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2007-12-10-Isreal
© CICR / Von Toggenburg, Christoph
Prison de Hasharon, détenus dans leur cellule
1
2
Nutrition en détention
Livret 3
3
ACRONYMES
AP Autorité(s) pénitentiaire(s)
CS Centre de stabilisation
PB Périmètre brachial
RH Ressources humaines
SN Société(s) nationale(s)
TB Tuberculose
4
LA NUTRITION EN DÉTENTION
Le présent ouvrage est l’un des trois recueils d’orientation pratiques sur la nutrition en détention qui
visent à faciliter la mise en œuvre du document-cadre de 2010 – intitulé Lignes de conduite pour
l’intervention du CICR en faveur des personnes privées de liberté en cas de problèmes nutritionnels – et à
servir de document de référence à l’équipe Détention de toute délégation surveillant les conditions de vie
des détenus et le traitement qui leur est réservé.
Il est destiné à tous les membres de l’équipe Détention, au sens large, ce qui inclut le personnel travaillant
dans plusieurs domaines – protection, soins de santé, eau et assainissement, nutrition et sécurité
économique – ainsi que les traducteurs/interprètes et les cadres de la délégation.
Il apporte également des éléments d’orientation sur la manière de surveiller et/ou évaluer les programmes
d’alimentation et de nutrition en cours, en agissant dans le cadre d’une démarche systématique de collecte
et d’analyse des données, quelle que soit l’instance – CICR, autorités pénitentiaires ou autre entité – qui
implémente ces programmes.
Les orientations fournies dans ces trois ouvrages peuvent être mises en œuvre sur tous les continents, en
milieu rural comme en milieu urbain, ainsi que dans tout type de LdD. Certains exemples renvoient
néanmoins plus spécifiquement à des contextes africains.
5
Table des matières
Table des matières............................................................................................................................................. 6
7
12. ÉQUIPEMENT NÉCESSAIRE POUR LES PROGRAMMES D’ALIMENTATION ET DE
NUTRITION......................................................................................................................................................... 94
Annexes .............................................................................................................................................................110
Annexe 12. Principes de base du traitement en centre de stabilisation des patients MAS
présentant des complications médicales .................................................................................................132
Annexe 13. Nombre d’unités d’APE nécessaires en fonction de la ration pénitentiaire ..............134
Annexe 15. Syndrome de renutrition inappropriée (SRI) : signes cliniques et prise en charge 136
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1. QUELS SONT LES PROGRAMMES D’ALIMENTATION ET DE
NUTRITION MIS EN PLACE DANS LES LIEUX DE DÉTENTION ?
1.1. Introduction
Le CICR élabore des réponses aux problèmes de nutrition constatés soit lors d’une évaluation, soit
dans le cadre d’une surveillance continue des conditions de détention. Certains problèmes peuvent
nécessiter la mise en œuvre d’activités visant à obtenir une amélioration immédiate de la situation des
détenus.
Les interventions nutritionnelles en milieu carcéral ont un caractère soit préventif, soit curatif.
Toutefois, l’impact souhaité est toujours le même: instaurer et maintenir un bon état de santé au sein
de la population détenue.
• Les interventions préventives visent à éviter la malnutrition des détenus (ou la détérioration de
leur état nutritionnel) en leur assurant l’accès à des aliments nutritionnellement adéquats.
• Les interventions curatives visent à traiter la malnutrition, à diminuer la mortalité et à prévenir
la morbidité.
L’absence, la faiblesse, ou la désorganisation des systèmes pénitentiaires sont à l’origine de nombreux
problèmes nutritionnels. Les interventions menées au niveau systémique visent à induire un
changement positif et durable, tant dans le mode de gestion des personnes privées de liberté que dans
l’organisation des systèmes de détention et leur interaction avec des entités extérieures.
Il convient de ne pas sous-estimer l’importance d’une stratégie appropriée. Celle-ci doit tendre
simultanément, d’une part, à pallier aux lacunes systémiques dans un souci de durabilité et, d’autre
part, à obtenir des résultats bénéfiques à court terme pour les détenus concernés. Un projet auquel les
autorités pénitentiaires (AP) ne sont pas suffisamment associées ne peut pas s’inscrire dans la durée.
Certes, la substitution peut être le mode d’intervention approprié dans certaines circonstances
spécifiques. En ce cas, lors de la transition entre substitution et solution plus durable, il importera de
veiller à ce que les AP soient suffisamment impliquées, d’une manière qui fait sens pour elles et qui
respecte à la fois leur autorité et la responsabilité qui leur incombe au premier chef : veiller à ce que
l’ensemble des détenus bénéficient d’une nutrition appropriée. Si cette condition n’est pas remplie, tout
effet positif induit par un programme du CICR ne pourra être que de courte durée.
Les programmes d’alimentation et de nutrition présentés dans ce livret ne signifient pas que le CICR et
les AP sont les seuls intervenants. Un soutien technique et des programmes d’assistance peuvent être
partiellement ou totalement mis en œuvre et dirigés par d’autres acteurs (ONG, Sociétés nationales de
la Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge (SN) ou entités gouvernementales, par exemple) : en ce cas, le
CICR peut fournir un appui par le biais de conseils techniques.
À noter :
Ce livret met l’accent sur les actions menées par le CICR en application de sa stratégie
d’intervention. Il faut impérativement garder à l’esprit que la clé du succès à long terme des
programmes réside dans l’implication des autorités (ministères de la Justice et de la Santé et
AP) car le CICR n’a ni autorité exécutive, ni responsabilité vis-à-vis des LdD.
9
1.2. Aperçu des programmes d’alimentation et de nutrition
Population carcérale
1. Carences en micronutriments.
2. Malnutrition aiguë sévère (MAS).
3. Malnutrition aiguë modérée (MAM).
La description et les objectifs de ces différents programmes sont présentés en détail ci-
dessous (voir Tableaux 1.a et 1.b).
10
Tableau 1a. Description et objectifs des programmes d’alimentation et de nutrition visant à PRÉVENIR
la malnutrition
Amélioration de la Ces
Amélioration de la CHAÎNE ALIMENTAIRE
11
ASSISTANCE L’AAG prévient
la malnutrition Les besoins L’état nutritionnel
ALIMENTAIRE et préserve la nutritionnels des des détenus est
AAG - ASSISTANCE ALIMENTAIRE GÉNÉRALE
12
ASSISTANCE L’AAC prévient L’AAC vise toujours
la malnutrition Les besoins un objectif
AAC - ASSISTANCE ALIMENTAIRE COMPLÉMENTAIRE
ALIMENTAIRE chez les nutritionnel
nutritionnels des
COMPLÉMENTAIRE détenus à détenus à risque spécifique et varie
(AAC) risque de de malnutrition en fonction du
malnutrition. sont couverts. contexte
L’AAC complète le régime pénitentiaire.
alimentaire pénitentiaire pour La malnutrition est
que la ration fournie couvre L’AAC prévenue par le Si le groupe-cible se
100% des besoins nutritionnels améliore la biais de la compose de détenus
des groupes à risque de santé des fourniture de porteurs du VIH ou
malnutrition. groupes produits atteints de TB (non
vulnérables. alimentaires. malnutris et recevant
Les groupes à risque de un traitement), ou
malnutrition sont habituellement d’autres détenus
Les détenus
les suivants : femmes enceintes malades, l’objectif
bénéficient d’une
et allaitantes (FEA) ; patients est de pourvoir à
alimentation
souffrant de tuberculose (TB) ou une bonne nutrition
équilibrée et
de VIH ; détenus mineurs ; et de renforcer
culturellement
enfants de moins de deux ans temporairement
acceptable.
accompagnant leur mère l’observance du
détenue. traitement par les
patients.
L’AAC peut être fournie sous
forme de ration alimentaire ou
de produits nutritionnels.
Exemples :
un repas de riz, lentilles,
légumes huile et sel fourni aux
FEA, ou
une bouillie de SuperCereal
donnée aux patients TB et VIH
le matin, ou
deux ASPE donnés aux FEA
Les programmes de prévention de la malnutrition doivent s’inscrire dans la durée afin qu’à terme, les
AP soient en mesure de remplir les exigences minimales à chaque étape de la chaîne alimentaire, et
de procurer à chaque détenu le niveau de nutrition nécessaire.
- disposer des compétences et des ressources nécessaires pour assurer et surveiller l’ensemble
des maillons de la chaîne alimentaire, et
- assurer la formation du personnel.
13
D’autres programmes associés – jardins/champs pénitentiaires ou formation professionnelle des
détenus, par exemple – visent à renforcer la sécurité économique.
Tableau 1b. Description et objectifs des programmes de nutrition visant à TRAITER la malnutrition
14
Ex. : les détenus MAM
reçoivent un repas quotidien
de riz, haricots, feuilles, huile
et sel ou des ASPE
(Plumpy’Sup®, eeZeeRUSF™
ou eeZeeBAR™).
15
2. QUELS PROGRAMMES D’ALIMENTATION ET DE NUTRITION
SONT À METTRE EN PLACE, ET QUAND FAUT-IL AGIR ?
Une double question se pose donc à ce stade : quels programmes d’alimentation et de nutrition
sont à mettre en place, et à quel moment faut-il agir ?
Les conseils ci-dessous portent sur les scénarios possibles et sur les informations permettant de
définir l’assistance à apporter conformément à nos modes d’intervention1.
Les taux2 de malnutrition (MAG et MAS) sont les indicateurs minimaux à obtenir avant d’envisager et
de concevoir, s’il y a lieu, la mise en œuvre de programmes d’alimentation et de nutrition. Une enquête
anthropométrique – également appelée « enquête IMC »3 – doit être réalisée (voir Livret 2, chapitre 8).
S’il s’agit d’une première enquête, aucune analyse des tendances n’est possible ; toutefois, le CICR
peut déjà prendre en compte le taux de MAG ou de MAS en tant qu’orientation quant aux mesures à
prendre (voir Livret 2, chapitre 8). S’il s’agit d’un suivi d’intervention, les enquêtes sont réalisées à
intervalles réguliers, sur une base trimestrielle ou semestrielle ; les tendances doivent alors être
analysées (voir Figures 2 et 3).
Outre le taux de malnutrition (MAG et MAS), des indicateurs additionnels sont à prendre en compte lors
de l’évaluation de la situation :
Les AP doivent être impliquées dans les enquêtes anthropométriques (comme dans toutes les autres
activités du CICR en milieu carcéral) car cela permet de renforcer leurs capacités et d’accroître leur
responsabilisation.
1
Les trois modes d’intervention du CICR sont la substitution, le soutien et la responsabilisation (qui inclut la
persuasion, la mobilisation et la dénonciation).
2
En détention, on parle le plus souvent de « taux de malnutrition », car les enquêtes anthropométriques
portent sur l’ensemble de la population carcérale d’un LdD donné. Par contre, on parle de « prévalence de la
malnutrition » si un certain nombre de détenus sont sélectionnés en tant qu’échantillon représentatif de
l’ênsemble des détenus.
3
Indice de masse corporelle.
16
Figure 2. Surveillance de la MAG en Côte d’Ivoire
15% 16%
14% 14%
SEPTEMBRE
OCTOBRE
OCTOBRE
OCTOBRE
JUIN
JUILLET
JUILLET
JANVIER
JANVIER
JANVIER
AVRIL
MARS
AVRIL
MAI
JUIN
Cet exemple montre une tendance persistante à la baisse du taux de MAG dans le LdD.
Nombre de détenus
LdD T – prévalence de la malnutrition
35 pop.effective interne MAS MAG 1200
30 1000
25
800
% Malnutrition
20
600
15
400
10
5 200
0 0
sep oct nov dec jan fev mar avr mai juin juil aou sep oct nov
2011 2012
Dans cet exemple, la population carcérale a augmenté alors que les taux de MAS et
MAG diminuaient constamment.
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2.1.2. Relation entre malnutrition aiguë globale (MAG) et mortalité
Il est essentiel de corréler le taux de MAG et le taux de mortalité (voir Livret 2, section 8.7).
Quand il n’y a pas de relation entre la malnutrition et les causes de mortalité (lors d’une épidémie de
choléra, par exemple), ces deux taux évoluent de manière différente.
L’expérience montre néanmoins que parmi les personnes qui décèdent en détention, un grand nombre
souffrent de malnutrition. Le taux de mortalité peut donc diminuer si des mesures sont prises pour
prévenir et/ou traiter la malnutrition.
La figure 4 montre que le parallèle entre ces taux n’est pas évident. Dans cet exemple, le taux de MAG
augmente entre janvier 2009 et février 2010, dépassant en août 2009 les 30% (« seuil d’alerte » ou
« seuil d’intervention ») ; pendant cette période, le taux de mortalité baisse, puis augmente fortement,
pour dépasser en novembre 2009 le « seuil d’urgence » (1/10,000/jour). Un second pic de mortalité
observé en juin 2010 et un second pic de malnutrition observé en août 2010 semblent avoir une origine
commune (épidémie).
30 1,20
25 1,00
Seuil d’urgence
20 0,80
mortalité :
15 1/10,000/jour 0,60
10 0,40
5 0,20
0 0,00
Jul-09
Jul-10
Jan-09
Feb-09
Mar-09
Apr-09
May-09
Jun-09
Aug-09
Sep-09
Oct-09
Nov-09
Dec-09
Jan-10
Feb-10
Mar-10
Apr-10
May-10
Jun-10
Aug-10
Sep-10
Oct-10
Nov-10
GAM Mortality
Il est important d’étudier en détail la date des décès, et de chercher à savoir si les détenus décédés
étaient malnutris. Ces investigations révèlent les causes des décès et permettent d’envisager des
mesures visant à réduire la mortalité.
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Analyse de la relation entre mortalité, malnutrition et durée de la détention dans un LdD en Afrique de l’Ouest
Lors d’une évaluation menée en 2010, l’analyse de tous les cas de décès (n = 98) dans un LdD a donné les résultats
suivants :
- Le décès des détenus est intervenu, en moyenne, après environ un an et demi d’incarcération dans le LdD (mais
50% des décès ont eu lieu juste après ou juste avant un an de séjour dans le LdD).
- Au moins 56% des détenus décédés souffraient de malnutrition et présentaient un IMC <18,5 kg/m2 (• MAM, •
MAS).
- L’âge moyen des détenus décédés était de 37 ans (mais 50% avaient moins de 34 ans ; la tranche d’âge de la
population carcérale se situait entre 20 et 73 ans).
- Les détenus qui sont décédés et qui étaient en situation de MAS étaient en moyenne un peu plus âgés (43 ans) ; ils
sont décédés en moyenne après deux ou trois ans de séjour dans le LdD.
- Plus de 40% des détenus décédés étaient des ressortissants étrangers.
- La plupart des décédés malnutris avaient été inscrits dans le programme nutritionnel du CICR !
35
50%
Nombre de détenus décédés
Cette analyse a conduit le CICR à réajuster ses programmes. Les détenus en situation de MAS qui sont décédés
souffraient très probablement de maladie(s) chronique(s). La précocité du décès – associée à une malnutrition
relativement élevée chez une population masculine jeune – exigeait de mener une enquête plus approfondie. Plusieurs
causes potentielles devaient être investiguées : inclusion tardive dans les programmes de nutrition ; malnutrition
existant déjà au moment de l’arrivée dans le LdD ; manque d’accès à des soins de santé adéquats ; accès inéquitable à
la nourriture et/ou apport alimentaire insuffisant au début de l’incarcération ; produits alimentaires inadéquats ;
blessures ; traumatismes ; etc.
Les informations concernant les cas présumés de carences en micronutriments – béribéri, pellagre,
scorbut et symptômes carentiels en vitamine A – guident le CICR dans le choix des mesures à prendre ;
de telles informations peuvent être obtenues auprès des agents de santé du LdD et du personnel du
CICR et/ou par le biais d’enquêtes anthropométriques accompagnées de questions supplémentaires et
d’observations cliniques. Les carences en micronutriments sont souvent dépistées en se basant sur la
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présence de certains symptômes (voir Livret 1, annexe 13). Rarement confirmé biochimiquement, le
diagnostic est souvent attesté par la réponse au traitement des carences en micronutriments.
Le premier type d’outil d’aide à la décision réside dans les arbres décisionnels (basés sur les
recommandations des Lignes de conduite de 2010) qui sont présentés ci-dessous (voir Figures 5 et 6).
Ces arbres décisionnels utilisent des données correspondant aux seuils d’intervention, à savoir un taux
de MAS > 5%, un taux de MAG > 30% ou un taux de béribéri > 5%: ils précisent également ce qu'il
convient de faire lorsque ces seuils ne sont pas atteints. Par contre, ils n’indiquent pas qui devra
exécuter les programmes: ce pourra être le CICR, le ministère de la Santé, une ONG, le personnel du
LdD, plusieurs intervenants agissant conjointement, ou une entité tout à fait différente, travaillant avec
ou sans le soutien du CICR.
À noter :
Les scénarios des figures 5 et 6 sont valables dans un contexte où la population carcérale totale est
égale ou supérieure à 100 détenus. Si l’effectif d’un LdD est inférieur à 100 détenus, les pourcentages
calculés pourraient surestimer la gravité de la situation : une évaluation plus détaillée du contexte serait
alors nécessaire.
20
Figure 5. Programmes d’alimentation et de nutrition: arbre décisionnel, basé sur les Lignes de conduite
de 2010, prenant en compte les taux de malnutrition (MAS et MAG), le taux de mortalité et d’autres
facteurs aggravants.
La prévalence de
la MAS est: - Améliorez la chaîne alimentaire
- Traitez tous les cas de MAS
- Améliorez les services de santé
MAS < 5 % MAS • 5 % - Améliorez l'hygiène et l'accès à l'eau
potable
LA SUBSTITUTION est OBLIGATOIRE
• Persuasion
• Mobilisation
MAG • 30% MAG < 30% MAG • 30% • Soutien (technique, matériel)
État critique État critique
• Persuasion
• Mobilisation
• Soutien (technique, matériel)
* La MAS est une maladie qui met la vie des détenus en danger. Sa prise en charge est une obligation éthique. Pour chaque
situation, une solution adaptée devra être trouvée.
À noter:
Dans les rares cas où la MAS est égale ou supérieure à 5% et la MAG inférieure à 10 ou 20%, sans qu’il y ait de facteurs
aggravants, il convient de suivre la démarche recommandée pour les situations où la MAS est égale ou supérieure à 5%.
21
Figure 6. Programmes d’alimentation et de nutrition: arbre décisionnel, basé sur les
Lignes de conduite de 2010, prenant en compte les taux de carences en micronutriments
Suspicion
d'autres carences
en
micronutriments?
Suspicion de
scorbut, NON
OUI pellagre ou
xérophtalmie?
Surveillez la chaîne alimentaire - Traitez tous les cas de scorbut, Surveillez la chaîne alimentaire - Traitez les autres cas de
pellagre et xérophtalmie carences en micronutriments
Les cas particuliers de carences - Fournissez une prévention Les cas particuliers de carences - Fournissez une prévention
en micronutriments doivent être nutritionnelle à TOUS les en micronutriments doivent être nutritionnelle à TOUS les
traités par le ministère de la détenus sans signes cliniques traités par la ministère de la détenus sans signes cliniques
Justice/Santé, avec le soutien du - Améliorez la chaîne alimentaire Justice/Santé - Améliorez la chaîne alimentaire
CICR si nécessaire*
* Le béri-béri et le scorbut mettent la vie des détenus en danger. Leur prise en charge est une obligation éthique.
22
Le deuxième type d’outil d’aide à la décision croise les taux de malnutrition avec les programmes
possibles; il permet de situer très rapidement quel programme va devoir être mis en place par le CICR,
les AP ou des partenaires.
Programmes possibles, MAS < 5% MAS < 5% MAS < 5% MAS > 5%
en fonction des taux de & MAG < 10% & MAG [10%-30%] & MAG [30%-50%] & MAG > 50%
MAS et MAG
Amélioration de la À toujours mettre en œuvre,
chaîne alimentaire quels que soient les taux de malnutrition
Assistance alimentaire L’AAG est partielle ; L’AAG est partielle ou
générale (AAG) elle remplace l’AAC complète, en
dès que les besoins fonction des
des groupes à risque approvisionnements
sont couverts. des AP.
Assistance alimentaire Les groupes à risque reçoivent un complément
complémentaire (AAC) dès que la ration pénitentiaire ne correspond pas à leurs besoins nutritionnels.
Traitement de la MAM La MAM doit être traitée
pour réduire le réservoir potentiel de cas de MAS.
Traitement de la MAS Les cas de MAS sont toujours pris en charge – par les AP, le CICR ou tout autre intervenant –
car la MAS met la vie des patients en danger.
Le troisième type d’outil d’aide à la décision est le calculateur des coûts des programmes, à
demander aux nutritionnistes à Genève. Utilisant Excel, ce calculateur compare les coûts des différents
programmes en fonction des taux de MAG et de MAS, des coûts des denrées alimentaires (disponibles
sur le marché local ou à importer), ainsi que des coûts logistiques et humains.
Les trois outils d’aide à la décision présentés ci-dessus ne concernent que les programmes alimentaires
et nutritionnels répondant aux critères d’intervention du CICR et menés selon les modes d’action
habituels de l’institution (responsabilisation, soutien et substitution). De plus, quand des LdD
connaissent des problèmes de malnutrition, l’alimentation n’est généralement pas seule en cause. La
collaboration avec d’autres unités du CICR – WatHab pour améliorer l’approvisionnement en eau,
l’assainissement et les infrastructures, et Santé pour améliorer l’accès aux soins – est indispensable
pour une approche globale.
Comme le stipule le cadre de référence du CICR4, la mise en œuvre des programmes d’alimentation et
de nutrition peut commencer sans qu’une stratégie de sortie n’ait été préalablement définie. Ces
programmes sont menés aussi longtemps que nécessaire par le CICR. La mise en œuvre d’un
programme d’alimentation/nutrition dans un LdD exige une stratégie globale d’intervention. L’objectif
final est de responsabiliser les AP pour qu’elles aient la volonté, les moyens et les connaissances
qui leur permettront de pourvoir aux besoins fondamentaux des détenus. Une stratégie de sortie
4
L’action du CICR en faveur des personnes privées de liberté, mai 2011.
23
réaliste s’appuiera donc sur le résultat de l’intervention ainsi que sur l’évaluation des opportunités liées
à l’évolution du contexte. Une présence permanente est requise jusqu’au désengagement afin d’assurer
la supervision et la continuité de la stratégie établie.
Notre stratégie doit toujours inclure des actions concrètes visant à atteindre cet objectif final en utilisant
les trois modes d’action du CICR.
Les exemples qui suivent montrent ces modes d’action appliqués à la nutrition en détention.
La délégation du CICR au Zimbabwe travaille depuis l’urgence nutritionnelle de 2009 dans les LdD du
pays. Alors qu’un processus de désengagement était en cours, la délégation a décidé en janvier 2017 de
poursuivre la distribution d’arachides dans quatre prisons-test. Cette action a pour but de persuader les AP
de prévenir les épidémies de pellagre – liées au déséquilibre du régime alimentaire basé sur la
consommation de maïs – en incluant dès 2018 des arachides dans la ration pénitentiaire du pays.
- La mobilisation :
Il s’agit d’identifier dans le pays des partenaires pouvant aider à l’amélioration de la situation dans
les LdD.
En octobre 2016, le CICR a réalisé une enquête IMC dans un des LdD suivis par sa délégation au Mali.
Les taux de malnutrition étaient respectivement de 22,3% (MAG) et 1,3% (MAS).
Les quelques patients souffrant de MAS détectés ont dû être traités alors que le CICR était insuffisamment
présent dans ce LdD pour assurer un suivi adapté. La branche locale de la Croix-Rouge malienne a été
sollicitée pour disponibiliser deux volontaires qui ont été formés au traitement de la MAS. Lors de leurs
visites hebdomadaires au LdD, ces volontaires distribuent le traitement médico-nutritionnel, observent la
consommation des ATPE et réalisent un suivi anthropométrique des patients. Ils rendent compte au point
focal du CICR.
- La dénonciation:
Ce mode d’action est très rarement utilisé par le CICR. Il consiste à rendre publique une situation
préoccupante (en l’occurrence, lorsque le CICR ne parvient pas, conjointement avec les AP, à
améliorer la situation des détenus). La communication avec les AP est souvent interrompue
quand le CICR recourt à ce mode d’action.
24
• Le soutien:
Ce mode d’action est le plus utilisé par le CICR. Il permet de fournir un appui aux AP dans tous
les domaines : apport de matériel, connaissances, réflexion, stratégie…
En janvier 2015 et 2016, la délégation du CICR au Tchad a organisé des ateliers de travail sur la nutrition
et l’alimentation en détention, conjointement avec les AP et les ministères de la Justice et de la Santé. Les
objectifs étaient de sensibiliser nos partenaires aux problèmes de malnutrition et d’alimentation dans les
LdD, de les former à la prise en charge de la malnutrition et de réfléchir ensemble aux actions à mener
pour améliorer la situation.
• La substitution:
Ce mode d’action permet de se substituer aux AP quand elles sont dans l’incapacité d’assumer
leurs responsabilités. L’objectif est d’améliorer et/ou de maintenir les conditions de vie des
détenus. La substitution a toujours une durée limitée dans le temps.
En septembre 2016, le CICR a décidé, en collaboration avec les AP, de débuter une assistance alimentaire
partielle dans un des LdD d’Afrique de l’Ouest. Les taux de malnutrition évalués lors de l’enquête
anthropométrique initiale, en mai 2016, étaient respectivement de 78,5% (MAG) et 47,4% (MAS).
Le CICR a fourni une très grande partie de la nourriture nécessaire pour que l’ensemble des détenus
reçoivent une ration journalière de 3,000 kcal pendant quatre mois. Il a financé la préparation et la
distribution des repas, dont la supervision a été assurée grâce à la présence quotidienne d’un
nutritionniste.
Le programme incluait aussi le traitement de patients MAS présentant des complications médicales et la
prise en charge des détenus malades non malnutris. Un système de référence vers l’hôpital a aussi été
organisé.
Quatre mois plus tard, en décembre 2016, les taux de malnutrition s’étaient améliorés (MAG 32,4% et MAS
4,4%). Le programme a été reconduit pour trois mois, les autorités n’étant pas prêtes à approvisionner ce
LdD au moment où arrivaient de nouvelles vagues de détenus dont l’état nutritionnel était très détérioré.
25
3. COMMENT CONDUIRE LES PROGRAMMES VISANT À
AMÉLIORER LA CHAÎNE ALIMENTAIRE EN DÉTENTION
Les programmes du CICR relatifs à la nutrition en détention doivent notamment viser à remédier aux
faiblesses de la chaîne alimentaire: de fait, tout programme de traitement de la malnutrition doit être
accompagné de mesures destinées à améliorer le respect des règles d'hygiène et de sécurité des
aliments. Un seul cas peut faire exception – celui où la chaîne alimentaire est adéquate et où la
malnutrition est due au mauvais état de santé des détenus – mais il se présente rarement.
Sans l’implication des AP et leur collaboration, la probabilité d’une amélioration de la chaîne alimentaire
est nulle. Notre action consiste donc notamment à :
• Réaliser un inventaire et/ou une évaluation des outils juridiques existants relatifs au régime
alimentaire officiel et/ou aux problèmes d’alimentation dans le contexte de la détention.
• Concevoir et mettre en application un menu pénitentiaire officiel qui soit culturellement
acceptable, varié et nutritif, et qui comporte au moins deux repas par personne par jour ; veiller
à ce que ce menu soit inscrit dans un cadre juridique (décrets, directives, etc. 5 ). Voir, ci-
dessous, l’exemple du Tchad (Figure 7).
5
Le menu doit être testé dans les LdD avant d’entamer le processus juridique.
26
Figure 7. Au Tchad, en 2015, suite au plaidoyer du CICR, le nombre de repas quotidiens à fournir aux
détenus a été précisé dans les textes officiels.
Nourriture et eau
Article 37
Chaque détenu doit recevoir de la nourriture de bonne qualité qui lui permettra de garder la santé et la
force. Les repas doivent être servis au moins deux fois par jour et à intervalles réguliers.
Chaque détenu doit avoir accès à l’eau potable.
Article 38
Le régime alimentaire, le menu et les quantités de produits alimentaires destinés à assurer la santé des
détenus sont déterminés par décret du ministère de la Justice, sur proposition d’un médecin ou d’un
nutritionniste.
6
Les adolescents (16-18 ans) ont besoin de 2 800 kcal par jour.
7
Les femmes enceintes ont besoin de 1 800 kcal pour l’énergie de base/ le métabolisme de base + 350 kcal, soit
au total 2 150 kcal par jour.
8
Les femmes allaitantes ont besoin de 1 800 kcal pour l’énergie de base/le métabolisme de base + 500 kcal pour
l’allaitement, soit au total 2 300 kcal par jour.
27
Figure 8. Exemple montrant comment le ministère de la Justice de Madagascar a mis au
point, avec le soutien du CICR, un régime alimentaire officiel destiné au traitement des
détenus souffrant de malnutrition.
• Formaliser le nombre de kilocalories (kcal) qu’un détenu doit recevoir chaque jour
(voir Figure 9).
28
Figure 9. Lignes directrices élaborées par le CICR en collaboration avec le Service pénitentiaire
du Zimbabwe. [Traduction CICR]
Les directives du ZPS (Service pénitentiaire du Zimbabwe) concernant le régime alimentaire des personnes
détenues a pour objectif de parvenir à un régime alimentaire équilibré, fournissant 3000 kcal d’énergie par jour,
dont 12% de l’énergie provenant de protéines et 23% de matières grasses ; cela couvre les besoins nutritionnels
de tous les détenus y compris ceux qui travaillent dans les fermes des prisons.
• Le régime alimentaire de base de la prison comprend six principaux produits alimentaires : farine de maïs,
haricots, arachides, huile végétale, légumes et sel. Chacun de ces aliments fournit différents nutriments,
ce qui assure qu’une alimentation équilibrée est à la disposition de tous les détenus.
• Ce régime minimum recommandé, bien que monotone, répond également aux exigences quotidiennes en
micronutriments essentiels – vitamine A, thiamine (B1), niacine (B3), vitamine C et iode –, à condition que
ces aliments soient servis dans les quantités recommandées. Veuillez noter que les vitamines B et la
vitamine C ne sont pas stockées dans le corps et doivent être consommées chaque jour dans l’alimentation.
• Afin de permettre à tous les détenus d’atteindre et de conserver un bon état nutritionnel et un bon état de
santé, il est essentiel que les aliments de base mentionnés leur soient fournis chaque jour et dans les
quantités recommandées.
• De temps en temps, des produits alimentaires d’appoint peuvent être mis à la disposition du LdD : cela
accroît la diversité de la nourriture et permet d’offrir une plus grande variété d’aliments et de nutriments à
tous les détenus.
9
Il s’agit, par exemple, de certains approvisionnements (matériel pour la cuisine et le nettoyage des ustensiles,
chlore, savon et combustible) ainsi que des frais d’entretien des installations de cuisson et des frais de transport
des produits alimentaires.
10
A Madagascar, le CICR et le ministère de la Justice ont mis en place un système de surveillance de l’alimentation
des détenus. Appelé « veille », ce système enregistre la quantité de nourriture allouée mensuellement à chaque
LdD ainsi que les taux de malnutrition. Un appui matériel a été fourni par le CICR et le système est entièrement
géré par le ministère.
29
et/ou d’une méthodologie pour définir, en fonction du nombre de détenus, la quantité de nourriture
devant sortir du magasin pour la préparation des aliments11).
11
Au Mali, en 2014-2015, des séminaires ont été organisés par le CICR pour établir, conjointement avec les
autorités, des procédures de gestion de la chaîne alimentaire ; ces procédures ont ensuite été testées en
partenariat avec les autorités en vue d’assurer une compréhension commune.
30
budget nécessaire pour fournir une rémunération financière aux détenus qui effectuent des
« corvées » (par exemple, au Mali, le CICR a fait en sorte que les détenus perçoivent une
rémunération pour leur travail).
• Concevoir et mettre en place un système de production locale de légumes et de haricots.
(À noter : lorsque ce système est destiné à constituer une composante du régime alimentaire
pénitentiaire, la contribution d’experts est nécessaire ; il convient en effet d’évaluer si le système
est viable, équitable et durable ; de plus, une supervision substantielle est nécessaire pour s’assurer
que les denrées récoltées viendront vraiment compléter la ration pénitentiaire, et que l’ensemble
des détenus en bénéficieront).
• Aider à la conception de normes relatives à l’alimentation dans les LdD, comme le CICR l’a fait au
Rwanda, au Mali et au Zimbabwe.
Ces activités peuvent être menées à tous les échelons du système pénitentiaire.
• Concevoir et mettre en place des procédures visant à améliorer la qualité des aliments (temps de
cuisson correct, quantité adéquate d’eau de cuisson, choix des ingrédients, etc.).
• Concevoir et mettre en place des procédures permettant la préparation d’une quantité suffisante de
nourriture par personne et par jour (en prévoyant un système approprié de rémunération en nature
pour le personnel de cuisine) ; cela implique notamment de peser les aliments (pour s’assurer que
le stock retiré du magasin correspond bien au nombre de détenus) et de photographier la ration
standard prévue (voir Figure 11).
• Concevoir et mettre en place un système de suivi des stocks des produits alimentaires.
• Concevoir et mettre en place des procédures permettant la préparation hygiénique des aliments
(séparation des aliments crus ou cuits, hygiène des ustensiles de cuisine et des marmites, hygiène
du personnel, matériel de nettoyage) et l’élimination des déchets organiques ; améliorer la qualité
et/ou la quantité des ustensiles de cuisine et du matériel de nettoyage.
• Concevoir et mettre en place des procédures permettant d’économiser le combustible de cuisson
(couvercle sur les marmites, temps de cuisson correct, trempage des légumes secs, etc.).
• Concevoir et mettre en place des procédures définissant les rôles, les responsabilités et le nombre
de membres du personnel et/ou de détenus qui manipulent des aliments, et prévoyant en outre un
check-up médical pour chacun d’eux.
Distribution de la nourriture
31
• Concevoir et mettre en place des procédures assurant une distribution équitable de la nourriture
(normalisation des ustensiles utilisés pour la distribution : bols pour les céréales et cuillères pour
les sauces, par exemple).
Figure 11. Affiche informant les détenus de la nourriture à laquelle ils ont droit, Zimbabwe.
• Concevoir et mettre en place des procédures permettant de vérifier que les rations apportées aux
détenus par leurs familles (« rations familiales ») sont bien remises à leurs destinataires et qu’il n’y
a aucun détournement.
• Concevoir et mettre en place des procédures permettant la conservation correcte des « rations
familiales » entre leur réception dans le LdD et leur consommation.
32
Consommation de la nourriture
Quelques exemples de la façon dont le CICR a amélioré la situation dans différents LdD
TCHAD : Dans plusieurs LdD, des détenus étaient enfermés dans leur cellule pendant la plus grande partie
de la journée, alors que d’autres étaient autorisés à se déplacer à volonté et avaient accès aux cuisines.
Cette situation a conduit à des disparités considérables dans l’accès à la nourriture (les détenus qui étaient
enfermés dans leur cellule recevaient ce qu’il restait). De plus, des ustensiles standards n’étaient pas
utilisés pour la préparation des repas. Enfin, les quantités exactes de nourriture à préparer et à distribuer
conformément au régime alimentaire officiel étaient mal connues. En conséquence, la distribution de
nourriture n’était pas équitable : les détenus enfermés dans leur cellule recevaient moins de nourriture et
souffraient de malnutrition.
Qu’a fait le CICR ? Le CICR a fourni une assistance technique pour aider au calcul des portions standards,
de manière à pouvoir répondre aux besoins des détenus et se conformer aux recommandations
diététiques ; balances et ustensiles de service ont été fournis. Une formation sur l’alimentation et la nutrition
en détention a été organisée pour les directeurs de prison afin de souligner l’importance de chaque étape
de la chaîne alimentaire dans la prévention de la malnutrition.
33
CÔTE D’IVOIRE : Dans un grand LdD, le système de pouvoir et de violence parmi les détenus était particulièrement
puissant. Il régissait tous les aspects de la vie en détention, de l’attribution des places dans les cellules à la répartition
des ressources limitées (médicaments, eau et nourriture). Dans ce contexte, la distribution des repas constituait un
problème majeur de pouvoir – les quantités disponibles n’étaient pas suffisantes pour nourrir tous les détenus et la
distribution était dans les mains de quelques détenus. Chaque cellule désignait un détenu qui recevait les rations
correspondant au nombre de personnes partageant la cellule. Toutefois, les portions étant basées sur des accords
antérieurs, les quantités étaient insuffisantes pour le nombre de détenus dans chaque cellule. D’importantes
quantités d’aliments (les plus nutritifs, en particulier) étaient vendues ou distribuées à des pairs en fonction des liens
personnels.
Les détenus vulnérables qui ne disposaient pas de moyens de négociation (argent ou force physique) devaient
littéralement se battre pour une miette, ou rester sans nourriture. Il n’y avait pas d’ustensiles standards pour mesurer
les portions individuelles, et la nourriture était distribuée sans aucun contrôle de la part des gardiens. La prévalence
de la malnutrition dans le LdD était inégalement répartie dans l’ensemble des cellules.
Qu’a fait le CICR ? Le CICR a recommandé l’utilisation d’autres méthodes de distribution de la nourriture (consistant,
par exemple, à préparer en cuisine des portions individuelles, distribuées ensuite directement aux détenus dans les
cellules sous la surveillance/responsabilité directe des gardiens).
SUD-SOUDAN : Dans chaque cellule d’un grand LdD, un comité de détenus a désigné un responsable de l’alimentation
et de la distribution de l’eau. Pendant une semaine, ce détenu était en charge d’aller chercher les repas, puis de les
distribuer dans sa cellule ; il devait aussi se conformer aux règles d’hygiène (par exemple, se laver les mains avant et
après la manipulation des aliments). A l’heure des repas, la nourriture était apportée dans la cour principale, où le
détenu responsable de la distribution des repas recevait la quantité de nourriture prévue pour sa cellule. Le nombre
de tasses pour chaque cellule était compté à la vue de tout le monde. Le détenu responsable transportait le seau de
nourriture dans sa cellule et commençait la répartition entre ses codétenus. Une tasse en plastique standard était
utilisée pour mesurer des portions égales : le matin, chaque détenu recevait une tasse de haricots et un morceau de
kourassa (une sorte de crêpe) et, dans l’après-midi, une tasse de sauce et une portion d’asida (un plat de pâtes). Lors
de la distribution, le mélange dans le seau était fréquemment agité afin que chaque ration soit composée de la même
quantité de haricots et d’eau : ainsi, les portions étaient identiques. Interrogés, les détenus ne se plaignaient pas de
la quantité de nourriture reçue.
Aucune mesure n’a donc été mise en œuvre par le CICR pour modifier le système de distribution.
ZIMBABWE : Afin que tous les détenus reçoivent la nourriture en quantités correctes et en portions équitables, le
CICR a recommandé l’utilisation de louches spéciales pour mesurer et servir chacun des différents produits dans les
quantités prescrites dans le régime alimentaire officiel : 200 g de légumes, 50 g d’arachides et 250 g de haricots. Les
cuillères officielles comportaient des trous pour laisser s’échapper l’eau : ainsi, les détenus recevaient de la
nourriture, et non pas seulement une soupe et un liquide de cuisson. La nourriture était distribuée à la vue de tous
les détenus et en présence de surveillants de cuisine.
Qu’a fait le CICR ? Le CICR a élaboré des lignes directrices claires et les a diffusées afin de soutenir les bonnes pratiques
relatives à la distribution de la nourriture dans les LdD du Zimbabwe.
MALI et GUINÉE : Les lignes directrices élaborées au Zimbabwe ont été adaptées aux systèmes guinéen et malien,
afin de diminuer les inégalités importantes existant dans le système de distribution.
Qu’a fait le CICR ? Le CICR a soutenu la discussion de directives visant à assurer une distribution équitable de la
nourriture et il a encouragé l’utilisation d’ustensiles normalisés pour les distributions. En outre, les autorités
pénitentiaires ont été encouragées à adopter des assiettes/gamelles individuelles de taille standard afin d’éviter les
inégalités de distribution causées par les différences de taille des récipients (plus le récipient était grand, plus les
détenus recevaient de nourriture).
34
3.4. Travailler conjointement avec les AP à l’amélioration des installations
Ces activités peuvent être menées à tous les échelons du système pénitentiaire.
• Concevoir et mettre en place des zones appropriées pour différentes activités : entreposage,
préparation, distribution et consommation des aliments ; élimination des déchets ; lavage des
mains ; nettoyage des ustensiles.
Ces mesures tiennent compte des exigences à respecter dans divers domaines :
approvisionnement en eau et drainage, hygiène, logistique, sécurité, équité et dignité humaine,
s’agissant à la fois des détenus et du personnel pénitentiaire12.
Exemples détaillés :
• Amélioration des installations de stockage des denrées alimentaires, ainsi que des mesures de lutte
contre les ravageurs, dans les zones de manipulation des aliments ;
• Augmentation de la capacité de cuisson et installation d’un plus grand nombre de
réchauds/fourneaux et de fours ;
• Installation de foyers de cuisson économes en combustible ;
• Amélioration ou installation d’infrastructures physiques pour le lavage des mains ainsi que pour le
stockage et le nettoyage des ustensiles dans la cuisine (ou à proximité) ;
• Amélioration de l’environnement de cuisson, afin de le rendre sûr et adéquat pour le personnel
travaillant en cuisine ;
• Amélioration ou installation d’une infirmerie où les détenus malades peuvent être diagnostiqués et
la prise de leur traitement observée ;
• Amélioration des infrastructures physiques, de sorte que le flux soit suffisant d’un bout à l’autre de
la chaîne alimentaire – du point d’achat, puis de stockage, jusqu’au point de consommation, en
passant par la préparation et la distribution des aliments (voir Figure 12) ;
12
Voir les instructions WatHab dans Eau, assainissement, hygiène et habitat dans les prisons – Guide
complémentaire, CICR, Genève, 2013.
35
Figure 12. Utilisation d’un plateau (Haïti) et d’un chariot (Cameroun) pour transporter les
repas de façon hygiénique et rapide.
36
Figure 13. Conditions dangereuses pour la préparation des aliments dans un LdD en
Amérique latine.
Ces activités peuvent être menées à tous les échelons du système pénitentiaire.
38
3.6. Comment surveiller le déroulement des programmes visant à améliorer
la chaîne alimentaire
Les programmes destinés à améliorer la chaîne alimentaire comportent la plus large gamme
d’indicateurs de performance. Ces indicateurs permettent de surveiller le déroulement des interventions
et d’en mesurer l’impact. Ils varient donc selon le type d’action menée.
Quel que soit le but visé par le programme mis en place, les indicateurs de suivi rendent compte de la
manière dont les objectifs sont réalisés dans les cinq domaines où des améliorations sont prévues.
De nombreux indicateurs d’activité peuvent être choisis en se reportant au Livret 2 (voir Sections 7.2 à
7.6 et Tableaux 4, 7 et 20).
Budget (estimation) Un processus formel existe et les budgets sont soumis par les LdD.
Budget (allocation) Les postes individuels corrects sont utilisés (coûts d’exploitation et d’investissement).
Budget (déboursement Des procédures formelles existent, le personnel est nommé et formé pour assurer la
des fonds) gestion du budget au niveau des LdD.
Budget (obligation Des procédures formelles de suivi et de reddition des comptes ont été élaborées et sont
redditionnelle) appliquées.
Le suivi des indicateurs permet d’évaluer les progrès réalisés dans l’établissement et le calcul du budget
(augmentation du budget global, plus grande précision des calculs, etc.) ainsi que dans le processus
d’allocations budgétaires (actualité des disponibilités budgétaires, réduction des détournements du
budget, etc.).
39
Tableau 4. Exemples d’indicateurs mesurables utilisés pour surveiller la chaîne alimentaire
Stock • Stock (en kg) pour un nombre de détenus donné, par type principal de denrée
alimentaire
• Nombre de jours pendant lesquels le stock permet de nourrir la population carcérale
totale, par type principal de denrée alimentaire
• Pertes mensuelles (en kg) de denrées alimentaires provoquées par l’infestation de
ravageurs, la formation de moisissures, etc.
• Principales périodes de l’année ou nombre de semaines ou de mois pendant lesquels il y
a rupture de stock de certaines denrées alimentaires
Pratiques de cuisson • Nombre de marmites munies d’un couvercle
des aliments • Adéquation des marmites (en particulier volume/capacité de cuisson),
assiettes/gamelles, tasses, bols et ustensiles par rapport aux besoins de la population
carcérale dans le LdD concerné
Hygiène • Disponibilité de savon dans les cuisines (et dans les toilettes)
• Accès à l’eau (distance, débit) pour le personnel travaillant en cuisine
• Nombre de cuisiniers qui se lavent les mains après avoir utilisé les toilettes et/ou avant
de manipuler des aliments
Budget • Budget alimentaire (mensuel, trimestriel) par détenu
• Adéquation du budget alimentaire par détenu (par exemple, par rapport au coût d’une
ration alimentaire journalière sur la base des prix pratiqués sur le marché local)
• Différence mensuelle entre le budget prévu pour la nourriture et le budget réellement
alloué
• Différence mensuelle entre le budget prévu pour le combustible et le budget réellement
alloué
Consommation • Nombre de repas consommés par personne par jour
• Nombre de calories consommées par personne par jour
• Nombre de différents produits alimentaires consommés par personne par semaine
(diversité de l’alimentation)
• Nombre de jours pendant lesquels certaines denrées manquent dans la ration
pénitentiaire (bien qu’il existe un régime alimentaire officiel)
• Horaire des repas ou nombre d’heures s’écoulant entre les repas
• Nombre de détenus recevant intégralement la ration alimentaire fournie par leur famille
(c’est-à-dire sans que cette ration soit « taxée » par le personnel pénitentiaire et/ou par
des détenus puissants)
40
4. COMMENT CONDUIRE UN PROGRAMME D’ASSISTANCE
ALIMENTAIRE GÉNÉRALE (AAG) EN DÉTENTION
L’AAG est une intervention substitutive, menée en réponse à un système d’alimentation inapproprié
menaçant la vie des détenus. Sa mise en œuvre est indispensable lorsque le taux de MAG est égal ou
supérieur à 30%. L’AAG préserve la santé et la dignité des détenus.
Un programme d’AAG est mis en place de manière temporaire, en général pour une durée de 3 à
6 mois. Il est basé sur une évaluation appropriée, permettant d’identifier les causes de la malnutrition :
enquête anthropométrique, analyse de la chaîne alimentaire, entretiens avec des détenus, discussions
et collaboration étroite avec les AP.
Seuls des programmes ciblant les causes de malnutrition qui ont été identifiées (chaîne alimentaire ou
conditions de détention) peuvent assurer le succès d’une AAG. Ces programmes visent à remédier aux
problèmes qui ont conduit à mettre en place une AAG. De plus, ils encouragent les AP à prendre leurs
responsabilités : une telle responsabilisation est primordiale pour inciter les AP à prendre en charge sur
le long terme l’alimentation des détenus.
L’AAG – qui peut consister en une ration alimentaire complète ou partielle – est toujours donnée à
l’ensemble des détenus.
• La ration complète apporte 2,400 kcal par détenu et par jour. Le CICR fournit tous les
ingrédients nécessaires pour que la ration soit équilibrée (voir Tableaux 5 et 6) ;
• La ration partielle vient s’ajouter à la ration pénitentiaire pour atteindre le total de 2,400 kcal par
détenu et par jour. Pour que la ration finale soit équilibrée, les aliments provenant du CICR
complètent ceux qui sont fournis par les AP (voir Tableau 7).
13
Demander l’outil de comparaison des coûts aux nutritionnistes à Genève.
41
Tableau 5. Recommandations pour composer une ration équilibrée, OMS/FAO 2002
Composition Pourcentages
Nous rajoutons des légumes (200 g), des fruits, des épices et des condiments (sel enrichi
en iode).
Le tableau 6 (voir Livret 1, section 5.2) présente une liste des groupes d’aliments entrant dans la
composition d’une ration équilibrée. Le choix des produits est basé sur les habitudes culturelles, les prix
sur le marché local et la disponibilité saisonnière.
Tableau 6. Types et quantités d’aliments requis – par personne par jour – pour assurer un régime
alimentaire équilibré
Groupes d’aliments Quantités Exemples
recommandées
Aliments de base 400 g 400 g de riz (riz étuvé/parboiled de préférence), ou
Céréales et graines (riz, maïs, 350 g de farine de maïs + 50 g de farine de riz, ou
blé, etc.) 100 g de pain + 300 g de riz, ou
Produits céréaliers et farines 200 g de couscous + 200 g de pâtes, ou
(farine de maïs, farine de blé, 300 g de farine de maïs + 100 g de farine de manioc
couscous, pâtes, farine de
sorgho, pain, etc.)
Farine de tubercules ou
ou racines féculentes (farine de
manioc, farine d’igname, gari, 900 g au moins
etc.)
Attention : Tubercules frais La valeur nutritive des racines et tubercules frais est
(manioc, igname, taro, etc.) très faible par rapport à celle des céréales
Aliments protéinés 100 g obligatoire 150 g de haricots, ou
Légumineuses (haricots, soja, (150 g si unique 100 g de haricots + 50 g de poisson séché, ou
arachides, niébés, lentilles, pois source de 100 g de niébé + 50 g de pâte d’arachide
chiche, pois cassés) protéines)
100 g de haricots + 60 g de viande de bœuf, ou
Produits d’origine animale + 50 à 60 g 100 g de haricots + 30 g d’œuf + 30 g de poisson, ou
(viande, poisson, œufs, 100 g de niébé + 40 g de farine de soja + 20 g de lait
fromage) en poudre
Matière grasse : 50 g 50 g d’huile végétale enrichie en vitamine A, ou
25 g d’huile de palme enrichie en vitamine A
Huile enrichie en vitamine A, (éventuellement non raffinée) + 25 g d’huile végétale
margarine, ghee… enrichie en vitamine A, ou
20 g de margarine + 40 g d’huile végétale enrichie en
vitamine A
Légumes et fruits 200 g 100 g de chou + 100 g d’aubergine, ou
Légumes et fruits (en particulier 200 g de feuilles (patate, manioc, amarante, etc.), ou
les légumes à feuilles vertes et 100 g de gombo frais + 50 g d’oignon + 50 g de
les légumes et les fruits à tomate, ou
variétés à chair rouge ou 100 g de chou + 50 g de pomme de terre + 50 g de
orange) carotte, ou
150 g de feuilles de manioc + 50 g d’orange
Eléments de goût 4 g de sel iodé + 5 g de pate de tomate + 10 g
Sel iodé 4 g obligatoire d’oignon + 5 g de piment, ou
Sucre, pâte de tomate, cube En fonction des 20 g de sucre + 4 g de sel iodé + 2 g de cube Maggi +
Maggi, thé, piment, oignon et goûts 5 g d’oignon frais+ 5 g de tomate fraiche
tomate frais, épices…
42
Principes :
1. Le poids cité est celui des aliments crus ; les quantités indiquées sont par personne et par jour.
2. Tous les menus doivent se composer impérativement de :
un ou deux aliments de base + un ou deux aliments protéinés + une matière grasse + un ou deux
légumes et fruits + deux ou trois éléments de goût (sel iodé obligatoirement).
3. Toujours proposer deux ou trois menus afin d’assurer une plus grande diversité alimentaire sur la
semaine.
4. Toujours vérifier l’équilibre de la ration14, mais aussi sa faisabilité et son acceptabilité en fonction
du contexte.
5. Éviter les régimes mono-céréales ; si ce n’est pas possible, il convient d’ajouter
systématiquement :
a. des arachides si le régime alimentaire est uniquement basé sur le maïs ;
b. des arachides ou des haricots si le régime alimentaire est uniquement basé sur le riz
blanc (très usiné) ou sur la farine de manioc.
Le tableau 7 présente divers types d’aliments permettant de compléter la ration alimentaire pénitentiaire
si elle n’est pas équilibrée. L’objectif est de fournir une AAG partielle qui permette de rééquilibrer la
ration fournie par les AP tout en augmentant l’apport en kcal. Le rééquilibrage de la ration est calculé
par un nutritionniste à l’aide du logiciel NutVal.
Problèmes identifiés dans la ration Objectifs de l’AAG partielle Exemples de produits utilisés pour
pénitentiaire fournie par les AP rééquilibrer la ration pénitentiaire
La ration est équilibrée mais Augmenter l’apport énergétique pour Introduire un petit déjeuner de
n’apporte que 1,500 kcal atteindre 2,400 kcal par détenu et par SuperCereal
jour
Augmenter chaque ingrédient de la
ration (ex : riz, légumineuse et huile)
La ration n’a aucun goût, les Augmenter la palatabilité de la Concentré de tomates, sucre,
détenus la refusent nourriture distribuée et accroître épices, sel iodé
ainsi la consommation
14
Tester sur NutVal avec 2,400 kcal + énergie issue des protéines entre 10 et 15% et énergie issue des matières
grasses entre 15 et 30% (OMS/FAO 2002).
43
Il n’y a ni légumes ni fruits dans la Apporter des fruits et des légumes en Fruits, légumes, feuilles, oignons,
ration (des carences en créant une sauce riche en tomates, etc.
micronutriments peuvent être micronutriments
SuperCereal
suspectées)
Le plus souvent, la nourriture fournie dans le cadre d’un programme d’assistance alimentaire générale
(AAG) – complète ou partielle – est préparée sur place. Il faut donc évaluer préalablement :
a. La capacité de cuisson de la cuisine du LdD auquel l’AAG est destinée ; si cette capacité est
insuffisante pour préparer le nombre de repas requis, la préparation peut être externalisée pendant
la période des travaux entrepris pour augmenter la capacité de la cuisine.
b. Les besoins en ustensiles pour la distribution et la consommation des aliments, ainsi que les
besoins en eau et en combustible de chauffe ; ces besoins pourront être couverts par le CICR après
discussion du partage des approvisionnements avec les AP.
c. Du personnel supplémentaire peut être nécessaire pour augmenter les capacités de la cuisine ; le
CICR pourra contribuer à la rémunération du personnel (recruté, le plus souvent, par les AP).
NOTE IMPORTANTE :
Les programmes d’AAG sont mis en place pour prévenir la malnutrition ; en parallèle, des programmes de traitement de
la MAS et de la MAM sont mis en place (voir Chapitres 7 et 8).
Le suivi d’un programme d’assistance alimentaire générale (AAG) – complète ou partielle – peut
s’appuyer sur divers indicateurs de performance (voir Tableau 8).
Certains indicateurs sont liés à l’activité (par ex. le nombre de détenus qui reçoivent des repas, ou le
nombre de plats cuisinés) ; d’autres sont liés aux résultats et mesurent notamment l’impact de
l’intervention sur le taux de MAG.
Tableau 8. Exemples d’indicateurs utilisés pour assurer le suivi d’un programme d’AAG
44
• Nombre de produits alimentaires différents composant la ration d’AAG dont bénéficie chaque détenu (accès à la
nourriture/indicateur de consommation relatif à la qualité, c’est-à-dire à la diversité)
• Nombre de détenus recevant la ration d’AAG qui consomment directement > 90% du repas
Indicateurs liés aux résultats
• Taux et tendances de la MAG (les taux doivent baisser, sauf si les causes de la malnutrition sont liées non pas à
l’alimentation mais, par exemple, à des problèmes de santé non traités)
• Taux de mortalité et ses tendances
45
5. COMMENT CONDUIRE UN PROGRAMME D’ASSISTANCE
ALIMENTAIRE COMPLÉMENTAIRE (AAC)
L’AAC peut inclure tous les aliments nécessaires pour répondre aux besoins nutritionnels aux groupes
vulnérables identifiés. Le ou les produits alimentaires utilisés peuvent avoir une fonction nutritionnelle
spécifique, c’est-à-dire augmenter l’apport soit en kcal, soit en protéines, soit en micronutriments, etc.
(voir Livret 1, chapitre 7).
Les programmes d’AAC sont destinés aux détenus non malnutris. En effet, dès qu’un détenu est
diagnostiqué comme malnutri, il est enregistré dans un programme de traitement de la malnutrition
(MAS ou MAM).
Les bénéficiaires de cette assistance peuvent varier d’un pays à l’autre et d’un LdD à l’autre. Il convient
d’identifier les populations vulnérables dans un LdD spécifique.
Les personnes âgées sont parfois détenues en grand nombre pour des exactions commises des années
auparavant. Ces détenus peuvent être particulièrement vulnérables en raison soit de problèmes
dentaires rendant difficiles la mastication des aliments, soit d’un manque de combativité pour accéder
à la ration pénitentiaire.
Les mineurs incarcérés ont un grand besoin d’énergie lié à leur croissance. Leurs besoins dépassent
les 2,400 kcal (recommandation standard) pour atteindre 2,800 kcal.
46
• Femmes enceintes et allaitantes (FEA)
Les FEA ont besoin d’une ration journalière apportant 1,800 kcal pour les besoins énergétiques de
base + 350 kcal (femmes enceintes) ou + 500 kcal (femmes qui allaitent).
Si la ration pénitentiaire n’apporte pas le nombre de calories recommandé, les FEA bénéficient du
programme d’AAC.
Les FEA bénéficient du programme d’AAC pendant toute la durée de la grossesse et jusqu’au sixième
mois du nouveau-né (voir Figure 15). Cette période correspond à la durée minimale d’allaitement
maternel exclusif recommandée par l’OMS (voir Annexe 3).
Les FEA malnutries (PB < 230 mm) sont incluses dans le programme de traitement de la MAS (voir
Chapitre 7).
>>>>>>>>>>>>>>>>>>> >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>
L’annexe 3 présente de façon détaillée la conduite à tenir pour soutenir l’allaitement exclusif jusqu’au
sixième mois du nouveau-né, puis l’allaitement partiel jusqu’à l’âge de deux ans, avec l’introduction de
bouillies de sevrage. Les enfants de cet âge ont besoin d’une alimentation présentée en petits volumes
et très dense en énergie et nutriments. Leur alimentation doit être sous forme de bouillie.
La ration pénitentiaire est souvent inadaptée en raison de sa composition et de sa texture ainsi que de
la fréquence des distributions.
• Détenus mineurs
Les mineurs de sexe masculin âgés de 16 à 18 ans ont besoin d’au moins 2,800 kcal par jour. La ration
alimentaire des LdD ne fournit presque jamais ce niveau d’énergie. Les mineurs doivent être inclus dans
l’AAC.
47
• Détenus atteints de tuberculose (TB)
Les patients sous DOTS15 sont inclus dans l’AAC pendant À noter :
les six premiers mois du traitement antituberculeux. Cela
permet, d’une part, de réduire les effets secondaires des Les détenus atteints de tuberculose ou porteurs
du VIH ont des besoins en énergie augmentés
médicaments (voir Livret 1, Tableau 5) et, d’autre part,
de 20 à 100 %.
d’accroître l’adhérence des patients aux traitements.
• Détenus porteurs du VIH
Ces détenus sont inclus dans l’AAC pendant les deux premiers mois de la mise sous traitement
antirétroviral (ARV). Chaque contexte doit être évalué pour pouvoir déterminer la durée optimale de
l’AAC. Une période de deux mois est un minimum ; des périodes plus longues doivent être envisagées,
surtout lorsque l’apport de la ration pénitentiaire est faible. Pour mémoire, les patients souffrant de
VIH/sida ont des besoins énergétiques augmentés de 20 à 100%.
Les détenus souffrant d’infections ou de blessures graves peuvent être pris en charge sur le plan
nutritionnel de manière temporaire au cours de leur processus de guérison. Cette catégorie peut aussi
inclure des personnes souffrant de troubles mentaux, pour qui l’accès à la nourriture pourrait être
problématique. Les décisions quant à l’inclusion dans l’AAC et au type de régime alimentaire se
prennent au cas par cas.
À noter :
Après leur guérison et leur transfert du programme MAS au programme MAM, ils peuvent être inclus dans le programme
d’AAC s’ils remplissent toujours les critères d’admission.
Les indicateurs de suivi de programmes proposés pour l’AAG (voir Tableau 4) peuvent également être
utilisés pour les programmes d’AAC. Toutefois, les objectifs nutritionnels de l’AAC étant très spécifiques,
les indicateurs utilisés seront également très spécifiques (voir Tableau 9).
15
Directly Observed Treatment Short Course (DOTS) : Traitement de brève durée sous surveillance directe (les
patients doivent prendre leurs médicaments sous supervision médicale).
48
Tableau 9. Exemples d’indicateurs mesurables utilisés pour le suivi des programmes d’AAC
49
6. COMMENT CONDUIRE DES PROGRAMMES DE TRAITEMENT
DES CARENCES EN MICRONUTRIMENTS
En analysant le régime pénitentiaire, nous pouvons noter l’absence de certains aliments, ce qui peut
nous guider vers des carences précises (voir Tableau 10).
50
Tableau 10. Produits alimentaires alternatifs pouvant être introduits dans un régime pénitentiaire
Principal problème dans la … menant Produits alimentaires alternatifs
ration pénitentiaire … éventuellement à des à introduire dans la ration
carences en
micronutriments
Maïs constituant l’aliment de Carence en - Alternance régulière avec d’autres aliments de base
base vitamine B3 / pellagre - Ajout de légumes, de légumineuses (arachides, par
ex.) et/ou de noix
- Ajout d’aliments composés enrichis (SuperCereal)
Riz poli constituant l’aliment de Carence en - Alternance régulière avec d’autres aliments de base
base vitamine B1 / béribéri - Remplacement du riz poli par du riz étuvé16 ; ajout
de légumineuses, produits fermentés, riz/céréales
légèrement broyés
- Ajout d’aliments composés enrichis (SuperCereal)
Manque de fruits et légumes Carence en - Ajout de fruits/légumes frais, secs ou congelés,
vitamine C / scorbut céréales germées et légumineuses (+ foie)
Manque de fruits et légumes de Carence en - Ajout d’huile enrichie en vitamine A, légumes ou
couleur orange vitamine A fruits à chair orange
Quantité insuffisante Carence en fer / - Ajout de produits animaux (viande), mélanges de
d’aliments d’origine animale anémie farines enrichies (SuperCereal), légumes-feuilles de
couleur vert foncé
Exposition insuffisante à la Carence en - Exposition régulière (peau) à la lumière solaire dans
lumière solaire ; quantité vitamine D les zones en plein air du LdD
insuffisante d’aliments - Lait, foie, œufs, poissons gras
d’origine animale
La responsabilité des AP est, d’une part, de traiter tous les cas diagnostiqués et, d’autre part, de prévenir
l’apparition de carences en équilibrant la ration pénitentiaire.
De son côté, le CICR n’intervient que si les seuils d’intervention définis dans les Lignes de conduite
pour l’intervention du CICR en faveur des personnes privées de liberté en cas de problèmes
nutritionnels (2010), sont dépassés.
Le taux de mortalité n’est pas, en lui-même, un critère d’intervention, bien que certaines carences (le
béribéri, notamment) contribuent à un taux de mortalité élevé dans les LdD. Il ne fait aucun doute que
la prise en charge des carences en micronutriments est une priorité et qu’il n’y a pas lieu d’attendre
l’augmentation des taux de mortalité pour intervenir (voir l’arbre décisionnel présenté plus haut - Figure
6).
16
Le riz étuvé (parboiled) contient davantage de vitamines B que le riz « normal ».
51
6.2. Comment conduire des programmes de traitement des carences en
micronutriments
La difficulté de détecter les carences en micronutriments peut compliquer la prise en charge. Un grand
nombre de ces carences ne sont identifiées qu’à un stade déjà avancé : un programme de traitement
doit alors être immédiatement mis en place.
À noter :
Dans les situations graves, il est important de NE PAS attendre l’arrivée des médicaments de
l’étranger. Si les affections dues aux carences en micronutriments ne sont pas traitées, elles
peuvent être invalidantes et parfois mortelles.
Tableau 11. Traitement des carences en micronutriments les plus fréquentes dans les LdD
17
Étant donné que des vitamines liposolubles (vitamine A, vitamine D) et des micronutriments tels que le fer
sont utilisés pour lutter contre ces carences, la réponse au traitement prend de quelques semaines à plusieurs
mois.
52
Carence en Thiamine18 : Dans les cas de béribéri humide, la
vitamine B1 et • Forme grave19 réponse au traitement est habituellement
béribéri Thiamine (à libération lente, par voie intraveineuse spectaculaire (quelques jours). L’absence
ou intra musculaire), 100 à 200 mg/jour pendant de réponse au traitement est une
trois jours, puis indication que la personne ne souffre pas
100 mg par voie orale (1 cp de 50 mg deux fois par de béribéri.
jour) pendant deux semaines, puis Dans les cas de béribéri sec, la réponse au
50 mg par voie orale une fois par jour. traitement tend à être plus lente.
Durée totale du traitement : 6 semaines
• Autres formes
Thiamine par voie orale 100 mg (50 mg deux fois par
jour) pendant une semaine, puis 50 mg par voie
orale une fois par jour pendant cinq semaines
Carence en Nicotinamide par voie orale : Nicotinamide (vitamine PP) comprimé de
vitamine B3 et 300 à 500 mg/jour en deux ou trois doses pendant 50 mg : 6 à 10 comprimés par jour en deux
pellagre trois à quatre semaines ou trois doses.
Carence en Acide ascorbique par voie orale20 : Acide ascorbique : comprimés de 500 mg.
vitamine C et Adultes/adolescents :
scorbut - 1 000 mg/jour en deux doses pendant une à deux
semaines, puis
- traitement préventif : apport de 50 à 100 mg par
une alimentation adéquate
À noter :
Quand des cas de carences sont dépistés dans un LdD, c’est qu’il manque un ou plusieurs micronutriments dans le régime
alimentaire pénitentiaire. Les symptômes de certaines carences peuvent être moins visibles, mais il est important de les
rechercher avant de définir une stratégie appropriée de lutte contre les carences en micronutriments.
18
Le traitement par la thiamine est également utilisé pour confirmer le diagnostic car la réponse au traitement
intervient alors en quelques heures ou quelques jours, comme dans le cas de toutes les vitamines solubles dans
l’eau. Il n’a pas d’effets toxiques connus lorsqu’il est administré par voie orale. Le traitement des mères qui
allaitent empêche la maladie de se développer chez les enfants nourris au sein.
19
Avec des symptômes cardiaques et/ou l’incapacité de se tenir debout ou de marcher.
20
La réponse à un traitement par l’acide ascorbique intervient en quelques heures ou quelques jours (comme
dans le cas d’autres vitamines solubles dans l’eau).
53
• Introduction – pour tous les détenus du LdD – d’un supplément nutritionnel qui apportera
l’ensemble des vitamines et minéraux nécessaires à un adulte :
- Bouillie de SuperCereal (voir Annexe 1),
- Rajout du QBmix® dans la sauce de la ration pénitentiaire (voir Annexe 2),
- Comprimé quotidien de multi-micronutriments, appelé UNIMAP (voir Annexe 1).
Dans une région en proie à des combats, plusieurs LdD n’avaient pas suffisamment de nourriture fraîche pour les
détenus. Peu de légumes ou de fruits étaient disponibles dans les environs. Le début de l’hiver a encore aggravé la
situation.
Les AP ont informé le CICR qu’elles suspectaient certaines carences en micronutriments. Pour des raisons logistiques, il
était impossible au CICR de fournir des aliments autres que des produits secs ou en conserve. De plus, de nombreux
aliments transformés sont pauvres en vitamine C (ils sont soumis à la chaleur, ce qui détruit la vitamine C).
Dans ce contexte, les comprimés de multi-micronutriments ont constitué une excellente solution temporaire
permettant d’éviter la dégradation de la situation nutritionnelle de l’ensemble des détenus.
Dans un LdD, de nombreux détenus se plaignaient de problèmes de vision au coucher du soleil et à l’aube. Sur la base
d’une analyse de la ration pénitentiaire et de ces symptômes, une carence en vitamine A était suspectée mais non
confirmée individuellement. Quelques détenus présentaient cependant des taches de Bitot (voir Livret 1, Annexe 13).
Il a fallu prévenir la détérioration de la situation en améliorant la ration pénitentiaire (ajout d’huile enrichie en
vitamine A).
Parallèlement, une action a été entreprise pour dépister, diagnostiquer et traiter les détenus carencés. Une
supplémentation en QBmix® a été introduite (ajout dans la sauce de la ration pénitentiaire).
Une discussion a été engagée avec les AP sur la façon dont la teneur en vitamine A de la ration pénitentiaire pourrait
être augmentée de manière durable.
1. Apporter un appui à l’éducation nutritionnelle du personnel dans les LdD où les carences en
micronutriments résultent non pas d’un manque de moyens, mais de connaissances insuffisantes
de la part des AP ;
2. Promouvoir le jardinage / la production vivrière21 ;
3. Soutenir des projets générateurs de revenus, permettant aux détenus et/ou aux AP d’acheter des
produits frais et d’améliorer la qualité de la nourriture consommée.
21
La production vivrière dans un LdD conduit à une consommation accrue d’aliments de base, mais contribue
rarement à une augmentation de l’apport en micronutriments. Le choix des cultures vivrières devrait,
idéalement, se concentrer sur les aliments hautement nutritifs (légumes, haricots et fruits, notamment).
54
Les deux derniers types de soutien peuvent constituer des mesures préventives s’inscrivant dans la
durée ; un contrôle est toutefois nécessaire pour déterminer qui en bénéficie vraiment sur le plan
nutritionnel.
Dans tout contexte où il apparaît clairement que les carences en micronutriments sont endémiques,
leur prévalence doit être réduite par le biais de programmes de prévention visant à atteindre, au
minimum, des niveaux acceptables pour la région.
Une attention particulière doit être portée à l’arrêt progressif des programmes d’assistance alimentaire
générale (AAG).
Dans un LdD, au Niger, certains détenus se plaignaient de plusieurs maux (jambes dures ou enflées, ecchymoses spontanées)
pouvant être des signes de scorbut. La ration pénitentiaire était effectivement très pauvre en vitamine C. Le CICR a approché
les AP et les services du gouvernement et leur a suggéré d’améliorer le régime alimentaire dans les LdD. L’une des suggestions
consistait à inclure pour chaque détenu, une fois par semaine, une portion de fruit (contenant de la vitamine C). Les AP ont
accepté cette suggestion mais ont acheté – et livré – en une seule fois la quantité de fruits prévue pour couvrir les besoins de
tous les détenus pendant un mois. Les fruits étant périssables, les AP ont décidé de les distribuer immédiatement aux
détenus : les fruits ont donc été consommés en quelques jours et de nombreux détenus ont souffert de diarrhée. La mesure
préventive a donc échoué (la vitamine C doit être consommée régulièrement, car une forte consommation soudaine aboutit à
l’élimination de la vitamine C dans le corps ; contrairement à d’autres vitamines, la vitamine C ne peut pas être stockée par le
corps pendant de longues périodes). Les AP ont eu la volonté de prendre des mesures, mais un malentendu est
manifestement survenu entre elles et le CICR quant à la manière de prévenir le scorbut.
Les carences en micronutriments constituent un phénomène fréquent dans les LdD. Tout le spectre de
ces déficiences peut s’y rencontrer : scorbut (vitamine C), pellagre (niacine), béribéri (vitamine B1 /
thiamine), carence en vitamine (B2 / riboflavine) et carence en vitamine A. Ces affections ne sont pas
faciles à détecter, alors que certaines carences en micronutriments sont potentiellement mortelles.
55
Exemple de réponse nutritionnelle du CICR à des flambées répétées de béribéri
En 2010, le CICR travaillait dans un LdD où éclataient régulièrement (surtout en été) des flambées de béribéri. Ces
flambées survenaient souvent après de longues périodes où la ration pénitentiaire avait probablement été
composée exclusivement de riz, sans autres aliments. En juillet 2010, le CICR a introduit le QBmix®® pour éviter
qu’une nouvelle flambée de béribéri ne survienne.
Il a fallu trois mois pour que le QBmix®® arrive à la délégation. Malheureusement, en septembre, 10% de la
population carcérale totale présentaient des symptômes du béribéri. L’un des bâtiments du LdD a été plus
particulièrement touché car l’accès aux soins de santé y était réduit. Parmi les détenus souffrant de béribéri,
<10% étaient en situation de malnutrition aiguë. La réponse initiale du CICR a consisté à recommander
l’administration de thiamine par voie orale à tous les détenus présentant des symptômes du béribéri.
En novembre 2010, le QBmix®® a été utilisé dans les rations pénitentiaires pendant deux semaines ; tous les
détenus en ont bénéficié. Grâce à cette approche, le CICR a probablement traité des cas supplémentaires qui ne
présentaient pas de symptômes clairs du béribéri et empêché l’apparition de nouveaux cas.
Une amélioration de la ration alimentaire des détenus (ajout de haricots) a ensuite été conseillée aux AP.
Pour contrôler l’efficacité de l’intervention, l’indicateur le plus important est le taux de réponse au
traitement (le diagnostic ne pouvant pas toujours être établi avec une certitude de 100%). La prise en
charge des carences en micronutriments nécessite à la fois un traitement médical et le suivi individuel
du patient. Les carences en micronutriments pouvant être, ou devenir, une affection invalidante
(potentiellement mortelle), une surveillance au quotidien du patient est indispensable. L’efficacité du
traitement augmente lorsque la prise du traitement par chaque patient a lieu « sous observation
directe ». Le suivi individuel des patients est particulièrement important pour détecter les cas de non-
réponse au traitement.
• Le patient a-t-il pris le traitement sous observation directe du personnel compétent et désigné ?
• La posologie et la durée du traitement ont-elles été correctement calculées ; le traitement a-t-il été
administré comme prévu ?
• D’autres maladies sous-jacentes pourraient-elles masquer les effets du traitement ?
• Le diagnostic a-t-il été correctement posé ? Le patient présente-t-il simultanément une autre
pathologie et/ou plus d’une carence en micronutriments ?
Les programmes de traitement des carences en micronutriments sont relativement coûteux car ils
nécessitent un suivi intensif et, parfois, l’utilisation de produits injectables.
56
Tableau 12. Indicateurs mesurables pour le suivi des programmes de traitement des carences en
micronutriments
Indicateurs liés à l’activité
Nombre de détenus recevant un ou plusieurs traitements des carences en micronutriments par rapport à la population
carcérale totale
Nombre de comprimés de micronutriments (ou de produits injectables) fournis au LdD
Coût du traitement dispensé par détenu guéri
Nombre de nouvelles admissions dans le programme de traitement des carences en micronutriments
Nombre de détenus guéris parmi tous ceux qui ont bénéficié d’un traitement des carences en micronutriments
Pourcentage de la population carcérale qui a reçu la prévention en micronutriments
Nombre de produits de prévention (QBmix®, UNIMAP, kg de haricots, etc.) distribués au LdD
Indicateurs liés aux résultats
Prévalence et tendances des carences en micronutriments (une baisse intervient si la ration pénitentiaire est améliorée et
si le traitement des carences en micronutriments est correctement administré).
Les seules exceptions sont : a) si tous les nouveaux cas sont des détenus nouvellement arrivés souffrant de carences
préexistantes ; b) si une carence en micronutriments est causée par une maladie (par ex. : carence en fer liée au paludisme).
Incidence des carences en micronutriments (nouveaux cas)
Le taux de mortalité et ses tendances
Nombre de rechutes parmi les patients (si le traitement est correctement administré et si la ration pénitentiaire couvre
100% des besoins en nutriments, le nombre de rechutes devrait être faible).
Pour en savoir plus sur le suivi des programmes de traitement des carences en micronutriments, voir
le Chapitre 13.
57
Existe-t-il une relation entre les carences en micronutriments et la saisonnalité ?
Dès qu’une certaine monotonie alimentaire s’installe dans un LdD, le risque d’apparition de carences en
micronutriments – déficit en vitamines B ou C (vitamines hydrosolubles très peu stockées par le corps), notamment –
augmente généralement en une à quatre semaines lorsque l’alimentation était déjà carencée, et dans les deux à trois
mois lorsque le régime alimentaire était normal.
Des investigations doivent toujours être menées pour déterminer si les flambées de béribéri ou de scorbut constituent
des phénomènes saisonniers (annuels) auxquels l’on doit s’attendre.
- Monotonie de l’alimentation : elle peut s’installer quand le prix de certaines denrées alimentaires
augmente avant la saison des récoltes (période de soudure) ; la hausse des prix peut causer une
diminution de la diversité de l’alimentation ainsi qu’un accès réduit à une nourriture de qualité.
- Pénurie de certains produits : ce phénomène peut être temporaire et provoqué par des problèmes de
transport dus au prix des carburants, à des barrières physiques (neige, inondations), à des sanctions ou
embargos, etc. ; certains de ces obstacles sont saisonniers.
- Monotonie de la ration pénitentiaire : elle peut être due à des contraintes budgétaires ; seul l’aliment de
base le moins cher est acheté et, souvent, un ou deux produits seulement y sont ajoutés. Ces contraintes
peuvent être saisonnières et se manifester à la fin de l’exercice budgétaire, à la fin d’un trimestre ou au
début de l’année budgétaire, quand les fonds n’ont pas encore été « physiquement » libérés.
Par exemple, certaines régions de l’Afghanistan sont régulièrement frappées par des épidémies de scorbut au
printemps ; cela est dû à la longueur de l’hiver, période pendant laquelle les voies de communication sont enneigées
et les transports restreints ; l’accès à des aliments frais reste limité pendant une période prolongée.
Donc, OUI, il est possible qu’il y ait une saisonnalité des carences en micronutriments ; il est donc également possible
de prévenir ces carences ! Par conséquent, qui dit « saisonnalité » de ces carences dit aussi « devoir de les prévenir ! »
58
7. COMMENT DÉFINIR UN PROGRAMME DE TRAITEMENT DE
LA MALNUTRITION AIGUË MODÉRÉE (MAM) ET DE LA
MALNUTRITION AIGUË SÉVÈRE (MAS)
Programmes de traitement de la malnutrition aiguë – modérée (MAM) ou sévère (MAS) – et/ou programmes de
soins de santé
Le type de programme nutritionnel mis en place pour lutter contre la malnutrition aiguë peut varier en fonction des
causes de la malnutrition.
- Si la plupart des cas de malnutrition sont dus au manque de nourriture, la stratégie la plus appropriée est
de combiner programmes de traitement de la malnutrition (MAS +/- MAM) et programmes d’assistance
alimentaire (ces derniers étant destinés à prévenir la malnutrition).
- Si la plupart des cas de malnutrition sont dus à une maladie (VIH, TB ou paludisme), la stratégie la plus
appropriée consiste à lutter contre ces maladies et à les traiter ; en d’autres termes, un programme de soins
de santé visant à améliorer le dépistage, le diagnostic et le traitement des maladies devra être mis en place
parallèlement au programme de traitement de la malnutrition (MAS +/- MAM).
Le Livret 2 fournit des orientations sur la manière d’évaluer les causes de malnutrition en milieu carcéral.
Le présent chapitre décrit la manière dont la malnutrition est prise en charge : le traitement est le même
quelle que soit la cause de la malnutrition. Des stratégies parallèles sont souvent nécessaires pour
prévenir la malnutrition, ou empêcher que la situation nutritionnelle se dégrade dans un LdD.
La figure 16 décrit les critères d’admission dans les programmes de traitement de la malnutrition ; la
figure 17 décrit les critères de décharge (sortie) de ces programmes.
Figure 16. Critères d’admission dans les programmes de traitement de la malnutrition aiguë
Critères d’admission
Programmes de traitement
Malnutrition aiguë
59
Figure 17. Critères de décharge des programmes de traitement de la malnutrition aiguë
Critères de décharge
Programmes de traitement
Malnutrition aiguë
* 6 mois après l'accouchement, l'IMC remplace le PB pour l'admission dans les programmes
Les femmes enceintes et allaitantes (FEA) constituent un groupe peu présent dans les LdD, mais très
important en termes de nutrition. En effet, la nutrition de la femme et celle de son enfant à naître sont
étroitement liées et contribuent grandement au cycle intergénérationnel de la malnutrition.
Le périmètre brachial (PB) est le seul critère utilisé pour identifier la malnutrition chez les FEA. Nous
savons qu’avec un PB inférieur à 230 mm, des évènements indésirables se produisent (enfant avec un
petit poids de naissance, naissance avant terme, risques d’anémie, etc.).
Par contre, il n’existe pas de critère permettant de différencier la MAS et la MAM chez les FEA. Nous
avons donc décidé d’inclure toutes les FEA dans les programmes de traitement de la MAS qui sont bien
plus fréquents dans les LdD que les programmes de traitement de la MAM.
Quand une FEA est malnutrie (PB < 230 mm), elle est prise en charge dans le programme de traitement
de la MAS ; quand elle n’est pas malnutrie (PB > 230 mm), elle est suivie dans le cadre du programme
d’AAC si la ration pénitentiaire est inférieure à 2,400 kcal (voir la Section 5.2).
La figure 18, ci-dessous, présente l’arbre décisionnel relatif à la prise en charge des différentes
catégories de FEA.
60
Figure 18 : Arbre décisionnel relatif à l’admission des FEA dans les programmes
d’alimentation / de nutrition en fonction de leur état nutritionnel
L'accès aux soins obstétriques est L'accès aux soins obstétriques est
OBLIGATOIRE OBLIGATOIRE
OUI NON
À noter
On devrait prendre les mesures d'IMC 6 mois après l'accouchement et agir si IMC < 18,5kg/m2 selon le protocole
standard. Dans ce cas, on ne mesure plus le PB.
61
8. COMMENT CONDUIRE UN PROGRAMME DE TRAITEMENT DE
LA MALNUTRITION AIGUË MODÉRÉE (MAM)
Le programme de traitement de la MAM a inévitablement une incidence sur l’organisation du LdD. Dans
certains contextes, la direction du LdD préfère rassembler dans une cellule ou un bloc spécifique les
détenus souffrant de malnutrition. Cela peut faciliter à la fois leur prise en charge et leur supervision,
surtout dans les LdD où le personnel de surveillance est peu motivé.
Les détenus en situation de MAM (« détenus MAM ») peuvent également être laissés dans leurs cellules
ou blocs habituels : ils seront uniquement transférés pendant les heures de traitement dans une section
séparée, où ils recevront des aliments spécifiques.
La MAM doit être traitée, mais pas nécessairement par le CICR. Idéalement, la prise en charge des
détenus malnutris devrait être assurée par le personnel de santé du LdD et/ou par des organisations
locales, avec ou sans le soutien du CICR. De fait, plus les AP et les ministères de la Justice et de la
Santé sont impliqués, mieux cela vaut. L’action du principal acteur (quel qu’il soit) doit être guidée par
certains principes, énumérés ci-dessous.
Dans le cadre des programmes de traitement de la MAM, des aliments riches en nutriments doivent
être fournis en supplément, pour compléter la ration alimentaire journalière des détenus.
62
Les principes suivants devraient guider le choix des composants de la ration MAM :
• La ration MAM apporte une quantité variable de kcal, en fonction de la valeur calorique du repas
principal servi dans le LdD ; le CICR s’efforce de faire en sorte que chaque bénéficiaire du
programme reçoive au total 3,000 kcal/jour (ration pénitentiaire et supplément).
• La ration/le repas MAM s’ajoute à la ration alimentaire journalière du LdD ; les détenus souffrant de
malnutrition ne doivent jamais être exclus du repas principal servi dans leur LdD.
• La nourriture est appétissante et culturellement acceptable.
• Si des aliments secs sont fournis, suffisamment d’ustensiles de cuisine et de combustible doivent
aussi être fournis.
• La préparation des aliments peut avoir lieu à l’intérieur ou à l’extérieur du LdD.
Face à une forte prévalence de la MAG dans un LdD au Niger, le CICR et les AP ont décidé de mettre en place un
programme de traitement nutritionnel de la MAM : un repas supplémentaire est servi chaque jour (125 g de riz, 125 g
de niébé, 30 g de fruits, 20 ml d’huile enrichie en vitamine A, 5 g de sel iodé et 1 comprimé par jour de multi-
micronutriments). Une telle ration MAM fournit 1,000 kcal, deux tiers des protéines requises par un adulte et 100 %
des principaux micronutriments nécessaires.
Idéalement, une alimentation « normale », adéquate sur le plan nutritionnel, devrait être utilisée dans
le cadre du traitement de la MAM. Les raisons sont les suivantes :
• La nourriture normale constitue souvent l’option la moins coûteuse pour le traitement de la MAM
mais, en ce cas, la récupération des patients MAM prend davantage de temps que lorsque des
produits supplémentaires sont utilisés.
• L’emploi de produits supplémentaires (ASPE ou SuperCereal) n’est pas une solution viable à long
terme. Lorsque le CICR se retire du programme initialement mis en place, un ajustement du
supplément donné est indispensable car les AP ont souvent de la difficulté à obtenir ces produits –
plus chers et devant être importés – pour le traitement de la MAM (voir Annexe 1).
• La malnutrition dans les LdD est souvent due à des rations pénitentiaires inadéquates. Si de la
nourriture normale est utilisée pour le traitement de la MAM, l’ensemble de la chaîne alimentaire
peut être progressivement amélioré, la préparation des « repas MAM » nécessitant les mêmes
infrastructures et le même personnel que celle des repas normaux. La mise en place
d’infrastructures adéquates pour la préparation des repas aura donc un impact positif sur la chaîne
alimentaire dans son ensemble (améliorations en termes de capacité de cuisson, stockage, calcul
des besoins alimentaires, hygiène, etc.).
Toutefois, dans certaines situations, des produits spéciaux sont nécessaires : par exemple, lorsque la
capacité de cuisson est insuffisante, ou lorsqu’une action immédiate s’impose et que certains produits
spéciaux sont faciles à se procurer (étant, par exemple, utilisés dans des programmes mis en place
pour la population civile). Les décisions quant aux produits les plus appropriés doivent être prises par
une équipe pluridisciplinaire. Il convient de tenir compte de plusieurs éléments, à savoir notamment :
rapidité de la mise à disposition de ces produits ; pertinence par rapport au contexte du LdD ; décision
63
de viser (ou non) la durabilité ; prix et budget disponible ; niveau de compétence existant dans le LdD
pour mettre le programme en place, puis pour en assurer la surveillance ; possibilité, pour le CICR, de
superviser le programme ; nombre de détenus en situation de MAM et niveau d’accès à ces détenus ;
niveau de sécurité/d’insécurité dans le LdD ; composition de la ration pénitentiaire ; ampleur des
problèmes de santé et d’accès aux soins de santé ; capacité de cuisson ; volonté et capacité du
personnel du LdD de s’engager dans le traitement de la MAM ; expériences précédentes du CICR dans
le LdD en question, etc.
À noter :
Il n’existe pas de ration-type pour le traitement de la MAM.
La composition de la « ration MAM » varie en fonction de la nourriture fournie par le LdD concerné, ainsi que du contexte
spécifique de ce LdD. Ce qui constitue « une bonne ration MAM » dans un LdD donné n’est pas nécessairement « la bonne
ration MAM » dans un autre. L’important, c’est que les produits alimentaires choisis pour le traitement de la MAM et la ration
alimentaire journalière du LdD procurent ensemble tous les nutriments et les calories nécessaires.
Le choix du traitement médical systématique doit être discuté avec les nutritionnistes à Genève.
Tous les patients atteints de maladies spécifiques devront être traités pour ces pathologies.
64
Tableau 14. Traitement médical systématique de la MAM
Option 4 : Traitement nutritionnel basé sur la nourriture locale, de la vitamine A et du Fer/acide folique
Traitement Dose Notes
Traitement Albendazole : 400 mg, en une seule dose, Les médicaments antihelminthiques ne sont
antihelminthique à l’admission pas recommandés pour les femmes enceintes
pendant les trois premiers mois de grossesse.
Prévention de la Vitamine A : 200,000 IU en dose unique à Ne sont pas donnés aux femmes enceintes sauf
carence en l’admission à l’accouchement ou dans les deux mois
vitamine A suivants.
Fer et Acide folique 200 mg de fer En cas d’anémie, traiter l’anémie et sa cause
FERFOL + 400 µg d’acide folique (paludisme, par exemple)
A l’admission, puis une fois par semaine
pendant quatre semaines
La MAM n’est pas une maladie qui met immédiatement en danger la vie du patient. Un suivi quotidien
ne s’impose donc pas.
65
appartenant à l’administration pénitentiaire, ou par des bénévoles. L’annexe 4 présente un spécimen
de formulaire employé pour la surveillance des distributions et de la consommation des suppléments.
8.2.1. Principaux indicateurs utilisés pour le suivi individuel des patients dans les
programmes de traitement de la MAM
Les indicateurs ci-dessous sont utilisés à la fois dans les programmes de traitement de la MAM et de la
MAS. Pour éviter les répétitions, ils sont expliqués en détails dans le présent chapitre.
Gain de poids :
Le principal indicateur de suivi individuel des patients MAM/MAS est le gain de poids.
Bien qu’aucune norme n’ait été établie quant au gain de poids souhaitable pour les adultes, la base de
données du CICR (MAD DET) donne les indications suivantes :
Durée de séjour :
La durée de séjour dans le programme de traitement de la MAM/MAS est estimée en moyenne à moins
de trois mois. D’expérience, en se basant sur les données MAD DET :
À noter :
Le gain de poids et la durée de séjour sont calculés sous forme de moyenne pour l’ensemble des patients guéris. Rien n’est
considéré en termes individuels car, d’un individu à l’autre, les variations de gain de poids et de durée de séjour sont grandes.
Le gain de poids et la durée de séjour sont liés : en principe, plus le gain de poids moyen est élevé, plus
la durée de séjour moyenne est courte. Un gain de poids faible et une durée de traitement longue sont
le signe d’un problème de prise en charge (comme, par exemple, le manque de supervision, la
nourriture partagée, ou fournie en quantité insuffisante, etc.).
Les problèmes d’ordre médical influencent aussi ces indicateurs. Quand les maladies sous-jacentes à
la malnutrition (VIH, tuberculose ou affections chroniques) ne sont pas traitées, les résultats du
programme de traitement de la MAM sont médiocres.
L’annexe 5 présente un outil Excel permettant de calculer le gain de poids moyen et la durée de séjour
moyenne, ainsi que des exemples du mode de calcul du gain de poids.
66
8.2.2. Définition des termes utilisés dans les programmes de traitement de la
malnutrition (MAM et MAS)
Le tableau 15 présente les définitions utilisées dans les programmes de traitement de la malnutrition
(MAM et MAS).
Le suivi de tout programme de traitement de la MAM doit s’appuyer sur des indicateurs de base ; il n’est
pas toujours possible de faire rapport sur l’ensemble des indicateurs, car cela dépend de plusieurs
éléments : capacité et expertise du personnel, fréquence d’accès au LdD, existence d’un traitement de
la MAS, etc. Une description détaillée des indicateurs de performance et de la manière de les mesurer
figure dans le chapitre 13.
Tableau 15. Définitions utilisées dans les programmes de traitement de la malnutrition (MAM et MAS)
Nouvelle admission Nouveau patient n’ayant encore jamais participé au programme ou patient sorti du programme plus
(NA) de deux mois auparavant
Rechute (RE) Patient qui est sorti du programme – guéri – mais qui est à nouveau en situation de malnutrition dans
les deux mois après être sorti guéri du programme
Réadmission (RÉA) Patient ayant abandonné le programme mais qui y revient dans les deux mois suivant son abandon
et qui est toujours en situation de MAM
Guérison (G) Patient ayant atteint les critères de décharge du programme
Décès (D) Patient décédé pendant la période où il participait au programme (quelle que soit la cause de son
décès)
Non-réponse (NR) Patient qui n’atteint pas les critères de sortie après trois mois de programme alors qu’un examen
médical approfondi effectué pendant les semaines 8 à 10 n’a révélé aucune maladie sous-jacente
Abandon (AB) Patient absent du programme et/ou qui a refusé de suivre le traitement lors de deux pesées
consécutives sans l’accord du personnel
Libération (L) Patient libéré, ce qui signifie l’arrêt du traitement nutritionnel suivi dans le LdD
67
Pourquoi il est important d’être attentif aux « RECHUTES »
Un patient guéri et sorti du programme au cours des deux derniers mois peut redevenir malnutri : il doit alors être réadmis
(en tant que « rechute ») dans le programme nutritionnel.
• La ration alimentaire du LdD est de mauvaise qualité et les détenus développent de la malnutrition ;
• Les détenus veulent délibérément être réadmis dans le programme nutritionnel pour obtenir de la nourriture de bonne
qualité. Ils perdent du poids rapidement pour satisfaire à nouveau aux critères d’admission ;
• Les détenus guéris sont stigmatisés et sont privés de nourriture ou forcés de faire des corvées ;
• Les maladies sous-jacentes ne sont pas diagnostiquées et traitées.
Si des détenus rechutent régulièrement, on parle d’un « effet yo-yo » : le détenu perd du poids, gagne du poids, reperd du
poids et alterne les entrées et les sorties du programme. Ce phénomène comporte des risques pour la santé ; il convient d’en
prévenir l’apparition ou de le détecter au plus vite.
Il est également possible que les problèmes de la chaîne alimentaire n’aient pas été traités de manière efficace. La
participation active de la direction du LdD est requise à plusieurs niveaux pour résoudre les problèmes (examen et analyse
des causes ; identification de solutions ; conception et mise en œuvre des options choisies ; enfin, contrôle des résultats). La
non-implication des AP conduit presque sûrement au maintien de l’ « effet yo-yo ».
68
8.2.3. Raisons potentielles de non-réponse au traitement de la MAM
En général, les patients MAM (adolescents et adultes) devraient se rétablir après deux mois de
traitement ; aucune preuve claire ne vient cependant étayer cette affirmation.
Chez les adultes, l’absence de réponse au traitement est habituellement due soit à une maladie sous-
jacente non dépistée (TB ou VIH, par exemple), soit à un apport alimentaire insuffisant, soit encore au
partage (volontaire ou forcé) de la nourriture avec d’autres personnes. Le tableau 16 présente une
liste des principales causes possibles de non-réponse au traitement.
Les détenus admis dans des programmes de traitement de la MAM qui ne répondent pas au traitement doivent être
examinés entre la 8ème et la 10ème semaine après le début de leur traitement afin de détecter d’éventuels problèmes de
santé sous-jacents. Si aucune affection ou maladie sous-jacente n’est détectée, et si ces détenus ne remplissent pas encore
les critères de décharge, ils peuvent être exclus en tant que non-répondants (12ème semaine du traitement).
Si leur IMC se situe entre 16 et 17 kg/m2, ils peuvent réintégrer le programme de traitement de la MAM en tant que
« nouvelle admission ». Si, pendant une deuxième période de traitement, ils ne répondent toujours pas au traitement de la
MAM alors qu’aucune maladie sous-jacente n’a été diagnostiquée, ils peuvent être à nouveau exclus et n’être réadmis dans
un programme de traitement de la malnutrition que lorsqu’ils répondront aux critères d’admission en tant que « patients
MAS ».
Les « patients MAM » doivent être encouragés à s’alimenter pour récupérer et ils doivent recevoir des informations sur les
procédures d’inclusion et d’exclusion du programme. Il convient de rechercher toutes les raisons possibles de non-réponse
au traitement et de discuter avec toutes les parties concernées.
Il peut aussi être utile de laisser s’écouler tout un mois entre la première sortie du programme et la deuxième admission :
cela permet d’exclure l’éventualité d’un commerce des produits de traitement de la MAM de la part d’un détenu habilité à
les recevoir. Si un commerce existe bel et bien, l’état du détenu ne va probablement pas se dégrader en l’espace de quelques
semaines.
Il faut aussi envisager certains problèmes tels que la toxicomanie, par exemple, ou la pression exercée par des détenus et/ou
des gardes qui empêchent les patients de consommer les produits de traitement.
La direction du LdD devrait être activement impliquée dans l’élaboration des procédures qui permettront
de réaliser le programme sur la base des conseils d’un nutritionniste quant aux pratiques mises en
œuvre avec succès dans d’autres environnements similaires.
Il est important que le personnel du LdD reçoive une formation appropriée. S’il connaît et comprend les
bases d’un programme de traitement de la MAM, chaque membre du personnel pourra appuyer et
appliquer toute modification des procédures opérationnelles ayant une incidence sur son propre rôle.
Une telle formation maximalise la probabilité que le programme se déroule ensuite comme prévu.
70
Tableau 17. Exemple de procédures de traitement de la MAM et de la MAS, étape par étape
Procédure Justification
Prise de mesures anthropométriques à l’admission : Identifier les patients et les orienter
• Contrôler la présence/l’absence d’un œdème nutritionnel vers le programme de traitement
• Mesurer le poids et la taille adapté
• Calculer le rapport poids/taille (P/T) ou l’IMC
• Mesurer le PB (FEA)
• Faire le test de l’appétit pour les patients MAS
• Décider de l’admission dans un programme de traitement (MAM,
MAS ou carences en micronutriments)
• Référer le patient à un clinicien pour un examen médical complet22
Enregistrement à l’admission : Le système d’enregistrement permet
• Remplir le registre et la fiche individuelle de suivi23 (voir Annexes 6, 7 et 8) de gérer les patients, d’assurer les
• Prescrire le traitement médical systématique approvisionnements et de fournir les
• Expliquer le fonctionnement et les principes du traitement informations de suivi (voir Chapitre 13).
Quotidiennement : Il faut détecter à temps les abandons
§ Noter la présence dans le registre (X = présent, O = absent) potentiels. Ces patients sont contactés
§ Administrer le traitement nutritionnel et médical pour discuter et trouver des solutions
§ Noter les informations importantes (voir Annexes 7 et 8) aux problèmes rencontrés.
Une fois par semaine pour les MAS et toutes les deux semaines pour les Dès la 8ème semaine, il faut détecter les
MAM : non-répondants afin de déterminer les
§ Contrôler le poids et la présence/l’absence d’œdème causes de non-réponse et y remédier.
§ Demander quel est leur niveau d’appétit (patients MAS)
§ Déterminer qui sont les « non-répondants »
§ Accomplir la procédure de sortie des patients guéris
A la sortie :
- Enregistrer le poids, la taille, le rapport P/T ou l’IMC et/ou le PB sur la fiche Ces informations servent au suivi du
individuelle de suivi et le registre (voir Annexe 6) programme.
• Noter la date et le type de sortie (voir Tableau 23)
Le suivi et l’évaluation des programmes de traitement de la MAM sont décrits dans le chapitre 13.
22
Un examen clinique complet doit avoir lieu à l’admission dans le programme de traitement de la malnutrition,
puis une fois par semaine pour les patients MAS et toutes les deux semaines pour les patients MAM. Toutes les
informations sont enregistrées sur la fiche individuelle de suivi (obligatoire pour les patients MAS). Les signes
suivants doivent être pris en compte lors de l’examen médical :
- Cheveux : raides, roux
- Yeux : conjonctives pâles, taches de Bitot, ulcères de la cornée (carence en vitamine A)
- Bouche : mycoses, saignements ou inflammation (possible carence en vitamine C)
- Abdomen : hépato-splénomégalie, distension abdominale, déshydratation
- Articulations : inflammation, déformation
- Peau : lésions dues à un œdème nutritionnel, gale, mycoses, signes de pellagre (carence en niacine)
- Autres : tachycardie, dyspnée, œdème, oligurie, signes de béribéri (carence en vitamine B1/en thiamine).
23
Les indications suivantes figurent dans le registre : numéro d’enregistrement, date d’admission, nom du
patient, numéro de bloc/de cellule, âge et sexe, poids, taille, PB, lMC ou P/T, type d’admission.
71
9. COMMENT CONDUIRE UN PROGRAMME DE TRAITEMENT DE
LA MALNUTRITION AIGUË SÉVÈRE (MAS)
Un programme spécifique est mis en place pour les détenus souffrant de malnutrition aiguë sévère
(« détenus MAS »).
À noter :
Les patients admis dans un programme de traitement de la MAS y restent jusqu’à leur guérison ; ils ne sont jamais
transférés dans un programme de traitement de la MAM.
Les éléments suivants doivent être examinés avant d’entreprendre le traitement de la MAS :
Parfois, le traitement à l’extérieur du LdD n’est pas souhaité par les AP en raison de la logistique
nécessaire pour assurer la sécurité (gardes, moyens de transport). De fait, les structures médicales
extra muros ne se prêtent pas toujours au traitement de détenus (risque d’évasion).
Il faut donc parvenir à des arrangements qui répondent à la fois aux objectifs de traitement des patients
MAS et aux responsabilités – opérationnelles et de sécurité – incombant aux AP.
72
9.1.2. Objectifs du traitement de la MAS et catégories de patients
1. Guérir la MAS.
2. Réduire la morbidité et la mortalité associées à la malnutrition en prodiguant des soins médico-
nutritionnels.
La figure 19 montre la répartition des patients MAS en deux catégories, selon qu’ils présentent ou non
des complications médicales.
La majorité des « détenus MAS » ne nécessitent pas d’hospitalisation. Ils peuvent être traités dans le
LdD lui-même (traitement ambulatoire). Par contre, en cas de complications médicales, un suivi intensif
en milieu hospitalier est nécessaire ; en l’absence de structure de soins adéquate à l’intérieur du LdD,
les patients sont transférés dans un hôpital extérieur.
Les patients sont traités en m ilieu hospitalier selon leur état m édical
au m oment de l'adm ission ou au cours du traitem ent nutritionnel
ATTENTION: Si le secteur hospitalier extram uros ne peut pas prendre en charge les
patients avec com plications m édicales, la prise en charge doit se faire dans le LdD.
Les centres de stabilisation nutritionnelle (CS) gérés par ou conjointement avec le CICR sont rares.
73
Le CICR doit-il mettre en place des centres de stabilisation (CS) ?
La gestion d’un CS nécessite un personnel très qualifié. Le CICR préfère que les détenus souffrant de MAS compliquée soient
transférés vers l’hôpital de référence, puis réadmis dans le programme intramuros lorsque leur situation médicale est
stabilisée.
Quand les détenus sont dirigés vers une structure de soins externe, le CICR doit connaître et valider les protocoles de prise
en charge. Souvent, les médecins hospitaliers ne connaissent pas le traitement de la malnutrition adulte, car les cas sont
rares.
La MAS peut conduire à la mort si elle reste non traitée : en effet, la vulnérabilité aux maladies
infectieuses augmente en cas de malnutrition, le corps disposant alors de moyens limités pour lutter
contre les infections.
La prise en charge de la MAS comporte trois aspects : traitement nutritionnel, traitement médical et suivi
individuel du patient (voir Annexes 12 et 13).
En 2015, au Cameroun, de nombreux détenus présentaient un état nutritionnel alarmant. La plupart des patients MAS
souffraient également de la tuberculose. Les AP ont accepté de transférer une quinzaine de détenus dans un hôpital, en
dehors du LdD. Beaucoup d’autres détenus auraient eu besoin de recevoir un traitement de la MAS à l’hôpital, mais pas plus
de 15 étaient autorisés à être transférés à la fois. Du fait de la longue « liste d’attente » dans le LdD, des détenus à moitié
guéris ont été renvoyés de l’hôpital vers le LdD avant leur stabilisation, de manière à laisser la place aux nouveaux cas graves.
Les patients atteints de la tuberculose ont toutefois été autorisés à rester plus longtemps à l’hôpital, où le taux de mortalité
a été élevé (4 à 6 décès par mois).
Par la suite, l’équipe Nutrition/Santé du CICR a établi, en collaboration avec le médecin du LdD, un protocole de traitement
prévoyant que les détenus hospitalisés soient stabilisés avant d’être renvoyés dans le LdD. Le CICR a fourni un soutien pour
que le personnel Santé du LdD traite les détenus : il a payé certains examens médicaux (TB, hématologie, parasitologie) ; il a
fourni les médicaments systématiques, les aliments thérapeutiques prêts à l’emploi (ATPE) et les repas locaux améliorés ; il
a en outre exercé une étroite surveillance sur la consommation de nourriture, la thérapeutique alimentaire et le traitement
médical. La mortalité a diminué (1 à 2 détenus par mois).
9.2.1. Traitement nutritionnel de la MAS chez les adolescents, les adultes et les
personnes âgées
Le tableau 18, ci-dessous, présente l’orientation des patients MAS en fonction de leur état médico-
nutritionnel, certains nécessitant un traitement hospitalier, d’autres un traitement ambulatoire.
74
A l’admission dans le programme de traitement de la MAS, la très grande majorité des détenus est
traitée en ambulatoire avec des aliments thérapeutiques prêts à l’emploi (ATPE).
Un ATPE est un produit alimentaire thérapeutique prêt à consommer, conçu pour le traitement des patients souffrant de
MAS. Un ATPE a une densité énergétique élevée (520-550 kcal/100 g) et contient 20 micronutriments (vitamines et
minéraux).
Ces produits sous forme de pâte – souvent composés d’arachides ou de blé/avoine, d’huile, de dextrine/sucres et de lait
écrémé en poudre – ont été initialement conçus pour les enfants de moins de cinq ans. Ils ne correspondent donc pas
toujours aux goûts des adultes ; le nom commercial de ces ATPE est, par exemple, Plumpy’Nut® ou EeZeePaste™. Il existe
aussi des biscuits pouvant être transformés en bouillie en ajoutant de l’eau (le BP-100™, par exemple). Les deux types d’ATPE
sont aussi efficaces l’un que l’autre pour le traitement de la MAS.
Les ATPE ont une durée de conservation de deux ans. Le risque de contamination est réduit en raison de la faible proportion
d’eau dans le produit. Une fois ouvert et soigneusement refermé, un ATPE doit être consommé dans les 24 heures.
Quelques patients souffrant d’une pathologie sévère, d’œdèmes nutritionnels bilatéraux au-dessus du
genou ou d’anorexie sont référés en milieu hospitalier et reçoivent un traitement nutritionnel (lait
thérapeutique F-75).
À noter :
Avant d’admettre des détenus dans un programme de traitement ambulatoire de la MAS, il est essentiel de s’assurer qu’ils
pourront manger l’ATPE qui leur est donné. Il faut réaliser un test de l’appétit (voir Annexe 11) : les détenus qui
« échouent » à ce test devront être suivis en milieu hospitalier (traitement avec du F-75).
Cette orientation peut changer à tout moment. Si un patient hospitalisé se stabilise médicalement, il
peut être transféré vers la prise en charge ambulatoire ; de même, si un patient traité en ambulatoire
développe une pathologie sévère, il peut être transféré en vue d’une prise en charge hospitalière.
75
Tableau 18. Traitement nutritionnel des patients MAS
2 repas pénitentiaires
5 repas de F75 (2 briquettes par repas) + 3 prises d 'ATPE
Dans le traitement hospitalier, la consommation alimentaire est uniquement basée sur du F-7524. Les
patients ne doivent pas consommer plus de 1,500 kcal/jour, divisées en 5 à 8 prises.
Le traitement ambulatoire combine les ATPE et la ration pénitentiaire pour apporter 4,000 kcal.
Néanmoins, les patients doivent consommer d’abord, en priorité, les ATPE et, ensuite, la ration
pénitentiaire (voir Tableau 19).
Les quantités d’ATPE à donner quotidiennement dépendent donc de la valeur énergétique de la ration
pénitentiaire ; le total doit atteindre 4,000 kcal (voir Annexes 3 et 13).
• Les ATPE ne doivent pas être partagés avec des patients non malnutris.
• Les ATPE doivent être consommés avant la ration pénitentiaire : ce sont eux qui traitent la
MAS.
• Les ATPE sont très concentrés, ils donnent soif. Suffisamment d’eau potable doit être
disponible jour et nuit, ainsi qu’après chaque repas d’ATPE.
• Il faut se laver les mains avant chaque consommation d’ATPE.
• Les ATPE attirent beaucoup les mouches et autres insectes ; pour prévenir toute
contamination, déchirer uniquement un petit coin du sachet ; il suffit ensuite que le patient
presse le sachet entre ses doigts pour consommer le produit sans le toucher.
• Les rations d’ATPE doivent être distribuées en plusieurs fois ; les sachets vides doivent être
retournés au responsable des distributions.
24
Le F-75 se présente sous forme de poudre à diluer dans de l’eau propre bouillie et refroidie à 40 C, ou sous
forme liquide, dans des briques de 200 ml.
76
• Il est important que les patients aient la possibilité de s’alimenter pendant la nuit ou tard dans
la soirée afin d’éviter les hypoglycémies, en particulier pendant la première semaine de
traitement.
• Des ingestions fréquentes (5 à 8 fois par jour) et en petite quantité sont idéales et essentielles
si l’on veut éviter les problèmes de reprise de l’alimentation et favoriser l’absorption des
micronutriments (voir Annexe 13). Si la quantité d’ATPE à prendre est importante, ou si la
supervision est difficile en raison de l’éparpillement des détenus, l’approche recommandée
consiste à organiser avec les AP le regroupement de tous les détenus malnutris. La supervision
du traitement sera facilitée et la fréquence des distributions d’ATPE pourra être augmentée.
• Pour les patients ayant de la difficulté à avaler, l’ATPE peut être dilué dans une bouteille de
500 ml d’eau potable. Cette quantité d’eau est à respecter absolument.
Prendre un sachet d’ATPE et verser le contenu dans une bouteille en plastique propre, munie
d’un bouchon à vis ; ajouter environ un demi-litre d’eau propre et agiter vigoureusement. Le
mélange est devenu une solution buvable, à savoir un ATPE liquide. Il faut le boire dans les
deux heures suivantes pour éviter le développement bactérien.
• Ne pas faire cuire les ATPE !
Quand les détenus souffrant de MAS reçoivent-ils des ATPE ? Quand reçoivent-ils de la nourriture normale ?
Les patients qui présentent des complications médicales sévères ou qui sont anorexiques reçoivent du F-75. Le F-75 est préféré
sous forme liquide, en pack (brique) de 200 ml. Si le F-75 liquide n’est pas disponible et si le F-75 en poudre pose des problèmes
d’hygiène liés à sa dilution, un ATPE peut être mélangé dans une bouteille d’eau minérale de 500 ml. Lorsque le patient
retrouve l’appétit et que son état de santé s’améliore, le F-75 est remplacé par les ATPE. Finalement, quand l’appétit du patient
augmente, la ration pénitentiaire est (ré)introduite.
Les patients MAS sans complications médicales et avec appétit sont traités avec les ATPE. Au début du traitement nutritionnel,
la priorité est donnée à la consommation d’ATPE. Dès que le patient a davantage d’appétit, la ration pénitentiaire peut être
(ré)introduite, souvent après deux à quatre jours d’ATPE. L’appétit du patient sert de guide à l’évolution du traitement.
Le nombre d’ATPE à consommer par les patients est important. Ces aliments doivent être donnés deux à trois heures minimum
avant ou après le repas pénitentiaire afin d’assurer l’ingestion des micronutriments et protéines. Néanmoins, la ration
pénitentiaire augmente les chances d’observance de la thérapie nutritionnelle, car elle brise la monotonie du régime.
Les détenus augmentent progressivement leur consommation alimentaire : ils commencent à 1 500 kcal/jour (patients sous
F-75) pour atteindre 4,000 kcal (ATPE + ration pénitentiaire).
9.2.2. Traitement de la MAS chez les femmes enceintes et allaitantes et chez les
enfants de moins de cinq ans
La figure 18, ci-dessus, présente l’arbre décisionnel relatif à la prise en charge de la malnutrition chez
les femmes enceintes et allaitantes (FEA).
Les FEA doivent avoir accès aux soins obstétricaux d’urgence pendant toute la période de la grossesse
et de l’allaitement.
Elles reçoivent 1 cp/jour de multi-micronutriments pendant la période de la grossesse et les six premiers
mois d’allaitement ; elles reçoivent de la vitamine A à l’accouchement.
77
Elles bénéficient de la vaccination contre le tétanos, et leur nouveau-né a accès au calendrier vaccinal
classique dès sa naissance.
Si la ration pénitentiaire n’apporte pas 2,400 kcal, les FEA doivent être incluses dans le programme
d’assistance alimentaire complémentaire (AAC).
Les FEA malnutries, ayant un PB < 230 mm25, sont prises en charge dans le programme de traitement
de la MAS. Comme les patients MAS, les FEA malnutries reçoivent des ATPE en plus de la ration
pénitentiaire (voir Annexe 12) ; elles ne reçoivent pas de comprimés de multi-micronutriments étant
donné qu’elles sont déjà supplémentées par les ATPE.
Si des détenu(e)s sont accompagné(e)s de jeunes enfants, le protocole national de prise en charge
de la malnutrition s’applique ; si un tel protocole n’existe pas, celui du CICR est à demander aux
nutritionnistes basés à Genève.
Ces enfants doivent avoir accès à un centre de santé pour bénéficier de la vaccination et de tout autre
traitement en cas de maladie.
Les patients à risque sont surtout les patients ayant un IMC < 16 ou ayant perdu plus de 15% de leur
poids total (grève de la faim) ainsi que les patients qui prennent certains médicaments
(antidiabétiques, diurétiques, antiacides) ou souffrent d’infections concomitantes.
Les signes cliniques et la prise en charge du SRI sont présentés en détails à l’annexe 15.
25
La recherche a montré que les femmes enceintes ayant un PB < 230 mm présentaient un risque élevé
d’accoucher d’un enfant ayant une insuffisance pondérale à la naissance ; par conséquent, au-dessous de ce
seuil, les femmes enceintes sont classées comme souffrant de malnutrition aiguë et traitées comme patientes
MAS.
78
9.4. Traitement médical systématique de la MAS
Les patients doivent être examinés une fois par semaine pour contrôler leur état nutritionnel et
leur état de santé.
Le tableau 20 présente le traitement médical systématique de la MAS. Tous les patients atteints de
maladies spécifiques doivent bénéficier d’un traitement spécifique additionnel.
À noter :
Le tableau 21 détaille le suivi du patient, de son admission à sa sortie du programme. Les patients MAS
possèdent une fiche individuelle de suivi sur laquelle tout est consigné (voir Annexe 6).
Les patients MAS, du fait de la diminution de leur immunité, peuvent être asymptomatiques pour des
pathologies existantes. Leur prise de poids est compromise par ces pathologies qui sont à rechercher
lors des visites de suivi hebdomadaires (voir Tableau 21). Néanmoins, lors de la réhabilitation
nutritionnelle, des pathologies telles que le paludisme ou des infections comme la tuberculose peuvent
surgir. Des traitements médicaux spécifiques s’ajoutent donc au traitement systématique.
79
Tableau 21 : Suivi individuel des patients MAS
9.5.1. Principaux indicateurs utilisés pour le suivi individuel des patients MAS
Les principaux indicateurs utilisés pour le suivi individuel des patients MAS sont le gain de poids et la
durée de séjour dans le programme. Les patients MAS sont pesés chaque semaine. Les patients qui
ne prennent pas de poids – ou qui développent d’autres signes de malnutrition et/ou des complications
– doivent être orientés vers les services hospitaliers.
Les œdèmes commencent habituellement à se réduire après trois à quatre jours de traitement, ce qui
implique une perte de poids initiale. Il n’y a pas de preuve claire de ce que devrait être le gain de poids
moyen souhaitable chez un patient MAS adulte pendant le traitement.
Les définitions utilisées dans les programmes MAS sont identiques aux définitions utilisées dans les
programmes MAM (voir, ci-dessus, Tableau 15).
En général, chez l’adulte, l’absence de réponse au traitement de la MAS est due soit à une maladie
sous-jacente non détectée (TB ou VIH, notamment), soit à des carences en micronutriments
spécifiques, soit encore à la malabsorption de certains micronutriments.
Le refus de suivre correctement le traitement est aussi à envisager, de même que l’insuffisance de
nourriture ou le partage des ATPE avec d’autres personnes (voir, ci-dessus, Tableau 16).
80
Que faire des NON-RÉPONDANTS dans un programme de traitement de la MAS ?
Les patients non répondants doivent être examinés entre la 8ème et la 10ème semaine après le début du traitement, afin de
dépister d’éventuelles pathologies sous-jacentes. Si aucune pathologie n’est diagnostiquée et bien qu’ils n’aient pas atteint
les critères de sortie du programme, ces patients sont déchargés à la 12ème semaine en tant que non-répondants.
Ils peuvent néanmoins être réenregistrés immédiatement en tant que nouvelle admission pour une seconde chance. Si, au
terme de la deuxième tentative (6 mois au total de traitement nutritionnel de la MAS), le patient ne reprend toujours pas
de poids alors qu’aucune pathologie n’a été diagnostiquée, il est déchargé en tant que non-répondant. Il ne pourra être
réinscrit dans un programme de traitement de la MAS qu’en tant que nouvelle admission s’il présente un IMC <15 kg/m2.
Les patients MAS doivent être encouragés à s’alimenter pour récupérer, et ils devraient recevoir des informations sur les
procédures d’inclusion et d’exclusion des programmes de traitement. Il convient de rechercher toutes les raisons
possibles de non-réponse au traitement et de discuter avec toutes les parties concernées.
Il peut aussi être utile de laisser s’écouler deux à quatre semaines entre la première décharge et la deuxième admission :
cela permet d’exclure la possible existence d’un commerce d’ATPE : si un commerce existe, l’état du détenu ne va pas se
dégrader entre-temps.
Il convient aussi d’envisager l’existence de problèmes tels que la toxicomanie ou les pressions exercées par des détenus
et/ou des gardes qui empêchent les patients de consommer les ATPE.
Les procédures à suivre, étape par étape, sont les mêmes pour les patients MAM et les patients MAS
(voir, ci-dessus, Tableau 17).
81
10. ESTIMER LE NOMBRE DE PATIENTS ATTENDUS ET LA
QUANTITÉ D’ALIMENTS PRÊTS À L’EMPLOI (APE)
NÉCESSAIRE POUR LE TRAITEMENT DE LA MALNUTRITION
Les calculs ci-dessous sont une proposition en vue de l’estimation du nombre de patients et des
quantités d’APE à commander pour les nouveaux programmes qui débutent ; pour les programmes
qui se poursuivent, il est recommandé de considérer le nombre de patients de l’année écoulée et de
l’adapter en fonction de l’évolution possible de la situation.
Le calcul du nombre de patients attendus dans le programme est basé sur les informations suivantes :
• Les taux de malnutrition26 (MAS et MAM) évalués lors de l’enquête anthropométrique dans
un LdD donné. Par exemple, si dans un LdD, le taux de MAS atteint 8% et celui de MAM 16%,
le taux de MAG est de 24%.
• Les effectifs du LdD au moment de l’enquête anthropométrique : ils sont supposés rester
stables pendant la durée du programme (six mois).
• L’incidence de la malnutrition, c’est-à-dire le nombre de nouveaux cas (MAS et MAM)
attendus pendant les six mois du programme ; son évolution dépendra beaucoup des causes
de la malnutrition et des modes d’action utilisés par le CICR. Dans tous les cas de figure, il est
proposé de multiplier par un facteur 2 le taux de MAS ou de MAM.
• La couverture du programme : une couverture très large doit être prévue quand des
programmes alimentaires ou nutritionnels sont mis en œuvre en milieu carcéral, les détenus
pouvant difficilement être traités à l’extérieur du LdD ; le taux de couverture devrait donc être
de l’ordre de 90 à 95% étant donné que la plupart des détenus malnutris seront admis dans le
programme.
Couverture
26
Les taux de malnutrition se réfèrent au nombre de détenus qui souffrent de malnutrition au moment où
l’enquête anthropométrique est réalisée dans un LdD donné.
82
Exemple :
Pour un effectif de 1,204 détenus et des taux de 8% (MAS) et 12% (MAM), les résultats sont les
suivants :
Au terme des six premiers mois du programme, une nouvelle enquête anthropométrique permettra de
déterminer un nouveau taux de malnutrition (MAS et MAM). Le nombre attendu de patients peut alors
être recalculé sur cette base ; alternativement, il est possible d’extrapoler – à partir du nombre de
patients traités au cours de la période précédente – le nombre de patients attendus pendant les six mois
à venir.
Les quantités d’APE nécessaires sont calculées en fonction du nombre de patients attendus, selon les
modalités détaillées ci-dessous.
Plusieurs options d’ATPE sont possibles pour la prise en charge de la MAS ; ces aliments peuvent être
sous forme de pâte, comme le Plumpy’Nut® ou eeZeePasteTM, ou sous forme de biscuits, comme le
BP-100TM (voir Annexe 1).
Dans le cas de patients présentant des complications médicales sévères, le F-75 liquide est utilisé.
• Le patient MAS reçoit 6 barres par jour, fournissant 1,800 kcal, en supposant que la ration
pénitentiaire apporte 2,000 à 2,200 kcal, soit un total de 3,900 à 4,000 kcal/détenu MAS/jour ;
• Le traitement durera deux mois (60 jours) ;
• Les pertes causées par les mauvaises conditions de stockage, les emballages endommagés,
le vol, etc. sont de l’ordre de 10%.
83
= 336 cartons de 216 barres par carton27 de BP-100TM pour un programme de six mois.
• Le patient MAS reçoit 5 sachets par jour, fournissant 2,500 kcal, en supposant que la ration
pénitentiaire apporte environ 1,500 kcal28 , soit un total de 4,000 kcal/détenu MAS/jour.
• Le traitement durera deux mois (60 jours) ;
• Les pertes causées par les mauvaises conditions de stockage, les emballages endommagés,
le vol, etc. seront de l’ordre de 10%.
La prise en charge de la MAM peut consister à utiliser différents produits et à faire en sorte que la valeur
nutritive de la ration pénitentiaire soit adéquate. Les quantités de produits nécessaires peuvent être
calculées en fonction du choix du « menu » (produits tel que SuperCereal, Plumpy’Sup® ou
eeZeeRUSF™, par exemple) et de la composition de la ration pénitentiaire. Divers exemples
correspondant à différents scénarios sont présentés ci-dessous.
• Le patient MAM recevra 1,500 kcal par jour pour le traitement, en supposant que la ration
pénitentiaire apporte également 1,500 kcal. Selon la composition de la ration pénitentiaire, un
« repas MAM » peut consister en 200 g de grains (mélange de riz et de sorgho, par exemple),
100 g de légumineuses, 200 g de légumes à feuilles, 40 g d’huile enrichie en vitamine A, 20 g
de poisson séché, 10 g d’arachides et 5 g de sel iodé.
• Le traitement durera deux mois (60 jours) ;
• Les pertes causées par les mauvaises conditions de stockage, les emballages endommagés,
le vol, le gaspillage, etc. seront de l’ordre de 10%.
27
Neuf barres dans chaque boîte, 24 boîtes dans une grande boîte en carton, à savoir 24 x 9 = 216 barres par
carton
28
La composition de la ration pénitentiaire varie d’un LdD à l’autre et devrait être calculée par les nutritionnistes
lors de l’analyse de la chaîne alimentaire.
29
150 sachets par carton.
84
Pour le LdD de notre exemple, la quantité de denrées alimentaires nécessaire sera :
- 275 patients x 200 g de grains x 60 jours de traitement x 1.10 de pertes = 3,630 kg pour un
programme de six mois,
- 275 patients x 100 g de légumineuses x 60 jours de traitement x 1.10 de pertes = 1,815 kg pour
un programme de six mois
- 275 patients x 200 g de légumes à feuilles x 60 jours de traitement x 1.10 de pertes = 3,630 kg
pour un programme de six mois
- 275 patients x 40 g d’huile enrichie en vitamine A x 60 jours de traitement x 1.10 de pertes =
726 kg pour un programme de six mois
Etc.
• Exemple de calcul en cas d’utilisation des ASPE sous forme de pâte - Plumpy’Sup® ou
EeZeeRUSF™
• Le patient recevra 3 sachets par jour, apportant 1,500 kcal, en supposant que la ration
pénitentiaire apporte également 1,500 kcal, soit 3,000 kcal/détenu MAM/jour.
• Le traitement durera deux mois (60 jours) ;
• Les pertes causées par les mauvaises conditions de stockage, les boîtes endommagées, le
vol, etc. seront de l’ordre de 10%.
Deux portions de bouillie, composées chacune de 100 g de SuperCereal et de 10 g d’huile par jour
sont recommandées.
• Le patient MAM recevra 100 g de farine SuperCereal et 10 g d’huile (deux fois par jour) qui
fourniront 1,000 kcal, en supposant que la ration pénitentiaire apporte 2,000 kcal, soit
3,000 kcal/détenu MAM/jour ;
• Le traitement durera deux mois (60 jours) ;
30
150 sachets par carton.
31
Le SuperCereal est une farine précuite, composée le plus souvent de farine de maïs, de soja et d’un complexe
de vitamines et minéraux. Au CICR, nous préférons acheter le SuperCereal sucré plus agréable au goût ; il faut
néanmoins rajouter de l’huile.
85
• Les pertes causées par les mauvaises conditions de stockage, des boîtes endommagées, le
vol, le gaspillage, etc. seront de l’ordre de 10%.
86
11.BESOINS EN PERSONNEL POUR LES PROGRAMMES
D’ALIMENTATION ET DE NUTRITION
La mise en œuvre de programmes d’alimentation et de nutrition dans les LdD nécessite un personnel
qualifié additionnel en raison du surcroît d’activité. Le tableau 22 présente un aperçu des déploiements
de personnel possibles. Les besoins en ressources humaines (RH) varient notamment en fonction de
plusieurs facteurs : nombre de détenus admis dans le programme, type de programme et complexité
de sa mise en place dans un contexte donné et, enfin, type de soins de santé requis.
32
ICRC’s detention guidelines for involving local staff, OP_DIR, CICR, décembre 2012 (en anglais seulement).
Contacter les collègues Détention ou consulter la Boîte à Outils Protection (document en anglais seulement).
33
Idem.
87
Il est important d’évaluer à la fois les capacités techniques existantes et les capacités qui seront
nécessaires pour mettre en œuvre des programmes d’alimentation et de nutrition ; un renforcement des
capacités du personnel Détention et/ou autre personnel du CICR pourrait être requis.
L’annexe 16 présente un aperçu des principales descriptions de poste en relation avec les programmes
de traitement de la malnutrition (MAM et MAS).
88
Tableau 22. Interventions nutritionnelles dans les LdD : besoins probables en personnel
Supervision de tous les Souhaitables Nutritionniste/délégué(s) 1 à 3 ans • Si la situation a été jugée critique, la
Assistance alimentaire générale (AAG) et
Assistance alimentaire complémentaire
maillons de la chaîne avec divers EcoSec et délégué(s) contribution d’un nutritionniste est
alimentaire et mise en partenaires Protection/Détention obligatoire pendant la phase initiale
œuvre de la stratégie (ONG, travaillant en binôme (définition de la composition de la
visant à remédier aux SN CR/CR, AP, (avec le soutien ration, par ex.) ; interventions
causes profondes de la etc.) additionnel de WatHab) ponctuelles par la suite
(AAC)
89
Activités spécifiques Partenariats Profil du/des délégués Période Remarques
(dans un rôle de couverte
supervision) (min.)
Comme ci-dessus, plus Essentiels avec Nutritionniste / médecins 1 à 6 mois • La contribution d’un nutritionniste est
divers et infirmiers Détention, nécessaire à la fois pour définir les
• Préparation et
partenaires épaulés par les besoins du programme, puis pendant
distribution des
(ONG, personnels chargés de les étapes ultérieures (mise en œuvre,
produits nutritionnels
SN CR/CR, AP, la surveillance au
Programme de traitement de la MAM
suivi et évaluation)
requis par le
services de quotidien du programme
traitement
santé locaux, de traitement (personnel • Les médecins/infirmiers Détention et
• Observation directe etc.) médical résident du les personnels Nutrition peuvent suivre
des repas
CICR, employés des la phase de mise en œuvre du
• Anthropométrie et services de santé locaux programme par le truchement de
enregistrements ou volontaires de la SN l’équipe chargée de la surveillance au
• Triage médical ; suivi CR/CR, par ex.) quotidien
individuel des
patients ; collecte,
surveillance et
analyse
systématiques des
données relatives au
traitement.
90
Activités spécifiques Partenariats Profil du/des délégués Période Remarques
(dans un rôle de couverte
supervision) (min.)
Comme ci-dessus, plus Essentiels avec Médecins et infirmiers Toute la • Médecins et infirmiers Détention, ayant
divers partenaires Détention/ un durée du de l’expérience en matière de
• Soins médicaux plus
Programme de traitement de la MAS
91
Activités spécifiques Partenariats Profil du/des délégués Période Remarques
(dans un rôle de couverte
supervision) (min.)
92
Activités spécifiques Partenariats Profil du/des délégués Période Remarques
(dans un rôle de couverte
supervision) (min.)
Interventions visant à Divers Agronome, économiste, Ad hoc • En milieu carcéral, le soutien structurel
prévenir toute forme de partenaires généraliste EcoSec est normalement apporté pendant un
malnutrition (soutien (ONG, minimum de 6 mois (probablement
Autres programmes
Délégué Détention,
apporté à la production SN CR/CR, AP, pendant plus d’une année). Des
parfois personnel
et/ou la préservation de etc.) sont interventions ponctuelles sont
EcoSec
WatHab
denrées alimentaires ; essentiels également possibles.
formation
professionnelle ;
initiatives
microéconomiques)
93
12.ÉQUIPEMENT NÉCESSAIRE POUR LES PROGRAMMES
D’ALIMENTATION ET DE NUTRITION
Les lieux de détention (LdD) ont besoin d’équipements additionnels pour pouvoir exécuter les
programmes de traitement de la malnutrition (MAS et MAM). Les annexes 17 et 18 fournissent des listes
du matériel nécessaire.
En règle générale, les listes de matériel nécessaire sont beaucoup plus courtes quand il s’agit de
programmes soit d’assistance alimentaire générale (AAG), soit d’assistance alimentaire
complémentaire (AAC). Les besoins en équipements additionnels doivent être déterminés en fonction,
d’une part, de ce qui est déjà disponible dans les LdD où les programmes seront mis en œuvre et,
d’autre part, du type de nourriture qu’il est prévu de fournir.
Assurer le suivi des programmes est une nécessité, et non pas une option. Un programme
nutritionnel laissé sans surveillance est un mauvais programme. Néanmoins, l’étendue de la
surveillance à exercer varie en fonction de plusieurs éléments : type de programme, accès au
programme, ressources disponibles, qualité des partenaires, etc. Il vaut mieux surveiller quelques
indicateurs (bien mesurés et correctement présentés) plutôt que des indicateurs nombreux mais de
qualité douteuse. En outre, si les indicateurs sont collectés mais mal analysés, la valeur ajoutée que
devrait constituer le suivi du programme se perd.
Lorsque les indicateurs montrent des tendances défavorables, il est indispensable de rechercher les
causes. Si, par exemple, le taux de mortalité est élevé dans un programme de nutrition, il est important
94
d’analyser la situation : quand et où des détenus décèdent-ils ; qui sont-ils ; étaient-ils malades ;
suivaient-ils un traitement (en ce cas : pourquoi ce traitement était-il administré, comment, par qui), etc.
Ce type d’analyse s’impose pour chaque indicateur sélectionné afin de pouvoir assurer le suivi du
programme.
De plus, l’examen des tendances favorables est important : il permet de comprendre ce qui a conduit
aux changements positifs, de savoir ce qui a bien fonctionné, comment et pourquoi ; ces informations
peuvent contribuer à renforcer à l’avenir les bonnes pratiques du CICR en ce qui concerne la nutrition
en détention.
La mise en place d’un système de surveillance adéquat des programmes de traitement est importante
pour plusieurs raisons : un tel système permet d’évaluer – et d’ajuster s’il y a lieu – non seulement la
qualité, l’efficacité et la couverture des programmes, mais aussi leur acceptabilité (c’est-à-dire la mesure
dans laquelle ces programmes sont acceptés par les AP, les détenus, les bénéficiaires, les partenaires,
etc.). Sans la coopération de chacune des parties prenantes, des problèmes risquent de surgir pendant
la mise en œuvre du programme et cela aura un impact négatif sur tous les résultats.
Deux approches sont utilisées pour s’assurer du bon déroulement d’un programme d’alimentation ou
de nutrition :
NOTE IMPORTANTE :
Toutes les parties concernées – AP, partenaires, ministères de la Justice et de la Santé, détenus
impliqués dans la chaîne alimentaire, etc. – doivent recevoir un retour d’informations quant aux
résultats du programme. Cette remontée d’informations est cruciale, dans la mesure où elle montre
que les efforts de tous sont appréciés. Elle favorise l’engagement, contribue à la responsabilisation et
aide les autorités à « s’approprier » les problèmes existants et à réaliser des progrès en vue de leur
règlement.
Les graphiques peuvent être très illustratifs et constituer un bon outil de gestion car ils permettent de
voir en un seul coup d’œil certains résultats du suivi.
Par ailleurs, le CICR s’est doté d’une base de données électronique : Medical Activity Database for
Health Care in Detention (MAD DET). Cet outil de suivi des données relatives à l’activité médicale/aux
soins de santé en détention est utilisé pour recueillir, mesurer et analyser les informations (première
étape de la démarche visant à améliorer l’assistance fournie par le CICR). C’est aussi un outil d’aide à
la décision car les informations fournies peuvent servir de base à l’action.
95
La base de données MAD DET facilite l’analyse de nombreux indicateurs nécessaires au suivi des
programmes. Les indicateurs nutritionnels font également partie de cette base de données. Grâce aux
informations collectées, les deux unités concernées au siège (Santé et Ecosec), ainsi que leurs
personnels travaillant sur le terrain, peuvent connaître la qualité et le nombre des programmes de
traitement nutritionnel en cours.
Les indicateurs minimaux à rapporter sont les taux de récupération/guérison, rechute, non-réponse,
abandon et mortalité (voir Annexe 19).
96
Figure 20. Indicateurs utilisés pour le suivi des programmes nutritionnels*
Taux de guérison :
Nombre de détenus ayant atteint les critères de décharge du programme nutritionnel (guéris)
---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- x 100 %
------------------------------------------------------------------------------------------------------------- x 100 %
Taux de non-répondants :
Nombre de détenus n’atteignant pas les critères de sortie après 3 mois de traitement
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- x 100 %
Taux d’abandon :
------------------------------------------------------------------------------------------------------------------ x 100%
N.B. Les détenus transférés ou libérés NE SONT PAS PRIS EN COMPTE dans le dénominateur !
Taux de rechute :
------------------------------------------------------------------------------------------------------------ x 100%
98
Pour pouvoir se rendre compte de la manière dont le programme de traitement se déroule, des valeurs
sont attribuées aux indicateurs aux fins de comparaison. Il n’existe pas de normes internationales
concernant spécifiquement la nutrition en détention, mais les objectifs suivants ont été définis par le
CICR :
Taux de guérison > 75% Identique aux « normes Sphère » relatives aux
programmes nutritionnels pour les enfants.
Taux d’abandon < 1% Ce taux devrait être faible, dans la mesure où les
personnes qui bénéficient du programme ne peuvent pas
quitter le LdD.
Taux de décès < 1% Le CICR vise un taux < 1%. Il reconnaît cependant qu’un
taux < 5% est plus réaliste en cas de forte prévalence de la
MAS.
Taux de non-répondants < 10% Le CICR vise un taux < 10% mais ce taux est peu réaliste
si, par exemple, la morbidité est élevée ou si un grand
nombre de détenus appartiennent soit à des groupes
vulnérables – personnes âgées et détenus atteints de TB
ou porteurs du VIH (en particulier en cas de supervision
insuffisante du traitement de la part des AP) – soit à
certains groupes ethniques (tels que les Dinkas, les Peuls
ou les Somalis : de morphologie mince, les bénéficiaires du
programme peinent à atteindre les critères de décharge).
Il est important de relever que, dans le contexte de la nutrition en détention, le taux de mortalité et le
taux de décès sont deux indicateurs de suivi des programmes distincts. Le taux de mortalité se réfère
à l’ensemble de la population carcérale, alors que le taux de décès se réfère uniquement aux personnes
qui décèdent pendant qu’elles sont inscrites dans un programme d’alimentation/de nutrition. En règle
générale, le taux d’abandon est faible dans les LdD (qui sont, par définition, des milieux de vie fermés).
Le taux de rechute est un indicateur indispensable pour pouvoir se rendre compte de la manière dont
l’intervention/le programme mis en place atteint ses objectifs. Il fournit en outre des informations sur
l’impact des mesures de prévention (amélioration de la ration pénitentiaire et de la chaîne alimentaire
ou octroi d’une assistance alimentaire, générale ou partielle, etc.). Il doit toujours être surveillé de près ;
chaque rechute doit être analysée dès qu’elle se produit afin d’en identifier les causes et (tenter de)
résoudre le problème. Le taux de rechute indique généralement l’existence de problèmes affectant le
système de la chaîne alimentaire ou l’accès aux soins de santé, ou révèle de mauvaises conditions
d’hygiène. En conséquence, la stratégie d’intervention doit être ajustée pour tenir compte de la situation.
Il n’existe pas de normes internationales concernant spécifiquement la nutrition en détention, mais les
objectifs suivants ont été définis par le CICR :
Taux de rechute • 25% En cas de rechute de plus d’un patient sur quatre, il est
indispensable d’analyser les causes sous-jacentes de cette
situation et de tenter d’y remédier.
99
13.1.2. Surveillance du taux de malnutrition
La réalisation d’enquêtes anthropométriques régulières fait partie du suivi des programmes de nutrition.
La section 2.1 du présent Livret et la section 8.6 du Livret 2 décrivent la manière dont les taux de
malnutrition (MAG et MAS) doivent être interprétés ; dans ces sections, figure aussi une explication des
seuils sur lesquels le CICR fonde ses décisions (intervention substitutive ou autre mode d’action). De
manière générale, dans les LdD où le CICR soutient des programmes de traitement nutritionnel, la
prévalence de la MAG ne devrait pas dépasser 10% et la prévalence de la MAS 3% ; le taux de mortalité
devrait rester en dessous du seuil d’urgence (1 décès/10,000/jour).
• La ration pénitentiaire n’est pas suffisante (en termes de quantité et/ou de qualité).
• La ration pénitentiaire a été possiblement réduite pendant le déroulement du programme de
traitement de la malnutrition, de telle sorte que :
a) les nouveaux cas apparaissent plus rapidement que les cas de guérison ;
b) le traitement de la MAM ne fournit pas 3,000 kcal ou celui de la MAS 4,000 kcal. L’apport
journalier est donc insuffisant.
Une telle situation est problématique car d’importantes ressources sont investies dans la prise en
charge de la malnutrition alors que les causes sous-jacentes de cette situation ne sont pas
corrigées.
• D’autres facteurs importants sont à l’origine de la malnutrition : problèmes de santé ; état nutritionnel
antérieur (la plupart des détenus nouvellement incarcérés étaient malnutris au moment de leur
arrivée dans le LdD) ; inégalités d’accès à la nourriture à l’intérieur du LdD et/ou des cellules, etc.
• La forte prévalence de la malnutrition ne reflète pas la situation réelle en raison d’erreurs dans la
gestion du programme (ce qui risque aussi de masquer une prévalence bien plus élevée de la
malnutrition).
Le tableau 23 énumère les causes possibles des changements dans le taux de malnutrition (et dans le
taux de mortalité) pendant le déroulement des programmes de nutrition en milieu carcéral. Ces causes
doivent toujours être examinées car les tendances révèlent des problèmes potentiels.
100
• Saisonnalité (par exemple, dans les « périodes de soudure », les rations provenant des
familles sont moins nombreuses ; le prix de certains aliments normalement inclus dans la
ration pénitentiaire augmente et ils ne sont donc plus fournis)
• Changement dans l’utilisation du matériel (balances inexactes/non fiables, utilisation d’un
autre indicateur comme, par ex., le PB au lieu de l’IMC, etc.)
• Changement dans l’accès aux soins de santé, ou dans la qualité des soins de santé (si,
par ex., des maladies sous-jacentes restent non traitées, ce qui aggrave la malnutrition)
• Changement dans la gestion du LdD (si, par ex. la privation de nourriture y est utilisée à
titre de sanction)
Le contrôle de qualité joue un rôle essentiel dans le suivi des programmes de nutrition. L’annexe 20
présente un exemple illustrant à la fois les erreurs et faiblesses fréquentes, ainsi que les solutions
apportées dans certains programmes de traitement nutritionnel qui étaient supervisés par le CICR et
mis en œuvre dans des LdD d’Afrique australe.
À noter :
Lorsque le CICR soutient des programmes de traitement nutritionnel, il est courant qu’il fournisse de
nouveaux équipements (balances et toises), et qu’il dispense une formation sur la prise de mesures
anthropométriques et le diagnostic de la malnutrition. Cela conduit souvent à un brusque changement
(vers le haut ou vers le bas) du nombre de malnutris détectés ainsi que du taux de malnutrition. Il
convient de tenir compte de ce phénomène lors de l’analyse des tendances !
Il s’agit d’un indicateur important, à utiliser pour mesurer la performance interne du CICR quant à sa
manière de gérer – davantage au niveau national – les programmes de nutrition. Cet indicateur reflète
le nombre (ou le pourcentage) de LdD dans lesquels le CICR a mis en place des programmes de
nutrition et où le taux de MAG se situe à un niveau acceptable (voir Figure 21). Selon le contexte,
différents taux de MAG peuvent être choisis (à savoir < 10% ou < 15% ; 10-20% ou 15-20% ; 20-30% ;
> 20% et/ou > 30%).
La figure 21 montre l’utilité de cet indicateur : le taux de MAG était inférieur à 15% dans onze LdD
soutenus par le CICR en 2013, mais supérieur à 20% dans neuf autres.
101
Figure 21. Exemple d’indicateur de performance : nombre de LdD bénéficiant d’un soutien nutritionnel,
regroupés selon le taux de MAG
10
0
<15% 15-20% >20%
* Une moyenne sur trois mois du taux de MAG a été calculée pour chaque LdD.
La figure 22 présente un autre exemple tiré du passé. Dans certains LdD soutenus par le CICR, la
performance des programmes de nutrition s’était en fait dégradée au fil des années. Ainsi, en 2014,
dans près de 60% des LdD soutenus par le CICR, le taux de MAG était supérieur à 20% malgré les
programmes de traitement nutritionnel. Cette information a conduit le CICR à réaliser une enquête plus
approfondie. Aucun changement majeur n’était intervenu dans la gestion des programmes par les
partenaires opérationnels au niveau des LdD ; par contre, le CICR avait réduit sa supervision et son
appui technique dans les LdD. Outre une légère réduction de la ration pénitentiaire intervenue au cours
des mois précédents en 2014, le retrait du CICR expliquait en partie la dégradation de la situation
nutritionnelle.
102
Figure 22. Exemple d’indicateur de performance : pourcentage de LdD bénéficiant d’un soutien
nutritionnel regroupé selon le taux de MAG
50
40
30
20
10
0
<15% 15-20% >20%
GAM prevalence
2013 2014
Ces résultats ont conduit la délégation à prendre des mesures immédiates pour améliorer la gestion
de ses programmes de nutrition en détention.
Outre les indicateurs classiques, certains indicateurs supplémentaires servant un but spécifique dans
le suivi des programmes peuvent être pris en compte (voir les exemples présentés ci-dessous,
Tableau 24).
103
incarcérés précédemment non
malnutris)
• Pourcentage de détenus malnutris par • Cet indicateur pourrait signifier que
cellule, c’est-à-dire par « origine » (lieu certains quartiers ou cellules sont
d’hébergement) des détenus malnutris davantage exposés à des risques de
malnutrition ; des investigations sont
nécessaires.
• Pourcentage de détenus malnutris • Il est important de comparer la prévalence
parmi les ressortissants étrangers générale de la MAG à la prévalence de la
MAG parmi les détenus étrangers. Dans
certains contextes, les étrangers sont
davantage exposés à des risques de
malnutrition et cela requiert des
investigations approfondies : par ex., les
étrangers pourraient être marginalisés
pendant les distributions de nourriture ; la
ration pénitentiaire pourrait être
culturellement inacceptable pour eux ; etc.
• Pourcentage de détenus malnutris • Si un nombre relativement élevé de détenus
dans une tranche d’âge spécifique (par malnutris sont jeunes, cela peut être le
exemple, 50% ont moins de 25 ans) signe de l’existence d’abus, d’iniquité, de
problèmes d’adaptation, etc., dans le LdD
concerné ou dans certaines cellules.
• Si beaucoup de détenus malnutris sont des
personnes âgées, cela peut signifier que la
nourriture distribuée n’est pas adaptée pour
eux (dans le cas, par exemple, d’aliments
difficiles à mâcher).
Important :
Si le système de suivi des programmes n’est pas performant, il convient de revoir les indicateurs utilisés,
et de ne retenir que ceux qui sont essentiels ; une fois cela fait, d’autres indicateurs pourront toujours
être ajoutés. La mise en œuvre d’un bon système de suivi des programmes exige du temps, de
l’expérience et du pragmatisme !
L’évaluation vise à déterminer, d’une part, la pertinence et le degré de réalisation des objectifs fixés et,
d’autre part, l’efficacité, l’efficience, l’impact et la durabilité d’un programme donné. Dans le contexte de
la détention, cela implique d’évaluer de manière objective une intervention nutritionnelle, en cours ou
achevée (conception, mise en œuvre et résultats). L’évaluation adopte une vision qui va au-delà du
simple suivi. Elle inclut en effet l’analyse de toutes les informations – relatives aux programmes de
nutrition, à la chaîne alimentaire, aux données de l’enquête anthropométrique, etc. – qui ont été
obtenues dans le cadre du suivi.
Lors de l’évaluation, quelques-uns des éléments énumérés dans le tableau 25 seront examinés. Tous
les critères ne sont pas pertinents dans tous les contextes et, de plus, les priorités devront être définies
en fonction des objectifs spécifiques de l’évaluation.
104
Tableau 25. Éléments utilisés pour évaluer les interventions nutritionnelles dans les LdD
Exemples
105
concerner les besoins immédiats
et refléter une approche Des « émeutes de la faim » ont-elles éclaté dans le LdD concerné ?
structurelle des problèmes sous- Avaient-elles un lien avec le lancement du programme nutritionnel ?
jacents.
Cet indicateur mesure à la fois les
effets positifs et négatifs à long
terme ainsi que les effets voulus
ou fortuits de l’intervention.
Il est assez difficile d’évaluer de façon appropriée les interventions nutritionnelles, et une équipe est
souvent nécessaire. Des informations de base sont également indispensables pour pouvoir apprécier
les résultats par rapport à la situation antérieure. Les données de base peuvent provenir soit des
évaluations initiales, soit des données de suivi recueillies dans les premières étapes de la mise en
œuvre du programme.
106
14. QUAND ET COMMENT INTERROMPRE UN PROGRAMME ?
Il manque fréquemment certains micronutriments essentiels dans les rations générales distribuées dans
les LdD (y compris dans les rations fournies par le CICR). Cela signifie que les détenus ont souvent
besoin d’une alimentation complémentaire (ou dans certains cas, de suppléments de micronutriments)
pour compléter la ration pénitentiaire. Dans certains pays, les personnes nouvellement incarcérées sont
en situation de malnutrition ; de ce fait, leur état de santé ne s’améliore pas nécessairement en
détention, même si elles reçoivent des rations pénitentiaires adéquates. La malnutrition, dans leur cas,
peut avoir des causes sous-jacentes, liées à leur état de santé, et qui restent non traitées. Il se peut
également que la ration pénitentiaire permette juste de maintenir le « statu quo » et soit insuffisante
pour aider les détenus malnutris à récupérer.
Cela crée un dilemme permanent pour le CICR dans les LdD : dans quelle mesure faut-il fournir une
assistance, et quand vaut-il mieux ne pas fournir d’assistance mais s’efforcer de persuader et/ou
mobiliser les autorités compétentes ?
En règle générale, les programmes de traitement peuvent être interrompus si, d’une part, des
programmes de prévention ont été mis en place et si, d’autre part, les objectifs fixés pour les deux types
d’intervention (assistance et prévention) ont été atteints :
Des programmes de nutrition spécifiques peuvent également être mis en place à titre temporaire, sur la
base de la saisonnalité. La saisonnalité, en tant que facteur prédictif, peut notamment être liée à un
retard dans le déblocage des fonds budgétaires, comme dans les deux premiers exemples donnés ci-
dessous :
34
Il s’agit soit de détenus nouvellement arrivés qui souffraient de malnutrition avant leur incarcération, soit de
détenus devenus malnutris pendant leur incarcération dans le LdD.
107
Exemple 1
Chaque année, le budget alloué aux AP ne se matérialise qu’au cours du deuxième trimestre : par
conséquent, de nombreux LdD ne fournissent pas suffisamment de nourriture au premier trimestre.
Exemple 2
Le budget alimentaire n’est pas suffisant pour couvrir l’année civile complète : par conséquent, les LdD
sont contraints de réduire les rations pénitentiaires pendant quelques mois, en attendant l’allocation de
nouveaux fonds budgétaires.
Exemple 3
De nouveaux cas de malnutrition sont liés soit à des flambées de maladies saisonnières, soit à la
pénurie de certains produits alimentaires provoquée par une hausse des prix saisonnière.
Les exemples ci-dessus montrent qu’il est en effet possible de prédire la malnutrition, y compris les
carences en micronutriments (voir également la section 10.3 ci-dessus). Une planification adéquate est
alors essentielle. Elle doit prévoir la mise à disposition en temps opportun des approvisionnements
requis (sur la base de calculs permettant de déterminer le nombre de bénéficiaires potentiels). Par
conséquent, le désengagement progressif de ces programmes se fait automatiquement à la fin de la
période critique, ou lorsque les fonds du budget sont libérés par le Trésor et alloués aux AP. Il est bien
sûr recommandé d’accompagner ce soutien substitutif temporaire par des interventions et une
assistance visant à permettre aux autorités de résoudre elles-mêmes les problèmes qui se présenteront
à nouveau, au retour de la période difficile.
À noter :
Une rotation élevée du personnel de la délégation risque d’entraîner une perte de « mémoire
institutionnelle » en ce qui concerne les tendances de la malnutrition dans les LdD. Afin d’améliorer la
prévisibilité, chaque délégué – Santé, Protection/Détention ou EcoSec – doit toujours chercher à savoir
si les « pics de la malnutrition » (carences en micronutriments incluses) ont été signalés dans le passé
et, si c’est le cas, essayer de savoir à quel moment ces crises sont survenues.
Une fois que la décision d’interrompre un programme d’assistance a été prise, il est important de réduire
progressivement le programme, de ne pas se retirer de tous les LdD à la fois, et de procéder étape par
étape dans chaque LdD.
Il est essentiel que les AP et le personnel de santé soient d’accord entre eux, et que soient clairement
définies les tâches qu’ils devront assumer entièrement (en précisant à partir de quand). Un calendrier
sera utile pour préciser qui assumera quel(s) rôle(s), quand (et comment). Un retrait progressif des
programmes peut contribuer à révéler certaines faiblesses qui persistent dans le système et requièrent
un soutien supplémentaire de la part du CICR ou d’autres acteurs. Un retrait soudain risquerait en
revanche d’avoir des effets préjudiciables sur l’état nutritionnel des détenus : des gains lentement acquis
peuvent facilement être perdus. Le retrait peut en fait prendre autant de temps, sinon plus, que la mise
en place des programmes de nutrition, surtout si ces programmes sont en cours depuis plus d’une
année.
108
La réduction progressive de l’assistance alimentaire dans des LdD nécessite une PLANIFICATION
Quelle que soit l’entité qui fournit l’assistance alimentaire, le retrait progressif (« désengagement ») de ces
programmes nécessite une planification rigoureuse. Cela vaut pour les programmes d’assistance alimentaire
générale (AAG) comme pour les programmes d’assistance alimentaire complémentaire (AAC). La condition
préalable la plus importante est que les autorités pénitentiaires aient la volonté et les moyens de fournir des
rations pénitentiaires adéquates. Si les LdD ont été tributaires de l’aide extérieure pendant un certain temps, un
désengagement progressif est nécessaire. Cela requiert une planification préalable. Concrètement, cela signifie
qu’un plan de désengagement devrait être établi et prendre en compte les éléments suivants :
• Processus par lequel les LdD et les autorités pénitentiaires (au niveau régional et/ou national) assumeront
l’entière responsabilité de l’approvisionnement alimentaire.
• Dates à partir desquelles les LdD ne bénéficieront plus d’une assistance alimentaire extérieure. Ces dates
doivent s’échelonner sur une certaine période ; le but est d’éviter que tous les LdD d’une région ou d’un
pays donné aient à assumer en même temps la responsabilité de l’approvisionnement alimentaire ; les
autorités régionales ou nationales pourront ainsi soutenir le processus pendant un certain temps.
• Chaque désengagement doit faire l’objet d’un suivi et d’une évaluation avant toute décision de remettre en
place un nouveau programme d’assistance alimentaire dans un LdD donné.
• Le désengagement peut s’appliquer à tous les produits de base, ou seulement à certains d’entre eux, et
intervenir en une seule fois ou graduellement.
• Une préparation minutieuse est nécessaire pour les produits alimentaires qui sont les plus difficiles à se
procurer.
• Le désengagement de l’assistance alimentaire peut devoir être accompagné d’un plan d’urgence restreint
au cas où un ou deux produits de base ne peuvent pas être fournis (en ce cas, toutefois, la décision devra
être clairement justifiée).
• Si le CICR soutient le processus, un plan de soutien technique devra être ajouté : il expliquera à la fois
comment le CICR prévoit de fournir une assistance technique pour accompagner ce processus et le type
de soutien technique qui sera offert.
109
Annexes
Annexe 1. Produits nutritionnels utilisés dans le traitement de la
malnutrition (MAS et MAM)
110
111
Annexe 2. Composition du QBmix® et des comprimés de multi-
micronutriments (UNIMAP)
QBmix®
Pâte aromatique riche en micronutriments, qui vise à prévenir les carences en micronutriments dans les régimes
alimentaires monotones et au sein de populations à faibles revenus financiers. Étant utilisé comme condiment, il
ne nécessite pas de changements dans les habitudes alimentaires du consommateur.
QBmix® est ajouté aux aliments après la cuisson. Devenant liquide dans les aliments chauds, il est facile à
mélanger.
QBmix® ne peut pas se substituer à une alimentation équilibrée. En milieu carcéral, la distribution aux
détenus d’une ration alimentaire adaptée est donc l’objectif ultime du programme.
Sélénium 34 µg/j 65 µg 34 µg
Zinc 7 mg/j 15 mg 7 mg
Fer 14 mg/j 30 mg 7 mg
Niacine 16 mg/j 18 mg 16 mg
Acide 5 mg/j ? 5 mg
pantothénique
(vitamine B5)
Vitamine B6 1,3 mg/j 1,9 µg 1,3 mg
Vitamine C 45 mg/j 70 mg 90 mg
112
Annexe 3. Alimentation du nourrisson et du jeune enfant en
détention
« Pour que sa croissance, son développement et sa santé soient optimaux, le nourrisson doit être exclusivement
nourri au sein pendant les 6 premiers mois de la vie. (…) Par la suite, en fonction de l’évolution de ses besoins
nutritionnels, le nourrisson doit recevoir des aliments complémentaires sûrs et adéquats sur le plan nutritionnel [à
partir de l’âge de 6 mois], tout en continuant d’être allaité jusqu’à l’âge de 2 ans ou plus. » (Organisation mondiale
de la Santé)
Dans sa série d’articles sur la survie de l’enfant, la revue médicale The Lancet (2003) a classé – en fonction de leur
efficacité dans la prévention de la mortalité chez les moins de cinq ans – les 15 meilleures interventions
préventives : l’allaitement maternel exclusif jusqu’à l’âge de six mois et l’allaitement jusqu’à 12 mois étaient en
première position, et l’alimentation de complément à partir de six mois arrivait en troisième position. Ces deux
interventions à elles seules peuvent prévenir près d’un cinquième de la mortalité chez les enfants de moins de cinq
ans.
Dans le contexte de la détention, un suivi médical et anthropométrique des enfants doit être assuré soit dans le
LdD lui-même, soit dans un centre de santé proche du LdD.
Poids, taille, périmètre crânien, périmètre brachial et œdèmes : ces indicateurs anthropométriques doivent être
utilisés pour suivre la croissance des enfants : une bonne croissance est le signe d’une bonne nutrition. Les enfants
doivent être vaccinés, et traités en cas de maladie.
Un enfant souffrant de malnutrition aiguë doit être pris en charge dans le LdD ou au centre de santé de référence.
1) Enfants de 0 à 5 mois : les mères doivent être encouragées à allaiter exclusivement au sein leur
enfant jusqu’à l’âge de six mois. Le nourrisson ne reçoit que du lait maternel – il ne reçoit aucun autre liquide
ou solide, pas même de l’eau.
Si la mère n’arrive pas à allaiter, il faut essayer d’identifier le ou les problèmes et de parler avec elle de ce qu’elle
ressent ; dans tous les cas, elle doit être référée au centre de santé (voir questionnaire).
Cependant, dans certains cas particuliers, l’allaitement maternel rencontre des difficultés :
o Insuffisance de lait liée à une incapacité physiopathologique maternelle à produire du lait ou assez de lait
(concerne moins de 5% des mères)
o Insuffisance de lait liée à une conduite inappropriée de l’allaitement ou à une demande insuffisante de la part
de l’enfant, ou encore à la fréquence des tétées (bébés de petit poids de naissance ou prématurés).
o Mères en détention : manque d’intimité pour allaiter ; choc émotionnel et stress suite à la privation de liberté et
à la perte du support familial/social.
o Périodes de sensation de manque de lait.
113
- Les encourager et les conseiller sur la manière d’allaiter, et leur proposer un endroit intime.
- S’assurer qu’elles s’hydratent suffisamment et reçoivent au minimum 2 400 kcal/jour.
- Si l’on constate l’échec de la relance de l’allaitement maternel, l’alimentation artificielle est mise en place. Dans
ce cas, le couple mère/nourrisson devra avoir accès à de l’eau propre et à des structures sanitaires pour
maintenir l’hygiène du matériel. La mère devra être formée à l’utilisation du lait maternisé (dilution, fréquence,
etc.). Ce choix s’accompagne donc de séances de démonstration pour informer la mère sur la préparation du
lait, ainsi que d’un suivi hebdomadaire du poids de l’enfant.
En population civile, le substitut de lait maternel n’est pas nécessaire après l’âge de 6 mois, car les besoins
nutritionnels des enfants non allaités peuvent être couverts par les autres aliments. Cependant, dans un
contexte tel que le milieu carcéral, où les aliments procurant un bon apport nutritionnel sont rares, il est
important de maintenir l’enfant sous lait maternisé jusqu’à l’âge de 12 mois. La fourniture de lait maternisé
à un enfant en détention engage le CICR à poursuivre cet approvisionnement jusqu’à l’âge de 1 an de
l’enfant.
À noter :
Le lait thérapeutique – de type F-75 ou F-100 – n’est pas un substitut de lait maternel. Il est utilisé seulement pour
le traitement de la malnutrition aiguë sévère, en suivant le protocole national.
En moyenne, pour un enfant sain qui continue à être allaité au sein, les aliments de complément doivent être
proposés de la façon suivante :
114
- Enfants âgés de 6 à 12 mois, deux à trois fois par jour, soit un apport total de 300 kcal.
- Enfants âgés de 12 à 24 mois, trois à quatre fois par jour avec deux collations, soit un apport total de
550 kcal.
- A partir de 12 mois, un enfant peut manger le plat familial.
Enfants âgés de 6 à 24 mois - exemples d’aliments à proposer en complément des repas pénitentiaires :
- Produits céréaliers (farine de maïs, farine de blé, farine de manioc, riz, petites pâtes, etc.) : 50 g
+ Huile végétale : 5 g
+ Viande ou poisson : 20 g ou un demi œuf
= environ 250 kcal
- Produits céréaliers (farine de maïs, farine de blé, farine de manioc, riz, petites pâtes, etc.) : 50 g
+ Légumes verts : 50 g
+ Huile végétale : 5 g
= environ 240 kcal
À noter :
On peut enrichir les plats proposés avec 20 g de lait en poudre, surtout dans les contextes où la viande et le poisson
sont peu disponibles.
La variété des recettes est toujours un atout nutritionnel.
115
Questionnaire rapide pour évaluer l’allaitement maternel en détention
• Toutes les mères ayant des enfants de moins de deux ans doivent être questionnées et observées.
• But : pouvoir décider si le couple mère/enfant nécessite de l’aide ; s’il y a lieu, mettre en place l’aide
nécessaire.
Date :
……………………………………………………………………………………………………………………………………
…………………….
Cellule :
……………………………………………………………………………………………………………………………………
………………
Demander :
Observer :
Si la réponse est « oui » à l’une des questions ci-dessus à considérer de référer l’enfant vers le centre de
santé / de PMI le plus proche.
116
Annexe 4. Formulaire utilisé pour la surveillance des distributions
Cocher un cercle à chaque distribution ; si pour une raison quelconque, le patient ne reçoit pas sa ration, laisser le cercle vide.
Le nombre de cercles n’est pas fixe : il est à ajuster en fonction du contexte. « Jour » peut aussi être remplacé par « Mois » ou « Semaine ».
Pour éviter les erreurs dans les quantités à donner à chaque patient, il est recommandé de dresser une liste séparée des patients à qui des quantités différentes doivent être données.
117
Annexe 5. Mode de calcul du gain de poids
Les formules Excel qui apparaissent en ROUGE correspondent aux sections/cellules du LdD.
À noter : en cas d’œdème nutritionnel, W1 n’est pas le poids du patient au moment de son admission, mais son poids le plus bas. Généralement, en effet,
un détenu souffrant d’œdème nutritionnel perd du poids dans les premiers jours du traitement (perte d’eau, normalement) ; une fois la perte de poids stabilisée,
le patient reprendra du poids. Il est donc important de calculer le gain de poids en partant du poids le plus bas (sans eau superflue) et non le poids à l’entrée
dans le programme.
=J7
=(G7-F7)*1000 =D7-C7
118
Autre exemple :
Une personne ayant un poids de 45 kg (W1), pour une taille de 1 m 70 (IMC = 15,6 kg/m2) est en situation de malnutrition sévère (IMC < 16 kg/m2). Elle
devra prendre du poids (9 kg, environ) pour remplir les critères de décharge du programme nutritionnel : lorsqu’elle aura atteint un poids de 54 kg (W2), elle
aura un IMC de 18.7 soit •18,5 kg/m2.
Si la personne parvient, en 30 jours, à atteindre les critères de décharge (IMC • 18,5 kg/m2 lors de deux pesées consécutives), son gain de poids aura été de
6,7 g/kg/jour.
Voici le calcul :
Gain de poids = ___________/ nombre de jours = 54,000 – 45,000 / 30 (jours) = 6,7 g/kg/jour
Poids à l’entrée en kg 45
119
Annexe 6. Fiche individuelle de suivi des patients MAS et MAM
Fiche de suivi du patient malnutri sévère ou modéré
Numero du patient:
Autres:
120
121
Annexe 7. Exemple de registre de la MAM
1…25
** Type de décharge/sortie : Guérison/Récupération (G), Transfert (T), Décès (D), Non-répondant (NR), Abandon (AB), Détenu relâché/Libéré (L)
122
Annexe 8. Exemple de registre de la MAS
123
Annexe 9. Comment faire la distinction entre les œdèmes
nutritionnels et d’autres types d’œdèmes
Similitudes avec les œdèmes nutritionnels Différences avec les œdèmes nutritionnels
Il apparaît sous la forme d’un œdème bilatéral Il tend à augmenter le jour et à diminuer la nuit
en godet. Il est dit « dépendant » (apparaît (œdème dit « fluctuant »).
d’abord dans les membres inférieurs, puis se Il peut apparaître à différents endroits, selon la
développe en remontant). position adoptée par le patient (œdème dit « de la
position allongée »).
Un œdème qui apparaît uniquement le matin ou
après une station debout prolongée et qui se
résorbe rapidement après mobilisation du patient a
probablement une origine cardiaque, et non pas
nutritionnelle.
La peau de la zone de l’œdème est souple, Dans les cas chroniques, l’œdème peut être
brillante et n’est pas chaude. cyanotique (coloration bleue de la peau, difficile à
distinguer sur une peau noire).
35
Source: C. Navarro-Colorado, Adult Malnutrition in Emergencies, Field Guidelines, ACF, 2006.
124
À noter : la malnutrition aiguë sévère (MAS) peut provoquer une insuffisance cardiaque, en
particulier pendant un traitement par administration d’ATPE liquides. En ce cas, le diagnostic
différentiel sera guidé par les antécédents du patient (symptômes cardiaques antérieurs) et par
l’ordre d’apparition de l’œdème et de la dyspnée.
Provoqué par une glomérulonéphrite, une néphrite aiguë et d’autres causes d’insuffisance rénale.
Similitudes avec les œdèmes nutritionnels Différences avec les œdèmes nutritionnels
Syndrome néphrotique : en général, l’œdème L’œdème commence dans les tissus mous,
bilatéral en godet se développe rapidement ; il souvent dans les zones périorbitales et
est très étendu et profond. périmalléolaires. Dans les cas graves, il peut
affecter les cavités (ascite, hydrothorax, etc.).
Syndrome néphrétique aigu : en général, Ces deux syndromes peuvent être
l’œdème apparaît plus lentement ; il touche concomitants avec une anurie ou une polyurie
une plus petite zone. Lui aussi touche ainsi qu’avec d’autres symptômes de troubles
habituellement d’abord les zones molles et doit rénaux.
être suspecté s’il a commencé dans une zone
périorbitale.
La peau de la zone de l’œdème est brillante et Protéinurie
n’est pas chaude.
Suspecter une origine rénale …
… de tout œdème qui a d’abord touché une zone périorbitale ou un autre tissu mou. La présence
d’une protéinurie massive (détectable à l’aide de bandelettes réactives) confirme le diagnostic ;
toutefois, une protéinurie modérée peut accompagner la malnutrition œdémateuse. Anurie et
polyurie appuient aussi le diagnostic mais l’œdème peut aussi être présent en cas de malnutrition
(cela, principalement après le début du traitement). Il est difficile de distinguer, d’une part, un
œdème d’origine rénale (syndrome néphrotique, en particulier) et, d’autre part, une malnutrition
œdémateuse. La présence de symptômes associés de maladie rénale et l’absence de
symptômes de malnutrition constituent (conjointement avec le contexte épidémiologique) les clés
d’un diagnostic différentiel. Si un laboratoire est à disposition, il peut établir un diagnostic définitif.
125
• Œdème d’origine hépatique : cirrhose et hypertension portale
Provoqué par une insuffisance hépatique chronique avec hypertension portale. Insuffisance
hépatique aiguë (hépatite, intoxication aiguë due à des drogues ou autre cause). Une cirrhose
est habituellement présente (d’origine toxique/alcoolique, cancéreuse ou autre). Schistosomiase
hépatique (bilharziose) dans les zones endémiques.
La présence d’ascite ne suffit pas pour décider qu’un œdème est d’origine hépatique : l’ascite
est en effet également souvent présente en cas de malnutrition chez les adultes.
126
• Œdème d’origine veineuse
Provoqué par une insuffisance veineuse chronique, une thrombose veineuse, etc.
Similitudes avec les œdèmes nutritionnels Différences avec les œdèmes nutritionnels
L’œdème peut être un œdème bilatéral en L’œdème peut être un œdème unilatéral, en
godet, en fonction des zones affectées. fonction des zones affectées.
La peau au-dessus de l’œdème peut être pâle
ou bleue (cyanotique).
L’œdème se développe habituellement sur
une longue période, avec une enflure
progressive après que la personne soit restée
debout ou ait marché pendant quelque temps.
Aux stades initiaux, l’œdème peut disparaitre
après mobilisation du membre (« pompe
musculaire »)
Possibles signes de phlébite (syndrome de la
veine cave inférieure), cyanose locale, veines
et varices collatérales (distension veineuse).
Le patient peut aussi faire état de douleurs
ressenties en marchant et qui diminuent quand
il a les jambes surélevées.
Suspecter une origine veineuse …
… en l’absence de signes de maladie systémique et compte tenu de l’historique de la maladie et
des caractéristiques de l’œdème.
Autres situations dans lesquelles des cas d’œdème bilatéral non dû à la malnutrition
peuvent être observés (y compris en milieu carcéral)
127
Béribéri « humide » (carence en thiamine) : insuffisance cardiaque droite avec un débit
cardiaque élevé. Association d’un œdème et d’une oligurie. Les signes d’hypercirculation (y
compris membres chauds et auscultation typique des battements du pouls et du cœur). Peut être
associé au béribéri « sec » (neuropathie typique). Forme peu fréquente, sauf pendant les
flambées de béribéri et dans les cas d’alcoolisme chronique.
Œdème inflammatoire : généralement non bilatéral. Il apparaît partout sur la peau avec des
signes d’inflammation (érythème localisé ; douleur ; éventuel foyer infectieux ; ganglions et
lymphangite).
Types d’œdèmes N’AYANT PAS LES MÊMES CARACTÉRISTIQUES QUE LES ŒDÈMES
NUTRITIONNELS
Œdème asymétrique : peut avoir les mêmes causes qu’un œdème unilatéral si l’obstruction est
bilatérale. Peut être le résultat d’un œdème unilatéral venant s’ajouter à un œdème ayant une
autre cause, y compris la malnutrition.
128
Annexe 10. Grèves de la faim dans les lieux de détention
Lorsque le CICR visite un lieu de détention où des détenus font la grève de la faim, les médecins
Détention du CICR ont un rôle spécifique à jouer : ils s’attachent à faire en sorte que les grévistes
de la faim reçoivent des soins appropriés, et que leur dignité et leur volonté soient respectées.
Les médecins Détention du CICR visent à s’assurer que la gestion de la grève de la faim est
conforme aux règles de l’éthique médicale internationalement reconnues. En 2006, la
Déclaration de Malte de l’Association médicale mondiale (AMM) a fourni des directives claires
aux médecins impliqués dans la prise en charge des grévistes de la faim, stipulant
notamment que l’alimentation forcée n’est jamais éthiquement acceptable.
Que la privation de nourriture soit volontaire ou involontaire, la physiologie du jeûne est la même.
Une perte de poids significative se produit généralement au tout début du jeûne, principalement
à cause de la perte de fluides corporels induite par la sécrétion de glucagon. Un suivi médical est
généralement recommandé après une perte de 10% de poids chez un individu en bonne santé.
Les principaux problèmes de santé se posent lorsque la perte de poids dépasse 15% du poids
initial. Les symptômes suivants se produisent pendant les différentes étapes d’une grève de la
faim (voir schéma ci-dessous).
129
Ligne du temps
0 – 75 jours
Jours 0 à 14
Jeûne généralement bien supporté, si
ü Apport hydrique suffisant (1,5 à 3 l d’eau/jour)
ü Aucun problème de santé préexistant
Faim douloureuse, crampes d’estomac - disparaissant généralement le 2ème ou 3ème jour
Jours 15 à 35
ü Étourdissements ou sensation d’évanouissement
ü Ataxie grave
ü Se mettre debout peut devenir difficile, ou même impossible
ü Bradycardie
ü Hypotension orthostatique
ü Sensation de tête légère ou atonie mentale
ü Sensation de froid
ü Sensation de faiblesse générale
ü Crises de hoquet
ü Perte de la sensation de soif
Jours 35 à 42
Phase « oculaire »
Paralysie progressive des muscles oculomoteurs
Nystagmus incontrôlable
Diplopie
Sensations de vertige très désagréables
Strabisme convergent
Vomissements incontrôlables
Extrême difficulté à avaler de l’eau
Jour 42 et au-delà
Asthénie progressive
Confusion/somnolence
Concentration impossible/incohérence
Indifférence à l’environnement
Perte de l’audition, cécité, hémorragies
Bradycardie extrême, respiration de Cheyne-Stokes…
Collapsus cardiovasculaire/arythmies sévères et
DÉCÈS
Lorsqu’il décide d’arrêter sa grève de la faim, le détenu devrait commencer à être réalimenté. Or,
la réintroduction de la nourriture provoque des changements métaboliques rapides et complexes.
À moins d’être bien gérée sur le plan médical, la réalimentation peut conduire à une affection
potentiellement mortelle appelée « syndrome de renutrition inappropriée » (SRI). Les risques de
développement du SRI doivent être évalués par le médecin traitant, conformément aux protocoles
établis (voir Annexe 13).
130
Annexe 11. Comment réaliser un test de l’appétit
Si des examens approfondis (tests de laboratoire, notamment) ne peuvent avoir lieu, l’appétit est
utilisé comme indicateur supplétif d’une infection et/ou de troubles métaboliques potentiellement
sévères. Ces patients courent un risque élevé de décès.
131
Annexe 12. Principes de base du traitement en centre de
stabilisation des patients MAS présentant des complications
médicales
Où qu’il soit administré – dans un centre de stabilisation nutritionnelle (CS), dans un hôpital ou à
l’infirmerie d’un LdD –, le traitement nutritionnel des patients MAS présentant des complications
se déroule en deux phases. Ces phases de traitement s’appliquent à tous les groupes : adultes,
adolescents et personnes âgées. Dans la plupart des LdD, il est peu probable que le CICR décide
d’ouvrir un CS ; le CICR demandera plutôt que les patients MAS souffrant de complications soient
transférés à l’hôpital de référence, puis reviennent dans le LdD une fois les complications traitées
avec succès. De nombreux hôpitaux n’ayant aucune expérience du traitement de patients MAS
adultes présentant des complications, un certain nombre de principes directeurs sont présentés
ici.
• Reprend appétit37 ; et
• est alerte et réactif ; et
• a récupéré (ou est en cours de récupération38) de complications médicales graves ;
• + début de réduction des œdèmes.
36
L’expérience a montré que 7 jours constituaient la durée habituelle.
37
Les patients peuvent commencer à demander davantage de nourriture.
38
Les patients souffrant de certaines pathologies ont besoin, pour guérir, de plus de temps que les 7 jours
de la première phase de traitement.
132
• Favoriser un gain de poids rapide chez le patient, en augmentant et en variant son
alimentation ;
• Mener à terme tout traitement médical en cours ;
• Permettre un contrôle fréquent des patients.
Au début de la phase 2, la quantité d’ATPE proposée est augmentée après quelques jours
(remplacement du F-75 liquide) ; lorsque le patient consomme la quantité d’ATPE requise, la
ration pénitentiaire est réintroduite. Après quelques jours de régime alimentaire complet (ATPE
+ ration pénitentiaire) et en l’absence de complications médicales, on peut transférer le patient
dans un programme de traitement de la MAS dans le LdD.
Tout patient présentant l’un des signes suivants doit immédiatement revenir à la phase 1 :
39
Chiffre basé sur l’expérience.
40
Chiffre basé sur l’expérience.
133
Annexe 13. Nombre d’unités d’APE nécessaires en fonction de
la ration pénitentiaire
0 8 13 12 6
500 7 11 10 5
1 000 6 10 8 4
1 500 5 8 6 3
2 000 4 6 4 2
2 400 3 5 2 1
134
Annexe 14. Œdèmes de renutrition
Le traitement des œdèmes de renutrition est simple ; il suffit généralement d’arrêter le traitement
nutritionnel pendant quatre à six heures, puis de donner au patient un lait thérapeutique (F-75) ;
pendant cette période, il est conseillé de donner, à intervalles réguliers, de petites quantités de
sucre dilué dans de l’eau pour éviter une hypoglycémie. Si le patient présente des signes graves
de congestion cardiaque, ne pas commencer la réalimentation thérapeutique avant que les
signes s’améliorent, même si cela prend plus de six heures. Dans les cas de congestion
cardiaque et d’œdème de réalimentation, si la restriction liquide n’améliore pas l’état du patient,
une dose de diurétiques peut aider (Furosémide). Néanmoins, une telle mesure est rarement
nécessaire ; de plus, il arrive qu’elle soit inefficace pour les patients souffrant de malnutrition
sévère.
Une fois que le volume des œdèmes commence à diminuer, le protocole de nutrition doit être
poursuivi, en portant un soin particulier au passage du F-75 aux ATPE : les quantités de liquide
données aux patients doivent être augmentées de manière progressive (plutôt que toutes à la
fois), et la réponse des patients doit être surveillée sur une base quotidienne. Il s’agit de patients
« à haut risque » qui doivent donc être étroitement surveillés par un infirmier/un médecin
expérimenté.
[Traduction CICR]
135
Annexe 15. Syndrome de renutrition inappropriée (SRI) : signes
cliniques et prise en charge
Le syndrome de réalimentation – aussi appelé « syndrome de renutrition inappropriée » (SRI) –
regroupe l’ensemble des réactions indésirables qui surviennent lors de la réalimentation des
patients dénutris ou ayant subi un jeûne prolongé. Il résulte des ajustements physiologiques qui
permettent à l’organisme de survivre au jeûne, mais qui peuvent causer de sévères troubles
métaboliques lors de la réalimentation. Il survient dès les premiers jours de la réalimentation.
Sans détection rapide et prise en charge correcte, le SRI peut entraîner le décès du patient.
Tout patient dénutri, non-alimenté depuis plus de 7 jours est à risque, notamment s’il se trouve
en situation de stress. Les patients les plus exposés41 sont néanmoins ceux qui :
- présentent un IMC inférieur à 16
- présentent une perte de poids de plus de 15% par rapport au poids de base (grève de la faim)
- prennent certains médicaments (antidiabétiques, diurétiques, antiacides)
- présentent une infection concomitante
Principaux signes cliniques apparaissent durant les tout premiers jours de la réalimentation :
• Signes gastroentérologiques, notamment les diarrhées, mais aussi : douleurs
abdominales ; constipation ; nausées ; vomissements
• Insuffisance cardiaque congestive, arythmies
• Insuffisance respiratoire
• Signes neurologiques : crise convulsive ; confusion mentale ; ataxie ; paresthésies ;
tremblements
• Douleurs musculaires, crampes, tétanie
• Hémorragies
À noter : la surveillance des principaux indicateurs du suivi des patients MAS permet de détecter
rapidement l’apparition du SRI.
Prise en charge :
Le SRI reste méconnu. Il est essentiel d’y penser lors de la détérioration rapide de l’état de
patients en début de renutrition, notamment dans le cas des patients les plus à risque. Une
alimentation prudente et progressive ne met pas complètement à l’abri du SRI, mais permet de
l’éviter le plus souvent.
Une prise en charge rapide est requise. Pour détecter au plus tôt le SRI, il convient d’assurer une
bonne surveillance clinique (pouls, respiration, signes digestifs), surtout dans la première
semaine de réalimentation.
En cas de survenue :
- Arrêt de toute alimentation sauf ATPE, sans dépasser 500 kcal/jour pendant 3 jours
- Augmenter progressivement les apports avec ATPE seul sur deux semaines, pour atteindre
30 à 40 kcal/kg/jour
- Supplémenter systématiquement en thiamine (500 mg/j) et folate (50 mg/j) pendant 3 jours
À noter : le F-75 est mieux adapté que les ATPE à la prise en charge des trois premiers jours.
41
Il est entendu que nous parlons ici des contextes où le CICR est amené à intervenir pour lutter contre
la malnutrition en détention.
136
Annexe 16. Descriptions de postes du personnel travaillant
pour les programmes de nutrition
En général, c’est dans les premières phases des programmes, au cours desquelles les patients
sont admis en plus grand nombre, qu’il faut le plus de postes et de personnels. Le traitement est
administré soit une fois par semaine dans le cadre des programmes de traitement de la MAS,
soit toutes les deux semaines dans le cadre des programmes de traitement de la MAM. Il est
évident que certains postes peuvent alors être occupés par une seule et même personne.
À noter :
Tous les postes dont la description figure ci-après n’ont pas nécessairement besoin d’être
pourvus dans tous les programmes de traitement de la malnutrition mis en place en milieu
carcéral.
SUPERVISEUR
Le superviseur doit posséder une bonne vision d’ensemble et être bon gestionnaire.
Tâches spécifiques
137
• S’assure que les soins médicaux requis sont dispensés de manière appropriée et en
conformité avec le protocole ;
• Suivi nutritionnel : veille à ce que la prise des mesures (P/T, IMC et œdèmes) et la
surveillance des patients soient correctes ;
• S’assure que les fiches individuelles de suivi, ainsi que le registre de présence, sont
correctement tenus à jour ;
• Veille à ce que les critères d’admission et de décharge/sortie soient respectés.
Gestion des ressources humaines
Tâches spécifiques
Admissions
• Oriente les cas graves, présentant des complications, sur un centre de stabilisation
nutritionnelle (CS) ou un hôpital, en fournissant un formulaire de référence dûment rempli ;
• Admet les patients conformément aux critères en vigueur. Lorsque l’admission d’un patient
est « à la limite », il demande que la décision soit prise par le membre du personnel médical
de garde ;
• Enregistre correctement les nouveaux patients dans le registre/livre de présences (numéro,
nom, section, date, etc.) ;
• Le cas échéant, munit le patient d’un bracelet d’identification (portant le numéro, le nom et la
section du patient (les distributions des programmes MAM ou MAS n’ont pas lieu le même
jour dans toutes les sections du LdD) ;
• Établit la fiche individuelle de suivi du patient, en y reportant des informations administratives
et les mesures anthropométriques ;
• Informe le patient sur le fonctionnement du programme ;
• Remplit les statistiques journalières et les transmet au superviseur (nombre d’admissions,
nombre de décharges/sorties, abandons, absences, en mentionnant le motif) ;
• Fournit un sachet d’ATPE pour le test de l’appétit.
Surveillance du traitement
138
• Tient à jour sur une base quotidienne les registres de présence et de décharge/sortie
(guérison, abandon, décès ou transfert) et note la date de décharge/sortie dans le registre de
présence ;
• Transmet chaque jour au superviseur les informations relatives à la fréquentation journalière ;
• Fournit un sachet d’ATPE pour le test de l’appétit.
Décharges
• Connaît les patients qui remplissent les critères de décharge (la personne chargée des
formalités administratives est la première à le savoir) et en informe l’infirmier afin qu’une
décision finale puisse être prise.
Statistiques
• Met les statistiques à jour sur une base quotidienne, conjointement avec le superviseur
(nombre d’admissions, d’abandons, de transferts, etc.) ;
• Soumet chaque semaine au superviseur les formulaires d’admission et de décharge/sortie,
en vue de la préparation des statistiques hebdomadaires.
Tâches spécifiques
Soins médicaux
• Veille à ce que chaque patient bénéficie d’un examen clinique lors de son admission au
programme ;
• Assure le contrôle hebdomadaire de tous les patients suivant un traitement MAS/MAM ;
• Réfère au médecin, en vue d’un examen plus poussé, les patients qui ne prennent pas de
poids ou qui présentent des problèmes médicaux complexes ;
• Prescrit un traitement de base selon les protocoles ;
• Prescrit des quantités correctes de produits alimentaires en fonction du poids du patient ;
• Pose des pansements conformément aux règles d’hygiène ;
• Détecte les cas de déshydratation et fournit les produits requis (sels de réhydratation par voie
orale/SRO ou ReSoMal) ;
• Surveille les progrès des patients en réhydratation ;
• Détecte et réfère immédiatement à un médecin les patients dont l’état est sérieux et nécessite
une prise en charge urgente ;
• Remplit entièrement et correctement, sur une base hebdomadaire, la fiche individuelle de
suivi des patients MAS (indication des résultats de la consultation médicale et du traitement
suivi).
Soins nutritionnels
• Veille à être informé de la façon dont les patients consomment les ATPE ; veille à ce que de
l’eau de boisson saine soit fournie, et que les aliments soient distribués régulièrement au
cours de la journée ; donne des conseils sur les ATPE ;
• Contrôle les patients souffrant d’œdèmes ;
• Assure le suivi de l’état nutritionnel des patients (progrès, changement de poids, appétit, etc.).
139
• Examine les raisons pour lesquelles un patient ne prend pas de poids ;
• Prend la décision, après discussion avec la personne chargée des formalités administratives
du programme, quant à la décharge des patients ayant atteint les critères de
guérison/récupération.
Statistiques
Tâches spécifiques
Au moment de l’admission
• Contrôle chaque semaine le poids de tous les patients recevant un traitement MAM/MAS ;
• Enregistre correctement les mensurations sur la fiche individuelle de suivi du patient ;
• Informe les patients sur l’évolution de leur poids (gain, stabilité ou perte) ;
• Signale à l’infirmier ou à l’assistant médical les changements de poids chez leurs patients,
en particulier en cas de perte de poids ;
• Veille à ce que la taille des patients soit mesurée chaque mois (en particulier chez les
adolescents) ainsi qu’au moment de la décharge.
Tâches spécifiques
Tâches spécifiques
• Prépare les médicaments nécessaires pour le traitement de chaque patient sur une base
quotidienne ;
• Veille à ce que les premières doses soient prises immédiatement ;
• Distribue les médicaments et explique leur importance aux détenus ;
• Garde la pharmacie propre et bien organisée ;
• Remplit le formulaire journalier de consommation (médicaments et matériel) ;
• Établit chaque semaine le rapport de consommation et de stocks (médicaments et matériel).
• Note sur la fiche individuelle de suivi les informations relatives aux médicaments fournis.
• Tient à jour un registre des patients qui doivent bénéficier d’un traitement sur une base
quotidienne.
• Recueille les fiches individuelles de suivi, les compte à la fin de la distribution, et les remet
au superviseur qui les conserve jusqu’à la distribution suivante (cycle hebdomadaire) ; les
fiches des patients ayant quitté le programme doivent être séparées des autres fiches
individuelles de suivi).
Tâches spécifiques
141
• Distribue à chaque patient les produits alimentaires prévus dans le planning journalier et en
quantité appropriée (en fonction du poids du patient) ;
• Explique comment les produits ATPE/ASPE doivent être consommés ;
• Tient à jour l’enregistrement des quantités distribuées chaque jour ;
• Veille à ce que les patients consomment « sous observation directe » les compléments
alimentaires distribués ; collecte les sachets ou emballages vides, s’il y a lieu ;
• Veille à ce qu’aucun aliment ne soit détourné parmi les patients/détenus. Compte les
quantités d’ATPE/ASPE qui entrent (comptage avant le début de la distribution) et qui sortent
(comptage après la distribution). Tient les enregistrements à jour.
• Agit en tant que « personne de référence » quand :
• Un patient est incapable de suivre le traitement nutritionnel prévu (anorexie,
vomissements, etc.) ;
• Des problèmes médicaux apparaissent (forte fièvre, diarrhée persistante, toute autre
affection médicale justifiant un examen avant le prochain contrôle hebdomadaire).
Rappel :
Chaque patient bénéficie d’un traitement nutritionnel individuel : cela signifie que la quantité à
recevoir diffère d’un patient à l’autre. Un enregistrement de la quantité de produits alimentaires à
fournir lors de chaque distribution est à disposition (sous la forme, par exemple, d’un registre
dans lequel est inscrite la quantité dont chaque patient doit bénéficier chaque semaine).
Description de la fonction
• Veille à ce que le repas supplémentaire (« repas MAM ») soit préparé selon le protocole établi
par l’administration pénitentiaire ;
• Forme et supervise le personnel de cuisine (préparation des aliments et bonnes pratiques
d’hygiène) ;
• Veille à ce que l’ensemble du personnel de cuisine respecte les bonnes pratiques d’hygiène ;
• Informe le superviseur du programme MAM et propose des solutions en vue de la correction
de tout dysfonctionnement de la chaîne alimentaire affectant la préparation du repas.
Tâches spécifiques
• Assure la préparation du repas MAM dans le respect le plus strict des règles d’hygiène ;
• Observe une hygiène personnelle irréprochable en tout temps ;
• Lave les outils de cuisson à l’eau de Javel au moins une fois par semaine ;
• Lave le sol à l’eau de Javel tous les jours :
• Évacue systématiquement les déchets ;
142
• Assure le nettoyage systématique de la cuisine et de ses locaux annexes.
• Supervise le lavage des ustensiles de cuisine avec du savon ;
• Assure la surveillance de la distribution des repas MAM (en fonction du système de
distribution) ;
• Met en place la distribution des rations MAM basée sur des méthodes formalisées visant à
assurer l’équité lors du partage des repas ;
• Remplit le formulaire de distribution pour vérifier que chaque bénéficiaire a bien reçu le repas
prévu.
143
Annexe 17. Exemples d’équipements et de fournitures nécessaires pour
les programmes de traitement de la malnutrition
Un astérisque (*) signale les articles dont la quantité varie selon le nombre de personnes
admises dans le programme.
144
BP5 (510 g par paquet)
(*) SuperCereal + matériel de cuisine
(*) Huile
(*) Sucre
Mobilier Table 4 4
(Fourni par le LdD) Chaise (ou banc) 7 7
À noter : Le matériel d’hygiène – balais, brosses à récurer, chlore, pains de savon, savon en poudre,
torchons, etc. – n’est pas répertorié ici, car il relève du département Eau et Assainissement.
Si la base du régime alimentaire des patients MAM est une bouillie, du matériel est nécessaire pour la
préparation du prémélange et la cuisson de la bouillie (les besoins varient en fonction de la capacité de
cuisson disponible dans le LdD).
Balance à suspendre, type Salter (50 kg) 1
Pour préparer le Fûts d’entreposage pour le prémélange 2
prémélange Marmite (50 l) avec couvercle 1
Spatule en bois, grande taille 2
Tasse graduée (1 l) 2
Tablier 2
Marmite (100 l) avec couvercle 1
Pour faire cuire la Marmite (50 l) avec couvercle 1
bouille Spatule en bois, petite taille 1
Louche, grande taille 2
Fouet, grande taille 2
Pichet gradué (1 l) 2
Assiette en plastique (0,5 l) 125
Cuiller à soupe (15 ml, plastique) 150
Seau avec couvercle (15-20 l) 3
Tablier 2
145
Préparation
Marmite, 50 kg (150 l) Cuisinier l’aliment de base (céréale, par ex.,) 2 Unités/an
Marmite, 15 kg (45 l) Cuisinier l’accompagnement (sauce) 2 Unités/an
Couteau Couper, hacher les ingrédients 6 Unités/an
Laver les céréales, faire tremper les haricots,
Récipient en plastique, 150 l laver la vaisselle et conserver l’aliment de base
(avec couvercle) (céréale) après la cuisson 6 Unités/an
Récipient en plastique, 60 l
(avec couvercle) Idem 6 Unités/an
Désinfecter les ustensiles de cuisine à l’eau de
Bassine en plastique Javel 10 Unités/an
Spatule en bois Mélanger les ingrédients 6 Unités/an
Mortier Moudre les céréales pour produire de la farine 4 Unités/an
Eau de Javel (8 ou 12%) Laver le sol (local de stockage et cuisine) 10 Litres/mois
Verre 100 ml Mesurer la bonne quantité d’eau de Javel
Grattoir métallique Nettoyer les marmites 5 Unités/mois
Nettoyer les ustensiles de cuisine ; laver les
mains des personnes qui manipulent les
Savon (liquide ou en pain de 200 g) aliments 30 Unités/mois
Serpillère Laver le sol 2 Unités/mois
Balai Balayer le sol (local de stockage et cuisine) 6 Unités/an
Pelle Ramasser les détritus 2 Unités/an
Baril (en plastique, 200 l, avec
couvercle) Conserver l’eau nécessaire pour la cuisine 6 Unités/an
Tamiser la farine et la débarrasser des pierres,
Tamis brins d’herbe, etc. 6 Unités/an
Gants (thermorésistants) Manipuler des marmites chaudes 10 Unités/an
Distribution
Jerricane Stocker l’eau dans les cellules 20 Unités/an
Grande écumoire
Transférer les éléments solides de la sauce
dans les bassines destinées aux distributions ;
transférer l’aliment de base (céréale) dans des
bols/gamelles pour la distribution dans les
cellules 4 Unités/an
Distribuer la partie liquide de la sauce dans les
Louche 200 ml gamelles individuelles 10 Unités/an
Répartir les éléments solides de la sauce dans
Petite écumoire (100 ou 200 ml) les gamelles individuelles 10 Unités/an
Bocal, 1 l Mesurer (les céréales, par ex.) 10 Unités/an
Bocal, 0,5 l Mesurer (haricots, porridge, soupe, par ex.,) 10 Unités/an
Récipient en plastique, 30 l (avec
couvercle) Transporter l’aliment de base (céréale) et la 10 Unités/an
Seau en métal, 15 l (avec couvercle) sauce jusqu’au lieu de de consommation 10 Unités/an
Répartir la nourriture en portions égales (et la
conserver dans de bonnes conditions d’hygiène
si aucune préparation n’est possible dans la
Gamelle ou bol avec couvercle soirée) 300 Unités/an
146
Annexe 18. Matériel requis pour les programmes nutritionnels
Certains types d’équipement sont nécessaires pour mettre en œuvre les programmes de
traitement de la malnutrition (MAS & MAM) dans les LdD et surveiller la chaîne alimentaire. Ce
matériel – qui devrait au minimum être renouvelé chaque année – est à remplacer s’il est
endommagé.
1. Toise
Poids
Code Description Prix
d’expédition
2. Pèse-personne
Poids
Code Description Prix
d’expédition
À noter :
147
Dans certains contextes, un pèse-personne numérique pourrait être recommandé si la lecture est difficile
sur un modèle classique. Des conseils peuvent être obtenus auprès des nutritionnistes au siège : les
pèse-personnes numériques ne figurent pas encore dans le catalogue CICR/Fédération, mais cela
pourrait changer bientôt.
3. Balance de cuisine
Poids
Code Description Prix
d’expédition
Poids
Code Description Prix
d’expédition
Important :
Inclure la mention « nouveau modèle, PLUS LONG » pour recevoir le modèle le plus récent.
148
Annexe 19. Indicateurs de suivi à utiliser dans les programmes de traitement de la malnutrition
Taux de décès (%) Qualité des soins Indicateur essentiel Hebdomadaire ou bihebdomadaire
Taux de rechutes (%) Si le nombre de rechutes est élevé, des Indicateur essentiel Hebdomadaire ou bihebdomadaire
investigations plus poussées sont nécessaires.
Durée moyenne du Qualité de la prise en charge (soins médicaux et Indicateur recommandé Mensuelle
traitement* traitement nutritionnel)
Gain de poids moyen* Qualité de la prise en charge (soins médicaux et Indicateur recommandé Mensuelle
traitement nutritionnel)
+ Taux de mortalité dans l’ensemble du LdD (pas uniquement parmi les détenus admis dans des programmes nutritionnels)
+ Rapports sur la morbidité
149
Annexe 20. Erreurs observées dans un programme de traitement
de la malnutrition
• Inexactitude des mesures de l’IMC, surtout à cause • Souvent, une correction de 500 à 600 g est suffisante si
d’erreurs dans le calcul du poids (lecture erronée ; les détenus portent des vêtements légers (T-shirt et
balance non étalonnée ; absence ou insuffisance des pantalon léger, sans ceinture)
corrections visant à tenir compte des vêtements portés
par les détenus lors de la pesée)
• Prise de mesure incorrecte du PB (aucune mesure de • Sous-/surestimation de la malnutrition quand l’évaluation
la circonférence de la partie supérieure du bras) se fait sur la base du PB
• Non-utilisation du PB pour les FEA (IMC utilisé au lieu • Sous-estimation de la malnutrition parmi les FEA
du PB)
• Utilisation erronée des seuils (par ex. : 18,5 kg/m2 • <18,5 kg/m2 = malnutris (MAG)
diagnostiqué comme MAM et 16 kg/m2 comme MAS) • <16 kg/m2 = MAS
• Œdème reste non enregistré et/ou mal diagnostiqué • Tout patient présentant un œdème devrait, en principe,
(l’IMC trop élevé de certains patients risque de les être enregistré en tant que « patient MAS » (colonne
pousser au-delà du seuil de la malnutrition) Œdème) sauf si l’œdème est clairement lié à un autre
problème médical ou à une carence en micronutriments
(béribéri, par ex).
• Dénominateur erroné utilisé pour définir la prévalence • Si l’ensemble de la population carcérale a été mesurée
de la malnutrition selon le mode d’échantillonnage (évaluation complète), le dénominateur est l’effectif total
utilisé du LdD concerné.
• Si un échantillon seulement de détenus a été mesuré, le
dénominateur est le nombre total de détenus dans
l’échantillon (et non pas le nombre total de détenus dans
le LdD concerné).
• Les patients atteints de la tuberculose sont • Si leur IMC est •18.5 kg/m2, les patients atteints de la
systématiquement enregistrés comme étant malnutris tuberculose devraient être enregistrés de manière
(ce qui est correct s’ils sont effectivement malnutris, consistante dans la catégorie des « Malades » dans le
mais incorrect dans le cas contraire). système de suivi et d’évaluation.
• Les détenus qui ont de la difficulté à se mettre debout • Ces détenus devraient être enregistrés de manière
sans assistance (ou qui ne peuvent pas manger sans systématique dans la catégorie des « malades » et
être aidés) ne sont pas toujours enregistrés. toujours être inclus dans les programmes nutritionnels
(même si leur IMC est •18.5 kg/m2).
• Enregistrement de la seule prévalence MAM et MAS • Pour les autorités pénitentiaires et le CICR, les taux les
plus importants sont ceux de la prévalence de la MAG et
de la MAS (les seuils institutionnels étant basés sur ces
taux).
• Définition erronée de la MAS • Tous les détenus qui ont un IMC <16 kg/m2 (ou un indice
P/T <70% s’il s’agit de mineurs) ET tous les détenus
présentant un œdème bilatéral (nutritionnel).
150