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La Revue de médecine interne 36 (2015) 256–270

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www.sciencedirect.com

Mise au point

Toxidermies
Cutaneous adverse drug reactions
B. Lebrun-Vignes a,∗ , L. Valeyrie-Allanore b,c
a
Centre régional de pharmacovigilance du groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière–Charles-Foix, AP–HP, coordination de pharmacovigilance d’Île-de-France,
47-83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France
b
Service de dermatologie, hôpital Henri-Mondor, AP–HP, 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 94000 Créteil, France
c
Centre référence des maladies bulleuses immunologiques et toxiques, hôpital Henri-Mondor, AP–HP, 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny,
94000 Créteil, France

i n f o a r t i c l e r é s u m é

Historique de l’article : Les toxidermies correspondent aux effets indésirables médicamenteux à expression cutanéo-muqueuse.
Disponible sur Internet le 4 novembre 2014 Elles présentent une grande variabilité sémiologique, non spécifique de l’étiologie médicamenteuse.
L’exanthème maculo-papuleux est la présentation la plus fréquente suivie de l’urticaire et des vas-
Mots clés : cularites. L’érythème pigmenté fixe est une toxidermie plus rare dans les pays occidentaux. La
Toxidermies fréquence des formes sévères (décès, séquelles graves) est de 2 % : toxidermies bulleuses (syndrome
Effets indésirables médicamenteux de Stevens-Johnson, nécrolyse épidermique toxique ou syndrome de Lyell), DRESS (drug reaction
with eosinophilia and systemic symptoms ou syndrome d’hypersensibilité), pustulose exanthématique
aiguë généralisée (PEAG). Elles doivent être rapidement identifiées afin d’orienter la prise en charge.
Les principaux facteurs de risque des toxidermies sont l’immunodépression, les pathologies auto-
immunes ainsi que certains génotypes du système HLA dans les toxidermies bulleuses et le syndrome
d’hypersensibilité. Toutes les classes médicamenteuses peuvent être à l’origine de toxidermies, en
particulier les antibactériens, les anticonvulsivants, les antinéoplasiques, les anti-inflammatoires non
stéroïdiens, l’allopurinol et les produits de contraste. Les mécanismes physiopathologiques comprennent
les réactions immunologiques/immuno-allergiques immédiates ou retardées, classiquement non dose-
dépendantes, et les mécanismes toxiques/pharmacologiques dose-dépendants ou temps-dépendants,
incluant les réactions dites « paradoxales ». En cas de toxidermie de mécanisme immuno-allergique, un
bilan allergologique est possible pour préciser l’imputabilité du/des médicament(s) suspect(s) avec une
sensibilité variable selon les médicaments et le type de toxidermie. Il comprend les tests épicutanés (ou
patch tests) et les tests intradermiques (prick test et intradermoréactions). Cependant aucun test in vivo
ou in vitro ne permet d’affirmer la responsabilité médicamenteuse devant une toxidermie. Le diagnostic
repose donc sur une démarche d’imputabilité prenant en compte la présentation clinique, la chronolo-
gie des événements et des prises médicamenteuses et l’élimination des diagnostics différentiels. Cette
démarche diagnostique, complétée par une recherche bibliographique, permet dans la majeure partie
des cas d’établir un lien de causalité entre le(s) médicament(s) et l’éruption cutanée. Une déclaration en
pharmacovigilance est indispensable en cas de toxidermie grave quel que soit le médicament impliqué,
et dans tous les cas s’il s’agit d’un médicament récent ou non classiquement associé à un risque cutané.
© 2014 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS.
Tous droits réservés.

a b s t r a c t

Keyword: Cutaneous adverse drug reactions (CADR) represent a heterogeneous field including various clinical
Cutaneous adverse drug reactions patterns without specific features suggesting drug causality. Exanthematous eruptions, urticaria and
vasculitis are the most common forms of CADR. Fixed eruption is uncommon in western countries.
Serious reactions (fatal outcome, sequelae) represent 2% of CADR: bullous reactions (Stevens-Johnson
syndrome, toxic epidermal necrolysis), DRESS (drug reaction with eosinophilia and systemic symptoms

∗ Auteur correspondant.
Adresse e-mail : benedicte.lebrun-vignes@psl.aphp.fr (B. Lebrun-Vignes).

http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.10.004
0248-8663/© 2014 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
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or drug-induced hypersensitivity syndrome) and acute generalized exanthematous pustulosis (AGEP).


These forms must be quickly diagnosed to guide their management. The main risk factors are immuno-
suppression, autoimmunity and some HLA alleles in bullous reactions and DRESS. Most systemic drugs
may induce cutaneous adverse reactions, especially antibiotics, anticonvulsivants, antineoplastic drugs,
non-steroidal anti-inflammatory drugs, allopurinol and contrast media. Pathogenesis includes immediate
or delayed immunologic mechanism, usually not related to dose, and pharmacologic/toxic mechanism,
commonly dose-dependent or time-dependent. In case of immunologic mechanism, allergologic explo-
ration is possible to clarify drug causality, with a variable sensitivity according to the drug and to the
CADR type. It includes epicutaneous patch testing, prick test and intradermal test. However, no in vivo
or in vitro test can confirm the drug causality. To determine the cause of the eruption, a logical approach
based on clinical characteristics, chronologic factors and elimination of differential diagnosis is required,
completed with a literature search. A reporting to pharmacovigilance network is essential in case of a
serious CADR whatever the suspected drug and in any case if the involved drug is a newly marketed one
or unusually related to cutaneous reactions.
© 2014 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Published by Elsevier Masson SAS. All
rights reserved.

1. Introduction VIH, traitements immunosuppresseurs, néoplasies) ou les patho-


logies auto-immunes (lupus systémique, hépatite auto-immune),
1.1. Épidémiologie sans qu’il soit possible d’analyser la part revenant à la patho-
logie de fond et à son traitement. L’âge ne semble pas être un
Les toxidermies regroupent l’ensemble des effets indésirables facteur majeur de variation, les toxidermies observées dans les
médicamenteux (EIM) à expression cutanéo-muqueuse. Il s’agit populations pédiatriques ou gériatriques n’ayant pas de spécificité
d’un vaste domaine caractérisé par une grande variété sémiolo- [11,12]. D’après une étude hospitalière, les toxidermies immuno-
gique et physiopathologique alimentant la recherche aussi bien allergiques sévères pourraient être moins fréquentes chez les
fondamentale que clinique. La peau fait partie des organes les patients de plus de 65 ans [12]. Une prédominance féminine est
plus fréquemment impliqués dans la survenue d’EIM et la plu- retrouvée dans plusieurs séries [6]. Mais le principal facteur de
part des pathologies dermatologiques peuvent être provoquées risque discuté actuellement est d’ordre génétique, avec implica-
ou aggravées par les médicaments. La prévalence des éruptions tion de certains génotypes du système HLA dans les toxidermies
cutanées médicamenteuses, évaluée essentiellement en milieu bulleuses et le syndrome d’hypersensibilité [13].
hospitalier, se situe entre 0 et 8 % des patients exposés à un médi- Toutes les classes médicamenteuses peuvent être à l’origine
cament donné [1–3]. Dans une enquête transversale dite « 1 jour de manifestations cutanées. Les médicaments les plus fréquem-
donné » menée dans un hôpital parisien d’environ 1000 lits, parmi ment impliqués sont les antibactériens, les anticonvulsivants,
les 10 % de patients hospitalisés ayant au moins un effet indé- les antinéoplasiques, les anti-inflammatoires non stéroïdiens,
sirable médicamenteux, 9 % avaient des manifestations cutanées, l’allopurinol, les produits de contraste, mais leur part varie d’un
incluant les réactions locales et systémiques, de mécanisme phar- type de toxidermie à l’autre.
macologique ou immuno-allergique [4]. En ne considérant que les
effets de mécanisme immuno-allergique, la prévalence des toxi-
dermies pourrait se situer autour de 3/1000 patients hospitalisés, 1.2. Physiopathologie
plus importante dans les services de médecine que dans ceux de
chirurgie [5,6]. Les mécanismes physiopathologiques à l’origine des toxider-
Les toxidermies sont la cause de l’hospitalisation dans les ser- mies sont multiples, ce qui rend compte de la grande variabilité
vices de dermatologie français pour environ 1,5 % des patients [7] sémiologique observée. On peut en distinguer schématique-
et représentent 1 % des consultations de dermatologie en CHU [8]. ment deux grandes catégories : d’une part, les mécanismes
Les toxidermies présentent une grande variabilité sémiologique immunologiques/immuno-allergiques médiés par les effecteurs
et la plupart des tableaux cliniques ne sont pas spécifiques du médi- cellulaires ou humoraux du système immunitaire, d’autre part, les
cament. Le diagnostic clinique et étiologique est parfois difficile mécanismes toxiques/pharmacologiques dans lesquels le médica-
et nécessite une prise en charge spécialisée. L’exanthème maculo- ment exerce directement son effet sur la cible.
papuleux (EMP) est la présentation largement majoritaire dans Le terme « d’hypersensibilité » demeure ambigu car utilisé aussi
toutes les séries publiées, viennent ensuite l’urticaire et les vascu- bien pour des réactions médiées par le système immunitaire que
larites [3,5,9]. L’érythème pigmenté fixe (EPF) est une toxidermie pour des manifestations de mécanisme pharmacologique.
réputée rare dans les pays occidentaux alors qu’il est largement
rapporté dans les séries asiatiques et africaines. Les toxidermies 1.2.1. Les mécanismes immunologiques ou immuno-allergiques
sévères, qui s’accompagnent d’une mise en jeu du pronostic vital Ils sont à l’origine des manifestations les plus largement impli-
ou de graves séquelles représentent 2 % de l’ensemble des toxi- quées ou rapportées dans la littérature. Leur classification repose
dermies [10]. Ces situations regroupent les toxidermies bulleuses encore aujourd’hui sur les 4 groupes définis par Gell et Coombs :
que sont le syndrome de Stevens-Johnson (SJS) et la nécrolyse
épidermique toxique (NET ou syndrome de Lyell), le DRESS (drug
• type I, réaction immédiate, IgE (ou IgG) médiée : urticaire, angiœ-
reaction with eosinophilia and systemic symptoms ou syndrome
d’hypersensibilité) et à un moindre degré la pustulose exanthé- dème, anaphylaxie ;
• type II, réaction cytotoxique induite par le médicament : pemphi-
matique aiguë généralisée (PEAG). En raison de leur pronostic, ces
toxidermies doivent être rapidement identifiées afin d’orienter la gus, purpura lié à une thrombopénie médicamenteuse ;
• type III, complexes immuns : vascularites, maladie sérique ;
prise en charge.
• type IV, réaction retardée à médiation cellulaire : EMP, EPF, SJS,
Des prédispositions à la survenue de toxidermies sont évoquées
dans la littérature, comme l’immunodépression (infection par le NET, PEAG.
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Les toxidermies de mécanisme immuno-allergique sont donc


majoritairement de type IV, retardé. Au sein de ce groupe, une
classification en 4 sous-groupes (de IVa à IVd) a été proposée en
fonction du profil lymphocytaire, des cytokines et des cellules effec-
trices impliquées afin de rendre compte des différents tableaux
cliniques [14].
Ces différents mécanismes physiopathologiques expliquent les
délais de survenue après la prise du médicament suspect, variables
d’un tableau clinique à l’autre : 10 jours en moyenne (5 à 21 jours)
pour l’EMP, le SJS/NET (4 à 28 jours) et la PEAG (1 à 2 jours), moins
d’une heure pour l’urticaire/anaphylaxie, 3 à 5 jours pour l’EPF, 2
à 6 semaines (voire 8) pour le DRESS. D’une manière générale, ce
délai est plus court en cas de sensibilisation antérieure, ce qui est
particulièrement observé pour l’EPF et la PEAG.
Les toxidermies d’origine immuno-allergique ne sont classi-
quement pas dose-dépendantes et régressent après l’arrêt du
médicament responsable (en tenant compte de son élimination)
avec cependant quelques particularités selon les tableaux sémiolo- Fig. 1. Exanthème maculo-papuleux.
giques.
Le lien entre les réactions cutanées immuno-allergiques retar-
dées médicamenteuses et certains virus est discuté depuis de Par ailleurs, le risque d’EMP médicamenteux est augmenté au
nombreuses années, en particulier pour les EMP et les DRESS. cours de certaines infections virales, l’exemple le plus classique
décrit dans les années 1960 étant l’EMP survenant dans 80 à 100 %
1.2.2. Les mécanismes pharmacologiques ou toxiques des cas sous pénicilline A au cours de la mononucléose infectieuse.
Ils sont à l’origine de divers effets cutanés habituellement dose- Cette incidence pourrait avoir été surestimée comme en témoigne
dépendants ou temps-dépendants. Il peut s’agir de manifestations une étude pédiatrique ne retrouvant un EMP que dans 33 % des cas
liées à un effet pharmacologique ou toxique « direct » du médi- [15]. La survenue d’un EMP sous pénicilline au cours d’une primo-
cament sur les cellules de l’épiderme et des annexes (sécheresse infection à EBV ne contre-indique pas la réintroduction ultérieure
cutanée et rétinoïdes, alopécie et cytostatiques, folliculites et anti- d’un antibiotique de la famille des bêta-lactamines. L’infection par
EGF, phototoxicité et cyclines) ou d’anomalies de la pigmentation le VIH est un facteur de risque d’EMP médicamenteux identifié dans
liée soit à l’accumulation du médicament dans la peau (amioda- la littérature, en particulier avec le sulfaméthoxazole [16].
rone, quinolones, hydroxychloroquine, minocycline), soit à une La plupart des médicaments peuvent induire un EMP chez envi-
modification de la synthèse de mélanine. Enfin, des réactions cuta- ron 1 % des patients traités. Pour certaines molécules, le risque
nées dites « paradoxales » sont décrites avec certaines biothérapies d’EMP est supérieur à 3 % : allopurinol, aminopénicillines, cépha-
comme les anti-TNF-␣. Ces manifestations concernent des patho- losporines, antiépileptiques et sulfamides antibactériens [2].
logies/lésions cutanées répondant habituellement aux anti-TNF-␣
(psoriasis) et survenant au cours de traitement par ces mêmes bio- 2.2. Syndrome de Stevens-Johnson (SJS) et nécrolyse épidermique
thérapies. toxique (NET ou syndrome de Lyell)

2. Principaux tableaux cliniques de toxidermie Il s’agit de formes bulleuses, rares et graves de toxidermie,
s’accompagnant d’une mortalité à court terme (6 semaines) de 23 %
2.1. Exanthème maculo-papuleux et de 34 % à 1 an [17]. Les SJS/NET se caractérisent par des décol-
lements bulleux cutanéo-muqueux secondaires à une apoptose
Dans toutes les séries publiées, l’EMP est le tableau clinique le kératinocytaire. La distinction entre SJS et NET se fait en fonction du
plus fréquent et représente de 50 % à 95 % des toxidermies [3,6]. pourcentage de surface corporelle décollée-décollable : SJS < 10 %,
L’éruption apparaît en moyenne une dizaine de jours (5 à 21 jours) syndrome de chevauchement 10 à 30 %, et NET > 30 %. Le délai de
après l’introduction du médicament, ce délai étant plus court en cas survenue est de 4 à 28 jours après l’introduction de novo du médi-
de réintroductions ultérieures. Il se présente comme une éruption cament en cause [18]. Dans 10 % des cas, aucun médicament n’est
polymorphe constituée de macules ou de papules érythémateuses retrouvé soulignant le rôle de facteurs environnementaux tels que
plus ou moins confluentes et plus ou moins diffuses, prédominant Mycoplasma pneumoniae dans la survenue de l’éruption.
au tronc et à la racine des membres (Fig. 1). Les lésions peuvent L’incidence de ces toxidermies bulleuses est estimée à 2 cas par
prendre un aspect purpurique aux membres inférieurs. L’éruption million d’habitants et par an en Europe [19]. Elle est plus élevée
cutanée est souvent associée à un prurit ou à une fièvre modé-
rée (< 38,5 ◦ C), rarement à une atteinte muqueuse (énanthème). À Tableau 1
l’arrêt du médicament en cause, l’évolution de l’EMP est favorable Diagnostics différentiels des exanthèmes maculo-papuleux médicamenteux.
sans séquelle en une à deux semaines, souvent avec une desquama-
Infections virales Herpès virus (EBV, CMV, HHV6 et 7),
tion. Le traitement est symptomatique : antihistaminiques en cas parvovirus B19, entérovirus dont les virus
de prurit et dermocorticoïdes. coxsackies, adénovirus, échovirus, VIH,
L’histologie est peu spécifique : infiltrat lympho-histiocytaire rougeole, rubéole, arbovirus, virus des
péri-vasculaire du derme, infiltrat mononucléé lichénoïde, pré- hépatites virales (A et B)
Infections bactériennes Rickettsioses, mycoplasme, leptospirose,
sence focale de kératinocytes nécrotiques. méningocoque, bartonelloses, tréponématose
Les diagnostics différentiels de l’EMP sont toutes les causes (syphilis), entérobactéries (typhoïde)
d’éruption maculo-papuleuse, au premier rang desquelles les Infections parasitaires Toxoplasmose, helminthiases (toxocarose,
primo-infections (parfois réactivations) virales, mais aussi trichinose)
Maladies inflammatoires et Syndrome de Kawasaki, réaction du greffon
quelques causes bactériennes, parasitaires et inflammatoires
dysimmunitaires contre l’hôte (GVH), lupus érythémateux
(Tableau 1).
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Tableau 2
Le SCORTEN, score pronostique du syndrome de Stevens-Johnson (SJS) et de la
nécrolyse épidermique toxique (NET ou syndrome de Lyell).

0 1

Âge < 40 ans > 40 ans


Néoplasie Non Oui
Fréquence cardiaque < 120/min > 120/min
Urée plasmatique < 10 mmol/L > 10 mmol/L
Surface cutanée décollée < 10 % > 10 %
Bicarbonates < 20 mmol/L > 20 mmol/L
Glycémie < 14 mmol/L > 14 mmol/L

Nombre de facteurs de risque Taux de mortalité (%)

0–1 3,2
2 12,1
3 35,3
4 58,3
Fig. 2. Nécrolyse épidermique toxique ou syndrome de Lyell. ≥5 > 90

L’évolution est marquée à la phase aiguë par une extension


dans les pays à forte prévalence de groupes HLA favorisants (cf.
progressive du détachement sur une dizaine de jours suivie par
ci-dessous) comme à Taïwan [20]. Il s’agit donc de manifestations
une période de ré-épithélialisation de 2 à 3 semaines en moyenne.
très rares (environ 120 cas par an en France), touchant tous les âges.
Les complications sont multiples : infectieuses (surinfection locale,
L’incidence est 10 à 100 fois plus élevée au cours de l’infection par
septicémie, pneumopathies, etc.), troubles hydro-électrolytiques
le virus de l’immunodéficience humaine (VIH). Les maladies systé-
secondaires à l’hyperthermie et à l’effraction de la barrière cutanée,
miques et la radiothérapie sont également des facteurs de risque.
détresse respiratoire secondaire à l’atteinte spécifique.
Les signes cliniques inauguraux se caractérisent par un syn-
Sur le plan thérapeutique, la phase précoce nécessite une prise
drome grippal avec une fièvre élevée, puis par l’apparition
en charge symptomatique spécialisée, idéalement dans des uni-
d’érosions muqueuses touchant au moins 2 sites (conjonc-
tés de soin habituées à ces patients. Elle repose sur l’arrêt le plus
tives, nez, bouche, régions anale et génitale) et d’une éruption
précoce possible du médicament causal, les soins locaux cutanés
maculo-papuleuse érythémateuse en pseudo-cocarde prédomi-
et muqueux, l’hydratation, l’alimentation entérale, la lutte contre
nant au tronc initialement. À la phase d’état, les lésions cutanées
la douleur [21], la thermorégulation. Un quart des patients néces-
deviennent purpuriques puis bulleuses et confluent pour aboutir
sitent une assistance respiratoire, associée à un mauvais pronostic
à de larges décollements cutanés (Fig. 2). Sur les zones érythé-
[22]. Le pronostic vital est corrélé à un score prédictif validé par
mateuses non encore décollées, le frottement de la peau induit
différentes équipes (Tableau 2), le SCORTEN, dans lequel chaque
un détachement de l’épiderme (signe de Nikolski). L’atteinte
item cote 1 point et qui a démontré une plus grande valeur pré-
muqueuse érosive est retrouvée dans plus de 90 % des cas, doulou-
dictive à J3 [23,24]. En pratique, tout patient ayant un SCORTEN > 1
reuse, responsable en particulier d’une anorexie totale (Fig. 3). La
doit être systématiquement orienté auprès d’une structure spécia-
nécrose peut toucher l’épithélium trachéo-bronchique ou digestif
lisée. Aucun traitement curatif n’a fait preuve d’une efficacité dans
et s’accompagne alors d’un pronostic redoutable.
le SJS/NET. La corticothérapie générale est très controversée compte
Biologiquement, une insuffisance rénale fonctionnelle ou orga-
tenu du risque de surmortalité lié au sepsis [25]. L’espoir suscité par
nique, des troubles hydro-électrolytiques (hypophosphatémie),
les immunoglobulines intraveineuses via leur action inhibitrice sur
une atteinte hématologique (cytopénies), une hyperamylasémie
l’interaction Fas-FasL et l’apoptose n’a pas été confirmé ni sur la
secondaire à la nécrose des glandes salivaires, une cytolyse hépa-
mortalité ni sur l’arrêt de la progression de la maladie [26,27]. La
tique sont possibles, l’hyperéosinophilie n’est pas classique.
ciclosporine, molécule anti-apoptotique et inhibitrice de l’activité
cytotoxique CD8 pourrait avoir une efficacité qui reste à confirmer
[28,29].
L’histologie montre une nécrose kératinocytaire par apoptose de
l’épiderme, qui lorsqu’elle touche toute la hauteur de l’épiderme,
est corrélée à la mortalité [30]. La nécrose est associée à un infil-
trat mononucléé modéré dermique superficiel et péri-vasculaire à
prédominance CD8+ .
Après la phase aiguë, les séquelles sont fréquentes et mul-
tiples et altèrent significativement la qualité de vie du patient.
Les séquelles cutanées comprennent des dyschromies (hypo-
ou hyperpigmentation), des cicatrices dystrophiques, des dys-
trophies unguéales, un prurit. Les séquelles muqueuses incluent
une sécheresse et plus rarement des lésions cicatricielles (syné-
chies) oculaires, œsophagiennes, bronchiques, urétrales, vaginales
et anales. L’atteinte ophtalmologique est la plus invalidante allant
d’une photophobie à une perte d’acuité visuelle compromettant la
reprise d’une activité socioprofessionnelle. Un quart des patients
dont l’examen ophtalmologique était normal à 8 semaines déve-
loppaient des séquelles oculaires à un an, justifiant un suivi régulier
et prolongé [31]. En parallèle, le retentissement psychologique est
Fig. 3. Nécrolyse épidermique toxique : atteinte érosive buccale. souvent majeur et trop souvent sous-estimé.
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Les diagnostics différentiels du SJS/NET sont les autres derma-


toses bulleuses :

• l’érythème polymorphe, dont l’étiologie est le plus souvent


infectieuse (HSV, mycoplasme) se différencie par la présence
de cocardes typiques (lésions en cible avec au moins 3 cercles
concentriques individualisables), un relatif respect du tronc et
une prédominance des lésions en distalité (paumes et plantes) et
l’absence de signe de Nikolski [32] ;
• les dermatoses bulleuses auto-immunes (pemphigoïde bulleuse,
dermatose à IgA linéaire, pemphigus) sont éliminées par la néga-
tivité de l’immunoflurorescence cutanée directe ;
• l’épidermolyse staphyloccocique, liée à une toxine staphylococ-
cique, se différencie de la nécrolyse épidermique toxique par
l’absence de lésion muqueuse, l’atteinte initiale des plis et le cli-
vage épidermique superficiel histologique ;
• les formes étendues d’érythème pigmenté fixe (EPF) prêtent par-
fois à confusion, mais l’absence de lésion muqueuse et la brièveté Fig. 4. Lésions pustuleuses dans un DRESS.
du délai d’apparition permettent de rectifier le diagnostic ;
• la réaction aiguë du greffon contre l’hôte (GVH) peut évoluer
vers une forme bulleuse sévère (GVH-Lyell) liée à une nécrolyse non stéroïdiens (AINS) de la famille des oxicams [19] et secondai-
épidermique. rement névirapine, lamotrigine mais aussi sertraline, pantoprazole
et tramadol [18].
L’imputabilité médicamenteuse nécessite une enquête minu-
tieuse à la recherche de tous les médicaments pris dans les 2.3. Syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse ou drug
28 jours précédant les premiers signes cliniques. Les méthodes reaction with eosinophilia and systemic symptoms (DRESS)
d’imputabilité généralistes utilisées en pharmacovigilance, insuffi-
samment spécifiques, ne sont pas adaptées à l’analyse individuelle Le DRESS est une forme sévère de toxidermie associant des
et aux études épidémiologiques de ces toxidermies graves. C’est manifestations cutanées et une atteinte systémique. Le délai
pourquoi un score spécifique a été développé dans le SJS/NET, à d’apparition habituel est au maximum de 8 semaines après
partir des données de l’étude cas-témoin EuroSCAR. Cet algorithme l’initiation du médicament responsable. Son incidence est estimée à
(ALDEN) beaucoup plus discriminant, mais aussi d’utilisation plus 1/10 000 avec les sulfamides antibactériens et les anticonvulsivants
ardue, permet d’identifier le médicament en cause dans 70 % des aromatiques [39], mais elle pourrait être nettement supérieure
cas et d’éliminer le rôle des autres médicaments dans 64 % des cas chez les patients d’origine afro-américaine.
[33]. Dans environ 5 % des cas, aucun médicament responsable n’est Le tableau clinique inaugural du DRESS comprend une pharyn-
retrouvé. D’autres étiologies sont discutées, en particulier certains gite, un malaise général et une fièvre puis apparaissent un œdème
agents infectieux tels que M. pneumoniae même s’il est rarement du visage, une polyadénopathie (adénopathies de plus de 1 cm
retrouvé [34]. sur au moins deux sites). Il s’y associe un exanthème polymorphe
La physiopathologie du SJS/NET repose sur une réaction associant des lésions urticariennes, maculo-papuleuses, parfois
cytotoxique spécifique et restreinte au complexe majeur purpuriques peu spécifiques. Le rash touche classiquement plus de
d’histocompatibilité de classe I pour un médicament donné, 50 % de la surface corporelle allant jusqu’à l’érythrodermie (> 90 %
mettant en jeu des lymphocytes T CD8+ . Ces lymphocytes cyto- de la surface corporelle). Une infiltration cutanée, des pustules non
toxiques dont l’activité est modulée par des lymphocytes T folliculaires (Fig. 4) ou une desquamation sont régulièrement asso-
régulateurs produisent différentes cytokines (interféron gamma, ciées, rarement des lésions vésiculo-bulleuses [40]. Une chéilite
TNF-␣, Fas-ligand) responsables via les cellules mononucléées de est fréquente, et une atteinte muqueuse mineure est notée dans
la production de facteurs tels que le granzyme B, et la granulyzine la moitié des cas [41].
à l’origine de l’apoptose massive des kératinocytes. Les concentra- Biologiquement, une lymphopénie est fréquente initialement
tions de granulyzine dans le liquide de bulles sont corrélées à la suivie d’un syndrome mononucléosique avec présence de nom-
sévérité du décollement cutané [35]. breux lymphocytes hyperbasophiles et d’une hyperéosinophilie.
Les travaux génétiques de ces dix dernières années ont permis Ces manifestations s’associent à au moins une atteinte viscé-
d’établir un lien entre groupes HLA et certains médicaments dans rale profonde : hépatite cytolytique ou cholestatique (80 % des cas),
le SJS/NET : d’une part, très forte association au sein de l’ethnie néphropathie interstitielle, pneumopathie interstitielle. D’autres
chinoise Han entre HLA-B*5801 et allopurinol [36], d’autre part, atteintes viscérales sont possibles : myocardites, péricardites,
entre HLA-B*1502 et carbamazépine [37]. En Europe, l’étude de atteintes neurologiques centrales, myosites, thyroïdite, pancréa-
ces associations par le groupe RegiSCAR a mis en évidence une tites, hémophagocytose.
association entre HLA-B*5801 et allopurinol dans 61 % des cas, à Dans un objectif de validation des cas, le groupe RegiSCAR
un moindre degré entre HLA-B*38 et sulfaméthoxazole ou lamo- a proposé un score de validation rétrospective dans lequel la
trigine, HLA-B*73 et oxicam, mais aucun lien entre HLA-B*1502 et présence d’au moins 3 critères est nécessaire : éruption, hyper-
carbamazépine [38] sauf chez les patients ayant des origines asia- thermie > 38 ◦ C, polyadénopathie, atteinte viscérale, présence de
tiques. Ces associations, aussi fortes soient elles, ne suffisent pas à lymphocytes hyperbasophiles, hyperéosinophilie ou thrombopé-
expliquer à elles seules la survenue du SJS/NET, ni à proposer un nie [42].
dépistage systématique avant l’instauration du traitement. L’examen histologique d’une biopsie cutanée est peu spécifique :
Les études épidémiologiques cas-témoins européennes menées il existe un infiltrat lichénoïde à prédominance mononucléée TCD8+
par le groupe EuroSCAR ont permis d’identifier les médicaments associé à un œdème dermique.
pourvoyeurs de SJS/NET : sulfamides antibactériens, allopurinol, L’évolution du syndrome d’hypersensibilité peut être prolon-
carbamazépine, phénobarbital, phénytoïne, anti-inflammatoires gée de quelques mois à un an, même après arrêt du médicament
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inducteur, entrecoupée de rémissions et de rechutes cliniques et


biologiques, possiblement expliquées par les réactivations virales
[43–46]. La tachycardie, l’hyperleucocytose, une tachypnée, une
coagulopathie, une hémorragie digestive ou un syndrome de
réponse inflammatoire systémique (SIRS) sont des facteurs asso-
ciés à un mauvais pronostic [47]. Une évolution fatale est observée
dans 2 à 10 % des cas selon les séries, le plus souvent secondaire à
une hépatite fulminante.
La prise en charge thérapeutique dépend de l’atteinte clinico-
biologique et doit être réévaluée en fonction de l’évolution et en
lien avec les spécialistes d’organe. Elle fait actuellement l’objet d’un
essai thérapeutique (ClinicalTrials.gov Identifier : NCT01987076),
les éléments de cette prise en charge étant [48] :

• arrêt du ou des médicaments suspects ;


• en l’absence de signe de gravité : dermocorticoïdes (forts ou très
forts), émollients et antihistaminiques si prurit ;
• en présence de signes de gravité (transaminases > 5 fois la Fig. 5. Pustulose exanthématique aiguë généralisée (PEAG).

normale, insuffisance rénale organique, pneumopathie, hémo-


phagocytose, atteinte cardiaque, etc.) : corticothérapie générale Les médicaments les plus souvent suspectés au cours du
(0,5 ou 1 mg/kg/j de prednisone), à évaluer au cas par cas ; DRESS sont les antiépileptiques (phénobarbital, carbamazépine,
• en cas de signes de menace vitale (hémophagocytose avec insuf- phénytoïne, lamotrigine), la minocycline, l’allopurinol, la dap-
fisance médullaire, encéphalite, hépatite sévère avec insuffisance sone, certains antirétroviraux (névirapine, abacavir), les sulfamides
hépatocellulaire, insuffisance respiratoire aiguë), l’association comme la sulfasalazine, la sulfadiazine et le sulfaméthoxazole, les
d’immunoglobulines intraveineuses (IgIV) 2 g/kg répartis sur cinq sels d’or, les inhibiteurs de la pompe à protons [41,57].
jours à la corticothérapie générale peut se discuter [49], mais
elles ne doivent pas être administrées en monothérapie du fait du 2.4. Pustulose aiguë exanthématique généralisée (PEAG)
risque d’effets indésirables graves [50]. Les bolus de corticoïdes
Cette toxidermie se caractérise par une éruption pustuleuse
peuvent également être proposés ;
fébrile apparaissant dans un délai de 1 à 4 jours après la prise du
• en présence de signes de gravité avec confirmation d’une réacti-
médicament inducteur. Ce délai court reflète probablement une
vation virale majeure, l’adjonction d’un antiviral (ganciclovir) ou
sensibilisation antérieure, par voie générale ou par voie locale. Il
d’IgIV à la corticothérapie générale est parfois proposée.
s’agit d’une toxidermie sévère mettant en jeu le pronostic vital dans
1 % des cas [58,59].
Dans tous les cas, une surveillance rapprochée et prolongée est Cliniquement, l’hyperthermie (> 38,5 ◦ C) accompagne ou pré-
indispensable compte tenu du risque de poussées évolutives à dis- cède de quelque jours une éruption de pustules non folliculaires
tance. Celles-ci sont possibles même en l’absence de toute nouvelle (non centrées par un poil) et aseptiques reposant sur des nappes
prise médicamenteuse, en particulier lors de la décroissance de la érythémateuses, prédominant au visage et dans les grands plis
corticothérapie générale qui devra être progressive. La surveillance (inguinaux, axillaires, sous-mammaires) (Fig. 5). La confluence des
biologique repose sur un contrôle des examens biologiques deux lésions pustuleuses peut engendrer des décollements superficiels
fois par semaine jusqu’à un mois après la normalisation des signes avec pseudo signe de Nikolski. Un œdème du visage et des mains, un
clinico-biologiques, puis régulièrement durant les mois suivants en purpura, des lésions vésiculo-bulleuses ou une atteinte muqueuse
fonction de l’évolution. Des manifestations d’auto-immunité (dia- peuvent également être observés [58,60]. Les lésions cutanées
bète, dysthyroïdie, lupus, etc.) peuvent survenir à distance. s’accompagnent généralement d’un prurit ou d’une sensation de
Les principaux diagnostics différentiels du DRESS sont les érup- brûlure.
tions virales (primo-infection ou réactivation virale chez le patient Biologiquement, il existe une hyperleucocytose à polynucléaires
immunodéprimé), la maladie sérique, le pseudolymphome, le neutrophiles, un syndrome inflammatoire, une hypercalcémie, et
lymphome cutané, le syndrome hyperéosinophilique primitif ou rarement une éosinophilie.
secondaire. Sur une série de 58 patients, 17,2 % présentaient des manifes-
La physiopathologie est encore très discutée, l’hypothèse tations systémiques avec atteinte hépatique, rénale, médullaire ou
actuelle étant que le DRESS serait la résultante d’une association pulmonaire [59].
entre réaction d’hypersensibilité retardée et réactivation virale. L’examen histologique met en évidence des pustules spongi-
Le mécanisme initial reste incertain : d’une part, le médicament formes sous- ou intra-cornées, ou intradermiques, contenant des
pourrait agir indirectement en induisant une immunodépression éosinophiles dans un tiers des cas. Une nécrose kératinocytaire est
et directement en favorisant une augmentation de la réplication souvent présente ainsi qu’un œdème du derme papillaire et un infil-
virale [51]. D’autre part, le médicament serait reconnu de façon trat dermique à polynucléaires neutrophiles et éosinophiles, sans
spécifique par les lymphocytes T avec expansion oligoclonale T à vascularite leucocytoclasique [61].
l’origine d’une réactivation virale. Les virus impliqués sont ceux du L’évolution de la PEAG est favorable en 1 à 2 semaines après
groupe Herpès, au premier rang desquels HHV6, HHV7, EBV et CMV. l’arrêt du médicament en cause avec une desquamation superfi-
Leur réactivation pourrait interagir avec les voies de détoxification cielle. Un traitement symptomatique par corticoïde topique permet
des médicaments inducteurs mais surtout modifier et prolonger de raccourcir l’évolution.
la réponse immune [45,51–55]. Les lymphocytes T activés contri- Une grille de validation de la PEAG a été proposée afin de poser
buent par la libération d’IL-5 au recrutement des polynucléaires rétrospectivement le diagnostic [62] :
éosinophiles fortement impliqués dans cette toxidermie [56].
Une prédisposition génétique a été montrée pour certains médi- • éruption pustuleuse aiguë ;
caments (abacavir et HLA-B*5701, HLA-B*5801 et allopurinol) [13]. • histologie compatible ;
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• fièvre > 38 ◦ C ;
• neutrophilie (> 1500/mm3 ) avec ou sans éosinophilie ;
• régression des symptômes en 15 jours.

Le principal diagnostic différentiel de la PEAG est le psoriasis


pustuleux de Zumbusch qui survient chez des patients aux anté-
cédents de psoriasis et se caractérise par une évolution spontanée
récidivante. Plus rarement doit être évoquée une intoxication au
mercure à l’origine d’un tableau clinique comparable (érythème
mercuriel) et survenant classiquement après inhalation de vapeur
de mercure [63]. Les formes sévères de PEAG sont parfois confon-
dues avec un syndrome de Lyell du fait de la confluence des
pustules, mais le respect des muqueuses et le caractère superficiel
du décollement permettent d’écarter ce diagnostic. Une compo-
sante pustuleuse peut aussi s’observer au cours du DRESS, mais
l’hyperéosinophilie, la présence de lymphocytes atypiques, d’une
atteinte viscérale et l’évolution prolongée différencient les deux
entités. Des cas de chevauchement entre NET, DRESS et PEAG Fig. 6. Érythème pigmenté fixe multiple bulleux.
existent mais demeurent rares [64].
La physiopathologie de la PEAG est encore mal connue. La neu-
trophilie sanguine et tissulaire suggère une libération de cytokines
activant les polynucléaires neutrophiles par les lymphocytes T spé- associées à un phénotype cutané clair, les formes pigmentées étant
cifiques du médicament (IL 3, IL 8, G-CSF). la règle chez les patients à peau foncée.
Les principaux médicaments à risque de PEAG ont été identi- Dans de rares cas où les lésions sont étendues et bulleuses, le dia-
fiés par une enquête de pharmacovigilance menée en France [65], gnostic différentiel avec une nécrolyse épidermique toxique peut
confirmée par une étude cas-témoin du groupe EuroScar [66] : il se poser. La présentation clinique se caractérise par de grands pla-
s’agit de la pristinamycine, de l’ampicilline, des quinolones, de cards érythémateux à bordures très bien limitées, de topographie
l’hydroxychloroquine, des sulfamides antibactériens, de la terbi- volontiers asymétrique avec de grands intervalles de peau saine.
nafine et du diltiazem. Des tableaux de PEAG peuvent aussi être Ces lésions sont associées à de larges décollements épidermiques.
secondaires à une étiologie infectieuse, alimentaire ou à une mor- Il n’existe pas de lésion élémentaire à type de cocarde ou pseudo-
sure d’araignée [67]. cocarde. Lorsqu’elle existe, l’atteinte muqueuse est modérée et
unipolaire. Enfin, l’état général est conservé et la fièvre absente,
2.5. Érythème pigmenté fixe contrairement aux patients atteints de SJS/NET. Dans les formes très
décollées, les modalités de prise en charge relèvent d’une orienta-
L’érythème pigmenté fixe (EPF) est une toxidermie réputée tion spécifique et leur pronostic sera dépendant de l’étendue du
rare dans les pays occidentaux alors qu’elle est l’une des plus décollement [72].
fréquentes en Asie et en Afrique. Ces différences géographiques L’évolution se caractérise par une disparition/cicatrisation
peuvent en partie s’expliquer par une possible prédisposition géné- rapide dans les suites de l’arrêt de la molécule. Lorsqu’elle existe, la
tique, encore peu explorée dans cette toxidermie [68]. Le délai de pigmentation résiduelle persiste à long terme. La réintroduction
survenue de cette toxidermie est court allant de 1 jour à 2 semaines. de la molécule incriminée entraînera une récidive de l’éruption
Ce délai se réduit au fur et à mesure des réintroductions et peut aux mêmes endroits mais les lésions peuvent également être plus
n’être que de quelques heures après la prise du médicament en nombreuses ou plus souvent bulleuses.
cause. L’examen histologique montre une nécrose kératinocytaire
L’EPF peut prendre des présentations cliniques variées allant pouvant être responsable d’un décollement sous-épidermique.
d’une lésion unique pigmentée à des lésions bulleuses plus éten- L’infiltrat du derme superficiel et profond qui associe lymphocytes,
dues voire des tableaux de pseudo-Lyell. Il existe également des polynucléaires neutrophiles ou éosinophiles est plus abondant
formes non pigmentées ou muqueuses pures. que dans la NET. Dans les formes récidivantes, l’accumulation
La forme classique se caractérise par une ou plusieurs lésions à de mélanophages dans le derme superficiel permet le diagnostic.
type de plaque arrondie ou ovalaire de taille variable, érythémato- L’immunofluorescence directe et indirecte est négative.
violacées d’évolution pigmentée, à bordures bien délimitées Le principal diagnostic différentiel de la forme solitaire est la
(Fig. 6). Ces lésions uniques ou multiples sont de topographie piqûre d’araignée ou d’insecte. Dans les formes génitales, la récur-
variable cutanée ou muqueuse. Elles prédominent à la face et au rence herpétique peut être discutée. Dans les formes bulleuses le
tronc. SJS/NET, l’érythème polymorphe, les dermatoses bulleuses auto-
Certaines lésions peuvent avoir un centre œdémateux avec une immunes (dermatose à IgA linéaire, pemphigus, etc.) sont des
évolution vésiculo-bulleuse circonscrite, laissant secondairement diagnostics alternatifs pour lesquels la topographie des lésions et
des érosions post-bulleuses de cicatrisation rapide. le résultat de l’immunofluorescence sont essentiels.
L’atteinte des semi-muqueuses et des muqueuses est très La physiopathologie est celle d’une hypersensibilité retardée,
fréquente, isolée ou associée à des lésions cutanées. Les lèvres et impliquant des lymphocytes T CD8+ mémoires qui persistent dans
la muqueuse buccale sont fréquemment touchées, l’atteinte de la l’épiderme de la peau atteinte. Lors d’une réintroduction ultérieure
muqueuse génitale est observée majoritairement chez l’homme de l’allergène, ces cellules prennent transitoirement un profil cyto-
[69]. toxique NK entraînant une nécrose kératinocytaire. La mise en
Une topographie spécifique de l’EPF associée à un médicament évidence de lymphocytes T régulateurs CD4+ dans le sang circulant
est discutée par certains auteurs [70]. et dans la peau lésée après stimulation antigénique pourrait expli-
Dans la plupart des cas, l’EPF cicatrise en laissant une hyperpig- quer l’atteinte circonscrite de l’EPF. Ces derniers par un contrôle
mentation séquellaire. Cependant, des formes non pigmentaires des T CD8+ , limiteraient les dommages tissulaires et l’extension de
unique ou multiple sont également observées [71]. Elles sont l’atteinte cutanée [73,74].
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Histologiquement, la biopsie montre une image d’infiltrat


mononucléé avec œdème du derme et dilatation des capillaires.
Le délai d’apparition, l’évolution et la prise en charge dépendent
du mécanisme impliqué.

2.7.1. Réaction immuno-allergique de type I (immédiate,


anaphylaxie)
Ce mécanisme, lié à la présence d’IgE ou d’IgG spécifiques, est
impliqué dans 5 % des cas d’urticaire ou d’angiœdème. La réaction
survient de quelques minutes à une heure après la prise médica-
menteuse et peut se compliquer d’anaphylaxie avec mise en jeu
du pronostic vital, secondaire à la libération massive d’histamine :
collapsus, hypotension, bronchospasme ou spasme laryngé. L’arrêt
et l’éviction définitive du médicament en cause est indispensable,
Fig. 7. Urticaire. le risque de réaction anaphylactique mortelle étant important en
cas de réintroduction. Lors d’une réaction anaphylactique, le traite-
Dans les pays occidentaux, les principaux médicaments identi- ment repose en urgence sur l’injection d’adrénaline associée à une
fiés comme pourvoyeurs d’EPF sont le paracétamol, les AINS (en injection de corticoïdes systémiques. Les médicaments les plus sou-
particulier les oxicams), les antibiotiques (bêta-lactamines, qui- vent en cause sont les antibiotiques et tout particulièrement les
nolones, sulfamides, cyclines, macrolides), la carbocystéine. Mais pénicillines, les curares et autres médicaments utilisés en anes-
de nombreuses autres familles sont concernées comme les anti- thésiologie, les AINS, le paracétamol, les produits de contraste,
épileptiques, les benzodiazépines, les inhibiteurs de la pompe à les vaccins [79]. Les tests allergologiques cutanés intradermiques
protons, les antihistaminiques, certains antifongiques (terbinafine, (prick test, intradermoréactions) permettent de confirmer l’origine
fluconazole) [69,75,76]. Longtemps considéré comme pathogno- allergique immédiate des manifestations.
monique d’une étiologie médicamenteuse, d’autres causes d’EPF
ont été identifiées, en particulier alimentaires [67]. 2.7.2. Réactions pharmacologiques
Dans 95 % des cas, l’urticaire ou l’angiœdème médicamenteux
2.6. Syndrome Babouin ou symmetrical drug-related est d’origine pharmacologique non immuno-allergique (« pseudo-
intertriginous and flexural exanthema (SDRIFE) allergique » ou anaphylactoïde) [80], la vasodilatation résultant de
la libération directe de médiateurs tels que l’histamine, la bradyki-
Cette toxidermie retardée est caractérisée par un érythème bien nine ou de leucotriènes.
limité et symétrique de la région fessière/péri-anale ou un éry- De nombreux médicaments sont susceptibles de provoquer une
thème en V de la région inguinale ou péri-génitale et d’au moins un histamino-libération par dégranulation des mastocytes comme les
autre grand pli. L’atteinte cutanée peut également comprendre des morphiniques, les produits de contraste iodés, la vancomycine, les
micropapules, des pustules, des vésicules et rarement des bulles. fortes doses intraveineuses de corticoïdes ou les sels de platines. Les
Les régions palmo-plantaires, le visage et les muqueuses ne sont AINS, y compris l’aspirine, sont à l’origine d’une accumulation de
que rarement concernées, et il n’existe pas de signes systémiques. leucotriènes en inhibant la cyclo-oxygénase. Les patients atteints
Le délai d’apparition après l’introduction de médicament causal d’urticaire chronique dont le dermographisme sont particulière-
va de quelques heures à quelques jours [77,78]. La présentation ment concernés par ces manifestations [80]. Dans ces situations,
clinique peut se rapprocher de la PEAG dans une forme limitée. les réactions sont d’intensité limitée et cèdent à l’arrêt du médica-
L’histologie est variable, mais la présence d’un infiltrat péri- ment ou sous antihistaminiques. Les manifestations graves avec
vasculaire superficiel composé de cellules mononucléées est hypotension ou asphyxie sont exceptionnelles. Dans la grande
constante. majorité des cas, il est possible de réintroduire le médicament res-
Les médicaments les plus largement impliqués dans le SDRIFE ponsable si nécessaire, sous surveillance clinique et avec quelques
sont des antibiotiques, en particulier les bêta-lactamines. Les autres précautions : prémédication par antihistaminiques ou corticoïdes,
médicaments en cause sont les produits de contraste iodés, le ralentissement du débit de perfusion en cas d’administration
cétuximab, l’allopurinol, la mitomycine, la pseudo-éphédrine, les intraveineuse. Il est parfois difficile d’éliminer cliniquement une
corticoïdes, la terbinafine, le valaciclovir. En dehors des causes réaction imuno-allergique IgE médiée. Des tests cutanés sont alors
médicamenteuses, le SDRIFE peut également survenir après expo- indispensables avant de décider d’une éventuelle réintroduction
sition au mercure, tout comme la PEAG [63]. afin de déterminer le mécanisme de la réaction.
Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC), mais aussi les
2.7. Urticaire, angiœdème et anaphylaxie sartans et les gliptines sont susceptibles d’induire une accumula-
tion de bradykinine. Environ 0,2 % des nouveaux utilisateurs d’IEC
Ces manifestations, parfois secondaires à une prise médicamen- développeraient un angiœdème et l’incidence a été estimée à envi-
teuse, sont liées à une vasodilatation responsable d’un œdème. ron 2 cas pour 1000 patients/année. La majorité des cas surviennent
L’urticaire et l’angiœdème se différencient par la profondeur de dans les 3 premiers mois de traitement, mais le risque persiste tout
l’œdème, dermique dans l’urticaire, dermo-hypodermique dans au long du traitement. Le risque serait plus important dans la popu-
l’angiœdème. Cliniquement, l’urticaire est une éruption de papules lation noire, chez les femmes et serait plus faible chez le diabétique
œdémateuses entourées d’un halo érythémateux, prurigineuses, [81]. Le risque concernerait également tout patient ayant reçu un
labiles dans le temps et dans l’espace, disparaissant en 24 à IEC dans les six mois précédents. L’éviction définitive du médica-
48 heures sans laisser de trace (Fig. 7). L’angiœdème est une ment est indispensable en cas d’angiœdème bradykinique en raison
urticaire profonde touchant plus volontiers les muqueuses, il se du risque de réaction grave voire mortelle. Les angiœdèmes induits
présente comme un œdème rosé des paupières, des lèvres, des par les IEC ne répondent pas aux thérapeutiques utilisées dans les
oreilles ou des muqueuses. Il est associé à une sensation de tension angiœdèmes histaminiques mais répondent aux antagonistes des
parfois douloureuse plus que prurigineuse. récepteurs de la bradykinine ou aux concentrés de C1 inhibiteur.
264 B. Lebrun-Vignes, L. Valeyrie-Allanore / La Revue de médecine interne 36 (2015) 256–270

Des recommandations concernant leur prise en charge ont été éla- 3. Autres toxidermies
borées par un groupe d’experts français [82].
3.1. Vascularites
2.8. Photosensibilité
Les vascularites médicamenteuses sont secondaires soit à une
La photosensibilité médicamenteuse est secondaire à réaction d’hypersensibilité de type II (cytotoxique), soit à une réac-
l’association d’une prise médicamenteuse à une exposition tion de type III avec complexes immuns. Elles surviennent 7 à
aux ultraviolets (UV) ou à la lumière visible. On distingue deux 21 jours après la prise médicamenteuse, ce délai est raccourci en
types de photosensibilité médicamenteuse selon le mécanisme cas de réintroduction.
physiopathologique impliqué : la phototoxicité et la photoallergie Cliniquement, il s’agit d’un purpura infiltré, nécrotique ou bul-
[83]. Il est cependant fréquent de ne pouvoir distinguer clairement leux prédominant aux membres inférieurs. Une atteinte viscérale
les deux types de photosensibilité. est possible accompagnée d’une hyperthermie, d’arthralgies ou de
myalgies.
Histologiquement, on observe une vascularite leucocytocla-
2.8.1. Phototoxicité sique des petits vaisseaux avec ou sans nécrose fibrinoïde.
Elle concerne tous les patients exposés au médicament en cause L’immunofluorescence directe met en évidence des dépôts
et survient immédiatement après l’exposition solaire/UV. Clinique- d’immunoglobuline ou de C3 en regard des vaisseaux dermiques.
ment, l’éruption se caractérise par un érythème de type érythème L’évolution est favorable à l’arrêt de l’agent causal.
solaire (« coup de soleil ») limité aux zones photo-exposées, par- L’introduction d’une corticothérapie générale peut être nécessaire
fois associé à des lésions vésiculo-bulleuses et évoluant vers selon la sévérité du tableau clinique notamment en cas d’atteinte
une pigmentation post-inflammatoire. La photosensibilité régresse viscérale associée.
immédiatement après l’arrêt de la substance photosensibilisante. Les vascularites médicamenteuses sont rares et représentent
L’éviction ou la protection solaire permettent la régression et moins de 10 % des vascularites. Il s’agit donc d’un diagnostic
la prévention des manifestations cutanées. Il est donc néces- d’élimination après recherche négative d’une autre étiologie
saire que le prescripteur informe systématiquement le patient (tumorale, auto-immune, infectieuse, etc.).
du risque de photoréaction et de l’intérêt d’une photoprotec- Les médicaments impliqués dans les vascularites médica-
tion. menteuses sont l’allopurinol, les AINS, les céphalosporines, la
Histologiquement, on retrouve une dégénérescence de pénicilline, les sulfamides antibactériens, le propylthiouracile, les
l’épiderme avec une nécrose kératinocytaire, un œdème dermique, anti-TNF␣, les anti-vitamines K, la minocycline.
un discret infiltrat lymphocytaire et une dilatation capillaire.
La phototoxicité résulte directement d’une réaction photochi- 3.2. Maladie sérique
mique responsable d’une production de radicaux libres et de
dommages cellulaires, ce qui conduit à un abaissement du seuil de Les réactions médicamenteuses de type maladie sérique se
photosensibilité chez tous les patients exposés à ces médicaments. manifestent par l’association d’une fièvre, d’un exanthème urti-
Elle est documentée expérimentalement in vitro et in vivo. Une carien, d’arthralgies et d’une polyadénopathie survenant 1 à
diminution de la dose érythémale moyenne aux UV est observée 3 semaines après la prise médicamenteuse. Elle résulte d’une
chez les patients exposés au médicament photosenbilisant. réaction d’hypersensibilité de type III avec dépôts tissulaires de
Les médicaments impliqués incluent la doxycycline, l’acide nali- complexes immuns, et d’une activation du complément respon-
dixique, le voriconazole, l’amiodarone, l’hydrochlorothiazide, le sables d’une réaction inflammatoire.
naproxène, le piroxicam, la chlorpromazine [83]. Le vémurafenib L’arrêt du médicament en cause est souvent suffisant pour
induit une très forte phototoxicité par un mécanisme dépendant obtenir la régression du tableau clinique, mais une courte corti-
de la vitamine PP et des porphyrines [84]. La photosensibilité chro- cothérapie générale peut être nécessaire dans les formes sévères.
nique induite par le voriconazole, médicament souvent prescrit sur La contre-indication du médicament inducteur est de mise, sou-
de longues périodes chez des patients immunodéprimés, conduit vent étendue aux molécules de la même famille chimique malgré
à un vieillissement cutané avec héliodermie majeure ainsi qu’à un faible risque de réactions croisées. Au xixe siècle, ces réac-
l’apparition de carcinomes épidermoïdes particulièrement agres- tions s’observaient communément après administration de sérums
sifs [85]. hétérologues, essentiellement équins, comme les sérums anti-
diphtérique ou antitétanique. Plus récemment, la maladie sérique
2.8.2. Photoallergie a été essentiellement décrite chez l’enfant traité par céfaclor. Elle
La photoallergie résulte d’une réaction d’hypersensibilité s’observe avec d’autres médicaments comme la minocycline, le
retardée à médiation cellulaire. Les UV sont nécessaires à la trans- bupropion, le rituximab, le propranolol, les anti-TNF␣ et le sérum
formation du médicament en un allergène responsable d’une antilymphocytaire.
réponse immune cellulaire. La photoallergie se manifeste plus tar-
divement que la phototoxicité, après une exposition prolongée au 3.3. Dermatose à IgA linéaire
médicament.
Cliniquement, l’éruption est polymorphe, volontiers eczéma- Il s’agit d’une dermatose bulleuse auto-immune avec dépôt
tiforme et prurigineuse, débutant en zone photo-exposée mais linéaire d’IgA le long de la membrane basale. Cliniquement
débordant sur les zones photo-protégées. Les lésions régressent l’éruption est constituée de plaques papuleuses annulaires et
progressivement à l’arrêt du médicament et un traitement par der- de bulles tendues, l’atteinte muqueuse est rare. Lorsqu’elle est
mocorticoïde permet d’améliorer l’éruption. Celle-ci peut persister d’origine médicamenteuse, le tableau clinique survient entre
plusieurs mois ou années avec une photo-rémanence à l’image de 24 heures et 14 jours après l’introduction du médicament. Compa-
la photoallergie induite par le kétoprofène [86]. rativement aux formes spontanées, les formes médicamenteuses
La photoallergie s’explore par photo-patchs tests. De nombreux sont plus graves avec des décollements plus étendus et un signe de
médicaments peuvent l’induire : antibiotiques (sulfamide, pyré- Nikolski, mimant ainsi une nécrolyse épidermique toxique [87].
thamine, fluoroquinolone), phénothiazine, diurétiques thiazidique, Le diagnostic confirmé par l’histologie retrouve une bulle
AINS. sous-épidermique et un dépôt linéaire d’IgA à la jonction
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dermo-épidermique. La majorité des patients ne présentent médicaments inducteurs de pseudolymphomes sont le phénobar-
pas d’anticorps circulants. bital, la carbamazépine, la chlopromazine, la prométhazine, les
L’éruption régresse en 2 à 5 semaines après l’arrêt du antagonistes de l’angiotensine II.
médicament. Les principaux médicaments en cause sont des
antibiotiques (vancomycine, bêta-lactamines, sulfamides antibac- 3.7. Éruptions acnéiformes
tériens), des AINS (piroxicam, diclofénac, naproxène, kétoprofène),
l’amiodarone, le captopril, les interférons, le paracétamol, le furo- Les éruptions acnéiformes représenteraient 1 % des toxider-
sémide, l’atorvastine, la gemcitabine, le lithium, la phénytoïne, le mies. Cliniquement, elles se distinguent de l’acné par l’absence
vérapamil, le vigabatrin, et le G-CSF [87]. de lésions rétentionnelles (comédons, microkystes). Elles se
présentent comme une éruption papulopustuleuse touchant pré-
3.4. Pemphigus induit férentiellement le visage et le haut du tronc. Les principaux
médicaments responsables sont les corticoïdes, les androgènes,
Cette autre dermatose bulleuse auto-immune peut également l’hydantoïne, le lithium, les médicaments halogénés (halogénides),
être d’origine médicamenteuse. Le tableau clinique associe des les œstro-progestatifs, et les inhibiteurs du récepteur à l’EGF (cf.
bulles flasques ou des érosions post-bulleuses en peau érythéma- infra).
teuse, avec un signe de Nikolski. Il existe classiquement une atteinte
muqueuse. Dans le cas d’un pemphigus induit, les signes cliniques 3.8. Hyper- ou hypopigmentations
apparaissent quelques semaines à quelques mois après la prise
médicamenteuse [88]. Les anomalies de la pigmentation cutanée peuvent être liées
La biopsie cutanée montre une acantholyse (bulle intra- à plusieurs mécanismes comme une augmentation de la produc-
épidermique), l’immunofluorescence directe est positive chez 90 % tion de mélanine, une photosensibilité, des dépôts du médicaments
des patients ayant un pemphigus médicamenteux. Des auto- ou de ses métabolites (thésaurismose), une pigmentation post-
anticorps circulants anti-desmogléine sont trouvés dans 70 % des inflammatoire. Les pigmentations peuvent toucher les muqueuses
cas. et les annexes.
La régression spontanée après arrêt du médicament inducteur Les principaux médicaments induisant une thésaurismoses sont
n’est pas toujours constatée, en particulier lorsque le médicament la minocycline et l’amiodarone.
impliqué ne contient pas de groupement thiol. Parmi les médicaments responsables de pigmentations par
Parmi les mécanismes possibles sont discutées la production stimulation de la mélanogenèse, on trouve de nombreuses chimio-
d’auto-anticorps par addition de dérivés thiols aux desmosomes ou thérapies anticancéreuses (cf. infra).
l’induction d’une réaction cytotoxique spécifique du médicament Certaines substances utilisées par voie topique peuvent provo-
responsable d’une acantholyse. quer une hypopigmentation comme les rétinoïdes, les corticoïdes,
Les médicaments en cause sont dans 80 % des cas des médica- l’imiquimod, l’hydroquinone, les phénols.
ments contenant un groupement thiol comme la pénicillamine, D’autres médicaments peuvent induire un vitiligo ou des lésions
ou les IEC. D’autres médicaments sont parfois impliqués : bêta- vitiligoïdes comme la chloroquine, les interférons, le vémurafénib.
lactamines, névirapine, oxicam, phénobarbital, propranolol.
3.9. Réactions cutanées paradoxales sous anti-TNF˛
3.5. Lupus induit
L’utilisation des anti-TNF␣ s’accompagne dans certains cas
Le lupus induit peut se manifester sous la forme d’un lupus d’éruptions cutanées psoriasiformes. Ces biothérapies étant indi-
systémique (selon les critères de l’ACR) ou d’un lupus subaigu quées dans le traitement du psoriasis en plaques modéré à
purement cutané. Il apparaît dans les semaines ou mois après sévère, ces manifestations font partie des réactions appelées
l’introduction du médicament en cause, chez un patient sans anté- « paradoxales ».
cédent lupique. Les manifestations disparaissent classiquement Il s’agit le plus souvent de femmes atteintes de rhuma-
après l’arrêt du médicament causal en 4 à 6 semaines. Au cours tisme inflammatoire (polyarthrite rhumatoïde, spondylarthropa-
des lupus médicamenteux, des anticorps anti-histones sont classi- thie, spondylarthrite ankylosante, arthrite chronique juvénile,
quement détectés et les anti-DNA constamment absents. rhumatisme psoriasique, maladie de Behçet) ou de maladies
Les mécanismes physiopathologiques à l’origine du lupus induit inflammatoires du tube digestif (maladie de Crohn, rectoco-
sont multiples, dépendant à la fois du médicament inducteur et du lite hémorragique). Tous les anti-TNF␣ sont concernés, mais le
patient [89]. risque de survenue d’un psoriasis semble plus important sous
Les médicaments les plus fréquemment en cause sont la pro- adalimumab que sous étanercept ou sous infliximab [90]. Les
caïnamide et l’hydralazine. Parmi les médicaments ayant un risque lésions apparaissent le plus souvent dans les trois mois suivant
moindre sont rapportés la D-pénicillamine, la minocycline, certains l’introduction du traitement, avec des extrêmes allant de quelques
AINS, la terbinafine, la griséofulvine, l’isoniazide, certains inhibi- jours à 2 ans. La pathologie traitée par anti-TNF␣ est classiquement
teurs calciques, la quinidine. Plus récemment, les anti-TNF␣ et les contrôlée lors de l’apparition des lésions cutanées, celles-ci pouvant
interférons ont été impliqués [89]. survenir malgré la co-prescription d’autres immunosuppresseurs
comme le méthotrexate.
3.6. Pseudolymphomes La présentation clinique est variable :

Les pseudolymphomes médicamenteux sont d’installation • psoriasis pustuleux avec atteinte palmoplantaire ;
progressive quelques mois voire années après l’introduction du • psoriasis vulgaire comprenant une atteinte unguéale ;
médicament. Cliniquement, il peut s’agir de plaques érythé- • psoriasis inversé avec atteinte périnéale et inguinale ;
mateuses ou violines uniques ou multiples, parfois de nodules. • plus rarement psoriasis en gouttes.
Histologiquement, il existe un infiltrat polymorphe en bande
constitué de lymphocytes B et T, d’éosinophiles et d’histiocytes. Dans la plupart des cas, la survenue de telles réactions ne
L’analyse de la clonalité dans la peau est polyclonale. Les lésions contre-indique pas la poursuite du traitement avec le même anti-
régressent en quelques mois à l’arrêt du médicament. Les TNF␣ ou avec une autre molécule. Une régression complète ou
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partielle des lésions s’observe alors dans la majorité des cas, spon- la bléomycine, l’étoposide, le 5-FU, le méthotrexate, les taxanes, le
tanément ou avec l’aide de traitements spécifiques locaux ou cyclophosphamide.
systémiques (émollients, dermocorticoïdes, analogues de la vita-
mine D, photothérapie, méthotrexate ou ciclosporine). La conduite 4.1.4. Hidradénite eccrine neutrophilique
à tenir est guidée par la sévérité de l’atteinte cutanée, de la maladie Elle se caractérise par une atteinte des glandes sudorales
sous-jacente et des alternatives thérapeutiques possibles [91]. La eccrines liée à une infiltration neutrophilique avec nécrose. Cette
rémission totale est la règle après arrêt de la biothérapie. entité s’observe essentiellement au cours des leucémies aiguës trai-
Les hypothèses physiopathologiques avancées pour expliquer tées par cytarabine ou daunorubicine, mais de nombreux autres
ce phénomène sont d’une part une production inappropriée d’IFN␣ cytostatiques sont également impliqués. Cliniquement, il s’agit
par les cellules dendritiques plasmacytoïdes, d’autre part une aug- d’une éruption volontiers fébrile de papules, de plaques ou de
mentation de la population Th1, dans les deux cas chez des sujets nodules profonds érythémato-violacés, touchant préférentielle-
génétiquement prédisposés [90]. ment l’extrémité céphalique, le cou et le tronc, mais pouvant être
À côté de ces réactions psoriasiformes, d’autres réactions para- plus disséminée. Les lésions sont sensibles voire douloureuses à
doxales cutanées sont observées sous anti-TNF␣ : vascularites la palpation. Elles peuvent devenir pustuleuses ou nécrotiques.
cutanées, granulomatoses cutanées, nodules rhumatoïdes [91]. L’évolution est spontanément régressive en moins d’un mois.

4. Toxicités cutanées liées aux anticancéreux 4.1.5. Pigmentations cutanées


C’est un des effets indésirables cutané les plus fréquem-
Hormis les manifestations cutanées détaillées ci-dessus, les ment observés avec les anticancéreux [95]. L’hyperpigmentation
anticancéreux sont également à l’origine de toxidermies spé- peut apparaître d’emblée ou correspondre à une pigmenta-
cifiques, essentiellement par le biais de mécanismes toxiques tion post-inflammatoire. De nombreuses molécules donnent des
[92–94]. pigmentations diffuses (5-FU, anthracyclines, capécitabine, métho-
Cette toxicité directe touche la peau, les muqueuses ou les trexate, hydroxyurée, cyclophosphamide, busulfan, thiothépa,
annexes (cheveux, follicules pilo-sébacés, ongles, glandes sudo- procarbazine, bléomycine, dactinomycine).
rales). Les manifestations les plus fréquentes seront abordées dans Certaines sont aussi responsables de pigmentations figurées
ce chapitre. ou localisées comme l’hyperpigmentation flagellée de la bléomy-
cine. Celle-ci survient précocement ou tardivement sous forme
4.1. Manifestations cutanées de pigmentation linéaire dite flagellée, prédomine sur le tronc, la
racine des membres et les zones de pression ou de traumatisme.
4.1.1. L’érythème acral ou syndrome pied-main ou Les lésions sont initialement inflammatoires, érythémateuses
érythrodysesthésie papuleuses ou urticariennes souvent prurigineuses, des formes
Il se manifeste dans les jours suivant l’administration de la chi- d’emblée pigmentées étant possibles. Une régression est observée
miothérapie. Il débute souvent par des douleurs des extrémités en quelques semaines ou mois à l’arrêt du traitement, mais une
(dysesthésies) suivies par l’apparition d’un érythème bien limité persistance sur plusieurs années est possible.
et symétrique des paumes et des plantes accompagné d’un œdème L’hyperpigmentation supra-veineuse serpigineuse survient
et de douleurs à type de brûlures. Les lésions peuvent s’étendre à rarement après une administration intraveineuse périphérique.
la face dorsale des pieds et des mains voire à la partie distale des Elle a été décrite essentiellement avec le 5-FU, mais aussi la
membres. Des décollements bulleux sont possibles, très doulou- vinorelbine, la bléomycine, le docétaxel, la fotémustine, la doxo-
reux, empêchant l’usage des mains et le chaussage. Il s’agit d’un rubicine, l’actinomycine, le cisplatine ou le cyclophosphamide. Elle
effet commun à de nombreux cytotoxiques comme les anthra- touche préférentiellement des hommes à peau foncée et se pré-
cyclines, la cytarabine, le 5-FU, le méthotrexate, les taxanes, les sente sous forme de lésions serpigineuses hyperpigmentées en
anti-angiogènes. regard du réseau veineux superficiel, débutant au site d’injection et
s’étendant de façon centripète en quelques jours, sans thrombose
4.1.2. Réactions aux sites d’injection ou d’extravasation veineuse ni extravasation. Les lésions peuvent être initialement
Les anticancéreux cytotoxiques sont classés en fonction de leur inflammatoires.
toxicité locale en agents irritants et en agents vésicants. Les pre- La survenue de nævus éruptifs est associée à certains
miers sont responsables d’une réaction inflammatoire locale avec anticancéreux (5-FU, tégafur, méthotrexate, doxorubicine). Ils
douleur, œdème, érythème et parfois pigmentation en regard de apparaissent pendant ou rapidement après le traitement, quel-
la veine perfusée ou sur la zone d’extravasation. Ils n’induisent quefois de façon diffuse. Ces nævus peuvent prendre un aspect
pas de nécrose locale. Les agents vésicants ont une toxicité locale clinique ou histologique dysplasique. Ils s’observent préférentiel-
plus marquée et retardée, débutant par un érythème, un pru- lement chez l’enfant et l’adulte jeune.
rit et un œdème local s’accentuant dans les jours suivants et
s’accompagnant de décollements bulleux. En cas d’extravasation 4.1.6. Folliculite ou éruptions acnéiformes
importante, une nécrose étendue survient, à l’origine d’ulcères Il s’agit du principal effet indésirable cutané des anti-epidermal
ou d’escarres cutanés potentiellement compliqués de cellulites ou growth-factor receptor (EGFR) comme le cétuximab, le géfitinib et
de nécroses plus profondes. En cas d’extravasation, des mesures l’erlotinib [96]. L’éruption est faite de lésions folliculaires papu-
visant à en limiter les conséquences doivent être immédiatement leuses ou pustuleuses, plus ou moins confluentes, sans comédons.
réalisées selon des modalités variant d’un cytotoxique à l’autre Elle touche les zones séborrhéiques, c’est-à-dire le visage, le cuir
(aspiration, application de froid, etc.). chevelu, les zones médianes du torse et du dos. Elle peut également
atteindre la nuque et la région rétro-auriculaire, plus rarement
4.1.3. Phénomène de rappel post-irradiation (radiation recall) les membres. L’éruption est dose-dépendante et est corrélée avec
Il s’agit d’une réaction inflammatoire survenant sur une zone la réponse thérapeutique. Un prurit est souvent associé. Le délai
précédemment irradiée, dans les heures ou les jours suivant d’apparition est de 8 à 21 jours. Elles sont réversibles à l’arrêt du
l’administration d’un anticancéreux. Les manifestations peuvent traitement mais peuvent régresser spontanément malgré la pour-
apparaître de quelques jours à plusieurs années après la radiothéra- suite du traitement. Un algorithme décisionnel en fonction de
pie. Les anticancéreux impliqués comprennent les anthracyclines, l’intensité et de l’étendue des lésions est proposé [97]. La prise
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en charge actuellement recommandée comprend des traitements (onychomadèse) peut se produire. Celle-ci est fréquemment par-
locaux (dermocorticoïdes, émollients) et des traitements systé- tielle, le reste de la tablette unguéale adhérant au lit de l’ongle.
miques (cyclines en première intention). Lorsque l’épiderme du lit de l’ongle est altéré, la tablette unguéale
se décolle (onycholyse). Les cytotoxiques les plus communément
4.1.7. Xérose cutanée impliqués dans ces manifestations sont les anthracyclines et les
Elle est fréquente avec les anti-EGFR, mais aussi avec les autres taxanes avec lesquels l’atteinte unguéale touche jusqu’à 44 % des
thérapies ciblées [96,97]. Elle peut accompagner la folliculite mais patients. Cette atteinte est transitoire et le plus souvent non grave,
est souvent plus diffuse. Elle nécessite l’utilisation large et précoce mais des hématomes ou des abcès sous-unguéaux, douloureux et
d’émollients. constituant des portes d’entrée infectieuses sont possibles.
La photo-onycholyse est une photosensibilité atteignant l’ongle.
Elle apparaît de façon décalée dans le temps par rapport à la pho-
4.2. Manifestations muqueuses
tosensibilité cutanée, celle-ci pouvant manquer. Les sujets à peau
foncée sont rarement concernés par cette atteinte. Le décollement
L’atteinte muqueuse prédominante est la stomatite, se mani-
de l’ongle peut être précédé par une douleur sous-unguéale. Les
festant moins d’une semaine après l’administration du (ou des)
taxanes sont les anticancéreux les plus souvent impliqués.
cytotoxique(s) par un érythème, une xérostomie, un œdème et des
La paronychie est une inflammation des replis péri-unguéaux
érosions de la muqueuse buccale. Une évolution vésiculo-bulleuse
se manifestant par l’apparition d’un bourrelet érythémateux péri-
est possible, ainsi qu’une surinfection bactérienne, virale ou fon-
unguéal douloureux. Cette atteinte inflammatoire peut conduire
gique. Ces lésions sont douloureuses, gênant voire empêchant
à la formation de bourgeons charnus péri-unguéaux (granu-
l’alimentation. Le traitement préventif consiste à maintenir une
lomes pyogéniques ou botryomycomes). Ces lésions douloureuses
hygiène bucco-dentaire optimale (bains de bouche). Une fois ins-
peuvent siéger aux pieds ou aux mains et ont un retentissement
tallée, la prise en charge de la stomatite est symptomatique visant
significatif sur la vie quotidienne, gênant les travaux manuels et
à lutter contre la douleur (anesthésiques locaux, antalgiques) et
le port des chaussures. Les anti-EGFR sont fréquemment associés
contre les complications infectieuses. Les anticancéreux principale-
à cette atteinte péri-unguéale, ce qui justifie des mesures pro-
ment impliqués dans cette atteinte muqueuse sont, entre autres, les
phylactiques systématiques (éviction des facteurs irritants locaux,
anthracyclines, la bléomycine, le méthotrexate, les taxanes, le 5-FU.
applications régulières d’émollients). Les atteintes constituées
Une mucite buccale est également observée avec les anti-EGFR.
mineures à modérées sont traitées par antiseptiques, antibiotiques
Des pigmentations de la muqueuse buccale peuvent être obser-
ou corticoïdes locaux. Un traitement chirurgical peut être néces-
vées avec les chimiothérapies anticancéreuses responsables de
saire en cas d’atteinte sévère, ainsi que l’arrêt temporaire du
pigmentations cutanées diffuses.
traitement.
Une pigmentation des ongles (mélanonychie) peut accompa-
4.3. Atteintes des annexes gner la pigmentation cutanée (cf. supra). A contrario, une coloration
blanche de la tablette unguéale (leuconychie) est également pos-
4.3.1. Atteintes des cheveux et des poils sible. Elle est disposée le plus souvent en bandes transversales et
La plupart des antimitotiques induisent une alopécie secondaire correspond à une kératine anormale (parakératose) consécutive à
à une interruption brutale de l’activité du follicule pileux (efflu- une agression de la matrice.
vium anagène). La chute des cheveux survient brutalement dans
les 10 jours suivant le début de la chimiothérapie et atteint son
maximum en deux mois. Tous les follicules pileux étant atteints, 5. Diagnostic étiologique : explorations allergologiques et
l’ensemble des zones pileuses sont concernés par cette alopécie, imputabilité médicamenteuse
y compris cils et sourcils. Une repousse est généralement obser-
vée après arrêt et élimination des chimiothérapies, parfois avec 5.1. Tests allergologiques
une modification de la texture ou de la couleur des cheveux/poils.
Il existe cependant un risque d’alopécie définitive, en particulier Devant une suspicion de toxidermie de mécanisme immuno-
après conditionnement pré-greffe de moelle incluant cyclophos- allergologique, des explorations peuvent être réalisées afin de
phamide et busulfan, ou en cas d’association à une radiothérapie documenter l’effet indésirable et d’identifier le médicament
encéphalique. impliqué [99–101]. Leur sensibilité varie cependant selon les médi-
Sous anti-EGFR, la pousse des cheveux est ralentie avec chan- caments et le type de toxidermie.
gement de texture des cheveux qui deviennent fins, cassants et Le bilan allergologique peut être réalisé entre 6 semaines et plus
peuvent prendre une forme spiralée voire bouclée. Une alopécie de 6 mois (DRESS, SJS/NET) après l’épisode en l’absence de toute
androgénique-like peut également être constatée. Une trichomé- corticothérapie générale ou locale et d’antihistaminiques. Il doit
galie (allongement progressif des poils) touchant en particulier les être pratiqué par des équipes entraînées à leur réalisation et à leur
cils, ainsi qu’une hypertrichose du visage sont classiquement asso- interprétation. Une nécessaire standardisation des pratiques est en
ciées à ces médicaments. cours en Europe.
Les tests épicutanés ou patch tests consistent à poser pendant
4.3.2. Atteintes unguéales et péri-unguéales 48 heures le médicament à tester dilué (eau ou vaseline) sur la peau
Les anticancéreux induisent fréquemment une souffrance de la à l’aide de cupules d’aluminium ou en plastique. La lecture est réa-
matrice unguéale, dont l’activité mitotique est réduite ou stoppée lisée 30 minutes, 48 et 96 heures après le décollement du matériel,
[98]. Les manifestations qui en résultent peuvent toucher un, plu- et à une semaine en cas de négativité. L’exploration d’une pho-
sieurs ou tous les ongles des pieds et des mains. Les lignes de Beau toallergie nécessite une exposition des zones testées à de faibles
sont la forme la moins sévère, se limitant à un sillon transversal doses d’UVA et d’UVB (photo-patch tests). L’intérêt des patch tests
apparaissant au niveau du repli sous-unguéal, progressant vers le dépend à la fois du médicament testé et du type de toxidermie.
bord libre de l’ongle et s’éliminant avec la pousse de celui-ci. Dans À titre d’exemple, ils peuvent être utiles dans les exanthèmes
le cas d’une atteinte récidivante, plusieurs lignes de Beau peuvent maculo-papuleux sous bêta-lactamines, dans le DRESS induit par
apparaître sur la tablette unguéale. Lorsque la souffrance matri- la carbamazépine ou les inhibiteurs de la pompe à protons. Ils sont
cielle est intense et dure au moins une semaine, une chute de l’ongle intéressants dans la PEAG et l’EPF, mais sont souvent négatifs dans
268 B. Lebrun-Vignes, L. Valeyrie-Allanore / La Revue de médecine interne 36 (2015) 256–270

les SJS/TEN et dans les toxidermies induites par l’allopurinol et la [7] Modeste AB, Josset V, Hautemaniere A, Roujeau JC, Plantin P, Joly P, et al.
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Les prick test et intradermoréactions (IDR) sont réalisés avec le [8] Lambert A, Delaporte E, Lok C, Froment L, Bailly L, Denoeux JP, et al. Acti-
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cas de négativité, une IDR est réalisée avec des dilutions croissantes français. Ann Dermatol Venereol 2006;133:657–62.
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Les prick tests et les IDR sont très utiles dans l’exploration des urti-
[11] Castro-Pastrana LI, Ghannadan R, Rieder MJ, Dahlke E, Hayden M, Carleton B.
caires et angiœdèmes, les IDR peuvent également avoir un intérêt Cutaneous adverse drug reactions in children: an analysis of reports from the
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Comprehensive survival analysis of a cohort of patients with Stevens-
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Johnson syndrome and toxic epidermal necrolysis. J Invest Dermatol
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En l’absence de test diagnostique suffisamment sensible et spé- Johnson/Lyell et les autres dermatoses bulleuses étendues. Ann Dermatol
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