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2020 18:48

Québec français

La problématique de l’enseignement des langues secondes aux


adultes
Gisèle H. Painchaud

Numéro 32, décembre 1978

URI : https://id.erudit.org/iderudit/56574ac

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Éditeur(s)
Les Publications Québec français

ISSN
0316-2052 (imprimé)
1923-5119 (numérique)

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Citer cet article


Painchaud, G. H. (1978). La problématique de l’enseignement des langues
secondes aux adultes. Québec français, (32), 56–61.

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La problématique
de l'enseignement
des langues secondes
aux adultes

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56 QMébec f r a n ç a i s Décembre 1978


ISABELLE LEGRIS

Carnet
d'orthographe
d'usage

Le domaine de l'enseignement des Qu'est-ce qu'un a d u l t e ?


langues secondes a été profondément
guérin
marqué par une recherche constante de
Quand on utilise le mot « adulte», on a
la méthode idéale. Le désenchantement
tendance à oublier qu'il s'agit d'un terme Isabelle Legris, écrivain pour la jeu-
de ces dernières années (Debyser, 1977)
générique pouvant se découper presque nesse et praticienne à ses heures,
a eu pour effet de réduire cette ambition
à l'infini. nous livre ici son carnet d'orthogra-
à des proportions plus modestes. Il n'est
L'âge varie entre 18 et 75 ans et même phe qu'elle a utilisé avec succès au-
plus question de la méthode, mais de
plus avec l'avènement des cours desti- près de ses élèves faibles en ortho-
méthodes appropriées à des publics par-
nés aux personnes du troisième âge. graphe.
ticuliers. Depuis qu'on a commencé à
L'éventail professionnel va de l'ouvrier
s'intéresser à l'apprentissage par oppo- Ce carnet d'orthographe d'usage
non spécialisé aux dirigeants d'entre-
sition à l'enseignement (Corder, 1967), il est divisé en vingt-six parties corres-
prise, en passant par toute la gamme des
est devenu évident qu'une démarche pondant aux mots qui commencent
occupations. L'attitude, l'aptitude, la mo- par l'une des vingt-six lettres de l'al-
éducative uniquement centrée sur le
tivation, les intérêts sont autant de caté- phabet. A la fin, l'auteur a ajouté des
contenu risque d'être très peu adaptée
gories qui permettent de différencier les notes sur les mots dont le genre est
aux besoins réels des apprenants.
adultes, sans mentionner l'origine ethni- trompeur, les homonymes, les mots
L'enseignement des langues secon- que. Bien que nos connaissances soient
des aux adultes est un domaine en voie inusités au singulier, les tours vicieux
encore relativement limitées, on sait que et l'emploi de la majuscule. Par là, on
de formation où tout est à repenser car les adultes n'ont pas tous les mêmes voit qu'Isabelle Legris est toujours
les vérités qui avaient cours sont tom- préférences d'apprentissage (Lepke, fidèle à sa méthode qui consiste à
bées une à une devant les dures exigen- 1975) ni les mêmes stratégies d'appren- analyser et à distinguer simplement
ces de la réalité (Roulet, 1976). La pro- tissage (Painchaud, 1978; Rubin, 1975; les choses:
blématique de l'enseignement des lan- Stern, 1975). Chaque adulte possède un le féminin du masculin,
gues secondes aux adultes ne se pré- ensemble de caractéristiques qui per- le singulier du pluriel,
sente pas de la même façon que pour les mettent de le distinguer des autres adul- la minuscule de la majuscule,
enfants ou les adolescents, ne serait-ce tes. C'est un aspect de l'enseignement l'incorrection de la correction.
que du fait de l'urgence de maîtriser la des langues secondes aux adultes qui
langue seconde. Cette situation est à la est en général ignoré. À l'intérieur de la section des mots
fois frustrante et passionnante car les Pour plusieurs adultes, il s'est écoulé commençant par la lettre «A», l'auteur
questions sont plus nombreuses que les de nombreuses années depuis la fin de a procédé à une subdivision au jour le
réponses. Pour ceux qui aiment les dé- leurs études. Le fait de se retrouver en jour, montrant par là que dans l'ensei-
fis, enseigner une langue seconde aux situation d'apprentissage en milieu insti- gnement ou l'apprentissage de l'or-
adultes est actuellement une aventure, tutionnel peut évoquer le souvenir d'ex- thographe, il faut savoir compter sur
dans la mesure où il faut être prêt à tout périences antérieures désagréables (Ro- la patience, la gradation des difficul-
examiner d'une manière critique, à dé- gers, 1971). De plus, même si on peut tés et la répétition journalière des
laisser certaines croyances familières et dire que les adultes choisissent libre- exercices. Les mots de chaque jour
même à sortir des sentiers battus. En ment d'apprendre une langue seconde, ne sont pas placés par ordre alpha-
revanche, expérimenter constamment, certains d'entre eux adoptent une atti- bétique pour rompre la monotonie
critiquer ses techniques en fonction des tude négative au départ parce qu'ils ont inhérente aux enumerations.
résultats obtenus, abandonner ses com- l'impression d'y avoir été contraints. La
portements habituels, peut parfois don- plupart, en outre, entretiennent des dou- Carnet d'orthographe
ner lieu à des cauchemars. Le moins tes quant à leur capacité d'apprendre d'usage $2.95
qu'on puisse dire c'est que, de nos jours, une langue seconde.
assumer le rôle de professeur de lan- Mais ce sont des gens qui ont l'habi-
gues secondes n'a rien de reposant. tude de prendre toutes les décisions re-
Que recouvre le terme «adulte» et latives à la conduite de leur vie person- ÉDITIONS GUÉRIN
quelles en sont les implications sur le nelle et qui ont développé des habiletés 4574, rue SAINT-DENIS
plan de l'enseignement ? Que faut-il en- particulières dans divers domaines. Ils * ' 7 , MONTRÉAL H2J 2L3
seigner aux adultes? Comment faut-il sont bien loin d'être dans la situation de TÉL.: 849-2303/9201
s'y prendre avec eux? Chacune de ces l'enfant qui découvre le monde en ap-
question coiffe une série de problèmes prenant sa langue maternelle. L'adulte
qu'on commence à peine à appréhender. possède un vaste réservoir d'expérien-

Décembre 1978 Québec f r a n ç a i s 57


ces accumulées au cours de sa vie qui dagogiques, n'est pas parfaitement re- il aura à faire usage de la langue secon-
sont autant de ressources utilisables au présentative de celle qui s'utilise dans de, les sujets qui seront abordés, les
cours de l'apprentissage. les situations de communication authen- actes de communication qu'il aura à réa-
On a donc d'un côté une grande diver- tique. S'il faut en croire les socio-lin- liser, le type d'interlocuteur, le mode
sité sur le plan des caractéristiques indi- guistes, une même fonction langagière d'expression, etc. Dans la plupart des
viduelles et de l'autre, la richesse de la peut présenter plusieurs variantes for- cas, le futur apprenant a une idée bien
maturité et la capacité d'agir d'une ma- melles. Ainsi, si un locuteur souhaite vague de tous ces paramètres faute
nière autonome. Ce sont des considé- faire ouvrir la fenêtre par quelqu'un d'au- d'avoir eu l'occasion d'utiliser la langue
rations qui ont des incidences sur le tre, il pourra recourir à la forme impera- seconde. Un groupe d'experts du Con-
choix de la démarche éducative adaptée tive (Ouvre la fenêtre/Ouvrez la fenêtre) seil de l'Europe a examine ce problème
à la clientèle adulte. ou à la forme interrogative (Voulez-vous et a essayé de délimiter les connais-
On retrouve également une assez gran- ouvrir la fenêtre? / Pourriez-vous ouvrir sances linguistiques minimales que de-
de variation en matière de contenu. Les la fenêtre?) et que dire de l'emploi de la vrait posséder tout adulte pour commu-
besoins langagiers des adultes varient négation dansuneformuletelleque«Ne niquer dans les situations de la vie cou-
en fonction des situations dans lesquel- pourrions-nous pas ouvrir la fenêtre?» rante. Au lieu dedresserun inventairede
les ils seront amenés à faire usage de la De plus un acte de communication ne se tous les éléments linguistiques à la suite
langue, comme on le verra plus loin. limite pas au niveau du simpleénoncé. À d'une description de la langue et d'en
Pour toutes ces raisons, créer un envi- «Ne savez-vous pas qu'il est 9h30?», il faire une organisation logique pour l'en-
ronnement éducatif qui respecte à la fois ne faut pas répondre «Oui, je sais qu'il seignement, on est parti d'une liste de
les besoins relatifs à la démarche et au est 9h30» mais bien excuser son retard. situations de communication pour en-
contenu reste l'un des problèmes ma- Il ne suffit pas de maîtriser l'inventaire suite constituer la liste des éléments lin-
jeurs de l'enseignement des langues se- des formes linguistiques, encore faut-il guistiques que l'apprenant devrait maî-
condes aux adultes. savoir les utiliser d'une manière ap- triser pour communiquer en langue se-
Qui plus est, les adultes ont en général propriée. Il faut donc connaître les rè- conde dans de telles situations (Van Ek,
peu de temps à consacrer à l'apprentis- gles de l'usage de la langue. 1975; Coste et al, 1976). C'est un premier
sage à cause de leurs obligations fami- Les adultes eux-mêmes n'ont pas tar- pas vers l'identification d'un contenu
liales et professionnelles. Ils sont aussi dé à se rendre compte que les connais- centré sur l'usage de la langue, donc, en
très pressés d'obtenir des résultats. sances acquises en salle de classe ne principe, déjà mieux adapté aux besoins
C'est sur cette toile de fond des parti- leur étaient guère utiles pour compren- de l'apprenant adulte.
cularités de la clientèle adulte que s'arti- dre et transmettre de vrais messages
cule la problématique de l'enseignement dans des situations réelles. En d'autres Dans cette perspective, le contenu
qui se résume en deux questions fonda- termes, les connaissances linguistiques d'un cours ne saurait être arrêté qu'à la
mentales: quoi enseigner? comment enseignées à partir de textes pédagogi- suite d'une analyse des besoins langa-
l'enseigner? ques ou de manuels vendus dans le com- giers de la clientèle visée. Pour les uns, il
merce ne répondent que partiellement sera prioritaire de pouvoir comprendre
aux besoins immédiats d'un adulte qui les communications écrites internes de
Quoi enseigner? entreprend l'apprentissage d'un langue l'organisme pour lequel ils travaillent,
seconde. tandis que, pour d'autres, il s'agira de
Le choix des éléments linguistiques à L'une des questions fondamentales comprendre et de s'exprimer convena-
enseigner se fait en fonction des hypo- qui se pose actuellement est celle de blement au cours de réunions avec leurs
thèses que l'on formule au sujet de la l'identification des besoins langagiers. collègues. Un cours d'expression orale
nature du langage. Selon les époques, Quels sont les éléments linguistiques ne conviendrait nullement aux premiers,
on mettra l'accent sur les règles de gram- que l'adulte doit maîtriser pour fonction- alors que les seconds considéreraient
maire et le vocabulaire, les structures ou ner adéquatement dans des situations les exercices écrits comme une perte de
la communication. Mais quelle que soit de communication? La réponse à cette temps. C'est évidemment au niveau pro-
la perspective retenue, la langue, telle question suppose que l'adulte concerné fessionnel que se saisit le mieux l'écart
qu'elle est présentée dans les textes pé- connaisse les situations dans lesquelles qui peut exister entre les types de be-

Tenir compte de la diversité des besoins langagiers.

58 Québec f r a n ç a i s Décembre 1978


soins. Ceux d'un mécanicien risquent Des objectifs? avant de se rendre compte de la perti-
d'être très différents de ceux d'une ré- nence de ce qu'on lui demande d'ap-
ceptionniste ou d'un médecin. Les adultes étant pressés de voir des prendre, la motivation risque de dispa-
Néanmoins, le diagnostic des besoins résultats tangibles de leurs apprentissa- raître en cours de route (Wilkins, 1976).
demeure encore une entreprise ardue, ges (Knowles, 1970), la formulation d'ob- Être capable de formuler un énoncé à la
en dépit du fait qu'il existe un modèle jectifs pouvant être atteints à court ter- forme impersonnelle présente un cer-
(Richterich, 1977). Inventorier les do- me semble une voie à explorer. Si les tain intérêt, mais il est de loin plus satis-
maines et les types d'utilisation de la éléments linguistiques sont présentés faisant de se savoir capable de parler du
langue seconde répartis selon les quatre d'une façon telle que l'apprenant se voit temps qu'il fait. Le problème consiste à
habiletés (compréhension orale et écri- obligé d'attendre une longue période découper les unités de contenu de façon
te, expression orale et écrite) nécessite
que l'apprenant soit en mesure de préci-
ser ces données et qu'on ait les moyens
de recueillir cette information. Le dia-
gnostic des besoins langagiers se fait
soit à l'aide de questionnaires ou d'en-
tretiens individuels. On peut même aller
jusqu'à une analyse de poste pour mieux
cerner les situations nécessitant l'usage
de la langue seconde. Mais une fois cette
phase terminée, il reste à délimiter le
contenu linguistique correspondant qui
va bien au-delà du vocabulaire. Si, par
exemple, pour un apprenant, il est es-
sentiel de pouvoir rédiger des rapports
scientifiques, spécifier le vocabulaire
spécialisé lui sera certes utile, mais cela
ne représente qu'une faible partie des
éléments qu'il aura à maîtriser. Qu'on
songe aux règles d'orthographe, aux va-
riantes formelles permises, à l'expres-
sion des nuances, aux charnières de
transition entre les paragraphes, sans
compter la formulation correcte des
énoncés simples et complexes, etc.

Tenir compte des besoins langagiers


implique qu'on soit prêt, pour chaque
groupe d'adultes s'inscrivant à un cours
de langue seconde, à choisir un contenu
adapté aux besoins. Cette façon de pro-
céder requiert des ressources importan-
tes. Aussi ne faut-il pas s'étonner de
constater que de tels cours soient en-
core l'exception plutôt que la règle.
Les problèmes liés à l'identification
d'un contenu pertinent pour l'adulte ne
constituent qu'une première dimension
du problème. Il faut aussi y ajouter tou-
tes les questions relatives aux stratégies
d'enseignement.

Comment faut-il enseigner?

Sans doute serait-il plus juste de refor-


muler en disant «Que faut-il faire pour
aider l'apprentissage?» Quel type d'in-
tervention sera approprié à des appre-
nants qui, à n'en pas douter, auront des
exigences bien précises relativement à
divers aspects de la démarche éduca-
tive. La réponse à des questions telles
que «Vaut-il mieux procéder par induc-
tion ou par déduction? Quel est l'effet
de l'usage de la langue maternelle?
Dans quel ordre est-il préférable d'en-
seigner les quatre habiletés? Quand
faut-il corriger les fautes ? » ne saurait en
aucun cas être absolue.

Décembre 1978 Québec français 59


à ce que l'adulte ne soit pas obligé d'at-
tendre la fin du cours pour réaliser des
actes de communication.

Des règles de grammaire? LE TEMPS


FAISAIT
La décision de procéder par induction
ou par déduction doit se prendre en BEAU.
fonction des caractéristiques des appre-
nants. Comment, par exemple, avoir re-
cours à des règles de grammaire lors-
qu'un professeur se trouve devant un
groupe de débutants dont il ne connaît
pas la langue maternelle? Cependant,
on constate que les adultes scolarisés
manifestent souvent le désir de recevoir
un enseignement basé sur l'explication
des règles. Il y a des raisons de croire
que le recours aux explications gram-
maticales serait plus efficace avec les
adultes qu'une approche plus intuitive
(Elek, Oskarsson, 1972). Toutefois, les
adultes peu scolarisés et ceux qui n'ont
pas une connaissance explicite de la
grammaire de leur langue maternelle
éprouvent beaucoup de difficulté à ap-
prendre de cette façon. Il est donc es-
sentiel d'observer le comportement de
l'apprenant avant d'intervenir.
Faire de la faute une partie intégrante de l'apprentissage.

La langue maternelle?

On a beaucoup parlé des effets néga-


tifs de la langue maternelle sur l'appren- L'écrit? souligner que les craintes au sujet de
tissage de la langue seconde. C'est d'ail- l'interférence apparaissent maintenant
leurs pour cette raison que l'enseigne- La place que doit occuper l'écrit est exagérées.
ment se fait le plus souvent exclusive- une question qui se pose seulement si
ment en langue seconde même lorsque l'oral entre aussi en ligne de compte. Si
le professeur connaît la langue mater- on fait référence aux besoins langagiers, Les exercices?
nelle des apprenants. Il n'est pas certain il peut arriver que des personnes pré-
que le fait de bannir l'usage de la langue voient utiliser uniquement la langue écrite L'ère des exercices mécaniques sem-
maternelle de la salle de classe soit la et même seulement la compréhension ble révolue et il y a même lieu de s'inter-
meilleure stratégie pour les adultes. écrite. Dans un tel cas, l'apprentissage roger sur l'utilité de faire des exercices
Comment peut-on vraiment demander à de la langue orale serait superflu. Userait puisque par définition aucun message
un adulte d'oublier sa langue maternel- tout aussi irréaliste d'imposer l'appren- ne peut être communiqué au coursd'ac-
le? On a déployé tout un arsenal de tissage de la langue écrite à des adultes tivités de ce type. Rivers (1972) compare
techniques (images, exercices, etc.) qui prévoient ne communiquer que ver- l'apprentissage d'une langue seconde à
pour essayer d'éliminer le transfert né- balement. Quel ordre faut-il privilégier celui de la musique : dans les deux cas il
gatif sans examiner sérieusement le phé- lorsque les quatre habiletés sont impli- faut faire ses gammes. Donc d'après cet
nomène inverse, le transfert positif. Tout quées? Parce qu'on a voulu éviter l'in- auteur, il faut un minimum d'exercices.
dépend naturellement des langues qui terférence, on a préconisé l'introduction Cependant, de plus en plus, on croit que
entrent en contact au moment de l'ap- de l'oral d'abord. On est même allé jus- ces derniers doivent être significatifs,
prentissage. Cependant, pour l'adulte, qu'à interdire aux adultes d'apporter c'est-à-dire que l'apprenant doit toujours
son point de référence familier reste sa crayons et papier en salle de classe, faire le lien entre le sens et la forme. En
langue maternelle. En nier l'existence privant ainsi la plupart d'entre eux de d'autres termes, ils doivent se faire en
apparaît de moins en moins souhaitable. leur stratégie d'apprentissage préférée. contexte. Pour donner l'occasion à l'ap-
D'ailleurs, Corder (1973) considère que Sans doute vaut-il mieux accepter un prenant d'utiliser les formes du passé, il
la tâche de l'apprenant consiste à décou- minimum d'interférence plutôt que d'im- faut trouver la situation devant lui per-
vrir les points de ressemblance et de poser des conditions d'apprentissage mettre de s'exprimer au passé. Cette
différence entre sa langue maternelle et qui ne respectent pas les stratégies des exigence n'est pas facile à satisfaire.
la langue seconde, indiquant ainsi que si apprenants. Puisque de toute façon il Comment, par exemple, créer une situa-
on se place dans la perspective de l'ap- faut s'attendre à ce que les adultes écri- tion suffisamment contraignante sur le
prentissage, cette réalité ne peut être vent ce qu'ils entendent et demandent plan du message à transmettre pourque
ignorée. Il faudrait donc se demander que le professeur écrive des mots et des l'apprenant réutilise une série de pro-
comment tirer le maximum de profit de phrases au tableau, la distinction entre noms relatifs? Pour toutes ces raisons,
la connaissance de la langue maternelle l'enseignement de la langue orale et de la place que doivent occuper les exerci-
dans l'apprentissage d'une langue se- la langue écrite s'avère difficile à main- ces au cours de l'apprentissage est en-
conde. tenir. Quoi qu'il en soit, il importe de core mal définie.

60 Québec français Décembre 1978


Les fautes? partiellement ce qui a été enseigné.
C o m m e n t faut-il corriger les fautes et à
quel moment faut-il le faire sont des
La signification qu'on a donnée ré-
cemment à la faute oblige à repenser la
place qu'elle o c c u p e dans le processus
questions qui, bien qu'elles fassent objet
de discussion, n'ont pas encore été exa-
' études
d'apprentissage. La première constata-
tion qui s'impose est qu'elle est inévita-
ble. Elle est même nécessaire puisque
minées d'une manière systématique. Il
est possible, par exemple, que la correc-
tion des fautes au f u r e t a mesure qu'elles
québécoises
se produisent soit d'une efficacité d o u -
c'est un des moyens qu'utilise l'appre-
nant pour vérifier les hypothèses qu'il
formule au sujet de la langue. Ainsi, en
teuse. La solution ne réside probable-
ment pas dans la correction des fautes
voixnmages
supposant, pour prendre un exemple mais dans l'enseignement à partir des Volume IV, numéro 1
simpliste, que dans ses premiers c o n - fautes commises, ce qui est très différent.
septembre 1978
tacts avec la langue, l'adjectif ait été
placé devant le n o m (la petite fille, la Conclusion Entrevue
grande maison), l'apprenant peut faire
l'hypothèse que l'adjectif se place de- Est-il chose plus belle qu'une
L'enseignement des langues secon-
vant le n o m . Il pourra dire, par analogie orange ?
des aux adultes présente des exigences
« la noire voiture». C'est une phrase i n - Rencontre avec Rina Lasnier
particulières dont la principale reste l'ac-
correcte en français. Si personne ne lui
cent mis sur l'usage de la langue. Il est
indique qu'il a c o m m i s une faute, il c o n -
presque banal de dire qu'on apprend ce
Études
tinuera à placer l'adjectif devant le n o m .
qui a été enseigné. Pourtant, on c o m - Les Signes de Rina Lasnier/Sylvie
Dans le cas opposé, il devra réviser sa
mence à p e i n e à s e r e n d r e c o m p t e q u e s i Sicotte
règle. Plusieurs des fautes c o m m i s e s
l'objectif est de communiquer, oralement
proviennent de l'extension d'une règle à
des contextes où elle ne s'applique pas.
ou par écrit, il va falloir modifier les Gaston Miron: À bout portant/
contenus afin de permettre aux adultes Laure Hesbois
On objectera que des fautes sont c o m -
de développer la compétence nécessai-
mises aussi sur des éléments qui ont été
re à la compréhension et à l'expression Sémiotique et poétique. «Les Chats»
enseignés. A cela, il faut rétorquer que le
de messages tels qu'on les rencontre d'Emile Nelligan/Guy Laflèche
fait qu'un élément ait été enseigné ne
dans des situations de c o m m u n i c a t i o n
signifie pas automatiquement qu'il ait Le Cas C. «Le Cassé» sur le tches-
authentique. Rien de moins ne saurait
été appris. Il suffira pour s'en convaincre
de penser qu'aucune phrase incorrecte
satisfaire la clientèle adulte. teurfilde, un cas pour les psychana-
n'est enseignée. Les fautes se p r o d u i - lystes [dit-il] ou d'une esthétique
sent pour plusieurs raisons, l'une d'entre Gisèle H. P A I N C H A U D du bâton, S-T-Tick: stick [dit-il]/
elles étant que l'apprenant n'a perçu que Andragogie Henri-Paul Jacques
Université de Montréal
Pamphile Lemay et la bourgeoi-
sie du XIXe siècle/Maurice Le-
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Décembre 1978 Québec français 61

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