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Intoxications médicamenteuses
de l’enfant
O. Brissaud, J. Naud, F. Villega
Il n’existe pas de registre français exhaustif de recueil des intoxications médicamenteuses chez l’enfant.
On observe deux pics de fréquence, 3 ans (ingestion accidentelle, prédominance masculine) et 14 ans
(intoxication volontaire, volontiers polymédicamenteuse, prédominance féminine). Les enfants
présentent des spécificités uniques en toxicologie médicale. En effet, certains médicaments sont
extrêmement dangereux pour les plus jeunes enfants, alors qu’ils ne sont exposés qu’à des quantités qui
apparaissent insignifiantes. Si les vomissements provoqués sont à proscrire définitivement, le lavage
d’estomac et le charbon activé conservent leur place dans la prise en charge en aigu. Des antidotes
existent mais leur utilisation raisonnée doit s’appuyer sur la balance bénéfice-risque de leur
administration chez l’enfant. Les principaux médicaments responsables d’intoxications graves sont ceux
ayant une action sur le système nerveux central (sédatifs, hypnotiques, anticonvulsivants,
antidépresseurs, morphiniques...). La mortalité en relation avec une intoxication médicamenteuse est
faible (< 2 %), et augmente avec l’âge. Les décès sont imputables essentiellement aux antidépresseurs
tricycliques, aux anticonvulsivants (barbituriques, valproate de sodium...), aux analgésiques
(paracétamol, aspirine...) et aux médicaments à base de fer. La mortalité très faible des intoxications
chez l’enfant peut s’expliquer par l’amélioration constante de l’information à la population, la bonne
connaissance par les parents des structures d’urgence et de réponse (centres antipoison, 15, Samu), et
des conditionnements de plus en plus sécurisés. Cependant, de nombreuses intoxications pourraient être
évitées avec des mesures simples de prévention encore non appliquées, le plus souvent au sein de la
famille, et des efforts encore soutenus de l’industrie pharmaceutique dans la sécurisation des
conditionnements.
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Mots clés : Intoxications aiguës de l’enfant ; Lavage d’estomac ; Charbon activé ; Antidotes ; Toxidromes
Plan américaine des CAP rapporte une prédominance des cas pédia-
triques sur les 2 424 180 appels reçus (âge < 3 ans : 38,1 % des
¶ Introduction et épidémiologie 1 cas, < 6 ans : 50,9 %). Jusqu’à 13 ans, la population est majori-
tairement masculine, puis le sex-ratio s’inverse. L’âge de
¶ Toxidromes 2
survenue chez les enfants connaît deux pics de fréquence [2] :
¶ Antidotes 2 • avant 6 ans, la plupart du temps par intoxication acciden-
¶ Généralités thérapeutiques 2 telle, souvent de nature bénigne. Aux États-Unis en 2005,
Décontamination digestive 2 seulement 1,9 % des cas d’intoxication fatale concernait des
Épuration des toxiques 5 enfants de moins de 6 ans. Ces accidents surviennent à
¶ Intoxications médicamenteuses 5 domicile, par ordre décroissant de fréquence, dans la cuisine,
Médicaments neurotropes 5 la salle de bains, le jardin et les chambres. La fréquence des
Antalgiques 12 intoxications non accidentelles par maltraitance (syndrome
Intoxications aux antibiotiques 15 de Münchhausen par procuration) est probablement sous-
Cardiotropes 15 estimée ;
Autres intoxications médicamenteuses 16 • puis à l’adolescence, le plus souvent par intoxication volon-
Intoxications par substances illicites 16 taire de médicaments et abus de substances illicites. La gravité
¶ Conclusion 16 de ces intoxications est proportionnelle à l’âge, et plus
importante chez les garçons.
Chez les enfants et les adolescents aux États-Unis en 2002,
54 % des appels aux CAP correspondaient à des intoxications
■ Introduction et épidémiologie [1] non médicamenteuses et 45 % à des intoxications médicamen-
teuses. Le CAP de Bordeaux a reçu, de 2004 à 2006, 15 239 appels
En France, les centres antipoison (CAP) recensent environ concernant des enfants de moins de 15 ans : 40 % des appels
100 000 appels pédiatriques annuels. En 2005, l’Association correspondaient à une intoxication supposée médicamenteuse
Médecine d’urgence 1
25-140-J-10 ¶ Intoxications médicamenteuses de l’enfant
Tableau 1. Tableau 2.
Produits en cause dans les intoxications de l’enfant au Centre antipoison Médicaments les plus souvent responsables d’intoxication chez l’enfant
de Bordeaux entre 2004 et 2006 (données locales). au Centre antipoison de Bordeaux entre 2004 et 2006 (données locales).
Produits en cause Pourcentage Médicaments en cause Pourcentage
Médicaments 39,5 % Benzodiazépines et hypnotiques 29 %
Produits ménagers 16,3 % Anti-inflammatoires non stéroïdiens 19,3 %
Végétaux 11,3 % Paracétamol 14,7 %
Cosmétiques 7,8 % Antihistaminiques 9,6 %
Raticides et insecticides 3,6 % Antidépresseurs 5,8 %
Produits chimiques 2,6 % Codéine, morphine, cannabis et stupéfiants 4,5 %
Produits de bricolage 2,5 % Vitamines et fluor 3,5 %
Solvants 2,1 % Inhibiteurs calciques et bêtabloquants 3,2 %
Aliments 1,8 % Antihypertenseurs 2,8 %
Jouets 1,6 % Antiépileptiques 2,6 %
Animaux 1,3 % Pseudoéphédrine 2,3 %
Engrais 1% Pilules contraceptives 1,7 %
Produits homéopathiques 0,9 % Antiarythmiques 1%
Produits vétérinaires 0,8 %
Corps étrangers 0,7 %
Produits agricoles 0,6 % • dose létale ;
Champignons 0,5 % • dose toxique ;
Matériel médical 0,4 % • reconnaissance clinique ;
Gaz, fumées et CO 0,3 % • reconnaissance biologique ;
Produits industriels 0,2 % • tests toxicologiques spécifiques ;
• conduite à tenir ;
Stupéfiants 0,1 %
• traitement symptomatique ;
Alcool 0,1 %
• traitement spécifique (antidote).
Autres substances 4% L’absence d’une de ces déclinaisons dans le texte correspond
Co : monoxyde de carbone. à l’absence de données pertinentes dans la littérature. Nous
avons souhaité décrire les différents toxidromes orientant le
diagnostic, lister les antidotes avec leurs indications et posologies
et rappeler les grands principes de prise en charge. Des chapitres
2 Médecine d’urgence
Intoxications médicamenteuses de l’enfant ¶ 25-140-J-10
Tableau 3.
Toxidromes [3].
Opioïde Anticholinergique Adrénergique Stabilisant Sérotoninergique Hyperthermie Sevrage Myorelaxant
de membrane maligne
Coma x x x x x x x
Myosis x
Mydriase x x x x x
Convulsions x x x x x x
Agitation x x x x x x
Hallucinations x x x x
Myoclonies x x
Tremblements x x x x
Dysarthrie x x x x
Confusion x x x x x
Insomnie x x
Hyperréflexie x x x
Céphalées x x
Bradycardie x x x x
Tachycardie x x x x x x
Palpitations x
Hypertension artérielle x x x x
Hypotension artérielle x x x x x x x
BAV, BIV x
QT long x x
TV, FV x x x
Bradypnée x
Tachypnée x x
Dyspnée x
Vomissements x x x
Diarrhées x x
Douleurs abdominales x x x
Constipation x x
Rétention d’urine x
Fièvre x x x x x
Sueurs x x x
Sécheresse des muqueuses x
Frissons x x
Hypoglycémie x
Hyperglycémie x x
Acidose x x
Hypokaliémie x x
IRA x x
BAV : bloc auriculoventriculaire ; BIV : bloc intraventriculaire ; TV : tachycardie ventriculaire ; FV : fibrillation ventriculaire ; IRA : insufffisance rénale aiguë.
d’affirmer l’influence favorable de l’administration du sirop liquide clair sont, pour l’enfant : 50-100 ml de liquide isotoni-
d’ipéca sur le devenir clinique des patients intoxiqués ni sur la que par cycle (total 2 à 5 l) ; pour l’adolescent : 250-350 ml par
fréquence d’hospitalisation ou la durée de séjour. Son emploi, cycle (total 10 à 15 l).
non recommandé, doit être abandonné.
Charbon activé [29-31]
Lavage gastrique [29, 30] Le charbon de bois activé est susceptible d’adsorber une
grande variété de médicaments et de substances toxiques et
Le recours au lavage gastrique systématique doit être proscrit
pourrait contribuer à une réduction de leur biodisponibilité.
et son indication discutée au cas par cas, selon les substances Certains produits sont cependant non adsorbés (acides et bases
ingérées et le délai par rapport au moment d’ingestion. Il est fortes, alcools et glycols, cyanures, fers et métaux et sels ionisés :
recommandé pour des substances sur lesquelles le charbon lithium, chlorure de sodium, de potassium, calcium, magné-
activé n’aurait pas ou peu d’effet (fer, lithium), lors d’intoxica- sium, chlorates). Son administration par la bouche ou la sonde
tions exposant à un risque vital et doit s’effectuer précocement, nasogastrique se discute en dose unique ou répétée. Il n’existe
dans la première heure. Cette méthode expose à un certain pas de preuve formelle de l’amélioration du pronostic des
nombre de complications : inhalation, hypoxie, troubles du patients traités par administration de charbon activé, même
rythme cardiaque, laryngospasmes, perforation digestive, dans l’heure suivant l’ingestion de produit toxique. Au-delà, il
troubles métaboliques avec des risques d’intoxication à l’eau. n’existe pas d’argument en faveur ou non de son administra-
Des contre-indications existent : absence de protection des voies tion. La dose préconisée en administration unique, dans l’heure
aériennes, ingestions d’acide fort, de produits alcalins, d’hydro- qui suit l’ingestion de toxique, est 1 g/kg en dessous de 1 an
carbones, et patients ayant des risques d’hémorragie digestive. puis 25 à 50 g entre 1 et 12 ans et 25 à 100 g chez l’adolescent
En pratique, les volumes préconisés jusqu’à obtention d’un et l’adulte. Les contre-indications sont : troubles de conscience,
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25-140-J-10 ¶ Intoxications médicamenteuses de l’enfant
Tableau 4.
Principaux antidotes : indications et posologies [4].
Toxiques Antidotes
Alpha2-adrénergiques Coma : naloxone (Narcan®)
(solutions nasales, collyres oculaires < 20 kg ou < 5 ans : 0,01 mg/kg en i.v./i.m., sans dépasser 2 mg/dose
contenant dérivés > 20 kg ou > 5 ans : 0,01 mg/kg à 2 mg/dose en i.v./i.m., possibilité de répéter la dose (titration) sans dépasser 10 mg
de l’imidazoline) [5-8] en dose cumulative ; une perfusion de relais peut être nécessaire : 0,01 à 0,16 mg/kg/h
HTA menaçante sans bradycardie : phentolamine (Régitine®) en i.v. continue à la dose de 2,5 à 5 µg/kg/min
HTA menaçante avec bradycardie : nicardipine (Loxen®) 1 à 4 µg/kg/min en i.v. continue
[9, 10]
Amphétamines Convulsions : diazépam (Valium®)
0,5 mg/kg en i.v.l. ou i.r. (sans dépasser 10 mg/dose) puis 1 à 2 µg/kg/min en i.v. continue
HTA menaçante : nicardipine (Loxen®) : 0,5 à 3 µg/kg/min en i.v. continue
[11, 12]
Anticholinestérases Sulfate d’atropine 0,02 à 0,05 mg/kg (dose susceptible d’être répétée toutes les 5 à 10 min ; minimum
de 0,1 mg/injection et un maximum de 0,5 mg/kg/j)
Cannabis [16] Coma : flumazénil (Anexate®) 10 µg/kg en i.v.l. puis 10 µg/kg/h si besoin
[17-19]
Clonidine Naloxone (Narcan®) cf. 1re ligne du tableau
[20-22]
Digitaliques Anticorps spécifiques (Digidot®) 80 mg/flacon : 80 mg neutralisent 1 mg de digoxine ou digitoxine
Indications : BAV, bradycardie résistante à l’atropine, dysrythmie ventriculaire, choc cardiogénique, arrêt
cardiorespiratoire, kaliémie ≥ 6 mmol/l
Dose Digidot® = dose supposée ingérée x 0,6 ou digoxinémie (ou digitoxinémie) x poids x 5,6/1 000
[23, 24]
Fer et sels Déféroxamine (Desféral®) 15 mg/kg/h en i.v., réduire la vitesse de perfusion au bout de 4-6 h sans dépasser 3-6 g
au total ; 100 mg de déféroxamine lient environ 8 mg de fer
[25, 26]
Hypoglycémiants oraux Glucose en i.v. (titration pour maintien de la glycémie > 0,6 g/l)
Hypoglycémie réfractaire : glucagon (Glucagen®)
Poids < 25 kg : 0,5 mg sous-cutané
Poids > 25 kg : 1 mg sous-cutané
Octréotide (Sandostatine®) (4-5 µg/kg/j divisés en injections toutes les 6 h, dose maximale 50 µg toutes les 6 h)
Méthémoglobinémiants [14] Bleu de méthylène 1-2 mg/kg en i.v. sur 10-15 min et à répéter si besoin
antécédents digestifs, risque de survenue d’une pneumopathie patients intoxiqués bénéficiant de l’utilisation de laxatifs. Dans le
d’inhalation. Les complications sont : les vomissements (fré- cas où il serait décidé de les utiliser, une seule dose est de rigueur
quents), la pneumopathie d’inhalation (redoutable), de rares cas pour minimiser leurs effets secondaires. Il faut éviter de les
d’abrasion cornéenne par contact direct du produit. administrer en dessous de l’âge de 1 an. Les doses chez les enfants
sont les suivantes : sulfate de magnésium : 250 mg/kg (maximum
Laxatifs (sels de magnésium et de sodium 30 g), citrate de magnésium 10 % : 4 ml/kg (maximum 250 ml),
et sorbitol) [32] sorbitol à 35 % : 4,3 ml/kg ou 0,5 à 2 g/kg (maximum 50 g). Les
Non recommandés par l’American Academy of Clinical Toxico- contre-indications sont l’iléus paralytique, les syndromes occlusifs
logy ni par l’European Association of Poisons Centers and intestinaux, l’hypovolémie, les désordres métaboliques préexis-
Clinical Toxicologists dans la prise en charge des intoxications, ils tants, l’insuffisance rénale (sels de magnésium) et l’ingestion de
sont supposés diminuer l’absorption digestive des substances par produits caustiques. Les complications sont les vomissements, les
la vidange accélérée du tube digestif. Il n’existe pas d’étude nausées, les coliques, l’hypotension transitoire, la déshydratation,
permettant de conclure à une amélioration du pronostic chez les l’hypernatrémie et l’hypermagnésémie.
4 Médecine d’urgence
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L’irrigation intestinale consiste en l’administration sur une Les études cliniques rapportent un intérêt dans des intoxica-
courte durée d’une grande quantité d’une solution osmotique tions par le lithium, l’acide acétylsalicylique, le valproate de
(polyéthylène glycol) par sonde nasogastrique jusqu’à obtention sodium, le procaïnamide, les bromures, la metformine, la
de selles claires. Il n’existe pas, en pratique clinique, avec cette vancomycine et les borates. Il est convenu aussi de considérer
technique, d’amélioration du pronostic chez les patients l’hémodialyse dans le traitement des complications métaboli-
intoxiqués. Les indications se limitent aux substances à résorp- ques aiguës des intoxications. Cette méthode expose à certaines
tion retardée ou à enrobage entérique (au moins 2 h après leur complications liées à l’abord vasculaire, la circulation extracor-
ingestion) ou aux substances pour lesquelles le charbon activé porelle (CEC) et l’anticoagulation.
n’aurait pas d’efficacité (sels de métaux par exemple). L’utilisa-
tion de cette technique a également été proposée pour l’élimi- Hémo(dia)filtration continue
nation des toxiques transportés « in corpore » (héroïne, L’hémofiltration a été utilisée au cours d’intoxications par le
cocaïne). Les posologies recommandées sont, pour l’enfant de fer (en combinaison avec le Desféral®), la digoxine, la vanco-
9 mois à 6 ans : 500 ml/h ; pour l’enfant de 6-12 ans : mycine, la diphénhydramine mais sans preuve d’efficacité
1 000 ml/h ; pour l’adolescent et l’adulte : 1 500-2 000 ml/h. cinétique ou dynamique, et dans les intoxications aux amino-
glycosides et à la théophylline. L’hémodiafiltration continue a
été utilisée dans quelques cas d’intoxication par l’acide valproï-
que. Elle peut être une alternative à l’hémodialyse pour l’intoxi-
“ Point fort
cation au lithium lorsque cette dernière n’est pas disponible ou
en cas d’instabilité hémodynamique. Les complications sont
identiques à celles de l’hémodialyse.
• Les vomissements provoqués ne doivent plus être
Hémoperfusion
proposés.
• Le lavage gastrique systématique doit être proscrit. Elle consiste à faire passer le sang sur une colonne adsor-
• Les laxatifs ne sont pas recommandés. bante, le plus souvent du charbon activé. L’affinité de liaison du
• L’administration de charbon activé est le traitement de toxique sur le charbon activé doit être supérieure à celle pour
première intention et limité à la première heure les protéines plasmatiques ou pour les cellules sanguines. Les
postintoxication. toxiques doivent avoir une solubilité pauvre dans l’eau (carba-
mazépine, barbituriques, théophylline). L’hémoperfusion peut
• Le lavage intestinal peut être utile pour les intoxications
être une alternative thérapeutique en cas d’impossibilité
avec des médicaments à résorption retardée, enrobage
d’administration orale de charbon activé ou d’inefficacité du
entérique ou non adsorbés par le charbon activé. traitement symptomatique. Une complication fréquemment
retrouvée est une thrombopénie. Les autres complications sont
en rapport avec la technique employée (voies veineuses, CEC).
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25-140-J-10 ¶ Intoxications médicamenteuses de l’enfant
“ Point fort
l’ECG est suffisante.
Traitement spécifique (antidote). Pas d’antidote. Le flumazénil
(Anexate ® ) administré dans des cas de coma inexpliqué a
• Quel que soit le type d’intoxication, l’évaluation de provoqué des convulsions pour des patients co-intoxiqués avec
l’enfant et la reconnaissance de signes de gravité sont des benzodiazépines. L’administration de bicarbonate de sodium
molaire (1 ml/kg ; maximum 350 ml) apporte un bénéfice pour
primordiales.
la correction des troubles du rythme cardiaque dans l’expéri-
• Le traitement symptomatique reste la priorité devant
mentation animale et dans certaines études américaines de
toute forme grave (réanimation de base, maintien des faible échantillon. Elle peut être recommandée en cas d’intoxi-
fonctions vitales, conscience A-B-C). cation sévère. L’alcalinisation des urines n’est pas recommandée
• Il faut avoir le réflexe de contacter les équipes dans la pratique courante.
pratiquant des CEC et prolonger la réanimation
cardiopulmonaire en fonction du type d’intoxication. IMAO et ISRS
Les ISRS les plus célèbres sont la fluoxétine (Prozac®), la
sertraline (Zoloft®), la paroxétine (Deroxat®), et l’escitalopram
(Prothiaden®), la trimipramine (Surmontil®) et parmi les plus (Seroplex®) ou citalopram (Seropram®). Plus rarement en France
anciens, la clomipramine (Anafranil ® ) et l’imipramine on retrouve la fluvoxamine et la sertraline. Les IMAO sont
(Tofranil®). l’iproniazide (Marsilid ® ), le toloxatone (Humoryl ® ) et le
Fréquence et gravité. Tous âges confondus, l’intoxication par moclobémide (Moclamine®).
les ADT représente 10 % des hospitalisations pour tentative Fréquence et gravité. Les ISRS sont très fréquemment pres-
d’autolyse en Europe avec une mortalité hospitalière impor- crits chez l’adulte et leur usage chez l’enfant est en hausse du
tante. En Grande-Bretagne, 20 % des décès toxiques de 1993 à fait de leur bonne tolérance. Ils sont beaucoup moins toxiques
1997 étaient secondaires à l’ingestion d’antidépresseurs, l’ami- que les ADT. Pour les IMAO, la mortalité due aux intoxications
triptyline étant responsable de 50 % des intoxications fatales. est plus élevée. Les indications concernent les syndromes
Plusieurs éléments témoignant de la gravité peuvent être utilisés dépressifs, les troubles réactionnels et le stress post-traumatique.
comme critères d’admission en réanimation : le type d’antidé- Aux États-Unis, on recense 48 000 intoxications annuelles.
presseur, l’apparition dans les 6 heures de complications Dose létale/dose toxique. Peu de données concernant les
neurologiques (coma et convulsions) et/ou cardiovasculaires, et doses toxiques d’ISRS sont disponibles chez l’enfant. La dose
la présence d’anomalies électriques électrocardiographiques toxique potentiellement grave chez l’enfant est de cinq fois la
(ECG). Il n’y a pas de complications tardives. posologie recommandée par prise chez l’adulte, soit 100 mg
Dose toxique/dose létale. Une concentration plasmatique pour la fluoxétine, la paroxétine et le citalopram, 50 mg pour
d’ADT supérieure à 1 000 ng/ml est associée à une haute l’escitalopram, et 250 mg pour la fluvoxamine et la sertraline.
incidence de complications. Certains définissent une dose Pour l’iproniazide, une intoxication dépassant 1,5 g (équivalent
toxique par une prise supérieure à 10 mg/kg pour l’enfant. Des au conditionnement d’une boîte) engage le pronostic vital.
recommandations américaines de 2007 distinguent une dose Tandis que la toxicité du toloxatone est faible même à forte
toxique à partir de 5 mg/kg pour la plupart des ADT, excepté dose, celle du moclobémide, normalement peu toxique, semble
pour la trimipramine (dose > 2,5 mg/kg). directement corrélée à la dose ingérée. La sévérité d’une
Reconnaissance clinique. La demi-vie plasmatique des ADT intoxication aiguë est favorisée par la co-ingestion d’un ADT
est prolongée (> 60 h pour l’amitriptyline). Les premiers signes avec un IMAO et/ou un ISRS.
d’intoxication apparaissent dans les 6 heures. L’intoxication est Reconnaissance clinique. Le diagnostic différentiel à évoquer
à l’origine d’un syndrome anticholinergique, avec agitation, est le syndrome malin des neuroleptiques (NLP).
tremblement à la fin des extrémités, délire, sécheresse de la ISRS. De nombreux symptômes bénins sont décrits (vomisse-
bouche, mydriase bilatérale, tachycardie, rétention d’urine et ments, somnolence, myoclonies) généralement résolutifs en
constipation. Le coma, observé dans 60 % des cas, s’accompa- quelques heures. Des tableaux plus graves avec coma, état de
gne de clonies, d’un syndrome pyramidal et parfois de convul- choc à résistances vasculaires basses, état de mal épileptique,
sions. Les troubles cardiovasculaires (effet stabilisateur de rhabdomyolyse et coagulation intravasculaire disséminée (CIVD)
membrane) associent anomalies de l’ECG et dépression de la sont décrits. Le citalopram est décrit comme l’ISRS le plus
contractilité myocardique. L’élargissement du QRS est prédictif potentiellement toxique (tachycardie sinusale, torsade de pointe,
de l’apparition de crises convulsives et/ou d’arythmies ventricu- bradycardie, anomalie ECG avec QRS larges ou allongement de
laires ; quatre critères témoignent d’une intoxication significa- l’espace QT). L’intoxication peut entraîner un syndrome séroto-
tive par ADT (Tableau 5). ninergique. La forme bénigne se manifeste par des nausées, une
Tests toxicologiques spécifiques. Le dépistage sanguin par agitation, un comportement agressif et des paresthésies. La forme
immunochimie affirme le diagnostic mais, du fait du délai grave est un ensemble de manifestations psychiques, motrices et
nécessaire pour obtenir ce dosage et d’une faible valeur prédic- végétatives telles qu’agitation, confusion, hypomanie, tremble-
tive, il n’a pas de place pour la prise en charge en urgence. ments, myoclonies, hypertonie diffuse avec hyperréflexie
Prise en charge. ostéotendineuse, puis rigidité musculaire (avec difficulté respira-
Traitement symptomatique. Il faut prendre rapidement contact toire, trismus, risque de rhabdomyolyse). On retrouve une
avec une unité susceptible de réaliser une assistance circulatoire mydriase (parfois aréactive), des sueurs profuses, une hyper-
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Intoxications médicamenteuses de l’enfant ¶ 25-140-J-10
thermie, des frissons, une tachycardie avec tachypnée et Dose létale/dose toxique
augmentation de la pression artérielle. Du fait de la variabilité dans le délai d’absorption, d’un grand
IMAO. Les signes habituellement retrouvés sont : céphalées, volume de distribution et d’une demi-vie prolongée, il est
agitation, hallucinations, mydriase, sueurs, tachycardie, hyper- difficile de définir une corrélation entre les symptômes et les
tonie avec syndrome pyramidal, trismus et hypotension ortho- doses ingérées. Quelle que soit la dose, le syndrome malin des
statique ou hypertension artérielle (HTA). Les formes graves NLP doit être suspecté devant toute hyperthermie. Il est plus
associent un coma profond hypo- ou hypertonique avec risque fréquent avec les NLP typiques. Le mécanisme d’action est lié à
de convulsions, hyperthermie et troubles de repolarisation ECG. une libération du calcium dans le réticulum sarcoplasmique du
Reconnaissance biologique. Les bilans biologiques dépistent muscle strié qui provoque une contraction musculaire perma-
des complications métaboliques de l’intoxication : troubles de nente et une augmentation de la température corporelle.
l’hémostase (iproniazide), hyperkaliémie ou hypoglycémie (très Contrairement aux autres NLP, le métoclopramide a des effets
rare). Des cas d’hépatites ont été décrits. Au cours d’un syn- indésirables bénins qui peuvent apparaître 1 à 3 heures après
drome sérotoninergique, on peut retrouver hyperleucocytose, une seule administration et qui ne sont pas dose-dépendants.
hypo- ou hyperglycémie, thrombopénie, cytolyse hépatique et
myoglobinurie. Reconnaissance clinique
Tests toxicologiques spécifiques. Il n’existe pas de dosage Les tableaux cliniques sont divers.
spécifique en routine pour les antidépresseurs non tricycliques. Cardiovasculaire. Les hypotensions artérielles (orthostati-
Des prélèvements initiaux effectués sur tubes héparinés peuvent ques) avec tachycardie sont en général bien supportées. Des
être conservés pour dosage a posteriori. troubles de la conduction intraventriculaire sont décrits pour la
Conduite à tenir. En dehors de tout signe clinique, une thioridazine mais cette molécule n’existe plus sur le marché
surveillance systématique de 8 heures au moins est recomman- français depuis juin 2005. Les phénothiazines et les butyrophé-
dée ainsi qu’un ECG le plus rapidement possible. Tout symp- nones ont un effet quinidine-like (stabilisant de membrane) sur
tôme, même bénin, doit conduire à une hospitalisation. le myocarde. Il existe un risque de torsade de pointe avec mort
Traitement symptomatique. Habituellement, l’évolution est subite dans les 10 premières heures.
favorable en 1 à 2 jours avec un traitement symptomatique Neurologique. Les NLP sédatifs provoquent un coma calme
précoce. Dans les cas sévères, une ventilation assistée est hypotonique, une dépression respiratoire en général modérée.
nécessaire. L’intubation peut être gênée par un trismus. Si les Les butyrophénones ou les phénothiazines pipérazinées sont à
benzodiazépines, utiles pour traiter les convulsions, sont l’origine d’un coma agité avec hypertonie extrapyramidale,
inefficaces pour traiter l’hypertonie, une curarisation peut être dyskinésies bucco-linguo-faciales et accès paroxystiques de
mise en place. L’administration de bicarbonate de sodium rigidité. Des crises convulsives peuvent survenir notamment
molaire permet de réduire l’espace QT dans les cas d’intoxica- avec la loxapine et la clozapine. Pour le métoclopramide,
tion sévère (cas rapportés pour citalopram et fluoxétine). l’intoxication se manifeste par un syndrome extrapyramidal
L’administration de charbon activé est à discuter. avec des dyskinésies faciales (tics, protrusion de la langue,
Traitement spécifique (antidote). Il n’existe pas d’antidote nystagmus, clignement des paupières), un torticolis, une
spécifique. En cas de syndrome sérotoninergique méconnu, un hypertonie extrapyramidale des membres avec roue dentée et
traitement par la bromocriptine (traitement du syndrome malin opisthotonos. Des cas de méthémoglobinémie sont décrits.
des NLP) peut aggraver le tableau clinique. Syndrome parkinsonien. On retrouve particulièrement ce
syndrome avec la chlorpromazine, la thioridazine, la clozapine
Neuroleptiques [3, 40-46] et l’olanzapine. Il y a une sécheresse cutanée, avec rétention
urinaire et iléus digestif. On peut observer une mydriase ou un
Les NLP appartiennent à des classes hétérogènes comme les myosis par l’effet bloqueur a-adrénergique. En revanche, la
phénothiazines, les butyrophénones ou les benzamides substi- clozapine donne une hypersalivation.
tués (NLP sédatifs). Leurs indications sont vastes en tant que Syndrome malin des NLP. Il associe confusion mentale,
sédatifs ou antipsychotiques. contractures musculaires, hypertonie extrapyramidale, hyper-
thermie (> 40 °C), rhabdomyolyse et déshydratation aiguë. La
Molécule
fièvre peut dépasser 43 °C et menacer le pronostic vital. Les
Ce sont des molécules lipophiles qui bloquent les récepteurs délais d’apparition vont de quelques heures à 7 jours et de 2 à
à la dopamine et stimulent le système cholinergique (induisant 4 semaines pour les formes retards.
un syndrome extrapyramidal).
• Les NLP typiques sont les phénothiazines (chlorpromazine, Reconnaissance paraclinique/biologique
fluphénazine, perphénazine, prochlorpérazine, thioridazine, Il est proposé de surveiller la glycémie, l’élévation des
trifluopérazine) ou les butyrophénones (Haldol®, Droleptan®). triglycérides et du cholestérol, l’élévation de la prolactine. Une
Les plus prescrits sont l’halopéridol (Haldol®), le pimozide agranulocytose est décrite avec la clozapine, une élévation des
(Orap®), le cyamémazine (Tercian®). transaminases, de la lacticodéshydrogénase (LDH) et de l’acide
• Les NLP atypiques comme la clozapine (Leponex®), olanza- urique avec l’olanzapine ; des troubles ioniques à type d’hypo-
pine (Zyprexa®), rispéridone (Risperdal®) sont de plus en plus natrémie, d’hypokaliémie sont décrits après intoxication à la
prescrits car moins pourvoyeurs d’effets secondaires. rispéridone. Il existe un cas d’hyperglycémie, hyperurémie et
• Les benzamides substituées sont utilisées comme sédatifs augmentation des phosphatases alcalines (PAL) après intoxica-
(Dogmatil®, Tiapridal®, Loxapac®) ou antiémétique (métoclo- tion à l’olanzapine chez un nourrisson. Dans le syndrome malin
pramide : Primpéran®). des NLP, une rhabdomyolyse est souvent retrouvée.
Médecine d’urgence 7
25-140-J-10 ¶ Intoxications médicamenteuses de l’enfant
particulièrement large en raison du risque secondaire de pyramidal. Plus rarement une intoxication grave peut provoquer
troubles de la repolarisation cardiaque. Dans tous les cas convulsions, hypotension, troubles du rythme cardiaque, voire
d’intoxication avérée, une surveillance par monitorage cardia- arrêt cardiorespiratoire. Il faut toujours penser à une polyintoxi-
que doit être poursuivie au moins 24 heures. La surveillance de cation médicamenteuse.
l’espace QT corrigé par l’ECG est systématique.
Traitement symptomatique Conduite à tenir
• Le lavage d’estomac est rarement indiqué, mais le charbon Le traitement est symptomatique : une surveillance des fonc-
activé peut être efficace précocement. Le traitement associe tions vitales, notamment cardiaque avec un enregistrement ECG
principalement une assistance respiratoire avec expansion et, si nécessaire, un traitement symptomatique pour maintenir
volémique et soutien tonicardiaque par inotropes si besoin. une hémodynamique correcte doivent être mis en place en milieu
Dans les intoxications aux a-bloquants comme la chlorpro- spécialisé. Un lavage gastrique immédiat est recommandé.
mazine ou thioridazine, l’utilisation de la noradrénaline est
préférable.
Antiépileptiques « classiques » [46, 48-57]
• La prise en charge par une réanimation intensive diminue la
mortalité. L’apparition de convulsions peut être traitée par Entre 1910 et 1960, en dehors des benzodiazépines, les
des benzodiazépines ou des barbituriques. principaux antiépileptiques apparus progressivement dans
• Le traitement du syndrome malin associe au traitement l’arsenal thérapeutique sont le phénobarbital (Gardénal®), la
spécifique réhydratation et refroidissement. Le dantrolène phénytoïne (Dilantin®), la carbamazépine (Tégrétol®) ou plus
(Dantrium®) est un traitement myorelaxant qui peut être récemment l’oxcarbazépine (Trileptal®), l’éthosuximide (Zaron-
proposé. La dose initiale de 2,5 mg/kg doit être administrée tin®) et enfin l’acide valproïque (Dépakine®).
par voie intraveineuse. En fonction de la réponse clinique, des
doses complémentaires de 1 mg/kg sont administrées toutes Molécules
les 5 à 10 minutes jusqu’à régression des symptômes. Au cours • Le phénobarbital est un barbiturique lent (demi-vie : 100 h).
des premières 24 heures, la dose totale administrée est Le métabolisme est hépatique et l’élimination essentiellement
généralement de l’ordre de 5 mg/kg (maximum 10 mg/kg). La rénale. Les autres barbituriques comme le Binoctal® d’action
bromocriptine (Parlodel®) est également indiquée en tant rapide intermédiaire ont des demi-vies courtes, de 4 à
qu’agoniste dopaminergique. 10 heures. La primidone (Mysoline®) est un précurseur du
• En cas de troubles de la conduction intraventriculaire (QRS phénobarbital.
élargi) et/ou hypotension, il est recommandé d’administrer • La phénytoïne est un antiépileptique peu sédatif. Il possède
à la phase précoce du bicarbonate de sodium molaire. un effet stabilisant de membrane. Son élimination est hépa-
Les critères d’efficacité sont la correction du QRS et de tique et la demi-vie varie de 6 heures pour un patient en
l’hypotension. traitement au long cours jusqu’à 60 heures pour une première
Traitement spécifique (antidote). Le trihexyphénidyle prise.
(Artane®) est un anticholinergique muscarinique de synthèse • La carbamazépine, en comprimés ou suspension buvable, agit
indiqué contre les syndromes extrapyramidaux des NLP. La principalement sur les canaux sodiques voltage-dépendants.
posologie orale est de 2 à 6 mg/j selon l’âge en deux à trois Les concentrations plasmatiques maximales sont atteintes en
prises. Des troubles extrapyramidaux majeurs requièrent l’admi- 2 heures après administration de la suspension buvable mais
nistration de Lepticur® en intramusculaire. Pour le métoclopra- ce délai peut atteindre 72 heures après administration d’une
mide, les effets sont réversibles après l’arrêt du traitement, mais prise unique à dose toxique.
peuvent nécessiter l’administration de benzodiazépines et/ou • L’éthosuximide existe en comprimé. L’excrétion est essentiel-
d’antiparkinsoniens anticholinergiques. En cas de méthémoglo- lement rénale (20 % seulement de la dose administrée). La
binémie, on propose l’injection en perfusion lente de bleu de demi-vie d’élimination plasmatique est de 30 heures chez
méthylène à la dose de 1 mg/kg. l’enfant.
• Le valproate de sodium existe sous forme de comprimés, sirop
Antihistaminiques à action centrale [13, 47] ou solution buvable. La demi-vie est de 15 heures.
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• Les symptômes liés au surdosage en felbamate comprennent absorbé (pic plasmatique en 1 à 3 h). Sa demi-vie est de 6 à
vertiges, constipation, purpura, céphalées, nausées, vomisse- 16 heures. Il subit une importante métabolisation hépatique.
ments, fièvre, somnolence et tachycardie. On retrouve aussi
des cas avec ataxie, nystagmus, diplopie, agitation, coma. Fréquence et gravité
• Les signes d’une intoxication avec le topiramate sont princi-
En raison de fréquentes prescriptions chez le sujet alcoolique
palement une somnolence ou une confusion. Sont également
et le sujet âgé, le méprobamate représente, en France, la
décrits des nausées, douleurs abdominales, troubles de
deuxième cause de coma toxique après les benzodiazépines avec
l’équilibre, étourdissements. Un état de mal épileptique a été
une mortalité importante.
rapporté dans une intoxication massive. Des hallucinations
visuelles et une ataxie sévère d’évolution favorable malgré
Dose létale/dose toxique
une forte dose de topiramate ont été décrites chez un nour-
risson. Les cas de dépression respiratoire sont rares. La dose toxique est de 50 mg/kg pour l’enfant. Il existe une
• Le surdosage en lévétiracétam peut entraîner une somno- relation entre le taux plasmatique et la profondeur du coma. Les
lence, des troubles de l’élocution, une diarrhée. Dépression intoxications sévères s’observent pour des doses supérieures à 6 g.
respiratoire et coma ont été observés très rarement.
Reconnaissance clinique
Reconnaissance biologique
Les signes sont voisins de ceux d’une intoxication aux
• La gabapentine peut entraîner des hépatites et une hyper- benzodiazépines, avec somnolence, coma, défaillance respira-
éosinophilie. toire.
• La lamotrigine à forte dose peut donner des neutropénies,
• Les troubles de la conscience apparaissent 1 à 3 heures après
thrombopénies, pancytopénies, anémies aplasiques, agranu-
l’ingestion. L’intensité du coma dépend de la dose ingérée. Le
locytoses.
coma est calme, avec mydriase, hypotonie, hyporéflexie,
• Il existe une toxicité médullaire (anémie, aplasie) et hépatique
parfois associé à des signes pyramidaux.
pour le felbamate.
• La gravité est liée à la survenue d’une insuffisance circulatoire
• Une acidose métabolique doit être recherchée pour les
aiguë non corrélée aux troubles de la vigilance. L’hypotension
intoxications au topiramate.
ou le choc sont la conséquence d’une vasoplégie ou d’une
• Il n’y a pas de particularité pour le lévétiracétam ni pour la
vigabatrine. dépression myocardique (intoxications sévères) avec risque
d’œdème pulmonaire. Il existe un effet stabilisant de mem-
Tests toxicologiques spécifiques brane, responsable de troubles cardiovasculaires sévères (QRS
larges) causant une mortalité non négligeable.
Le suivi des taux plasmatiques pour les nouveaux antiépilep-
tiques n’est pas actuellement recommandé. Tests toxicologiques spécifiques
Conduite à tenir Le pic plasmatique (1 à 3 h) avoisine 6 à 8 µg/ml pour une
Traitement symptomatique. Les mesures symptomatiques administration d’une dose unique de 400 mg. Il existe une
habituelles doivent être engagées pour la prise en charge des corrélation entre les concentrations plasmatiques et la profon-
intoxications aux nouveaux antiépileptiques. Des mesures visant deur du coma. Un coma profond est observé pour des concen-
à éliminer le produit non encore absorbé doivent être envisa- trations supérieures à 100 mg/l.
gées.
Conduite à tenir
• Le charbon activé n’adsorbe pas la vigabatrine. L’efficacité de
l’hémodialyse n’est pas reconnue. Dans des cas isolés chez des C’est une indication d’hospitalisation en urgence avec prise
patients insuffisants rénaux traités par des doses thérapeuti- en charge adaptée d’une défaillance respiratoire, neurologique
ques de vigabatrine, l’hémodialyse a réduit les concentrations ou hémodynamique.
plasmatiques de vigabatrine de 50 %. Traitement symptomatique
• La gabapentine peut être éliminée par hémodialyse, mais • Les carbamates peuvent constituer des pharmacobézoards
cette méthode n’est pas recommandée, sauf en cas d’insuffi- motivant la réalisation d’un lavage gastrique, même tardif.
sance rénale sévère. • L’hydratation est prudente (œdème pulmonaire). Le traite-
• En cas de surdosage en lamotrigine, l’hospitalisation permet ment du collapsus (expansion volumique, inotropes) doit être
le lavage gastrique et l’instauration d’un traitement sympto- adapté à l’évaluation clinique et échocardiographique.
matique (contrôle des convulsions, surveillances hépatique et • L’hémodialyse et l’hémoperfusion n’améliorent pas la morbi-
cardiaque). dité et/ou la mortalité des patients traités.
• En cas de surdosage en felbamate, une thérapeutique symp-
tomatique globale doit être instituée. On ignore si le felba-
mate est dialysable. L’hydratation intraveineuse est conseillée Benzodiazépines [46, 48]
en cas de cristallurie.
On recense de nombreuses molécules comme le chlordiazé-
• Si l’ingestion de topiramate est récente et massive, l’adminis-
poxide, le clonazépam (Rivotril ® , Tranxène ® ), le diazépam
tration de charbon activé et/ou un lavage gastrique doivent
(Valium®), le lorazépam (Témesta®), le midazolam (Hypnovel®),
être proposés. Une bonne hydratation du patient doit être
le nitrazépam (Mogadon ® ), le flunitrazépam (Rohypnol ® ),
assurée.
l’oxazépam (Séresta®), le bromazépam (Lexomil®) et le triazolam
• Après un surdosage important au lévétiracétam, un lavage
(Halcion®).
gastrique est indiqué. Le traitement peut comporter une
hémodialyse. Le taux d’élimination par dialyse est de 60 %. Molécule
Carbamates [67, 68] Les diazépines les plus fréquemment incriminées sont le
clonazépam (Tranxène®), le lorazépam (Témesta®) et le broma-
Les carbamates sont essentiellement prescrits comme tran- zépam (Lexomil®). Elles ont une activité pharmacodynamique
quillisants (Équanil ® , Atrium ® ) ou comme hypnotiques en myorelaxante, anxiolytique, sédative, hypnotique, anticonvulsi-
association avec une phénothiazine (Mépronizine®). vante et amnésiante. L’absorption digestive est rapide (pic
plasmatique entre 1 et 3 h), le métabolisme exclusivement
Molécule hépatique. La demi-vie des benzodiazépines est variable d’une
Il s’agit du méprobamate (Mépronizine ® , Équanil ® ) ou molécule à l’autre (de 3 à 70 h) et ne reflète qu’imparfaitement
difébarbamate (Atrium®). Après prise orale, il est rapidement la durée de l’action clinique.
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12 Médecine d’urgence
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< 6 ans :
< 6 ans : Poursuite de
- dose ingérée > 200 mg/kg < 6 ans :
dose ingérée > 200 mg/kg l’antidote (50 mg/8 h)
- paracétamolémie h2 > 225 mg/l dose ingérée > 200 mg/kg
> 6 ans : jusqu’à décroissance
> 6 ans : > 6 ans :
dose ingérée > 150 mg/kg des enzymes
- dose ingérée > 150 mg/kg dose ingérée > 150 mg/kg
Altération de la fonction hépatiques et
- paracétamolémie h4 en
hépatique normalisation du TP
zone toxique sur le NMR
Traitement arrêté
Arrêt si la
Traitement poursuivi si normalisation des
paracétamolémie est
en cas de survenue enzymes hépatiques
hors de la zone
de signes et paracétamolémie
toxique du NMR
d’hépatotoxicité indétectable à h4
après son arrivée
Figure 1. Arbre décisionnel. Protocole d’administration et indication de la N-acétylcystéine (NAC) dans les intoxications au paracétamol chez l’enfant [4].
• phase II (h24-h48) : l’amélioration paradoxale de la sympto- récentes indiquent que chez l’enfant entre 1 et 5 ans, le dosage
matologie clinique, voire sa disparition, est possible. L’hépa- 2 heures après l’ingestion (cf. supra) est pronostique. Passé cet
talgie peut persister et un ictère apparaître tandis que les âge, une paracétamolémie supérieure à 150 µg/ml à h4 consti-
altérations biologiques (élévation des transaminases et de la tue la limite inférieure de la zone d’hépatotoxicité probable sur
bilirubine) sont présentes. Une oligurie est parfois présente. le nomogramme de Rumack-Matthew (Fig. 1). En dessous de
L’atteinte rénale (intoxication sévère) est présente dans un 120 µg/ml à la 4e heure, le risque d’hépatotoxicité est nul et le
quart des cas ; traitement doit être arrêté.
• phase III (h48-h72-96) : anomalies biologiques maximales et
hépatite cytolytique : l’ictère est souvent net ; les transamina- Conduite à tenir
ses sont à leur maximum (parfois > 30 000 UI/l) ; le bilan
d’hémostase est altéré (diminution du facteur V, augmenta- Traitement symptomatique. L’administration de charbon
tion du taux de prothrombine [TP]). Le décès peut survenir dans les deux premières heures suivant l’ingestion est discutée
en 3 à 5 jours ; chez l’enfant de plus de 6 ans où l’absorption est plus lente. Elle
• phase IV (au-delà du 4e jour) : chez la majorité des patients, empêche tout traitement par voie orale. En cas d’évolution vers
on observe une normalisation des paramètres biologiques et une encéphalopathie hépatique, le recours à une assistance
une guérison en 15 jours sans séquelles ; chez les autres, ventilatoire peut être nécessaire. Il convient de prendre rapide-
l’altération hépatocellulaire se poursuit avec apparition d’une ment contact avec un centre de greffe hépatique et de discuter
encéphalopathie hépatique et plus rarement d’une insuffi- avec des spécialistes de la prise en charge, en particulier pour
sance rénale (tubulonéphrite aiguë). L’hépatite fulminante éviter l’administration intempestive de plasma frais devant les
concerne moins de 1 % des patients au total. troubles de la coagulation, pouvant retarder la prise en charge
spécifique de greffe.
Reconnaissance biologique
Traitement spécifique : N-acétylcystéine (NAC). Les proto-
Les anomalies biologiques restent silencieuses durant les coles d’administration et indications du NAC chez l’enfant sont
premières 24 heures et sont maximales au 3e jour (augmentation résumés sur la Figure 2. En cas d’ingestion de doses multiples
des transaminases, diminution des facteurs de coagulation, sur 24 heures, le NAC est indiqué si la dose ingérée cumulative
augmentation du TP, augmentation de la bilirubine). Les anoma- est supérieure à 150 mg/kg chez l’enfant de plus de 6 ans et
lies biologiques rénales sont plus rares. Au moment de la prise en supérieure à 200 mg/kg chez l’enfant de moins de 6 ans. Dans
charge d’une intoxication au paracétamol, le dosage du lactate
ce cas précis, le nomogramme ne doit pas être utilisé car il sous-
sanguin est un facteur pronostique important chez l’adulte.
estime le risque hépatotoxique.
Tests toxicologiques spécifiques : paracétamolémie
Salicylés [73-76]
Le dosage se fait classiquement 4 heures après l’intoxication
supposée ou prouvée et cette mesure conditionne la poursuite Molécule
ou non du traitement, ce dernier ayant été débuté dès l’identi-
fication de la possibilité d’une intoxication. Des études plus C’est l’acide acétylsalicylique (AAS : aspirine).
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Conduite à tenir
Tableau 7. Le traitement est symptomatique :
Relation entre la salicylémie et la gravité de l’intoxication, d’après [76].
• conditionnement du patient et gestes de réanimation cardio-
Adulte Gravité de l’intoxication Enfant respiratoire si nécessaire avec évacuation du contenu gastrique
par lavage gastrique (pharmacobézoards). L’administration de
250-500 mg/l Modérée 100-300 mg/l
charbon activé dans la 1re heure peut être répétée si l’intoxi-
500-750 mg/l Sévère 350-600 mg/l cation concerne une forme retard ; on réalise une réhydrata-
> 750 mg/l Létale > 600 mg/l tion (2 à 2,5 l/m 2 /j) avec correction de l’hypokaliémie,
administration de vitamine K : 10 mg intraveineux ou per os ;
• alcalinisation des urines pour obtenir un pH urinaire supé-
Fréquence et gravité rieur à 7 et une diurèse horaire supérieure à 2 ml/kg/h.
L’hémodialyse se discute lors d’atteinte neurologique,
Cette intoxication, dont la variabilité interindividuelle est
défaillance multiviscérale ou troubles métaboliques difficiles à
importante, a une potentialité néfaste qui n’est pas directement
contrôler.
dose-dépendante.
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Médecine d’urgence 15
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“ Point fort
des BAV et extrasystoles ventriculaires (ESV), puis des dysryth-
mies plus graves (FV, asystolie).
(digoxine, hémigoxine, digitaline) ou végétales (laurier rose, Nous citons l’alcool, l’ecstasy, la méthadone, le cannabis, la
muguet, scille). Les digitaliques inhibent la Na-K-adénosine kétamine.
triphosphatase (ATPase) membranaire et ont une action sur le
système parasympathique et sur le tonus sympathique : aug-
mentation de la contractilité et de l’automaticité et diminution ■ Conclusion
de la conduction cardiaque, responsables de dysrythmies
ventriculaires et de troubles de la conduction. En cas d’inges- Les intoxications médicamenteuses sont fréquentes chez
tion, les signes cardiaques surviennent en quelques heures. l’enfant mais fort heureusement exceptionnellement graves avec
une mortalité faible. Il faut se méfier particulièrement chez
Fréquence et gravité l’enfant de produits potentiellement létaux à faible dose comme
les inhibiteurs calciques, les antidépresseurs tricycliques, la
Elles sont rares mais généralement sévères, avec une mortalité clonidine, les opiacés, les salicylés ou encore les sulfamides
de l’ordre de 20 % avant l’immunothérapie. hypoglycémiants. Des efforts importants des firmes industrielles
dans le conditionnement des médicaments participent à la
Reconnaissance clinique
. prévention primaire et doivent s’intensifier. Le rôle de la famille,
Les premiers signes cliniques sont digestifs (nausées, vomis- en premier lieu des parents, est primordial dans cette préven-
sements, douleurs abdominales, diarrhées) avec parfois somno- tion (rangements des médicaments, explications et éducation).
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Intoxications médicamenteuses de l’enfant ¶ 25-140-J-10
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Brissaud O., Naud J., Villega F. Intoxications médicamenteuses de l’enfant. EMC (Elsevier Masson SAS,
Paris), Médecine d’urgence, 25-140-J-10, 2011.
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