hui plus de 350 organisations internationales.
Dès la création des premières organisations internationales, des cas de retrait d’Etats membres ont
dû être traités avec, par exemple, le retrait de l’URSS de la Société des Nations en 1939.
Il est intéressant d’étudier la manière donc réagissent les organisations internationales face au départ
d’un de leurs Etats membres afin de mieux comprendre et appréhender la place que tiennent les
organisations sur la scène internationale. Cette approche permet également d’avoir un regard plus
éclairé sur des situations d’actualité, comme les agissements de la Russie depuis son exclusion du
Conseil de l’Europe.
Comment les organisations internationales gèrent-elles la sortie d’un de leurs Etats membres ?
Les organisations internationales, conscientes que chaque Etat a le droit de se retirer, se soumettent à
ce droit en régularisant leur réaction (I) mais s’en servent également pour créer une sanction contre
les Etats : l’exclusion (II).

I- Une normativisation de la possibilité pour un Etat de se retirer permettant aux


organisations internationales d’élaborer leur réaction

La possibilité de quitter une organisation internationale est un droit inhérent à tout Etat qui
est acquis en droit international (A) et la reconnaissance de ce droit permet aux organisations
internationales de mieux gérer le départ d’un Etat (B).

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A) Le droit de retrait des Etats : un principe manifeste et incontesté en droit international
Le droit pour un Etat de quitter une organisation internationale lorsqu’il en a envie est un
principe acquis en droit international. On le voit d’abord dans le fait que ce droit est consacré dans la
majorité des textes régissant ces organisations. Cette consécration sert à mettre en avant le caractère
démocratique et volontariste de l’adhésion des Etats à une organisation internationale. Par exemple,
le droit de retrait d’un Etat de la Convention de Vienne est prévu à l’article 54 de celle-ci. Il est
également possible de citer l’article 7 du Statut du Conseil de l’Europe qui prévoit ce même droit.
Néanmoins, certaines organisations internationales n’inscrivent pas le droit de retrait des Etats
membres dans leurs textes. Par conséquent, il semble difficile de savoir à quel point le droit de retrait
est établi en droit international. En réalité, l’importance du respect de la souveraineté des Etats
permet d’affirmer l’existence bien réelle du droit de retrait de chaque Etat. En effet, les Etats ont un
droit exclusif quant à la gestion de leur territoire et des politiques auxquelles ils adhérent, un Etat est
alors libre de participer ou non à une organisation internationale sans qu’il soit nécessaire qu’un texte
le confirme. Ainsi, même si aucune disposition de la Charte des Nations Unies ne prévoit la possibilité
de retrait volontaire d’un Etat, cela n’a pas empêché le retrait de l’Indonésie en 1965. La réaction de
l’Organisation des Nations Unies a été plutôt passive puisqu’elle n’a pas contesté ce retrait et l’a
seulement pris en compte. Cela illustre bien à quel point ce droit est encré en droit international.
En pratique, ce droit a été utilisé et mis en œuvre de manière effective à plusieurs reprises. C’est le
cas des Etats-Unis qui ont quitté l’UNESCO le 31 décembre 1984 ou, plus récemment, de la
République des Philippines qui s’est retiré de la Cour pénale internationale après avoir notifié son
retrait le 17 mars 2018.

Ainsi, le droit de retrait est un principe acquis pour tous les Etats et par toutes les
organisations internationales qu’il soit une règle écrite ou non. Il est alors possible de questionner
l’utilité de son inscription dans les textes. Concrètement, le réel apport de cette inscription est la
possibilité pour les organisations internationales de mettre en place un cadre que l’Etat doit respecter
lorsqu’il se retire.

B) L’anticipation du retrait d’un Etat membre comme garantie du bon fonctionnement des
organisations internationales
L’inscription du droit de retrait dans les textes permet aux organisations internationales de
préparer leur réaction sans être prises de court.
D’abord, ils peuvent prévenir le retrait de l’Etat. En général, l’Etat qui souhaite se retirer le fait savoir
à l’organisation internationale avec une notification. Après réception de cette notification,
l’organisation internationale peut tenter de convaincre l’Etat de rester par le biais d’une discussion ou
encore de négociation.
Or, si l’Etat décide tout de même de quitter l’organisation internationale concernée, les textes
imposent communément des conditions de mise en œuvre du retrait au-delà de la simple affirmation
de ce droit. Ces modalités peuvent être précisées au moment des négociations.
Cela s’explique par le fait que le départ d’un Etat impacte, souvent négativement, le fonctionnement
voir la légitimité de l’organisation internationale quittée. Par exemple, la troisième section de l’article
26 (XXVI) du Statut du fonds monétaire International explique que le retrait affecte fortement le
fonctionnement de l’organisation car il faudra s’adapter à l’absence de la monnaie de l’Etat qui se
retire dans ses opérations courantes.

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Alors, les organisations mettent en place des mécanismes pour limiter l’impact du retrait d’un Etat. La
plupart du temps les organisations prévoient que certains engagements restent en vigueur ou
prévoient un délais durant lequel leurs textes continuent de faire effet. Ainsi, la Charte de
l’Organisation de l’unité africaine prévoit que la Charte ne s’applique plus à l’Etat qui s’est retiré au
bout d’un an. En outre, l’article 127 du Statut de Rome, qui prévoit la possibilité pour un Etat de se
retirer de la Cour pénale internationale, précise que les engagements pris par l’Etat lorsqu’il était
partie à l’accord restent en vigueur après le retrait.
Enfin, il est possible d’évoquer le danger d’inscrire le retrait volontaire dans les textes qui est que ce
droit peut être moyen de pression des Etats sur les organisations internationales.
Néanmoins, ce danger est moindre puisque ce sont les organisations internationales qui posent les
conditions dans lesquelles un Etat se retire.

Comme le droit de retrait volontaire est un droit inhérent à tout Etat, la réaction des
organisations internationales face à cette situation est généralement organisée par les textes, ce qui
leur permet de garder le contrôle sur le fonctionnement de l’organisation. En outre, les organisations
internationales tournent ce droit en leur faveur via l’instrumentalisation de celui-ci en un moyen de
sanctionner les Etats.

II) L’instrumentalisation du droit de retrait des Etats par les organisations internationales :
l’exclusion

Si les organisations utilisent bien le droit de retrait à leur avantage en créant le droit
d’exclusion comme sanction (A) il est possible de remettre en cause l’effectivité pratique de cette
sanction (B).

A) Un détournement du droit de retrait par les organisations internationales permettant de


sanctionner les Etats
Le droit de retrait appartient normalement à tous les Etats membres d’organisations
internationales. Or, ces dernières ont choisi de créer un droit qui s’applique en leur faveur, découlant
du droit de retrait lui-même, le droit d’exclusion. Ce droit signifie que les organisations
internationales se réservent la possibilité de décider elles-mêmes du retrait d’un de leurs Etats
membres. L’exclusion d’un Etat par une organisation internationale est la sanction ultime qui peut
être prononcée à son encontre. Elle survient, la majorité du temps, lorsqu’un Etat a violé gravement
un principe fondamental inscrit dans les textes régissant l’organisation internationale ou lorsqu’il a
manqué gravement à ses obligations.
Ce mécanisme est un moyen de pression important et est mis en œuvre en dernier recours, quand
aucune autre solution ne peut être envisagée par l’organisation internationale, afin de garantir son
bon fonctionnement et préserver son intégrité. L’exclusion est en générale précédée d’autres
sanctions permettant de conserver l’Etat au sein de l’organisation afin de surveiller son
comportement et essayer d’y remédier. Ainsi, la deuxième section de l’article 26 (XXVI) du Statut du
fonds monétaire international prévoit l’existence de ce droit d’exclusion en cas de manquement d’un
Etat à une de ses obligations. Il y est précisé les différentes étapes avant que ce droit soit mis en
œuvre : l’irrecevabilité de l’utilisation des ressources générales du Fonds par l’Etat violateur puis la
suspension des droits de vote de celui-ci et enfin son exclusion.

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Même si l’exclusion ne marque pas la fin des relations que l’Etat peut entretenir avec les autres Etats,
cela peut les impacter durement. C’est une des raisons pour lesquelles on évite au maximum de
prononcer cette sanction.

Les organisations internationales peuvent jouer un rôle actif quant à la perte d’un de leurs
Etats membres grâce à l’instrumentalisation du droit de retrait en une sanction. Néanmoins, même si
l’exclusion semble être une importante menace qui pèse sur les Etats, son effectivité peut être
remise en cause.

B) Un mécanisme à l’effectivité illusoire malgré son apparence opportune pour les organisations
internationales
Comme vu précédemment, les organisations internationales utilisent la sanction d’exclusion
comme une menace contre les Etats membres qui ne respecteraient par leurs obligations. En
apparence, ce principe semble très utile pour les organisations internationales car il leur permet
d’affirmer leur autorité et d’exclure un Etat qui nuirait à leur bon fonctionnement. Néanmoins, il faut
noter que ce mécanisme n’est que rarement mis en œuvre et cela pour plusieurs raisons. D’abord, la
perte d’un Etat entraîne souvent un dysfonctionnement de l’organisation internationale malgré toute
les précautions qu’elle peut prendre. Par exemple, l’expulsion de l’URSS de la Société des Nations en
1939 a entraîné une rupture des relations entre l’URSS et les autres Etats mais aussi un grave
affaiblissement de la Société des Nations.
En outre, les organisations internationales essaient de conserver un maximum de contrôle sur l’Etat
qui manque à ses obligations plutôt que de s’en désolidariser et de lui laisser la liberté d’adopter le
comportement qu’il souhaite. Mettre en œuvre l’exclusion d’un Etat c’est accepter de le laisser sans
surveillance. Ainsi, les organisations internationales sont plutôt frileuses quant à la réelle mise en
œuvre de cette sanction. Par exemple, malgré de nombreuses violations de la Charte des Nations
Unies, l’Afrique du Sud est restée membre de l’Organisation des Nations Unies car celle-ci souhaitait
conserver un certain contrôle sur l’Etat.
Finalement, il convient de souligner que même lorsque la sanction a été décidée par une organisation
internationale, ses effets sont limités. C’est ce que prouve l’exemple actuel de la Russie : malgré son
exclusion du Conseil de l’Europe le 16 mars 2022, la Russie semble n’être aucunement impactée et
continue de mener sa guerre contre l’Ukraine.

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