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Réflexion II sur Nietzsche sur le thème de la morale

À l’aphorisme 188, Nietzsche soutient que la morale pousse l’homme aux créations
marquantes, parce qu’elle le force à s’inspirer, en l’encadrant de lois, de restrictions.

Tout artiste sait à quel point son état “le plus naturel” la liberté avec laquelle dans
ses moments d’“inspiration”, il organise, place, dispose, donne forme, est éloigné
du sentiment du laisser-aller, - et avec quelle rigueur et qu’elle subtilité il obéit, là
précisément, aux mille lois qui se jouent de toute formulation en concepts, en
raison justement, de leur sévérité et de leur fermeté1.
En ce sens, la morale possède une grandeur pour Nietzsche, parce que ses lois empêchent
l’homme de vivre une vie improductive, de laisser-aller, et le forcent à créer des « choses
divines ». Alors, il existe des belles vertus, des arts, des créations sublimes, comme les
pièces de Wagner, ou la cathédrale Notre Dame, qui font que la vie sur terre mérite d’être
vécue, d’abord pour les spectateurs qui s’en réjouissent, mais surtout pour les créateurs
qui ont une trace sublime de leur existence. Nietzsche illustre cette création de sens
engendrée par la morale dans son texte :

Ce qui est essentiel “ au ciel comme sur terre” semble-t-il, c’est, pour le dire une
fois encore, que l’on obéisse longuement et dans une seule et même
direction : cela finit toujours et a toujours finit par et a toujours finit par produire à
la longue quelque chose qui fait que la vie sur terre mérite d’être vécue, par
exemple vertu, art, musique, danse, raison, spiritualité, - quelque chose de
transfigurant, de raffiné, de fou et de divin2. »
Pourtant, Nietzsche décèle une médiocrité entraînée par plusieurs morales. La
philosophie de Socrate, par exemple, affaiblit l’homme en défendant qu’aucun ne fasse le
mal intentionnellement et en lui inculquant, de fait même, une voie pour penser en termes
d’utile et agréable, comme le soutient le penseur : « Cette manière de raisonner respire la
plèbe, qui dans le fait de mal agir, ne saisit que les conséquences déplaisantes et porte en
réalité ce jugement : “il est stupide de mal agir” ; en identifiant sans aucune forme de
procès “bon” à “utile et agréable” 3 ». En ce sens, toutes formes de morale n’est pas
créatrice de sens, le bien peut être perverti par un mauvais jugement, comme l’entraine le
peuple et les restrictions ne deviennent que des chemins qui mènent nulle part, à l’utile, à
des critères de nihiliste.

1
Friedrich Nietzsche, Généalogie de la morale, Paris, GF Flammarion, 2000, p. 144.
2
Ibid., p. 143.
3
Ibid., p. 145.
Question : La morale restreint-elle trop ?

Puisqu’il est incertain que la morale mène nécessairement à de grandes choses, qu’elle
dévie parfois, comme il est le cas pour la morale de troupeau, doit-on absolument
continuer d’en suivre une, d’obéir à une seule direction ? On pourrait vivre sans morale
pesante, sans risque de poursuivre une pensée lourde et inutile. Il me semble que cet idéal
de légèreté est plus compliqué à suivre qu’on le pense. Kundera l’illustre dans
L’insoutenable légèreté de l’être, notre désir de se dégager de ces obligations anciennes
comme modernes, mène à une position insoutenable. On en vient, comme le personnage
de Tomas, à penser douloureusement à des responsabilités qu’on cherche à éviter. Le
poids de l’existence revient malgré nous, des amours, des emplois, des relations
familiales nous rattrapent et notre manque de morale, nous y rend non préparés. La
déstabilisation que pose la vie et ses enjeux font plus mal. Ainsi, ce n’est pas seulement le
manque de sens qui rattrape celui qui évite de vivre sa vie selon certaines lois, c’est aussi
la douleur.

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