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Intoxications médicamenteuses
de l’enfant
O. Brissaud, J. Naud, F. Villega

Il n’existe pas de registre français exhaustif de recueil des intoxications médicamenteuses chez l’enfant.
On observe deux pics de fréquence, 3 ans (ingestion accidentelle, prédominance masculine) et 14 ans
(intoxication volontaire, volontiers polymédicamenteuse, prédominance féminine). Les enfants
présentent des spécificités uniques en toxicologie médicale. En effet, certains médicaments sont
extrêmement dangereux pour les plus jeunes enfants, alors qu’ils ne sont exposés qu’à des quantités qui
apparaissent insignifiantes. Si les vomissements provoqués sont à proscrire définitivement, le lavage
d’estomac et le charbon activé conservent leur place dans la prise en charge en aigu. Des antidotes
existent mais leur utilisation raisonnée doit s’appuyer sur la balance bénéfice-risque de leur
administration chez l’enfant. Les principaux médicaments responsables d’intoxications graves sont ceux
ayant une action sur le système nerveux central (sédatifs, hypnotiques, anticonvulsivants,
antidépresseurs, morphiniques...). La mortalité en relation avec une intoxication médicamenteuse est
faible (< 2 %), et augmente avec l’âge. Les décès sont imputables essentiellement aux antidépresseurs
tricycliques, aux anticonvulsivants (barbituriques, valproate de sodium...), aux analgésiques
(paracétamol, aspirine...) et aux médicaments à base de fer. La mortalité très faible des intoxications
chez l’enfant peut s’expliquer par l’amélioration constante de l’information à la population, la bonne
connaissance par les parents des structures d’urgence et de réponse (centres antipoison, 15, Samu), et
des conditionnements de plus en plus sécurisés. Cependant, de nombreuses intoxications pourraient être
évitées avec des mesures simples de prévention encore non appliquées, le plus souvent au sein de la
famille, et des efforts encore soutenus de l’industrie pharmaceutique dans la sécurisation des
conditionnements.
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Mots clés : Intoxications aiguës de l’enfant ; Lavage d’estomac ; Charbon activé ; Antidotes ; Toxidromes

Plan américaine des CAP rapporte une prédominance des cas pédia-
triques sur les 2 424 180 appels reçus (âge < 3 ans : 38,1 % des
¶ Introduction et épidémiologie 1 cas, < 6 ans : 50,9 %). Jusqu’à 13 ans, la population est majori-
tairement masculine, puis le sex-ratio s’inverse. L’âge de
¶ Toxidromes 2
survenue chez les enfants connaît deux pics de fréquence [2] :
¶ Antidotes 2 • avant 6 ans, la plupart du temps par intoxication acciden-
¶ Généralités thérapeutiques 2 telle, souvent de nature bénigne. Aux États-Unis en 2005,
Décontamination digestive 2 seulement 1,9 % des cas d’intoxication fatale concernait des
Épuration des toxiques 5 enfants de moins de 6 ans. Ces accidents surviennent à
¶ Intoxications médicamenteuses 5 domicile, par ordre décroissant de fréquence, dans la cuisine,
Médicaments neurotropes 5 la salle de bains, le jardin et les chambres. La fréquence des
Antalgiques 12 intoxications non accidentelles par maltraitance (syndrome
Intoxications aux antibiotiques 15 de Münchhausen par procuration) est probablement sous-
Cardiotropes 15 estimée ;
Autres intoxications médicamenteuses 16 • puis à l’adolescence, le plus souvent par intoxication volon-
Intoxications par substances illicites 16 taire de médicaments et abus de substances illicites. La gravité
¶ Conclusion 16 de ces intoxications est proportionnelle à l’âge, et plus
importante chez les garçons.
Chez les enfants et les adolescents aux États-Unis en 2002,
54 % des appels aux CAP correspondaient à des intoxications
■ Introduction et épidémiologie [1] non médicamenteuses et 45 % à des intoxications médicamen-
teuses. Le CAP de Bordeaux a reçu, de 2004 à 2006, 15 239 appels
En France, les centres antipoison (CAP) recensent environ concernant des enfants de moins de 15 ans : 40 % des appels
100 000 appels pédiatriques annuels. En 2005, l’Association correspondaient à une intoxication supposée médicamenteuse

Médecine d’urgence 1
25-140-J-10 ¶ Intoxications médicamenteuses de l’enfant

Tableau 1. Tableau 2.
Produits en cause dans les intoxications de l’enfant au Centre antipoison Médicaments les plus souvent responsables d’intoxication chez l’enfant
de Bordeaux entre 2004 et 2006 (données locales). au Centre antipoison de Bordeaux entre 2004 et 2006 (données locales).
Produits en cause Pourcentage Médicaments en cause Pourcentage
Médicaments 39,5 % Benzodiazépines et hypnotiques 29 %
Produits ménagers 16,3 % Anti-inflammatoires non stéroïdiens 19,3 %
Végétaux 11,3 % Paracétamol 14,7 %
Cosmétiques 7,8 % Antihistaminiques 9,6 %
Raticides et insecticides 3,6 % Antidépresseurs 5,8 %
Produits chimiques 2,6 % Codéine, morphine, cannabis et stupéfiants 4,5 %
Produits de bricolage 2,5 % Vitamines et fluor 3,5 %
Solvants 2,1 % Inhibiteurs calciques et bêtabloquants 3,2 %
Aliments 1,8 % Antihypertenseurs 2,8 %
Jouets 1,6 % Antiépileptiques 2,6 %
Animaux 1,3 % Pseudoéphédrine 2,3 %
Engrais 1% Pilules contraceptives 1,7 %
Produits homéopathiques 0,9 % Antiarythmiques 1%
Produits vétérinaires 0,8 %
Corps étrangers 0,7 %
Produits agricoles 0,6 % • dose létale ;
Champignons 0,5 % • dose toxique ;
Matériel médical 0,4 % • reconnaissance clinique ;
Gaz, fumées et CO 0,3 % • reconnaissance biologique ;
Produits industriels 0,2 % • tests toxicologiques spécifiques ;
• conduite à tenir ;
Stupéfiants 0,1 %
• traitement symptomatique ;
Alcool 0,1 %
• traitement spécifique (antidote).
Autres substances 4% L’absence d’une de ces déclinaisons dans le texte correspond
Co : monoxyde de carbone. à l’absence de données pertinentes dans la littérature. Nous
avons souhaité décrire les différents toxidromes orientant le
diagnostic, lister les antidotes avec leurs indications et posologies
et rappeler les grands principes de prise en charge. Des chapitres

“ Point fort complémentaires sont présentés dans la version électronique de


l’article (intoxication aux antibiotiques, hormones thyroïdiennes,
sulfamides hypoglycémiants, théophylline, collyre atropinique,
Deux pics de fréquence des intoxications vitamine D, fluor, camphre, et substances illicites).
médicamenteuses chez l’enfant
• Avant 6 ans, essentiellement accidentelles, souvent de
nature bénigne. ■ Toxidromes (Tableau 3) [3]

• À l’adolescence, le plus souvent volontaires


(médicaments et abus de substances illicites). Les toxidromes correspondent à un ensemble de symptômes
La gravité de ces intoxications est proportionnelle à l’âge, et de signes orientant vers une classe particulière d’intoxication.
et plus importante chez les garçons. Le recours à ce type d’outils pour orienter la prise en charge ne
Les décès sont essentiellement associés à l’ingestion doit jamais exclure la réalisation d’un examen clinique complet.
d’antidépresseurs tricycliques, d’anticonvulsivants, Les toxidromes sont modifiés lors de polyintoxications. Le
d’analgésiques et de médicaments à base de fer. Tableau 3 résume les principaux toxidromes.
La fréquence des intoxications non accidentelles
par maltraitance (syndrome de Münchhausen par
procuration) est probablement sous-estimée. ■ Antidotes (Tableau 4) [4-27]

L’indication et l’utilisation d’un antidote s’effectuent en


évaluant précisément la balance bénéfice-risque de son admi-
nistration. Le Tableau 4 rapporte les antidotes, leurs posologie
(Tableau 1). Les benzodiazépines et hypnotiques, les anti-
et voie d’administration, en fonction des médicaments poten-
inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et le paracétamol
tiellement responsables de l’intoxication.
représentent à eux seuls plus de 60 % des intoxications médi-
camenteuses sur cette même période (Tableau 2). La mortalité
très faible des intoxications chez l’enfant peut s’expliquer par
l’amélioration constante de l’information à la population, la ■ Généralités thérapeutiques
bonne connaissance par les parents des structures d’urgence et
de réponse (centres antipoison, 15, Samu), et des conditionne- Décontamination digestive
ments de plus en plus sécurisés. Cependant, de nombreuses
intoxications pourraient être évitées avec des mesures simples Vomissements provoqués
de prévention encore non appliquées, le plus souvent au sein de
la famille. Nous avons classé de manière arbitraire les intoxica- L’émétine, un des principes actifs du sirop d’ipéca [28], a une
tions en « médicamenteuses » et « non médicamenteuses » (cf. action irritante sur la muqueuse gastrique entraînant des
article correspondant). Dans le détail des substances incrimi- vomissements qui sont également la conséquence d’une action
nées, nous avons toujours suivi le même plan : centrale des alcaloïdes. Pratiquement 85 % des patients vomis-
• nom ; sent au bout de 25 à 30 minutes après l’administration d’une
• fréquence et gravité ; dose unique de sirop d’ipéca. Aucune étude clinique ne permet

2 Médecine d’urgence
Intoxications médicamenteuses de l’enfant ¶ 25-140-J-10

Tableau 3.
Toxidromes [3].
Opioïde Anticholinergique Adrénergique Stabilisant Sérotoninergique Hyperthermie Sevrage Myorelaxant
de membrane maligne
Coma x x x x x x x
Myosis x
Mydriase x x x x x
Convulsions x x x x x x
Agitation x x x x x x
Hallucinations x x x x
Myoclonies x x
Tremblements x x x x
Dysarthrie x x x x
Confusion x x x x x
Insomnie x x
Hyperréflexie x x x
Céphalées x x
Bradycardie x x x x
Tachycardie x x x x x x
Palpitations x
Hypertension artérielle x x x x
Hypotension artérielle x x x x x x x
BAV, BIV x
QT long x x
TV, FV x x x
Bradypnée x
Tachypnée x x
Dyspnée x
Vomissements x x x
Diarrhées x x
Douleurs abdominales x x x
Constipation x x
Rétention d’urine x
Fièvre x x x x x
Sueurs x x x
Sécheresse des muqueuses x
Frissons x x
Hypoglycémie x
Hyperglycémie x x
Acidose x x
Hypokaliémie x x
IRA x x
BAV : bloc auriculoventriculaire ; BIV : bloc intraventriculaire ; TV : tachycardie ventriculaire ; FV : fibrillation ventriculaire ; IRA : insufffisance rénale aiguë.

d’affirmer l’influence favorable de l’administration du sirop liquide clair sont, pour l’enfant : 50-100 ml de liquide isotoni-
d’ipéca sur le devenir clinique des patients intoxiqués ni sur la que par cycle (total 2 à 5 l) ; pour l’adolescent : 250-350 ml par
fréquence d’hospitalisation ou la durée de séjour. Son emploi, cycle (total 10 à 15 l).
non recommandé, doit être abandonné.
Charbon activé [29-31]
Lavage gastrique [29, 30] Le charbon de bois activé est susceptible d’adsorber une
grande variété de médicaments et de substances toxiques et
Le recours au lavage gastrique systématique doit être proscrit
pourrait contribuer à une réduction de leur biodisponibilité.
et son indication discutée au cas par cas, selon les substances Certains produits sont cependant non adsorbés (acides et bases
ingérées et le délai par rapport au moment d’ingestion. Il est fortes, alcools et glycols, cyanures, fers et métaux et sels ionisés :
recommandé pour des substances sur lesquelles le charbon lithium, chlorure de sodium, de potassium, calcium, magné-
activé n’aurait pas ou peu d’effet (fer, lithium), lors d’intoxica- sium, chlorates). Son administration par la bouche ou la sonde
tions exposant à un risque vital et doit s’effectuer précocement, nasogastrique se discute en dose unique ou répétée. Il n’existe
dans la première heure. Cette méthode expose à un certain pas de preuve formelle de l’amélioration du pronostic des
nombre de complications : inhalation, hypoxie, troubles du patients traités par administration de charbon activé, même
rythme cardiaque, laryngospasmes, perforation digestive, dans l’heure suivant l’ingestion de produit toxique. Au-delà, il
troubles métaboliques avec des risques d’intoxication à l’eau. n’existe pas d’argument en faveur ou non de son administra-
Des contre-indications existent : absence de protection des voies tion. La dose préconisée en administration unique, dans l’heure
aériennes, ingestions d’acide fort, de produits alcalins, d’hydro- qui suit l’ingestion de toxique, est 1 g/kg en dessous de 1 an
carbones, et patients ayant des risques d’hémorragie digestive. puis 25 à 50 g entre 1 et 12 ans et 25 à 100 g chez l’adolescent
En pratique, les volumes préconisés jusqu’à obtention d’un et l’adulte. Les contre-indications sont : troubles de conscience,

Médecine d’urgence 3
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Tableau 4.
Principaux antidotes : indications et posologies [4].

Toxiques Antidotes
Alpha2-adrénergiques Coma : naloxone (Narcan®)
(solutions nasales, collyres oculaires < 20 kg ou < 5 ans : 0,01 mg/kg en i.v./i.m., sans dépasser 2 mg/dose
contenant dérivés > 20 kg ou > 5 ans : 0,01 mg/kg à 2 mg/dose en i.v./i.m., possibilité de répéter la dose (titration) sans dépasser 10 mg
de l’imidazoline) [5-8] en dose cumulative ; une perfusion de relais peut être nécessaire : 0,01 à 0,16 mg/kg/h
HTA menaçante sans bradycardie : phentolamine (Régitine®) en i.v. continue à la dose de 2,5 à 5 µg/kg/min
HTA menaçante avec bradycardie : nicardipine (Loxen®) 1 à 4 µg/kg/min en i.v. continue
[9, 10]
Amphétamines Convulsions : diazépam (Valium®)
0,5 mg/kg en i.v.l. ou i.r. (sans dépasser 10 mg/dose) puis 1 à 2 µg/kg/min en i.v. continue
HTA menaçante : nicardipine (Loxen®) : 0,5 à 3 µg/kg/min en i.v. continue
[11, 12]
Anticholinestérases Sulfate d’atropine 0,02 à 0,05 mg/kg (dose susceptible d’être répétée toutes les 5 à 10 min ; minimum
de 0,1 mg/injection et un maximum de 0,5 mg/kg/j)

Antihistaminiques [13] Flumazénil (Anexate®) 10 µg/kg en i.v.l. puis 10 µg/kg/h si nécessaire

Benzodiazépines [14] Flumazénil (Anexate®) 10 µg/kg en i.v.l. puis 10 µg/kg/h si nécessaire

Bêtabloquants [15] Dépression myocardique : glucagon (Glucagen®)


0,025 mg/kg en i.m. ou i.v. puis 0,025 mg/kg/h en i.v. continue durant 5 à 12 h selon nécessité
Hypoglycémie : glucagon (Glucagen®)
Poids < 25 kg : 0,5 mg sous-cutané ; poids > 25 kg : 1 mg sous-cutané
Troubles de conduction : isoprénaline (Isuprel®)
0,1 à 1 µg/kg/min en i.v. continue (titrage)

Cannabis [16] Coma : flumazénil (Anexate®) 10 µg/kg en i.v.l. puis 10 µg/kg/h si besoin
[17-19]
Clonidine Naloxone (Narcan®) cf. 1re ligne du tableau
[20-22]
Digitaliques Anticorps spécifiques (Digidot®) 80 mg/flacon : 80 mg neutralisent 1 mg de digoxine ou digitoxine
Indications : BAV, bradycardie résistante à l’atropine, dysrythmie ventriculaire, choc cardiogénique, arrêt
cardiorespiratoire, kaliémie ≥ 6 mmol/l
Dose Digidot® = dose supposée ingérée x 0,6 ou digoxinémie (ou digitoxinémie) x poids x 5,6/1 000
[23, 24]
Fer et sels Déféroxamine (Desféral®) 15 mg/kg/h en i.v., réduire la vitesse de perfusion au bout de 4-6 h sans dépasser 3-6 g
au total ; 100 mg de déféroxamine lient environ 8 mg de fer
[25, 26]
Hypoglycémiants oraux Glucose en i.v. (titration pour maintien de la glycémie > 0,6 g/l)
Hypoglycémie réfractaire : glucagon (Glucagen®)
Poids < 25 kg : 0,5 mg sous-cutané
Poids > 25 kg : 1 mg sous-cutané
Octréotide (Sandostatine®) (4-5 µg/kg/j divisés en injections toutes les 6 h, dose maximale 50 µg toutes les 6 h)

Ibuprofène Convulsions : diazépam (Valium®) : 0,5 mg/kg en i.r. ou i.v. (≤ 10 mg/dose)


Coma : naloxone (Narcan®) cf. 1re ligne du tableau

Méthadone [27] Naloxone (Narcan®) cf. 1re ligne du tableau

Méthémoglobinémiants [14] Bleu de méthylène 1-2 mg/kg en i.v. sur 10-15 min et à répéter si besoin

Opiacés [14] Naloxone (Narcan®) cf. 1re ligne du tableau

Valproate de sodium Lévocarnil® : 25 à 150 mg/kg en dose de charge puis 25 mg/kg/6 h


Si coma ou apnée : naloxone (Narcan®) cf. 1re ligne du tableau
i.v.l. : intraveineux lent ; i.r. : intrarectal ; i.m. : intramusculaire ; HTA: hypertension artérielle ; AV : bloc auriculoventriculaire.

antécédents digestifs, risque de survenue d’une pneumopathie patients intoxiqués bénéficiant de l’utilisation de laxatifs. Dans le
d’inhalation. Les complications sont : les vomissements (fré- cas où il serait décidé de les utiliser, une seule dose est de rigueur
quents), la pneumopathie d’inhalation (redoutable), de rares cas pour minimiser leurs effets secondaires. Il faut éviter de les
d’abrasion cornéenne par contact direct du produit. administrer en dessous de l’âge de 1 an. Les doses chez les enfants
sont les suivantes : sulfate de magnésium : 250 mg/kg (maximum
Laxatifs (sels de magnésium et de sodium 30 g), citrate de magnésium 10 % : 4 ml/kg (maximum 250 ml),
et sorbitol) [32] sorbitol à 35 % : 4,3 ml/kg ou 0,5 à 2 g/kg (maximum 50 g). Les
Non recommandés par l’American Academy of Clinical Toxico- contre-indications sont l’iléus paralytique, les syndromes occlusifs
logy ni par l’European Association of Poisons Centers and intestinaux, l’hypovolémie, les désordres métaboliques préexis-
Clinical Toxicologists dans la prise en charge des intoxications, ils tants, l’insuffisance rénale (sels de magnésium) et l’ingestion de
sont supposés diminuer l’absorption digestive des substances par produits caustiques. Les complications sont les vomissements, les
la vidange accélérée du tube digestif. Il n’existe pas d’étude nausées, les coliques, l’hypotension transitoire, la déshydratation,
permettant de conclure à une amélioration du pronostic chez les l’hypernatrémie et l’hypermagnésémie.

4 Médecine d’urgence
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Lavage intestinal [33] Hémodialyse

L’irrigation intestinale consiste en l’administration sur une Les études cliniques rapportent un intérêt dans des intoxica-
courte durée d’une grande quantité d’une solution osmotique tions par le lithium, l’acide acétylsalicylique, le valproate de
(polyéthylène glycol) par sonde nasogastrique jusqu’à obtention sodium, le procaïnamide, les bromures, la metformine, la
de selles claires. Il n’existe pas, en pratique clinique, avec cette vancomycine et les borates. Il est convenu aussi de considérer
technique, d’amélioration du pronostic chez les patients l’hémodialyse dans le traitement des complications métaboli-
intoxiqués. Les indications se limitent aux substances à résorp- ques aiguës des intoxications. Cette méthode expose à certaines
tion retardée ou à enrobage entérique (au moins 2 h après leur complications liées à l’abord vasculaire, la circulation extracor-
ingestion) ou aux substances pour lesquelles le charbon activé porelle (CEC) et l’anticoagulation.
n’aurait pas d’efficacité (sels de métaux par exemple). L’utilisa-
tion de cette technique a également été proposée pour l’élimi- Hémo(dia)filtration continue
nation des toxiques transportés « in corpore » (héroïne, L’hémofiltration a été utilisée au cours d’intoxications par le
cocaïne). Les posologies recommandées sont, pour l’enfant de fer (en combinaison avec le Desféral®), la digoxine, la vanco-
9 mois à 6 ans : 500 ml/h ; pour l’enfant de 6-12 ans : mycine, la diphénhydramine mais sans preuve d’efficacité
1 000 ml/h ; pour l’adolescent et l’adulte : 1 500-2 000 ml/h. cinétique ou dynamique, et dans les intoxications aux amino-
glycosides et à la théophylline. L’hémodiafiltration continue a
été utilisée dans quelques cas d’intoxication par l’acide valproï-
que. Elle peut être une alternative à l’hémodialyse pour l’intoxi-

“ Point fort
cation au lithium lorsque cette dernière n’est pas disponible ou
en cas d’instabilité hémodynamique. Les complications sont
identiques à celles de l’hémodialyse.
• Les vomissements provoqués ne doivent plus être
Hémoperfusion
proposés.
• Le lavage gastrique systématique doit être proscrit. Elle consiste à faire passer le sang sur une colonne adsor-
• Les laxatifs ne sont pas recommandés. bante, le plus souvent du charbon activé. L’affinité de liaison du
• L’administration de charbon activé est le traitement de toxique sur le charbon activé doit être supérieure à celle pour
première intention et limité à la première heure les protéines plasmatiques ou pour les cellules sanguines. Les
postintoxication. toxiques doivent avoir une solubilité pauvre dans l’eau (carba-
mazépine, barbituriques, théophylline). L’hémoperfusion peut
• Le lavage intestinal peut être utile pour les intoxications
être une alternative thérapeutique en cas d’impossibilité
avec des médicaments à résorption retardée, enrobage
d’administration orale de charbon activé ou d’inefficacité du
entérique ou non adsorbés par le charbon activé. traitement symptomatique. Une complication fréquemment
retrouvée est une thrombopénie. Les autres complications sont
en rapport avec la technique employée (voies veineuses, CEC).

Épuration des toxiques MARS


Le MARS associe les principes de la dialyse rénale et ceux
Charbon activé à doses multiples [29, 30] d’une dialyse à l’albumine (« hépatique ») permettant l’élimina-
La justification de l’administration de doses multiples réside tion de substances hydrosolubles et de substances fortement
dans la possibilité théorique d’interrompre le cycle entéroenté- liées à l’albumine. Cette technique a surtout été utilisée chez
rique ou entérohépatique ou entérogastrique de certaines l’enfant dans les intoxications aux champignons. Elle mérite des
substances, ou encore dans la possibilité d’adsorber des substan- études complémentaires pour s’assurer de son efficacité.
ces encore présentes tardivement dans le tube digestif (carba-
mazépine, phénobarbital, dapsone, quinine, théophylline, Exsanguinotransfusion-plasmaphérèse
digoxine et digitoxine, phénylbutazone, phénytoïne, sotalol, Les seules indications seraient des intoxications par des
piroxicam) pour lesquelles on envisagerait une épuration toxiques dont l’espace de diffusion est limité au secteur vascu-
extrarénale. La posologie proposée est de 10 à 25 g chez laire ou extracellulaire (méthémoglobinémie, hémolyses toxi-
l’enfant, suivie de 0,5 g/kg/4 h. Les contre-indications absolues ques aux chlorates de sodium, de potassium et dérivés de
sont : absence de protection des voies aériennes, troubles de la l’aniline). En fait, ces méthodes ne permettent pas de retirer des
conscience, occlusion intestinale, pathologie constitutive du quantités appréciables de toxique et n’ont donc aucune indica-
tube digestif. Les complications sont : pneumopathie d’inhala- tion dans le but d’un traitement épurateur.
tion, constipation, occlusion intestinale, vomissements.

Diurèse alcaline [34]


■ Intoxications médicamenteuses
Elle s’applique aux intoxications aux salicylés, phénobarbital,
chlorpropamide et méthotrexate. Dans cette dernière intoxica- Médicaments neurotropes
tion, l’administration de doses répétées de charbon activé est
plus efficace que la diurèse alcaline. La complication est
essentiellement l’hypokaliémie. Antidépresseurs
Il s’agit des antidépresseurs tricycliques (ADT), des inhibiteurs
Épuration extrarénale des monoamines oxydases (IMAO), des inhibiteurs spécifiques
de la recapture de sérotonine (ISRS). L’objectif pharmacologique
Hémodialyse, hémodiafiltration, hémoperfusion, échanges
d’un traitement antidépresseur est d’augmenter le taux des
plasmatiques, exsanguinotransfusion, système molecular adsor-
monoamines (dopamine, sérotonine, noradrénaline) au niveau
bent recirculating system (MARS) [30, 35] font l’objet de cas
de la transmission synaptique.
rapportés en pédiatrie et constituent des alternatives aux autres
modes de décontamination ; mais leur mise en route mérite une
ADT [36-39]
argumentation solide et interdisciplinaire. Les études cliniques
concernent l’adulte. L’intérêt de ces techniques est acceptable si Il s’agit de bases faibles. Parmi les plus fréquents en Europe,
la clairance corporelle totale est augmentée d’au moins 30 %. on retrouve l’amitriptyline (Laroxyl® ou Élavil®), la dosulépine

Médecine d’urgence 5
25-140-J-10 ¶ Intoxications médicamenteuses de l’enfant

Tableau 5. de type CEC. L’hospitalisation en unité de réanimation pédia-


Signes électrocardiographiques significatifs d’une intoxication grave aux trique doit être d’indication large. Le lavage gastrique est
antidépresseurs tricycliques. recommandé même tardivement en raison de la gravité poten-
Tachycardie tielle de cette intoxication et du syndrome anticholinergique
qui ralentit l’évacuation gastrique, suivi de l’administration de
Espaces QRS supérieurs à 100 ms
charbon activé. L’oxygénothérapie et l’intubation ne sont pas
QRS = 100 à 160 ms : risque de convulsions augmenté de 30 % et risque recommandées en systématique. L’hypotension artérielle sans
de trouble du rythme faible (10 %) insuffisance cardiaque est traitée par une expansion volémique
QRS ≥ 160 ms : troubles du rythme ventriculaire fréquents (50 %) (cristalloïdes 20 ml/kg). Les convulsions sont traitées par
Espace QTc supérieur à 318 ms benzodiazépines (diazépam 0,5 mg/kg). Leur indication peut
Axe du cœur entre 120° et 270° être élargie à l’existence d’une hyperréflexie, de trémulations, de
myoclonies et de troubles de la conscience. Une surveillance
neurologique et cardiotensionnelle d’au moins 24 heures est
nécessaire. Une surveillance de 24 heures après normalisation de

“ Point fort
l’ECG est suffisante.
Traitement spécifique (antidote). Pas d’antidote. Le flumazénil
(Anexate ® ) administré dans des cas de coma inexpliqué a
• Quel que soit le type d’intoxication, l’évaluation de provoqué des convulsions pour des patients co-intoxiqués avec
l’enfant et la reconnaissance de signes de gravité sont des benzodiazépines. L’administration de bicarbonate de sodium
molaire (1 ml/kg ; maximum 350 ml) apporte un bénéfice pour
primordiales.
la correction des troubles du rythme cardiaque dans l’expéri-
• Le traitement symptomatique reste la priorité devant
mentation animale et dans certaines études américaines de
toute forme grave (réanimation de base, maintien des faible échantillon. Elle peut être recommandée en cas d’intoxi-
fonctions vitales, conscience A-B-C). cation sévère. L’alcalinisation des urines n’est pas recommandée
• Il faut avoir le réflexe de contacter les équipes dans la pratique courante.
pratiquant des CEC et prolonger la réanimation
cardiopulmonaire en fonction du type d’intoxication. IMAO et ISRS
Les ISRS les plus célèbres sont la fluoxétine (Prozac®), la
sertraline (Zoloft®), la paroxétine (Deroxat®), et l’escitalopram
(Prothiaden®), la trimipramine (Surmontil®) et parmi les plus (Seroplex®) ou citalopram (Seropram®). Plus rarement en France
anciens, la clomipramine (Anafranil ® ) et l’imipramine on retrouve la fluvoxamine et la sertraline. Les IMAO sont
(Tofranil®). l’iproniazide (Marsilid ® ), le toloxatone (Humoryl ® ) et le
Fréquence et gravité. Tous âges confondus, l’intoxication par moclobémide (Moclamine®).
les ADT représente 10 % des hospitalisations pour tentative Fréquence et gravité. Les ISRS sont très fréquemment pres-
d’autolyse en Europe avec une mortalité hospitalière impor- crits chez l’adulte et leur usage chez l’enfant est en hausse du
tante. En Grande-Bretagne, 20 % des décès toxiques de 1993 à fait de leur bonne tolérance. Ils sont beaucoup moins toxiques
1997 étaient secondaires à l’ingestion d’antidépresseurs, l’ami- que les ADT. Pour les IMAO, la mortalité due aux intoxications
triptyline étant responsable de 50 % des intoxications fatales. est plus élevée. Les indications concernent les syndromes
Plusieurs éléments témoignant de la gravité peuvent être utilisés dépressifs, les troubles réactionnels et le stress post-traumatique.
comme critères d’admission en réanimation : le type d’antidé- Aux États-Unis, on recense 48 000 intoxications annuelles.
presseur, l’apparition dans les 6 heures de complications Dose létale/dose toxique. Peu de données concernant les
neurologiques (coma et convulsions) et/ou cardiovasculaires, et doses toxiques d’ISRS sont disponibles chez l’enfant. La dose
la présence d’anomalies électriques électrocardiographiques toxique potentiellement grave chez l’enfant est de cinq fois la
(ECG). Il n’y a pas de complications tardives. posologie recommandée par prise chez l’adulte, soit 100 mg
Dose toxique/dose létale. Une concentration plasmatique pour la fluoxétine, la paroxétine et le citalopram, 50 mg pour
d’ADT supérieure à 1 000 ng/ml est associée à une haute l’escitalopram, et 250 mg pour la fluvoxamine et la sertraline.
incidence de complications. Certains définissent une dose Pour l’iproniazide, une intoxication dépassant 1,5 g (équivalent
toxique par une prise supérieure à 10 mg/kg pour l’enfant. Des au conditionnement d’une boîte) engage le pronostic vital.
recommandations américaines de 2007 distinguent une dose Tandis que la toxicité du toloxatone est faible même à forte
toxique à partir de 5 mg/kg pour la plupart des ADT, excepté dose, celle du moclobémide, normalement peu toxique, semble
pour la trimipramine (dose > 2,5 mg/kg). directement corrélée à la dose ingérée. La sévérité d’une
Reconnaissance clinique. La demi-vie plasmatique des ADT intoxication aiguë est favorisée par la co-ingestion d’un ADT
est prolongée (> 60 h pour l’amitriptyline). Les premiers signes avec un IMAO et/ou un ISRS.
d’intoxication apparaissent dans les 6 heures. L’intoxication est Reconnaissance clinique. Le diagnostic différentiel à évoquer
à l’origine d’un syndrome anticholinergique, avec agitation, est le syndrome malin des neuroleptiques (NLP).
tremblement à la fin des extrémités, délire, sécheresse de la ISRS. De nombreux symptômes bénins sont décrits (vomisse-
bouche, mydriase bilatérale, tachycardie, rétention d’urine et ments, somnolence, myoclonies) généralement résolutifs en
constipation. Le coma, observé dans 60 % des cas, s’accompa- quelques heures. Des tableaux plus graves avec coma, état de
gne de clonies, d’un syndrome pyramidal et parfois de convul- choc à résistances vasculaires basses, état de mal épileptique,
sions. Les troubles cardiovasculaires (effet stabilisateur de rhabdomyolyse et coagulation intravasculaire disséminée (CIVD)
membrane) associent anomalies de l’ECG et dépression de la sont décrits. Le citalopram est décrit comme l’ISRS le plus
contractilité myocardique. L’élargissement du QRS est prédictif potentiellement toxique (tachycardie sinusale, torsade de pointe,
de l’apparition de crises convulsives et/ou d’arythmies ventricu- bradycardie, anomalie ECG avec QRS larges ou allongement de
laires ; quatre critères témoignent d’une intoxication significa- l’espace QT). L’intoxication peut entraîner un syndrome séroto-
tive par ADT (Tableau 5). ninergique. La forme bénigne se manifeste par des nausées, une
Tests toxicologiques spécifiques. Le dépistage sanguin par agitation, un comportement agressif et des paresthésies. La forme
immunochimie affirme le diagnostic mais, du fait du délai grave est un ensemble de manifestations psychiques, motrices et
nécessaire pour obtenir ce dosage et d’une faible valeur prédic- végétatives telles qu’agitation, confusion, hypomanie, tremble-
tive, il n’a pas de place pour la prise en charge en urgence. ments, myoclonies, hypertonie diffuse avec hyperréflexie
Prise en charge. ostéotendineuse, puis rigidité musculaire (avec difficulté respira-
Traitement symptomatique. Il faut prendre rapidement contact toire, trismus, risque de rhabdomyolyse). On retrouve une
avec une unité susceptible de réaliser une assistance circulatoire mydriase (parfois aréactive), des sueurs profuses, une hyper-

6 Médecine d’urgence
Intoxications médicamenteuses de l’enfant ¶ 25-140-J-10

thermie, des frissons, une tachycardie avec tachypnée et Dose létale/dose toxique
augmentation de la pression artérielle. Du fait de la variabilité dans le délai d’absorption, d’un grand
IMAO. Les signes habituellement retrouvés sont : céphalées, volume de distribution et d’une demi-vie prolongée, il est
agitation, hallucinations, mydriase, sueurs, tachycardie, hyper- difficile de définir une corrélation entre les symptômes et les
tonie avec syndrome pyramidal, trismus et hypotension ortho- doses ingérées. Quelle que soit la dose, le syndrome malin des
statique ou hypertension artérielle (HTA). Les formes graves NLP doit être suspecté devant toute hyperthermie. Il est plus
associent un coma profond hypo- ou hypertonique avec risque fréquent avec les NLP typiques. Le mécanisme d’action est lié à
de convulsions, hyperthermie et troubles de repolarisation ECG. une libération du calcium dans le réticulum sarcoplasmique du
Reconnaissance biologique. Les bilans biologiques dépistent muscle strié qui provoque une contraction musculaire perma-
des complications métaboliques de l’intoxication : troubles de nente et une augmentation de la température corporelle.
l’hémostase (iproniazide), hyperkaliémie ou hypoglycémie (très Contrairement aux autres NLP, le métoclopramide a des effets
rare). Des cas d’hépatites ont été décrits. Au cours d’un syn- indésirables bénins qui peuvent apparaître 1 à 3 heures après
drome sérotoninergique, on peut retrouver hyperleucocytose, une seule administration et qui ne sont pas dose-dépendants.
hypo- ou hyperglycémie, thrombopénie, cytolyse hépatique et
myoglobinurie. Reconnaissance clinique
Tests toxicologiques spécifiques. Il n’existe pas de dosage Les tableaux cliniques sont divers.
spécifique en routine pour les antidépresseurs non tricycliques. Cardiovasculaire. Les hypotensions artérielles (orthostati-
Des prélèvements initiaux effectués sur tubes héparinés peuvent ques) avec tachycardie sont en général bien supportées. Des
être conservés pour dosage a posteriori. troubles de la conduction intraventriculaire sont décrits pour la
Conduite à tenir. En dehors de tout signe clinique, une thioridazine mais cette molécule n’existe plus sur le marché
surveillance systématique de 8 heures au moins est recomman- français depuis juin 2005. Les phénothiazines et les butyrophé-
dée ainsi qu’un ECG le plus rapidement possible. Tout symp- nones ont un effet quinidine-like (stabilisant de membrane) sur
tôme, même bénin, doit conduire à une hospitalisation. le myocarde. Il existe un risque de torsade de pointe avec mort
Traitement symptomatique. Habituellement, l’évolution est subite dans les 10 premières heures.
favorable en 1 à 2 jours avec un traitement symptomatique Neurologique. Les NLP sédatifs provoquent un coma calme
précoce. Dans les cas sévères, une ventilation assistée est hypotonique, une dépression respiratoire en général modérée.
nécessaire. L’intubation peut être gênée par un trismus. Si les Les butyrophénones ou les phénothiazines pipérazinées sont à
benzodiazépines, utiles pour traiter les convulsions, sont l’origine d’un coma agité avec hypertonie extrapyramidale,
inefficaces pour traiter l’hypertonie, une curarisation peut être dyskinésies bucco-linguo-faciales et accès paroxystiques de
mise en place. L’administration de bicarbonate de sodium rigidité. Des crises convulsives peuvent survenir notamment
molaire permet de réduire l’espace QT dans les cas d’intoxica- avec la loxapine et la clozapine. Pour le métoclopramide,
tion sévère (cas rapportés pour citalopram et fluoxétine). l’intoxication se manifeste par un syndrome extrapyramidal
L’administration de charbon activé est à discuter. avec des dyskinésies faciales (tics, protrusion de la langue,
Traitement spécifique (antidote). Il n’existe pas d’antidote nystagmus, clignement des paupières), un torticolis, une
spécifique. En cas de syndrome sérotoninergique méconnu, un hypertonie extrapyramidale des membres avec roue dentée et
traitement par la bromocriptine (traitement du syndrome malin opisthotonos. Des cas de méthémoglobinémie sont décrits.
des NLP) peut aggraver le tableau clinique. Syndrome parkinsonien. On retrouve particulièrement ce
syndrome avec la chlorpromazine, la thioridazine, la clozapine
Neuroleptiques [3, 40-46] et l’olanzapine. Il y a une sécheresse cutanée, avec rétention
urinaire et iléus digestif. On peut observer une mydriase ou un
Les NLP appartiennent à des classes hétérogènes comme les myosis par l’effet bloqueur a-adrénergique. En revanche, la
phénothiazines, les butyrophénones ou les benzamides substi- clozapine donne une hypersalivation.
tués (NLP sédatifs). Leurs indications sont vastes en tant que Syndrome malin des NLP. Il associe confusion mentale,
sédatifs ou antipsychotiques. contractures musculaires, hypertonie extrapyramidale, hyper-
thermie (> 40 °C), rhabdomyolyse et déshydratation aiguë. La
Molécule
fièvre peut dépasser 43 °C et menacer le pronostic vital. Les
Ce sont des molécules lipophiles qui bloquent les récepteurs délais d’apparition vont de quelques heures à 7 jours et de 2 à
à la dopamine et stimulent le système cholinergique (induisant 4 semaines pour les formes retards.
un syndrome extrapyramidal).
• Les NLP typiques sont les phénothiazines (chlorpromazine, Reconnaissance paraclinique/biologique
fluphénazine, perphénazine, prochlorpérazine, thioridazine, Il est proposé de surveiller la glycémie, l’élévation des
trifluopérazine) ou les butyrophénones (Haldol®, Droleptan®). triglycérides et du cholestérol, l’élévation de la prolactine. Une
Les plus prescrits sont l’halopéridol (Haldol®), le pimozide agranulocytose est décrite avec la clozapine, une élévation des
(Orap®), le cyamémazine (Tercian®). transaminases, de la lacticodéshydrogénase (LDH) et de l’acide
• Les NLP atypiques comme la clozapine (Leponex®), olanza- urique avec l’olanzapine ; des troubles ioniques à type d’hypo-
pine (Zyprexa®), rispéridone (Risperdal®) sont de plus en plus natrémie, d’hypokaliémie sont décrits après intoxication à la
prescrits car moins pourvoyeurs d’effets secondaires. rispéridone. Il existe un cas d’hyperglycémie, hyperurémie et
• Les benzamides substituées sont utilisées comme sédatifs augmentation des phosphatases alcalines (PAL) après intoxica-
(Dogmatil®, Tiapridal®, Loxapac®) ou antiémétique (métoclo- tion à l’olanzapine chez un nourrisson. Dans le syndrome malin
pramide : Primpéran®). des NLP, une rhabdomyolyse est souvent retrouvée.

Fréquence et gravité Tests toxicologiques spécifiques


L’évolution spontanée peut être fatale en l’absence de Les dosages quantitatifs ne sont pas indiqués car il y a peu de
traitement. La gravité est liée à l’atteinte cardiaque mais surtout corrélation entre le taux sanguin et l’apparition des symptômes.
à l’apparition d’un syndrome malin des NLP dont la mortalité Pour la rispéridone, des taux à partir de 10 µg/ml mais allant
peut atteindre 10 % chez l’adulte. Les NLP atypiques ont jusqu’à 500 µg/ml ont été rapportés dans des cas d’intoxication
certainement une toxicité encore sous-estimée. Aux États-Unis, sévère. Pour l’olanzapine, on considère que les taux peuvent
entre 1992 et 2001, on recense 32 722 cas d’intoxication chez être mortels à partir de 100 ng/ml, mais ils sont très variables.
l’enfant mais seulement sept décès. Les intoxications au
métoclopramide, très prescrit, particulièrement en solution Conduite à tenir
buvable, sont rares mais il existe fréquemment des effets Les critères cliniques précoces d’admission en réanimation
indésirables neurologiques. sont essentiellement neurologiques, mais l’indication doit être

Médecine d’urgence 7
25-140-J-10 ¶ Intoxications médicamenteuses de l’enfant

particulièrement large en raison du risque secondaire de pyramidal. Plus rarement une intoxication grave peut provoquer
troubles de la repolarisation cardiaque. Dans tous les cas convulsions, hypotension, troubles du rythme cardiaque, voire
d’intoxication avérée, une surveillance par monitorage cardia- arrêt cardiorespiratoire. Il faut toujours penser à une polyintoxi-
que doit être poursuivie au moins 24 heures. La surveillance de cation médicamenteuse.
l’espace QT corrigé par l’ECG est systématique.
Traitement symptomatique Conduite à tenir
• Le lavage d’estomac est rarement indiqué, mais le charbon Le traitement est symptomatique : une surveillance des fonc-
activé peut être efficace précocement. Le traitement associe tions vitales, notamment cardiaque avec un enregistrement ECG
principalement une assistance respiratoire avec expansion et, si nécessaire, un traitement symptomatique pour maintenir
volémique et soutien tonicardiaque par inotropes si besoin. une hémodynamique correcte doivent être mis en place en milieu
Dans les intoxications aux a-bloquants comme la chlorpro- spécialisé. Un lavage gastrique immédiat est recommandé.
mazine ou thioridazine, l’utilisation de la noradrénaline est
préférable.
Antiépileptiques « classiques » [46, 48-57]
• La prise en charge par une réanimation intensive diminue la
mortalité. L’apparition de convulsions peut être traitée par Entre 1910 et 1960, en dehors des benzodiazépines, les
des benzodiazépines ou des barbituriques. principaux antiépileptiques apparus progressivement dans
• Le traitement du syndrome malin associe au traitement l’arsenal thérapeutique sont le phénobarbital (Gardénal®), la
spécifique réhydratation et refroidissement. Le dantrolène phénytoïne (Dilantin®), la carbamazépine (Tégrétol®) ou plus
(Dantrium®) est un traitement myorelaxant qui peut être récemment l’oxcarbazépine (Trileptal®), l’éthosuximide (Zaron-
proposé. La dose initiale de 2,5 mg/kg doit être administrée tin®) et enfin l’acide valproïque (Dépakine®).
par voie intraveineuse. En fonction de la réponse clinique, des
doses complémentaires de 1 mg/kg sont administrées toutes Molécules
les 5 à 10 minutes jusqu’à régression des symptômes. Au cours • Le phénobarbital est un barbiturique lent (demi-vie : 100 h).
des premières 24 heures, la dose totale administrée est Le métabolisme est hépatique et l’élimination essentiellement
généralement de l’ordre de 5 mg/kg (maximum 10 mg/kg). La rénale. Les autres barbituriques comme le Binoctal® d’action
bromocriptine (Parlodel®) est également indiquée en tant rapide intermédiaire ont des demi-vies courtes, de 4 à
qu’agoniste dopaminergique. 10 heures. La primidone (Mysoline®) est un précurseur du
• En cas de troubles de la conduction intraventriculaire (QRS phénobarbital.
élargi) et/ou hypotension, il est recommandé d’administrer • La phénytoïne est un antiépileptique peu sédatif. Il possède
à la phase précoce du bicarbonate de sodium molaire. un effet stabilisant de membrane. Son élimination est hépa-
Les critères d’efficacité sont la correction du QRS et de tique et la demi-vie varie de 6 heures pour un patient en
l’hypotension. traitement au long cours jusqu’à 60 heures pour une première
Traitement spécifique (antidote). Le trihexyphénidyle prise.
(Artane®) est un anticholinergique muscarinique de synthèse • La carbamazépine, en comprimés ou suspension buvable, agit
indiqué contre les syndromes extrapyramidaux des NLP. La principalement sur les canaux sodiques voltage-dépendants.
posologie orale est de 2 à 6 mg/j selon l’âge en deux à trois Les concentrations plasmatiques maximales sont atteintes en
prises. Des troubles extrapyramidaux majeurs requièrent l’admi- 2 heures après administration de la suspension buvable mais
nistration de Lepticur® en intramusculaire. Pour le métoclopra- ce délai peut atteindre 72 heures après administration d’une
mide, les effets sont réversibles après l’arrêt du traitement, mais prise unique à dose toxique.
peuvent nécessiter l’administration de benzodiazépines et/ou • L’éthosuximide existe en comprimé. L’excrétion est essentiel-
d’antiparkinsoniens anticholinergiques. En cas de méthémoglo- lement rénale (20 % seulement de la dose administrée). La
binémie, on propose l’injection en perfusion lente de bleu de demi-vie d’élimination plasmatique est de 30 heures chez
méthylène à la dose de 1 mg/kg. l’enfant.
• Le valproate de sodium existe sous forme de comprimés, sirop
Antihistaminiques à action centrale [13, 47] ou solution buvable. La demi-vie est de 15 heures.

L’hydroxyzine (Atarax®) est l’antihistaminique le plus utilisé Fréquence et gravité


en tant qu’antiallergique ou à visée sédative, le plus souvent
sous forme de sirop. L’alimémazine (Théralène®) et le cypro- En France, 10 % de la population était traitée par antiépilep-
heptadine (Périactine®) sont beaucoup moins utilisés actuelle- tiques en 2005 ; les cas d’intoxication sont fréquents et sévères.
ment pour faire dormir les enfants. La niaprazine (Nopron®) • L’intoxication aiguë aux barbituriques est une intoxication
utilisée pour ses propriétés sédatives peut entraîner des pauses grave, mais sa fréquence a diminué avec l’apparition de
respiratoires, des myoclonies et plus rarement des convulsions. nouvelles substances à action hypnotique, moins dépressives
sur le plan respiratoire.
Molécules • La phénytoïne est un antiépileptique fréquemment prescrit
mais l’intoxication est rarement grave. Les formes graves
L’hydroxyzine est un dérivé de la pipérazine non apparentée rapportées sont liées à des overdoses intraveineuses massives.
chimiquement aux phénothiazines ni aux benzodiazépines. Les cas de décès sont liés à l’atteinte respiratoire.
C’est un antihistaminique antagoniste des récepteurs H 1 • La carbamazépine est fréquemment prescrite pour les épilep-
centraux et périphériques présentant des propriétés anticholi- sies lésionnelles. Les cas graves d’intoxication volontaire ou
nergiques. Elle est rapidement absorbée ; le pic plasmatique est non sont fréquents et la mortalité élevée.
obtenu environ 2 heures après la prise. La demi-vie d’élimina- • En revanche pour l’éthosuximide, aucun cas d’intoxication
tion de l’hydroxyzine est d’environ 20 heures. La niaprazine est aiguë sévère n’a été rapporté chez l’enfant.
un antihistaminique H1 avec des propriétés sédatives, mais • Le valproate de sodium est l’antiépileptique le plus prescrit.
surtout hypnotiques. La mortalité est de 2 % mais le pronostic dans les cas
d’intoxication est généralement favorable.
Reconnaissance clinique
Les symptômes observés en cas de surdosage correspondent à Dose létale/dose toxique
un syndrome anticholinergique. On décrit nausées, vomisse- • Pour les barbituriques, la dose toxique est de 25 mg/kg
ments, tachycardie, somnolence, troubles de l’accommodation, (phénobarbital). La corrélation entre la profondeur du coma
sécheresse buccale, mydriase, tachycardie, fièvre, tremblements, et les concentrations sanguines est bonne. L’absorption
confusion, hallucinations, ataxie et parfois troubles de la digestive est prolongée et une fixation partielle se fait sur les
conscience, voire coma avec dépression respiratoire et syndrome protéines tissulaires, ce qui explique que le taux sanguin

8 Médecine d’urgence
Intoxications médicamenteuses de l’enfant ¶ 25-140-J-10

Tableau 6. • La carbamazépine induit hyponatrémie et hypocalcémie. Les


Signes d’intoxication aux antiépileptiques classiques. formes sévères montrent une aplasie, une thrombopénie, une
Phénobarbital Signes apparaissant 1 à 3 h après l’ingestion anémie.
• Avec le valproate, on retrouve classiquement une hyperam-
Hypothermie
moniémie, avec acidose, une hypernatrémie et une possible
Hypoventilation
souffrance hépatocellulaire avec hyperlipasémie. Des tableaux
Coma calme avec aplasie, thrombopénie, anémie sont possibles.
Phénytoïne Signes différés parfois de 60 h
Tests toxicologiques spécifiques
Cardiaques
Nausées, vomissements, hypertrophie • La détermination du taux sérique des barbituriques ne doit se
des gencives (chronique) faire qu’une seule fois. Elle permet de confirmer la gravité de
Syndrome cérébelleux, ophtalmoplégie, diplopie, l’intoxication. La concentration toxique du phénobarbital est
nystagmus de 130 µmol (30 µg/ml), celle du sécobarbital de 20 µmol
Tremblement de repos, mouvements
(5 µg/ml).
involontaires • La détermination du taux sérique de phénytoïne est indispen-
sable. La concentration toxique est supérieure à 20 µg/ml.
Opisthotonos et crises d’épilepsie
Les taux ne sont pas corrélés à la gravité de l’intoxication mais
Coma hyperosmolaire
doivent néanmoins être répétés compte tenu des grandes
Carbamazépine Pharmacobézoards variabilités de l’adsorption et de la demi-vie.
• Une détermination du taux sérique de carbamazépine suffit si
Nystagmus, ataxie, tremblement intentionnel,
dysarthrie elle confirme l’intoxication. Le dosage peut être répété en cas
de négativité car le délai d’absorption peut être très variable.
Confusion, agressivité, coma (retardé ; fluctuant)
La concentration est toxique quand elle est supérieure à
État de mal épileptique, somnolence, céphalées,
50 µmol/l (12 µg/ml). Les taux ne sont pas toujours corrélés
hallucinations
à la gravité de l’intoxication.
Vertiges, mouvements anormaux (dyskinésie • L’étude des taux plasmatiques d’éthosuximide peut être
buccofaciale)
réalisée en cas d’apparition de signes cliniques. Des pics
Tachycardie sinusale ; BAV ; fluctuations plasmatiques de 40 µg/ml en moyenne sont observés 3 à
tensionnelles
7 heures après administration d’une dose unique de 500 mg
Allongement du QT chez l’enfant. Les taux sanguins thérapeutiques de l’éthosuxi-
mide varient entre 40 et 100 µg/ml.
Éthosuximide Léthargie, céphalées, ataxie, nausées,
• Une concentration de valproate supérieure à 120 µg/ml est
vomissements, vertiges
toxique. Le dosage doit être répété toutes les 4 heures jusqu’à
Troubles de la coordination, diarrhées, dépression
l’obtention d’une cinétique décroissante. Pour des taux
respiratoire
supérieurs à 800 µg/ml, il y a un risque de coma et de
Acide valproïque Apathie, stupeur, confusion, coma, hyporéflexie, dépression respiratoire. La surveillance de l’hyperammonié-
myosis, HTIC mie peut guider les posologies de la carnitine.
Astérixis, mouvements myocloniques, crises
convulsives Conduite à tenir
Hypotension, nausées, vomissements, diarrhées, Généralités
tachycardie atriale • L’admission en réanimation est justifiée devant un coma
Aplasie médullaire « barbiturique » mais aussi en cas de dépression respiratoire,
BAV : bloc auriculoventriculaire ; HTIC : hypertension intracrânienne. encombrement bronchique, collapsus, hypothermie ou
rhabdomyolyse.
• La prise orale isolée de phénytoïne n’impose pas forcément
puisse augmenter dans les 48 premières heures suivant l’arrêt l’hospitalisation car elle ne provoque pas en général de
des prises. Le phénobarbital étant totalement ionisé en milieu trouble cardiaque. Il est recommandé d’hospitaliser les
alcalin, l’excrétion croît avec le volume de la diurèse. patients ataxiques.
• La dose toxique de la prise orale de phénytoïne est de • Le traitement d’une intoxication grave par carbamazépine
20 mg/kg. doit être assuré dans une unité de soins intensifs. La durée de
• La dose toxique de la carbamazépine est de 5 fois la dose la surveillance prend en compte la possibilité d’un retard
habituelle thérapeutique en une prise unique. d’apparition des symptômes ou d’une réaggravation secon-
• La dose létale minimale hypothétique de l’éthosuximide daire (absorption retardée), ce risque étant majoré pour les
serait de 5 g. formes à libération prolongée.
• Pour le valproate de sodium, l’ingestion de 200 mg/kg peut • La surveillance des cas d’intoxication au valproate ou étho-
donner un coma. On retrouve des cas d’intoxication sévère suximide dépend de la dose ingérée.
pour des doses supérieures à 400 mg/kg. Traitement symptomatique
• Le traitement de l’intoxication barbiturique comprend pour le
Reconnaissance clinique phénobarbital : lavage d’estomac, charbon activé, assistance
respiratoire en cas de coma. L’alcalinisation urinaire n’est pas
Cf. Tableau 6. recommandée. La surveillance porte sur l’état hémodynami-
que, l’équilibre hydroélectrolytique (kaliémie, calcémie) et la
Reconnaissance paraclinique/biologique diurèse horaire. Dans les formes graves, on peut recourir à
• L’électroencéphalogramme (EEG), après intoxication aux une épuration extrarénale par dialyse péritonéale ou hémofil-
barbituriques, peut présenter des épisodes de silence électri- tration. Les autres barbituriques d’action rapide intermédiaire
que mimant une mort cérébrale. ne nécessitent qu’un traitement symptomatique de 24 à
• On retrouve principalement, dans l’intoxication à la phény- 36 heures. Une hyperhydratation est recommandée pour la
toïne, hypokaliémie, hyponatrémie, hyperglycémie, hypocal- primidone (Mysoline®).
cémie et acidose métabolique mais sans corrélation avec le • Pour la phénytoïne, le lavage gastrique et le charbon activé
degré d’intoxication. On doit surveiller l’apparition dans les sont indiqués, d’autant que l’absorption peut être très longue.
formes sévères d’une leucopénie (ou aplasie), thrombocytopé- • Le traitement d’une intoxication grave par carbamazépine
nie, anémie mégaloblastique ou hyperéosinophilie. comprend la surveillance du niveau de conscience, des

Médecine d’urgence 9
25-140-J-10 ¶ Intoxications médicamenteuses de l’enfant

paramètres cardiovasculaires (monitoring cardiaque et ECG), Fréquence et gravité


des signes vitaux et la correction des désordres électrolytiques.
Les risques liés à une intoxication avec les nouveaux antiépi-
Le lavage gastrique n’est pas systématique mais l’administra-
leptiques, de plus en plus prescrits, la plupart du temps en bi-
tion de charbon activé est conseillée, répétée jusqu’à ce que
ou polythérapie, sont encore peu décrits.
l’état hémodynamique redevienne stable. La modification
• Il n’a pas été observé de toxicité aiguë, menaçant le pronostic
ECG du complexe QRS peut être une indication d’adminis-
vital, liée à la gabapentine dans les cas de surdosage allant
tration intraveineuse de bicarbonates. Dans les formes sévères
jusqu’à 50 g.
avec troubles du rythme cardiaque, l’hémodialyse peut être
• Peu de cas d’intoxication de l’enfant par la lamotrigine sont
proposée. décrits. Aux États-Unis, sur 493 cas, on recense six cas de
• En cas de surdosage d’éthosuximide, il faut pratiquer un coma, huit convulsions et trois dépressions respiratoires chez
lavage gastrique et instituer un traitement symptomatique et l’adulte.
adjuvant en tenant compte de sa demi-vie. • Des cas de surdosage de la vigabatrine ont été rapportés. Dans
• Une surveillance peut être réalisée à domicile pour les près de 50 % des cas, il s’agissait d’ingestions médicamenteu-
patients asymptomatiques à 6 heures de l’ingestion acciden- ses multiples. Aucun des cas de surdosage n’a eu d’issue
telle de valproate de moins de 50 mg/kg. Dans les autres cas, fatale. En 2000 aux États-Unis, 173 cas d’intoxication chez
les mesures à entreprendre en milieu hospitalier sont : l’enfant ont été rapportés, aucun grave. Chez l’adulte, on
évacuation gastrique et charbon activé, maintien d’une retrouve de rares cas de coma ou de dépression respiratoire.
diurèse efficace, surveillance cardiorespiratoire. Dans les cas • Un cas d’intoxication volontaire de l’enfant avec huit fois la
très graves, on pratique éventuellement une épuration dose unitaire de felbamate s’est avéré peu symptomatique
extrarénale. Les crises convulsives sont traitées par avec une issue favorable.
benzodiazépines. • L’American Association of Poison Control Centers en
Traitement spécifique (antidote). Pour l’intoxication à 2001 recense 170 cas d’enfants intoxiqués par le topiramate
l’acide valproïque, il est possible de réaliser un traitement par sans réelle toxicité.
L-carnitine (Lévocarnil®). Les indications retenues sont l’hyper- • Les quelques cas d’intoxication au lévétiracétam se sont
ammoniémie, le taux de valproate supérieur à 450 µg/ml et le révélés sans conséquence.
coma. Les posologies publiées vont de 25 à 150 mg/kg en dose
de charge, suivies ou non de 25 mg/kg/6 h. La dose de Dose létale/dose toxique
50 mg/kg/j en intraveineuse continue est possible sans dépasser De manière générale, ces nouvelles molécules sont peu
3 g/j. En cas de coma avec dépression respiratoire, l’administra- dangereuses. La toxicité est décrite lors de l’ingestion de doses
tion de naloxone a été décrite comme efficace. massives excédant de 10 à 20 fois la dose thérapeutique
maximale.
Nouveaux antiépileptiques [48, 49, 58-66] • Il n’a pas été identifié de dose orale létale de gabapentine. À
des doses supérieures, la réduction de l’absorption de la
Les percées dans le domaine des neurosciences se sont gabapentine au cours du surdosage pourrait limiter l’absorp-
accompagnées de l’apparition d’un nombre remarquable de tion du médicament et minimiser ainsi la toxicité due au
nouveaux antiépileptiques depuis les années 1990. Il s’agit surdosage.
principalement dans l’ordre chronologique de leur apparition de • Des cas d’intoxication à la lamotrigine sont décrits à partir de
la vigabatrine (Sabril®), gabapentine (Neurontin®), lamotrigine 25 mg/kg.
(Lamictal®), du felbamate (Taloxa®), topiramate (Epitomax®) et • Les doses de vigabatrine recensées lors d’intoxications étaient
lévétiracétam (Keppra®). comprises entre 7,5 et 30 g. Des surdosages de 90 g ont été
signalés.
Molécules • Peu de cas de surdosage en felbamate sont décrits. Lors des
• La vigabatrine est en comprimés pelliculés ou granulés en études cliniques d’adulte, des doses allant de 4 à 12 g/j furent
involontairement absorbées par des patients traités en poly-
sachets-dose ; elle est hydrosoluble ; son absorption digestive
ou en monothérapie. La sévérité des effets indésirables
est rapide et totale (non influencée par la prise d’aliments).
observés fut faible. Après commercialisation du produit, des
Les concentrations dans le plasma sont proportionnelles à la
surdosages allant jusqu’à 40 g de felbamate ont été rapportés
dose administrée et la demi-vie varie de 5 à 8 heures.
sans conséquence majeure pour la majorité des patients.
• La gabapentine se présente sous forme de comprimés ou • Des cas de surdosage au topiramate allant jusqu’à 40 g ont
gélules. Elle est éliminée par voie rénale. La demi-vie (de 5 à été rapportés avec une issue favorable. La gravité des symp-
7 h) d’élimination est indépendante de la dose. La fraction de tômes semble augmenter avec l’âge des patients.
dose absorbée diminue avec l’augmentation de la dose. Les • Il n’existe pas de données concernant le lévétiracétam.
concentrations plasmatiques sont directement proportionnel-
les à la dose ingérée en une prise unique. Reconnaissance clinique
• La lamotrigine est disponible en comprimés à dissoudre. Elle
• Le surdosage en gabapentine peut entraîner vertiges, somno-
est rapidement et complètement absorbée au niveau gastro-
lence, troubles de l’élocution, diplopie et diarrhée. Des cas de
intestinal. Le pic plasmatique est atteint environ 2,5 heures
diplopie, choréoathétose, dyskinésie de la face sont décrits.
après l’administration orale. La demi-vie moyenne chez
Un cas d’hépatite toxique, un cas avec trouble du rythme
l’enfant varie de 7 à 50 heures selon son association avec des
cardiaque et quelques cas de convulsions et de coma sont
inducteurs enzymatiques. décrits.
• Le felbamate est un nouvel antiépileptique d’indication rare • Le surdosage en lamotrigine peut provoquer des vertiges, une
car très ciblée. C’est un dicarbamate rapidement résorbé par somnolence, des maux de tête, des troubles digestifs (nausées,
voie orale avec une demi-vie de 15 heures. Son excrétion est vomissements, diarrhées). Nystagmus, ataxie, tremblements,
urinaire. diplopie, photophobie, syndrome Parkinson-like ont été
• Le topiramate se présente en comprimés ou gélules. Il est rapportés. Enfin, le tableau clinique peut aller jusqu’à des
rapidement absorbé puis éliminé par voie rénale. troubles de la conscience avec coma.
• Le lévétiracétam, en comprimés ou solution, est très soluble • Le surdosage en vigabatrine peut entraîner des vertiges, un
et perméable, rapidement absorbé. Le pic de concentration tremblement, une somnolence ou un coma. D’autres symp-
plasmatique maximal est atteint 1 heure après l’administra- tômes sont moins fréquents : vertiges, céphalées, dépression
tion. La demi-vie est courte (5 h). respiratoire, bradycardie, hypotension artérielle.

10 Médecine d’urgence
Intoxications médicamenteuses de l’enfant ¶ 25-140-J-10

• Les symptômes liés au surdosage en felbamate comprennent absorbé (pic plasmatique en 1 à 3 h). Sa demi-vie est de 6 à
vertiges, constipation, purpura, céphalées, nausées, vomisse- 16 heures. Il subit une importante métabolisation hépatique.
ments, fièvre, somnolence et tachycardie. On retrouve aussi
des cas avec ataxie, nystagmus, diplopie, agitation, coma. Fréquence et gravité
• Les signes d’une intoxication avec le topiramate sont princi-
En raison de fréquentes prescriptions chez le sujet alcoolique
palement une somnolence ou une confusion. Sont également
et le sujet âgé, le méprobamate représente, en France, la
décrits des nausées, douleurs abdominales, troubles de
deuxième cause de coma toxique après les benzodiazépines avec
l’équilibre, étourdissements. Un état de mal épileptique a été
une mortalité importante.
rapporté dans une intoxication massive. Des hallucinations
visuelles et une ataxie sévère d’évolution favorable malgré
Dose létale/dose toxique
une forte dose de topiramate ont été décrites chez un nour-
risson. Les cas de dépression respiratoire sont rares. La dose toxique est de 50 mg/kg pour l’enfant. Il existe une
• Le surdosage en lévétiracétam peut entraîner une somno- relation entre le taux plasmatique et la profondeur du coma. Les
lence, des troubles de l’élocution, une diarrhée. Dépression intoxications sévères s’observent pour des doses supérieures à 6 g.
respiratoire et coma ont été observés très rarement.
Reconnaissance clinique
Reconnaissance biologique
Les signes sont voisins de ceux d’une intoxication aux
• La gabapentine peut entraîner des hépatites et une hyper- benzodiazépines, avec somnolence, coma, défaillance respira-
éosinophilie. toire.
• La lamotrigine à forte dose peut donner des neutropénies,
• Les troubles de la conscience apparaissent 1 à 3 heures après
thrombopénies, pancytopénies, anémies aplasiques, agranu-
l’ingestion. L’intensité du coma dépend de la dose ingérée. Le
locytoses.
coma est calme, avec mydriase, hypotonie, hyporéflexie,
• Il existe une toxicité médullaire (anémie, aplasie) et hépatique
parfois associé à des signes pyramidaux.
pour le felbamate.
• La gravité est liée à la survenue d’une insuffisance circulatoire
• Une acidose métabolique doit être recherchée pour les
aiguë non corrélée aux troubles de la vigilance. L’hypotension
intoxications au topiramate.
ou le choc sont la conséquence d’une vasoplégie ou d’une
• Il n’y a pas de particularité pour le lévétiracétam ni pour la
vigabatrine. dépression myocardique (intoxications sévères) avec risque
d’œdème pulmonaire. Il existe un effet stabilisant de mem-
Tests toxicologiques spécifiques brane, responsable de troubles cardiovasculaires sévères (QRS
larges) causant une mortalité non négligeable.
Le suivi des taux plasmatiques pour les nouveaux antiépilep-
tiques n’est pas actuellement recommandé. Tests toxicologiques spécifiques
Conduite à tenir Le pic plasmatique (1 à 3 h) avoisine 6 à 8 µg/ml pour une
Traitement symptomatique. Les mesures symptomatiques administration d’une dose unique de 400 mg. Il existe une
habituelles doivent être engagées pour la prise en charge des corrélation entre les concentrations plasmatiques et la profon-
intoxications aux nouveaux antiépileptiques. Des mesures visant deur du coma. Un coma profond est observé pour des concen-
à éliminer le produit non encore absorbé doivent être envisa- trations supérieures à 100 mg/l.
gées.
Conduite à tenir
• Le charbon activé n’adsorbe pas la vigabatrine. L’efficacité de
l’hémodialyse n’est pas reconnue. Dans des cas isolés chez des C’est une indication d’hospitalisation en urgence avec prise
patients insuffisants rénaux traités par des doses thérapeuti- en charge adaptée d’une défaillance respiratoire, neurologique
ques de vigabatrine, l’hémodialyse a réduit les concentrations ou hémodynamique.
plasmatiques de vigabatrine de 50 %. Traitement symptomatique
• La gabapentine peut être éliminée par hémodialyse, mais • Les carbamates peuvent constituer des pharmacobézoards
cette méthode n’est pas recommandée, sauf en cas d’insuffi- motivant la réalisation d’un lavage gastrique, même tardif.
sance rénale sévère. • L’hydratation est prudente (œdème pulmonaire). Le traite-
• En cas de surdosage en lamotrigine, l’hospitalisation permet ment du collapsus (expansion volumique, inotropes) doit être
le lavage gastrique et l’instauration d’un traitement sympto- adapté à l’évaluation clinique et échocardiographique.
matique (contrôle des convulsions, surveillances hépatique et • L’hémodialyse et l’hémoperfusion n’améliorent pas la morbi-
cardiaque). dité et/ou la mortalité des patients traités.
• En cas de surdosage en felbamate, une thérapeutique symp-
tomatique globale doit être instituée. On ignore si le felba-
mate est dialysable. L’hydratation intraveineuse est conseillée Benzodiazépines [46, 48]
en cas de cristallurie.
On recense de nombreuses molécules comme le chlordiazé-
• Si l’ingestion de topiramate est récente et massive, l’adminis-
poxide, le clonazépam (Rivotril ® , Tranxène ® ), le diazépam
tration de charbon activé et/ou un lavage gastrique doivent
(Valium®), le lorazépam (Témesta®), le midazolam (Hypnovel®),
être proposés. Une bonne hydratation du patient doit être
le nitrazépam (Mogadon ® ), le flunitrazépam (Rohypnol ® ),
assurée.
l’oxazépam (Séresta®), le bromazépam (Lexomil®) et le triazolam
• Après un surdosage important au lévétiracétam, un lavage
(Halcion®).
gastrique est indiqué. Le traitement peut comporter une
hémodialyse. Le taux d’élimination par dialyse est de 60 %. Molécule

Carbamates [67, 68] Les diazépines les plus fréquemment incriminées sont le
clonazépam (Tranxène®), le lorazépam (Témesta®) et le broma-
Les carbamates sont essentiellement prescrits comme tran- zépam (Lexomil®). Elles ont une activité pharmacodynamique
quillisants (Équanil ® , Atrium ® ) ou comme hypnotiques en myorelaxante, anxiolytique, sédative, hypnotique, anticonvulsi-
association avec une phénothiazine (Mépronizine®). vante et amnésiante. L’absorption digestive est rapide (pic
plasmatique entre 1 et 3 h), le métabolisme exclusivement
Molécule hépatique. La demi-vie des benzodiazépines est variable d’une
Il s’agit du méprobamate (Mépronizine ® , Équanil ® ) ou molécule à l’autre (de 3 à 70 h) et ne reflète qu’imparfaitement
difébarbamate (Atrium®). Après prise orale, il est rapidement la durée de l’action clinique.

Médecine d’urgence 11
25-140-J-10 ¶ Intoxications médicamenteuses de l’enfant

Fréquence et gravité notamment chez le patient épileptique. Les contre-indications


Les benzodiazépines représentent un quart des intoxications relatives à l’administration de flumazénil concernent les
médicamenteuses chez l’enfant de moins de 5 ans dans les pays patients ayant co-ingéré des agents proconvulsivants (ADT).
occidentaux. Elles sont impliquées dans les intoxications
volontaires de l’adolescent, en association avec d’autres subs- Antalgiques
tances. L’efficacité thérapeutique et la grande sécurité d’emploi
Il s’agit du paracétamol, des AINS, de l’acide acétylsalicylique,
expliquent en partie l’importance de la prescription. Le pronos-
des opiacés.
tic, habituellement favorable, peut être menacé, notamment lors
de polyintoxications impliquant d’autres dépresseurs du système
nerveux central. Paracétamol [69-73]

Dose létale/dose toxique Fréquence et gravité


Le paracétamol est contenu dans plus de 100 produits en
La dose toxique est en général élevée (1,5 mg/kg ou cinq fois
vente libre. Jusqu’à 10 % des appels dans les centres antipoison
la dose thérapeutique habituelle), sauf pour certaines molécules
du Royaume-Uni concernent des intoxications au paracétamol.
d’absorption rapide (Halcion®, Rohypnol®, Mogadon®).
En 1997, aux États-Unis, le nombre d’intoxications en rapport
Reconnaissance clinique avec une ingestion de paracétamol chez des sujets de moins de
19 ans était de 75 969 cas. Les intoxications au paracétamol
Les symptômes d’intoxication débutent par une démarche représentent environ 10 % des intoxications par les médica-
ébrieuse avec chutes. Les cas bénins se manifestent par des ments antipyrétiques chez l’enfant.
signes de confusion mentale avec léthargie, les prises massives
par une dépression neurologique centrale pouvant aller de la Pharmacologie/dose létale/dose toxique
somnolence jusqu’au coma, selon la quantité ingérée. Les cas
Le paracétamol est transformé à plus de 90 % à 93 % en
plus sérieux se manifestent par une ataxie, une hypotonie, une
composés inactifs par les hépatocytes (glycurono- et sulfoconju-
hypotension, une dépression respiratoire, exceptionnellement
gaison). 2 % à 5 % sont éliminés sans transformation dans les
un décès. Les intoxications graves au Rohypnol ® peuvent
urines ; 5 % sont transformés par la voie du cytochrome
entraîner un coma avec dépression respiratoire, bradycardie
P450 en un composé très réactif (N-acétyl-p-benzoquinone
sinusale et hypotension artérielle.
imine : NAPQI) lui-même inactivé par le glutathion. En condi-
Reconnaissance paraclinique/biologique tion d’intoxication, c’est le dépassement des capacités de
conjugaison chez l’enfant et la chute du taux de glutathion qui
L’électroencéphalogramme (EEG) enregistre des rythmes provoquent une accumulation du composé NAPQI. Le risque
rapides. d’hépatotoxicité chez l’enfant âgé de 1 à 5 ans est plus faible
que celui de l’adulte du fait de la prépondérance du mécanisme
Tests toxicologiques spécifiques de sulfonoconjugaison dans le métabolisme du paracétamol, de
La recherche des benzodiazépines se réalise sur les prélève- la diminution de moitié de la voie du cytochrome P450, de la
ments gastriques, le sang et les urines. Des méthodes de fréquence d’utilisation de la galénique liquide de concentration
recherche rapides semi-quantitatives peuvent être réalisées sur plus faible en paracétamol et du caractère très souvent acciden-
les urines ou le plasma mais on considère que le dépistage tel de l’intoxication à cet âge. En l’absence de malnutrition ou
sanguin par immunochimie n’a pas de place pour la prise en de prise concomitante de médicaments inducteurs enzymati-
charge en urgence du patient. La détermination du taux sérique ques, il est recommandé de considérer, dans ce groupe d’âge
est inutile. L’administration de flumazénil (Anexate®) est décrite (1 an-5 ans), une dose toxique plus élevée (dose supposée ou
comme utile en tant que test diagnostique mais il n’est pas avérée ingérée > 200 mg/kg et paracétamolémie à h2 postinges-
recommandé de réaliser ce test à l’aveugle qui peut s’avérer dangereux tion > 225 mg/l [pic plasmatique plus précoce des formes
en cas de polyintoxication. liquides]). Pour l’enfant plus grand, on considère le risque
toxique si la dose supposée ou avérée ingérée est supérieure
Conduite à tenir à 150 mg/kg.
Une surveillance particulière des fonctions cardiorespiratoires
en milieu spécialisé est recommandée.
Traitement symptomatique. Le charbon activé est adminis-
tré chez un patient conscient dans l’heure suivant une intoxi-
cation per os. Le lavage gastrique est nécessaire en cas
“ Point fort
d’intoxication massive ou si l’intoxication concerne des produits
d’action très rapide comme le Rohypnol®. L’intubation protège • Chez l’enfant de moins de 5 ans, le dosage de la
les voies aériennes en cas de troubles de la conscience ou de paracétamolémie à la 2e heure postintoxication présente
détresse respiratoire. un intérêt pronostique.
Traitement spécifique (antidote). Le flumazénil (Anexate®) • Il faut contacter un centre de greffe hépatique dans les
est indiqué dans les intoxications isolées aux benzodiazépines et intoxications graves au paracétamol (discussion de la prise
molécules apparentées (zolpidem, zopiclone) avec présence d’un en charge, administration de plasma frais congelé).
coma nécessitant une assistance ventilatoire. Il doit être titré et • L’interprétation de la salicylémie sur le nomogramme
effectué sous surveillance clinique. La posologie est de 10 µg/kg de Done doit être prudente. Il faut s’aider d’un tableau de
en injection intraveineuse lente. L’absence de réponse clinique
concordance biologicoclinique.
au-delà de 2 mg remet en cause le diagnostic d’intoxication
pure aux benzodiazépines. Il n’existe aucune étude validant
• L’intoxication à l’aspirine se traduit par une acidose
l’administration de flumazénil en perfusion continue mais si métabolique à trou anionique élevé.
l’état clinique de l’enfant le nécessite, au minimum en unité de
surveillance continue, elle peut être proposée à la posologie de
10 µg/kg/h. Le flumazénil ne doit pas être administré en routine
Reconnaissance clinique
chez les patients en coma d’étiologie indéterminée (coma non
toxique ou toxique non connu) ou chez les patients pour On décrit classiquement quatre phases :
lesquels une polyintoxication ne peut être exclue. L’antago- • phase I (h0-h24) : bilans biologiques normaux (hors paracé-
nisme par le flumazénil de l’effet des benzodiazépines peut tamolémie) et symptômes peu spécifiques : nausées, vomisse-
favoriser l’apparition de troubles neurologiques (convulsions), ments, hépatalgie, malaise ;

12 Médecine d’urgence
Intoxications médicamenteuses de l’enfant ¶ 25-140-J-10

Patient avec une


Patient vu < h8 Patient vu entre h8 et h15 Patient vu > h15
hépatotoxicité avérée

< 6 ans :
< 6 ans : Poursuite de
- dose ingérée > 200 mg/kg < 6 ans :
dose ingérée > 200 mg/kg l’antidote (50 mg/8 h)
- paracétamolémie h2 > 225 mg/l dose ingérée > 200 mg/kg
> 6 ans : jusqu’à décroissance
> 6 ans : > 6 ans :
dose ingérée > 150 mg/kg des enzymes
- dose ingérée > 150 mg/kg dose ingérée > 150 mg/kg
Altération de la fonction hépatiques et
- paracétamolémie h4 en
hépatique normalisation du TP
zone toxique sur le NMR

Traitement arrêté
Arrêt si la
Traitement poursuivi si normalisation des
paracétamolémie est
en cas de survenue enzymes hépatiques
hors de la zone
de signes et paracétamolémie
toxique du NMR
d’hépatotoxicité indétectable à h4
après son arrivée

- NAC intraveineux (protocole sur 20 heures)


Enfant > 20 kg : 150 mg/kg en 60 min, 50 mg/kg en 4 h, 100 mg/kg en 16 h
Enfant < 20 kg : 150 mg/kg dilués dans 3 ml/kg de glucosé 5 % sur 1 h,
puis 50 mg/kg dilués dans 7 ml/kg de glucosé 5 % sur 4 h, puis 100 mg/kg
dilués dans 15 ml/kg de glucosé 5 % sur 16 h
- NAC per os : 140 mg/kg (dose de charge), 70 mg/kg/4 h (pour un total de 17 doses)

Figure 1. Arbre décisionnel. Protocole d’administration et indication de la N-acétylcystéine (NAC) dans les intoxications au paracétamol chez l’enfant [4].

NMR : nomogramme de Rumack-Matthew ; TP : taux de prothrombine.

• phase II (h24-h48) : l’amélioration paradoxale de la sympto- récentes indiquent que chez l’enfant entre 1 et 5 ans, le dosage
matologie clinique, voire sa disparition, est possible. L’hépa- 2 heures après l’ingestion (cf. supra) est pronostique. Passé cet
talgie peut persister et un ictère apparaître tandis que les âge, une paracétamolémie supérieure à 150 µg/ml à h4 consti-
altérations biologiques (élévation des transaminases et de la tue la limite inférieure de la zone d’hépatotoxicité probable sur
bilirubine) sont présentes. Une oligurie est parfois présente. le nomogramme de Rumack-Matthew (Fig. 1). En dessous de
L’atteinte rénale (intoxication sévère) est présente dans un 120 µg/ml à la 4e heure, le risque d’hépatotoxicité est nul et le
quart des cas ; traitement doit être arrêté.
• phase III (h48-h72-96) : anomalies biologiques maximales et
hépatite cytolytique : l’ictère est souvent net ; les transamina- Conduite à tenir
ses sont à leur maximum (parfois > 30 000 UI/l) ; le bilan
d’hémostase est altéré (diminution du facteur V, augmenta- Traitement symptomatique. L’administration de charbon
tion du taux de prothrombine [TP]). Le décès peut survenir dans les deux premières heures suivant l’ingestion est discutée
en 3 à 5 jours ; chez l’enfant de plus de 6 ans où l’absorption est plus lente. Elle
• phase IV (au-delà du 4e jour) : chez la majorité des patients, empêche tout traitement par voie orale. En cas d’évolution vers
on observe une normalisation des paramètres biologiques et une encéphalopathie hépatique, le recours à une assistance
une guérison en 15 jours sans séquelles ; chez les autres, ventilatoire peut être nécessaire. Il convient de prendre rapide-
l’altération hépatocellulaire se poursuit avec apparition d’une ment contact avec un centre de greffe hépatique et de discuter
encéphalopathie hépatique et plus rarement d’une insuffi- avec des spécialistes de la prise en charge, en particulier pour
sance rénale (tubulonéphrite aiguë). L’hépatite fulminante éviter l’administration intempestive de plasma frais devant les
concerne moins de 1 % des patients au total. troubles de la coagulation, pouvant retarder la prise en charge
spécifique de greffe.
Reconnaissance biologique
Traitement spécifique : N-acétylcystéine (NAC). Les proto-
Les anomalies biologiques restent silencieuses durant les coles d’administration et indications du NAC chez l’enfant sont
premières 24 heures et sont maximales au 3e jour (augmentation résumés sur la Figure 2. En cas d’ingestion de doses multiples
des transaminases, diminution des facteurs de coagulation, sur 24 heures, le NAC est indiqué si la dose ingérée cumulative
augmentation du TP, augmentation de la bilirubine). Les anoma- est supérieure à 150 mg/kg chez l’enfant de plus de 6 ans et
lies biologiques rénales sont plus rares. Au moment de la prise en supérieure à 200 mg/kg chez l’enfant de moins de 6 ans. Dans
charge d’une intoxication au paracétamol, le dosage du lactate
ce cas précis, le nomogramme ne doit pas être utilisé car il sous-
sanguin est un facteur pronostique important chez l’adulte.
estime le risque hépatotoxique.
Tests toxicologiques spécifiques : paracétamolémie
Salicylés [73-76]
Le dosage se fait classiquement 4 heures après l’intoxication
supposée ou prouvée et cette mesure conditionne la poursuite Molécule
ou non du traitement, ce dernier ayant été débuté dès l’identi-
fication de la possibilité d’une intoxication. Des études plus C’est l’acide acétylsalicylique (AAS : aspirine).

Médecine d’urgence 13
25-140-J-10 ¶ Intoxications médicamenteuses de l’enfant

rénale aiguë fonctionnelle par collapsus hypovolémique et


Taux de paracétamol Nomogramme de Prescott déshydratation elle-même favorisée par la dysrégulation mito-
inchangé dans le plasma (mg/ml) Nomogramme standard
chondriale (hyperthermie, sudation et vasodilatation). Des cas
Atteinte hépatique (AH) sévère pouvant être fatale de rhabdomyolyse, nécrose hépatocellulaire, tubulopathie aiguë,
500
400 hémolyse ou encore de syndrome de sécrétion inappropriée
300 AH sévère d’hormone antidiurétique (SIADH) ont été décrits.
à modérée
200 150 µg
150 C Reconnaissance biologique
100 Atteinte hépatique
AH modérée L’alcalose respiratoire est remplacée par une acidose métabo-
70 B croissant avec le taux reporté
ou nulle lique (trou anionique augmenté) avec hyperlactatémie, amino-
60 Hépatotoxicité
50 probable acidurie et cétonurie. Plus tard, l’acidose devient mixte. L’hypo-
40 A
kaliémie est favorisée par l’alcalose, les pertes digestives et
Pas d'effet
20 toxique rénales. L’hypoglycémie peut faire suite à une hyperglycémie
significatif initiale. Les troubles de l’hémostase, réversibles, variables et
proportionnels à la dose ingérée, associent baisse des facteurs
4 5 6 7 8 9 10 12 vitamino-K-dépendants (VII), hypofibrinémie et hypoprothrom-
Temps écoulé depuis l'ingestion (en heures) binémie (atteinte hépatique directe).
Figure 2. Nomogramme de Rumack-Matthew pour l’intoxication
au paracétamol. Il s’agit d’une courbe semi-logarithmique des taux
Tests toxicologiques spécifiques
plasmatiques de paracétamol en fonction du temps. Ce graphique ne doit La bandelette Phenistix® dépiste les corps cétoniques dans les
être employé que dans le cas d’une intoxication aiguë unique. Pour liquides biologiques (vire au violet si la salicylémie est
le nourrisson et le petit enfant de moins de 6 ans, une paracétamolémie > 200 mg/l ou si la salicylurie est positive). Le diagnostic est
> 225 µg/ml prélevée 2 h après l’ingestion doit être considérée comme cependant posé par le dosage de la salicylémie devant toute
toxique. suspicion d’intoxication.

Conduite à tenir
Tableau 7. Le traitement est symptomatique :
Relation entre la salicylémie et la gravité de l’intoxication, d’après [76].
• conditionnement du patient et gestes de réanimation cardio-
Adulte Gravité de l’intoxication Enfant respiratoire si nécessaire avec évacuation du contenu gastrique
par lavage gastrique (pharmacobézoards). L’administration de
250-500 mg/l Modérée 100-300 mg/l
charbon activé dans la 1re heure peut être répétée si l’intoxi-
500-750 mg/l Sévère 350-600 mg/l cation concerne une forme retard ; on réalise une réhydrata-
> 750 mg/l Létale > 600 mg/l tion (2 à 2,5 l/m 2 /j) avec correction de l’hypokaliémie,
administration de vitamine K : 10 mg intraveineux ou per os ;
• alcalinisation des urines pour obtenir un pH urinaire supé-
Fréquence et gravité rieur à 7 et une diurèse horaire supérieure à 2 ml/kg/h.
L’hémodialyse se discute lors d’atteinte neurologique,
Cette intoxication, dont la variabilité interindividuelle est
défaillance multiviscérale ou troubles métaboliques difficiles à
importante, a une potentialité néfaste qui n’est pas directement
contrôler.
dose-dépendante.

Pharmacologie/dose létale/dose toxique Anti-inflammatoires non stéroïdiens [73, 74, 76]


L’AAS est rapidement absorbé au niveau digestif, hydrolysé en L’ibuprofène est un AINS appartenant au groupe des propio-
30 minutes en acide salicylique et acétique avec un pic plasma- niques, dérivé de l’acide arylcarboxylique. Il est antalgique,
tique à 2 heures postingestion (jusqu’à 6 h pour les formes antipyrétique, anti-inflammatoire et inhibe transitoirement la
gastrorésistantes). L’AAS a la particularité de ralentir la vidange fonction plaquettaire. Ces propriétés sont liées à une inhibition
gastrique et de provoquer la formation de pharmacobézoards de la synthèse des prostaglandines.
augmentant la durée d’absorption. S’il est conseillé de doser la
salicylémie, son interprétation sur le nomogramme de Done doit Fréquence et gravité
rester prudente. Une autre correspondance est proposée L’ibuprofène représentait 94 % des 840 cas recensés d’intoxi-
(Tableau 7). Conjugué à 95 %, son élimination est urinaire. La cation aux AINS au Québec en 2002 chez les enfants de moins
forme libre est réabsorbée après excrétion, d’autant moins que de 16 ans. Sur la même période aux États-Unis, 38 000 cas
le pH est alcalin (> 6). La demi-vie d’élimination peut aller d’intoxication à l’ibuprofène sans aucun cas mortel ont été
jusqu’à 40 heures en cas d’intoxication. La dose potentiellement rapportés chez les enfants de moins de 6 ans.
toxique chez l’enfant est de 100 mg/kg en une prise ; les enfants
asymptomatiques ayant reçu ou pris moins de 120 mg/kg ne Dose létale/dose toxique
nécessitent pas de prise en charge. Elle serait légèrement plus La dose létale n’est pas connue. Au-delà de 200 mg/kg, il est
faible chez le nourrisson : 80 mg/kg. possible d’observer des effets toxiques. Au-delà de 400 mg/kg
ingérés en une fois, il s’agit d’une intoxication grave.
Reconnaissance clinique
• L’intoxication à la phase initiale peut se limiter à une Reconnaissance clinique
hyperpnée difficile à repérer. • Intoxication mineure : signes digestifs (gastralgie, nausées,
• L’intoxication modérée se traduit par des troubles digestifs vomissements, diarrhées), signes neurosensoriels (céphalées,
(nausées, vomissements, douleurs épigastriques, gastrite vision floue, diplopie, vertiges, nystagmus, acouphènes,
hémorragique), neurosensoriels précoces (céphalées, asthénie, somnolence, étourdissements).
bourdonnement d’oreille, hypoacousie, vertiges, hyperexcita- • Intoxication sévère : insuffisance rénale aiguë, coma, convul-
bilité) ou tardifs (agitation, obnubilation, somnolence, sions, hypotension, hypertension, syndrome de détresse
hallucinations) et respiratoires (hyperpnée avec une alcalose respiratoire aiguë. Le décès est exceptionnel.
respiratoire initiale).
Les formes sévères combinent coma, convulsions (qui peu- Reconnaissance biologique
vent apparaître précocement chez l’enfant), dépression respira- Une acidose métabolique et des troubles graves de l’hémos-
toire (épuisement ou œdème pulmonaire lésionnel), insuffisance tase (TP) peuvent survenir lors d’intoxication massive.

14 Médecine d’urgence
Intoxications médicamenteuses de l’enfant ¶ 25-140-J-10

Tests toxicologiques spécifiques Cardiotropes


Le dosage de l’ibuprofène n’a aucun intérêt pratique.
À effet stabilisant de membrane [78-80]
Conduite à tenir
Traitement symptomatique. Tout tableau clinique de coma De nombreux médicaments possèdent, à dose thérapeutique ou
ou d’insuffisance rénale aiguë est pris en charge en réanimation. toxique, un effet stabilisant de membrane. Il s’agit des anti-
L’administration de charbon activé dans la première heure arythmiques de la classe I de Vaughan Williams (quinidine,
suivant l’ingestion peut se discuter. Les convulsions sont traitées lidocaïne, phénytoïne, disopyramide, flécaïnide, propafénone), de
par des benzodiazépines en première intention et une b-bloquants (propranolol, acébutolol, pindolol, labétalol, oxpré-
hydratation suffisante pour maintenir une diurèse supérieure nolol), d’antidépresseurs polycycliques (amitriptyline, imipra-
à 1,5 ml/kg/h est réalisée. On administre un pansement gastri- mine, clomipramine), d’antipaludéens (chloroquine, quinine), de
que. Le TP, le pH sanguin, les électrolytes et la fonction rénale phénothiazines, de la carbamazépine, du dextropropoxyphène et
sont particulièrement surveillés. de la cocaïne. Cet effet, également appelé « quinidine-like », par
inhibition des canaux sodiques, altère les propriétés électro-
Opiacés [77] physiologiques des membranes cellulaires du tissu musculaire et
nodal du myocarde, mais aussi du système nerveux central.
La morphine, principal alcaloïde de l’opium, dérivé du pavot,
est agoniste pur des récepteurs µ et se retrouve dans beaucoup Fréquence et gravité
de spécialités pharmaceutiques (antalgiques, antitussifs, anti-
diarrhéiques) dont l’interaction avec une affinité variable avec Bien que largement prescrits, cette intoxication est rare chez
trois principaux récepteurs (µ, j et d) est responsable des l’enfant, mais pourvue de complications cardiovasculaires
complications. On définit des agonistes faibles (codéine, redoutables, responsables d’une mortalité pouvant atteindre
dextropropoxyphène, lopéramide, tramadol), des agonistes forts 15 % à 20 %. La survenue des signes d’intoxication est dose-
(morphine, fentanyl, sufentanil, alfentanil, méthadone) et des dépendante et souvent précoce (1 à 3 h).
agonistes partiels/agonistes-antagonistes (nalbuphine, bupré-
Reconnaissance clinique
norphine, pentazocine).
Le diagnostic repose sur l’allongement du QT, des blocs
Fréquence et gravité intraventriculaires et auriculoventriculaires (BAV), un collapsus,
Aux États-Unis, entre 1983 et 2000, 75 000 intoxications aux une tachycardie supraventriculaire, ventriculaire ou une fibrilla-
opiacés ont été recensées chez les enfants de moins de 6 ans. tion ventriculaire (FV), associés à des signes non cardiovasculai-
Entre 1968 et 2000, le nombre de décès liés à une intoxication res (coma, convulsions, apnées d’origine centrale, acidose,
par les opiacés chez les enfants de moins de 10 ans était de hypokaliémie).
47 cas.
Prise en charge
Reconnaissance clinique
Elle est symptomatique, précoce. Il ne faut pas sous-estimer
C’est la triade : myosis + troubles de la conscience + bradyp- la gravité potentielle de l’intoxication. Le maintien d’une
née (syndrome opioïde). pression de perfusion systémique permet de diminuer les
D’autres signes cliniques peuvent accompagner cette intoxi- concentrations du toxique en maintenant son élimination
cation : convulsions, hypoglycémie, œdème aigu du poumon, hépatique et/ou rénale. Outre les mesures générales, le traite-
choc cardiogénique (dextropropoxyphène), nausées, vomisse- ment repose sur les mesures suivantes :
ments, ataxie, bronchospasme (codéine), tachycardie, HTA, • contact systématique et rapide avec un centre pouvant mettre
hallucinations (buprénorphine), euphorie, dysphorie, bradycar- en place une CEC, pour un éventuel transfert ;
die, hypotension artérielle, voire collapsus (histaminolibération, • en cas de BAV, injection d’atropine (20 µg/kg) puis d’Isuprel®
vasoplégie), rétention urinaire, diminution du réflexe de toux, (0,1 µg/kg/min), voire entraînement électrosystolique ;
inhalation du contenu gastrique et complications respiratoires. • en cas d’élargissement des QRS supérieurs à 0,12 secondes,
L’hypotonie est fréquente chez le petit enfant. administration de bicarbonate ou lactate de sodium
molaire (1 ml/kg, maximum 350 ml) ;
Reconnaissance biologique • en cas de collapsus, test de remplissage prudent, administra-
Elle est non spécifique et peut mettre en évidence des tion de bicarbonate ou lactate de sodium molaire, voire
conséquences de l’hypoventilation (hypoxie et hypercapnie) soutien par catécholamines (adrénaline 0,1 µg/kg/min). Dans
avec une acidose ventilatoire non compensée. les intoxications aux b-bloquants, injection de glucagon
(1 mg renouvelable). Dans les intoxications aux antipalu-
Tests toxicologiques spécifiques déens, injection de diazépam (0,5 à 2 mg/kg en intraveineuse
Le dosage urinaire ne met en évidence que les dérivés lente 30 min). En cas de choc cardiogénique réfractaire,
opiacés. Si le tableau clinique est évocateur d’une intoxication envisager la mise en place d’une CEC, jusqu’à ce que les effets
aux morphinomimétiques, il faut savoir rechercher d’autres cardiotoxiques aient régressé ;
molécules telles que méthadone, buprénorphine ou • en cas d’arrêt cardiorespiratoire, suivre les recommandations
dextropropoxyphène. habituelles. Une injection de bicarbonate ou lactate de
sodium peut être réalisée. Il convient de prolonger la réani-
Conduite à tenir mation cardiopulmonaire jusqu’au branchement de la CEC,
Traitement symptomatique. L’urgence est respiratoire. des récupérations ayant été décrites après plusieurs heures de
L’intubation-ventilation assistée est nécessaire pour protéger les compressions thoraciques.
voies aériennes et assurer l’hématose sanguine. Le traitement
des convulsions et du collapsus cardiovasculaire n’est pas Inhibiteurs calciques [78-83]
spécifique.
Traitement spécifique (antidote). Naloxone : Narcan ® Les inhibiteurs calciques ou antiarythmiques de classe IV,
(cf. Tableau 4). fréquemment prescrits, sont rarement impliqués dans les
intoxications de l’enfant, mais entraînent des complications
cardiovasculaires précoces (1 à 3 h), responsables du nombre de
.
Intoxications aux antibiotiques décès le plus important par médicament cardiotrope (20 %-
Les intoxications aux antibiotiques, classiquement involon- 25 %). Les produits les plus fréquemment retrouvés sont le
taires et par erreur de posologie, sont peu dangereuses. vérapamil et le diltiazem.

Médecine d’urgence 15
25-140-J-10 ¶ Intoxications médicamenteuses de l’enfant

lence et confusion. Les signes cardiaques sont des bradycardies,

“ Point fort
des BAV et extrasystoles ventriculaires (ESV), puis des dysryth-
mies plus graves (FV, asystolie).

• Les inhibiteurs calciques ou antiarythmiques de classe IV Reconnaissance biologique


sont responsables du nombre de décès le plus important L’hyperkaliémie, reflétant l’inhibition excessive de la Na-K-
par médicament cardiotrope (20 %-25 %) chez l’enfant. ATPase membranaire, traduit une intoxication sévère.
• La toxicité est dose-dépendante, mais l’ingestion d’un
seul comprimé peut causer des symptômes sévères, Tests toxicologiques spécifiques
notamment le décès. Le dosage digitalique est interprétable seulement à partir de
• Dans une intoxication supposée aux cardiotropes, il faut la 4e-6e heure : taux toxique de digoxine supérieur à 2,5 ng/ml
systématiquement et rapidement prendre contact avec un et de digitoxine supérieur à 30 ng/ml. Ces taux sont non
centre pouvant mettre en place une assistance circulatoire interprétables chez les nouveau-nés.
périphérique.
Prise en charge
• L’assistance circulatoire périphérique n’a pas indication
dans l’intoxication aux digitaliques. Traitement symptomatique. La prise en charge repose sur les
mesures générales, et sur les mesures suivantes :
• en cas de bradycardie ou BAV, injection d’atropine 20 µg/kg
(valeur de test de gravité), voire entraînement électrosystoli-
Dose toxique/dose létale que ;
• en cas d’ESV, injection de Xylocaïne ® (1 mg/kg puis
La dose toxique est environ dix fois supérieure à la dose
30 µg/kg/min) ; si échec, injection de sulfate de magnésium
thérapeutique. La toxicité est dose-dépendante, mais l’ingestion
(25 à 50 mg/kg en intraveineuse lente 20 min) ;
d’un seul comprimé peut causer des symptômes sévères, voire le
• en cas d’arrêt cardiocirculatoire, application des recomman-
décès.
dations habituelles. La CEC n’a ici aucune indication.
Traitement spécifique (antidote)
Reconnaissance clinique
• Depuis 1976, le pronostic des intoxications digitaliques a été
L’intoxication par inhibiteurs calciques entraîne un collapsus transformé par l’immunothérapie : les fragments Fab entraî-
par vasoplégie (84 %), un BAV, un choc cardiogénique et le nent un effondrement de la digoxine libre (pharmacologi-
décès. quement active), une augmentation de la clairance rénale de
la digoxine ou de la digitoxine, une diminution de la kalié-
Prise en charge mie et une amélioration des signes électriques. Les indications
Elle doit être précoce sans sous-estimer la gravité potentielle sont un BAV, une bradycardie résistante à l’atropine, une
de l’intoxication. Outre les mesures générales, le traitement hyperkaliémie, une dysrythmie ventriculaire, un choc cardio-
comprend : génique ou un arrêt cardiorespiratoire. Chez le petit enfant,
• une surveillance hospitalière systématique jusqu’à 6 heures la quantité totale est d’emblée administrée, contrairement à
après l’ingestion (12 à 24 h si ingestion de forme à libération chez l’adulte où une demi-dose est parfois prescrite.
prolongée) ; • Calcul de la quantité de Digidot® à injecter selon la dose
• le contact systématique avec un centre pouvant mettre en supposée ingérée ; un flacon (80 mg) neutralise 1 mg de
place une CEC ; digoxine ou digitoxine présente dans l’organisme ; la quantité
• un soutien hémodynamique par agonistes alpha (pour débuter, à injecter = dose supposée ingérée × 0,6 ou digoxinémie (ou
dopamine 10 µg/kg/min ou noradrénaline 0,5 µg/kg/min) digitoxinémie) × poids × 5,6/1 000.
en cas de vasoplégie et d’agonistes bêta en cas de choc • Si ces données sont inconnues, pour un patient adulte, injecter
cardiogénique (pour débuter, dobutamine 10 µg/kg/min ou une quantité empirique de dix flacons. L’administration se fait
adrénaline 0,1 µg/kg/min). En cas d’échec, la CEC doit être le plus précocement possible, en perfusion dans du sérum salé,
envisagée ; en 30 minutes, voire en bolus dans l’arrêt cardiaque.
• en cas de BAV résistant aux thérapeutiques classiques, un
entraînement électrosystolique peut être réalisé ; Autres intoxications médicamenteuses
• en cas d’arrêt cardiaque, suivre les recommandations habi-
tuelles et prolonger la réanimation jusqu’au branchement de . Il peut s’agir des hormones thyroïdiennes, des sulfamides
la CEC. hypoglycémiants, du camphre, de la théophylline, du fluor, de
la vitamine D, de collyre atropinique...
Digitaliques [20, 84]
Intoxications par substances illicites
Les intoxications digitaliques aiguës sont médicamenteuses .

(digoxine, hémigoxine, digitaline) ou végétales (laurier rose, Nous citons l’alcool, l’ecstasy, la méthadone, le cannabis, la
muguet, scille). Les digitaliques inhibent la Na-K-adénosine kétamine.
triphosphatase (ATPase) membranaire et ont une action sur le
système parasympathique et sur le tonus sympathique : aug-
mentation de la contractilité et de l’automaticité et diminution ■ Conclusion
de la conduction cardiaque, responsables de dysrythmies
ventriculaires et de troubles de la conduction. En cas d’inges- Les intoxications médicamenteuses sont fréquentes chez
tion, les signes cardiaques surviennent en quelques heures. l’enfant mais fort heureusement exceptionnellement graves avec
une mortalité faible. Il faut se méfier particulièrement chez
Fréquence et gravité l’enfant de produits potentiellement létaux à faible dose comme
les inhibiteurs calciques, les antidépresseurs tricycliques, la
Elles sont rares mais généralement sévères, avec une mortalité clonidine, les opiacés, les salicylés ou encore les sulfamides
de l’ordre de 20 % avant l’immunothérapie. hypoglycémiants. Des efforts importants des firmes industrielles
dans le conditionnement des médicaments participent à la
Reconnaissance clinique
. prévention primaire et doivent s’intensifier. Le rôle de la famille,
Les premiers signes cliniques sont digestifs (nausées, vomis- en premier lieu des parents, est primordial dans cette préven-
sements, douleurs abdominales, diarrhées) avec parfois somno- tion (rangements des médicaments, explications et éducation).

16 Médecine d’urgence
Intoxications médicamenteuses de l’enfant ¶ 25-140-J-10

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O. Brissaud, MD, PhD (olivier.brissaud@chu-bordeaux.fr).


Unité de réanimation pédiatrique et néonatale, Centre hospitalier universitaire Pellegrin-Enfants, place Amélie-Raba-Léon, 33076 Bordeaux cedex, France.
J. Naud, MD.
Unité de Smur pédiatrique et néonatal, Centre hospitalier universitaire Pellegrin-Enfants, place Amélie-Raba-Léon, 33076 Bordeaux cedex, France.
F. Villega, MD.
Unité de neuropédiatrie, Centre hospitalier universitaire Pellegrin-Enfants, place Amélie-Raba-Léon, 33076 Bordeaux cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Brissaud O., Naud J., Villega F. Intoxications médicamenteuses de l’enfant. EMC (Elsevier Masson SAS,
Paris), Médecine d’urgence, 25-140-J-10, 2011.

Disponibles sur www.em-consulte.com


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