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Mise au point
Toxidermies
Cutaneous adverse drug reactions
B. Lebrun-Vignes a,∗ , L. Valeyrie-Allanore b,c
a
Centre régional de pharmacovigilance du groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière–Charles-Foix, AP–HP, coordination de pharmacovigilance d’Île-de-France,
47-83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France
b
Service de dermatologie, hôpital Henri-Mondor, AP–HP, 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 94000 Créteil, France
c
Centre référence des maladies bulleuses immunologiques et toxiques, hôpital Henri-Mondor, AP–HP, 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny,
94000 Créteil, France
i n f o a r t i c l e r é s u m é
Historique de l’article : Les toxidermies correspondent aux effets indésirables médicamenteux à expression cutanéo-muqueuse.
Disponible sur Internet le 4 novembre 2014 Elles présentent une grande variabilité sémiologique, non spécifique de l’étiologie médicamenteuse.
L’exanthème maculo-papuleux est la présentation la plus fréquente suivie de l’urticaire et des vas-
Mots clés : cularites. L’érythème pigmenté fixe est une toxidermie plus rare dans les pays occidentaux. La
Toxidermies fréquence des formes sévères (décès, séquelles graves) est de 2 % : toxidermies bulleuses (syndrome
Effets indésirables médicamenteux de Stevens-Johnson, nécrolyse épidermique toxique ou syndrome de Lyell), DRESS (drug reaction
with eosinophilia and systemic symptoms ou syndrome d’hypersensibilité), pustulose exanthématique
aiguë généralisée (PEAG). Elles doivent être rapidement identifiées afin d’orienter la prise en charge.
Les principaux facteurs de risque des toxidermies sont l’immunodépression, les pathologies auto-
immunes ainsi que certains génotypes du système HLA dans les toxidermies bulleuses et le syndrome
d’hypersensibilité. Toutes les classes médicamenteuses peuvent être à l’origine de toxidermies, en
particulier les antibactériens, les anticonvulsivants, les antinéoplasiques, les anti-inflammatoires non
stéroïdiens, l’allopurinol et les produits de contraste. Les mécanismes physiopathologiques comprennent
les réactions immunologiques/immuno-allergiques immédiates ou retardées, classiquement non dose-
dépendantes, et les mécanismes toxiques/pharmacologiques dose-dépendants ou temps-dépendants,
incluant les réactions dites « paradoxales ». En cas de toxidermie de mécanisme immuno-allergique, un
bilan allergologique est possible pour préciser l’imputabilité du/des médicament(s) suspect(s) avec une
sensibilité variable selon les médicaments et le type de toxidermie. Il comprend les tests épicutanés (ou
patch tests) et les tests intradermiques (prick test et intradermoréactions). Cependant aucun test in vivo
ou in vitro ne permet d’affirmer la responsabilité médicamenteuse devant une toxidermie. Le diagnostic
repose donc sur une démarche d’imputabilité prenant en compte la présentation clinique, la chronolo-
gie des événements et des prises médicamenteuses et l’élimination des diagnostics différentiels. Cette
démarche diagnostique, complétée par une recherche bibliographique, permet dans la majeure partie
des cas d’établir un lien de causalité entre le(s) médicament(s) et l’éruption cutanée. Une déclaration en
pharmacovigilance est indispensable en cas de toxidermie grave quel que soit le médicament impliqué,
et dans tous les cas s’il s’agit d’un médicament récent ou non classiquement associé à un risque cutané.
© 2014 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS.
Tous droits réservés.
a b s t r a c t
Keyword: Cutaneous adverse drug reactions (CADR) represent a heterogeneous field including various clinical
Cutaneous adverse drug reactions patterns without specific features suggesting drug causality. Exanthematous eruptions, urticaria and
vasculitis are the most common forms of CADR. Fixed eruption is uncommon in western countries.
Serious reactions (fatal outcome, sequelae) represent 2% of CADR: bullous reactions (Stevens-Johnson
syndrome, toxic epidermal necrolysis), DRESS (drug reaction with eosinophilia and systemic symptoms
∗ Auteur correspondant.
Adresse e-mail : benedicte.lebrun-vignes@psl.aphp.fr (B. Lebrun-Vignes).
http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.10.004
0248-8663/© 2014 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
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2. Principaux tableaux cliniques de toxidermie Il s’agit de formes bulleuses, rares et graves de toxidermie,
s’accompagnant d’une mortalité à court terme (6 semaines) de 23 %
2.1. Exanthème maculo-papuleux et de 34 % à 1 an [17]. Les SJS/NET se caractérisent par des décol-
lements bulleux cutanéo-muqueux secondaires à une apoptose
Dans toutes les séries publiées, l’EMP est le tableau clinique le kératinocytaire. La distinction entre SJS et NET se fait en fonction du
plus fréquent et représente de 50 % à 95 % des toxidermies [3,6]. pourcentage de surface corporelle décollée-décollable : SJS < 10 %,
L’éruption apparaît en moyenne une dizaine de jours (5 à 21 jours) syndrome de chevauchement 10 à 30 %, et NET > 30 %. Le délai de
après l’introduction du médicament, ce délai étant plus court en cas survenue est de 4 à 28 jours après l’introduction de novo du médi-
de réintroductions ultérieures. Il se présente comme une éruption cament en cause [18]. Dans 10 % des cas, aucun médicament n’est
polymorphe constituée de macules ou de papules érythémateuses retrouvé soulignant le rôle de facteurs environnementaux tels que
plus ou moins confluentes et plus ou moins diffuses, prédominant Mycoplasma pneumoniae dans la survenue de l’éruption.
au tronc et à la racine des membres (Fig. 1). Les lésions peuvent L’incidence de ces toxidermies bulleuses est estimée à 2 cas par
prendre un aspect purpurique aux membres inférieurs. L’éruption million d’habitants et par an en Europe [19]. Elle est plus élevée
cutanée est souvent associée à un prurit ou à une fièvre modé-
rée (< 38,5 ◦ C), rarement à une atteinte muqueuse (énanthème). À Tableau 1
l’arrêt du médicament en cause, l’évolution de l’EMP est favorable Diagnostics différentiels des exanthèmes maculo-papuleux médicamenteux.
sans séquelle en une à deux semaines, souvent avec une desquama-
Infections virales Herpès virus (EBV, CMV, HHV6 et 7),
tion. Le traitement est symptomatique : antihistaminiques en cas parvovirus B19, entérovirus dont les virus
de prurit et dermocorticoïdes. coxsackies, adénovirus, échovirus, VIH,
L’histologie est peu spécifique : infiltrat lympho-histiocytaire rougeole, rubéole, arbovirus, virus des
péri-vasculaire du derme, infiltrat mononucléé lichénoïde, pré- hépatites virales (A et B)
Infections bactériennes Rickettsioses, mycoplasme, leptospirose,
sence focale de kératinocytes nécrotiques. méningocoque, bartonelloses, tréponématose
Les diagnostics différentiels de l’EMP sont toutes les causes (syphilis), entérobactéries (typhoïde)
d’éruption maculo-papuleuse, au premier rang desquelles les Infections parasitaires Toxoplasmose, helminthiases (toxocarose,
primo-infections (parfois réactivations) virales, mais aussi trichinose)
Maladies inflammatoires et Syndrome de Kawasaki, réaction du greffon
quelques causes bactériennes, parasitaires et inflammatoires
dysimmunitaires contre l’hôte (GVH), lupus érythémateux
(Tableau 1).
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Tableau 2
Le SCORTEN, score pronostique du syndrome de Stevens-Johnson (SJS) et de la
nécrolyse épidermique toxique (NET ou syndrome de Lyell).
0 1
0–1 3,2
2 12,1
3 35,3
4 58,3
Fig. 2. Nécrolyse épidermique toxique ou syndrome de Lyell. ≥5 > 90
• fièvre > 38 ◦ C ;
• neutrophilie (> 1500/mm3 ) avec ou sans éosinophilie ;
• régression des symptômes en 15 jours.
Des recommandations concernant leur prise en charge ont été éla- 3. Autres toxidermies
borées par un groupe d’experts français [82].
3.1. Vascularites
2.8. Photosensibilité
Les vascularites médicamenteuses sont secondaires soit à une
La photosensibilité médicamenteuse est secondaire à réaction d’hypersensibilité de type II (cytotoxique), soit à une réac-
l’association d’une prise médicamenteuse à une exposition tion de type III avec complexes immuns. Elles surviennent 7 à
aux ultraviolets (UV) ou à la lumière visible. On distingue deux 21 jours après la prise médicamenteuse, ce délai est raccourci en
types de photosensibilité médicamenteuse selon le mécanisme cas de réintroduction.
physiopathologique impliqué : la phototoxicité et la photoallergie Cliniquement, il s’agit d’un purpura infiltré, nécrotique ou bul-
[83]. Il est cependant fréquent de ne pouvoir distinguer clairement leux prédominant aux membres inférieurs. Une atteinte viscérale
les deux types de photosensibilité. est possible accompagnée d’une hyperthermie, d’arthralgies ou de
myalgies.
Histologiquement, on observe une vascularite leucocytocla-
2.8.1. Phototoxicité sique des petits vaisseaux avec ou sans nécrose fibrinoïde.
Elle concerne tous les patients exposés au médicament en cause L’immunofluorescence directe met en évidence des dépôts
et survient immédiatement après l’exposition solaire/UV. Clinique- d’immunoglobuline ou de C3 en regard des vaisseaux dermiques.
ment, l’éruption se caractérise par un érythème de type érythème L’évolution est favorable à l’arrêt de l’agent causal.
solaire (« coup de soleil ») limité aux zones photo-exposées, par- L’introduction d’une corticothérapie générale peut être nécessaire
fois associé à des lésions vésiculo-bulleuses et évoluant vers selon la sévérité du tableau clinique notamment en cas d’atteinte
une pigmentation post-inflammatoire. La photosensibilité régresse viscérale associée.
immédiatement après l’arrêt de la substance photosensibilisante. Les vascularites médicamenteuses sont rares et représentent
L’éviction ou la protection solaire permettent la régression et moins de 10 % des vascularites. Il s’agit donc d’un diagnostic
la prévention des manifestations cutanées. Il est donc néces- d’élimination après recherche négative d’une autre étiologie
saire que le prescripteur informe systématiquement le patient (tumorale, auto-immune, infectieuse, etc.).
du risque de photoréaction et de l’intérêt d’une photoprotec- Les médicaments impliqués dans les vascularites médica-
tion. menteuses sont l’allopurinol, les AINS, les céphalosporines, la
Histologiquement, on retrouve une dégénérescence de pénicilline, les sulfamides antibactériens, le propylthiouracile, les
l’épiderme avec une nécrose kératinocytaire, un œdème dermique, anti-TNF␣, les anti-vitamines K, la minocycline.
un discret infiltrat lymphocytaire et une dilatation capillaire.
La phototoxicité résulte directement d’une réaction photochi- 3.2. Maladie sérique
mique responsable d’une production de radicaux libres et de
dommages cellulaires, ce qui conduit à un abaissement du seuil de Les réactions médicamenteuses de type maladie sérique se
photosensibilité chez tous les patients exposés à ces médicaments. manifestent par l’association d’une fièvre, d’un exanthème urti-
Elle est documentée expérimentalement in vitro et in vivo. Une carien, d’arthralgies et d’une polyadénopathie survenant 1 à
diminution de la dose érythémale moyenne aux UV est observée 3 semaines après la prise médicamenteuse. Elle résulte d’une
chez les patients exposés au médicament photosenbilisant. réaction d’hypersensibilité de type III avec dépôts tissulaires de
Les médicaments impliqués incluent la doxycycline, l’acide nali- complexes immuns, et d’une activation du complément respon-
dixique, le voriconazole, l’amiodarone, l’hydrochlorothiazide, le sables d’une réaction inflammatoire.
naproxène, le piroxicam, la chlorpromazine [83]. Le vémurafenib L’arrêt du médicament en cause est souvent suffisant pour
induit une très forte phototoxicité par un mécanisme dépendant obtenir la régression du tableau clinique, mais une courte corti-
de la vitamine PP et des porphyrines [84]. La photosensibilité chro- cothérapie générale peut être nécessaire dans les formes sévères.
nique induite par le voriconazole, médicament souvent prescrit sur La contre-indication du médicament inducteur est de mise, sou-
de longues périodes chez des patients immunodéprimés, conduit vent étendue aux molécules de la même famille chimique malgré
à un vieillissement cutané avec héliodermie majeure ainsi qu’à un faible risque de réactions croisées. Au xixe siècle, ces réac-
l’apparition de carcinomes épidermoïdes particulièrement agres- tions s’observaient communément après administration de sérums
sifs [85]. hétérologues, essentiellement équins, comme les sérums anti-
diphtérique ou antitétanique. Plus récemment, la maladie sérique
2.8.2. Photoallergie a été essentiellement décrite chez l’enfant traité par céfaclor. Elle
La photoallergie résulte d’une réaction d’hypersensibilité s’observe avec d’autres médicaments comme la minocycline, le
retardée à médiation cellulaire. Les UV sont nécessaires à la trans- bupropion, le rituximab, le propranolol, les anti-TNF␣ et le sérum
formation du médicament en un allergène responsable d’une antilymphocytaire.
réponse immune cellulaire. La photoallergie se manifeste plus tar-
divement que la phototoxicité, après une exposition prolongée au 3.3. Dermatose à IgA linéaire
médicament.
Cliniquement, l’éruption est polymorphe, volontiers eczéma- Il s’agit d’une dermatose bulleuse auto-immune avec dépôt
tiforme et prurigineuse, débutant en zone photo-exposée mais linéaire d’IgA le long de la membrane basale. Cliniquement
débordant sur les zones photo-protégées. Les lésions régressent l’éruption est constituée de plaques papuleuses annulaires et
progressivement à l’arrêt du médicament et un traitement par der- de bulles tendues, l’atteinte muqueuse est rare. Lorsqu’elle est
mocorticoïde permet d’améliorer l’éruption. Celle-ci peut persister d’origine médicamenteuse, le tableau clinique survient entre
plusieurs mois ou années avec une photo-rémanence à l’image de 24 heures et 14 jours après l’introduction du médicament. Compa-
la photoallergie induite par le kétoprofène [86]. rativement aux formes spontanées, les formes médicamenteuses
La photoallergie s’explore par photo-patchs tests. De nombreux sont plus graves avec des décollements plus étendus et un signe de
médicaments peuvent l’induire : antibiotiques (sulfamide, pyré- Nikolski, mimant ainsi une nécrolyse épidermique toxique [87].
thamine, fluoroquinolone), phénothiazine, diurétiques thiazidique, Le diagnostic confirmé par l’histologie retrouve une bulle
AINS. sous-épidermique et un dépôt linéaire d’IgA à la jonction
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dermo-épidermique. La majorité des patients ne présentent médicaments inducteurs de pseudolymphomes sont le phénobar-
pas d’anticorps circulants. bital, la carbamazépine, la chlopromazine, la prométhazine, les
L’éruption régresse en 2 à 5 semaines après l’arrêt du antagonistes de l’angiotensine II.
médicament. Les principaux médicaments en cause sont des
antibiotiques (vancomycine, bêta-lactamines, sulfamides antibac- 3.7. Éruptions acnéiformes
tériens), des AINS (piroxicam, diclofénac, naproxène, kétoprofène),
l’amiodarone, le captopril, les interférons, le paracétamol, le furo- Les éruptions acnéiformes représenteraient 1 % des toxider-
sémide, l’atorvastine, la gemcitabine, le lithium, la phénytoïne, le mies. Cliniquement, elles se distinguent de l’acné par l’absence
vérapamil, le vigabatrin, et le G-CSF [87]. de lésions rétentionnelles (comédons, microkystes). Elles se
présentent comme une éruption papulopustuleuse touchant pré-
3.4. Pemphigus induit férentiellement le visage et le haut du tronc. Les principaux
médicaments responsables sont les corticoïdes, les androgènes,
Cette autre dermatose bulleuse auto-immune peut également l’hydantoïne, le lithium, les médicaments halogénés (halogénides),
être d’origine médicamenteuse. Le tableau clinique associe des les œstro-progestatifs, et les inhibiteurs du récepteur à l’EGF (cf.
bulles flasques ou des érosions post-bulleuses en peau érythéma- infra).
teuse, avec un signe de Nikolski. Il existe classiquement une atteinte
muqueuse. Dans le cas d’un pemphigus induit, les signes cliniques 3.8. Hyper- ou hypopigmentations
apparaissent quelques semaines à quelques mois après la prise
médicamenteuse [88]. Les anomalies de la pigmentation cutanée peuvent être liées
La biopsie cutanée montre une acantholyse (bulle intra- à plusieurs mécanismes comme une augmentation de la produc-
épidermique), l’immunofluorescence directe est positive chez 90 % tion de mélanine, une photosensibilité, des dépôts du médicaments
des patients ayant un pemphigus médicamenteux. Des auto- ou de ses métabolites (thésaurismose), une pigmentation post-
anticorps circulants anti-desmogléine sont trouvés dans 70 % des inflammatoire. Les pigmentations peuvent toucher les muqueuses
cas. et les annexes.
La régression spontanée après arrêt du médicament inducteur Les principaux médicaments induisant une thésaurismoses sont
n’est pas toujours constatée, en particulier lorsque le médicament la minocycline et l’amiodarone.
impliqué ne contient pas de groupement thiol. Parmi les médicaments responsables de pigmentations par
Parmi les mécanismes possibles sont discutées la production stimulation de la mélanogenèse, on trouve de nombreuses chimio-
d’auto-anticorps par addition de dérivés thiols aux desmosomes ou thérapies anticancéreuses (cf. infra).
l’induction d’une réaction cytotoxique spécifique du médicament Certaines substances utilisées par voie topique peuvent provo-
responsable d’une acantholyse. quer une hypopigmentation comme les rétinoïdes, les corticoïdes,
Les médicaments en cause sont dans 80 % des cas des médica- l’imiquimod, l’hydroquinone, les phénols.
ments contenant un groupement thiol comme la pénicillamine, D’autres médicaments peuvent induire un vitiligo ou des lésions
ou les IEC. D’autres médicaments sont parfois impliqués : bêta- vitiligoïdes comme la chloroquine, les interférons, le vémurafénib.
lactamines, névirapine, oxicam, phénobarbital, propranolol.
3.9. Réactions cutanées paradoxales sous anti-TNF˛
3.5. Lupus induit
L’utilisation des anti-TNF␣ s’accompagne dans certains cas
Le lupus induit peut se manifester sous la forme d’un lupus d’éruptions cutanées psoriasiformes. Ces biothérapies étant indi-
systémique (selon les critères de l’ACR) ou d’un lupus subaigu quées dans le traitement du psoriasis en plaques modéré à
purement cutané. Il apparaît dans les semaines ou mois après sévère, ces manifestations font partie des réactions appelées
l’introduction du médicament en cause, chez un patient sans anté- « paradoxales ».
cédent lupique. Les manifestations disparaissent classiquement Il s’agit le plus souvent de femmes atteintes de rhuma-
après l’arrêt du médicament causal en 4 à 6 semaines. Au cours tisme inflammatoire (polyarthrite rhumatoïde, spondylarthropa-
des lupus médicamenteux, des anticorps anti-histones sont classi- thie, spondylarthrite ankylosante, arthrite chronique juvénile,
quement détectés et les anti-DNA constamment absents. rhumatisme psoriasique, maladie de Behçet) ou de maladies
Les mécanismes physiopathologiques à l’origine du lupus induit inflammatoires du tube digestif (maladie de Crohn, rectoco-
sont multiples, dépendant à la fois du médicament inducteur et du lite hémorragique). Tous les anti-TNF␣ sont concernés, mais le
patient [89]. risque de survenue d’un psoriasis semble plus important sous
Les médicaments les plus fréquemment en cause sont la pro- adalimumab que sous étanercept ou sous infliximab [90]. Les
caïnamide et l’hydralazine. Parmi les médicaments ayant un risque lésions apparaissent le plus souvent dans les trois mois suivant
moindre sont rapportés la D-pénicillamine, la minocycline, certains l’introduction du traitement, avec des extrêmes allant de quelques
AINS, la terbinafine, la griséofulvine, l’isoniazide, certains inhibi- jours à 2 ans. La pathologie traitée par anti-TNF␣ est classiquement
teurs calciques, la quinidine. Plus récemment, les anti-TNF␣ et les contrôlée lors de l’apparition des lésions cutanées, celles-ci pouvant
interférons ont été impliqués [89]. survenir malgré la co-prescription d’autres immunosuppresseurs
comme le méthotrexate.
3.6. Pseudolymphomes La présentation clinique est variable :
Les pseudolymphomes médicamenteux sont d’installation • psoriasis pustuleux avec atteinte palmoplantaire ;
progressive quelques mois voire années après l’introduction du • psoriasis vulgaire comprenant une atteinte unguéale ;
médicament. Cliniquement, il peut s’agir de plaques érythé- • psoriasis inversé avec atteinte périnéale et inguinale ;
mateuses ou violines uniques ou multiples, parfois de nodules. • plus rarement psoriasis en gouttes.
Histologiquement, il existe un infiltrat polymorphe en bande
constitué de lymphocytes B et T, d’éosinophiles et d’histiocytes. Dans la plupart des cas, la survenue de telles réactions ne
L’analyse de la clonalité dans la peau est polyclonale. Les lésions contre-indique pas la poursuite du traitement avec le même anti-
régressent en quelques mois à l’arrêt du médicament. Les TNF␣ ou avec une autre molécule. Une régression complète ou
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partielle des lésions s’observe alors dans la majorité des cas, spon- la bléomycine, l’étoposide, le 5-FU, le méthotrexate, les taxanes, le
tanément ou avec l’aide de traitements spécifiques locaux ou cyclophosphamide.
systémiques (émollients, dermocorticoïdes, analogues de la vita-
mine D, photothérapie, méthotrexate ou ciclosporine). La conduite 4.1.4. Hidradénite eccrine neutrophilique
à tenir est guidée par la sévérité de l’atteinte cutanée, de la maladie Elle se caractérise par une atteinte des glandes sudorales
sous-jacente et des alternatives thérapeutiques possibles [91]. La eccrines liée à une infiltration neutrophilique avec nécrose. Cette
rémission totale est la règle après arrêt de la biothérapie. entité s’observe essentiellement au cours des leucémies aiguës trai-
Les hypothèses physiopathologiques avancées pour expliquer tées par cytarabine ou daunorubicine, mais de nombreux autres
ce phénomène sont d’une part une production inappropriée d’IFN␣ cytostatiques sont également impliqués. Cliniquement, il s’agit
par les cellules dendritiques plasmacytoïdes, d’autre part une aug- d’une éruption volontiers fébrile de papules, de plaques ou de
mentation de la population Th1, dans les deux cas chez des sujets nodules profonds érythémato-violacés, touchant préférentielle-
génétiquement prédisposés [90]. ment l’extrémité céphalique, le cou et le tronc, mais pouvant être
À côté de ces réactions psoriasiformes, d’autres réactions para- plus disséminée. Les lésions sont sensibles voire douloureuses à
doxales cutanées sont observées sous anti-TNF␣ : vascularites la palpation. Elles peuvent devenir pustuleuses ou nécrotiques.
cutanées, granulomatoses cutanées, nodules rhumatoïdes [91]. L’évolution est spontanément régressive en moins d’un mois.
en charge actuellement recommandée comprend des traitements (onychomadèse) peut se produire. Celle-ci est fréquemment par-
locaux (dermocorticoïdes, émollients) et des traitements systé- tielle, le reste de la tablette unguéale adhérant au lit de l’ongle.
miques (cyclines en première intention). Lorsque l’épiderme du lit de l’ongle est altéré, la tablette unguéale
se décolle (onycholyse). Les cytotoxiques les plus communément
4.1.7. Xérose cutanée impliqués dans ces manifestations sont les anthracyclines et les
Elle est fréquente avec les anti-EGFR, mais aussi avec les autres taxanes avec lesquels l’atteinte unguéale touche jusqu’à 44 % des
thérapies ciblées [96,97]. Elle peut accompagner la folliculite mais patients. Cette atteinte est transitoire et le plus souvent non grave,
est souvent plus diffuse. Elle nécessite l’utilisation large et précoce mais des hématomes ou des abcès sous-unguéaux, douloureux et
d’émollients. constituant des portes d’entrée infectieuses sont possibles.
La photo-onycholyse est une photosensibilité atteignant l’ongle.
Elle apparaît de façon décalée dans le temps par rapport à la pho-
4.2. Manifestations muqueuses
tosensibilité cutanée, celle-ci pouvant manquer. Les sujets à peau
foncée sont rarement concernés par cette atteinte. Le décollement
L’atteinte muqueuse prédominante est la stomatite, se mani-
de l’ongle peut être précédé par une douleur sous-unguéale. Les
festant moins d’une semaine après l’administration du (ou des)
taxanes sont les anticancéreux les plus souvent impliqués.
cytotoxique(s) par un érythème, une xérostomie, un œdème et des
La paronychie est une inflammation des replis péri-unguéaux
érosions de la muqueuse buccale. Une évolution vésiculo-bulleuse
se manifestant par l’apparition d’un bourrelet érythémateux péri-
est possible, ainsi qu’une surinfection bactérienne, virale ou fon-
unguéal douloureux. Cette atteinte inflammatoire peut conduire
gique. Ces lésions sont douloureuses, gênant voire empêchant
à la formation de bourgeons charnus péri-unguéaux (granu-
l’alimentation. Le traitement préventif consiste à maintenir une
lomes pyogéniques ou botryomycomes). Ces lésions douloureuses
hygiène bucco-dentaire optimale (bains de bouche). Une fois ins-
peuvent siéger aux pieds ou aux mains et ont un retentissement
tallée, la prise en charge de la stomatite est symptomatique visant
significatif sur la vie quotidienne, gênant les travaux manuels et
à lutter contre la douleur (anesthésiques locaux, antalgiques) et
le port des chaussures. Les anti-EGFR sont fréquemment associés
contre les complications infectieuses. Les anticancéreux principale-
à cette atteinte péri-unguéale, ce qui justifie des mesures pro-
ment impliqués dans cette atteinte muqueuse sont, entre autres, les
phylactiques systématiques (éviction des facteurs irritants locaux,
anthracyclines, la bléomycine, le méthotrexate, les taxanes, le 5-FU.
applications régulières d’émollients). Les atteintes constituées
Une mucite buccale est également observée avec les anti-EGFR.
mineures à modérées sont traitées par antiseptiques, antibiotiques
Des pigmentations de la muqueuse buccale peuvent être obser-
ou corticoïdes locaux. Un traitement chirurgical peut être néces-
vées avec les chimiothérapies anticancéreuses responsables de
saire en cas d’atteinte sévère, ainsi que l’arrêt temporaire du
pigmentations cutanées diffuses.
traitement.
Une pigmentation des ongles (mélanonychie) peut accompa-
4.3. Atteintes des annexes gner la pigmentation cutanée (cf. supra). A contrario, une coloration
blanche de la tablette unguéale (leuconychie) est également pos-
4.3.1. Atteintes des cheveux et des poils sible. Elle est disposée le plus souvent en bandes transversales et
La plupart des antimitotiques induisent une alopécie secondaire correspond à une kératine anormale (parakératose) consécutive à
à une interruption brutale de l’activité du follicule pileux (efflu- une agression de la matrice.
vium anagène). La chute des cheveux survient brutalement dans
les 10 jours suivant le début de la chimiothérapie et atteint son
maximum en deux mois. Tous les follicules pileux étant atteints, 5. Diagnostic étiologique : explorations allergologiques et
l’ensemble des zones pileuses sont concernés par cette alopécie, imputabilité médicamenteuse
y compris cils et sourcils. Une repousse est généralement obser-
vée après arrêt et élimination des chimiothérapies, parfois avec 5.1. Tests allergologiques
une modification de la texture ou de la couleur des cheveux/poils.
Il existe cependant un risque d’alopécie définitive, en particulier Devant une suspicion de toxidermie de mécanisme immuno-
après conditionnement pré-greffe de moelle incluant cyclophos- allergologique, des explorations peuvent être réalisées afin de
phamide et busulfan, ou en cas d’association à une radiothérapie documenter l’effet indésirable et d’identifier le médicament
encéphalique. impliqué [99–101]. Leur sensibilité varie cependant selon les médi-
Sous anti-EGFR, la pousse des cheveux est ralentie avec chan- caments et le type de toxidermie.
gement de texture des cheveux qui deviennent fins, cassants et Le bilan allergologique peut être réalisé entre 6 semaines et plus
peuvent prendre une forme spiralée voire bouclée. Une alopécie de 6 mois (DRESS, SJS/NET) après l’épisode en l’absence de toute
androgénique-like peut également être constatée. Une trichomé- corticothérapie générale ou locale et d’antihistaminiques. Il doit
galie (allongement progressif des poils) touchant en particulier les être pratiqué par des équipes entraînées à leur réalisation et à leur
cils, ainsi qu’une hypertrichose du visage sont classiquement asso- interprétation. Une nécessaire standardisation des pratiques est en
ciées à ces médicaments. cours en Europe.
Les tests épicutanés ou patch tests consistent à poser pendant
4.3.2. Atteintes unguéales et péri-unguéales 48 heures le médicament à tester dilué (eau ou vaseline) sur la peau
Les anticancéreux induisent fréquemment une souffrance de la à l’aide de cupules d’aluminium ou en plastique. La lecture est réa-
matrice unguéale, dont l’activité mitotique est réduite ou stoppée lisée 30 minutes, 48 et 96 heures après le décollement du matériel,
[98]. Les manifestations qui en résultent peuvent toucher un, plu- et à une semaine en cas de négativité. L’exploration d’une pho-
sieurs ou tous les ongles des pieds et des mains. Les lignes de Beau toallergie nécessite une exposition des zones testées à de faibles
sont la forme la moins sévère, se limitant à un sillon transversal doses d’UVA et d’UVB (photo-patch tests). L’intérêt des patch tests
apparaissant au niveau du repli sous-unguéal, progressant vers le dépend à la fois du médicament testé et du type de toxidermie.
bord libre de l’ongle et s’éliminant avec la pousse de celui-ci. Dans À titre d’exemple, ils peuvent être utiles dans les exanthèmes
le cas d’une atteinte récidivante, plusieurs lignes de Beau peuvent maculo-papuleux sous bêta-lactamines, dans le DRESS induit par
apparaître sur la tablette unguéale. Lorsque la souffrance matri- la carbamazépine ou les inhibiteurs de la pompe à protons. Ils sont
cielle est intense et dure au moins une semaine, une chute de l’ongle intéressants dans la PEAG et l’EPF, mais sont souvent négatifs dans
268 B. Lebrun-Vignes, L. Valeyrie-Allanore / La Revue de médecine interne 36 (2015) 256–270
les SJS/TEN et dans les toxidermies induites par l’allopurinol et la [7] Modeste AB, Josset V, Hautemaniere A, Roujeau JC, Plantin P, Joly P, et al.
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Les prick test et intradermoréactions (IDR) sont réalisés avec le [8] Lambert A, Delaporte E, Lok C, Froment L, Bailly L, Denoeux JP, et al. Acti-
médicament dilué. La lecture se fait à 20 minutes et 24 heures. En vité de consultation de trois services de dermatologie hospitalo-universitaires
cas de négativité, une IDR est réalisée avec des dilutions croissantes français. Ann Dermatol Venereol 2006;133:657–62.
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Les prick tests et les IDR sont très utiles dans l’exploration des urti-
[11] Castro-Pastrana LI, Ghannadan R, Rieder MJ, Dahlke E, Hayden M, Carleton B.
caires et angiœdèmes, les IDR peuvent également avoir un intérêt Cutaneous adverse drug reactions in children: an analysis of reports from the
devant un exanthème maculo-papuleux, une érythrodermie ou une Canadian Pharmacogenomics Network for Drug Safety (CPNDS). J Popul Ther
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En dehors d’un contexte expérimental, les tests in vitro ne [17] Sekula P, Dunant A, Mockenhaupt M, Naldi L, Bouwes Bavinck JN, et al.
Comprehensive survival analysis of a cohort of patients with Stevens-
présentent que peu d’intérêt dans l’exploration des toxidermies
Johnson syndrome and toxic epidermal necrolysis. J Invest Dermatol
immuno-allergiques. La recherche d’IgE spécifiques (RAST) peut 2013;133:1197–204.
avoir un intérêt dans les réactions d’hypersensibilité immédiate [18] Mockenhaupt M, Viboud C, Dunant A, Naldi L, Halevy S, Bouwes Bavinck
JN, et al. Stevens-Johnson syndrome and toxic epidermal necrolysis: assess-
(urticaire, angiœdème).
ment of medication risks with emphasis on recently marketed drugs. The
Aucun test in vivo ou in vitro ne permet donc d’affirmer la res- EuroSCAR-study. J Invest Dermatol 2008;128:35–44.
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démarche diagnostique est complétée par une recherche bibliogra- [23] Guégan S, Bastuji-Garin S, Poszepczynska-Guigné E, Roujeau JC, Revuz J.
Performance of the SCORTEN during the first five days of hospitaliza-
phique, ce qui permet dans la majeure partie des cas d’établir un tion to predict the prognosis of epidermal necrolysis. J Invest Dermatol
lien de causalité clair entre le(s) médicament(s) et l’éruption cuta- 2006;126:272–6.
née. Une déclaration en pharmacovigilance est indispensable en cas [24] Bastuji-Garin S, Fouchard N, Bertocchi M, Roujeau JC, Revuz J, Wolkenstein P.
SCORTEN: a severity-of-illness score for toxic epidermal necrolysis. J Invest
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