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Cours donné par Isabelle Hamer

Pathobiologie
cellulaire
2022-2023 – Bac 3 Biomed

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Objectifs :

Le but de ce cours n’est pas de montrer les dernières découvertes sur la pathogenèse de différentes
maladies parce que ce serait trop compliqué, trop long et parfois trop sujet à controverses.
Les objectifs du cours sont les suivants :
• Acquérir une connaissance approfondie en biologie cellulaire en étudiant des mécanismes
cellulaires responsables du développement de certaines pathologies ou mis en place pour éviter
ces pathologies.
• Comprendre l’intérêt de techniques expérimentales de base.
• Apprendre à interpréter des résultats expérimentaux.

Sommaire :
1. Maladies liées à un défaut de repliement d’une protéine.
Mucoviscidose, Serpinopathies, Maladie de Parkinson, Maladie d’Alzheimer
2. Maladies liées à un défaut de transport vésiculaire.
Lymphohistiocytoses Hémophagocytaires Familiales, Maladies de Surcharge Lysosomale,
Syndrome de Lowe
3. Maladies liées à une dérégulation du métabolisme.
Hypercholestérolémie-Stéatose hépatique

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Table des matières

Chapitre 1 : Maladies liées à un défaut de repliement d’une protéine néosynthétisée. .................... 4


I. Introduction. ....................................................................................................................... 5
1. Synthèse d’une glycoprotéine. ...............................................................................................................5
2. N-glycosylation, repliement et dégradation des glycoprotéines. ..........................................................6
3. Rétrotranslocation d’une protéine luminale..........................................................................................7
4. Rétrotranslocation d’une protéine membranaire..................................................................................8
5. Ubiquitination ou ubiquitylation d’une protéine. ..................................................................................8
6. Livraison des protéines polyubiquitinées au protéasome. ..................................................................11
7. Le protéasome. ....................................................................................................................................11

II. Mucoviscidose. .................................................................................................................. 13


1. Introduction. ........................................................................................................................................13
2. Structure du CFTR. ...............................................................................................................................13
3. Structure 3D du CFTR. ..........................................................................................................................14
4. Mutations dans le gène du CFTR. .........................................................................................................15
5. Fonction du CFTR. ................................................................................................................................16
6. Trafficking du CFTR...............................................................................................................................17
7. Expériences qui ont permis de rassembler ces connaissances sur le CFTR..........................................18
a. Etude de la cinétique de synthèse d’une protéine. .........................................................................18
b. Maturation du CFTR dans des cellules CHO. ....................................................................................20
c. Association du CFTR avec des chaperones ......................................................................................22
d. Le système Ubiquitine-Protéasome (UPS). ......................................................................................27
e. Rétrotranslocation du CFTR à travers la membrane du RE..............................................................38
f. Formation d’un agrésome en cas d’inhibition du protéasome........................................................46
g. L’autophagie représente un autre système de contrôle qualité des protéines...............................53
h. Inhibition de la macroautophagie dans la mucoviscidose. ..............................................................58

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Chapitre 1 : Maladies liées à un défaut de repliement d’une protéine
néosynthétisée.

Beaucoup de maladies humaines sont dues à un défaut de repliement d’une protéine. C’est le
cas de maladies génétiques (comme la mucoviscidose et les serpinopathies), des maladies
neurodégénératives (comme la maladie d’Alzheimer et la maladie de Parkinson), de maladies
métaboliques (comme le diabète de type II et la stéatose hépatique) et de maladies inflammatoires
(comme le diabète de type I et les maladies inflammatoires de la barrière intestinale).

Dans les cellules eucaryotes, >30% des protéines sont synthétisées sur des ribosomes associés
au réticulum endoplasmique (RE). Si au cours de sa biosynthèse, une protéine n’arrive pas à adopter
une conformation normale, elle est libérée dans le cytoplasme où elle peut subir différents sorts.

Elle peut être prise en charge par des chaperones cytosoliques (1) qui tâcheront de la replier
correctement. Elle peut être envoyée au protéasome (2) ou dans les lysosomes (3) pour y être détruite.
Si le protéasome est inhibé, la protéine migrera le long des microtubules et formera un agrégat avec
d’autres protéines avant d’être éliminée par macroautophagie (4). Les cellules eucaryotes ont donc mis
au point différents mécanismes qui permettent d’éviter l’accumulation de protéines mal repliées qui
représente généralement un danger pour la survie des cellules.

Avant de parler de la mucoviscidose, j’aimerais rappeler les principales étapes de la biosynthèse


d’une protéine dans le RE et des composants de la machinerie de dégradation des protéines associée au
RE (ERAD).

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I. Introduction.
1. Synthèse d’une glycoprotéine.

La synthèse des protéines destinées à la sécrétion commence sur les ribosomes. L’ARNm est fixé
sur le ribosome qui commence à traduire la protéine. Le peptide signal (7-9 acides aminés hydrophobes
côté N-terminal) est reconnu par la particule SRP (Signal Recognition Particle), une particule
élémentaire, qui oriente la protéine en voie de synthèse vers le réticulum endoplasmique. La particule
SRP est ensuite reconnue par un récepteur SRP à la surface du RE. L’interaction SRP-récepteur SRP
permet le rapprochement de la protéine à proximité de la membrane du RE. Une fois que le complexe
est formé, la protéine rentre dans un canal protéique appelé le translocon (constitué des protéines Sec61
a, b, g). De cette façon, elle peut traverser la bicouche lipidique. Une fois que la protéine est engagée
dans ce canal, le peptide signal est clivé par une peptidase, associée transitoirement avec le translocon.
La protéine rentre dans la lumière du RE et se replie au fur et à mesure qu’elle est synthétisée. Environ
30 % des protéines synthétisées par les cellules passent par le RE. Pour les protéines avec un passage
transmembranaire, c’est le premier segment de 20-25 acides aminés hydrophobes qui est reconnu par la
particule SRP. Le passage transmembranaire doit diffuser du translocon vers la bicouche lipidique de la
membrane du RE à travers une ouverture latérale dans le translocon. Pour les protéines avec plusieurs
passages transmembranaires (autrement dit polytopiques), les choses se compliquent parce que non
seulement les passages membranaires doivent s’insérer dans la bicouche lipidique mais en plus ils
doivent s’organiser entre eux pour permettre à la protéine d’adopter une structure 3D correcte.

Il y a souvent des molécules chaperones qui s’associent transitoirement à des segments de la


chaîne polypeptidique naissante pour éviter des interactions inappropriées avec d’autres segments avant
la fin de la synthèse de la protéine, ce qui entraînerait son agrégation. Ainsi, BiP est une chaperone qui
interagit avec des petites séquences d’acides aminés hydrophobes des protéines en voie de synthèse pour
faciliter leur transport à travers le canal de translocation, pour empêcher leur agrégation et pour faciliter
leur repliement. L’agrégation est souvent due à l’exposition de régions hydrophobes des protéines qui
sont enfouies à l’intérieur des protéines de conformation native.

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2. N-glycosylation, repliement et dégradation des glycoprotéines.

Pendant la translocation de la chaîne polypeptidique naissante, une enzyme (l’oligosaccharyl


transférase ou OST) ajoute une chaîne oligosaccharidique composée de 2 N-acétylglucosamines, 9
mannoses et 3 glucoses, sur les séquences consensus NxS/NxT situées dans la séquence primaire de la
protéine naissante (x étant n’importe quel acide aminé).

Dans la lumière du RE, les glucosidases I et II vont enlever des molécules de glucose de cette
chaîne oligosaccharidique. Quand il ne reste que 9 mannoses et un glucose, la protéine est prise en
charge par des lectines, des protéines qui lient les glycoprotéines avec faible affinité. Il s’agit ici de la
calnexine et de la calréticuline qui lient les N-glycans (sucres liés sur des asparagines) avec un glucose
en a 1-3. La calnexine est insérée dans la membrane tandis que la calréticuline est une protéine soluble.
Elles ont donc des clients différents à cause de leur localisation mais elles ont le même rôle. Elles
coiffent les protéines néosynthétisées pour leur permettre de se replier correctement. Une
oxydoréductase (ERp57) est souvent associée à la calnexine de façon à créer un environnement rédox
propice au repliement de la glycoprotéine. ERp57 est une PDI (protein disulfide isomerase) : elle peut
introduire ou retirer des ponts disulfures pour éviter l’agrégation des protéines ou la formation
d’oligomères. C’est le potentiel rédox de son site actif par rapport au substrat qui détermine si la PDI
réduit ou oxyde des disulfures. Ensuite, la glucosidase II enlève le dernier glucose. Si la glycoprotéine
est repliée correctement, la protéine est traitée par une mannosidase associée au RE puis envoyée dans
le compartiment suivant, l’appareil de Golgi.

Si, au contraire, la glycoprotéine n’est pas repliée correctement, une UGGT (UDP-glucose
glycoprotein glucosyltransferase) va rajouter un glucose sur la chaine oligosaccharidique de façon à
l’obliger à refaire un cycle. Puisque cette protéine contient à nouveau un glucose, elle sera reprise en
charge par la calnexine qui la repliera correctement et dans ce cas elle pourra sortir du RE. Si elle est
toujours mal repliée, elle sera à nouveau re-glucosylée. Elle peut ainsi faire plusieurs cycles avant d’être
repliée correctement. Après un moment, si cela ne fonctionne pas, un signal est ajouté pour expulser la
protéine hors du RE pour qu’elle soit dégradée par le protéasome 26S. Les protéines mal repliées sont
prises en charge par une autre famille de lectines, les EDEM qui se lient sélectivement aux résidus
mannoses. Ces EDEM ont aussi une activité mannosidase qui leur permettent d’enlever plusieurs
mannoses pour qu’il n’en reste que 5 ou 7. Cela constitue un message d’adressage au protéasome. Les
protéines EDEM, les protéines qui permettent la rétrotranslocation des protéines mal repliées et le
protéasome 26S constituent le système ERAD, le système de dégradation protéique associé au RE.

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3. Rétrotranslocation d’une protéine luminale.

Les protéines mal repliées sont amenées à la membrane du RE grâce à des lectines spécifiques
des mannoses (EDEM, OS-9 et XTP3-B) qui agissent avec des protéines chaperones (telles que Grp94).
Elles arrivent sur la protéine SEL1L qui sert de plateforme d’assemblage d’un complexe multiprotéique
qui est composé de Hrd1, de derline 1, 2 ou 3, de HERP et de UBXD8. Ce complexe multiprotéique va
permettre aux protéines luminales de traverser la bicouche lipidique en formant un canal aqueux.

On sait en effet qu’il est impossible aux protéines luminales de sortir du RE en traversant la
bicouche lipidique parce que cela exigerait beaucoup trop d’énergie. Le translocon Sec61 semble être
trop étroit pour permettre le passage de protéines glycosylées. Hrd1 et les derlines pourraient être de
bons candidats. Hrd1 est une protéine avec 6 passages transmembranaires qui pourraient s’organiser
pour former un canal aqueux. C’est également une E3 ubiquitine ligase avec un anneau RING placé du
côté cytosolique. Elle pourrait donc ubiquitiner les protéines mal repliées pendant leur traversée de la
membrane. Des études récentes montrent qu’effectivement la protéine polytopique Hrd1 peut former un
canal dont l’activité est augmentée par autoubiquitination. Les derlines 1, 2 et 3 font partie d’une famille
de protéines avec 4 passages transmembranaires qui sont souvent associées à une E3 Ub ligase, telle que
Hrd1. Une analyse récente a permis d’obtenir la structure en cryo-EM de derline 1. Elle formerait un
homotétramère autour d’un tunnel suffisamment large que pour laisser passer une protéine mal repliée
à travers la membrane du RE. En plus, elle présente un passage latéral dans la membrane qui pourrait
donner accès aux protéines transmembranaires dans ce tunnel. Par conséquent, Hrd1 et les derlines
pourraient toutes les deux participer à la rétrotranslocation des protéines luminales. Les protéines HERP
et UBXD8 sont des protéines accessoires. UBXD8 permettrait de recruter le complexe p97-Nlp4-Ufd1
sur la membrane du RE. p97 est une ATPase constituée de deux disques, chacun composé de 6
monomères assemblés en anneaux, qui forment un petit canal central. p97 (aussi appelée VCP) fournit
l’énergie nécessaire pour extraire la protéine de la lumière du RE vers le cytosol en hydrolysant de
l’ATP. Elle est associée à des protéines accessoires Npl4 et Ufd1 qui facilitent sa fonction.

En réalité, toutes ces protéines forment un complexe qu’on appelle le rétrotranslocon (ou
dislocon) parce qu’il permet la rétrotranslocation des protéines de la lumière du RE vers le cytosol. Les
protéines EDEM, OS-9, XTP3-B et SEL1L permettraient de rapprocher les glycoprotéines mal repliées

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de la membrane du RE. Ensuite, celles-ci traverseraient la membrane grâce à un canal protéique dont
l’identité pourrait varier d’un substrat à l’autre mais on sait que Hrd1 et les derlines pourraient jouer ce
rôle. Le complexe p97-Nlp4-Ufd serait recruté sur la face cytosolique du RE pour fournir l’énergie
nécessaire pour tirer les protéines hors de la membrane du RE.

4. Rétrotranslocation d’une protéine membranaire.

Qu’en est-il pour les protéines membranaires ? Il y a plusieurs possibilités, cela dépend de
l’hydrophobicité du segment transmembranaire (TM, en rouge), du nombre de segments TM et
d’interactions éventuelles entre ces segments TM. Plusieurs mécanismes ont été proposés mais cela reste
très hypothétique dans la majorité des cas.

Ainsi, si la protéine membranaire renferme des acides aminés chargés dans le segment TM, elle
peut passer dans un canal protéique (2). La partie TM peut être clivée par une protéase qui est insérée
dans la membrane du RE (3). Une fois que ce segment est coupé, la protéine devient luminale. Si la
protéine est ancrée dans la membrane avec le segment TM et qu’elle présente une boucle dans la lumière
du RE, le canal protéique peut s’ouvrir latéralement, ce qui permettrait le glissement du segment TM à
l’intérieur du canal (4). Alternativement, la protéine peut être extraite de la bicouche lipidique grâce à
l’énergie produite par p97 (5).

Il y a donc différents mécanismes possibles pour permettre aussi la translocation des protéines
membranaires à travers la membrane du RE.

Que ce soit pour les protéines luminales ou pour les protéines membranaires, la rétrotranslocation
s’accompagne toujours d’une étape d’ubiquitination dans les portions hydrophiles déjà présentes dans
le cytosol. C’est cela qui va permettre d’envoyer les protéines mal repliées vers le protéasome.

5. Ubiquitination ou ubiquitylation d’une protéine.

L’ubiquitination est une modification post-traductionnelle réversible très fréquente qui consiste à
ajouter une ou plusieurs ubiquitine(s) de façon covalente le plus souvent sur des résidus Lysine d’une
protéine. Elle peut aussi être ajoutée sur une méthionine en position N-terminale ou sur d’autres résidus.

L’ubiquitine (Ub) est une protéine de 76 acides aminés (+/- 7 kDa) qui se trouve dans le
cytoplasme. Elle commence par une méthionine et se termine par une glycine. L’ubiquitination consiste
à créer une liaison peptidique covalente entre l’acide carboxylique de la glycine en position C-terminale
de l’ubiquitine et l’amine primaire d’une lysine située sur la protéine substrat. Si une seule molécule

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d’ubiquitine est ajoutée, on dira que la protéine est monoubiquitinée. Si plusieurs ubiquitines sont
ajoutées sur différentes lysines au sein de la même protéine, on dira que la protéine est
multiubiquitinée.

Quand on regarde la séquence primaire de l’ubiquitine, on constate qu’elle contient 7 résidus


lysine (K). Cela signifie que les ubiquitines peuvent s’ajouter les unes aux autres pour former des chaînes
polyubiquitinées lorsque la glycine d’une ubiquitine vient former une liaison isopeptidique avec un
résidu lysine d’une molécule d’ubiquitine ajoutée auparavant sur la protéine substrat. On dira que la
protéine est polyubiquitinée. Quand les ubiquitines s’ajoutent toujours sur la lysine qui se trouve à la
même position, on parlera de chaînes homotypiques (par exemple la position K11, K48, K63 ou M1).
Si au contraire, les ubiquitines s’ajoutent sur des lysines en positions différentes, on parlera de chaînes
hétérotypiques (M2 et K63, par exemple).

Selon le nombre d’ubiquitines, la position des ubiquitines et la ramification des chaînes


d’ubiquitine sur une protéine, la stabilité, l’activité, la localisation de cette protéine ainsi que les
interactions avec d’autres protéines peuvent changer. On parle de code de l’ubiquitine. Ainsi, la
monoubiquitination permet aux protéines d’interagir entre elles. Les protéines destinées à la dégradation
par le protéasome sont marquées avec des chaînes polyubiquitinées avec les ubiquitines ajoutées sur des
lysines en position 11, 48 ou les deux. Si ce sont des chaines hétérotypiques K11 et K48, elles
représentent un signe de priorité absolue pour une dégradation dans le protéasome. Il s’agit souvent de
protéines cytotoxiques ou des protéines sujettes à l’agrégation. Les chaînes homotypiques contenant des
ubiquitines liées sur la M1 ou sur la K63 peuvent gouverner l’assemblage de complexes de signalisation,
assurer le tri des protéines pendant l’endocytose ou orienter les protéines agrégées vers la dégradation
par l’autophagie sélective. Les chaînes hétérotypiques avec des ubiquitines liées en M1 et en K63
peuvent conduire à l’activation de NF-kB, participer à la réparation de l’ADN ou réguler la synthèse
protéique. Dans ce chapitre, nous nous intéresserons plus aux chaînes polyubiquitinées de type K48
(code pour l’adressage des protéines vers le protéasome) et de type K63 (code pour l’adressage sélectif
des protéines vers l’autophagie).

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L’ubiquitination nécessite 3 types d’enzymes :

E1 active l’ubiquitine en créant un lien entre la cystéine du site actif de l’E1 et la partie C-
terminale de l’Ub. Cette réaction requiert de l’ATP pour générer un produit intermédiaire de haute
énergie entre l’Ub et l’AMP. Cela permet de transférer l’Ub vers la Cys sur l’E1. On n’en connaît que
deux chez les mammifères (UBA1 et UBA6).

E2 transfère l’ubiquitine activée de E1 vers elle-même. C’est l’étape de conjugaison. On connaît


au moins 40 E2 dont Ubc1, Ubc2, Ubc5, Ubc6.

E3 Ub ligase qui sert à reconnaître le substrat, donc la protéine mal repliée et à lui ajouter une
plusieurs ubiquitine(s). Il existe 2 catégories de E3 Ub ligase : celles avec un domaine RING (ou un
domaine U-Box) et les autres qui ont un domaine HECT ou RBR. Dans les E3 Ub ligases avec un
domaine RING, le domaine RING sert de plateforme pour permettre l’assemblage du complexe
protéique formé de la protéine substrat, l’enzyme E2 et la ligase E3. L’ubiquitine de E2 est ensuite
transférée vers le substrat. Les E3 Ub ligases de ce type sélectionnent les protéines substrats mais ce
sont les E2 qui décident d’ajouter une ou plusieurs ubiquitine(s) et sur quels résidus lysine. Les E3 Ub
ligases qui ont un domaine HECT ou RBR transfèrent d’abord l’ubiquitine sur elles-mêmes avant de la
transférer au substrat. On connaît plus de 600 E3 Ub ligases, dont HRD1 vu avant et CHIP dont nous
reparlerons plus tard. Généralement, les E3 Ub ligases ajoutent séquentiellement 4 ubiquitines. Chaque
fois, une E2 vient rajouter une ubiquitine sur le substrat et ainsi il peut y avoir des protéines avec 3 ou
4 résidus ubiquitines.

Les DUB (désubiquitinases) contrecarrent l’action des E3 Ub ligases puisqu’elles enlèvent les
résidus ubiquitine des substrats (c’est peut-être une des raisons pour laquelle les E3 Ub ligases ajoutent
plus de molécules ubiquitines que nécessaire). Beaucoup de DUB sont associées au protéasome. Des
ubiquitines sont enlevées car la taille du protéasome est restreinte et donc il est nécessaire d’en enlever
pour que la protéine puisse entrer dans le canal central du protéasome. De plus, cela permet de recycler
les molécules d’ubiquitine. En réalité, des expériences montrent que beaucoup de protéines ubiquitinées
qui arrivent au niveau du protéasome s’en détachent parce que des DUB enlèvent les résidus ubiquitine.
Cela permet de réguler le trafic à l’entrée du protéasome. De plus, les DUB permettent de réguler les
interactions entre protéines ou l’activité des protéines en cas de besoin en enlevant des résidus
ubiquitines.

Toutes ces enzymes responsables de l’ubiquitination ainsi que leurs substrats peuvent subir une
série de modifications post-traductionnelles, comme la phosphorylation, l’acétylation, l’ubiquitination,
etc., ce qui permet d’amplifier le nombre de signaux différents dans ce système Ubiquitine.
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6. Livraison des protéines polyubiquitinées au protéasome.

Une fois les protéines ubiquitinées et rétrotransloquées dans le cytosol, elles sont amenées au
protéasome qui est responsable de la dégradation de nombreuses protéines, des protéines mal repliées
mais aussi des protéines de courte durée de vie devenues obsolètes ou inutiles.

Pour cela, elles vont être acheminées par des protéines navettes (telles que Rad23, Dsk2, Ddi1)
qui peuvent reconnaître les protéines polyubiquitinées d’un côté grâce à leur domaine UBA (Ubiquitin-
associated domain) et des sous-unités du protéasome de l’autre côté grâce à leur domaine UBL
(Ubiquitine-like domain) ou UBX. Rad23, Dsk2 et Ddi1 interagissent directement avec des sous-unités
du protéasome. Par contre, la protéine Shp1/p47 interagit avec p97 grâce à son domaine UBX et c’est
p97 qui interagit avec le protéasome. D’autres protéines peuvent délivrer des substrats au protéasome.
C’est le cas de Bag1 (Bcl2-associated athanogene-1) qui s’associe à une Hsp70 (70-kDa heat-shock
protein), à CHIP (une E3 ubiquitine ligase) et à Ubc6 (enzyme E2) pour délivrer des protéines mal
repliées. Bag1est ubiquitinée sur la K27 par CHIP, ce qui facilite sa liaison au protéasome.

7. Le protéasome.

Dans les cellules de mammifères, le protéasome 26S est le principal siège de dégradation
protéique. La dégradation peut être rapide s’il s’agit de protéines mal repliées ou des protéines
régulatrices mais en général, elle est relativement lente.

Le protéasome 26S est un cylindre creux constitué d’un core de 20S et d’une ou deux partie(s)
régulatrice(s) de 19S. Le core de 20S renferme le site catalytique. Il est constitué de 4 anneaux empilés
(deux anneaux b au centre et deux anneaux a en périphérie). Les anneaux b renferment les enzymes
capables de dégrader les peptides tandis que les anneaux a forment une barrière. Les sous-unités
régulatrices de 19S sont constituées d’une base et d’un couvercle. Elles renferment 6 sous-unités avec
une activité ATPase de type AAA (les RPT) et des sous-unités sans activité ATPase (les RPN).

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Initialement, ce sont surtout les protéines RPN 1, 10 et 13 qui interagissent avec les chaînes
ubiquitinées des protéines substrats ou avec les protéines navettes. A ce stade, les protéines peuvent être
simplement désubiquitinées par des DUB associées au protéasome (principalement RPN11) puis être
relâchées dans le cytosol. En revanche, si la protéine contient un domaine lâchement replié d’au moins
30 acides aminés qui se lie aux particules régulatrices 19S, les sous-unités douées d’une activité ATPase
sont activées, ce qui permet le dépliement complet de la protéine substrat, son transit dans le protéasome
et l’ouverture de l’anneau a. A ce moment, la dégradation de la protéine par les hydrolases de l’anneau b
devient inévitable.

Lorsque le protéasome 26S est inhibé par une molécule exogène ou par des protéines bloquées
dans le protéasome 20S, la sous-unité Rpn13 est ubiquitinée par une E3 Ub ligase associée au
protéasome afin d’éviter la liaison d’autres protéines ubiquitinées sur des protéasomes non fonctionnels,
et in fine l’accumulation de protéines potentiellement cytotoxiques.

En cas de besoin, l’activité du protéasome peut rapidement augmenter après phosphorylation de


nombreuses sous-unités. S’il y a un stress du RE, l’abondance des protéasomes peut augmenter mais
plus lentement par régulation transcriptionnelle.

Le protéasome est donc une structure très dynamique, capable de s’adapter aux besoins cellulaires
et de sélectionner les protéines substrat, contrairement à ce que l’on aurait pu imaginer à première vue.

Maintenant que nous avons vu les différentes étapes de la biosynthèse et de la dégradation d’une
glycoprotéine, nous allons maintenant voir comment des chercheurs ont pu expliquer la pathogenèse de
maladies liées à un problème de repliement d’une protéine, en commençant par la mucoviscidose.

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II. Mucoviscidose.
1. Introduction.

La mucoviscidose est une maladie autosomale récessive (il faut que le 2 allèles soient mutés)
monogénique (seul le gène CFTR est muté). Elle touche les voies respiratoires et le tube digestif. Les
problèmes respiratoires sont dus à l’épaississement du mucus couvrant les épithéliums respiratoires. Les
insuffisances digestives sont dues à une obstruction des canaux biliaires et pancréatique. La
mucoviscidose est due à un défaut de repliement du CFTR, une protéine capable de transporter des ions,
dont le chlore, à travers la membrane plasmique des cellules épithéliales. C’est donc un transporteur (et
pas un récepteur).

2. Structure du CFTR.

Le CFTR (Cystic Fibrosis Transmembrane Regulator) fait partie de la famille des transporteurs
de type ABC (ATP-binding cassette) c’est-à-dire une protéine qui transporte des molécules à travers la
membrane en liant des molécules d’ATP. Le CFTR est une protéine polytopique de 1480 acides aminés
avec les extrémités N- et C- terminales du côté cytoplasmique. C’est un canal chlore qui est caractérisé
par deux grands domaines qui traversent la membrane plasmique, MSD1 et MSD2 (multispanning
domain) chacun constitué de 6 hélices a transmembranaires, deux domaines de liaison des nucléotides
(NBD1 et NBD2 qui peuvent lier et hydrolyser l’ATP) et enfin un domaine régulateur R très polaire
(situé entre NBD1 et MSD2). La phosphorylation de résidus dans le domaine R par la PKA (protéine
kinase AMPc-dépendante) et la PKC est un prérequis pour l’ouverture du canal par l’ATP. Selon que le
domaine R est phosphorylé ou pas, il va interagir avec NBD et réguler l’ouverture et la fermeture du
pore. Dans les domaines traversant la membrane, il y a 6 boucles extracellulaires et 4 boucles
intracellulaires qui ont un rôle important dans l’assemblage des protéines au cours de la biosynthèse.
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Sur la quatrième boucle extracellulaire, il y a deux sites de N-glycosylation. Dans la partie C-terminale,
il y a une séquence DTRL qui lui permet d’interagir avec de nombreuses protéines.

3. Structure 3D du CFTR.

En 2008, la structure 3D du CFTR a pu être déterminée par modélisation moléculaire.

Selon ce modèle, les 12 hélices a de MSD1 et MSD2 sont disposées parallèlement les unes aux
autres et forment le pore du canal. TM6 et 12 bordent le pore et déterminent la spécificité ionique du
canal. Les hélices a débordent de la bicouche lipidique, coté cytosolique. Les deux domaines NBD sont
disposés en position tête-bêche avec les sites de liaison à l’ATP à l’interface entre les deux. Les boucles
cytosoliques (CL1, CL2, CL3 et CL4) se trouvent à l’interface entre les domaines TM et les domaines
NBD1 et NBD2. Cela permet à CL2 d’interagir avec NBD2 et à CL4 d’interagir avec NBD1. Ces
interactions entre différents domaines sont importantes pour l’assemblage et la fonction de la protéine
au sein de la membrane.

Le domaine R est flexible sans structure particulière. Cela lui permettrait d’interagir avec les
domaines NBD quand il est non phosphorylé, ce qui empêcherait l’hétérodimérisation des NBD et
l’activation du canal. Quand le domaine R est phosphorylé, il ne pourrait plus interagir avec NBD mais
avec d’autres partenaires. Cela faciliterait la dimérisation des domaines NBD, l’hydrolyse de l’ATP et
l’ouverture du canal. La phosphorylation du domaine R par la PKA et par la PKC permettrait la liaison
de l’ATP sur les domaines NBD qui dimériseraient. Ensuite, les MSD changeraient de conformation
permettant l’ouverture du pore pour laisser passer les ions Cl-. L’ouverture et la fermeture dépendraient
de l’équilibre entre la phosphorylation et la déphosphorylation du domaine R ainsi que de la quantité
d’ATP.

Plus récemment, les structures 3D du CFTR humain déphosphorylé (à gauche) et phosphorylé (à


droite) ont pu être déterminées par cryo-microscopie électronique. C’est une technique qui permet
d’obtenir la structure 3D des protéines monomériques ou multimériques avec une résolution très élevée
et ainsi de comprendre leur fonctionnement.

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On constate que dans le CFTR déphosphorylé, les passages TM ne sont pas disposés
parallèlement les uns aux autres mais qu’ils forment un V inversé : côté extérieur, les TM sont proches
les uns des autres alors que côté cytosolique, il y a une séparation entre deux séries de TM appartenant
à MSD1 ou à MSD2. Le domaine R est situé entre les domaines NBD1 et NBD2, ce qui empêche leur
dimérisation. Dans ces conditions, il n’y a pas de transport d’ions chlore à travers la membrane. Par
contre, dans le CFTR phosphorylé et contenant de l’ATP, le domaine R n’est plus situé entre les
domaines NBD mais sur le côté. Ceci permet la dimérisation des deux domaines NBD et la liaison de
deux molécules d’ATP (en rouge mat) à l’interface entre les deux domaines. Le canal est ainsi ouvert et
permet l’efflux de Cl-. Les ions Cl- rentrent dans le pore via l’interface formé par les boucles
cytosoliques des MSD1 et 2.

4. Mutations dans le gène du CFTR.

Il y a plus de 2000 mutations dans le gène CFTR dont une septantaine donne la mucoviscidose.
Certaines mutations inhibent la production de la protéine (mutations non-sens, changement du cadre de
lecture, épissage, etc.). Certaines mutations inhibent la maturation ou le processing de la protéine. Il y
a des mutations qui inhibent la régulation de la protéine : la protéine est synthétisée et transportée à la
membrane plasmique mais elle ne répond pas à une stimulation par l’AMPc. Enfin, il y a des mutations
qui réduisent la vitesse de transport des ions. La plupart du temps, la mucoviscidose est due à une
délétion de la phénylalanine en position 508, la mutation ∆F508. A l’heure actuelle, plus de 90 % des
15
patients atteints de la mucoviscidose portent au moins un allèle avec la délétion Phe508. Or, cette F508
se trouve dans le domaine NBD1 qui lie l’ATP et qui interagit avec CL4 (dans MSD2). L’absence de
cette phénylalanine empêche les interactions entre les différents domaines du CFTR, ce qui entraine un
mauvais repliement de la protéine et un blocage dans le RE.

5. Fonction du CFTR.

Le CFTR est non seulement un canal qui transporte les ions Cl- mais aussi d’autres ions comme
par exemple les ions bicarbonates. En plus, il régule la fonction d’autres canaux et transporteurs qui se
trouvent sur la membrane apicale des cellules épithéliales.

Ainsi, dans les voies respiratoires, le CFTR régule le transport du Cl⁻ de l’intérieur des cellules
vers l’extérieur mais il contrôle aussi la réabsorption des ions Na⁺ par le canal ENaC (canal sodium
épithélial sensible à l’amiloride). En situation normale, il y a un équilibre entre la sortie du Cl⁻ par le
CFTR et l’entrée de Na⁺ par ce transporteur ENaC. Cela permet une hydratation normale des voies
respiratoires. De ce fait, les cils sont bien dressés et empêchent l’accès des particules et des micro-
organismes qui passent dans les voies respiratoires sur la surface des cellules épithéliales. Les micro-
organismes et les poussières sont bien évacués. Si le CFTR ne fonctionne pas bien, il n’y a pas d’efflux
de Cl⁻ et comme l’activité du transporteur ENaC ne peut plus être réprimée par le CFTR, il y a une
entrée massive de Na⁺ à l’intérieur des cellules épithéliales. Le transport de l’eau est également perturbé.
Par conséquent, les cils restent collés à la surface des cellules épithéliales et ne peuvent plus battre
correctement à la surface des cellules. Les micro-organismes et les poussières ne sont pas évacués
correctement. Tout cela conduit à une diminution de la clairance muco-ciliaire (MCC).

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6. Trafficking du CFTR.

Le CFTR est une protéine qui est synthétisée dans le RE où elle est glycosylée. Les passages TM
s’insèrent progressivement dans la bicouche lipidique au fur et à mesure de leur synthèse. Le CFTR wild
type (WT ou sauvage) est correctement replié et passe du RE à l’appareil de Golgi, et puis dans le réseau
trans-Golgien (TGN). De là, il atteint la membrane plasmique où il agit comme canal chlore. Des études
montrent aussi que le CFTR peut arriver à la membrane basolatérale avant de rejoindre la membrane
apicale par transcytose. Une partie des CFTR sauvages exposés à la membrane plasmique sont endocytés
et arrivent dans des endosomes précoces. De là, ils sont envoyés aux lysosomes pour être dégradés ou
aux endosomes de recyclage pour être renvoyés à la surface de la cellule. Le nombre de CFTR à la
surface de la membrane plasmique dépend donc de la synthèse de la protéine dans le RE mais également
du transport vers la membrane plasmique, du taux de recyclage et du taux de dégradation dans les
lysosomes. Il existe peu de CFTR exprimés à la surface des cellules des voies respiratoires. Seulement
20 % des protéines sauvages arrivent à la surface sans doute parce que c’est difficile pour la cellule
d’assembler cette protéine.

Dans le cas du CFTR ∆F508, la protéine est synthétisée mais elle reste bloquée dans le RE car
l’assemblage des différents domaines pose problème. Le CFTR est ubiquitiné puis dégradé dans le
protéasome après rétrotranslocation. Comme il faut très peu de CFTR pour avoir un efflux de Cl⁻ normal
à la surface cellulaire, des firmes pharmaceutiques ont développé des molécules qui favorisent le
repliement, le transport intracellulaire ou la stabilité du CFTR ∆F508 à la surface.

Depuis 2019, il existe une trithérapie qui convient pour les patients homozygotes pour la délétion
∆F508 dans le gène CFTR et pour la plupart des patients hétérozygotes mais pas tous. Elle est
commercialisée en Europe sous le nom de KAFTRIO (TRIKAFTA aux USA). Ce médicament très
coûteux renferme des petites molécules qui vont limiter la dégradation du CFTR muté au niveau du
réticulum endoplasmique (deux correcteurs : tezacaftor et elexacaftor) ou qui vont augmenter l’activité
du CFTR à la membrane plasmique (potentiateur : ivacaftor). La combinaison de ces 3 molécules donne
un résultat supérieur aux 3 molécules individuelles. Ce n’est pas un traitement curatif mais il améliore
de façon spectaculaire les capacités respiratoires et digestives des patient(e)s et donc leur qualité de vie.
En Belgique, il est remboursé pour les enfants à partir de 12 ans depuis septembre 2022 et pour les
enfants à partir de 6 ans depuis le 1° février 2023.

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7. Expériences qui ont permis de rassembler ces connaissances sur le CFTR.

a. Etude de la cinétique de synthèse d’une protéine.

Pour étudier la cinétique de synthèse d’une protéine, on doit réaliser une expérience de
marquage métabolique de type « pulse-chase » suivie d’une immunoprécipitation, d’une électrophorèse
et d’une autoradiographie. L’expérience de pulse-chase comporte trois étapes qui se déroulent dans un
incubateur à CO2 à 37°C :

- Le jeûne. On met les cellules pendant ± 30 min dans un milieu de culture sans méthionine.

- Puis, on incube les cellules avec du milieu de culture contenant de la méthionine radioactive
(méthionine marquée avec du soufre 35). C’est l’étape de pulse ou de marquage. Pendant cette
étape, la méthionine radioactive est incorporée dans les protéines en cours de synthèse, les
protéines néosynthétisées deviennent donc radioactives. Cette étape peut durer pendant 15 min,
30 min, 1 h… cela dépend du turnover de la protéine d’intérêt. La période de pulse sera plus
courte si le turnover de la protéine d’intérêt est rapide et plus longue si le turnover est plus lent.

- Ensuite, on récupère le milieu radioactif, on lave les cellules plusieurs fois pour éliminer les
résidus radioactifs avec une solution saline pour éliminer les résidus radioactifs et on remet du
milieu frais avec de la méthionine « froide » non radioactive sur les cellules. C’est la période de
« Chase ». Pendant cette période de chasse, les protéines vont incorporer de la méthionine froide
et on ne pourra plus les suivre. Par contre, les protéines radioactives synthétisées pendant la
période de pulse vont poursuivre leur maturation et leur transport. Si la période de chasse est
suffisamment longue, elles peuvent même être dégradées.

A la fin du marquage métabolique, on lyse les cellules dans un tampon contenant des inhibiteurs
de protéases, du NaCl et un détergent comme le Triton X100 ou le NP40. Si la protéine est
transmembranaire, il faut souvent ajouter des détergents plus stringents comme le désoxycholate de
sodium et le SDS (Tampon RIPA).
Ensuite, on réalise une immunoprécipitation. Cette technique permet de récupérer la protéine
d’intérêt parmi toutes les protéines néosynthétisées radioactives. On immunoprécipite la protéine
d’intérêt avec un anticorps spécifique et avec des billes de sépharose ou d’agarose sur lesquelles sont
fixées des protéines A ou des protéines G. Les protéines A et G reconnaissent la portion Fc des anticorps
liés à la protéine d’intérêt et permettent de récupérer les complexes antigène – anticorps - protéine A/G
sépharose parce qu’ils sédimentent par centrifugation sous l’impulsion des billes de sépharose. Ensuite,
il faut laver plusieurs fois les complexes en resuspendant le culot dans un tampon et en répétant la
centrifugation. On peut aussi utiliser des billes magnétiques couplées à la protéine A/G. Dans ce cas, on
met les tubes contre un aimant et les complexes Ac-Ag et protéine A/G se collent à la paroi, attirés par
l’aimant et on lave. Par rapport aux billes non magnétiques, cela permet de réduire les pertes de protéines
lors des lavages.

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Principe de l’immunoprécipitation.

Enfin, on fait une électrophorèse dénaturante pour dissocier les protéines du complexe. On sèche
le gel et on fait une autoradiographie. C’est une empreinte des protéines radioactives sur un film
photographique ou un écran photosensible que l’on scanne pour visualiser les bandes protéiques. Pour
étudier la cinétique de maturation d’une protéine, il faut varier les temps de chasse de quelques minutes
à quelques heures en fonction du temps de demi-vie de la protéine d’intérêt.

19
b. Maturation du CFTR dans des cellules CHO.

Les cellules CHO sont des cellules ovariennes d’hamster, souvent utilisées dans les laboratoires
parce qu’elles se cultivent et se transfectent facilement.

Normalement, les cellules CHO n’expriment pas le CFTR. Elles ont donc été transfectées avec le
cDNA codant pour le CFTR sauvage (en haut) ou muté (en bas) pour forcer l’expression. Ensuite, les
chercheurs ont effectué un marquage de 15 min (pulse) puis une chasse avec des temps croissants (de 0
à 180 min), ce qui laisse le temps à la protéine d’intérêt de maturer.

Dans les cellules qui expriment le CFTR WT, à 0 min, on observe un gros « pâté » avec des
bandes A et B. Après 30 minutes, une autre bande de poids moléculaire (PM) plus élevé (qui migre
moins loin) apparaît. C’est la bande C. L’intensité des bandes A et B diminue au cours du temps et elles
finissent par disparaître après 2-3 h de chasse tandis que la bande C apparaît à 30 min et son intensité
augmente jusqu’à 120 min puis diminue légèrement. Les formes A et B sont les formes précurseurs du
CFTR WT et elles disparaissent au profit de la bande C qui est la forme mature du CFTR WT. Le CFTR
WT est donc converti en une forme mature de poids moléculaire apparent plus élevé. Elle subit des
modifications post-traductionnelles.

Dans les cellules qui expriment le CFTR ∆F508, les bandes A et B sont bien visibles mais on
n’observe jamais la bande C, quel que soit le temps de chasse. La protéine est bloquée quelque part dans
la voie de biosynthèse. Pour savoir à quel endroit la voie est bloquée, on peut utiliser des glycosidases
qui agissent sélectivement sur des chaînes oligosaccharidiques N-liées : les endoglycosidases F et H.

20
La glycosylation commence dans le RE avec l’addition d’une chaîne constituée de 2 N-
acétylglucosamines, 9 mannoses et 3 glucoses. Dans le Golgi, des mannosidases enlèvent de 4 à 6
mannoses alors que de sucres tels que des N-acétylglucosamines, des galactoses, des acides sialiques,
et des fucoses sont ajoutés pour former des chaînes complexes.

Pour savoir où une protéine est bloquée dans la voie de biosynthèse, on peut utiliser des
endoglycosidases H et F. L’endoglycosidase H clive la liaison entre les deux résidus N-
acétylglucosamine des chaînes d’oligosaccharides N-liées mais uniquement des glycoprotéines de type
« haut-mannose » (riches en mannoses) que l’on trouve dans le RE. Pour sa part, l’endoglycosidase F
(également appelée PNGase F pour peptide N-glycosidase F ou N-glycanase) clive les chaînes
d’oligosaccharides en hydrolysant le lien amide entre le N-acétylglucosamine et le résidu asparagine.
Elle agit sur les sucres de type « haut-mannose » mais aussi sur les sucres complexes qui apparaissent
dans le Golgi. En pratique, après immunoprécipitation, on traite les complexes Anticorps-Antigène avec
l’endo-F ou avec l’endo-H. En fonction du résultat, on peut dire si la protéine est bloquée au niveau du
RE ou si elle a atteint l’appareil de Golgi. Si elle est sensible à l’endo-H (réduction du poids moléculaire
apparent sur SDS-PAGE), c’est une protéine située dans le RE. Si elle est résistante à l’endo-H (même
PM) mais sensible à l’endo-F, elle a déjà atteint l’appareil de Golgi.

Pour revenir au CFTR, on a découvert que la bande A correspondait à un premier produit de la


traduction, non glycosylé parce qu’elle est produite dans un système de traduction in vitro composé d’un
lysat de réticulocytes de lapin en absence de membranes de microsomes (RE, Golgi). La bande B
correspond à une protéine glycosylée de type « haut-mannose » car elle est sensible à la fois à l’endo-H
et à l’endo-F. Cela signifie qu’après ces traitements, la bande B présente la même mobilité
électrophorétique que la bande A. Elle se trouve donc dans le RE. La bande C correspond à une protéine
mature avec des sucres complexes car elle est résistante à l’endo-H mais est sensible à l’endo-F. Elle se
trouve donc dans le Golgi ou déjà à la membrane plasmique. Le CFTR ∆F508 n’acquiert jamais la
résistance à l’endo-H. Cela signifie que la protéine mutée reste bloquée dans le RE et ne comporte pas
de sucres complexes qui sont normalement ajoutés dans le Golgi. C’est donc un problème de maturation
du CFTR dans le RE qui est responsable de la diminution de l’expression de surface du CFTR ∆F508.

Notez qu’in vitro, il est possible d’amener des protéines CFTR ∆F508 à la membrane plasmique
en diminuant la température ou en utilisant des petites molécules chimiques. Toutefois, ces protéines
sont moins stables et moins efficaces en terme de transport de Cl- que les protéines sauvages. Les défauts
du CFTR ∆F508 sont donc multiples.

21
c. Association du CFTR avec des chaperones

Comme c’est une glycoprotéine, le CFTR est susceptible d’interagir avec des chaperones situées
dans le RE, dont la calnexine qui est aussi une lectine. Pour voir les interactions entre deux protéines
connues, on peut faire une co-immunoprécipitation.

Principe de la co-immunoprécipitation

Ici, les protéines ne sont pas radioactives et les cellules sont lysées avec un tampon contenant des
détergents non stringents. Les conditions sont douces pour préserver les interactions éventuelles entre
protéines. Ensuite, on ajoute un anticorps qui est dirigé contre la protéine d’intérêt et on ajoute des billes
de protéines A ou G sépharose/agarose pour immunoprécipiter le complexe Ac-Ag avec les billes. On
lave le culot et on dénature le complexe, on dépose les constituants sur un gel d’électrophorèse en
présence de SDS. Puis, on fait un transfert électrophorétique pour avoir une empreinte du gel sur une
membrane de nitrocellulose (ou PVDF). Ensuite, on fait un WB : on incube la membrane avec un
anticorps qui reconnaît la protéine qui est soupçonnée d’interagir avec la protéine d’intérêt puis un
anticorps secondaire couplé à une molécule fluorescente ou à une peroxydase. Lors de la révélation, si
un signal apparaît, c’est que les deux protéines interagissent l’une avec l’autre, directement ou
indirectement. Elles pourraient en effet faire partie d’un même complexe sans interagir directement
l’une avec l’autre. Dans ce cas-là, il serait intéressant d’identifier le(s) partenaire(s) commun(s). Si
aucune bande n’apparaît, on ne peut pas tirer de conclusion. Il est possible que les conditions de lyse ou
d’immunoprécipitation ne conviennent pas ou que les anticorps ne marchent pas lors de l’IP ou lors du
WB. C’est pourquoi il faut toujours faire des contrôles adéquats. Il est également possible que dans les
cellules, les interactions entre deux protéines soient transitoires ou dépendent des conditions de culture
(confluence, état de jeûne, stress, etc.).

c1. Le CFTR interagit avec la calnexine et avec Hsp70.

Si on veut voir les interactions entre CFTR et la calnexine, on utilise un anticorps dirigé contre le
CFTR en premier (lors de l’immunoprécipitation) et puis après transfert des protéines du gel sur la

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membrane PVDF, on incube la membrane avec un anticorps contre la calnexine puis avec un anticorps
secondaire couplé à un fluorochrome ou à la peroxydase de raifort (HRP). Si on détecte la calnexine,
c’est que le CFTR interagit avec la calnexine dans les cellules. Pour renforcer le résultat, on fait co-IP
réciproque : on immunoprécipite la calnexine d’abord puis on fait le WB avec un anticorps anti-CFTR.
Si on ne détecte pas de bande protéique sur le blot, on ne peut pas tirer de conclusion.

Voici les résultats obtenus avec des cellules CHO :

K1 = cellules contrôles non transfectées qui dès lors n’expriment pas le CFTR.
WT et ∆F correspondent respectivement à des cellules transfectées avec le CFTR WT et le CFTR∆F508.
Figure de gauche : IP avec un anticorps anti-CFTR ou anti-calnexine puis WB avec un anticorps anti-
CFTR.
Figure de droite : IP avec un anticorps anti-CFTR ou lysat cellulaire sans IP puis WB anti-calnexine.

Dans la première partie de la figure de gauche, les auteurs ont fait une immunoprécipitation avec
un anticorps dirigé contre le CFTR (a-CFTR) de façon à précipiter le CFTR et les protéines qui
interagissent avec lui. Ensuite, ils ont fait une électrophorèse puis un transfert sur une membrane de
nitrocellulose et incubé la membrane avec un anticorps anti-CFTR puis avec un anticorps secondaire.
C’est un contrôle pour s’assurer que la transfection et l’IP ont bien marché. Dans K1, il n’y a pas de
bande. C’est normal vu que les cellules CHO n’expriment pas le CFTR. S’il y avait eu une bande, cela
aurait voulu dire que l’anticorps anti-CFTR utilisé pour le WB n'était pas spécifique. Les CHO
transfectées avec le CFTR WT présentent deux bandes principales (CFTR immature avec un PM plus
faible et CFTR mature avec un PM plus élevé). Pour les cellules transfectées avec le CFTR ∆F508, il
n’y a pas de bande mature. Ce résultat confirme le problème de maturation du CFTR ∆F508 vu plus
haut.
Dans la deuxième partie de la figure de gauche, les auteurs ont fait une immunoprécipitation avec
un anticorps dirigé contre la calnexine suivie d’un WB avec l’anticorps anti-CFTR. On ne voit qu’une
bande correspondant au CFTR immature, aussi bien dans les cellules transfectées avec le CFTR WT
que dans les cellules transfectées avec le CFTR ∆F508. Le CFTR WT mature n’apparaît pas. C’est
logique puisque la calnexine est une protéine résidente du RE. Elle ne peut pas interagir avec le CFTR
WT mature qui a rejoint l’appareil de Golgi. La bande étant plus intense pour le CFTR muté, on pourrait
penser qu’il y a plus de CFTR muté qui interagit avec la calnexine que de CFTR sauvage. Les auteurs
de cette étude disent que les complexes CFTR ∆F508-calnexine ont une durée de vie plus longue que
les complexes CFTR WT-calnexine.

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Dans la figure de droite, ils ont immunoprécipité le CFTR puis détecté la calnexine par WB.
Cette réaction croisée permet de renforcer la confiance dans les résultats : si on détecte des interactions
dans les deux sens, la probabilité qu’elles soient spécifiques augmente. On observe une bande aussi bien
dans les cellules qui expriment le CFTR sauvage que dans les cellules qui expriment le CFTR ∆F508.
Dans les deux cas, il s’agit de la calnexine, comme le montre le résultat obtenu avec le lysat total sans
IP préalable du CFTR (à droite de la figure). Malheureusement, on ne voit pas les standards de PM
connus qui pourraient nous donner un argument supplémentaire. Ce résultat confirme qu’il y a une
interaction entre la calnexine et le CFTR (WT et ∆F). Dans ce sens-là, il est impossible de savoir si c’est
la forme immature ou la forme mature du CFTR. Toutefois, comme la calnexine est une chaperone
présente uniquement dans le RE, elle doit interagir uniquement avec la forme immature du CFTR. A
priori, les bandes dans les cellules WT et ∆F ont la même intensité, contrairement au résultat précédent.
Toutefois il faut rester prudent parce qu’il semble que le signal soit saturé. L’intensité du signal est en
effet plus importante que pour le lysat (5µg de protéines). Enfin, l’absence de bande dans les cellules
K1 nous permet de dire que la bande observée dans les cellules exprimant le CFTR est réellement due
à des interactions entre la calnexine et le CFTR et pas entre la calnexine et les anticorps anti-CFTR ou
avec les billes de protéine A/G-sépharose utilisés pour l’IP.

Dans un autre papier, ils ont étudié les interactions entre le CFTR et deux autres chaperones :
Hsp70 (heat-shock protein 70, une chaperone cytosolique qui possède une activé ATPase) et BiP
(également appelée Grp78, une chaperone soluble du RE). Pour cela, ils ont transfecté des cellules
d’adénocarcinome avec un vecteur vide (Mock) ou avec des plasmides contenant l’ADNc du CFTR WT
ou ∆F508. Ensuite, après la lyse cellulaire, ils ont immunoprécipité Hsp70 ou BiP avec un anticorps
spécifique puis révélé le CFTR par WB (figure ci-dessous).

On voit une bande correspondant à Hsp70 dans les cellules exprimant les CFTR WT et ∆F508
mais pas dans les cellules Mock. Cela suggère que Hsp70 interagit avec le CFTR, surtout le ∆F508 mais
aussi le WT. Elle interagirait avec les boucles hydrophiles du CFTR au moment où elles apparaissent
dans le cytoplasme. On ne peut pas tirer de conclusion pour BiP puisque le résultat est négatif.

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c2. Le CFTR interagit avec Hsc/Hsp70, Hsp90 et Hsp40.

Le CFTR interagit avec Hsp70 mais aussi avec d’autres chaperones de la famille des heat shock
proteins qui agissent dans le cytosol : Hsp40 et Hsp90. Certaines protéines Hsp40 ont une activité de
chaperone mais d’autres agissent comme co-chaperones pour les protéines Hsp70. Les chaperones
Hsp70 marquent une préférence pour les substrats/protéines qui présentent des motifs de liaison
hydrophobes et les maintiennent transitoirement dans un état non déplié. Cela peut favoriser soit le
repliement correct du substrat soit l’interaction avec les chaperones Hsp90 qui peuvent lier des substrats
dans différents états conformationnels. Le transfert des substrats de Hsp70 vers Hsp90 est souvent
nécessaire pour que la protéine acquiert un état natif, complètement replié et fonctionnel.

Ici, les chercheurs ont transfecté des cellules HEK293, des cellules embryonnaires humaines de
rein, avec le CFTR sauvage (WT) ou le CFTR muté (∆F508). Ensuite, ils ont immunoprécipité le CFTR
avec un anticorps spécifique (le M3A7, c’est le nom du clone de l’anticorps monoclonal) puis réalisé
différents WB afin de détecter le CFTR, Hsp90, Hsc70/Hsp70 ou Hsp40. La protéine Hsc70 est très
proche de la protéine Hsp70 mais elle est exprimée de façon constitutive alors que l’expression de Hsp70
est induite par la chaleur.

Si on regarde le WB obtenu avec l’anticorps anti-CFTR, on constate que dans les cellules qui
expriment le CFTR WT, il y a une bande B et une bande C, celle-ci étant presque 10 fois plus intense
que la B. Comme attendu, il n’y a que la bande B dans les cellules qui expriment le CFTR ∆F508. Son
intensité est similaire à la bande B du CFTR WT (voir quantification sur le graphique en haut, à droite).

Si on regarde les protéines chaperones associées au CFTR, on voit qu’il y a plus de protéines
Hsp90, Hsc70/Hsp70 et Hsp40 associées au CFTR ∆F508 qu’au CFTR WT. Le graphique en bas à
droite montre l’analyse densitométrique des WB. Ces résultats suggèrent que les mêmes chaperones
interviennent dans le repliement des protéines sauvages et mutées au cours de leur biosynthèse, même
s’il y en a plus qui sont associées au CFTR muté qu’au CFTR WT.

Selon ces auteurs, le CFTR ∆F508 serait bloqué dans un état de repliement intermédiaire au sein
d’un piège à chaperones. Le système Hsp70/Hsp90 interagirait de façon transitoire avec le domaine
NBD1 du CFTR en cours de synthèse pour favoriser son repliement. Lorsque la Phe est délétée en
position F508, l’interaction avec Hsp90 durerait plus longtemps, empêcherait l’étape de maturation
suivante et provoquerait sa dégradation.

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En fait, dans la partie C-terminale de NBD1, il y a deux hélices a (H8 et H9) qui doivent être
réorientées pour permettre ensuite la dimérisation de NBD1 avec NBD2. Ce réarrangement structurel
se ferait en réponse à la liaison de la boucle cytosolique CL4 de MSD2 avec le domaine NBD1. Dans le
CFTR WT, Hsp90 interagirait avec ces hélices a ainsi qu’avec 4 sites de liaison dont 3 sont également
situés à l’interface de NBD1 et de NBD2. Le dernier site de liaison de Hsp90 sur le CFTR WT se situerait
dans NBD1 à proximité de F508. Dans le CFTR ∆F508, Hsp90 n’interagirait qu’avec les deux hélices
H8 et H9 et cela ne suffirait pas pour assurer sa fonction.

Le rôle de Hsp90 consisterait à stabiliser NBD1 dans un état intermédiaire avant (ou après) que
des interactions n’interviennent entre la boucle cytosolique CL4 et le domaine NBD1. Ces interactions
favoriseraient la réorientation des hélices H8 et H9. Quand ces réarrangements structurels sont terminés,
Hsp90 se détacherait de NBD1 et les domaines NBD1 et NBD2 dimériseraient, NBD1 servant de
chaperone pour le repliement de NBD2. Avec le CFTR ∆F508, cet intermédiaire ne serait jamais
stabilisé et Hsp90 resterait attaché au domaine NBD1. Après un certain temps, la protéine serait
dégradée par le système ERAD au lieu d’être exportée du RE vers les vésicules COPII.

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d. Le système Ubiquitine-Protéasome (UPS).

Comme nous l’avons vu dans l’introduction, les protéines mal repliées sont généralement
ubiquitinées puis adressées au protéasome pour y être dégradées.

Les expériences qui suivent ont été réalisées afin d’identifier les protéines E2 de conjugaison de
l’ubiquitine et E3 Ub ligases responsables de l’ubiquitination du CFTR. Dans certains cas, les auteurs
ont ajouté dans le milieu de culture de l’ALLN ou du MG132 pour inhiber le protéasome et ainsi
favoriser l’accumulation des protéines polyubiquitinées pour mieux les visualiser. Il existe d’autres
inhibiteurs de l’activité du protéasome comme l’époxomicine et la lactacystine.

d1. Le CFTR colocalise avec CHIP, une E3 ubiquitine ligase.

On sait que le CFTR est polyubiquitiné pendant ou après sa traduction. Quelles sont les E3 Ub
ligases qui pourraient intervenir ? Ces auteurs ont essayé de déterminer si CHIP était capable
d’ubiquitiner le CFTR. Ils ont commencé par celle-là parce que CHIP est connue pour interagir avec
Hsp70 et avec Hsp90.

CHIP (carboxy-terminus of Hsp70 interacting protein) est une E3 ubiquitine ligase de 303 acides
aminés. Elle contient des domaines de répétition TPR (qui permettent les interactions avec Hsp70 et
avec Hsp90), un domaine coiled-coil (domaines super-enroulés qui permettent des interactions entre
protéines) et enfin un domaine U-box (qui renferme l’activité catalytique E3 Ub ligase). Le domaine U-
Box est similaire au domaine RING vu précédemment mais il ne dépend pas du Zn2+ pour son activité.
Il favorise les interactions avec les enzymes E2.

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Les scientifiques ont transfecté des cellules COS (cellules fibroblastiques de rein de singe vert
d’Afrique) avec un plasmide contenant la séquence de CHIP couplée à une étiquette (un tag en anglais)
Myc qu’on détecte avec un anticorps anti-Myc puis avec un anticorps secondaire conjugué à un
fluorochrome. On utilise des protéines taguées quand on n’a pas un bon anticorps contre la protéine
d’intérêt mais c’est toujours dangereux de surexprimer une protéine parce qu’elle peut se comporter
différemment de la protéine endogène en termes d’abondance et de localisation. D’autres cellules ont
été transfectées avec le CFTR couplé à la GFP (green fluorescent protein). La GFP est une protéine
naturellement fluorescente extraite d’une méduse. Il ne faut donc pas utiliser d’anticorps pour la
visualiser en microscopie confocale. Enfin, certaines cellules ont été transfectées avec Myc-CHIP et
avec GFP-CFTR. Dans les figures 2 et 4 (en haut et en bas), ce sont respectivement le protéasome 20S
et Hsp70 endogènes qui ont été détectés avec des anticorps spécifiques.

En absence d’ALLN (en haut), dans les cellules qui surexpriment Myc-CHIP, on a un marquage
rouge diffus, partout dans le cytosol (en 1). Dans les cellules COS transfectées avec le CFTR couplé à
la GFP (en 2), on observe un marquage vert sur le pourtour cellulaire, notamment sur le long
prolongement cytoplasmique ainsi qu’un marquage jaune près du noyau. Cela signifie qu’une partie du
CFTR est exprimée à la surface cellulaire tandis qu’une autre partie se trouve dans le cytoplasme. La
présence du marquage jaune montre qu’un certain % de CFTR colocalise avec le protéasome 20S (en
2) et avec Hsp70 (en 4) marqués en rouge (à peine visible). Dans les cellules COS qui surexpriment
Myc-CHIP et GFP-CFTR (en 3), il n’y a plus de marquage vert. Il ne reste que du marquage jaune. Ceci
suggère que le CFTR n’est plus présent sur la membrane plasmique et qu’il se retrouve uniquement dans
la région périnucléaire où il colocalise avec CHIP. Autrement dit, la surexpression de CHIP provoque
une redistribution du CFTR de la surface cellulaire vers la région périnucléaire où il se retrouve avec
CHIP.

En présence d’ALLN (un inhibiteur du protéasome, en bas), les marquages sont différents. Dans
les cellules qui surexpriment Myc-CHIP, on voit une tache rouge plus intense près du noyau en plus du
marquage diffus à travers le cytoplasme (en 1). Il y aurait donc une accumulation de CHIP quelque part
dans le cytoplasme. Dans les cellules qui surexpriment GFP-CFTR, il n’y a plus du tout de marquage
vert associé au GFP-CFTR même si CHIP n’est pas surexprimé (en 2 et 4). Il n’y a plus qu’un amas
coloré en jaune près du noyau. Cet amas contient aussi Hsp70 (en 4) et le protéasome 20S (en 2). Ce
sont probablement des agrégats protéiques contenant des protéines polyubiquitinées, non dégradées.

28
Dans les cellules qui surexpriment GFP-CFTR et Myc-CHIP, les deux protéines colocalisent près du
noyau, même si une bonne partie de Myc reste diffuse dans le cytosol (en 3). On aurait pu imaginer
qu’en présence d’un inhibiteur du protéasome, le CFTR puisse rejoindre la membrane plasmique mais
ce n’est pas le cas. Selon les auteurs, l’ALLN favoriserait les interactions entre le CFTR et CHIP, ce qui
expliquerait que lorsqu’on inhibe le protéasome, le CFTR se retrouve uniquement dans un agrégat
périnucléaire qui contient également CHIP, Hsp70 et le protéasome 20S. Ce type d’agrégat qui contient
des protéines mal repliées (ou inclusion intracytoplasmique) apparaît dans différentes pathologies, non
seulement dans la mucoviscidose mais aussi dans les maladies neurodégénératives comme nous le
verrons plus tard.

d2. CHIP est capable d’ubiquitiner le CFTR.

Même si le CFTR et CHIP colocalisent et même si la surexpression de CHIP modifie la


distribution du CFTR, cela ne veut pas dire qu’il y a une interaction directe entre ces deux protéines. Il
est possible que CHIP agisse indirectement via un mécanisme qui perturberait la localisation du CFTR.
à 1ère chose à vérifier : est-ce qu’il y a une interaction entre les deux protéines ? Oui. Ils ont fait une
coIP qui le prouve (figure ci-dessous).

Des cellules HeLa ont été transfectées avec Myc-CHIP et avec le CFTR (WT ou ∆F508). CHIP
a été immunoprécipité avec un anticorps anti-Myc et la bande B du CFTR a été mise en évidence avec
un anticorps anti-CFTR (en bas). Les extraits cellulaires ont été obtenus dans des conditions non
dénaturantes (PBS + Triton X100 0,1%) sauf la 3° condition où du SDS a été ajouté. La bande visible
dans les lignes 2 et 4 disparaît parce que le SDS (détergent dénaturant) détruit les interactions entre
toutes le protéines.

29
à 2ème chose à vérifier : est-ce que CHIP est capable d’ubiquitiner le CFTR ?

Pour répondre à cette question, ils ont réalisé une expérience sur des cellules semi-perméabilisées,
incubées en présence de 125I-ubiquitine et de protéines CHIP produites et purifiées à partir de E. coli.
Leurs résultats montrent que CHIP favorise la polyubiquitination du CFTR. C’est particulièrement
visible lorsque le protéasome est inhibé avec MG-132.

• Ils ont pris des cellules HEK293 transfectées avec le CFTR et les ont incubées avec ou sans
MG-132 (un inhibiteur du protéasome).
• Ils ont incubé les cellules avec de la digitonine à faible concentration (0,025 %) pendant une
courte période. La digitonine forme des pores dans la membrane plasmique en interagissant
avec le cholestérol. Cela permet de perméabiliser la membrane plasmique et d’introduire des
petites molécules.
• Ils ont ajouté de l’ubiquitine iodinée (marquée radioactivement) qui sert de traceur. Dans la
condition 2, ils ont aussi ajouté un excès d’ubiquitine froide pour créer une compétition entre
les deux.
• Après 10 min d’incubation à 37°C, ils ont lysé les cellules et ont fait une IP avec un anticorps
anti-CFTR.
• Après une électrophorèse, ils ont réalisé une autoradiographie pour détecter l’ubiquitine
radioactive associée au CFTR.

Þ Dans la condition 3, ils ont incubé les cellules qui expriment le CFTR WT avec du MG-
132. On observe une bande tout en haut du gel. Il s’agit du CFTR marqué avec de
l’ubiquitine radioactive. Son PM apparent est beaucoup plus élevé que celui du CFTR
marqué avec de la méthionine 35S en absence de MG-132. Cela montre que le CFTR est
poly-ubiquitiné.

Þ Dans la condition 4, ils ont ajouté de la protéine CHIP purifiée, active, en même temps que
l’125I-Ub. Ils ont obtenu une bande plus intense qu’en absence de CHIP (ligne 3). Cela
montre que, lorsque le protéasome est bloqué, la quantité de CFTR polyubiquitiné est plus
élevée qu’en absence de CHIP. C’est un argument fort pour dire que CHIP est capable
d’ubiquitiner le CFTR grâce à son activité E3 Ub ligase.

30
Þ C’est pareil pour les cellules qui expriment le CFTR muté (DF508) (conditions 7 et 8). Ils
obtiennent les mêmes effets : une petite partie du CFTR est ubiquitinée dès qu’ils bloque
l’action du protéasome mais cet effet est plus net quand ils ajoutent la protéine CHIP dans
le système).

Il faut toujours faire des contrôles pour valider ses observations.

Þ Contrôles (conditions 6-9) : ils ont incubé les cellules semi-perméabilisées avec une forme
inactive de CHIP, obtenue par délétion du domaine U-Box, et qui est donc incapable
d’ajouter des molécules d’ubiquitine sur le CFTR. Comme attendu, il y a une diminution de
l’abondance de CFTR radioactif, que ce soit avec le CFTR WT (ligne 6) et le CFTR ∆F508
(ligne 9). Comparez les lignes 6 et 4 (et 9-8). Quand ils ajoutent la protéine CHIP inactive,
ils ont une bande moins intense que lorsqu’ils ajoutent la protéine CHIP active. Ceci suggère
que l’ubiquitination du CFTR que l’on observe dans les lignes 4 et 8 est bien due (du moins
en partie) à l’activité E3 Ub ligase de CHIP.

Þ S’ils ajoutent de l’ubiquitine froide en grande quantité (condition 2), il y a une compétition
entre les deux ubiquitines (la radioactive et la froide), mais comme la froide est à une plus
forte concentration, elle l’emporte et donc l’ubiquitine froide va se fixer sur le CFTR mais
on ne peut pas la détecter par autoradiographie car elle n’est pas radioactive. On observe
effectivement une diminution du signal sur le gel.

Þ Condition 5 : Si les cellules ne sont pas traitées avec du MG-132 avant l’ajout de la
digitonine et de CHIP active, il y a un peu de CFTR ubiquitiné mais pas beaucoup parce
que une fois que la protéine est ubiquitinée, elle est rapidement dégradée par le système
ERAD.

è CHIP est capable d’ubiquitiner le CFTR WT et le CFTR∆F508 grâce à son activité E3


Ub ligase. Cela se voit surtout lorsqu’on inhibe le protéasome avec le MG132 parce qu’on
favorise l’accumulation des protéines polyubiquitinées. Lorsque le protéasome est
fonctionnel, on voit moins de protéines ubiquitinées parce qu’elles sont rapidement rétro-
transloquées dans le cytosol et dégradées dans le protéasome.

è Cette expérience sur cellules semi-perméabilisées plus l’expérience de Co-IP (non


montrée) suggèrent que le CFTR et CHIP interagissent l’un avec l’autre et que CHIP est
capable d’ubiquitiner le CFTR dans les conditions utilisées.

d3. L’expression de CHIP accélère la dégradation du CFTR.

Si CHIP est capable d’ubiquitiner le CFTR in vivo, l’expression de CHIP doit accélérer la
dégradation du CFTR et à l’inverse, la répression de son expression doit maintenir l’abondance du
CFTR. Pour savoir si l’expression de CHIP a un impact sur la durée de ½ vie du CFTR, les auteurs ont
fait un marquage métabolique. Ici, ils ont fait un pulse-chase sur des cellules HEK293 transfectées avec
le CFTR et transfectées ou non avec CHIP : 20 min de pulse avec 35S-méthionine suivies de 0-1-2-3 h
de chasse sans méthionine radioactive. Pendant la période de chasse, le front de protéines marquées
pendant la période de pulse va se déplacer dans la voie de biosynthèse et subir des modifications post-
traductionnelles. Certaines peuvent aussi être dégradées. Ensuite, ils ont fait une IP du CFTR, un SDS-

31
PAGE et une autoradiographie pour visualiser les différentes formes de maturation du CFTR dans les
deux conditions (± CHIP).

Þ Dans les cellules qui surexpriment uniquement le CFTR sauvage, on a deux bandes :
les bandes B et C. La bande B est la bande immature tandis que la bande C est la forme
mature. Elle a une vitesse de migration plus faible. Au début, sans période de chasse,
juste après 20 min de pulse, on voit surtout la bande B immature. Après 1h de chasse,
on voit que la bande B diminue petit à petit au profit de la bande C mature. Après 2h de
chasse, on ne voit plus que la bande C.

Þ Si on cotransfecte les cellules avec le CFTR WT et avec CHIP, on ne voit déjà presque
plus rien après 1h de chasse, ce qui montre que la dégradation du CFTR est accélérée
quand CHIP est surexprimé. Au temps 0, la bande B est moins intense avec CHIP que
sans CHIP. Après 1h de chasse, on devine encore la bande B et après 2 ou 3 h de chasse,
on ne voit plus la bande B et la bande C n’apparaît pas ou peu. Cela signifie que peu de
protéines acquièrent des sucres complexes, donc que peu de protéines atteignent
l’appareil de Golgi.

Þ Des résultats similaires ont été obtenus avec les cellules qui surexpriment le CFTR
∆F508. Dans les cellules qui surexpriment uniquement le CFTR DF508, celui-ci est
bloqué au niveau du RE et on n’a donc que la forme B immature qui diminue
progressivement. Si on cotransfecte les cellules avec le CFTR ∆F508 et avec CHIP, la
bande B disparait encore plus vite.

è On a vu que CHIP et le CFTR interagissaient l’une avec l’autre, que CHIP était capable
d’ubiquitiner le CFTR dans les cellules semi-perméabilisées et maintenant on voit que la surexpression
de CHIP accélère la dégradation du CFTR WT et ∆F508 et empêche la maturation du CFTR WT.

d4. In vitro, CHIP agit avec UbcH5A, une enzyme E2 conjuguant l’Ub.

Maintenant que nous avons trouvé une E3 Ub ligase capable d’ubiquitiner le CFTR, nous devons
trouver l’enzyme E2, qui est capable de conjuguer l’ubiquitine, c-à-d. de récupérer l’Ub sur l’enzyme
E1 et de la transférer sur la protéine cible après interaction avec CHIP. Les auteurs qui appartiennent à
la même équipe que les précédents, se sont directement focalisés sur UbcH5A parce qu’elle est connue
pour interagir avec CHIP.

32
Ils ont réalisé des expériences de reconstitution in vitro pour déterminer dans quelles conditions
le CFTR était ubiquitiné. Ce sont des conditions très différentes que celles qui règnent dans les cellules
mais elles sont plus simples et plus facilement contrôlables.

Comme la protéine entière est difficile à produire dans les bactéries, ils ont pris juste un fragment
contenant le domaine NBD1 et le domaine régulateur R. Cela représente 1/3 de la protéine et ne
comprend que les parties solubles évitant ainsi d’éventuels problèmes de précipitation liés aux passages
transmembranaires (hydrophobes). Ce polypeptide renferme aussi les sites de liaison à Hdj2 et à Hsc70.
Hdj-2 est une co-chaperone de Hsc70 de la famille Hsp40. Elle est localisée sur la face cytosolique de
la membrane du RE par farnésylation (chaine hydrocarbonée de 15C ajoutée sur une Cys dans un motif
CaaX où « a » est un acide aminé aromatique). Elle permet le recrutement de Hsc70 sur la membrane
du RE, à proximité des ribosomes. Ils ont couplé ce polypeptide NBD1-R à la glutathion S transférase
(GST) pour le purifier après production dans les bactéries E. coli.

Après incubation de la GST-NBD1-R dans un tampon HEPES à pH 7,4 contenant différentes


protéines purifiées de E1, CHIP, Hdj-2 et Hsc70, etc. produites dans des bactéries, ils ont réalisé une
électrophorèse puis un WB (avec un anticorps dirigé contre le domaine R du CFTR) pour étudier
l’ubiquitination du polypeptide en analysant son retard de mobilité sur gel.

• A gauche, dans toutes les conditions, ils ont aussi ajouté une enzyme E1, l’enzyme E2
(UbcH5A), de l’ubiquitine.

Þ Condition 1 : Si on incube juste Gst-NBD1-R avec ces trois protéines, on obtient une
seule bande qui est de la taille attendue pour cette protéine chimérique.
Þ Condition 4 : Si on ajoute CHIP, on retrouve cette même bande. Si on ajoute CHIP et
la chaperone Hsc70 (condition 2) ou si on ajoute CHIP et Hdj2 (co-chaperone de Hsc70
qui permet son ancrage membranaire) (condition 3), on observe l’apparition d’une
deuxième bande (voire même une troisième bande). Cela correspond à des protéines
Gst-NBD1-R avec une ou deux molécules d’ubiquitine.
Þ Condition 5 : si on ajoute Hsc70, Hdj2 et CHIP, on voit l’apparition d’autres bandes
dont certaines avec un poids moléculaire très élevé. Ce sont des protéines CFTR poly-

33
ubiquitinées. Autrement dit, quand la construction Gst-NBD1-R est stabilisée avec les
complexes Hsp70-Hdj2, elle pourrait être phosphorylée par le couple CHIP-UbcH5A.
Þ Dans les deux dernières conditions, ils ont utilisé un CHIP muté (mutations dans le
domaine U-box, don inactif). Dans ce cas, on n’observe pas de fragment Gst-NBD1-R
polyubiquitiné (conditions 6 et 7).

è Ceci suggère que le couple CHIP-UbcH5A est capable de polyubiquitiner le CFTR


lorsque Hsc70 et Hdj2 sont présents et dès le début de la synthèse du CFTR qui ne contient
que les domaines NBD1 et R.

• A droite, dans toutes les conditions, ils ont incubé une enzyme E1, CHIP, Hsp70 et Hdj2 avec
le Gst-NBD1-R ainsi qu’avec une des 3 enzymes E2 : UbcH5 (comme dans l’expérience
précédente) et Ubc6 et Ubc7 (le « c » correspond à « conjugating ») pendant une période de
temps allant de 0 à 3h. Le but était de vérifier si d’autres enzymes E2 pouvaient contribuer à
l’ubiquitination du CFTR en s’associant à CHIP.
o Si UbcH5A est présent, il y a une augmentation au fil du temps de la quantité de CFTR
poly-ubiquitiné de haut poids moléculaire (lignes 2-3-4 au sommet du gel).
o Si UbcH5A est remplacé par Ubc6 ou par Ubc7 (lignes 5-6), le Gst-NBD1-R n’est pas
ubiquitiné. La réaction d’ubiquitination induite par CHIP dépend donc de UbcH5A.

è in vitro, l’E3 Ub ligase CHIP doit être associée à l’enzyme E2 UbcH5A, pour réaliser
l’ubiquitination du CFTR stabilisé par le couple Hsc70-Hdj2. Ubc6 et Ubc7 sont peut-être
impliquées dans l’ubiquitination du CFTR mais pas en étant associées à CHIP. En tout cas,
cette expérience ne permet pas de le montrer.

d5. CHIP agit aussi avec UbcH5A in vivo.

Les expériences précédentes montrent que UbcH5A contribue à l’ubiquitination du CFTR in


vitro mais qu’en est-il in vivo ? C’est toujours important de tester une hypothèse in vivo parce que
l’environnement est beaucoup plus complexe que in vitro et aussi plus proche des conditions réelles.

34
Figure en haut à gauche. Quand on transfecte des cellules avec le CFTR WT et avec UbcH5A,
à l’équilibre, on constate une diminution de l’abondance du CFTR (bandes B et C) par rapport à des
cellules uniquement transfectées avec le CFTR (WB). Cette diminution du CFTR suggère que UbcH5a
contribue à la dégradation du CFTR in vivo en interagissant avec la protéine CHIP endogène. Au
contraire, si on transfecte les cellules avec une forme inactive de UbcH5a (UbcH5aC85A où une
cystéine est remplacée par une alanine en position 85) qui agit comme dominant négatif, on constate
une augmentation de l’abondance du CFTR. Un dominant négatif est une protéine qui une fois
surexprimée empêche la protéine endogène de fonctionner normalement. Ici, l’expression de
UbcH5aC85A empêcherait la polyubiquitination du CFTR par le couple CHIP-UbcH5a endogène.

Figure en bas à gauche. Ils ont transfecté des cellules avec le CFTR ∆F508, avec ou sans CHIP
et avec ou sans UbcH5a actif. Ensuite, ils ont analysé en WB l’abondance du CFTR à l’équilibre par
rapport à des cellules qui expriment uniquement le CFTR ∆F508. On voit que l’abondance du CFTR
muté diminue partiellement quand les deux protéines CHIP ou UbcH5a sont exprimées séparément (30
et 41%) et quasiment totalement lorsque les protéines sont exprimées ensemble (2%).

Figures à droite. Si on fait un marquage métabolique pour voir la cinétique de synthèse du CFTR
sauvage (au-dessus) ou du CFTR muté (en-dessous), on constate que :

Þ Dans les cellules qui expriment le CFTR sauvage, la bande B est visible au temps 0 et
disparaît progressivement tandis que la bande C apparaît après 30 min et se maintient
jusqu’à 90 min.
Dans les cellules qui expriment le CFTR sauvage et la forme dominante négative de
UbcH5a (l’UbcH5aC85A), on voit que l’abondance de la bande B au temps 0 est plus
élevée que dans les cellules qui ne surexpriment pas UbcH5aC85A et que les bandes B
et C se maintiennent plus longtemps. Autrement dit, la surexpression de UbcH5aC85A
stabilise les formes B et C.

Þ Dans les cellules qui expriment le CFTR ∆F508, la bande B disparaît en grande partie
entre 60 et 120 min. Si on surexprime en plus la forme dominante négative d’UbcH5a,
on stabilise cette bande.

è La surexpression isolée ou simultanée de CHIP et de UbcH5a provoque une diminution de


l’abondance du CFTR. La surexpression d’une forme dominante de UbcH5a provoque la stabilisation
des protéines CFTR. Par conséquent, le modèle proposé in vitro semble se confirmer in vivo : le couple
CHIP-UbcH5a semble capable d’ubiquitiner le CFTR.

d7. Modèle de l’ubiquitination du CFTR.

Sur base de tous ces résultats, il apparaît que Hsc70 joue un double jeu en fonction de son
partenaire : repliement ou dégradation du CFTR. Hsc70 est recrutée à la membrane du RE par son
interaction avec Hdj2 (co-chaperone de la famille Hsp40 qui promeut son ancrage membranaire parce
qu’elle possède un résidu farnésyl). La liaison de Hdj2/Hsc70 sur NBD1 le stabilise et promeut
l’assemblage entre des surfaces de NBD1 et le domaine R. Hsc70 essaierait de replier le CFTR grâce à
son activité ATPase. Mais si le repliement ne se fait pas correctement ou que le temps de repliement est
trop long, Hsc70 recrute CHIP (E3 Ub ligase) qui elle-même attire UbcH5A (enzyme de conjugaison
E2) sur le complexe Hsc70-CHIP. Ensemble, ces deux protéines vont réaliser l’ubiquitination du CFTR
pendant sa biosynthèse et accélérer sa dégradation par le protéasome.

35
Chez les humains, il existe 13 homologues de Hsp70, qui agissent à tous les stades des protéines,
de la synthèse à la dégradation. Les Hsp70 ont un domaine de liaison aux nucléotides (ADP-ATP) et
deux domaines de liaison au substrat (SBDa et b). La liaison de l’ATP provoque un changement de
conformation du domaine SBDa qui réduit les interactions avec le substrat.

Les protéines Hsp70 ont une activité ATPase qui est régulée de façon cyclique par des
interactions avec des co-chaperones de la famille Hsp40 (JDP ou Hdj2) et avec des facteurs d’échange
de nucléotides (NEF comme Bag1). Hsp40 fixe le substrat sur Hsp70 quand celui-ci est lié à l’ATP et
déclenche l’hydrolyse de l’ATP. Cela provoque un changement de conformation de la chaperone Hsp70
et une augmentation de l’affinité pour le substrat. Ensemble, Hsp70 et Hsp40 facilitent le repliement de
novo des protéines, empêchent l’agrégation des protéines et re-solubilisent les protéines agrégées. Les
NEFs induisent ensuite la dissociation de l’ADP, la libération du substrat et la réassociation de l’ATP
pour refermer le cycle.

36
Si après un moment, le substrat adopte une conformation plus ou moins stable, il peut être
transféré sur une chaperone Hsp90, via un intermédiaire appelé Hop, pour finaliser son repliement. Si
le repliement est trop lent ou si le substrat reste complètement mal replié, la partie C-terminale de Hsp70
recrute l’E3 ubiquitine ligase CHIP de façon à ubiquitiner le substrat et l’adresser au protéasome pour
dégradation.

Ce sont donc les protéines associées aux chaperones Hsp70 qui dictent leur fonction : repliement
du substrat vs dégradation par le protéasome.

d6. Le CFTR est ubiquitiné par de nombreuses E3 Ub ligases.

Dans l’expérience de marquage métabolique montrée précédemment, on constate que même


lorsque l’enzyme E2 n’est pas fonctionnelle, le CFTR DF508 n’apparait pas sous sa forme C, il reste
toujours sous sa forme B. Donc, même si la bande B immature est stabilisée, le CFTR reste quand même
bloqué au niveau du RE, il n’a pas accès à l’appareil de Golgi. Cela suggère qu’il y a un 2ème point de
contrôle de qualité du CFTR dans la voie de biosynthèse.

Effectivement, depuis que ces expériences ont été réalisées, on s’est rendu compte que beaucoup
d’autres E3 Ub ligases pouvaient ubiquitiner le CFTR pendant ou après sa biosynthèse.

Sur ce schéma, on voit que le 1er segment hydrophobe (TM1) du CFTR et le dirige vers la
membrane du RE et permet son insertion dans la bicouche lipidique. TM2 est synthétisé et il s’associe
au TM1 pour favoriser l’ancrage de ces deux premiers segments dans la bicouche lipidique. Au fur et à

37
mesure que la protéine est synthétisée, de plus en plus de segments transmembranaires s'intègrent dans
la membrane. Lorsque les six premiers segments transmembranaires sont synthétisés et insérés dans la
membrane, il y a un premier contrôle de qualité. Il faut déjà que cette protéine soit repliée correctement,
sinon le couple E3 Ub ligase (RMA1/RFN5) et E2 (Ubc6) reconnaît cette protéine néosynthétisée et va
l’ubiquitiner et l’envoyer au protéasome. Ce complexe est aidé par une autre E3 Ub ligase, la gp78.

CHIP intervient plus tard, quand la synthèse de la protéine est plus avancée. Ils ont pu le
démontrer en utilisant des protéines tronquées à différents endroits, obtenues par biologie moléculaire.
Il y a donc au moins deux points de contrôle du CFTR. Le deuxième complexe redirige vers le
protéasome les protéines qui étaient mal repliées et qui ont échappé au 1er contrôle effectué par RMA1,
Ubc6 et gp78. De nombreuses autres E3 Ub ligases (TRIM21, UBR4, RFN215, FBXO2, etc.)
contribuent aussi à la polyubiquitination du CFTR pendant et après sa biosynthèse mais aussi lorsqu’il
est exprimé à la surface cellulaire.

è Il existe différents points de contrôles de qualité lors de l’assemblage du CFTR par des E3 Ubiquitine
ligases associées à leurs enzymes E2 respectives.
e. Rétrotranslocation du CFTR à travers la membrane du RE.

Une fois que la protéine est polyubiquitinée, elle doit être rétrotransloquée, transportée à travers
la membrane du RE avant d’être dégradée dans le protéasome. Pour cela, elle doit passer par un canal
protéique. Pour certains, le CFTR pourrait repasser par le translocon. Pour d’autres, la rétrotranslocation
du CFTR dépendrait de derline 1, une protéine avec 4 passages transmembranaires, capable de former
un pore après homotétramérisation et souvent associée à des E3 Ub ligases. L’énergie nécessaire à
l’extraction de la protéine de la membrane du RE proviendrait de l’hydrolyse de l’ATP par p97/VCP
(Valosin Containing Protein), une ATPase toujours associée à Ufd1 et Npl4 et qui serait recrutée sur la
membrane du RE grâce à VIMP (VCP/p97 Interacting Motif Protein).

38
Voici les expériences qui ont permis de montrer l’implication de derline 1 et de p97 dans la
rétrotranslocation du CFTR.

e1. Est-ce que derline 1 et p97 sont impliquées dans la biosynthèse du CFTR ?

D’abord, ces auteurs ont fait des expériences de co-immunoprécipitation sur des lysats de cellules
Calu-3, des cellules épithéliales humaines de poumon qui expriment donc naturellement le CFTR. C’est
mieux que d’utiliser des cellules transfectées où souvent le niveau d’expression de la protéine d’intérêt
est plus élevé que dans les cellules qui l’expriment naturellement.

Après une IP et un WB avec l’anticorps anti-CFTR, ils retrouvent bien le CFTR dans le précipité
et rien s’ils prennent une IgG non spécifique pour l’IP (blot du dessous). C’est un contrôle important
pour voir si l’IP avec l’anticorps anti-CFTR a bien fonctionné. Sur base du PM apparent, on peut dire
que la bande majoritaire correspond à la forme mature du CFTR WT. On voit à peine la forme immature
en-dessous.

Si derline 1 interagit (directement ou indirectement) avec le CFTR, dans l’immunoprécipité


obtenu avec l’anticorps anti-CFTR, on espère pouvoir détecter derline 1 en réalisant un WB avec
l’anticorps anti-derline 1. C’est bien le cas (blot du dessus). On voit bien une bande avec le poids
moléculaire attendu, autour de 23 kDa. L’input représente une partie du lysat cellulaire. Cela permet de
s’assurer 1) que la protéine derline 1 est bien exprimée dans ces cellules Calu-3, 2) que l’anticorps anti-
derline fonctionne bien en WB et 3) que la bande trouvée dans l’immunoprécipité anti-CFTR correspond

39
bien à derline 1. Ici, ils ont déposé sur le gel 20% du matériel de départ utilisé pour l’IP à côté. S’ils
avaient déposé tout le lysat cellulaire, le signal aurait été saturé. Comme ils obtiennent une bande
d’intensité similaire à celle obtenue après IP, cela donne une idée du % de derline 1 qui interagit avec
le CFTR.

Ensuite, ils ont réalisé la Co-IP en sens inverse : ils ont immunoprécipité derline 1 et puis analysé
par WB la présence du CFTR dans l’immunoprécipité (blot de droite). Le CFTR est bien visible si l’IP
a été réalisée avec un anticorps anti-derline 1 et pas avec une IgG non immune. On observe surtout la
bande B (PM< 150 kDa) avec une traînée (un smear) en-dessous mais pas au-dessus. Les bandes en-
dessous de 150 kDa correspondent probablement à des formes dégradées du CFTR immature. Par
conséquent, c’est surtout la forme immature du CFTR qui semble interagir avec derline 1. Elle est non
ubiquitinée puisqu’il n’y a pas de traînée au-dessus de la bande B.

è Même si on a beaucoup plus de CFTR mature que de CFTR immature dans le lysat de ces
cellules pulmonaires, derline 1 interagit uniquement avec la forme immature. C’est logique puisque
derline 1 est une protéine insérée dans la membrane du RE alors que la forme mature du CFTR se trouve
dans un compartiment post-RE.

è Les interactions entre derline 1 et le CFTR immature se feraient avant l’étape de


polyubiquitination de la protéine, probablement quand le CFTR traverse la bicouche lipidique à travers
le rétrotranslocon. Ce résultat est un peu surprenant car d’autres auteurs prétendent que le CFTR est
polyubiquitiné lorsqu’il est encore ancré dans la membrane du RE. Cela dépend peut-être du type
cellulaire utilisé.

Dans cette étude, ils ont également fait une IP avec l’anticorps anti-CFTR et ensuite un WB avec
un anticorps anti-p97 pour savoir si le CFTR interagissait aussi avec p97, l’ATPase chargée de produire
l’énergie nécessaire à la rétrotranslocation. Sur la figure en haut à gauche, on voit une bande à un PM
proche de 100 kDa, comme attendu pour cette protéine. Rien avec l’IgG non immun. A droite, ils ont
déposé 5% de lysat pour montrer la présence de p97 dans les deux conditions.
Le blot en bas à gauche représente la coIP en sens inverse : l’IP avec l’anticorps anti-p97 et le
WB avec l’anticorps anti-CFTR. On voit que le CFTR se présente sous la forme d’une longue traînée
centrée autour de la bande B. Contrairement au résultat obtenu avec derline 1, cette fois, des traînées

40
apparaissent au-dessus de la bande B. Avec l’IgG, il y a juste une bande non spécifique (*). L’interaction
entre p97 et le CFTR semble donc spécifique.

Pour savoir si dans les bandes du dessus, il y avait bien des protéines CFTR polyubiquitinées, ils
ont remis en solution le premier immunoprécipité obtenu avec l’anticorps anti-p97. Ensuite, ils ont fait
une 2ème IP avec cette fois-ci un anticorps anti-CFTR et enfin, un WB avec un anticorps anti-Ubiquitine.
De cette façon, ils ont pu constater qu’une bonne partie du CFTR associé à p97 était ubiquitinée puisqu’il
y a une traînée foncée au-dessus de la bande B.

è Dans des cellules pulmonaires humaines, p97 interagit avec différentes formes de CFTR dont
la plupart sont polyubiquitinées.

e2. Est-ce que la surexpression de Derline 1 a un impact sur l’abondance et la durée


de vie du CFTR ?

Pour connaître l’impact de l’expression d’une protéine sur une autre, il y a deux options : soit on
augmente soit on diminue le taux d’expression de cette protéine et on analyse le phénotype.
Ici, les scientifiques ont d’abord surexprimé la protéine derline 1 en même temps que le CFTR
WT ou ∆F508 dans des cellules HEK293 et regardé l’abondance du CFTR à l’équilibre (en WB). Dans
les cellules contrôles, ils ont remplacé l’ADNc de derline 1 par l’ADNc de la GFP pour avoir la même
quantité d’ADN à transfecter et pour activer la machinerie de traduction. Cela permet de voir si l’effet
observé est dû à l’expression de notre protéine d’intérêt et pas uniquement à l’étape de transfection ou
à l’activation de la machinerie de traduction.

A gauche, les cellules n’ont pas été traitées avec le MG132.

Dans les cellules qui expriment le CFTR WT et la GFP, on retrouve les bandes B et C sur le blot.
Par contre, dans les cellules qui expriment le CFTR WT et derline 1, il y a une nette diminution de
l’intensité des deux bandes (C disparait complètement). Dans les cellules qui expriment le CFTR ∆F508,
la seule bande B qui apparaît avec la GFP, disparaît quand derline 1 est également surexprimée.
Les blots en-dessous sont des contrôles :
o Contrôle de charge avec un anticorps anti-actine pour s’assurer que les échantillons
déposés sur le gel renferment la même quantité de protéines.

41
o Contrôle de transfection avec un anticorps anti-derline 1 ou avec un anticorps anti-
GFP pour s’assurer qu’il y a bien une surexpression de derline 1 ou de GFP,
respectivement.

è Cette expérience montre que la surexpression de derline 1 accélère la dégradation du CFTR WT


et du CFTR ∆F508 probablement parce qu’elle favorise la rétro-translocation des protéines et leur
dégradation subséquente dans le protéasome.
A droite, les cellules ont été traitées avec MG-132 pour inhiber le protéasome. On devrait
s’attendre à observer une accumulation de protéines polyubiquitinées.

Dans les cellules qui expriment le CFTR WT et la GFP, on retrouve les bandes B et C ainsi qu’un
agrégat protéique en haut du blot. Ce sont probablement des formes polyubiquitinées et agrégées du
CFTR. Dans les cellules qui expriment CFTR WT et derline 1, on constate que les bandes B et C se
maintiennent en présence de MG132 alors qu’elles diminuaient en absence de MG132. On observe aussi
des protéines de haut poids moléculaire même s’il y a une petite diminution entre les cellules qui
expriment derline 1 par rapport aux cellules qui expriment la GFP.

Dans les cellules qui expriment le CFTR ∆F508 et qui sont traitées avec le MG132, on retrouve
la bande B mais aussi des protéines de haut PM, même dans les cellules qui expriment aussi derline 1.
Dans ces conditions, même si la bande B se maintient, la bande C n’apparaît pas. Cela signifie que la
protéine est toujours insérée dans la membrane du RE ou libérée dans le cytosol mais en tous cas qu’elle
ne rejoint pas l’appareil de Golgi.

è La surexpression de derline 1 provoque une diminution de l’abondance du CFTR lorsque le


protéasome est actif mais pas lorsqu’il est inactivé. On peut donc imaginer que derline 1 facilite
la rétrotranslocation du CFTR de la membrane du RE vers le cytosol afin qu’il soit dégradé dans
le protéasome. Si le protéasome est inhibé, des formes polyubiquitinées du CFTR s’accumulent.

Pour conforter leur résultat, ils ont analysé l’impact de l’expression de derline 1 sur la maturation
des protéines CFTR en faisant une expérience de marquage métabolique suivie d’une IP et d’une
autoradiographie.

• Dans les cellules co-transfectées avec le CFTR WT et la GFP (en haut, à gauche), au temps 0,
on ne voit que la bande B puis après 1-2-4 h de chasse, une bande C apparaît tandis que la bande
B disparaît progressivement. 40% des protéines passent de la forme immature (B) à la forme
mature (C).

• Dans les cellules co-transfectées avec le CFTR WT et derline 1 (en bas, à gauche), au temps 0,
l’intensité de la bande B est plus faible qu’en présence de la GFP. Ensuite, la bande B disparaît
42
progressivement sans être remplacée par la bande C (ou très peu). Cela indique que la protéine
immature est en grande majorité éliminée du RE avant d’atteindre l’appareil de Golgi où ses
chaînes d’oligosaccharides doivent normalement devenir plus complexes.

• Dans les cellules co-transfectées avec le CFTR ∆F508 et derline 1, comme attendu, seule la
bande B apparaît. Elle est déjà moins abondante au temps 0 dans les cellules co-transfectées
avec le CFTR ∆F508 et la GFP et elle diminue rapidement avec le temps. Le temps de ½ vie du
CFTR ∆F508 (bande B) passerait de 60 à 30 min dans les cellules qui expriment derline 1 par
rapport aux cellules qui expriment la GFP.

è La surexpression de derline 1 accélère la dégradation de la forme immature des CFTR WT et


∆F508 et empêche la maturation du CFTR WT. Comme l’apparition de la forme glycosylée avec
des sucres complexes se fait dans l’appareil de Golgi, cela renforce l’idée que derline 1 participe à
la rétrotranslocation du CFTR au niveau du RE avant qu’il ne soit dégradé dans le protéasome.

e3. Est-ce que la diminution de l’expression de Derline 1 a un impact sur


l’abondance du CFTR ?

Pour réduire l’expression d’une protéine, on peut utiliser l’interférence par ARN : des siRNA
ou des shRNA.
Pour rappel, les shRNA (short hairpin RNA) sont des ARN double
brin d’environ 80 pb avec une structure en épingle à cheveu au
milieu. Une fois dans le cytoplasme, ils sont processés en siRNA
(small interfering RNA, ARN double brin de 20-23 pb) par la
RNase III DICER et incorporés dans le complexe RISC (RNA-
induced silencing complex). Les deux brins sont séparés et l’un
des deux brins va s’hybrider avec l’ARNm complémentaire ciblé.
Enfin, Argonaute 2, une endonucléase avec une activité RNase H,
contenue dans le complexe RISC, va cliver l’ARNm et empêcher
sa traduction. L’effet des siRNA est maximal 24 h après
transfection. L’effet des shRNA est plus long parce que le
processus implique leur passage dans le noyau (avec ou non
intégration dans l’ADN génomique), une maturation et leur export
nucléaire.
Pour réprimer l’expression de derline 1, les auteurs ont utilisé deux quantités différentes de
shRNA (2 et 4 µg). Dans ces conditions, on constate que la répression n’est que partielle puisqu’il reste
50 et 30% de derline 1, respectivement avec 2 et 4 µg de shRNA, par rapport aux cellules contrôles (blot
du milieu). C’est donc un knock-down et pas un knock-out.

43
Même si l’expression de derline 1 n’est pas complètement inhibée, on constate un impact
important sur la quantité de CFTR (blot du haut). En effet, quand on transfecte les cellules qui expriment
le CFTR WT avec 2 ou 4 µg de shRNA, on observe une augmentation massive de la bande C (± 4,5x)
mais surtout de la bande B (± 9 x) du CFTR WT par rapport à des cellules non traitées avec des shRNA.
Dans les cellules qui expriment le CFTR WT ∆F508, on voit une forte augmentation de la forme B suite
à la transfection avec des shRNA, en particulier avec 4 µg (± 15,5x). Les encarts montrent l’analyse
quantitative : l’abondance relative du CFTR a été normalisée avec l’abondance de l’actine et rapportée
à la valeur obtenue avec les cellules non transfectées (n=2, donc pas d’analyse statistique).
è La répression de l’expression de derline 1 stabilise le CFTR, probablement au niveau du RE,
ce qui permet à une plus grande quantité de protéines CFTR WT de gagner l’appareil de Golgi
où des sucres complexes sont ajoutés sur les chaînes oligosaccharidiques.

è La bande B du CFTR ∆F508 est également plus abondante après le knock-down de derline
1 mais la bande C est à peine visible. Cela suggère que l’assemblage de la protéine pose toujours
problème malgré son séjour prolongé dans la membrane du RE.

e4. A quel moment de la biosynthèse du CFTR, derline 1 intervient ?

Pour aborder la question, les chercheurs ont préparé une série de constructions de CFTR par
biologie moléculaire, en introduisant un codon stop à différents niveaux de la séquence d’ADNc. Ils ont
ainsi obtenu une série de protéines tronquées : après la ½ du MSD1 (de 1 à 216), à l’extrémité C-
terminale de MSD1 (de 1 à 370), à l’extrémité C-terminale de NBD1 (de 1 à 588) et à l’extrémité C-
terminale du domaine régulateur (de 1 à 831). Les valeurs correspondent à la position des acides aminés
(voir schéma ci-dessous). Ensuite, ils ont transfecté des cellules HEK293 avec ces constructions CFTR
en même temps qu’avec l’ADNc de la GFP ou de derline 1 et ils ont réalisé des WB pour voir
l’abondance du CFTR à l’équilibre.

44
Quand derline 1 est surexprimée, l’abondance du CFTR diminue par rapport aux cellules qui
expriment la GFP. C’est visible surtout avec les constructions de 1 à 216 et de 1 à 370, un peu moins
avec la construction de 1 à 588 et encore moins avec la construction de 1 à 831. Notez que le PM
apparent des bandes varie en fonction de la taille de la séquence protéique. L’introduction de la mutation
∆F508 dans la construction de 1 à 831 augmente l’effet de la surexpression de derline 1 sur l’abondance
du CFTR.

è La surexpression de derline 1 favorise la dégradation de la protéine avant même la fin de sa


biosynthèse. La présence de NBD1 (et du domaine R) protège partiellement le CFTR de l’action de
derline 1.

è La délétion F508 introduite dans le CFTR 1-831 semble accentuer l’effet de derline 1 sur la stabilité
de la protéine.

D’autres expériences ont montré que derline 1 interagissait d’une part avec RMA1/RFN5-Ubc6
et, d’autre part, avec VIMP. Le modèle suivant a donc été proposé. Derline 1 formerait un canal aqueux
permettant la rétrotranslocation du CFTR à travers la membrane du RE. Pendant son transfert, la protéine
serait scannée par l’E3 Ub ligase RMA1/RFN5 avant même la fin de sa traduction (avant même la
production de NBD1). Si les segments transmembranaires ne s’assemblent pas correctement au sein de
la membrane, certains résidus lysine seraient ubiquitinés par le couple RMA1/RFN5-Ubc6. Enfin,
l’ATPase p97, recrutée sur la face cytosolique de la membrane du RE grâce à son interaction avec VIMP,
fournirait l’énergie nécessaire pour extraire la protéine de la membrane avant sa dégradation dans le
protéasome.

45
Si malgré tout, certaines protéines mal assemblées arrivent à franchir ce point de contrôle de
qualité, leur traduction pourrait se poursuivre. Ce serait seulement quand la protéine est entièrement
traduite que le couple CHIP/UbcH5A interviendrait et constituerait ainsi un 2° point de contrôle de
qualité. Cette dernière conclusion se base sur de la sensibilité de protéines CFTR plus ou moins
tronquées dans les cellules qui surexpriment soit RMA1 soit CHIP.

f. Formation d’un agrésome en cas d’inhibition du protéasome.

Lorsqu’on inhibe l’activité du protéasome avec du MG132 ou avec de l’ALLN, on constate que
le CFTR change de localisation et forme un agrégat près du noyau.

Ici, il s’agit de cellules HEK293 transfectées avec la chimère GFP-CFTR ∆F508 et traitées avec
de l’ALLN. En A, nous visualisons la fluorescence liée à la GFP. En B, le CFTR est détecté avec un
anticorps anti-CFTR (à gauche) et l’ubiquitine est détectée avec un anticorps anti-cMyc parce que les
cellules avaient été transfectées avec la construction c-Myc-Ubiquitine. En C, on observe cet agrégat de
CFTR (en vert) reconstitué en microscopie fluorescente 3D, le noyau est coloré en bleu avec du DAPI.
Cet agrégat de CFTR ∆F508 observé en présence d’un inhibiteur du protéasome s’appelle un agrésome.

Quand on regarde cet agrégat en microscopie électronique à transmission, on voit qu’il


correspond à une accumulation de particules denses aux électrons, près du centrosome, le tout formant
une structure globalement sphérique, entourée de filaments plus ou moins parallèles les uns aux autres.

46
Sur la photo A, on voit le noyau avec la chromatine (à gauche) avec quelques mitochondries à côté. On
voit surtout un gros amas presque sphérique de particules denses aux électrons, un autre plus haut se
trouve près du centriole (voir insert B). En-dessous de l’amas central et dans l’insert C, on aperçoit des
faisceaux de matériel filamenteux qui entourent la structure. Il n’y a pas de membrane. Par cryo-
microscopie électronique, on a pu démontrer que ces filaments étaient constitués de vimentine. Ce sont
donc des filaments intermédiaires.

Les agrésomes sont donc des amas plus ou moins sphériques de protéines polyubiquitinées, mal
repliées que l’on retrouve à proximité du centriole (appelé aussi centre d’organisation des microtubules
ou MTOC) et entourés de filaments intermédiaires. Ces agrésomes n’apparaissent que lorsque le
protéasome est inhibé (naturellement ou chimiquement) et peuvent atteindre une taille de 60 à 80 nm.

Selon ce premier modèle de formation des agrésomes publié en 1998, quand une protéine est
synthétisée au niveau du RE, soit elle est bien repliée et elle va vers le Golgi (1a), soit elle est mal repliée
et elle est ubiquitinée (2). Dans ce cas, elle est rétro-transloquée dans le cytosol où elle peut former des
dimères (5) ou des oligomères de protéines polyubiquitinées (6).

Si la protéine est ubiquitinée 1 fois, 2 fois, 3 fois, elle est facilement dégradée par le protéasome
(3) mais si elle commence à faire une structure de plus grande taille (7a-7b), elle est trop grosse pour
rentrer dans le canal du protéasome et sa dégradation devient très lente. S’il y a beaucoup d’agrégats, la
dégradation des protéines par le protéasome est inhibée. Dans ce cas, les protéines polyubiquitinées, mal
repliées et agrégées sont transportées vers le MTOC le long des microtubules. Là, ils s’entremêlent avec
des filaments intermédiaires collapsés pour former l’agrésome.

L’intégrité des microtubules est indispensable pour la formation des agrésomes parce que si on
ajoute des drogues qui dégradent les microtubules, ces structures denses n’apparaissent pas. Par contre,
si on dépolymérise les filaments d’actine, les agrésomes persistent. Les agrégats se déplacent le long
des microtubules grâce au moteur moléculaire appelé dynéine-dynactine. C’est un complexe protéique
qui relie les agrégats (ou les vésicules cargos) aux microtubules. Il existe au moins deux voies conduisant
à la formation d’un agrésome. La première dépend de la protéine HDAC6 (l’histone désacétylase 6) et
de la dynéine. La seconde dépend d’un complexe protéique constitué de Hsp70, BAG3, certaines
protéines de la famille 14-3-3 et de la dynéine. Cette seconde voie ne ferait pas la distinction entre les
protéines ubiquitinées et les protéines non ubiquitinées. Nous allons nous focaliser sur la voie-

47
dépendante de HDAC6 qui permet de rassembler les protéines ubiquitinées dispersées dans le
cytoplasme dans une inclusion périnucléaire.

f1. Implication de HDAC6 dans la formation de l’agrésome.

Normalement, les histones désacétylases agissent sur la chromatine et régulent la transcription


des gènes. HDAC6 a la particularité d’agir sur les microtubules et sur les microfilaments d’actine pour
faciliter le transport intracellulaire ou la fusion entre deux organites. Elle est capable de désacétyler l’a-
tubuline (et ainsi de perturber la fonction des microtubules) et la cortactine (et ainsi de favoriser
l’assemblage de la machinerie de polymérisation de l’actine).

La HDAC6 est une longue protéine de 1215 acides aminés qui comprend essentiellement deux
domaines catalytiques (cat 1 et 2) séparés par le domaine DMB ainsi qu’un domaine BUZ (un domaine
en doigt de zinc, capable de lier l’ubiquitine).

è HDAC6 reconnait les protéines ubiquitinées d’un côté et la dynéine de l’autre côté. De ce
fait, elle permet le transport de ces agrégats de protéines le long des microtubules.

Voici des expériences qui ont permis d’arriver à cette conclusion. Elles ont été réalisées sur des
cellules A549, une lignée cellulaire obtenue à partir d’un carcinome humain de poumon, transfectées
avec la construction GFP-CFTR∆F508.

Dans l’expérience d’IF (à gauche), on voit que dans les cellules A549 non traitées, le marquage
GFP en vert et le marquage HDAC6 (protéine endogène) en rouge sont assez diffus. On ne pourrait pas
leur attribuer une localisation plus précise et il y a peu de colocalisation entre les deux marquages.
Lorsqu’on bloque le protéasome avec du MG132, la distribution du GFP-CFTR ∆F508 change
progressivement : au fur et à mesure que le traitement avance, un amas de plus en plus compact se forme
près du noyau (en haut). On observe la même chose avec HDAC6 : au début, on a un marquage assez
diffus et au fil du temps, un agrégat apparaît près du noyau (en rouge, au milieu) et il vient colocaliser
parfaitement avec le CFTR muté (tête de flèche blanche, l’amas jaune dans « Merge »).

48
Pour voir s’il y a une interaction entre ces protéines, ils ont fait une Co-IP (à droite). Ils ont
transfecté des cellules avec un plasmide contenant l’ADNc de GFP-CFTR-DF508 et avec un autre
plasmide contenant l’ADNc de HDAC6 insérée en aval de la séquence de FLAG (un autre épitope
souvent utilisé en biologie cellulaire). Les cellules ont été incubées ou non en présence de MG132.
Ensuite, ils ont immunoprécipité FLAG-HDAC6 avec un anticorps anti-FLAG et réalisé un WB avec
un anticorps anti-GFP pour détecter le CFTR, avec un anticorps anti-ubiquitine pour savoir si les
protéines qui interagissent avec HDAC6 sont ubiquitinées ou pas et enfin avec un anticorps anti-FLAG
pour vérifier l’expression de HDAC6.

• Dans les cellules HEK293T transfectées avec GFP-CFTR-DF508 et avec FLAG-HDAC6


et non traitées avec MG132 (piste 1), on ne détecte pas le CFTR alors que HDAC6 est bien
exprimée à cela veut dire que lorsque le protéasome est actif, il n’y aurait pas d’interaction
entre HDAC6 et le CFTR. Par contre, quand les cellules sont traitées avec du MG132, on
voit une accumulation de bandes sur le 1er blot obtenu avec l’anticorps anti-GFP (piste 2)
en particulier dans le haut du blot. La forme monomérique du CFTR n'est pas visible. On
peut imaginer sa position sur le blot en observant le blot de droite réalisé sur un lysat
cellulaire total (WCL pour whole cell lysate). Les protéines de haut PM qui apparaissent
en haut du blot sont probablement des protéines CFTR poly-ubiquitinées puisqu’elles
apparaissent également sur le blot obtenu avec l’anticorps anti-ubiquitine. Ces formes poly-
ubiquitinées n’apparaissent que lorsque le protéasome est inhibé. L’astérisque sur la
gauche du blot anti-Ub attire notre attention sur le fait que HDAC6 interagit aussi avec
d’autres protéines ubiquitinées, non identifiées.

• Dans les cellules transfectées avec GFP-CFTR-DF508 et avec une forme non-fonctionnelle
de HDAC6 (une forme dans laquelle on a délété le domaine BUZ, la partie qui interagit
avec les protéines ubiquitinées), on n’observe pas de CFTR associé à HDAC6 (piste 3)
même si les cellules sont incubées en présence de MG132 (piste 4). On observe juste une
petite quantité de protéines ubiquitinées sur le blot anti-Ub. Sur le blot anti-FLAG, la bande
correspondant à HDAC6 a un PM apparent plus faible que dans les autres pistes suite à la
délétion du domaine BUZ.

• Dans les cellules transfectées avec GFP-250 à la place de GFP-CFTR-DF508 et avec


FLAG-HDAC6 entier, on n’observe pas de CFTR associé à HDAC6 (piste 6). C’est un
contrôle visant à montrer la spécificité des interactions entre le GFP-CFTR et HDAC6. En
même temps, la protéine GFP-250 est une protéine chimérique cytosolique qui a tendance
à s’agréger sans être ubiquitinée.

• Le blot de droite réalisé à partir du lysat cellulaire total (sans IP) permet de vérifier que les
protéines GFP-CFTR-∆F508 et GFP-250 sont correctement exprimées. Il permet aussi de
positionner la GFP-CFTR-∆F508 monomérique dans le blot réalisé pour la Co-IP.

è HDAC6 interagit avec le CFTR polyubiquitiné quand le protéasome est inhibé et


contribue à son agrégation.

49
f2. HDAC6 interagit avec la dynéine.

Pour découvrir que HDAC6 était capable d’interagir avec la dynéine, les chercheurs ont réalisé
des expériences de co-immunoprécipitation sur des cellules A549 incubées en présence ou en absence
de MG132. Ensuite, ils ont produit une série de constructions contenant des protéines mutées et ont
transfecté des cellules HEK293T pour tenter d’identifier le domaine de HDAC6 responsable de ces
interactions avec la dynéine.

D’abord, ils ont réalisé les expériences de co-immunoprécipitation sur des cellules A549 pour
savoir si HDAC6 interagissait avec la dynéine

• A gauche. Ils ont fait une IP avec un anticorps anti-dynéine suivie d’un WB avec un anticorps
anti-HDAC6 (en haut) ou avec un anticorps anti-dynéine (en bas). On constate qu’il y a une
interaction entre la dynéine et HDAC6 même en absence de MG132 mais cette interaction est
plus marquée lorsque le protéasome est inhibé. Les quantités de HDAC6 et de dynéine dans
l’input (dans le lysat cellulaire) sont les mêmes avec et sans MG132.

• A droite. Pour savoir s’il y avait des protéines ubiquitinées dans le complexe formé par
HDAC6 et la dynéine, ils ont fait une IP avec l’anticorps anti-dynéine puis un WB avec une
anticorps anti-Ubiquitine (en haut). Dans les cellules incubées en présence de MG132, il y a
bien des protéines polyubiquitinées dans l’immunoprécipité obtenu avec l’anticorps anti-
Dynéine. On voit en effet une traînée de bandes noires sur la piste correspondant aux cellules
traitées avec le MG132 (piste 2). Ces protéines polyubiquitinées n’apparaissent pas dans les
cellules où l’expression de HDAC6 était réprimée par siRNA (piste 4). La bande au niveau de
l’astérisque correspond à la chaîne lourde de l’anticorps utilisé pour l’IP.

En bas, le WB avec l’anticorps anti-HDAC6 confirme l’augmentation de l’interaction entre


HDAC6 et la dynéine dans le cellules incubées en présence de MG132 et montre aussi que la
déplétion de HDAC6 par interférence ARN a bien marché. Le WB avec l’anticorps anti-
dynéine montre qu’il y a la même quantité de dynéine dans toutes les conditions.

è HDAC6 interagit avec la dynéine surtout lorsque le protéasome est inhibé. Le complexe
HDAC6-dynéine renferme également des protéines ubiquitinées.

50
è Lorsque l’expression de l’HDAC6 est inhibée, la dynéine n’interagit pas avec des protéines
ubiquitinées.

Ensuite, pour déterminer quelle est la région de HDAC6 responsable de son interaction avec la
dynéine, ils ont préparé par biologie moléculaire, des constructions plus ou moins tronquées de
HDAC6 étiquetées avec la séquence FLAG (octapeptide). Ils ont transfecté des cellules HEK293T et
fait des co-immunoprécipitations : IP avec un anticorps anti-dynéine suivie d’un WB avec un anticorps
anti-FLAG.

1. Forme sauvage, entière


2. Forme avec le domaine BUZ délété
3. Forme avec les acides aminés de 1-840 (stop juste après le 2ème domaine catalytique).
4. Forme avec les acides aminés de 1-503 (stop juste après le 1er domaine catalytique)
5. Forme avec les acides aminés de 1-105 (uniquement la partie N-terminale sans les
domaines catalytiques)
6. Forme avec la partie N-terminale de 1 à 438 délétée (il reste le domaine DMB, le 2ème
domaine catalytique et le domaine BUZ)
7. Forme avec uniquement le domaine DMB (la région entre les 2 sites catalytiques)

Ils ont surexprimé ces différentes protéines étiquetées avec FLAG (constructions FLAG-
HDAC6). Sur le WB réalisé avec l’anticorps anti-FLAG (en bas), on voit bien la différence de mobilité
électrophorétique des différentes constructions en fonction de leur taille. Ensuite, ils ont fait une IP avec
l’anticorps anti-dynéine et puis un WB avec l’anticorps anti-FLAG pour voir quels domaines de HDAC6
étaient nécessaires aux interactions avec la dynéine (en haut).

è Toutes les constructions FLAG-HDAC6 interagissent avec la dynéine sauf la construction


1-105 qui ne contient que la partie N-terminale de HDAC6. La construction ne contenant que
le domaine DMB interagit aussi avec la dynéine.

Le petit blot au milieu montre que la quantité de dynéine dans les immunoprécipités est similaire
dans toutes les conditions.

è Le domaine DMB situé entre les deux domaines catalytiques est nécessaire et suffisant pour
l’interaction de HDAC6 avec la dynéine. DMB signifie d’ailleurs « Dynein Motor Binding ».

51
f3. Modèle de la formation d’un agrésome impliquant HDAC6.

Selon ces chercheurs, la majorité des protéines mal repliées et ubiquitinées seraient envoyées au
protéasome pour y être dégradées. Si l’activité du protéasome est inhibée ou débordée par la quantité de
protéines à dégrader, les protéines agrégées interagiraient avec HDAC6 grâce à son domaine BUZ (ou
Zn). HDAC6 recruterait la dynéine grâce à son domaine DMB. Ensuite, le complexe dynéine-dynactine
permettrait l’accrochage de l’agrégat protéique aux microtubules tandis que l’hydrolyse de l’ATP
favoriserait le déplacement de l’agrégat le long des microtubules en direction du MTOC. Grâce à ce
mécanisme, les protéines ubiquitinées dispersées dans le cytoplasme serait rassemblées vers le centre
d’organisation des microtubules, à proximité du noyau.

Par la suite, en étudiant la structure du domaine BUZ, on a découvert que HDAC6 ne pouvait pas
reconnaître les protéines polyubiquitinées, mais uniquement les molécules d’ubiquitine isolées ou les

52
petites chaînes d’ubiquitine non attachées à une protéine parce que le domaine BUZ ne peut interagit
qu’avec les deux résidus glycine en position C-terminale de l’ubiquitine. L’action de HDAC6 sur la
formation des agrésomes serait rendue possible grâce à une désubiquitinase (une DUB appelée Ataxine
3) qui est capable de libérer des molécules d’ubiquitine des protéines agrégées.

Il est fréquent de trouver des protéasomes dans les agrésomes. On ne comprenait pas pourquoi
jusqu’au jour où des chercheurs ont trouvé que RPN11, une désubiquitinase appartenant aux particules
régulatrices 19S du protéasome, produisait des chaines d’ubiquitine K63 non ancrées dans les agrégats.
Ces chaînes se fixeraient sur HDAC6 et stimuleraient son activité désacétylase vis-à-vis de la cortactine
(voir plus loin). Cela favoriserait la désagrégation et l’élimination des agrésomes.

è La formation d’un agrésome ne se produit pas uniquement chez les patients atteints de la
mucoviscidose, mais aussi chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer, de la maladie de
Parkinson et de la sclérose latérale amyotrophique (ALS ou maladie de Charcot) par exemple. Ces
maladies impliquent la formation d’un agrésome parce que le protéasome est complètement dépassé par
l’accumulation de protéines.

g. L’autophagie représente un autre système de contrôle qualité des protéines.

En plus de l’ERAD, il existe une autre voie de contrôle de qualité des protéines au niveau du RE.
C’est la macroautophagie. C’est une voie de dégradation associée aux lysosomes et qui implique la
formation d’un compartiment à double membrane, l’autophagosome qui vient fusionner avec le
lysosome contenant une batterie d’hydrolases acides. La dégradation du matériel piégé dans
l’autophagosome se fait dans le compartiment hybride, l’autophagolysosome.

g1. Machinerie de la macroautophagie.

Il y a différentes étapes dans la formation d’un autophagolysosome (ou autolysosome). Pour


commencer, il y a une étape d’initiation, ensuite la formation d’une membrane d’isolement (ou
phagophore) qui entoure les éléments du cytoplasme. Cette membrane qui est toute petite et plate au
début va s’allonger et se courber progressivement pour finalement entourer complètement le matériel à
dégrader : il s’agit de la phase d’expansion du phagophore. Ensuite l’autophagosome va fusionner
avec le lysosome pour donner un autophagolysosome. Pour finir, la dernière étape est la dégradation
par des hydrolases lysosomales du matériel séquestré.

Plusieurs complexes sont impliqués dans les différentes étapes de la macroautophagie. Ils
renferment tous des protéines Atg encodées par les gènes Atg (Autophagy-related genes), découverts
chez la levure dans les années 1990. Par la suite, de nombreux orthologues ont rapidement été découverts
dans les cellules de mammifères.

53
Au cours de l’étape d’initiation, le complexe d’initiation ULK1 est recruté dans des sous-
domaines du RE. Il s’agit d’une sérine/thréonine kinase qui interagit avec Atg13 et Atg101 sur une
protéine échafaudage, FIP200 (non montrée ici). ULK1 régule l’autophagie en phosphorylant de
nombreuses protéines, dont lui-même et différentes protéines du complexe de nucléation (dont bécline
1, Vps34 et Atg14). A ce stade, dans les cellules nourries, la macroautophagie est inhibée par mTOR,
une Ser/Thr kinase qui inhibe l’autophagie en phosphorylant ULK1 et Atg13. Par contre, elle est activée
par l’AMPK, qui en réponse à une faible concentration en glucose, inactive mTOR et phosphoryle ULK1
ainsi qu’Atg13 pour promouvoir la biogenèse de l’autophagosome.

Le complexe de nucléation PI3K III est constitué de Vps15, Vps34, Bécline 1, Atg14 et
Ambra1. Il est également activé au début de la macroautophagie. C’est Vps34 qui possède l’activité
PI3 kinase. Bécline 1 stabilise le complexe et sert de centre de régulation de l’activité PI3 kinase. Le
rôle de ce complexe est donc de produire du phosphatidylinositol 3-phosphate qui permettra le
recrutement de quatre protéines WIPI et de DFCP1. Les protéines WIPI interagissent avec Atg2,
servent de point d’ancrage de la membrane d’isolement au RE et contribuent au transfert des lipides.
DFCP1 est localisée sur l’omegasome, le site de départ de la formation des autophagosomes mais il ne
serait pas indispensable à la biogenèse des autophagosomes. Au stade de nucléation de la membrane
d’isolement, il faut également des vésicules contenant la protéine transmembranaire Atg9. Elles forment
un embryon de membrane et conduisent l’expansion de la membrane d’isolement. L’expansion du
phagophore nécessite l’apport de phospholipides provenant de différents compartiments membranaires
de la cellule : le RE, l’appareil de Golgi, les endosomes, les mitochondries, la membrane plasmique, etc.

Une fois que les protéines WIPI et DFCP1 sont fixées sur la membrane, deux systèmes de
conjugaison de type ubiquitination doivent intervenir pour les phases de formation et d’expansion du
phagophore. Le complexe Atg5-Atg12 dont la formation nécessite les protéines Atg7 et Atg10 est
recruté sur le phagophore grâce à des interactions avec Atg16L1. Atg12 correspond à une protéine
apparentée à l’ubiquitine, Atg7 à une enzyme E1, Atg10 à une enzyme E2 et Atg16L1 à une enzyme
E3. Ce complexe est recruté sur le site de formation de l’autophagosome grâce à des interactions entre
Atg6L et des protéines WIPI2. Le deuxième système est constitué de LC3, une protéine associée aux
microtubules, qui est également engagée dans une réaction de conjugaison. LC3 va d’abord perdre une
glycine en position C-terminale grâce à l’action de la protéase Atg4 et se voir ajouter une
54
phosphatidyléthanolamine PE à la place. La conjugaison de LC3 avec la PE nécessite deux autres
protéines, Atg7 (E1) et Atg3 (E2) et est stimulée par le complexe Atg5-Atg12-Atg16L1. La protéine
LC3 qui était soluble devient attachée à la membrane puisque le PE va venir s’ancrer dans la membrane
du phagophore. Au moment de la découverte de ces protéines Atg, on pensait que LC3 avait un rôle
important non seulement pour l’expansion de la membrane du phagophore mais également pour la
fermeture du pore et la fusion des autophagosomes avec les lysosomes. Des études plus récentes ont
remis ce dogme en question. En réalité, certaines protéines GABARAP (GABA receptor-associated
proteins), appartenant à la famille des protéines Atg8 comme le LC3, seraient plus efficaces. Des
expériences ont également montré qu’il était possible de former des autophagosomes même sans
protéines Atg8 mais ils sont plus petits. De plus, on a montré que la fermeture du pore nécessitait la
machinerie ESCRT et la syntaxine 17.

Toutefois, LC3 est souvent utilisé comme marqueur de la macroautophagie car il est localisé
sur la membrane d’isolement dès le départ et reste associé à l’autophagosome jusqu’à sa dégradation
dans l’autophagolysosome. En plus, il constitue un bon outil pour étudier la macroautophagie parce qu’il
présente un poids moléculaire et un marquage en microscopie fluorescente différents avant et après son
ancrage à la membrane.

Une augmentation de LC3 conjugué au PE traduit une accumulation d’autophagosomes. Celle-ci


peut s’expliquer soit par une stimulation de l’initiation de l’autophagie soit par un problème de fusion
des autophagosomes avec les lysosomes (ou de dégradation du matériel dans les autophagolysosomes).
A l’inverse, une diminution de l’abondance de LC3-PE peut résulter d’une inhibition de la formation
des autophagosomes ou à une accélération du flux autophagique avec stimulation de la fusion des
autophagosomes avec les lysosomes.

g2. Outils utilisés pour étudier la macroautophagie.

Il est possible de moduler l’autophagie de différentes façons :

- Comme activateurs de l’autophagie, on peut utiliser des molécules qui stimulent l’AMPK
(metformine, tréhalose). Cependant, le plus souvent, on utilise de la torine et de la rapamycine
qui sont des inhibiteurs de mTOR. On peut également mettre les cellules à jeun pendant une
période d’environ 2h, ce qui permet de stimuler l’autophagie.

55
- Comme inhibiteurs de l’autophagie, on peut utiliser de la 3-méthyladénine qui inhibe la PI3
kinase de classe III, Vps34. Elle bloque l’autophagie à un stade précoce, avant même la
formation de l’autophagosome. On peut aussi utiliser de la bafilomycine et de la chloroquine
qui augmentent le pH des lysosomes, inhibent l’action des hydrolases lysosomales et bloquent
la fusion entre l’autophagosome et le lysosome. On bloque donc l’autophagie à un stade plus
tardif. On peut aussi utiliser des siRNA ou des shRNA dirigés contre des protéines comme Atg5
ou Atg7, ou des cellules issues de souris KO.

g3. p62 et NBR1 : des récepteurs de l’autophagie sélective.

Pendant longtemps, on a considéré que la macroautophagie était un phénomène non sélectif qui se
déroulait de façon constitutive et qui permettait la dégradation de macromolécules cytosoliques et des
organites devenus inutiles de façon à « évacuer » les déchets potentiellement toxiques et à recycler les
macromolécules. Depuis plusieurs années, on s’est rendu compte qu’il existait plusieurs récepteurs
d’autophagie qui permettent de dégrader sélectivement tel ou tel organite. Il existe des récepteurs qui
permettent de dégrader des mitochondries, du RE, des peroxysomes, des lysosomes altérés, des
ribosomes et des agrégats qui sont devenus non-fonctionnels et potentiellement toxiques et même des
pathogènes.

Les deux récepteurs impliqués dans l’agréphagie, l’autophagie sélective des agrégats sont p62
(également appelée Séquestosome ou SQSTM) et NBR1.

56
p62 et NBR1 referment de nombreux domaines (qui ne sont pas tous représentés ici). Le domaine
UBA en position C-terminale est un domaine qui permet de reconnaître les molécules d’ubiquitine. Le
domaine LIR (LC3 interacting region) est comme son nom l’indique un domaine d’interaction avec
LC3. Grâce à ce domaine LIR, les protéines p62 et NBR1 peuvent interagir avec LC3 associé à la
membrane du phagophore. Le domaine ZZ sert à lier les protéines avec des chaînes d’ubiquitine liées
sur les K48 et K63. Le domaine PB1 de p62 lui permet d’interagir avec NBR1 mais aussi à
s’oligomériser. En effet, p62 est capable de former de longs oligomères hélicoïdaux qui prennent
l’apparence de filaments. L’oligomérisation de p62 augmenterait son avidité pour les protéines
ubiquitinées et pour LC3, provoquerait la courbure des membranes autour de l’agrégat et favoriserait la
condensation des protéines avant leur dégradation.

Autrement dit, grâce à ces récepteurs, les agrégats protéiques ubiquitinés vont être ciblés vers le
phagophore avant qu’il ne se referme pour former un autophagosome. Quand l’autophagosome fusionne
avec le lysosome, p62 est dégradé à l’intérieur du compartiment hybride. Par conséquent, on utilise
souvent p62 comme un outil pour savoir si l’autophagie est fonctionnelle ou pas. Si le flux
autophagique se déroule normalement, on aura une dégradation de p62. Si, en revanche, l’autophagie
ne se passe pas correctement (parce que les autophagosomes ne fusionnent pas avec les lysosomes ou
parce que les hydrolases lysosomales sont inactives), on aura une accumulation de p62.

Nous avons vu que HDAC6 était indispensable à la formation des agrésomes. Il intervient
également dans la fusion de l’autophagosome avec le lysosome en désacétylant la cortactine. Cette
réaction stimule le recrutement de la machinerie de polymérisation de l’actine et favorise ainsi la
formation d’un réseau de filaments d’actine. Ces derniers vont permettre la dislocation des agrégats
protéiques ainsi que le rapprochement et la fusion entre les deux compartiments.

57
h. Inhibition de la macroautophagie dans la mucoviscidose.

En 2010, une équipe italienne a montré que dans des cellules des voies aériennes de patients atteints
de la mucoviscidose, il y avait une inhibition de la macroautophagie. Cela peut expliquer pourquoi des
agrégats protéiques peuvent se maintenir dans les cellules épithéliales des patients.

h1. Diminution de la formation des autophagosomes.

Ils ont abordé la question en utilisant LC3 qui représente un outil intéressant pour savoir s’il y a
une activation ou pas de la macroautophagie. En effet, LC3 se comporte très différemment selon qu’il
est soluble ou associé à la membrane. S’il est soluble, on voit en immunofluorescence un marquage
diffus dans toute la cellule. Si, au contraire, il y a une activation de l’autophagie, on peut remarquer des
gros points dispersés dans le cytoplasme qui traduisent l’association de LC3 avec la membrane de
l’autophagosome. De plus, les deux protéines (membranaire et soluble) ont un PM différent en Western
blot. Une augmentation de l’abondance de la forme membranaire traduit une accumulation des
autophagosomes.

Dans cet article, les chercheurs ont utilisé des cellules des voies respiratoires aériennes des patients.
Les cellules IB3-1 présentent le phénotype CF (elles portent les mutations F508del et W1282X) et les
cellules C38 présentent le phénotype corrigé (ils ont réexprimé le CFTR normal dans des cellules IB3-
1). Les cellules C38 servent donc de référence.

Quand les cellules ne sont pas à jeun (à gauche), les rares points verts que l’on peut voir sur les images
de microscopie à fluorescence représentent GFP-LC3-II, la forme membranaire de LC3. Ils ont
transfecté les cellules avec GFP-LC3 car souvent le niveau d’expression endogène de LC3 est trop
faible. Notez que la GFP est ajoutée du côté N-terminale de LC3 sinon, la protéine ne pourrait pas être
conjuguée au PE ni s’associer à la membrane du phagophore parce que la glycine en position C-
terminale doit être enlevée par Atg4 pour pouvoir ajouter la PE sur la protéine. Apparemment, le nombre
de points verts est similaire dans les deux types de cellules. Toutefois, lorsqu’ils analysent plus de
cellules, ils constatent une diminution significative du % de cellules qui présentent plus de cinq points
correspondant à GFP-LC3 avec les cellules IB3-1 qui ont le phénotype CF qu’avec les cellules C38 qui
ont un phénotype corrigé.

Quand ils mettent les cellules à jeun (sans sérum) de façon à activer la macroautophagie, ils
observent une nette augmentation du nombre de points fluorescents et du % de cellules avec plus de 5
points (quantification) avec les cellules C38 contrôles mais pas avec les cellules IB3-1 avec le phénotype
CF.

58
En Western Blot, LC3-I, la forme soluble de LC3, a une mobilité électrophorétique plus faible
(donc un PM apparent plus élevé) que LC3-II, la forme membranaire. C’est troublant car souvent quand
il y a une modification post-traductionnelle d’une protéine qui s’accompagne de l’ajout d’un résidu
(sucre, phosphate ou acétate), le poids moléculaire augmente et cela freine la migration sur le gel. Dans
le cas de LC3-II, on ajoute un phosphatidyléthanolamine et curieusement cela accélère la migration sur
le gel. Ce serait dû à l’augmentation de l’hydrophobicité de la protéine. Donc, LC3-I (soluble) se trouve
au-dessus de LC3-II (membranaire) autour de 17-20 kDa.

Dans les cellules C38 qui expriment le CFTR sauvage, on voit que LC3 est présent sous les deux
formes (à gauche). La présence de la forme LC3-II dans ces cellules même sans période de jeûne,
indique qu’il y de l’autophagie à l’état basal. Cela varie d’un type cellulaire à l’autre. Dans les cellules
IB3-1 qui présentent le phénotype de la mucoviscidose, on a toujours la forme LC3-I mais la forme
LC3-II n’est présente que sous forme de trace. Apparemment, la protéine est bien synthétisée mais elle
n’est pas recrutée à la membrane du phagophore; il n’y a pas d’addition du PE. Il faut noter que l’on ne
peut pas directement comparer la quantité de LC3-II et celle de LC3-I parce que certains anticorps
reconnaissent mieux LC3-I que LC3-II. Il est recommandé de rapporter la quantité de LC3-II à la
quantité d’actine ou de tubuline dans le lysat cellulaire pour normaliser les résultats.

è Dans les cellules provenant de patients atteints de la mucoviscidose, il y a une diminution de


LC3-II en Western blot, donc moins d’autophagosomes. Cette diminution peut s’expliquer de deux
manières différentes :

- Soit la formation des autophagosomes est inhibée ;


- Soit des autophagosomes se forment mais ils fusionnent rapidement avec les lysosomes et LC3-
II est rapidement dégradé dans les autophagolysosomes.

Pour faire la distinction entre ces deux hypothèses, les chercheurs ont utilisé des inhibiteurs de
protéases lysosomales (E64d et pepstatine A) pour empêcher la dégradation de LC3 (au centre). E64d
est un inhibiteur des cystéines protéases tandis que la pepstatine A est un inhibiteur des aspartates
protéases. Tous deux sont capables de traverser les membranes.

Si cette diminution de LC3-I est due à une diminution de la formation des autophagosomes, la
présence des inhibiteurs de protéases n’aura aucun effet sur l’abondance de LC3-II. Si, au contraire, la
diminution de l’abondance de LC3-I dans les cellules IB3-1 est due à une accélération de la fusion des
autophagosomes avec les lysosomes et donc du flux autophagique, la présence d’un inhibiteur de
l’activité lysosomale doit provoquer une accumulation de LC3-II. C’est cette première situation qu’on
rencontre avec les cellules IB3-1 incubées en présence de E64d et de la pepstatine A.

è Dans les cellules provenant de patients atteints de la mucoviscidose, il y a une diminution de la


formation des autophagosomes.

59
Il faut noter que très souvent on utilise de la bafilomycine au lieu des inhibiteurs de protéases
lysosomales pour distinguer les deux possibilités (formation des autophagosomes et flux autophagique).
La bafilomycine perturbe le flux autophagique en inhibant la pompe V-H+-ATPase (autrement dit, en
augmentant le pH intraluminal) mais également en empêchant la fusion entre les autophagosomes et les
lysosomes.

Sur des biopsies de patients atteints de la mucoviscidose, ils constatent aussi une diminution de
l’abondance de LC3-II par rapport aux biopsies d’individus contrôles (à droite). De plus, ils observent
une accumulation de p62, ce qui confirme que la macroautophagie est inhibée. p62 s’accumule
probablement dans les agrégats protéiques qui ne sont pas dégradés par macroautophagie.

è La macroautophagie est inhibée chez les patients atteints de la mucoviscidose parce


que les autophagosomes ne se forment pas normalement. Il faut maintenant comprendre
pourquoi.

h2. Séquestration du complexe PI3K III dans des agrésomes.

Ces chercheurs ont montré que la macroautophagie est inhibée dans les patients CF parce que le
complexe PI3K de classe III, dont bécline 1 et VPS34, est séquestré dans les agrésomes. Je rappelle que
VPS34 est la PI3 kinase du complexe tandis que bécline 1 est une protéine régulatrice. Son activité varie
en fonction des modifications post-traductionnelles qu’elle subit, dont la phosphorylation.

Ils ont d’abord analysé, en immunofluorescence, la localisation de la protéine hVps34 (en rouge)
et de la calnexine ou de bécline 1 (en vert) dans des cellules C38 et IB3-1, mises à jeun pour stimuler la
macroautophagie. Il faut se rappeler que la calnexine est une protéine chaperone transmembranaire
résidant dans le RE.

60
Dans les cellules contrôles C38, il y a une colocalisation parfaite entre hVps34 et bécline 1 (à
gauche). Le marquage est périnucléaire et sur une distance relativement importante. On voit également
que hVps34 se trouve près de la calnexine et autour du noyau (au centre). S’il y a une colocalisation
entre hVps34 et la calnexine, cela veut dire que hVps34 se trouve dans le RE.

Dans les cellules de patients IB3-1, le marquage de hVps34 est assez différent de ce que l’on trouve
dans les cellules contrôles C38. Le marquage fluorescent est beaucoup plus concentré. Il y a toujours
une colocalisation entre hVps34 et bécline 1. Donc, elles restent probablement dans un complexe mais
ce complexe n’est plus associé au RE puisqu’il n’y a pratiquement plus de colocalisation entre hVps34
et la calnexine. hVps34 se présente sous forme d’un agrégat près du noyau alors que la calnexine est
distribuée tout autour du noyau.

Ils ont aussi comparé la localisation de bécline 1 (en vert) et de hVps34 (en vert) par rapport à celle
de HDAC6 (en rouge) dans les cellules IB3-1 à jeun (à droite). Quand on superpose les images, on voit
clairement que bécline 1 et hVps34 colocalisent avec une partie importante de HDAC6, une protéine-
clé dans la formation des agrésomes. Ce résultat suggère que dans les cellules CF, le complexe bécline
1-hVps34 se trouve dans les agrésomes.

Par rapport aux cellules C38, on observe aussi dans les cellules IB3-1, une augmentation de
l’abondance de Bécline 1 dans la fraction protéique insoluble dans le Triton X-100.

è hVps34, bécline 1 et les autres protéines qui constituent le complexe PI3K de classe III sont
localisées au niveau du RE dans les cellules contrôles qui expriment le CFTR. En revanche, elles sont
localisées dans des agrésomes dans les cellules de patients atteints de la mucoviscidose puisqu’elles
colocalisent avec HDAC6.

61
h3. Activation de la macroautophagie après surexpression de Bécline 1.

Est-il possible de réactiver la macroautophagie en surexprimant Bécline 1 ? Pour répondre à cette


question biologique, les chercheurs ont transfecté des cellules IB3-1 avec la bécline 1 couplée à un tag
HA (hémagglutinine) de façon à pouvoir faire la distinction entre la protéine endogène et la protéine
exprimée de façon ectopique. Puis, ils ont réalisé des WB avec des anticorps anti-HA, anti-LC3, anti-
actine (pour contrôler la quantité de protéines chargées sur le gel) et anti-p62. Ils ont également réalisé
des expériences d’immunofluorescence.

En WB, dans les cellules IB3-1 qui surexpriment HA-bécline 1, il y a une augmentation de
l’abondance de LC3-II par rapport aux cellules IB3-1 transfectées avec un vecteur vide. En revanche, il
y a une diminution de l’abondance de p62. Cela indique qu’il y a une activation de la macroautophagie.
Des résultats similaires ont été obtenus in vivo dans un modèle de souris CF (résultat non montré).
Autrement dit, la surexpression de bécline 1 dans les cellules CF stimule non seulement la formation
des autophagosomes mais aussi le flux autophagique (qui implique la fusion des autophagosomes avec
les lysosomes et la dégradation du contenu des autophagosomes par les hydrolases lysosomales dans les
autophagolysosomes).

En IF, on retrouve une colocalisation (partielle) entre HA-bécline 1 et la calnexine (au-dessus) et


entre hVps34 et la calnexine (en-dessous) dans les cellules IB3-1 à jeun. Ceci suggère que le complexe
PI3K de classe III a retrouvé sa localisation normale, au niveau du RE.

è Ces expériences montrent que chez les patients atteints de la mucoviscidose, la


macroautophagie est inhibée parce que le complexe de nucléation PI3K de classe III (composé entre
autres de bécline 1 et de hVps34) est séquestré dans les agrésomes. Cependant, si on surexprime bécline
1, la macroautophagie est restaurée et le complexe PI3K de classe III se retrouve à nouveau associé au
RE.

h4. TG2 est responsable de la séquestration de Bécline 1 dans les agrésomes.

Des études précédentes avaient montré qu’il y avait une activité élevée de la transglutaminase 2
tissulaire (TG2) dans les échantillons de patients atteints de la mucoviscidose. TG2 est une protéine G
qui peut également avoir une activité de transglutamination. Elle peut en effet crosslinker des protéines
entre un groupement e-aminé d’une lysine et un groupement g-carboxamide d’une glutamine, créant des

62
liens inter- ou intramoléculaires résistants. Comme en plus, la séquence de bécline 1 présente des motifs
QP et QxxP, qui sont des sites cibles de l’activité de la TG2, les chercheurs italiens ont essayé de faire
le lien entre l’augmentation de l’abondance de TG2 dans les tissus de patients atteints de la
mucoviscidose et la séquestration de bécline 1 dans les agrésomes. Ils ont ainsi constaté que in vitro
TG2 pouvait ajouter un peptide à bécline 1 (résultat non montré). Ensuite, ils ont inhibé l’expression
de TG2 dans des cellules IB3-1 grâce à des siRNA et ils ont notamment regardé la localisation de
HDAC6 et de bécline 1 par rapport à des cellules contrôles. Ils ont bloqué l’activité du protéasome avec
du MG132 pour favoriser la formation de l’agrésome.

Dans les cellules traitées avec des siRNA contrôles, on voit HDAC6 (en rouge) autour du noyau
et il colocalise presque parfaitement avec bécline 1 (en vert), ce qui confirme que bécline 1 est séquestrée
dans les agrésomes dans les cellules IB3-1 (à gauche). Dans les cellules où ils ont diminué l’expression
de TG2, il n’y a plus de marquage de HDAC6 et le marquage de bécline 1 est plus épars. L’expression
de la TG2 semble donc importante pour la formation des agrésomes.

Lorsque l’on compare l’abondance des protéines appartenant au complexe de nucléation PI3K de
classe III dans une fraction soluble obtenue à partir d’un homogénat de cellules à jeun, on voit une
diminution de ces protéines dans les cellules des patients IB3-1 par rapport aux cellules C38 qui
expriment le CFTR WT (au milieu). Si l’on diminue l’expression de TG2 avec des siRNA, on restaure
l’abondance de toutes ces protéines Ambra 1, hVps15, hVps34, Atg14L et bécline 1 dans la fraction
soluble (à droite).

è TG2 serait impliquée dans la formation des agrésomes et contribuerait à la séquestration de


Bécline 1 dans les agrésomes.

63
Une autre façon de voir l’importance de TG2 dans l’inhibition de la macroautophagie dans les
cellules de patients CF est d’utiliser un inhibiteur de transglutaminase 2 qui est de la cystamine (une
cystine décarboxylée obtenue par chauffage, la cystine étant formée de deux cystéines liées entre elles
par un pont disulfure).

Quand on regarde en microscopie électronique à transmission les cellules IB3-1 traitées avec des
siRNA contrôles, on voit des mitochondries et un peu de matériel dense aux électrons. Par contre, dans
les cellules IB3-1 traitées avec de la cystamine, on peut voir une accumulation de structures très
hétérogènes très denses aux électrons (flèche blanche). Cela traduit l’apparition d’autophagosomes ou
d’autophagolysosomes dans le cytoplasme des cellules.

Si l’on examine l’abondance de p62 dans les cellules IB3-1 traitées et non traitées, on observe une
diminution après le traitement avec la cystamine. Cela montre que l’inhibition de la TG2 permet de
restaurer la macroautophagie.

Le WB du bas montre que le traitement à la cystamine permet également de rétablir l’abondance


de bécline 1 de la faction soluble aux dépens de la fraction insoluble.

è En inhibant la transglutaminase 2, on pourrait libérer bécline 1 (et le complexe PI3K III) des
agrésomes et ainsi favoriser la formation d’autophagosomes.

h5. Utilisation de la cystamine dans l’agrégation du CFTR.

Sur base de ces résultats, les auteurs se sont demandé si un traitement avec de la cystamine ne
permettrait pas de réduire l’accumulation d’agrégats de CFTR dans les cellules épithéliales des patients
atteints de la mucoviscidose.

D’abord, pour déterminer si le CFTR est dégradé par macroautophagie, ils ont étudié la
colocalisation entre le CFTR et LAMP-1 (lysosomal associated membrane protein) qui est une protéine
membranaire lysosomale très abondante et avec p62. Si le CFTR est dégradé par macroautophagie, il
doit se retrouver à un moment donné dans des autophagolysosomes, un compartiment intracellulaire
LAMP-1 positif.

64
Quand les cellules IB3-1 sont à jeun, il n’y a pas de colocalisation entre le CFTR et LAMP-1 (en
haut, à gauche). Le marquage CFTR se présente sous forme d’un amas vert au centre alors que le
marquage LAMP-1 se trouve en périphérie (figure Merge). Le CFTR n’est donc pas dégradé par un
mécanisme dépendant des lysosomes.
Si l’on ajoute de la cystamine dans le milieu de culture, le marquage CFTR se retrouve dispersé
dans tout le cytoplasme et des points jaunes apparaissent quand on superpose les images obtenues avec
les anticorps anti-LAMP-1 et anti-CFTR. Cela suggère qu’une partie du CFTR se retrouve associée aux
lysosomes, probablement par incorporation des agrésomes dans des autophagosomes puis fusion des
autophagosomes avec des lysosomes.
Pour tester cette hypothèse, ils ont fait différentes expériences contrôles. D’abord, ils ont appliqué
le même traitement avec la cystamine mais cette fois en présence de la 3-méthyladénine pour empêcher
la formation du phagophore (3-MA est un inhibiteur de la hVPS34). On retrouve à nouveau le CFTR
dans un agrégat près du noyau. La forme dispersée que l’on avait vue avec la cystamine seule a disparu
et il n’y a plus de colocalisation entre CFTR et LAMP-1. L’action de la cystamine dépend donc de la
macroautophagie.

Ensuite, ils ont fait la même expérience mais en réprimant l’expression de bécline 1 avec des
siRNA (à droite). Dans les cellules uniquement traitées avec des siRNA contrôles, il y a une
colocalisation parfaite entre le CFTR et p62. Ce résultat est compatible avec le fait que le CFTR se
trouve dans des agrésomes. Dans les cellules traitées avec la cystamine et avec des siRNA contrôles, la
distribution du CFTR est plus étendue dans le cytoplasme. Le marquage de p62 a disparu probablement
parce que le flux autophagique a été stimulé par la cystamine. Par contre, dans les cellules traitées avec
la cystamine et incubées avec les siRNA dirigés contre bécline 1, le marquage de p62 réapparaît et il se
superpose au marquage du CFTR à nouveau plus compact.

è La disparition des agrésomes induite par le traitement à la cystamine nécessite l’expression


de bécline 1, une protéine indispensable à la voie autophagique.

Ces résultats supportent l’hypothèse selon laquelle la cystamine permet la dégradation des
agrégats protéiques en réactivant la macroautophagie.

65
h6. Utilisation de la cystamine dans le traitement de la mucoviscidose ?

Est-ce que le traitement à la cystamine permettrait à la cellule de restaurer le transport du CFTR


muté du RE à la membrane plasmique en passant par l’appareil de Golgi ? Pour le savoir, les auteurs
ont transfecté des cellules IB3-1 avec un CFTR ∆F508 couplé à la GFP et les ont traitées ou non avec
de la cystamine ou avec des siRNA dirigés contre p62.

En WB, dans les cellules IB3-1 transfectées avec un vecteur vide, on ne voit ni de CFTR mature,
ni de CFTR immature. Dans les cellules transfectées avec des siRNA contrôles, une fine bande B
apparaît. De façon intéressante, dans les cellules incubées avec la cystamine, on voit clairement les deux
bandes de CFTR : non seulement il y a la forme immature (bande B), mais il y a également la forme
mature (bande C). Ils obtiennent la même chose avec des cellules IB3-1 incubées avec des siRNA dirigés
contre p62. Si la bande mature apparaît dans ces conditions, c’est que le CFTR est arrivé dans l’appareil
de Golgi et a peut-être atteint la membrane plasmique.

è Si on traite les cellules avec de la cystamine pour bloquer la TG2 ou si on inhibe l’agréphagie
avec des siRNA contre p62, on peut restaurer la maturation du CFTR.

Pour savoir si le CFTR mature arrive à la surface cellulaire ou s’il reste bloqué entre l’appareil de
Golgi et la membrane plasmique, les chercheurs ont réalisé une expérience de microscopie à
fluorescence sur des cellules non perméabilisées (ci-dessous, à gauche) et une expérience de marquage
de surface avec de la biotine (à droite).

En microscopie, ils ont constaté que l’expression de surface du GFP-CFTR ∆F508 était plus
importante dans les cellules traitées avec la cystamine que dans les cellules non traitées. La fluorescence
(obtenue avec un anticorps anti-GFP) est répartie dans la cellule jusque sur les contours cellulaires et ne

66
forme pas un amas intracellulaire comme en absence de cystamine (photos choisies parmi une série de
photos prises dans le plan Z).

Une autre façon de voir l’expression de surface d’une protéine consiste à faire un marquage de
surface avec de la biotine. Cela consiste à incuber les cellules avec un réactif de biotinylation, par
exemple le Sulfo-NHS-SS-Biotin. Les groupements esters de NHS (N-hydroxysulfosuccinimide) vont
former des liaisons amides avec les amines primaires des protéines (situées sur les chaînes latérales des
lysines ou sur les acides aminés en position N-terminale) à pH 8.

On ajoute le réactif de biotinylation dans le milieu de culture et on incube les cellules sur de la
glace pour empêcher l’endocytose de la molécule. Le groupement sulfonate chargé négativement
empêche le passage de la molécule à travers la membrane plasmique. De la sorte, seules les protéines
de surface seront marquées à la biotine. Après, on ajoute de la glycine pour quencher la biotine non liée
et on lyse les cellules avec un tampon contenant un détergent. Ensuite, on ajoute des billes de
streptavidine-agarose sur le lysat. La streptavidine est une forme modifiée de l’avidine qui est produite
dans Streptomyces. Les deux sont capables de fixer 4 molécules de biotine à la fois, avec une forte
affinité. La streptavidine est déglycosylée, ce qui réduit le nombre de liaisons non spécifiques par rapport
à l’avidine. Les protéines biotinylées associées aux billes de streptavidine-agarose sont concentrées par
centrifugation alors que les protéines non biotinylées restent dans le surnageant. Enfin, les protéines
biotinylées sont éluées en ajoutant du tampon de charge contenant du SDS et du DTT (surtout si on a
choisi un réactif de biotinylation avec une liaison S-S comme sur la figure). Après l’élution, on fait une
électrophorèse suivie d’un Western-blot pour détecter la protéine d’intérêt.

En appliquant cette technique aux cellules épithéliales des voies respiratoires, les chercheurs ont
pu analyser l’expression de surface du GFP-CFTR ∆F508 après traitement à la cystamine. Ici, ils n’ont

67
pas lysé les cellules après biotinylation, ils ont préparé une fraction enrichie en membrane plasmique
après homogénéisation des cellules et plusieurs étapes de centrifugation. Ensuite, ils ont suivi le même
protocole avec une précipitation des protéines biotinylées avec la streptavidine suivie d’un WB avec un
anticorps anti-GFP. Sur le blot, on ne détecte pas de bande C dans les cellules transfectées avec la GFP-
CFTR ∆F508 et incubées sans cystamine. Par contre, lorsque la cystamine est présente dans le milieu
de culture, une bande avec un PM proche de 250 kDa apparaît. Cela correspond au PM de la bande C
du CFTR. Or, il s’agit du CFTR ∆F508. C’est la première fois que l’on voit le CFTR muté arriver à la
membrane plasmique.

Le WB avec l’anticorps anti-E-cadhérine permet de vérifier que la quantité de protéines biotinylées


de surface est la même dans toutes les conditions. Le WB anti-actine permet de vérifier que la biotine
n’est pas rentrée dans les cellules et que les protéines cytosoliques ne sont pas biotinylées. Ce sont des
contrôles indispensables pour valider les résultats.

è Cela montre qu’il est possible d’amener à la surface cellulaire une protéine CFTR qui
normalement est bloquée dans le RE en traitant les cellules des patients avec de la cystamine. Ils ont
également vérifié que le CFTR qui arrivait à la membrane plasmique est bien fonctionnelle (résultats
non montrés).

h7. Modèle proposé sur base des résultats.

Sur base de l’ensemble de leurs résultats, les chercheurs italiens ont proposé le modèle suivant.

Dans les biopsies de patients atteints de la mucoviscidose, il y a une augmentation de la production


de dérivés réactifs de l’oxygène (ROS) qui entraîne une activation de la transglutaminase 2 (TG2) par
SUMOylation. C’est une modification post-traductionnelle qui ressemble à l’ubiquitination et qui
modifie aussi le sort de la protéine cible. Elle implique l’addition de SUMOs (small ubiquitin-like
modifiers). La TG2 activée va provoquer par ricochet le crosslinking et l’ubiquitination d’un facteur de
transcription PPARγ et de Ik-Bα (un inhibiteur de NFkB). Ces deux protéines, une fois ubiquitinées,
vont être envoyées vers le protéasome pour être détruites ou vers l’agrégat protéique si le protéasome

68
est inactivé. Elles ne sont donc plus fonctionnelles et cela entraîne une réaction inflammatoire dans les
poumons. La TG2 peut aussi provoquer le crosslinking de bécline 1 et la translocation du complexe
PI3K de classe III vers l’agrésome avec pour conséquence l’inhibition de la macroautophagie.

Dans les biopsies de patients traités avec de la cystamine, on inhibe l’activité de la TG2 qui est
ubiquitinée et dégradée dans le protéasome. PPARγ est alors sumoylé et peut aller dans le noyau où il
peut agir sur la transcription des gènes. Ik-Bα n’étant pas dégradé, il peut interagir avec NFkB et
l’empêcher de migrer dans le noyau. Cela bloque la réaction inflammatoire. De plus, le complexe PI3K
de classe III peut à nouveau s’associer au RE et l’autophagie peut donc se dérouler normalement. Les
agrésomes seront alors éliminés par agréphagie. Enfin, ils constatent que le traitement avec la cystamine
permet de rétablir l’expression de surface d’une forme mature du CFTR ∆F508 mais ils ne savent pas
par quel mécanisme. Ils savent simplement qu’elle passe par l’appareil de Golgi. C’est donc une piste
thérapeutique intéressante. Toutefois, je ne pense pas que ces résultats aient abouti à un traitement
clinique.

Comme je l’ai dit au début du chapitre, à l’heure actuelle, on a recours à une trithérapie (2
correcteurs et un potentiateur) de façon à faciliter l’assemblage de la partie N-terminale du CFTR, et
donc son transport du RE vers la membrane plasmique mais aussi à augmenter la capacité du CFTR à
laisser sortir les ions Cl- une fois arrivé à la surface cellulaire. Une seule voie thérapeutique ne suffit
pas, il faut probablement combiner différents traitements pour soigner les patients atteints de la
mucoviscidose.

69
Résumé sur le CFTR

Ø Le repliement correct du CFTR-WT requiert beaucoup de chaperones.


Ø Le CFTR-∆F508 présente un défaut d’assemblage de domaines qui empêche sa maturation
complète et son expression à la surface cellulaire.
Ø Le CFTR-∆F508 est dégradé par le système ubiquitine-protéasome.
Ø Le CFTR-∆F508 forme des agrégats intracellulaires quand le protéasome est inhibé.
Ø Les agrégats se déplacent vers le MTOC en suivant les microtubules.
Ø La formation des agrésomes dépend de HDAC6 et de la dynéine.
Ø Ils sont éliminés par autophagie sélective grâce aux récepteurs p62 et NBR1.
Ø Chez les patients atteints de la mucoviscidose, les agrégats s’accumulent parce que le
complexe de nucléation PI3K de classe III est séquestré dans l’agrésome.

70
Table des matières
Table des matières .................................................................................................................... 71
III. Serpinopathie. ............................................................................................................... 73
1. Généralités. ..........................................................................................................................................73
2. L’accumulation de l’a1-ATZ dans le RE active la macroautophagie. ....................................................75
a. Outils pour étudier la macroautophagie. ........................................................................................75
b. Colocalisation entre GFP-LC3 et a1-ATZ après surexpression de Rab7 T22N. ................................76
c. Accumulation d’a1-ATZ dans RE des MEF Atg5-/-. ...........................................................................78
d. Dégradation d’a1-ATZ par macroautophagie : WB. ........................................................................79
e. Dégradation de formes solubles et insolubles d’a1-ATZ par macroautophagie. ............................80
f. Dégradation de monomères et de polymères d’a1-antitrypsine. ...................................................81

IV. Maladie de Parkinson. ................................................................................................... 87


1. Généralités. ..........................................................................................................................................87
2. Structure de l’a-synucléine. .................................................................................................................88
3. Toxicité et propagation de l’a-synucléine............................................................................................89
4. Structure des corps de Lewy. ...............................................................................................................90
5. Dégradation de l’a-synucléine par le protéasome et par la macroautophagie. ..................................94
6. Dégradation de l’a-synucléine par autophagie assistée par des chaperones......................................95
a. Caractéristiques des différentes formes d’autophagie....................................................................95
b. Caractéristiques essentielles de l’autophagie assistée par les chaperones. ....................................96
c. Mécanisme de l’autophagie assistée par des chaperones (CMA). ..................................................97
d. Principaux rôles physiologiques de la CMA. ....................................................................................98
e. Test de dégradation de substrats avec un motif KFERQ par la CMA. ..............................................99
f. L’a-synucléine WT est une protéine substrat de la CMA. .............................................................100
g. Les formes mutantes de l’a-synucléine ne sont pas dégradées par la CMA. ................................103
h. Les formes mutantes de l’a-synucléine inhibent la CMA. .............................................................103
i. Inhibition de la protéolyse lysosomale des protéines de longue durée de vie par des formes
mutantes naturelles d’a-synucléine. ......................................................................................................104
j. La surexpression de Lamp2A in vivo empêche la perte des neurones dopaminergiques induite par
l’a-synucléine. ........................................................................................................................................107
7. Activation de la voie UPR dans la maladie de Parkinson....................................................................110
a. Introduction ...................................................................................................................................110
b. La réponse UPR : Généralités.........................................................................................................110
c. La réponse UPR dans la maladie de Parkinson ..............................................................................112
d. L’injection de 6-OHDA dans la SN provoque la mort des neurones dopaminergiques .................112
e. L’injection de 6-OHDA déclenche l’oligomérisation de l’a-synucléine ..........................................113
f. L’injection de 6-OHDA induit un stress du RE dans la substantia nigra .........................................114
8. Lien entre le stress du RE et l’autophagie assistée par les chaperones (l’axe ERICA). .......................115
a. Induction d’un stress du RE dans une lignée de cellules neuronales. ...........................................115
b. Le stress du RE active l’autophagie médiée par les chaperones ...................................................116
c. Le stress du RE induit une augmentation de l’abondance de LAMP2A dans les lysosomes et de la
capture de la RNase A ............................................................................................................................117
d. L’activation de la CMA induite par le stress du RE est liée à l’activation de p38 ...........................120
e. p38 est activée sur la membrane des lysosomes après un stress du RE .......................................122
f. p38 est capable de phosphoryler LAMP2A ....................................................................................123

71
g.L’axe ERICA existerait aussi dans un modèle animal de la maladie de Parkinson. ........................125
h.L’axe ERICA protège les neurones Th+ de la mort induite par le 6-OHDA .....................................126
i.Conclusion .....................................................................................................................................127
9. Voies d’élimination des agrégats d’a-synucléine...............................................................................127
10. Transmission des agrégats d’a-synucléine de cellule à cellule. .....................................................128

72
III. Serpinopathie.
1. Généralités.

La serpinopathie est une pathologie liée à une déficience en a1-antitrypsine. Il s’agit d’une
glycoprotéine de 394 acides aminés (52 kDa) surtout synthétisée et sécrétée par le foie mais agissant
surtout dans les poumons. C’est en fait le principal inhibiteur des sérines protéases dans le sang. Les
inhibiteurs de sérines protéases sont des « serpines ». La fonction majeure de l’a1-antitrypsine est de
protéger les tissus pulmonaires contre les élastases libérées par les neutrophiles pendant les réactions
inflammatoires.

La structure de l’a1-antitrypsine est caractérisée par des feuillets b et des hélices a. En plus, elle
présente une boucle mobile active de 20 acides aminés qui constitue un pseudo-substrat. Une fois que
l’élastase active arrive à proximité de cette boucle de pseudo-substrat, elle la clive et se lie au dernier
acide aminé voisin par liaison covalente. La boucle va rentrer dans la structure globulaire de la protéine
entre deux feuillets b. Cela va stabiliser la protéine et l’énergie libérée au cours de ce remaniement va
provoquer le déplacement de l’élastase de l’autre côté et va l’inactiver par un changement de
conformation. L’a1-antitrypsine agit donc comme un attrape-souris.

Il existe différents allèles d’a1-antitrypsine, baptisés M, S, Z, etc. en fonction de leur mobilité


dans des expériences de focalisation isoélectrique. La forme M, la plus rapide, est aussi la forme la plus

73
fréquente qui ne donne pas de maladie. Elle sert de référence. La forme Z est la plus lente. Elle
correspond à la substitution de l’acide glutamique en position 342 par une lysine. Cette mutation entraîne
l’agrégation et la polymérisation de la protéine. C’est la forme la plus étudiée parce qu’elle donne les
symptômes les plus sévères.

Dans l’homozygote ZZ, l’activité résiduelle d’a1-antitrypsine représente 10% de l’activité


présente dans le sérum des individus homozygotes MM. Le plus souvent, cela entraîne une espèce
d’emphysème juvénile (dilatation anormale et destruction des alvéoles) suite à l’augmentation de
l’activité élastase qui conduit à la production de dérivés actifs de l’O2 et à une réponse inflammatoire.
Chez 8-10 % des homozygotes ZZ, on voit aussi des corps d’inclusion dans le RE des hépatocytes ici,
colorés en rouge par la coloration Periodic Acid Schiff). Ils renferment de l’a1-antitrypsine mal repliée
et polymérisée. Cela induit un stress au niveau du RE, une production de ROS et une mort cellulaire par
apoptose. La déficience en a1-antitrypsine prédispose les individus à une hépatite néonatale, une
cirrhose ou un cancer hépatocellulaire mais c’est très rare.

Si l’a1-antitrypsine s’accumule dans des inclusions intracellulaires, c’est parce qu’elle forme des
chaînes polymériques. La mutation Z se trouve à la jonction entre un feuillet b et la boucle du pseudo-
substrat. Selon un modèle, cela créerait des intermédiaires instables avec la boucle mobile insérée entre
les feuillets b, uniquement dans la partie supérieure, laissant un espace libre dans la partie inférieure de
la structure. La boucle d’un monomère pourrait ainsi venir s’insérer entre les feuillets b d’un autre
monomère. En répétant l’opération plusieurs fois, on arriverait à un polymère. D’autres modèles ont été
proposés mais ils ne seront pas décrits ici.

Dans 70% des cas, l’a1-antitrypsine mutée Z (AZT) est dégradée par le protéasome, 15% se replie
correctement et le reste forme des polymères. Certains sont dégradés par autophagie tandis que d’autres
s’accumulent sous forme d’inclusions. Des polymères d’ATZ extracellulaires peuvent aussi se trouver
dans les lavages bronchoalvéolaires et l’interstitium des poumons.

Dans les dias suivantes, nous allons analyser le rôle de la macroautophagie dans la dégradation
de l’a1-antitrypsine.

Dans cette expérience, ils ont comparé en microscopie électronique à transmission la morphologie
de fibroblastes humains transfectés avec la forme sauvage de l’a1-antitrypsine (ATM) avec celle de
fibroblastes transfectés avec le mutant Z.

74
2. L’accumulation de l’a1-ATZ dans le RE active la macroautophagie.

Dans les cellules Wild Type, on observe le noyau en bas, le RE rugueux (rER) à proximité et des
mitochondries relativement bien préservées. Les citernes du rER sont plates et bien organisées entre
elles. Dans une cellule exprimant le mutant Z, l’ultrastructure est perturbée. On reconnaît le rER grâce
aux ribosomes qui décorent la membrane mais les citernes sont très dilatées et renferment du matériel
amorphe. C’est dû à l’accumulation d’a1-antitrypsine dans le RE. A côté du rER, on observe des
structures denses aux électrons en quantité abondante. Ces structures correspondent à des vacuoles
d’autophagie à plusieurs stades de développement. Ce sont ces structures multi-lamellaires denses aux
électrons. La mutation de l’a1-antitrypsine provoque donc une accumulation d’autophagosomes dans
les cellules.

a. Outils pour étudier la macroautophagie.

Quelles sont les molécules que l’on peut utiliser pour analyser l’activité de la macroautophagie
dans différentes situations pathologiques ?

Rappel. La macroautophagie commence avec la formation d’une membrane d’isolement. Ensuite,


le phagophore va s’étendre jusqu’à fermer complètement la vacuole. L’autophagosome est caractérisé
par un compartiment avec une double membrane dans lequel on peut voir encore certaines structures
subcellulaires telles que des mitochondries qui ne sont pas encore dégradées. Ensuite, cet
autophagosome peut fusionner avec des lysosomes pour donner des autophagolysosomes ou des
autolysosomes, selon la nomenclature choisie. Les hydrolases lysosomales qui sont déversées dans la

75
lumière de ce compartiment hybride vont dégrader toutes les molécules isolées précédemment. Par
conséquent, dans les autolysosomes, on ne peut plus voir de structures intactes, tout est complètement
dégradé. Plusieurs complexes sont nécessaires pour la formation de l’autophagosome : le complexe
d’initiation ULK1, le complexe de nucléation PI3K de classe III et les deux systèmes de conjugaison :
Atg5-Atg12 et LC3. Tous les deux sont indispensables pour la formation de cette membrane
d’autophagosome.

Si on veut stimuler l’autophagie, on peut utiliser de la rapamycine qui est un inhibiteur de mTOR
qui lui inhibe l’autophagie, donc la rapamycine est bien un activateur de l’autophagie. On peut aussi
utiliser la torine qui est aussi un inhibiteur de mTOR et on peut aussi induire la macroautophagie en
mettant les cellules à jeun pendant 1-2h.

Pour inhiber l’autophagie, on peut utiliser des molécules chimiques telles que la 3-méthyladénine
(3-MA) qui va inhiber la VPS34 qui est une PI3 kinase. Si on n’a pas d’activité VPS34, il n’y aura pas
de synthèse de phosphatidylinositol-3-phosphate. Or, c’est indispensable au recrutement de toute une
série de protéines. Donc, si on bloque l’activité de VPS34, on bloque la formation de cette membrane,
on bloque l’autophagie à un stade précoce du processus. On peut aussi utiliser de la bafilomycine ou
de la chloroquine, des molécules qui provoquent une augmentation du pH dans les compartiments
acides, ce qui va inhiber les hydrolases lysosomales acides et empêcher la dégradation des composants
qui ont été séquestrés dans l’autophagosome. En plus, on sait que la bafilomycine bloque la fusion entre
les lysosomes et les autophagosomes. Ces deux molécules bloquent l’autophagie à un stade plus tardif
puisque là les autophagosomes sont déjà formés. On peut aussi utiliser des inhibiteurs de protéases
qui vont agir sur la dégradation des protéines séquestrées. On peut aussi bloquer la fusion entre les deux
compartiments en surexprimant des formes dominantes négatives de Rab7. Rab7 fait partie de la
famille des petites Rab GTPases. Elles existent sous deux formes : une forme Rab-GDP cytosolique et
une forme Rab-GTP membranaire. Les effecteurs, c’est-à-dire les molécules qui interagissent avec les
Rabs sont différentes selon qu’elles sont liées au GDP et au GTP. Elles sont actives sous forme Rab-
GTP. Rab7T22N agit comme une dominant négatif parce que c’est une Rab-GDP qui va empêcher
l’action de Rab7 endogène une fois transfectée dans les cellules (voir chapitre 2).

On peut aussi bloquer l’autophagie en transfectant les cellules avec des siRNA dirigés contre
Atg-5 ou Atg-7 ou en utilisant des cellules dérivées de souris knockout pour ces deux gènes. Dans ce
cas, on va aussi bloquer l’autophagie à un stade précoce puisque de nouveau ces molécules sont
indispensables pour la formation du phagophore. On dispose donc de différents outils pour voir si la
macroautophagie est impliquée dans un phénomène donné.

b. Colocalisation entre GFP-LC3 et a1-ATZ après surexpression de Rab7 T22N.

Pour examiner le rôle de la macroautophagie dans la dégradation de ATZ, les auteurs ont comparé
la localisation d’ATZ avec GFP-LC3 dans des fibroblastes de souris embryonnaires (MEF) WT et Atg5-
/-
transfectées avec GFP-LC3. Rappel : en IF, quand il n’y a pas d’activation de l’autophagie, LC3 est
soluble et donne un marquage diffus très faible, souvent indiscernable du bruit de fond. Quand il y a
activation de l’autophagie, LC3 est membranaire et couvre la membrane des autophagosomes. Il apparaît
sous forme de gros points fluorescents.

76
Dans les cellules MEF WT contrôles, on ne voit que quelques points verts correspondant à GFP-
LC3. Cela signifie qu’à l’état basal, le taux d’autophagie est faible. Il y a une colocalisation partielle
entre a1-ATZ et KDEL. KDEL c’est une séquence en acides aminés qui est spécifique aux protéines
résidentes du RE qui font la navette entre le RE et le cis-Golgi. Quand ces protéines qui normalement
devraient rester bloquées dans le RE arrivent dans le cis-Golgi, il y a des récepteurs qui reconnaissent
cette séquence KDEL et qui renvoient ces protéines vers le RE. C’est un moyen de contrôle pour
permettre aux protéines résidentes du RE de revenir à destination plutôt que d’être sécrétées à l’extérieur
de la cellule. Donc, il est possible de marquer le RE en utilisant un anticorps anti-KDEL. Comme, il y
a un recouvrement partiel des deux marquages, cela signifie qu’une partie d’a1-ATZ se trouve dans le
RE. Si on zoome dans une région où il y a des grains de LC3, il y a un recouvrement partiel des
marquages entre LC3, a1-ATZ et les protéines avec la séquence KDEL (encarts). Les autophagosomes
ne sont pas très loin des citernes du RE mais ils sont peu nombreux.

Si on bloque la macroautophagie dans les MEF WT en transfectant les cellules avec le dominant
négatif de Rab7 (Rab7-T22N), comme attendu, on constate une augmentation du nombre de gros points
verts GFP-LC3+ parce que les autophagosomes formés ne peuvent pas fusionner avec les lysosomes. On
note également une accentuation des marquages a1-ATZ et KDEL, ce qui suggère que les citernes du
RE renferment de l’a1-ATZ. A plusieurs endroits, on note également une colocalisation entre GFP-
LC3, a1-ATZ et KDEL. Il y aurait donc des autophagosomes qui encerclent ou qui contiennent des
citernes du RE contenant de l’a1-ATZ.

è une partie de l’a1-ATZ se trouve dans le RE et une autre s’accumule dans des autophagosomes
qui ne sont pas capables de fusionner avec les lysosomes.

77
c. Accumulation d’a1-ATZ dans RE des MEF Atg5-/-.

Si on fait la même expérience avec des MEF de souris KO pour Atg5, on constate que l’a1-ATZ
se trouve dans des compartiments qui contiennent également de la calnexine. Cela montre que dans les
cellules incapables de réaliser la macroautophagie, il y a une accumulation de polymères d’a1-ATZ
dans le RE.

Dans les MEF Atg5-/-, le marquage GFP-LC3 est diffus et visible aussi bien dans le cytoplasme
que dans le noyau. Il est probablement non spécifique. L’absence de point vert reflète le fait que Atg5
est indispensable à la conjugaison de LC3 avec la PE et donc au recrutement membranaire de LC3.
Quand on fait des expériences avec des anticorps anti-a1-ATZ et anti-KDEL, il y a une superposition
entre les deux marquages, ce qui montre que a1-ATZ reste bloquée dans le RE.

Cette expérience d’IF permet de donner une première indication sur l’implication de la
macroautophagie dans la dégradation des protéines ATZ agrégées mais cela ne suffit pas. Il faut faire
d’autres expériences, notamment des WB, pour tester notre hypothèse. Autrement dit, il faut toujours
avoir un faisceau d’évidences pour répondre à une question donnée.

78
d. Dégradation d’a1-ATZ par macroautophagie : WB.

Les chercheurs ont transfecté des cellules WT ou des cellules qui n’expriment pas Atg5 avec l’a1-
antitrypsine sous sa forme mutée donc a1-ATZ.

• Dans la piste 1, ce sont des MEF WT transfectés avec l’a1-ATZ. L’a1-ATZ est présente en
faible quantité. Si on fait un WB avec un anticorps anti-Atg5, on voit qu’Atg5 n’est pas sous
forme monomérique mais uniquement sous forme conjuguée à Atg12. Quand Atg5 se trouve
sous cette forme, cela veut dire que l’autophagie est active. C’est confirmé par le fait que sur le
WB réalisé avec un anticorps anti-LC3, c’est la forme LC3-II membranaire qui prédomine par
rapport à la forme LC3-I soluble. Le WB anti-a-tubuline sert de contrôle de charge.
è Dans les cellules où la macroautophagie est active, il y a peu d’a1-ATZ.

• Dans la piste 2, ce sont des MEF Atg5-/- transfectés avec l’a1-ATZ. On voit qu’il y a une
augmentation de l’abondance de l’a1-ATZ par rapport aux MEF WT. Autrement dit, si on
bloque la macroautophagie de façon génétique, on provoque l’accumulation de l’a1-ATZ. Il
s’agit bien de cellules de souris Atg5-/- puisqu’on ne détecte pas du tout de marquage Atg5 sur
le blot, que ce soit sous forme monomérique ou sous forme conjuguée à Atg12. En plus, LC3
est sous forme soluble (seule la forme LC3-I est détectée, il n’y a pas du tout de forme LC3-II
visible).
è Dans les cellules où la macroautophagie est inactive, il y a une accumulation d’a1-ATZ.

• Dans la piste 3, ils ont réalisé une « expérience de rescue ». Ils ont transfecté des MEF Atg5-/-
avec une construction contenant la séquence codante d’Atg5 en plus de l’a1-ATZ pour prouver
que l’accumulation d’a1-ATZ qu’ils ont observée dans les cellules Atg5-/- est bien due à
l’absence de macroautophagie et pas à un épiphénomène. Si on regarde l’abondance d’Atg5, on
voit deux bandes : Atg5 monomérique et Atg5 conjugué à Atg12. S’il reste de l’Atg5 sous forme
monomérique, c’est probablement parce qu’ils ont surexprimé Atg5 et que seule une partie est
conjuguée à Atg12. Il est intéressant de constater que LC3-II réapparait par rapport aux cellules
qui n’expriment pas du tout Atg5. Il y a donc une conversion de LC3-I en LC3-II. Par
conséquent, en ré-exprimant Atg5, on restaure la macroautophagie. Dans cette condition, on
constate une diminution de l’abondance d’a1-ATZ par rapport aux cellules Atg5-/- qui ne ré-
expriment pas Atg5 et un retour au niveau d’abondance de l’a1-ATZ dans les cellules WT.

79
• Dans la piste 4, c’est un contrôle important que l’on ne le voit pas souvent dans les articles. Ils
ont surexprimé dans les cellules Atg5-/- une forme mutée de Atg5 (KR). Cette forme mutée est
incapable de réaliser la conjugaison Atg5-Atg12, une étape indispensable dans la formation de
l’autophagosome. En effet, sur le blot obtenu avec l’anticorps anti-Atg5, on ne détecte que la
forme monomérique de Atg5 mais pas la forme conjuguée. Comme attendu, LC3 reste sous
forme soluble, LC3-II n’est pas détecté. Dans cette condition, l’a1-ATZ s’accumule à nouveau
comme c’était le cas dans les MEF Atg5-/-.

è L’accumulation d’a1-ATZ est inversement proportionnelle à l’activité de la macroautophagie.


e. Dégradation de formes solubles et insolubles d’a1-ATZ par macroautophagie.

Est-ce que la macroautophagie dégrade des monomères ou bien des polymères d’a1-
antitrypsine ? Une façon d’aborder la question est de faire des extractions avec différents détergents.

Ici, ils ont pris des cellules WT ou Atg5-/- transfectées avec les cDNA codant pour EYFP et pour
l’a1-ATZ. EYFP est une protéine soluble qui ne doit pas être dégradée par macroautophagie. C’est un
contrôle de transfection. 36h après la cotransfection, ils ont lysé les cellules avec un tampon qui contenait
du triton X-100 (TX-100), un détergent non dénaturant. Ils ont laissé les cellules dans ce tampon
quelques minutes à 4°C pour éviter la dégradation des protéines par les lysosomes abimés et ils ont
centrifugé les lysats à vitesse élevée pour récupérer un surnageant et un culot. Le surnageant correspond
à la fraction soluble tandis que le culot correspond à la fraction insoluble. Enfin, ils ont solubilisé les
protéines du culot avec du SDS (détergent dénaturant) avant de faire une électrophorèse.

• Dans les cellules WT, il y a peu d’a1-ATZ et elle se trouve essentiellement dans la fraction
soluble. Ce sont probablement des monomères. Il y a peu voire pas de matériel insoluble dans
le Triton X100.
• Dans les cellules Atg5-/-, il y a une accumulation d’a1-ATZ dans la fraction soluble et dans la
fraction insoluble. Ce sont probablement des monomères dans le surnageant et des protéines
agrégées polymériques dans le culot. Toutefois, on ne peut pas exclure que des monomères se
soient détachés pendant l’extraction avec le Triton X100.
• Le WB avec l’anticorps anti-Atg5 permet de vérifier que la macroautophagie est active dans les
cellules WT (formation de conjugués Atg5 et Atg12) et pas dans les cellules Atg5-/-.

è La macroautophagie permettrait de dégrader aussi bien les monomères que les polymères d’a1-
ATZ. Toutefois, on ne peut pas complètement écarter la possibilité que les formes solubles d’a1-
ATZ ne proviennent de polymères accumulés dans les cellules Atg5-/-. Ils pourraient se détacher des
polymères dans les cellules ou lors de l’extraction dans le Triton X-100.

80
f. Dégradation de monomères et de polymères d’a1-antitrypsine.

Pour s’assurer que les formes insolubles dans le Triton X-100 sont bien des polymères d’a1-ATZ,
il faut comparer le profil électrophorétique du lysat obtenu en condition non dénaturante par rapport au
profil électrophorétique du même lysat obtenu en condition dénaturante (en présence de SDS et d’un
agent réducteur). En condition non dénaturante, les protéines polymériques présenteront un PM élevé.
Lorsque les cellules sont lysées en présence d’un agent réducteur, comme le DTT (dithiotréitol) ou le
b-mercaptoéthanol qui cassent les ponts disulfures et en présence de SDS (détergent ionique dénaturant)
une grande partie des polymères peuvent être dissociés en monomères et présenter un PM plus faible.

Dans cette expérience, ils ont transfecté des cellules avec l’ADNc de l’a1-ATM (la forme sauvage
de l’a1-antitrypsine) ou de l’a1-ATZ incubées ou non en présence d’un inhibiteur de la
macroautophagie : la 3-MA ou la bafilomycine A1.

Gel de gauche : condition dénaturante (SDS-PAGE)

• Dans la première piste, on a des cellules qui ne sont pas transfectées ni avec la forme WT d’a1
antitrypsine (la forme M) ni avec la forme mutée Z. Avec un anticorps anti-a1-antitrypsine, on
ne détecte pas du tout de bande protéique. Avec un anticorps anti-LC3, on voit une bande
correspondant à LC3-I et donc il n’y a pas d’activation de l’autophagie. La luciférase est juste
un contrôle de transfection et la GAPDH est un contrôle de charge.
• Dans la 2° piste, si on transfecte les cellules avec la luciférase, on obtient un doublet avec un
anticorps anti-LC3. Vu son PM apparent, il s’agit de LC3-I.

• Dans la 3° piste, dans les cellules transfectées avec ATM, sur le blot obtenu avec l’anticorps
anti-a1-antitrypsine, on voit une bande autour de 50 kDa, ce qui est à peu près le poids
moléculaire attendu pour cette protéine. Dans ces conditions, il n’y a pas d’activation de
l’autophagie, LC3 est toujours sous forme soluble.

• Dans les pistes 4 et 5, quand on ajoute de la 3-MA ou de la bafilomycine dans le milieu de


culture, il y a une accumulation massive de cette protéine autour de 50 kDa, donc de l’a1-
antitrypsine. Il y a d’autres protéines avec un poids moléculaire plus faible surtout avec la 3-
MA, ce sont peut-être des protéines dégradées (?). Au niveau de LC3, avec la 3-MA, on observe

81
LC3-I alors qu’avec la bafilomycine, on observe LC3-I et LC3-II. Pourquoi y a-t-il une telle
différence entre les traitements 3-MA et bafilomycine ? Car elles n’interviennent pas au
même moment dans la maturation de l’autophagosome. La 3-MA ne permet pas la formation de
PI3P puisqu’elle inhibe la PI3K. Donc, LC3 reste sous forme soluble et il n’y a pas de formation
d’autophagosomes. Avec la bafilomycine, on empêche la fusion des lysosomes avec les
autophagosomes mais les autophagosomes sont formés et même ils s’accumulent. C’est donc
un stade beaucoup plus tardif.

• Dans les pistes 6-7-8, ce sont des cellules qui expriment l’a1-ATZ. On observe le même profil
que dans les cellules qui expriment l’a1-ATM, à part que l’on a beaucoup plus d’a1-antitrypsine
dans les cellules non traitées et encore plus lorsqu’on ajoute la 3-MA ou la bafilomycine.
Comme nous sommes en conditions dénaturantes, il est impossible de dire s’il s’agit d’a1-
antitrypsine monomérique ou polymérique.

Jusque-là, ces résultats corroborent les résultats de Kamimoto et al. (2006) mais Kroeger et al.
(2009) vont plus loin en réalisant une électrophorèse en condition non dénaturante pour distinguer les
monomères des polymères.

Gel de droite : condition non dénaturante et non réductrice

• On voit que lorsque les cellules sont transfectées avec l’ADNc de l’a1-ATM, la forme sauvage,
sans traitement (si ce n’est le solvant contrôle), il y a peu d’a1-antitrypsine, juste une petite
bande qui correspond à des monomères puisqu’ils se trouvent dans le bas du gel.
• Quand on rajoute la 3-MA ou la bafilomycine, on a une accumulation importante de cette forme
monomérique et un smear de protéines de taille plus élevée apparaît. Cela veut dire qu’il y a des
polymères qui sont formés mais ils restent minoritaires.
è C’est surtout sous la forme monomérique de l’a1-ATM qui s’accumule dans les cellules où
la maturation des autophagosomes est bloquée.
• Par contre, dans les cellules qui expriment la forme mutée de l’a1-antitrypsine, l’a1-ATZ, sans
traitement, simplement avec le solvant, on détecte un peu de formes monomériques mais ce sont
les formes polymériques qui prédominent. Elles sont plus grosses et migrent moins loin sur le
gel. Quand on ajoute des molécules qui bloquent la fusion des autophagosomes avec les
lysosomes, il y a un peu plus de monomères mais c’est surtout une accumulation massive de
polymères qui est observée.
è La forme polymérique de l’a1-ATM s’accumule dans les cellules où la maturation des
autophagosomes est bloquée.

Cette expérience nous indique trois choses :

1) La macroautophagie est capable de dégrader l’a1-ATM qui se présente essentiellement sous


forme de monomères.
2) Quand les cellules surexpriment l’a1-ATZ, elle s’accumule sous forme de polymères qui peuvent
être dégradés par la macroautophagie.

3) La macroautophagie peut dégrader à la fois les polymères et les monomères d’a1-antitrypsine.

82
Les expériences précédentes suggèrent que les polymères d’AZT contenus dans le RE pourraient
être dégradés par macroautophagie parce que 1) Atg5 est indispensable, 2) LC3 est conjugué à la PE et
3) la 3-méthyladénine provoque l’accumulation d’AZT. L’incubation cellulaire avec la bafilomycine
n’est pas un bon argument parce que cette molécule inhibe aussi l’activité des hydrolases lysosomales.
Cependant, lorsque les chercheurs ont essayé d’activer la macroautophagie en utilisant de la rapamycine,
ils n’ont pas observé de diminution de l’abondance de l’ATZ. Pourtant, la rapamycine inhibait bien la
kinase mTor puisqu’il y avait bien une disparition de la forme phosphorylée de la S6 kinase, un substrat
de mTor. L’absence d’effet de la rapamycine sur la dégradation de ATZ a été confirmée dans un autre
article paru l’année suivante. Cela suggère que l’induction de la macroautophagie par l’accumulation de
protéines a1-ATZ mal repliées ne dépend pas de mTor.

Une autre question s’est posée : comment les polymères d’AZT pourraient se retrouver dans des
autophagosomes alors qu’ils s’accumulent dans la lumière du RE ? Est-ce par ER-phagy, l’autophagie
sélective de fragments de RE ? ou par un nouveau mécanisme qui dépendrait de LC3-II ?

83
Récemment, une équipe italo-suisse a décrit une nouvelle voie de dégradation des polymères
d’ATZ, résistants au protéasome et l’ont appelée ERLAD pour « ER-to-lysosome-associated
degradation ».

Cette voie impliquerait la ségrégation des polymères d’ATZ dans des sous-domaines du RE,
grâce à des interactions avec la calnexine. Ensuite, ces complexes interagiraient avec FAM134B, un
récepteur de l’ER-phagy dont le rôle est de fragmenter le RE après oligomérisation. Les polymères se
retrouveraient ainsi dans des vésicules dérivées du RE (EV) qui viendraient fusionner avec la membrane
des endolysosomes positifs pour Rab7 et pour LAMP1. LC3-II interagit avec le motif LIR de Fam134B.
Les interactions entre LC3 et Fam134B et entre des protéines SNARE (syntaxine 17 du RE et VAMP8
des endolysosomes, voir chapitre 2 du cours) seraient nécessaires pour la fusion des EV avec les
endolysosomes. Comme d’autres éléments de la machinerie de la macroautophagie ne sont pas
impliquées, LC3-II agirait par une voie non canonique. Voici quelques expériences qui ont permis de
proposer ce modèle.

D’abord, ils ont examiné par microscopie confocale la localisation de ATZ dans des cellules
MEF transfectées avec la construction ATZ-HA. Certaines cellules ont été incubées pendant 6h avec de
la bafilomycine A1 100 nM de façon à inhiber la dégradation intralysosomale.

Dans les cellules non traitées (Mock), il n’y a pas de colocalisation entre HA (représentatif de
ATZ total) et LAMP1 (Lysosomal associated membrane protein 1, un marqueur de la membrane des
endolysosomes) ni entre 2C1 (marqueur des polymères d’ATZ) et LAMP1. Par contre, dans les cellules
WT traitées avec la bafilomycine A1, on observe une accumulation d’ATZ total et de polymères d’ATZ

84
dans la lumière des endolysosomes. C’est une phénomène réversible parce que le marquage de ATZ des
lysosomes disparaît lorsqu’ils changent le milieu pour enlever la bafilomycine (résultat non montré).

S’ils traitent des cellules MEF provenant de souris KO pour la calnexine avec de la bafilomycine,
ils n’observent pas de ATZ-HA dans les compartiments LAMP1+. Cette inhibition est propre à une
déplétion en CNX. Ils ne l’ont pas observée dans les MEF KO pour la calréticuline ou pour ERp57.

è La calnexine est donc impliquée dans l’ERLAD.

Ensuite, comme ils savaient que la calnexine était capable d’interagir avec FAM134B, ils ont
réalisé des expériences de co-IP sur des lysats de cellules HEK293 transfectées avec FAM134B-V5 (V5
étant une étiquette facilement détectable avec un anticorps anti-V5) et dans certains cas également avec
ATZ-HA. Les lysats ont été incubés avec un crosslinker (DSP) pour stabiliser les complexes.

Les résultats de la co-IP montrent que la surexpression de ATZ-HA favorise la formation du


complexe entre FAM134B-V5, la calnexine et LC3-II (piste 4 versus piste 3 et graphique en-dessous).
Si on transfecte les cellules avec un construction FAM134B sans le motif LIR fonctionnel,

85
FAM134BLIR-V5, comme attendu, LC3-II ne fait plus partie du complexe mais il y a toujours des
interactions entre FAM134B, la calnexine et ATZ.

è La calnexine permettrait la ségrégation des polymères de ATZ dans des sous-domaines du


RE où se trouve FAM134B. LC3-II n’interviendrait pas à ce stade. En s’oligomérisant dans la
membrane, FAM134B pourrait fragmenter le RE pour former des vésicules.

LC3-II interviendrait lors de la fusion entre les vésicules dérivées du RE et les endolysosomes
parce que dans les cellules qui expriment FAM134BLIR, les protéines ATZ ne se retrouvent pas dans
les endolysosomes. Pour étudier la localisation plus précise des protéines ATZ, ils ont fait de la
microscopie immuno-électronique (figure de droite). Cela consiste à incuber des cryo-sections de
cellules ou de tissus avec des anticorps primaires puis avec des anticorps secondaires liés à des particules
d’or, denses aux électrons. Dans les cellules WT traitées avec la bafilomycine A1, on constate qu’il y a
des particules d’or dans les endolysosomes (EL) alors que dans les cellules transfectées avec
FAM134BLIR, incapable d’interagir avec LC3-II, les particules d’or s’accumulent dans des vésicules
situées à côté des endolysosomes (têtes de flèche rouges).

è LC3-II ne serait pas impliquée dans la ségrégation des polymères d’ATZ dans des sous-
régions du RE mais bien dans l’arrimage des vésicules dérivées du RE sur la membrane les
endolysosomes.

En utilisant d’autres cellules MEF déficientes en telle ou telle protéine de la machinerie de la


macroautophagie, les auteurs sont arrivés à la conclusion que la lipidation de LC3 était indispensable à
la dégradation des polymères d’ATZ par la voie de dégradation ER-lysosome mais pas des protéines
comme ULK1/2, Atg13 et Atg9. LC3 agirait donc par une voie non canonique.

86
IV. Maladie de Parkinson.
1. Généralités.

Symptômes neurologiques :
Bradykinésie, Rigidité musculaire, Tremblements au repos et Instabilité posturale
Caractéristiques :
- 1,5 % de la population de >65 ans
- Mort des neurones dopaminergiques dans la substantia nigra
- Perte de la fonction motrice volontaire et involontaire
- La L-DOPA diminue temporairement les symptômes moteurs
Deux catégories :
- Formes Sporadiques et idiopathiques (dans > 80 % des cas)
- Formes Familiales héréditaires (dans > 20 % des cas, SNCA, LRRK2, PRKN, PINK1,
ATP13A2, …)

La maladie de Parkinson est la deuxième maladie neuro-dégénérative la plus importante dans le


monde après la maladie d’Alzheimer. Elle est caractérisée par de la bradykinésie (trouble moteur qui est
associé à un ralentissement des mouvements et à la perte de la finesse du mouvement), une rigidité
musculaire, des tremblements au repos et une instabilité posturale. Elle est liée à la mort des neurones
dopaminergiques que l’on trouve dans la substance noire (la substantia nigra pars compacta). Elle
se traduit par une perte de la fonction motrice qu’elle soit volontaire ou involontaire. On peut traiter les
patients avec de la L-DOPA qui entraine une augmentation de la dopamine. Cela réduit un peu les
symptômes, mais finalement au bout de quelques années la L-DOPA ne fait plus d’effet. La grande
majorité des formes sont sporadiques, c’est-à-dire qu’elles surviennent spontanément et idiopathiques
car on ne connait pas la raison pour laquelle la maladie se déclenche. Dans 10-20% des cas, il s’agit de
formes familiales héréditaires. Elles sont induites par l’expression de formes mutantes de SNCA, de
LRRK2, PRKN, PINK1 et ATP13A2, etc. Dans ces cas-là, la maladie de Parkinson survient à un âge plus
précoce.

Formes sporadiques de la maladie de Parkinson

Ø Etiologie multifactorielle : Stress oxydant, Dysfonctionnement mitochondrial, Inhibition du


protéasome, Neuroinflammation, Prédispositions génétiques.
Ø Accumulation et agrégation de protéines anormales dans des inclusions intraneuronales (les
neurites de Lewy et les corps de Lewy).
Ø Les corps de Lewy contiennent des formes modifiées d’a-synucléine (ubiquitinées,
tronquées, phosphorylées, oxydées etc.).
Ø Les corps de Lewy contiennent aussi p62, HDAC6, des protéines 14-3-3, LC3 et autres
protéines mais aussi des lipides membranaires et des organites entassés.

L’étiologie est multifactorielle. L’origine de la pathologie pourrait être un stress oxydant, un


dysfonctionnement mitochondrial, une inhibition du protéasome, la neuroinflammation ou tout à la fois.
Il y a aussi des prédispositions génétiques. Dans beaucoup de formes sporadiques de cette maladie, on

87
observe des neurites et des corps de Lewy. Ce sont des inclusions intraneuronales contenant des
protéines anormales, agrégées, notamment de l’a-synucléine sous différentes formes. L’a-synucléine
(aS) peut être phosphorylée, ubiquitinée, clivée, oxydée, ou modifiée par la dopamine. Dans les formes
familiales de la maladie de Parkinson liées à des mutations dans le gène de l’a-synucléine (SNCA), il
peut y avoir des mutations ponctuelles mais aussi des duplications et des triplications. Une analyse
protéomique a révélé plus de 300 protéines différentes dans ces corps de Lewy dont >90 ont été vérifiées
par immunohistochimie. Il y a par exemple p62, HDAC6, des protéines 14-3-3, LC3, etc. Des protéines
qui existent aussi dans les agrésomes. On a donc fait le rapprochement entre ces deux structures.

2. Structure de l’a-synucléine.

L’a-synucléine est une protéine de 140 acides aminés (14,5 kDa) composée de trois régions :
une région N-terminale amphiphile, une région centrale hydrophobe (le domaine NAC, pour non
amyloid component) responsable de l’agrégation des monomères après formation de feuillets b et une
région C-terminale acide présentant une activité chaperone. Cette dernière région est aussi impliquée
dans des interactions avec d’autres protéines, avec des ions et des polyamines. Plusieurs acides aminés
peuvent subir des modifications post-traductionnelles (comme la phosphorylation, l’ubiquitination,
l’acétylation, etc.) susceptibles de réguler l’oligomérisation de l’a-synucléine. Citons la
phosphorylation de la sérine 129 (souvent utilisée comme marqueur) et de la tyrosine 39. Dans les
formes familiales de la maladie de Parkinson, il y a des mutations ponctuelles dans la partie N-terminale
(exemples : A30P et A53T, dont nous reparlerons). Dans les formes mutantes de l’a-synucléine (A30P,
E46K et A53T), le temps de ½ vie des conformations compétentes pour l’assemblage serait augmenté,
ce qui favoriserait l’agrégation.

Les monomères d’a-synucléine sont très dynamiques. Ils peuvent s’assembler sous différentes
formes de façon réversible. Au contact des lipides membranaires, la région N-terminale forme une
boucle avec des hélices a. Ensuite, des feuillets b apparaissent favorisant l’agrégation des monomères
en oligomères puis en fibrilles. Les oligomères peuvent contenir une trentaine de monomères. Les
fibrilles représentent les structures thermodynamiquement les plus stables. Leur formation résulterait de
modifications post-traductionnelles des protéines qui stabiliseraient les interactions entre monomères.
Tous les oligomères ne sont pas capables de former des fibrilles, probablement parce que des
modifications chimiques perturbent l’empaquetage et l’assemblage des protéines.

88
A l’heure actuelle, il est impossible de dire si ce sont les oligomères ou les fibrilles d’a-
synucléine qui sont les plus toxiques parce qu’il y a beaucoup de résultats contradictoires. Toutefois,
il est clair que ce sont les fibrilles qui se disséminent le plus de cellule en cellule et qui sont responsables
de la propagation de la maladie à travers le cerveau.

Les neurites de Lewy et les corps de Lewy sont les principales caractéristiques des cerveaux des
patients atteints de la maladie de Parkinson. Les corps de Lewy sont des structures sphériques
compactes, renfermant des fibrilles d’a-synucléine, p62, HDAC6, de nombreuses autres protéines mais
aussi des organites membranaires.

3. Toxicité et propagation de l’a-synucléine.

L’a-synucléine se présente donc sous forme monomérique ou tétramérique mais elle a tendance
à s’agréger et à former des oligomères avec des feuillets b puis des fibrilles amyloïdes. Les monomères
mal repliés et les oligomères peuvent inhiber partiellement le protéasome et la macroautophagie. Il y
aurait donc une accumulation d’oligomères et de fibrilles. Les oligomères comme les fibrilles
pourraient provoquer un stress oxydant en interagissant avec la membrane des mitochondries, altérer la
transmission des neurotransmetteurs et endommager les lysosomes ou empêcher leur transport le long
des axones. Récemment, plusieurs études ont révélé que des fibrilles préparées in vitro étaient
internalisées par des cellules neuronales et étaient capables de provoquer l’agrégation de molécules
endogènes d’a-synucléine. Cela suggère que des corps de Lewy pourraient être transmis de cellule en
cellule et expliquerait la progression au cours de temps de la pathologie dans différentes régions du
cerveau. Différents modèles existent pour expliquer la libération de l’a-synucléine dans le milieu
extracellulaire. Nous y reviendrons plus tard.

89
Pour certains, l’a-synucléine agirait principalement sur les terminaisons synaptiques parce que
c’est là qu’on en trouve le plus. Elle se présente sous forme multimérique sur des vésicules synaptiques,
les agrège et empêche leur exocytose, pouvant ainsi réduire la libération de neurotransmetteur. Il y a
aussi de l’a-synucléine dans le noyau des neurones. C’est d’ailleurs pour cela que la protéine porte ce
nom : « syn » pour synaptique et « nucléine » pour noyau. D’autres équipes ont trouvé des multimères
d’a-synucléine dans le cytosol. Elle pourrait donc aussi agir dans le corps de la cellule neuronale (le
soma) ou dans les axones. Dans le corps de la cellule neuronale, l’a-synucléine pourrait provoquer un
dysfonctionnement mitochondrial, des perturbations dans le transport des protéines entre le RE et le
Golgi, des défauts dans les contacts entre les organites (dont mitochondrie/RE). L’a-synucléine pourrait
perturber le transport des vésicules contenant les neurotransmetteurs et les organites cellulaires (tels que
les lysosomes) le long des axones.

4. Structure des corps de Lewy.

L’image du dessus à gauche montre des neurites de Lewy et un corps de Lewy en


immunohistochimie. Ce sont donc des structures très denses contenant une variété de protéines dont l’a-
synucléine sous différentes formes. Les corps de Lewy se trouvent surtout dans le soma des neurones
tandis que les neurites de Lewy sont localisés dans les axones. Comme les neurites sont beaucoup plus
nombreux que les corps de Lewy dans le cerveau des patients atteints de la maladie de Parkinson, on

90
suppose que les corps se forment à partir des neurites. A droite, image détaillée d’un corps de Lewy
dans le cytoplasme, entre des granules de neuromélanine (brun foncé). La neuromélanine est un pigment
foncé, synthétisé à partir de la L-DOPA grâce à la tyrosine hydroxylase et la décarboxylase des acides
aromatiques. Il a donné son nom à la substantia nigra. En bas à gauche, c’est une image en microscopie
électronique à transmission où on aperçoit cette structure dense entourée de stries qui forment un
faisceau. Ce n’est pas un faisceau de vimentine comme dans l’agrésome mais ce sont des fibrilles d’a-
synucléine. En 2019, en utilisant des techniques de microscopie électronique extrêmement
sophistiquées, des chercheurs ont révélé une image plus détaillée de ces corps de Lewy. De façon très
étonnante, ils ont mis en évidence la présence d’organites et de membranes lipidiques à l’intérieur
de ces inclusions intraneuronales. On devine ici des mitochondries sur le pourtour et des lysosomes à
l’intérieur. Selon les auteurs, cela suggère que l’a-synucléine se fixerait sur les membranes de ces
organites et les abîmerait.

Il est possible de reconstituer in vitro la formation des corps de Lewy en incubant des neurones
en cultures primaires avec des fibrilles préformées d’a-synucléine. Après internalisation, ces PFFs
s’associent avec des protéines d’a-synucléine endogènes et favorisent leur agrégation.

Ainsi, des chercheurs de Lausanne ont constaté qu’après 7 jours d’incubation des neurones de
l’hippocampe en présence de PFFs, des fibrilles apparaissaient surtout dans les neurites, les axones et
un peu dans le soma. Après 14 jours, ils ont constaté une augmentation des fibrilles dans les trois régions
dont les corps cellulaires près du noyau et après 21 jours, dans environ 22 % des neurones, ils ont observé
dans le soma des inclusions qui ressemblent à des corps de Lewy.

En immunocytochimie, en bas, on voit des agrégats filamenteux marqués avec un anticorps dirigé
contre la forme phosphorylée de la S129 de l’a-synucléine autour du noyau (coloré en bleu avec le
DAPI). Le marquage vert a été obtenu avec un anticorps dirigé contre une protéine associée aux
microtubules (MAP2). A 14 jours, ces agrégats forment des rubans suite à l’association latérale de
fibrilles et peut-être à un clivage et à 21 jours, apparaissent des inclusions qui ressemblent aux corps de
Lewy. Il semblerait donc que les agrégats fibrillaires se formeraient dans les extensions neuronales puis
seraient transportés au fil du temps vers la région périnucléaire où finalement ils s’accumuleraient sous
forme d’inclusions sphériques.

91
Cependant, il n’y a pas que des fibrilles d’a-synucléine dans les corps de Lewy. Il y aussi des
organites membranaires. Ils l’ont confirmé en analysant la composition de ces inclusions par
microscopie CLEM. Cette technique consiste à repérer une structure intéressante en
immunofluorescence et de l’analyser ensuite en microscopie électronique pour augmenter la résolution.

Les images ont été colorisées pour faciliter l’analyse. On constate que dans ces corps de Lewy
obtenus in vitro, il y a des fibrilles d’a-synucléine de différentes tailles et plus ou moins assemblées (en
noir), des mitochondries surtout en périphérie (en vert), des vésicules qui ressemblent à des
autophagosomes (en jaune), des vésicules de type endosomal (en rose) et de type lysosomal (en mauve).
Cela ressemble très fort à la structure observée en 2019 dans les cerveaux post-mortem des patients
atteints de la maladie de Parkinson.

Sur base des résultats obtenus par plusieurs approches morphologiques et biochimiques, ils
sont arrivés à ce modèle de formation des corps de Lewy in vitro.

Après endocytose, les PFFs d’a-synucléine pourraient s’échapper des endosomes, peut-être en
altérant leur membrane (1). Une fois dans le cytoplasme, ils subiraient un clivage puis interagiraient

92
avec des protéines endogènes d’a-synucléine (2) provoquant leur agrégation et leur fibrillation. Après
modifications post-traductionnelles de l’a-synucléine et élongation, on trouverait dans ces nouvelles
fibrilles des protéines ubiquitinées et phosphorylées (notamment sur la S129) associées à des protéines
p62 et à du matériel amyloïde avec des feuillets b ThS+ (thioflavine S) (3). Des fibrilles tronquées dans
la partie C-terminale ou entières s’associeraient de façon latérale (4) pour former des faisceaux compacts
de fibrilles. Certains commencent à interagir ou à encercler des organites cellulaires tels que des
mitochondries, des autophagosomes et des vésicules de type endolysosomes. La séquestration des
organites pourrait résulter de perturbations du cytosquelette affectant le transport des organites dans les
axones (5). Enfin, la maturation de cet agrégat aboutirait à la formation de cette inclusion semblable à
un corps de Lewy (6). Ces modifications provoqueraient des dysfonctionnements de la transmission
synaptique et des mitochondries et in fine à la mort des neurones par apoptose.

è L’apparition des corps de Lewy ne correspondrait pas simplement à la formation continue,


la croissance et l’assemblage de fibrilles d’a-synucléine mais résulterait d’événements complexes
dépendant de l’agrégation de l’a-synucléine et impliquant le recrutement et la séquestration de protéines
et d’organites au cours du temps.

93
5. Dégradation de l’a-synucléine par le protéasome et par la macroautophagie.

Pour déterminer quel système de dégradation protéique était impliqué dans la dégradation de l’a-
synucléine, ces chercheurs ont réalisé des Western blots sur des cellules PC12 qui expriment de façon
inductible des formes WT et mutées (A30P et A53T) de l’a-synucléine et qui sont traitées avec des
inhibiteurs du système ubiquitine-protéasome (l’époxomycine et la lactacystine (à gauche)).
Ensuite, ils ont utilisé la 3-MA pour inhiber la macroautophagie et la rapamycine pour l’activer (à
droite). Dans tous les cas, l’a-tubuline sert de contrôle.

• Si on prend les cellules qui expriment la forme WT de l’a-synucléine, on voit qu’il y a une
augmentation de l’abondance de l’ a-synucléine quand on bloque le système ubiquitine –
protéasome avec l’époxomycine ou avec la lactacystine.
• Ils ont aussi transfecté des cellules avec des formes mutantes d’a-synucléine qui sont des formes
que l’on trouve dans des formes héréditaires de la maladie de Parkinson. Ce sont les formes
A30P et A53T. Normalement, ces alanines se trouvent dans la partie N-terminale de la protéine.
Les mutations pourraient perturber les interactions avec la membrane et donc la formation
d’agrégats dans la cellule. Quand on traite les cellules avec de l’époxomycine ou de la
lactacystine, il y a une nette accumulation d’a-synucléine, que ce soit avec A30P ou A53T.

è Cela suggère que toutes les formes (sauvage et mutées) de l’a-synucléine peuvent être dégradées,
en partie du moins, par le système ubiquitine-protéasome.

Pour savoir si la macroautophagie était aussi impliquée dans la dégradation de l’a-synucléine, ils
ont utilisé de la 3-MA (inhibiteur de la macroautophagie parce qu’elle inhibe la kinase VPS34). Ils
observent une augmentation de l’abondance de l’a-synucléine (sauvage et mutées). A l’inverse,
lorsqu’ils activent la macroautophagie avec de la rapamycine (inhibiteur de mTOR), ils observent une
diminution de l’abondance de l’a-synucléine (formes sauvage et mutées également).

è Donc, la macroautophagie intervient aussi dans la dégradation de l’a-synucléine.

Ces résultats montrent que l’a-synucléine peut être dégradée à la fois par le système ubiquitine-
protéasome et par la macroautophagie.

94
Il existe un autre type d’autophagie, l’autophagie assistée par les chaperones. Comme nous allons
le voir ultérieurement, cette voie particulière d’autophagie est également impliquée dans la dégradation
de l’a-synucléine tant in vitro que in vivo. D’abord, nous devons expliquer le mécanisme.

6. Dégradation de l’a-synucléine par autophagie assistée par des chaperones.

a. Caractéristiques des différentes formes d’autophagie.

Dans la macroautophagie, le phagophore isole le matériel à dégrader. Cette membrane s’allonge


jusqu’à former un compartiment à double membrane qui vient fusionner avec le lysosome. Dans
l’autophagie sélective, les protéines qui s’agrègent ou les mitochondries abîmées sont reconnues par un
système qui implique des récepteurs comme p62 et NBR1. Une fois que ces récepteurs reconnaissent
des agrégats ou des mitochondries, des autophagosomes se forment autour du matériel à dégrader et puis
fusionnent avec les lysosomes.

Dans la microautophagie, il y a une simple invagination de la membrane des endosomes (ou des
lysosomes) qui permet l’entrée de matériel dans la lumière des endolysosomes. Dans la microautophagie
endosomale, des protéines avec un motif « KFERQ » (une séquence en acides aminés) sont reconnues
par la chaperone Hsc70 et par des cochaperones qui amènent le complexe sur la membrane des
endolysosomes qui s’invaginent ensuite.

L’autophagie assistée pas les chaperones (CMA, pour chaperone-mediated autophagy) a été
découverte dans les années 1990s par Dice et Cuervo. C’est un système de dégradation intralysosomal
sélectif qui permet la dégradation d’une protéine à la fois. Elle repose aussi sur la reconnaissance des
protéines avec un motif de type « KFERQ » par la chaperone Hsc70 associée à des co-chaperones mais
ici, le complexe est amené sur la protéine LAMP2A ancrée dans la membrane de lysosomes. LAMP2A
est une protéine transmembranaire du lysosome qui forme un canal de translocation après
multimérisation. GFAP (glial fibrillary acidic protein) stabilise ce canal. Une forme particulière de
Hsc70 qui peut résister au pH acide (Hsc70 lys) apporte l’énergie nécessaire pour la translocation de la
protéine substrat dans la lumière du lysosome où la protéine est dégradée.

Tous les lysosomes ne sont pas capables de réaliser la CMA. Ils doivent posséder LAMP2A et
Hsc70 lys.

95
b. Caractéristiques essentielles de l’autophagie assistée par les chaperones.

Les protéines substrats de la CMA doivent présenter le motif « KFERQ » mais une flexibilité est
tolérée. Ce motif doit contenir une glutamine au début ou à la fin de la séquence pentapeptidique. Il faut
un ou deux acides aminés hydrophobes (ici phénylalanine mais cela pourrait aussi être une leucine, une
valine ou une isoleucine). Il faut un ou deux acides aminés chargés positivement (lysine ou arginine) et
chargés négativement (acide glutamique ou acide aspartique). Il y a donc une certaine souplesse dans le
motif et en plus, il y a des modifications post-traductionnelles de différents acides aminés (comme la
phosphorylation et l’acétylation) qui pourraient modifier leurs propriétés physico-chimiques. Jusqu’à
40 % des protéines de mammifères pourraient être dégradées par la CMA.

Il faut aussi que les protéines substrats soient dépliées. Cela ne peut pas être un agrégat ou un
organite abîmé comme pour la macroautophagie parce que le canal est trop étroit.

La CMA peut être activée ou inhibée dans certaines conditions. Comme la macroautophagie, la
CMA peut être activée (flèche verte) en cas de jeûne. Pendant les 8-10 premières heures d’une période
de jeûne, c’est la macroautophagie qui est activée et ensuite c’est la CMA qui prend le relais. Cela
permet de recycler des acides aminés. En effet, après dégradation des protéines, des acides aminés vont
être ré-utilisés pour la synthèse de nouvelles protéines ou pour la synthèse du glucose par la
gluconéogenèse. Cela permet un apport énergétique aux cellules en période de jeûne. On sait aussi que
la CMA peut être activée par un stress oxydant léger, en cas de dommages à l’ADN, en cas d’hypoxie
et lorsque les cellules sont incubées transitoirement avec une certaine quantité de lipides (par exemple
le b-hydroxybutyrate, un corps cétonique).

La CMA diminue avec l’âge, tout comme la macroautophagie. C’est pourquoi dans les maladies
neurodégénératives, il y a toujours une accumulation de protéines et de matériel non dégradés. En plus,
les cellules neuronales ne peuvent pas (beaucoup) se diviser et elles accumulent des molécules agrégées
qui peuvent être toxiques pour la cellule. Au contraire, les cellules somatiques qui se divisent peuvent
répartir ces produits toxiques dans les cellules-filles.

96
c. Mécanisme de l’autophagie assistée par des chaperones (CMA).

La CMA nécessite une protéine membranaire lysosomale, appelée LAMP2A. Dans cette famille,
il existe LAMP1, LAMP2A, LAMP2B, LAMP2C. Ce sont toutes des protéines monomériques avec un
grand domaine luminal très glycosylé, un passage transmembranaire et puis un stretch de 11-12 acides
aminés dans le cytosol. La composition change d’une forme de LAMP à l’autre. Il y a aussi des petites
modifications au niveau du segment TM. On peut distinguer ces différentes isoformes avec des anticorps
dirigés contre la partie cytosolique. Seule la queue cytoplasmique de LAMP2A est capable de
reconnaître le motif « KFERQ ». Une fois que la protéine substrat est reconnue par la chaperone Hsc70,
des cochaperones (Hsp90, Hip, Hop, etc.) vont rejoindre le complexe pour essayer de déplier cette
protéine. Le complexe se lie sur LAMP2A qu’il soit sous forme mono- ou multimérique. Normalement,
LAMP2A existe sous forme monomérique mais en cas d’activation de la CMA, elle polymérise et forme
un canal de translocation. Il a été montré que Hsp90 (une chaperone qui est dans la lumière du lysosome
et qui résiste au pH acide) stabilisait une forme intermédiaire homotrimérique de LAMP2A. Une fois
que le complexe de translocation est formé, il est stabilisé par la GFAP (glial fibrillary acidic protein)
non phosphorylée. La protéine avec le motif « KFERQ » est transloquée et se retrouve dans la lumière
du lysosome. Ce système permet la translocation d’une protéine à la fois et elle doit être complètement
dépliée. La translocation nécessite une autre forme de Hsc70 qui est la forme lysosomale de Hsc70. Elle
résiste au pH acide et à la dégradation par les hydrolases lysosomales parce qu’elle a un point
isoélectrique acide et porte des modifications post-traductionnelles. On ne sait pas comment elle arrive
dans la lumière des lysosomes. Après la translocation de la protéine, une forme de Hsc70 associée à la
membrane des lysosomes favorise la dissociation des multimères de LAMP2A. LAMP2A se retrouve
sous forme monomérique et se déplace vers des micro-domaines lipidiques à la surface des lysosomes.
Là, elle va être dégradée par la cathepsine A et par une métalloprotéinase non encore identifiée.

La GFAP est connue pour être un composant des filaments intermédiaires mais ici, elle joue un
autre rôle. En microscopie, elle n’apparaît pas sous forme de filaments mais sous forme de points diffus.
La GFAP existe sous deux formes : phosphorylée et non phosphorylée. Dans les conditions de jeûne,
GFAP est non phosphorylée et liée au canal de translocation. Une partie de GFAP phosphorylée interagit
avec EF1a (elongation factor 1a). Lorsque le milieu est riche en nutriments, EF1a est phosphorylé par

97
Akt et se détache de la membrane. GFAP non phosphorylée rejoint alors la GFAP phosphorylée,
déstabilisant ainsi le canal de translocation.

La CMA peut se faire dans toutes les cellules mais pas dans tous les lysosomes. Il faut que les
lysosomes renferment de l’Hsc70 dans leur lumière et sur leur membrane. Cette quantité peut varier
en fonction des besoins en CMA et du pH intralysosomal. Dans les lysosomes contenant de l’Hsc70,
l’efficacité de la CMA dépend de l’abondance de LAMP2A. Il y a peu de CMA quand il y a peu de
LAMP2A mais si la CMA est activée, comme par exemple en période de jeûne ou de léger stress
oxydant, le niveau de LAMP2A augmente. L’abondance de LAMP2A dépend surtout de son taux de
dégradation et moins de son taux de synthèse et de son efficacité de transport entre le Golgi et les
lysosomes. C’est vraiment la dégradation de LAMP2A qui va déterminer si l’activité de la CMA est
importante ou pas. Dans le cerveau des personnes âgées, l’activité de la CMA diminue parce qu’il y a
un changement de la composition lipidique des membranes qui entraîne une accélération de la
dégradation de LAMP2A.

d. Principaux rôles physiologiques de la CMA.

La CMA a de nombreux rôles physiologiques. Dans toutes les cellules, elle permet de produire
des acides aminés nécessaires pour la synthèse protéique lors d’une période de jeûne. Elle intervient
également en cas de stress oxydant car elle permet de dégrader des protéines oxydées. Dans les cellules
hépatiques, elle module aussi le métabolisme en dégradant certaines enzymes clés de la glycolyse, du
cycle de Krebs ou de la synthèse des triglycérides. Elle a également un rôle sur la transcription car elle
peut dégrader des facteurs de transcription qui se trouvent dans le cytosol. Elle peut aussi dégrader
l’IkBa et donc elle peut jouer un rôle dans la réponse immunitaire et puis elle est capable de dégrader
des protéines impliquées dans le cycle cellulaire.

98
e. Test de dégradation de substrats avec un motif KFERQ par la CMA.

Pour déterminer si une protéine peut être dégradée par la CMA, il faut d’abord isoler les
lysosomes par centrifugation différentielle d’une fraction mitochondriale légère (fraction L selon le
schéma de C. de Duve) suivie d’une centrifugation isopycnique sur coussins de métrizamide (ou de
Nycodenz) (voir cours d’ultracentrifugation). Une fois que les lysosomes sont concentrés, on les incube
dans deux conditions différentes : une condition de binding et une condition de binding et uptake.

Dans la condition de binding, on incube les lysosomes isolés pendant 20 min à 37°C dans un
milieu isotonique avec la protéine substrat qui possède un motif « KFERQ ». Si c’est bien un substrat
de la CMA, cette protéine se fixe sur le récepteur LAMP2A. Elle est transloquée et se retrouve à
l’intérieur du lysosome. Comme les hydrolases lysosomales sont actives, la protéine substrat va être
dégradée. Ensuite, on lyse les lysosomes et on fait un WB avec un anticorps dirigé contre la protéine
d’intérêt. Cela permet d’évaluer la quantité de protéine d’intérêt sur la face externe des lysosomes
puisque tout ce qui se trouve à l’intérieur est dégradé. C’est pourquoi quand on travaille dans ces
conditions-là, on détermine le binding des protéines.

Dans la condition de binding et uptake, on incube les lysosomes avec des inhibiteurs des protéases
pendant 10 min à 0°C avant d’ajouter la protéine substrat. Les inhibiteurs de protéases rentrent dans la
lumière des lysosomes (ronds foncés). Ensuite, on incube les lysosomes avec des protéines substrats
avec le motif « KFERQ » pendant 20 min à 37°C. Si les protéines substrats sont transloquées dans la
lumière des lysosomes, elles restent intactes puisque les inhibiteurs de protéases empêchent l’action des
protéases. Dans ces conditions-là, on parle de binding et uptake (capture) car les protéines sont soit
fixées sur la face cytosolique de la membrane des lysosomes soit à l’intérieur des lysosomes.

Dans certaines figures, les collaborateurs de Dice et Cuervo présentent aussi des valeurs pour
l’uptake seul. Pour obtenir ces valeurs, ils prennent la valeur obtenue au cours de l’expérience de binding
+ uptake et ils enlèvent la valeur obtenue pendant le binding. La différence entre ces deux conditions
indique uniquement ce qu’il reste à l’intérieur des lysosomes, la quantité de protéines transloquées dans
la lumière des lysosomes.

99
f. L’a-synucléine WT est une protéine substrat de la CMA.

Voici les expériences qui démontent que l’a-synucléine WT peut être dégradée par la CMA.

f1. Test de binding et d’uptake de l’a-synucléine.

Cuervo et al. (2004) Science, 305, 1292-1295

Des lysosomes purifiés ont été incubés avec 4, 10 ou 20 µg d’a-synucléine purifiée pendant 20
minutes à 37°C puis lavés. Ensuite, un WB a été réalisé avec un anticorps anti-a-synucléine pour voir
l’abondance d’a-synucléine associée aux lysosomes. Ils obtiennent une réponse proportionnelle à la
dose ajoutée (augmentation du signal entre 4 et 10 µg d’a-synucléine) même s’il y a peut-être un
phénomène de sturation à 20 µg d’a-synucléine.
è L’a-synucléine interagit avec les lysosomes. Il y a une réaction de binding.

S’ils préincubent les lysosomes avec les inhibiteurs de protéases à 0°C, ils constatent une
augmentation de l’intensité du signal par rapport à l’expérience réalisée sans inhibiteur de protéases.
è Cela suggère que l’ a-synucléine peut non seulement se lier à la surface des lysosomes mais
qu’en plus, elle est capable de rentrer à l’intérieur des lysosomes pour être dégradée puisqu’on en
retrouve plus quand on inhibe les protéases intralysosomales.

f2. Test de compétition avec des substrats de la CMA.

Pour confirmer que l’a-synucléine est une protéine substrat de la CMA, ils ont fait des tests de
compétition avec de substrats connus de la CMA tels que la GAPDH (glycéraldéhyde P déshydrogénase)
et la RNase A.

Ils ont donc incubé des lysosomes uniquement avec de l’a-synucléine (piste 1) ou avec de l’a-
synucléine et de la GAPDH (piste 2) ou de la RNase A (piste 3) ou enfin avec de l’ovalbumine (piste
4). L’ovalbumine n’est pas du tout connue pour être un substrat de la CMA, elle sert donc de contrôle
négatif. C’est une expérience de binding qui est montrée. L’a-synucléine est associée à la membrane
des lysosomes mais quand on mélange l’a-synucléine avec un excès de GAPDH ou de RNase A, il y a
beaucoup moins d’a-synucléine associée à la membrane des lysosomes. Par contre, si on mélange l’a-
synucléine avec de l’ovalbumine, il n’y a pas d’impact sur la liaison de l’a-synucléine sur la membrane.

100
L’analyse quantitative de cette expérience est montrée en-dessous. Les chiffres représentent les
pourcentages d’inhibition de la liaison (et de la capture) de l’a-synucléine dans les lysosomes qui sont
incubés soit avec l’a-synucléine seule, soit combinée à de la GAPDH, de la RNase A ou de l’ovalbumine
en excès. Si on regarde les colonnes noires correspondant au binding, on voit qu’il y a 30 % d’inhibition
de la liaison de l’a-synucléine en présence de GAPDH et 46 % en présence de RNase A mais pas
d’inhibition avec l’ovalbumine. Par conséquent, dès qu’ils ajoutent des substrats connus de la CMA, ils
diminuent la liaison de l’a-synucléine sur ces lysosomes. Si on regarde les colonnes blanches
correspondant à l’uptake, c’est-à-dire tout ce qui est vraiment à l’intérieur des lysosomes, ce qui rentre
vraiment dans les lysosomes après avoir enlevé l’a-synucléine à la surface des lysosomes, on voit qu’il
y a toujours une inhibition. Elle est de 20 % pour la GAPDH et de 30 % pour la RNase A.
è Il y a une compétition entre les substrats naturels de la CMA et l’a-synucléine.

Ils ont également analysé le % de protéolyse de la GAPDH quand ils mélangent de l’a-synucléine
avec de la GAPDH en proportions décroissantes (rapports molaires de 0.25:1 à 5:1). Plus, ils mettent de
l’a-synucléine, plus le % de dégradation de GAPDH diminue (barres noires). On passe de 32 % sans a-
synucléine à 10 % avec un ratio a-Syn:GAPDH de 5:1. Autrement dit, la dégradation de la GAPDH par
la CMA diminue significativement quand on ajoute de l’a-synucléine et l’effet est d’autant plus marqué
qu’il y a de l’a-synucléine. Par contre, si on remplace l’a-synucléine par de l’ovalbumine, le % de
protéolyse de la GAPDH reste stable (barres blanches). Ceci suggère qu’il y a une compétition entre la
GAPDH et l’a-synucléine pour la fixation mais aussi pour la dégradation d’autres substrats.

f3. Inhibition de la liaison de l’a-synucléine sur les lysosomes en présence d’un


anticorps bloquant anti-LAMP2A.

Pour apporter une preuve supplémentaire que la CMA est impliquée dans la dégradation de l’a-
synucléine, ils ont ajouté un anticorps bloquant anti-LAMP2A. En se fixant sur LAMP2A, cet anticorps
empêche l’interaction des protéines cibles avec le récepteur de la CMA. C’est, selon les auteurs,

101
l’argument le plus convaincant pour distinguer la CMA de la microautophagie endosomale. On constate
que la quantité d’a-synucléine liée à la membrane des lysosomes diminue fortement, surtout avec 10 µg
d’anticorps anti-LAMP2A. Avec le sérum pré-immun, il n’y a pas d’effet.

f4. Rôle des résidus DQ dans la liaison de l’a-synucléine avec les lysosomes.

Si l’a-synucléine peut être dégradée par la CMA, elle doit posséder un motif de type « KFERQ ».
En réalité, il s’agit ici de la séquence VKKDQ (Q en dernière position, deux acides aminés chargés
positivement, un acide aminé chargé négativement et un acide aminé hydrophobe). Donc, cela
s’apparente au motif « KFERQ ». Si l’a-synucléine est dégradée par la CMA, la délétion des deux acides
aminés (DQ) en position 98 et 99 doit inhiber la liaison de la protéine avec la membrane des lysosomes.
Effectivement, quand ils incubent les lysosomes avec une protéine a-synucléine où l’acide aspartique
et la glutamine ont été remplacés par deux résidus Ala, il y a une diminution du pourcentage d’a-
synucléine associée aux lysosomes (fig. A). De plus, il n’y a presque pas de diminution de la liaison de
la GAPDH, contrairement à ce qui se passe avec l’a-synucléine WT (fig. B). Cela signifie que l’a-
synucléine est reconnue par la machinerie de la CMA grâce à son motif « KFERQ » dans la partie C-
terminale.
Enfin, ils ont fait une co-immunoprécipitation (IP avec un anticorps anti-a-synucléine suivie d’un
WB avec l’anticorps anti-LAMP2A) pour déterminer si l’a-synucléine incubée en présence de
lysosomes intacts était capable d’interagir avec LAMP2A (fig. C). A gauche, nous avons le Flow
Through (quantité de LAMP2A qui n’est pas IP par l’anticorps anti-synucléine); à droite, le résultat de
la Co-IP (quantité de LAMP2A récupérée dans l’immunoprécipité obtenu avec un anticorps anti-a-
synucléine). Avec les lysosomes incubés avec de l’a-synucléine WT, on détecte un peu de LAMP2A
dans l’immunoprécipité mais pas avec la forme ∆DQ. Par rapport à la quantité de LAMP2A dans le
flow-through, la quantité de LAMP2A qui interagit avec l’a-synucléine WT est faible mais elle est bien
réelle.

è Le motif « VKKDQ » apparenté au motif « KFERQ » est donc indispensable pour


l’interaction entre l’a-synucléine WT et LAMP2A.

Toutes ces expériences montrent qu’en plus du système ubiquitine-protéasome et de la


macroautophagie, l’a-synucléine WT peut être dégradée par l’autophagie assistée par les chaperones.

102
g. Les formes mutantes de l’a-synucléine ne sont pas dégradées par la CMA.

Est-ce que les formes mutées A30P et A53T que l’on trouve dans les formes héréditaires de la
maladie de Parkinson sont également reconnues par la CMA ?

Sur la figure du haut, on constate que la quantité d’a-synucléine WT (cercles verts) associée aux
lysosomes augmente en présence d’inhibiteurs de protéases. Avec les formes mutées A30P et A53T
(ellipses rouges), il y a une quantité plus importante d’a-synucléine fixée sur la membrane des
lysosomes par rapport à l’a-synucléine WT (Binding). Toutefois, en présence d’inhibiteurs de protéases,
il n’y a pas d’augmentation mais plutôt une diminution de l’intensité du signal (Binding + Uptake). Cela
suggère que ces protéines A30P et A53T sont capables de se fixer sur la surface des lysosomes mais
qu’elles ne sont pas dégradées par les lysosomes.

Quand on regarde les valeurs de Binding, on constate que 2 % d’a-synucléine WT ajoutée se


retrouvent à la surface des lysosomes. Quand on utilise l’a-synucléine A30P ou A53T, on a des valeurs
qui peuvent monter à 5-6%. Cette augmentation de la liaison des protéines mutantes sur les lysosomes
est due à une diminution de la capture de ces protéines. En effet, si on regarde les valeurs de Uptake (c.-
à-d. la différence entre le binding + uptake et le binding seul) on constate que 5,5 % d’a-synucléine WT
engagée au départ sont entrées dans la lumière des lysosomes alors qu’il n’y a presque rien avec les
protéines mutantes. Cela montre bien que ces deux protéines a-synucléine mutantes A30P ou A53T sont
capables de se lier à la membrane des lysosomes mais qu’elles ne sont pas internalisées. Est-ce parce
qu’elles forment des oligomères ou parce qu’elles sont mal repliées qu’elles ne peuvent pas être
transloquées à travers la membrane des lysosomes ? On ne peut pas le dire.

è Les deux protéines a-synucléine mutantes A30P et A53T sont capables de se lier à la
membrane des lysosomes mais ne rentrent pas à l’intérieur des lysosomes.

h. Les formes mutantes de l’a-synucléine inhibent la CMA.

Est-ce que la présence de ces deux protéines mutantes a un impact sur la protéolyse des autres
substrats de la CMA ? Pour répondre à cette question, les auteurs ont étudié la protéolyse de la GAPDH
en présence de différentes concentrations d’a-synucléine.

103
Les points noirs sont les résultats obtenus avec l’a-synucléine sauvage. Les triangles blancs et les
carrés blancs montrent les résultats obtenus avec les deux formes mutantes A30P et A53T,
respectivement. Comme vu précédemment, la protéolyse de la GAPDH diminue au fur et à mesure
qu’on ajoute une quantité importante d’a-synucléine WT à cause de la compétition. Si on remplace la
forme WT par les formes mutantes, on voit qu’il y a toujours une protéolyse de la GAPDH mais elle est
significativement plus faible qu’avec l’a-synucléine WT à 5 et 10 µM.

è La présence de ces formes A30P et A53T qui ne peuvent pas être dégradées par la CMA
diminue significativement la dégradation de substrats naturels de la CMA comme la GAPDH.

i. Inhibition de la protéolyse lysosomale des protéines de longue durée de vie par des
formes mutantes naturelles d’a-synucléine.

Ensuite, les chercheurs se sont demandé si l’expression des formes mutantes de l’a-synucléine
avait un impact sur la protéolyse des protéines de longue durée de vie. Il faut en effet savoir que la CMA
est activée après une longue période de jeûne (>8-10h) contrairement à la macroautophagie qui est
activée rapidement (<10h). Il n’existe pas d’inhibiteur spécifique de la CMA. Par conséquent, pour
étudier sa contribution dans la dégradation des protéines de longue durée de vie, il faut mesurer les %
de protéolyse obtenus en présence d’un inhibiteur de l’activité lysosomale (NH4Cl ou chloroquine) et
soustraire les % de protéolyse obtenus en présence d’un inhibiteur de la macroautophagie, la 3-MA.

Concrètement, il faut faire un marquage métabolique avec de la valine marquée au 14C sur une
période de temps de 16 à 24h. Après cette longue période de marquage, il faut enlever le milieu radioactif
et le remplacer par du milieu contenant de la valine froide pour une période de 4h. Pendant cette période
de chasse, toutes les protéines de courte durée de vie sont dégradées, notamment par le protéasome et
par la macroautophagie. Ensuite, on change à nouveau le milieu et on incube les cellules pendant 4, 10
ou 22 h pour suivre la dégradation des protéines qui ont un temps de demi-vie très long. A l’issue de

104
cette seconde période de chasse, on récupère les cellules et on précipite les protéines en ajoutant du TCA
glacé (acide tri-chloro-acétique 15% final) et en incubant 15-30 min à 4°C. Ensuite, on centrifuge
pendant 3 minutes à 13.000 g et on obtient un surnageant et un culot. On sépare le surnageant et le culot.
Dans le surnageant, on trouve les petits peptides et les acides aminés (solubles) et dans le culot, on
retrouve les protéines et des polypeptides de taille suffisante pour précipiter et sédimenter dans le fond
du tube. Les protéines de longue durée de vie (et leurs dérivés contenant de la valine) sont radioactives.
Pour calculer le pourcentage de protéolyse, on divise la radioactivité (cpm ou coups par minute) associée
au surnageant (donc la radioactivité soluble) par la somme de la radioactivité présente dans le surnageant
(soluble) et de la radioactivité présente dans le culot (le précipité) et on multiplie par 100.

Dans ces conditions-là, on obtient la dégradation de toutes les protéines de longue durée de vie.
Pour connaître la proportion de protéines dégradées spécifiquement par la macroautophagie, il faut
ajouter de la 3-méthyladénine (3-MA) pendant la période de chasse. Pour connaître la proportion de
protéines dégradées dans les lysosomes (macroautophagie et CMA), il faut faire l’expérience en
présence de NH₄Cl ou de chloroquine pour inhiber l’activité lysosomale. Pour calculer le pourcentage
de protéines de longue durée de vie dégradées par la CMA uniquement, il faut faire la différence entre
les valeurs obtenues avec le NH4Cl et avec la 3-MA car il n’y a pas moyen d’inhiber spécifiquement la
CMA.

Voici les pourcentages de protéolyse de protéines de longue durée de vie, observés dans les
cellules incubées sans sérum, de façon à favoriser l’autophagie, sans surexpression d’a-synucléine ou
après surexpression de l’a-synucléine WT ou des a-synucléines A30P et A53T.

A gauche, à jeun et sans NH4Cl

• On voit que le pourcentage de protéolyse en absence d’a-synucléine est relativement important


puisqu’après 22h, on a un peu plus que 80 % de protéolyse. Cette protéolyse peut être due à
l’activité de protéases cytoplasmiques, à la microautophagie endosomale, à la macroautophagie,
ou à la CMA.
• Si on surexprime l’a-synucléine WT, on voit qu’il n’y a presque pas de différence par rapport
aux cellules non transfectées. L’expression de l’a-synucléine sauvage n’inhibe pas le taux de
protéolyse des protéines de longue durée de vie.
• Si on surexprime les formes mutantes A30P ou A53T, on voit que le pourcentage de protéolyse
est significativement plus faible que dans les cellules contrôles et dans les cellules transfectées
avec l’a-synucléine WT. La surexpression de ces deux protéines mutantes atténue
significativement la protéolyse.

105
A droite, à jeun et avec NH4Cl

• Si on fait la même expérience en présence de NH₄Cl, on inhibe l’activité des hydrolases


lysosomales puisqu’on augmente le pH intralysosomal. Autrement dit, toutes les voies de
dégradation des protéines impliquant les lysosomes sont bloquées. On constate que dans les
cellules qui n’expriment pas l’a-synucléine et dans les cellules qui expriment l’a -synucléine
WT, le pourcentage de protéolyse chute à environ 30%, contre environ 80% de protéolyse sans
NH4Cl. Cela signifie que dans ces cellules, 50 % des protéines sont dégradées grâce à l’activité
hydrolytique intralysosomale (macroautophagie ou CMA).

• Par contre, dans les cellules qui expriment les a-synucléines A30P et A53T, le pourcentage de
protéolyse des protéines de longue durée de vie passe de 40-50% à 20-25% après addition de
NH4Cl. Donc, il y a aussi une inhibition de la dégradation des protéines mais elle est moins
marquée que dans les cellules contrôles.

Ensuite, les chercheurs ont fait la même expérience avec de la 3-MA pour inhiber spécifiquement
la macroautophagie et ils ont comparé les résultats avec ceux que l’on vient de décrire avec le NH4Cl.
Sur cette figure, ils n’ont pas représenté les % de protéolyse mais le pourcentage d’effet inhibiteur, soit
du NH4Cl, soit de la 3-méthyladénine sur la protéolyse des protéines de longue durée de vie.

• Les rectangles noirs reprennent exactement les résultats décrits avant. Ils regardent le
pourcentage de protéolyse en absence de NH4Cl et ils enlèvent le pourcentage de protéolyse
obtenu avec NH4Cl. Donc, ils font « 80%-30% », cela fait environ 50% dans les cellules non
transfectées. Dans les cellules qui expriment l’α-synucléine sauvage, on a pratiquement le
même pourcentage. Donc, cela veut dire que 50% des protéines de longue durée de vie sont
dégradées par les lysosomes.

• Les rectangles blancs montrent les résultats obtenus avec la 3-MA. Dans les cellules qui
n’expriment pas l’α-synucléine et dans les cellules qui surexpriment l’α-synucléine sauvage,
l’effet inhibiteur de la 3-méthyladénine sur la protéolyse est beaucoup moins marqué que celui
du NH4Cl. Comme ces valeurs sont très faibles, cela veut dire que la 3-méthyladénine a peu
d’impact sur la protéolyse et que dans ces conditions-là, la macroautophagie ne participe pas
beaucoup à la protéolyse des protéines de longue durée de vie. La différence entre les % obtenus
avec le NH4Cl et avec la 3MA serait due à la CMA, soit 50-60 %.
• Dans les cellules qui surexpriment les formes mutantes de l’α-synucléine (A30P et A53T), le
traitement avec le NH4Cl inhibe environ 20-30 % de la protéolyse des protéines de longue
durée de vie. De façon intéressante, ils obtiennent des pourcentages d’inhibition similaires avec
la 3-MA. Cela suggère d’une part, que la macroautophagie est plus active dans ces cellules qui

106
surexpriment l’a-synucléine A30P ou A53T que dans les cellules contrôles et les cellules qui
surexpriment l’a-synucléine WT et, d’autre part, que la CMA semble être inhibée. En effet, si
on enlève le pourcentage de protéolyse obtenu avec la 3-MA du pourcentage d’inhibition
obtenu avec le NH4Cl pour obtenir le pourcentage de protéolyse due à la CMA, on arrive à des
valeurs quasiment nulles.

è L’expression des a-synucléines mutantes semble inhiber l’autophagie assistée par les
chaperones avec en contrepartie une augmentation de l’activité de la macroautophagie.

Souvent quand la macroautophagie est inhibée, la CMA est activée et inversement, si la


macroautophagie est augmentée, la CMA diminue. Il y a souvent un phénomène compensatoire entre
les deux. Dans le cerveau des personnes âgées, il n’y aurait pas de phénomène de compensation.

j. La surexpression de Lamp2A in vivo empêche la perte des neurones dopaminergiques


induite par l’a-synucléine.

Qu’en est-il in vivo ? Si on pouvait booster la CMA en augmentant l’expression de Lamp2A, on


pourrait peut-être réduire la toxicité de l’a-synucléine. Comme dit précédemment, la maladie de
Parkinson est caractérisée par une diminution des neurones dopaminergiques, principalement dans la
substance noire que l’on peut facilement localiser grâce à la neuromélanine, un pigment foncé synthétisé
à partir de la L-DOPA. C’est d’ailleurs pour cela qu’on appelle cette région du cerveau la substance
noire.

Dans cette étude, ils ont réussi à injecter des particules virales (AAVs) contenant la séquence
nucléotidique de Lamp2A ou de l’a-synucléine (AS), dans la substance noire (côté ipsilatéral). Ils n’ont
pas touché la substance noire située dans l’autre hémisphère (côté contralatéral) de façon à mesurer
l’impact de la surexpression de LAMP2A et de l’AS sur le cerveau d’un même animal en comparant les
deux hémisphères. Cela permet de réduire les différences inter-individuelles.

Huit semaines après l’injection, ils ont comparé le nombre de neurones du côté ipsilatéral par
rapport au nombre de neurones du côté contralatéral sur de coupes histologiques. Trois conditions sont
reprises ici. Au-dessus, ils ont injecté des particules virales recombinantes contenant la GFP et Lamp2a.
Dans la condition du milieu, ils ont utilisé des particules qui contiennent la GFP et de l’α-synucléine
sauvage. Dans la dernière condition, ils ont utilisé des particules contenant l’α-synucléine sauvage et

107
Lamp2a. Puis, ils ont compté le nombre de neurones positifs pour la tyrosine hydroxylase (Th+), une
oxydoréductase qui convertit la tyrosine en L-DOPA, un précurseur de la dopamine et de la
neuromélanine. Ils correspondent donc aux neurones dopaminergiques qui sont colorés en noir.

Dans la première condition, on voit qu’il y a un peu moins de cellules neuronales du côté
ipsilatéral par rapport au côté contralatéral. Ils constatent qu’il y a 80% de neurones Th+ positifs dans la
partie de droite par rapport à la partie de gauche. Donc, on aurait perdu environ 20% de neurones tyrosine
hydroxylase positifs après injection de GFP et Lamp2a. Ces 20% de mortalité pourraient être dus à la
toxicité de la GFP ou à l’opération chirurgicale. Dans les expériences où ils ont surexprimé la GFP et
l’α-synucléine à droite, on voit que le nombre de neurones Th+ est beaucoup plus faible du côté
ipsilatéral que du côté contralatéral. On a perdu 35% de neurones Th+. Cela traduit la neurotoxicité de
la surexpression de l’α-synucléine dans la substance noire. Par contre, quand ils augmentent l’expression
de l’α-synucléine en même temps que l’expression de Lamp2a, on voit qu’ils restaurent partiellement le
nombre de neurones Th+ dans la partie ipsilatérale.

è La surexpression de Lamp2a empêche la neurotoxicité de l’a-synucléine également in vivo.

Comme les neurones dopaminergiques libèrent de la dopamine que l’on peut retrouver au niveau
du striatum, ils ont mesuré l’abondance de la dopamine (DA) dans le striatum par une technique de
HPLC (chromatographie liquide à haute pression). Ils considèrent que les valeurs obtenues avec la GFP
et Lamp2a correspondent à 100%. Dans les tissus qui expriment l’α-synucléine et la GFP, il y a une
baisse significative du niveau de dopamine par rapport aux tissus qui surexpriment GFP et Lamp2a.
S’ils surexpriment l’α-synucléine et Lamp2a, ils obtiennent une quantité de dopamine qui est même
supérieure à celle qu’ils avaient dans les tissus qui expriment GFP et Lamp2a.

è La surexpression de Lamp2a empêche la diminution de la dopamine dans le striatum.

Pour s’assurer que la surexpression de LAMP2A induisait aussi une diminution de l’a-synucléine
injectée, ils ont extrait des tissus de cerveau moyen ventral, solubilisé les protéines avec du Triton X-
100 ou avec du SDS et réalisé des WB.

Ils ont déposé sur le gel alternativement des échantillons de tissus surexprimant la GFP et l’α-
synucléine et des échantillons de tissus surexprimant l’α-synucléine et HA-Lamp2a.

108
Grâce à l’épitope HA ajouté à Lamp2A, ils ont pu analyser uniquement l’abondance des protéines
Lamp2A injectée. Pour détecter l’a-synucléine injectée, ils ont utilisé l’anticorps LB 509 qui reconnaît
l’a-synucléine humaine injectée mais pas l’a-synucléine de rat.

Chaque fois que Lamp2a est détecté avec l’anticorps anti-HA, on observe une diminution de
l’abondance de l’α-synucléine dans les lysats tissulaires. Cela se voit aussi au niveau du pourcentage
relatif de protéines (en bas) : il y a bien une diminution significative de l’abondance de l’α-synucléine
injectée et soluble dans le Triton X-100 lorsque les tissus surexpriment Lamp2a par rapport aux tissus
qui expriment la GFP.

Ils ont également réalisé un Western blot avec un anticorps qui reconnait spécifiquement une
forme phosphorylée de l’α-synucléine. C’est une phosphorylation au niveau de la sérine en position 129.
Cette analyse est intéressante parce que 90% de l’α-synucléine contenue dans les corps de Lewy se
présenteraient sous cette forme-là. Lorsque l’on regarde le Western blot réalisé avec l’anticorps anti-α-
synucléine phosphorylée (p-AS, S129), il y a toujours une diminution dans les tissus qui expriment
Lamp2a par rapport aux tissus contrôles qui sont juste à côté. Dans les chiffres, on voit aussi une
diminution de l’abondance de l’α-synucléine phosphorylée mais étonnamment, ce n’est pas significatif.

è Lorsque l’on surexprime Lamp2a dans la substance noire du cerveau de rat, il y a une
diminution de l’α-synucléine monomérique. Cela explique probablement pourquoi la neurotoxicité est
plus faible dans la substance noire du côté ipsilatéral par rapport au côté contralatéral.

Pour voir si la CMA pouvait empêcher l’accumulation d’oligomères d’a-synucléine, ils ont
récupéré les culots obtenus après la lyse des tissus dans le Triton X-100 et une centrifugation à haute
vitesse. Ces culots contenant les protéines insolubles dans le Triton X-100 ont ensuite été incubés dans
du SDS, un détergent ionique qui est capable de dissocier les protéines contenues dans des agrégats. Les
protéines ainsi solubilisées dans le SDS ont été soumises à une électrophorèse. Ici, ils ont déposé sur le
gel trois échantillons provenant de tissus exprimant la GFP et l’α-synucléine suivis de trois échantillons
provenant de tissus exprimant l’α-synucléine et Lamp2a. La β-actine sert de contrôle de charge.

Sur le WB réalisé avec un anticorps anti-a-synucléine (Syn-1, un anticorps capable de détecter


les formes murines et humaines), on voit que l’intensité de la bande correspondant à l’α-synucléine
monomérique (15 kDa) diminue dans les tissus qui expriment l’α-synucléine et Lamp2a par rapport aux
tissus qui expriment la GFP et l’α-synucléine. C’est conforme aux résultats précédents.

La partie supérieure de la figure montre le même blot mais exposé plus longtemps. On retrouve
l’α-synucléine sous forme monomérique autour de 15 kDa mais qui est surexposée. Dans la partie
supérieure du gel, on retrouve des protéines de poids moléculaire plus élevé. Ce sont probablement des
oligomères d’α-synucléine présents en grande quantité dans les tissus qui expriment l’α-synucléine et la
GFP et qui disparaissent en grande partie lorsqu’on surexpriment l’α-synucléine avec Lamp2a. Cela ne
veut pas dire que l’autophagie médiée par les chaperones est capable de dégrader des oligomères
de poids moléculaire élevé. Au contraire, la CMA est conçue pour dégrader une protéine dépliée à la
fois. Ce résultat suggère que, en dégradant les monomères d’a-synucléine, la CMA empêche la
formation et l’accumulation d’oligomères d’a-synucléine.

è L’abondance des oligomères d’α-synucléine diminue lorsque la CMA est stimulée


probablement parce qu’elle empêche la formation d’oligomères à partir de monomères. Par conséquent,
les résultats in vivo confirment les résultats in vitro. Il faudrait trouver un moyen pour augmenter
l’expression ou la stabilité de LAMP2A dans le cerveau des personnes âgées pour retarder l’évolution

109
de la maladie de Parkinson. Il y a là un intérêt thérapeutique évident, d’autant plus que l’efficacité de la
CMA diminue avec l’âge.

7. Activation de la voie UPR dans la maladie de Parkinson.

a. Introduction

Le mauvais repliement des protéines dans le RE, suite à une mutation génétique, à une synthèse
accrue de protéines, à une période de jeûne ou à une surcharge en lipides, conduit inexorablement à un
stress du RE qui lui-même met en danger la survie de la cellule. Pour rétablir l’homéostasie du RE, les
cellules disposent du système de dégradation des protéines associé au RE (ERAD). Si la charge de
protéines mal repliées est trop importante, les cellules eucaryotes développent souvent une réponse UPR
(unfolded protein response) qui est constituée de 3 voies. Ensemble, ces voies de transduction du signal
permettent de réduire la charge de protéines dans le RE en ralentissant la synthèse protéique, d’induire
la synthèse de protéines chaperones et de protéines impliquées dans le système (ERAD) en régulant la
transcription des gènes. En résumé, ces voies de communication entre le RE, le cytosol et le noyau
permettent à la cellule de réagir rapidement à divers stimuli afin de rétablir l’homéostasie protéique dans
le RE. Si le stress du RE persiste, la macroautophagie peut être activée par la voie PERK-ATF4 qui
induit l’expression de protéines clés de cette voie de dégradation lysosomale.

Récemment, des chercheurs ont montré que dans un modèle de la maladie de Parkinson, la réponse
UPR pouvait aussi activer l’autophagie assistée par les chaperones. Avant de vous montrer leurs
résultats, il faut d’abord expliquer en quoi consiste cette réponse UPR.

b. La réponse UPR : Généralités

Quand il y a une accumulation de protéines mal repliées dans le RE, cela crée un stress cellulaire.
Pour éviter cette situation, il y a une communication entre le RE et le noyau par l’intermédiaire de trois
protéines transmembranaires : IRE 1a, PERK et ATF6 qui contribuent à la réponse UPR (Unfolded
Protein Response). Ensemble, elles vont agir pour diminuer la synthèse protéique, induire la synthèse
des chaperones, stimuler l’ERAD et étendre les membranes du RE en stimulant la synthèse lipidique. Si
le stress persiste, cela peut conduire à la mort des cellules par apoptose.

110
IRE1a (inositol-requiring enzyme 1a) est une sérine-thréonine kinase avec une activité
endonucléase. ATF6 (activating transcription factor 6) est un facteur de transcription dépendant de
l’AMPc. PERK (dsRNA-activated protein kinase (PKR)-like ER kinase) est une kinase.. Toutes les trois
sont des protéines transmembranaires avec un domaine de transduction du signal du coté cytosolique et
un domaine luminal d’interaction avec une chaperone, appelée BiP ou Grp78. Normalement, BiP se lie
à ces protéines sensors mais s’il y a une accumulation de protéines mal repliées dans la lumière du RE,
BiP se détache et va interagir avec les protéines mal repliées parce qu’elle a plus d’affinité pour les
protéines mal repliées que pour les protéines sensors. Les trois branches de l’UPR sont alors activées
de manière concertée. IRE 1a s’oligomérise, se transautophosphoryle, ce qui va entraîner un
changement de conformation et une augmentation de son activité endoribonucléase. IRE1a activée va
enlever une séquence de 26 nucléotides dans l’ARNm de XBP1 (X-box binding protein). La re-ligation
(splicing) provoque un déplacement du cadre de lecture, ce qui permet la traduction de l’ARNm jusqu’au
codon Stop. La forme épissée de XBP1, appelée XBP1s, agit comme un facteur de transcription stable
et efficace. Elle va rentrer dans le noyau et activer la transcription de gènes codant pour des chaperones,
des PDIs (protein disulfide isomerase) et des protéines impliquées dans la translocation de protéines,
dans l’ERAD et dans le transport des protéines du RE au Golgi. Le domaine endoribonucléase de IRE1a
peut aussi dégrader des ARNm et des miRNA qui se trouvent à proximité de la membrane du RE. Ce
processus appelé RIDD (regulated IRE1a-dependent decay) permet de réduire la charge de protéines
dans le RE et agirait seulement en cas de stress sévère et conduirait souvent à la mort cellulaire.

Après retrait de BiP, PERK subit une dimérisation et une autophosphorylation. Le domaine
cytoplasmique du dimère PERK phosphoryle de façon transitoire eIF2a, le facteur d’initiation de la
traduction 2a. Une fois phosphorylé, eIF2a inhibe la traduction des ARNm avec une coiffe, ce qui
réduit l’arrivée de protéines dans le RE. Par contre, eIF2a phosphorylé favorise la traduction d’ARNm
non coiffés avec des cadres ouverts de lecture dans les régions 5’ non traduites, dont l’ARNm du facteur
de transcription ATF4. ATF4 régule l’expression d’autres facteurs de transcription (dont CHOP) et de
gènes impliqués dans le transport des acides aminés, de la synthèse du glutathion et de la résistance au
stress oxydant. Le dimère actif de PERK phosphoryle aussi Nrf2, un facteur de transcription qui active
la réponse antioxydante. CHOP favorise la mort cellulaire par apoptose durant une activation soutenue
de PERK.

111
En cas d’accumulation de protéines mal repliées dans la lumière du RE, ATF6a est transporté du
RE vers l’appareil de Golgi où la partie cytoplasmique est phosphorylée puis clivée par l’action
séquentielle de deux protéases liées aux membranes et qui coupent des facteurs de transcription : la S1P
et la S2P. Le fragment libéré agit comme un facteur de transcription : il passe dans le noyau, se lie à une
séquence spécifique d’ADN et induit la transcription de gènes de chaperones ou de gènes impliqués
dans la synthèse des lipides. ATF6 aurait donc une activité comparable à celle de XBP1s.

Si ces systèmes de réparation fonctionnent, cela peut assurer la survie cellulaire. Si au contraire,
le stress du RE persiste, ils peuvent entraîner la mort des cellules par apoptose et de l’inflammation, en
particulier via la branche dépendante de PERK.

c. La réponse UPR dans la maladie de Parkinson

Différentes expériences ont montré que la réponse UPR était activée dans le cerveau des patients
atteints de la maladie de Parkinson. Par exemple, voici des figures obtenues sur des coupes histologiques
de neurones dopaminergiques de la substance noire de cerveaux de patients.

Sur ces images d’immunohistochimie, on constate un marquage obtenu avec un anticorps anti-
PERK phosphorylé et avec un anticorps anti-eIF2a phosphorylé (en haut). En bas, on voit une
colocalisation entre PERK phosphorylé et l’a-synucléine. Attention, il faut regarder les points rouges et
pas les petits points bruns qui correspondent à la neuromélanine, contenue dans ces neurones
dopaminergiques.

Pour déterminer s’il existe un lien entre le stress du RE et la pathogenèse de la maladie de


Parkinson, des chercheurs ont mis au point différents modèles expérimentaux, que ce soit des cellules
en culture ou des animaux. Un modèle souvent utilisé consiste à injecter de la 6-hydroxydopamine (6-
OHDA) dans la substance noire de souris ou de rats.

d. L’injection de 6-OHDA dans la SN provoque la mort des neurones dopaminergiques

Dans cet article, ils ont injecté de la 6-OHDA (6-hydroxydopamine) ou de la tunicamycine dans
la substance noire de cerveaux de rat. La 6-OHDA est une neurotoxine souvent utilisée pour mimer le
phénotype Parkinson. Elle agit en induisant un stress oxydant. La tunicamycine est un inhibiteur de la
N-glycosylation des protéines dans le RE. Comme la glycosylation est un facteur important dans le
repliement des protéines, l’injection de tunicamycine dans le cerveau favorise l’accumulation de
protéines mal repliées dans la lumière du RE et crée un stress du RE.

112
Sept jours après l’injection des toxines, ils ont analysé l’abondance des neurones
dopaminergiques dans la substance noire. Ils ont observé une diminution significative du nombre de
neurones positifs pour la tyrosine hydroxylase par unité de surface aussi bien dans les animaux traités
avec la tunicamycine qu’avec les animaux traités avec la 6-OHDA.

è Cela suggère que le 6-OHDA pourrait provoquer un stress du RE suivi de la mort des
neurones, comme le fait la tunicamycine.

e. L’injection de 6-OHDA déclenche l’oligomérisation de l’a-synucléine

Ils ont ensuite examiné si l’injection de 6-OHDA avait un impact sur l’a-synucléine en faisant un
WB sur des homogénats de tissus. Les résultats montrent que l’injection de 6-OHDA provoque une
oligomérisation de l’a-synucléine. Toutefois, elle ne semble pas aussi efficace que l’injection de
tunicamycine.

Ils ont donc injecté de la tunicamycine ou du 6-OHDA dans la substance noire de rats et récolté
les cerveaux médians ventraux 7 jours après. Sur le blot obtenu avec des lysats tissulaires, on constate
que le traitement avec la tunicamycine provoque une augmentation de l’abondance des monomères d’a-
synucléine (15 kDa) par rapport aux tissus contrôles mais elle n’est pas significative. L’injection de 6-

113
OHDA n’a pas d’effet sur l’abondance des monomères. Par contre, l’injection de tunicamycine
provoque une augmentation hautement significative de l’abondance des oligomères d’a-synucléine
(traînée comprise entre 25 et >180 kDa). La tunicamycine conduit donc à une oligomérisation massive
de l’a-synucléine. Le blot et le graphe montrent qu’il y a aussi une augmentation des formes
oligomérisées de l’a-synucléine dans les homogénats de rats injectés avec le 6-OHDA par rapport aux
homogénats des rats contrôles mais la différence n’est pas significative. Même si le modèle 6-OHDA
n’est pas parfait, il reproduit en partie le phénotype de la maladie de Parkinson avec une oligomérisation
de l’a-synucléine et la mort des neurones dopaminergiques. Maintenant que nous disposons d’un
modèle animal de la maladie de Parkinson, nous devons déterminer s’il y a un stress du RE et une
réponse UPR.

f. L’injection de 6-OHDA induit un stress du RE dans la substantia nigra

Ils ont donc regardé si l’injection de 6-OHDA provoquait une réponse UPR en réalisant un WB
avec un anticorps anti-KDEL, afin d’analyser l’abondance de deux protéines chaperones résidentes dans
le RE : GRP94 et GRP78 (autre nom pour BiP). Le WB réalisé avec l’anticorps anti-b-actine sert pour
le contrôle de charge.

Les résultats montrent qu’il y a effectivement une augmentation significative de l’abondance de


GRP94 et de GRP78 dans les homogénats tissulaires provenant des rats traités avec la tunicamycine et
des rats traités avec la 6-OHDA par rapport aux homogénats des rats contrôles. Cela suggère que les
deux traitements induisent une réponse UPR.

Pour conforter cette idée, ils ont également analysé l’abondance de CHOP, une protéine qui se
trouve en aval de ATF4 dans la voie de signalisation dépendante de PERK et qui a un rôle dual. Il peut
relancer la traduction des protéines en induisant l’expression d’une protéine phosphatase qui va
déphosphoryler eIF2a. Cependant, si le stress du RE se prolonge, il peut activer la voie canonique de
l’apoptose en recrutant sur la membrane des mitochondries les protéines Bax/Bak (voir cours de CDMC)
et provoquer ainsi la mort des cellules.

114
Le WB ci-dessus confirme que les traitements tunicamycine et 6-OHDA s’accompagnent non
seulement d’une augmentation de l’expression de chaperones mais aussi de CHOP, ce qui indique qu’ils
induisent bien une réponse UPR.

è En injectant du 6-OHDA dans la substance noire de rats, on obtient un modèle animal qui
mime les caractéristiques de la maladie de Parkinson : l’oligomérisation de l’a-synucléine et la mort des
neurones dopaminergiques. En plus, les derniers résultats suggèrent que dans ce modèle, la maladie de
Parkinson est associée à une réponse UPR.

Maintenant que nous avons découvert que la maladie de Parkinson était associée d’une part, à un
une réponse UPR induite par un stress du RE et d’autre part, à une inhibition de l’autophagie assistée
par les chaperones par des protéines mutantes, nous pouvons nous demander s’il y a un lien entre ces
deux événements.

8. Lien entre le stress du RE et l’autophagie assistée par les chaperones (l’axe


ERICA).

Récemment, une équipe de Chinois a établi un lien entre le stress du RE qui existe dans les
neurones dopaminergiques de la substance noire et l’autophagie assistée par les chaperones. Leurs
résultats indiquent que l’activation de la voie UPR dépendante de PERK provoque le recrutement de la
MAPK p38 sur les lysosomes et de là, à la phosphorylation et la multimérisation de LAMP2A, le
récepteur de l’autophagie assistée par les chaperones. Voici quelques-uns de leurs résultats.

a. Induction d’un stress du RE dans une lignée de cellules neuronales.

Dans ce travail, ils ont travaillé sur deux modèles : d’abord, des cellules murines incubées en
présence de diverses molécules connues pour induire un stress du RE et ensuite, le modèle de la maladie
de Parkinson vu précédemment, l’injection de 6-OHDA dans le cerveau de souris.
Ils ont d’abord incubé des cellules murines SN4741, une lignée de cellules neuronales
dopaminergiques, avec différentes molécules connues pour induire un stress du RE. Il s’agit de la
thapsigargine (un inhibiteur de la pompe à Ca2+ du RE), de la tunicamycine (un inhibiteur de la N-
glycosylation des protéines néosynthétisées), de la bréfeldine A (un inhibiteur du transport des protéines
entre le RE et l’appareil de Golgi) et du b-mercaptoéthanol (un agent réducteur). Toutes ces molécules
provoquent l’accumulation de protéines mal repliées dans la lumière du RE et induisent une réponse
UPR.

115
Comme attendu, ces molécules déclenchent une réponse UPR puisque toutes provoquent une
phosphorylation de IRE1a, une phosphorylation de PERK (notez la légère augmentation du poids
moléculaire apparent de p-PERK par rapport à la forme non phosphorylée de PERK) et une
augmentation de l’expression de Bip par rapport aux cellules contrôles non traitées. Dans les expériences
qui ont suivi, ils n’ont gardé que la tunicamycine (Tu) et la thapsigargine (Tg) et obtenu chaque fois, les
mêmes résultats.

b. Le stress du RE active l’autophagie médiée par les chaperones

Ensuite, ils ont analysé par WB l’abondance de MEF2D (Myocyte enhancer 2D) après incubation
des cellules avec de la tunicamycine (Tu). MEF2D est un facteur de transcription connu pour être
dégradé par autophagie assistée par les chaperones, C’est une expérience facile à faire qui sert de coup
de sonde.

Le WB montre que le traitement des cellules avec 3 µg/ml de tunicamycine pendant 12h (piste 2)
provoque une diminution importante de l’intensité de la bande correspondant à MEF2D par rapport aux
cellules non traitées (piste 1). Comme attendu, il y a bien une induction de l’expression de Bip qui
confirme la réponse UPR. Quand ils traitent les cellules avec de la tunicamycine et avec du NH4Cl (pour
inhiber la protéolyse intralysosomale en augmentant le pH), la bande correspondant à MEF2D se
maintient (piste 3). Cela prouve que la dégradation de MEF2D induite par le traitement avec la
tunicamycine se déroule dans la lumière des lysosomes et pas dans le protéasome ou dans le cytosol. On
suppose que c’est par la CMA, comme démontré dans la littérature. L’incubation avec le NH4Cl et la

116
tunicamycine n’empêche pas la réponse UPR puisque la quantité de Bip reste élevée. Si les cellules sont
incubées uniquement avec du NH4Cl (piste 4), il n’y a pas de dégradation de MEF2D ni de réponse
UPR. Le titre des axes n’apparaît pas ici mais chaque barre correspond à l’abondance du facteur de
transcription dans les conditions décrites en haut du WB de gauche. ** quand p<0,005 vs. Control et ##
quand p<0,005 vs. Tu seul. Ils ont obtenu les mêmes résultats avec les autres agents stressant le RE.

è Un stress du RE provoque une diminution de l’abondance de MEF2D, un substrat connu de la


CMA et une réponse UPR.

c. Le stress du RE induit une augmentation de l’abondance de LAMP2A dans les


lysosomes et de la capture de la RNase A

Pour essayer d’établir un lien entre le stress du RE et l’autophagie assistée par des chaperones, ils
ont traité des cellules pendant 12h avec de la tunicamycine (ou de la thapsigargine) avant d’isoler les
lysosomes par ultracentrifugation. Ensuite, ils ont fait des tests de liaison (20’ d’incubation à 37°C) et
de capture (id mais après une préincubation des lysosomes avec des inhibiteurs de protéases), comme
décrits précédemment, en utilisant la RNase A comme substrat.

Les résultats montrent que la liaison de la RNase A sur les lysosomes incubés à 37°C avec
(uptake) ou sans (binding) préincubation avec des inhibiteurs de protéases, augmente lorsque les cellules
neuronales ont été incubées pendant 12h avec de la tunicamycine. Cette hausse n’est pas due à une
augmentation du nombre de lysosomes puisque le WB avec l’anticorps anti-LAMP1 donne un signal
d’intensité similaire avec ou sans traitement avec la tunicamycine. La figure de droite montre qu’ils ont
obtenu les mêmes résultats avec la tunicamycine (Tu) et avec la thapsigargine (Tg).

è Un stress du RE provoque une augmentation de la liaison et de la capture de la RNase par les


lysosomes isolés.

Afin de comprendre l’augmentation de la liaison d’un substrat de la CMA induite par la


tunicamycine, ils ont analysé l’abondance de LAMP2A dans les lysats cellulaires et dans les lysosomes
purifiés. Je rappelle que le facteur limitant de la CMA, c’est l’expression du récepteur LAMP2A.

117
Dans les lysats cellulaires, on constate une augmentation significative de l’abondance de
LAMP2A dès la première heure de traitement avec la tunicamycine par rapport aux cellules non traitées
et cela se poursuit après 3-6-12 h de traitement. Les résultats ont été normalisés avec l’abondance de
l’actine. Après 6h de traitement, il y a 2,5 fois plus de LAMP2A dans les cellules traitées par rapport
aux cellules au temps 0 (niveau de base).

Dans les lysosomes purifiés, l’augmentation de LAMP2A induite par le traitement avec la
tunicamycine est encore plus impressionnante puisqu’on atteint un facteur multiplicatif de 5 après 12h
par rapport au temps 0h. En revanche, la quantité de Hsc70, un autre élément-clé de la CMA, semble
rester stable au cours du temps. Ils s’attendaient peut-être à une augmentation. Notez que si on se base
sur le WB obtenu avec l’anticorps anti-LAMP1, la quantité de lysosomes semble la même quelle que
soit la durée du traitement. L’augmentation de l’abondance de LAMP2A induite par la tunicamycine ne
peut pas s’expliquer par une augmentation de la transcription puisque la quantité d’ARNm de LAMP2A
reste inchangée (RT-qPCR) ni par une augmentation de la traduction puisqu’il n’y a pas d’effet de la
cycloheximide (résultats non montrés).

Ensuite, ils ont fait éclater les lysosomes par choc hypotonique puis séparé les membranes et la
matrice luminale par ultracentrifugation. En procédant de cette manière, ils ont pu mettre en évidence
une augmentation de l’abondance de Hsc70 mais seulement dans la lumière des lysosomes des cellules
soumises à un stress dans le RE.

118
Dans cette expérience, les cellules neuronales ont été incubées ou pas pendant 12h avec de la
thapsigargine 0,3 µM. Les lysosomes isolés ont été incubés dans du saccharose 25 mM pendant 30 min
sur la glace pour provoquer une rupture de la membrane limitante par choc osmotique. Les membranes
et le contenu matriciel ont ensuite été séparés par ultracentrifugation : les membranes sédimentent dans
le fond du tube tandis que les éléments solubles restent dans le surnageant.

De gauche à droite, nous voyons les résultats des WB effectués sur les lysats cellulaires, sur les
membranes et sur la matrice. Avec les lysats cellulaires, on confirme les résultats montrés dans la figure
précédente (augmentation de LAMP2A, pas de différence de Hsc70) dans les lysosomes des cellules
traitées avec un agent stressant le RE (ici, la thapsigargine) par rapport aux lysosomes des cellules non
traitées. Dans la fraction membranaire, on confirme l’augmentation de LAMP2A, ce qui est logique
puisque c’est une protéine transmembranaire. On y trouve également des protéines Hsc70 mais en
quantité similaire avec ou sans traitement. Dans la fraction matricielle, comme attendu, il y a très peu
de LAMP2A mais cette fois, on détecte une augmentation significative de l’abondance de Hsc70 dans
les cellules traitées avec la thapsigargine par rapport aux cellules non traitées. Si on ne la voyait pas
dans les lysats cellulaires, c’est parce qu’elle était minoritaire par rapport aux autres protéines Hsc70
contenues dans le cytosol. En concentrant les protéines matricielles, on se débarrasse des protéines
Hsc70 du cytosol et associées à la membrane des lysosomes. Cela permet de voir cette augmentation
sélective de Hsc70 intraluminal après le stress du RE.

è Un stress du RE provoque une augmentation de l’abondance des deux protéines essentielles


pour l’activité de la CMA : LAMP2A et Hsc70 soluble.

Grâce à une électrophorèse native en conditions non dénaturantes, ils ont aussi montré que la
thapsigargine provoquait une oligomérisation de LAMP2A dans la membrane des lysosomes (Résultat
non montré). Il est donc possible que le stress du RE provoque un changement de conformation et
stimule l’oligomérisation de LAMP2A, ce qui permettrait une translocation plus rapide des protéines
avec un motif KFERQ à travers la membrane lysosomale, surtout si Hsc70 est présent en grande quantité
dans la lumière des lysosomes pour extraire ces protéines substrats du canal.

119
d. L’activation de la CMA induite par le stress du RE est liée à l’activation de p38

Pour comprendre le mécanisme sous-jacent, ils ont étudié l’implication de la MAPK p38, une
kinase clé activée dans de nombreuses conditions de stress cellulaire.

Pour voir si la protéine MAP Kinase p38 était activée dans les cellules neuronales incubées avec
de la thapsigargine (à gauche) ou avec de la tunicamycine (à droite), ils ont analysé le degré de
phosphorylation de p38a (l’isoforme majoritaire de p38 dans ces cellules) par WB. Ils constatent que la
phosphorylation de p38a (sur les résidus T180 et Y182) augmente dans les cellules SN4741 après
induction d’un stress du RE, alors que la quantité totale de p38a semble rester constante.
L’augmentation de la phosphorylation de p38a est significative, proportionnelle à la dose de
thapsigargine ou de tunicamycine utilisée et apparaît déjà après 1h de traitement à 37°C. Il semblerait
donc que p38a est activée en cas de stress du RE.

Pour s’en assurer, ils ont mesuré la phosphorylation d’une protéine cible de p38, ATF2, en
présence et en absence d’un inhibiteur pharmacologique de p38a, le SB203580.

A gauche, le WB montre que le traitement des cellules avec de la thapsigargine 0,3 µM pendant
3h entraîne une augmentation significative de la phosphorylation de ATF2. Cette augmentation
n’apparaît pas dans les cellules traitées simultanément avec la thapsigargine et avec le SB203580. La
quantité totale de ATF2 ne change pas, quelque soit le traitement. Ces résultats confirment l’activation
de la MAP kinase p38a en réponse à un stress du RE puisque la thapsigargine induit bien la
phosphorylation de ATF2 et celle-ci est bien inhibée par un inhibiteur pharmacologique de p38.

è Un stress du RE induit dans les cellules neuronales SN4741 active la voie de la MAPK p38a.

120
A droite. Sur les mêmes cellules, ils ont mesuré l’abondance de MEF2D. L’idée étant la suivante :
si l’activation de p38a induite par le stress du RE est responsable de l’activation de l’autophagie assistée
par les chaperones, la dégradation de MEF2D (un substrat de la CMA) doit être inhibée par le SB203580
(inhibiteur pharmacologique de p38a). C’est bien ce qu’ils observent. Il y a bien une diminution
significative de l’abondance de MEF2D dans les cellules traitées avec la thapsigargine 0,3 µM et celle-
ci n’apparaît pas si on ajoute en plus l’inhibiteur de p38.

Pour confirmer ces premiers résultats qui semblent indiquer une activation de la CMA, ils ont
refait un test de liaison et de capture de RNase A sur des lysosomes isolés, après inhibition chimique
(SB203580) ou génétique de p38a (dominant négatif de p38a).

A gauche,

Il s’agit d’un test de liaison et de capture de RNase A sur des cellules incubées pendant 12h avec de la
thapsigargine 0,3 µM, réalisé en présence ou en absence de SB203580. Comme précédemment, ils
constatent que le traitement avec l’inhibiteur de la pompe à Ca2+ du RE entraîne une augmentation de la
quantité de RNase A liée aux lysosomes (binding) et capturée par les lysosomes (uptake). De plus, ils
constatent que l’inhibition de la p38a par le SB203580 empêche cette augmentation de RNase sur et
dans les lysosomes.

A droite,

Comme on se méfie toujours de la spécificité des inhibiteurs chimiques, ils ont fait le même type
d’expérience mais en remplaçant le traitement avec le SB203580 par une transfection avec un dominant
négatif de p38a (DN-p38a). Les résultats sont encore plus spectaculaires, surtout avec le test de binding
(en haut). On observe une augmentation massive de la protéine RNase A dans les lysosomes des cellules
transfectées avec un vecteur vide et traitées avec la thapsigargine mais elle n’apparaît pas dans les
cellules transfectées avec le dominant négatif de p38a et traitées avec la thapsigargine. C’est vrai aussi
avec le test de capture même si le résultat est moins net (au milieu).

121
De façon intéressante, on constate que l’inhibition de l’expression de p38a abolit aussi
l’augmentation de l’abondance de LAMP2A dans les lysosomes isolés, induite par le stress du RE.

è L’activation de la voie MAPK p38, induite par un stress du RE dans les cellules neuronales
SN4741, stimule l’autophagie assistée par les chaperones.

e. p38 est activée sur la membrane des lysosomes après un stress du RE

La protéine p38a a déjà été observée dans le cytosol, dans le noyau et dans les mitochondries.
Comment pourrait-elle activer la CMA qui se déroule dans les lysosomes ? Serait-elle recrutée sur la
membrane des lysosomes en réponse à un stress du RE ? Pour répondre à cette question, les chercheurs
ont analysé la distribution de p38a soit par fractionnement cellulaire par centrifugation soit par
microscopie confocale.

A gauche,

Des cellules SN4741 ont été traitées ou non pendant 2h avec de la thapsigargine 0,3 µM. Un échantillon
de lysat cellulaire (CL) et un échantillon de lysosomes isolés par centrifugation (Ly) ont été déposés sur
un gel d’électrophorèse et des WB ont été réalisés avec une série d’anticorps pour caractériser les
fractions. Dans les lysats des cellules non traitées (CL -), on trouve de l’actine, du cytochrome C
(mitochondries) et du PDI (RE) qu’on ne trouve pas dans les lysosomes isolés. Par contre, il y a bien un
enrichissement en LAMP1 dans la fraction contenant les lysosomes isolés. Comme précédemment, il
n’y a pas d’augmentation de LAMP1, donc du nombre de lysosomes, après traitement avec la
thapsigargine. De façon intéressante, on constate qu’il y a des protéines p38a associées aux lysosomes
que ce soit en condition basale ou après un stress du RE. Cela n’était pas connu. En plus, on constate
qu’il y a une augmentation très nette de la proportion de protéine p38a phosphorylée après le traitement

122
avec la thapsigargine par rapport à la condition contrôle. Ceci suggère qu’une partie de p38a est
phosphorylée sur la membrane des lysosomes après induction du stress du RE.

A droite,

Grâce à des anticorps dirigés contre LAMP1 et contre la forme phosphorylée de p38a, ils ont aussi
montré en immunofluorescence un marquage correspondant à P-p38a dans les cellules incubées en
présence de thapsigargine et une colocalisation partielle de P-p38a avec LAMP1. Ces résultats
corroborent les résultats de WB après isolement des lysosomes.

è Le stress du RE induit l’activation de la MAPK p38a sur les lysosomes. Elle serait
phosphorylée par la MKK4 recrutée sur la membrane des lysosomes par un mécanisme inconnu en aval
de PERK.

f. p38 est capable de phosphoryler LAMP2A

Ils se sont ensuite demandé si la MAP kinase p38a recrutée et activée sur les lysosomes pouvait
phosphoryler directement LAMP2A. Cette phosphorylation pourrait éventuellement expliquer
l’augmentation de l’abondance de LAMP2A dans la membrane des lysosomes et l’activation de la CMA
après un stress du RE. Pour aborder la question, ils ont d’abord réalisé une expérience de co-
immunoprécipitation entre p38 et LAMP2A. La figure ci-dessous à gauche montre que si on IP p38 et
que l’on fait ensuite un WB sur l’immunoprécipité avec un anticorps anti-LAMP2A, il y a une
augmentation du signal lorsque les cellules sont incubées pendant 2h avec de la thapsigargine (piste 4)
par rapport aux cellules contrôles (piste 3). Bien entendu, il n’y a pas de bande ni sur le blot p38 ni sur
le blot LAMP2A lorsqu’on utilise un anticorps préimmun (IgG) pour l’étape d’IP.

è p38a peut interagir avec LAMP2A.

Est-il capable de phosphoryler LAMP2A ? Cette phosphorylation pourrait augmenter la stabilité


de LAMP2A multimérisé dans la membrane des lysosomes. Ceci pourrait expliquer l’augmentation de
la liaison et de la capture de la RNAse A sur les lysosomes.

123
Pour répondre à cette question, ils ont surexprimé la MAPK Flag-p38 dans des cellules SN4741,
les ont incubées ou non en présence de SB203580 (l’inhibiteur de p38). Flag est un épitope qui permet
d’étiqueter une protéine mais il n’est pas utile dans cette expérience. Ensuite, ils ont immunoprécipité
LAMP2A pour les concentrer et enfin, ils ont réalisé des WB avec des anticorps qui reconnaissent les
protéines phosphorylées sur des thréonines (p-Thr substrates, en haut) ou phosphorylées sur des sérines
(p-Ser substrates, en bas).

On constate (sur le blot en haut, à droite) une augmentation de l’abondance des protéines
d’environ 100kDa, autrement dit de LAMP2A, phosphorylées sur des Thr dans les cellules qui
surexpriment Flag-p38 en absence d’inhibiteur (piste 3) par rapport aux cellules non transfectées et non
traitées avec SB203580 (piste 2). Cette augmentation disparaît dans les cellules transfectées et incubées
pendant 40h avec l’inhibiteur de p38a (piste 4). Elles n’apparaissent pas non plus lorsqu’on utilise des
IgG préimmuns au lieu des anticorps anti-LAMP2 dans l’étape d’IP. En revanche, il n’y a pas de bande
protéique de 100 kDa sur la membrane incubée avec l’anticorps anti-P-Ser substrates (blot du milieu).
Les graphiques montrent les résultats quantitatifs de cette expérience (avec n=3).

è p38 est capable de phosphoryler des résidus Thr de LAMP2A.

Grâce à une analyse in silico, ils ont pu localiser ces résidus thréonine sur LAMP2A. Il s’agit
des T en position 211 et 213 de LAMP2A. Comme ces résidus se trouvent du côté luminal de la protéine,
ils se demandent comment p38 pourrait traverser la membrane des lysosomes.

La phosphorylation de LAMP2A induite par la MAPK p38 pourrait stimuler la multimérisation


de la protéine et augmenter sa stabilité au sein de la membrane des lysosomes. Pour tester cette
hypothèse, ils ont réalisé un gel non dénaturant avec des lysats de cellules transfectées avec la protéine
Myc-LAMP2A (WT) ou avec la protéine Myc-LAMP2A (mt) où les deux thréonines ont été remplacées
par des alanines par biologie moléculaire. Ensuite, ils les ont incubées pendant 12h avec du DMSO
(solvant), de la thapsigargine ou de la tunicamycine pour induire le stress du RE. Enfin, ils ont réalisé
un WB avec un anticorps anti-myc pour détecter les protéines LAMP2A.

124
On constate que l’incubation des cellules avec les agents inducteurs du stress du RE entraîne
l’accumulation d’oligomères de LAMP2A WT par rapport à l’incubation des cellules avec du DMSO.
Dans les cellules qui surexpriment myc-LAMP2A muté, on ne voit pas une telle accumulation de
protéines de haut poids moléculaire pouvant correspondre à des oligomères de LAMP2A.

è La phosphorylation de LAMP2A induite par la MAPK p38 en réponse au stress du RE


favoriserait la multimérisation de LAMP2A et donc la formation ou la stabilité du canal de
translocation indispensable à l’autophagie assistée par les chaperones.

è Ils ont baptisé cette voie de régulation, l’axe ERICA, pour ER stress-induced CMA.

g. L’axe ERICA existerait aussi dans un modèle animal de la maladie de Parkinson.

Pour savoir si le stress du RE induit par l’accumulation d’oligomères d’a-synucléine dans les
neurones dopaminergiques stimule également la CMA, les chercheurs ont injecté de la 6-OHDA (la 6-
hydroxydopamine) dans la substance noire de souris pour mimer le phénotype associé à la maladie de
Parkinson.
Ensuite, ils ont refait les mêmes expériences que sur les cellules incubées avec la tunicamycine
ou avec la thapsigargine : l’abondance de Bip, de p-p38, de LAMP2A, la phosphorylation de LAMP2A
sur les résidus thréonines, etc.

125
Les résultats montrent que dans le cerveau des souris injecté avec la 6-OHDA, il y a une
augmentation de l’abondance de Bip (a) dans les lysats tissulaires, comme nous l’avions vu
précédemment sur les cerveaux de rats. Il y a aussi une accumulation de p38 phosphorylé (a) alors que
la quantité de p38a non phosphorylée est similaire dans les deux conditions. La figure b montre qu’il y
a aussi une augmentation du niveau de LAMP2A dans les lysosomes isolés à partir de tissus obtenus
après injection de 6-OHDA seule alors que le taux de LAMP1 reste stable (piste 2). Si du SB203580 est
injecté dans le cerveau des souris en même temps que le 6-OHDA, l’abondance de LAMP2A retombe
au niveau de base (piste 3 versus piste 1). L’injection de 6-OHDA favorise également la phosphorylation
de LAMP2A sur des résidus thréonines (c) et cet effet est très atténué si du SB203580 est injecté dans
le cerveau des souris en même temps que le 6-OHDA.

è Ces résultats suggèrent que dans ce modèle murin in vivo de la maladie de Parkinson comme
dans les cellules incubées en présence d’agents stressant le RE, p38 est activée et est capable de
phosphoryler LAMP2A sur des résidus Thréonine. L’activation de p38 dépendrait de la branche
de PERK de la réponse UPR mais on ne connaît pas le mécanisme.

h. L’axe ERICA protège les neurones Th+ de la mort induite par le 6-OHDA

Ils ont ensuite analysé la survie des neurones dopaminergiques après injection de 6-OHDA, seule
ou en conjonction avec le SB203580, ou après injection de SB203580 seul.

126
A gauche, on constate sur ces photos d’immunohistochimie (a) que l’injection de 6-OHDA dans
la substance noire des souris provoque la mort d’un grand nombre de neurones dopaminergiques
(marqué en vert par un anticorps anti-tyrosine hydroxylase). L’inhibition de p38 par le SB203580 injecté
en même temps que la 6-OHDA exacerbe la perte des neurones dopaminergiques. L’analyse quantitative
(a, à droite) montre effectivement une diminution significative de la densité de fluorescence dans les
cerveaux traités avec la neurotoxine seule, une diminution encore plus marquée quand l’inhibiteur de
p38 est administré en même temps que la neurotoxine et l’absence d’effet de l’inhibiteur seul. La mort
de ces neurones dopaminergiques peut être attribuée à de l’apoptose puisqu’ils constatent un clivage de
la caspase 3 (caspase exécutrice dans la voie canonique de l’apoptose) et une augmentation de
l’abondance de CHOP (b), surtout dans les cerveaux ayant reçu le 6-OHDA et l’inhibiteur de p38. Ces
événements n’apparaissent pas dans les cerveaux ayant reçu uniquement l’inhibiteur SB203580.

è Le stress du RE engage un processus d’activation de la voie MAPK p38-LAMP2A-CMA in


vivo dans un modèle murin de maladie de Parkinson. Lorsqu’on empêche la phosphorylation de
LAMP2A induite par la MAPK p38, on favorise la mort des cellules par apoptose. Donc, l’axe ERICA
aurait un rôle cytoprotecteur dans les neurones dopaminergiques injectés avec la 6-OHDA.

i. Conclusion

En conclusion, le stress du RE induit par l’oligomérisation des protéines a-synucléine dans les
neurones dopaminergiques de la substance noire chez les patients atteints de la maladie de Parkinson
pourrait induire une activation de la réponse UPR et plus précisément de la voie dépendante de PERK.
La réponse UPR entraînerait la phosphorylation et l’activation de la MAPK p38 sur la membrane des
lysosomes. Là, elle pourrait phosphoryler LAMP2A et induire son oligomérisation par un mécanisme
encore inconnu. Cela activerait le processus d’autophagie assistée par les chaperones. Ce système
ERICA permettrait le maintien de l’homéostasie cellulaire et la viabilité des cellules soumises à un stress
du RE, du moins au début. Comme dans la maladie de Parkinson, on observe une diminution de l’activité
de la CMA, il est possible que le système ERICA ne fonctionne pas correctement et contribue à la
pathogenèse de cette maladie neurodégénérative.

9. Voies d’élimination des agrégats d’a-synucléine

La macroautophagie permet d’éliminer les agrégats d’a-synucléine dans les cellules eucaryotes.
Les chaperones peuvent aussi empêcher la formation des agrégats d’a-synucléine en dépliant les
protéines mal repliées et en les envoyant au système ubiquitine-protéasome ou aux lysosomes pour
qu’elles soient dégradées par la CMA.

Dans une étude récente, des chercheurs ont constaté que curieusement, dans les neurones traités
avec des siRNA dirigés contre Atg5, il y avait une diminution de l’abondance d’a-synucléine. Ils ont
vérifié que l’inhibition de la macroautophagie à un stade précoce ne pouvait pas provoquer une
activation du protéasome ou de l’autophagie assistée par les chaperones par un phénomène de
compensation. Ce n’est pas le cas. Par contre, ils ont observé une augmentation d’a-synucléine dans le
milieu de culture. Ce mécanisme permettrait d’éviter l’accumulation d’a-synucléine toxique dans les
cellules. L’a-synucléine pourrait être libérée directement du cytosol vers le milieu (éventuellement
après la perte de la viabilité cellulaire) ou par l’intermédiaire de petites vésicules dérivées des corps
multivésiculaires (les exosomes). Selon les auteurs, ces protéines d’a-synucléine pourraient être
dégradées par des enzymes protéolytiques extracellulaires (plasmine, MMP, KLK6, etc.) ou être
capturées par des cellules voisines telles que la microglie et les astrocytes.

127
10. Transmission des agrégats d’a-synucléine de cellule à cellule.

La transmission d’agrégats fibrillaires d’a-synucléine de cellule à cellule pourrait expliquer la


propagation spécifique et prédictible de la maladie de Parkinson à travers le cerveau. C’est pourquoi les
recherches se focalisent sur le sujet.

Nous avons vu précédemment que les cellules neuronales en culture étaient capables d’endocyter
des fibrilles d’a-synucléine préformées. C’est pourquoi on trouve des fibrilles dans les endosomes
précoces et tardifs ainsi que dans les lysosomes. Certaines PFFs se retrouvent dans le cytoplasme
probablement après altération de la membrane des endosomes ou des lysosomes. Ces PFFs libérés
interagissent avec des molécules d’a-synucléine solubles et avec des oligomères d’a-synucléine
endogènes et induisent leur fibrillation. Il a été démontré que de l’a-synucléine soluble, mal repliée ou

128
oligomérique était libérée dans le milieu extracellulaire par exocytose (via un mécanisme dépendant de
USP19 et DnaJ/Hsc70). Cette voie de sécrétion non conventionnelle de protéines mal repliées, le MAPS
(misfolding-associated protein secretion) a été découverte récemment et constitue un nouveau
mécanisme de contrôle de qualité associé au mauvais repliement de protéines. C’est une voie de
sécrétion non conventionnelle parce qu’elle ne passe pas par l’axe RE-Golgi. Elle s’applique à des
protéines cytosoliques mal repliées pour leur export dans le milieu extracellulaire. La sécrétion doit se
faire dans des régions non myélinisées, probablement au niveau des terminaisons synaptiques. Ce serait
la voie de transmission de l’a-synucléine la plus importante dans le cerveau.

Des protéines solubles et des oligomères d’a-synucléine pourraient aussi être libérés via des
exosomes (des petites vésicules dérivées des endosomes tardifs). On n’a jamais observé des fibrilles
d’a-synucléine dans les exosomes. Certaines vésicules pourraient être capturées par des cellules
voisines mais ce système de transmission ne serait pas très efficace parce que la quantité d’a-synucléine
dans ces vésicules est très faible.

Récemment, des chercheurs ont montré que des fibrilles d’a-synucléine pouvaient efficacement
passer d’une cellule neuronale à l’autre dans des vésicules lysosomales qui se déplacent à l’intérieur de
nanotubes de tunnelling (TNT). Ces nanotubes sont des ponts membranaires contenant de la F-actine et
qui connectent les cytoplasmes des deux cellules impliquées. Après le transfert, les fibrilles sont
capables d’induire l’agrégation d’a-synucléine soluble dans les cellules acceptrices. Ces fibrilles sont
normalement envoyées aux lysosomes pour dégradation mais elles peuvent faire la navette entre les
deux cellules à l’intérieur.

Résumé sur la maladie de Parkinson.


• L’a-synucléine a tendance à s’agréger et à former des oligomères puis des fibrilles riches en
feuillets b.

• L’a-synucléine WT est dégradée par le protéasome et par les lysosomes (après macroautophagie
ou après autophagie assistée par les chaperones).

• Des formes mutantes naturelles d’a-synucléine (A30P, A53T) inhibent partiellement la CMA
et activeraient la macroautophagie.

• L’augmentation de l’expression de LAMP2A dans la substance noire augmente la survie des


neurones dopaminergiques surexprimant l’a-synucléine.

• L’accumulation d’oligomères d’a-synucléine provoque un stress du RE qui pourrait activer la


CMA via l’axe ERICA.

• Les agrégats d’a-synucléine peuvent passer de cellule en cellule par exocytose, par une voie de
sécrétion non conventionnelle (MAPS) ou par des nanotubes formés entre cellules voisines
(TNT) et ainsi propager la maladie.

129
Table des matières
IV. Maladie d’Alzheimer. ....................................................................................................131
1. Introduction. ......................................................................................................................................131
2. Lésions morphologiques caractéristiques d’un cerveau d'un patient Alzheimer. .............................132
3. Les plaques séniles contiennent des peptides b-amyloïdes. .............................................................133
a. Production des peptides Ab à partir d’un précurseur APP. ...........................................................133
b. Structure des a- et b-sécrétases....................................................................................................135
c. Structure de la g-sécrétase. ...........................................................................................................136
d. Processing de la protéine APP par les sécrétases. .........................................................................137
4. Expériences réalisées par l’équipe du Prof. J-N. Octave (UCLouvain) ................................................138
a. Métabolisme de l’APP dans des cellules CHO transfectées. ..........................................................138
b. L’expression de l’APP humain dans des neurones de rat est toxique. ..........................................139
b. c. Le peptide Ab extracellulaire n’est pas neurotoxique. ..............................................................140
c. d. La neurotoxicité est induite par le peptide Ab 1-42 intraneuronal. ..........................................141
5. Hypothèse de la cascade amyloïde. ...................................................................................................144
6. Les dégénérescences neurofibrillaires composées de la protéine Tau. .............................................146
a. Tau est une protéine associée aux microtubules. .........................................................................146
b. Tau existe sous différentes isoformes. ..........................................................................................147
c. Hyperphosphorylation de Tau. ......................................................................................................148
d. Inhibition de la protéine phosphatase PP2A. ................................................................................149
e. La O-N-acétylglucosaminylation de Tau empêche son hyperphosphorylation. ............................151
f. Le clivage protéolytique de Tau. ....................................................................................................154
7. Etapes-clés dans la dégénérescence neuronale et approches thérapeutiques possibles..................160
8. Perturbations des systèmes de dégradation protéique associés à la maladie d’Alzheimer. .............162
d. Le protéasome ...............................................................................................................................163
a. L’autophagie assistée par les chaperones. ....................................................................................163
b. La macroautophagie. .....................................................................................................................164
9. Conclusion. .........................................................................................................................................176

130
IV. Maladie d’Alzheimer.
1. Principales caractéristiques de la maladie
2. Lésions morphologiques dans le cerveau AD
a. Plaques amyloïdes extraneuronales
b. Dégénérescences neurofibrillaires intraneuronales
3. Production du peptide Ab par clivage du précurseur APP
4. Modifications post-traductionnelles de la protéine Tau
5. Perturbations des systèmes de dégradation protéique

1. Introduction.

La maladie d’Alzheimer est la 1ère maladie neurodégénérative dans le monde. La prévalence varie
avec l’âge des personnes. Pour les personnes âgées de >65 ans, la prévalence est de 5% tandis que pour
les personnes âgées de >85 ans, la prévalence est de 20%. Les chiffres varient selon les sources utilisées.
La prévalence augmente d’un facteur 2 chaque fois par tranche de 5 ans. Donc, c’est une maladie dont
la prévalence augmente rapidement avec l’âge. Comme il y a de plus en plus de nonagénaires, cela veut
dire que c’est un réel problème de santé publique.

Au niveau de l’incidence, on détecte 130 cas sur 100 000 individus par an. Cela veut dire qu’en
Belgique, on détecte 37 nouveaux cas par jour, c’est énorme. Ce n’est pas toujours évident de faire la
distinction entre quelqu’un qui a de la démence liée à l’âge et des personnes qui sont vraiment atteintes
de la maladie d’Alzheimer. Caractéristiques neurophysiologiques : Agnosie-Ataxie-Aphasie 1.

À gauche, un cerveau sain et à droite, un cerveau à un stade avancé de la maladie d’Alzheimer.


Dans le cerveau AD, on peut voir un rétrécissement important de tout le cortex (en particulier toute la
région CA1 de l’hippocampe, le cortex associatif et le noyau basal de Meynert) et les ventricules sont
remplis de fluide. Donc, il y a une perte neuronale importante en particulier au niveau de l’hippocampe
(jusqu’à 70% des neurones) et au niveau du cortex associatif (environ 50% des neurones). Cette zone

1
Agnosie = trouble de la reconnaissance des objets, Ataxie = trouble de la coordination des mouvements et Aphasie = trouble
du langage.

131
contient essentiellement des neurones qui produisent de l’acétylcholine. Une façon de lutter contre la
progression de la maladie consiste à prendre des inhibiteurs d’acétylcholinestérase pour éviter la
dégradation de l’acétylcholine qui reste encore dans le cerveau.

2. Lésions morphologiques caractéristiques d’un cerveau d'un patient Alzheimer.

Au niveau des lésions morphologiques, le cerveau des patients atteints de la maladie


d’Alzheimer présente deux caractéristiques neuropathologiques principales : les plaques séniles qui
sont extracellulaires et les dégénérescences neurofibrillaires qui sont intracellulaires.

Les plaques séniles sont composées d’agrégats et de fibrilles de peptides b amyloïdes (peptides
Ab) et de neurites dystrophiques (prolongements cytoplasmiques gonflés). Ici, on a juste un plan mais
il faut imaginer que c’est une structure sphérique en 3D. Les dégénérescences neurofibrillaires, sont des
structures intracellulaires plus foncées et qui sont constituées d’un enchevêtrement de protéines tau
(tubulin-associated unit) fibrillaires. Il faut constater la présence de ces deux lésions en post-mortem
pour confirmer le diagnostic de la maladie d’Alzheimer.

Le nombre de plaques séniles peut être relativement important chez les patients atteints de la
maladie d’Alzheimer mais il n’y a pas de corrélation entre le nombre de plaques séniles et la sévérité de
la maladie. Il y a même des individus qui ont des plaques séniles dans le cerveau sans montrer de signe
de démence. Par contre, le nombre de dégénérescences neurofibrillaires est proportionnel à la sévérité
de la maladie. Il faut quand même rester prudents parce qu’il existe d’autres pathologies associées à
l’accumulation de la protéine tau, les tauopathies.

Pour diagnostiquer la maladie d’Alzheimer, les patients doivent réaliser des tests cognitifs et
subir des PET scans pour détecter les peptides Ab ou la protéine Tau dans le cerveau. On peut aussi
détecter des fragments de protéines Tau dans le liquide céphalo-rachidien.

Un troisième élément important dans la pathogenèse de la maladie d’Alzheimer, c’est la


neuroinflammation. On constate en effet une activation de la microglie avec libération de cytokines pro-
inflammatoires (IL-1b et IL-18) dans le cerveau des patients AD. Cela pourrait contribuer à la mort des
neurones.

132
3. Les plaques séniles contiennent des peptides b-amyloïdes.

Les plaques séniles sont des structures sphériques à l’extérieur des neurones. Quand on colore
les tissus avec du rouge Congo pour mettre en évidence l’amidon, on observe une biréfringence (du
jaune et du vert). Cela traduit la présence d’une substance de type amidon, donc d’une substance
amyloïde. Quand on utilise des anticorps dirigés contre le peptide Aβ, on observe cette coloration mauve
au centre de la plaque sénile et, en périphérie, on a aussi des zones foncées qui correspondent à des
neurites dystrophiques. Le principal composant de ces plaques séniles est donc le peptide Aβ. On
l’appelle Aβ, A pour amyloïde car c’est une structure qui ressemble à de l’amidon et β car ce peptide a
une propension à former des feuillets b et donc à s’agréger.

a. Production des peptides Ab à partir d’un précurseur APP.

Ces peptides Aβ sont produits à partir d’une protéine précurseur, la protéine APP (Amyloid
Protein Precursor) dont la fonction n’est pas connue. Le gène se trouve sur le chromosome 21. Il existe
différentes formes d’APP. La forme la plus abondante dans le cerveau humain est une forme de 695
acides aminés. C’est une protéine transmembranaire avec un grand domaine N-terminal qui est du côté
extracellulaire, un domaine transmembranaire d’environ 21 acides aminés et une région intracellulaire
C-terminale qui est plus petite.

Le peptide Aβ correspond au segment plus foncé à cheval sur la partie extracellulaire et sur la
partie qui se trouve dans la bicouche lipidique. La taille de ce peptide Aβ varie entre 38 et 43 acides
aminés en fonction du site de clivage intramembranaire. Les peptides les plus fréquents sont les peptides

133
Aβ 1-40 et Aβ 1-42. Entre les deux, il y a juste deux acides aminés de différence mais le peptide Aβ 1-
42 a une propension plus grande à former des agrégats que le peptide Aβ 1-40. Chez les patients atteints
de la maladie d’Alzheimer, la proportion de peptides Aβ 1-42 sur les peptides Aβ 1-40 augmente.

En réalité, il y a deux voies métaboliques de l’APP. On a d’une part la voie non amyloïdogène et
d’autre part, la voie amyloïdogène.

Dans la voie non amyloïdogène, il y a un premier clivage de l’APP avec l’enzyme α-sécrétase qui
se trouve surtout dans la membrane plasmique. Elle va couper l’APP en plein milieu du peptide Aβ (en
position 612), elle va ainsi générer deux fragments : un fragment soluble (le fragment sAPPα, s pour
soluble et a car il est coupé avec une α-sécrétase) qui est libéré dans le milieu extracellulaire et un
fragment de 83 acides aminés qui reste ancré dans la membrane (C83-CTFa, CTFa pour fragment C-
terminal obtenu après clivage de l’APP par l’a-sécrétase). Cette voie est stimulée par l’activité
synaptique.

Ensuite, la γ-sécrétase entre en action. Cette enzyme va couper le peptide juste au plein milieu du
segment membranaire (en position 596) pour libérer un autre fragment, ici appelé p3. Il restera toujours
un petit bout de la protéine ancré dans la membrane qui ne comporte plus que 59 acides aminés, c’est le
fragment C59-AICD (pour APP intracellular domain). De cette manière, l’APP va donner un fragment
soluble sAPPα et un fragment p3 mais pas le peptide Aβ. Donc, ce n’est pas une voie qui est toxique.

Dans la voie amyloïdogène, c’est la β-sécrétase qui va couper l’APP, 16 résidus avant le site de
clivage de l’a-sécrétase, juste au début du peptide Aβ. Cela génère un fragment soluble appelé sAPPβ
(car il est produit après clivage par la β-sécrétase) et un fragment de 99 acides aminés qui reste ancré
dans la membrane. Celui-ci est appelé C99 ou CTFb pour fragment C-terminal produit par la b-
sécrétase. Ensuite, la même γ-sécrétase que précédemment va cliver la chaîne polypeptidique à une
quarantaine d’acides aminés plus loin pour produire cette fois le peptide Aβ dans son entièreté et le
fragment restant de 59 acides aminés. Dans cette voie, le clivage par la b-sécrétase est l’étape limitante.
Il se déroulerait dans les endosomes après endocytose de l’APP non clivé par l’a-sécrétase. Le fragment
sAPPb devrait donc se retrouver dans le cytosol.

Est-ce que ces deux voies sont équivalentes ? Est-ce qu’on a autant de p3 produits que de peptides
Aβ produits ? Non. 98% de l’APP est dégradée selon la voie non amyloïdogène et seulement 2% par la

134
voie amyloïdogène et cela chez tous les individus. Par conséquent, ce n’est pas uniquement les patients
atteints de la maladie d’Alzheimer qui produisent le peptide Aβ, tout le monde en produit. Ce qui change
chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer, c’est une augmentation du rapport Ab 1-42 sur Ab
1-40. Comme les peptides Ab 1-42 ont tendance à s’agréger, cela forme des oligomères solubles puis
des fibrilles de peptides Ab avec des feuillets b entrecroisés qui s’accumulent sous forme de plaques
séniles. Notez aussi que dans les conditions physiologiques normales, BACE1 clive l’APP
principalement au niveau de la Glu en position 11 du peptide Ab et pas au niveau de l’Asp en position
1. Cela explique aussi pourquoi il y a aussi peu de peptides Ab produits dans le cerveau.

Pour empêcher la formation des peptides Ab, on pourrait envisager d’utiliser des inhibiteurs des
b et g-sécrétases à des fins thérapeutiques. Toutefois, comme ces enzymes clivent d’autres substrats, les
inhibiteurs risquent d’entraîner d’importants effets secondaires indésirables.

La maladie d’Alzheimer est essentiellement une maladie sporadique. Toutefois, il existe un faible
pourcentage (environ 1%) de formes héréditaires familiales (FAD). Les patients qui présentent ces
formes héréditaires de la maladie d’Alzheimer développent la maladie à un âge plus précoce. De plus,
ils présentent une augmentation de l’abondance des peptides Ab 1-42 par rapport aux peptides Ab 1-40.

b. Structure des a- et b-sécrétases

L’α-sécrétase et la β-sécrétase sont des protéines transmembranaires avec différents domaines.

L’activité α-sécrétase est portée par des métalloprotéinases appelées ADAM (ADAM10 et
ADAM17). La β-sécrétase est aussi appelée BACE1 car c’est une enzyme capable de couper le site β
de l’APP. Elle a aussi un grand domaine catalytique du côté extracellulaire et une partie cytoplasmique
relativement courte. L’α-sécrétase est surtout présente au niveau de la membrane plasmique tandis que
la β-sécrétase a plusieurs endroits de résidence : le réseau trans-Golgien (TGN), la membrane plasmique
et les endosomes. L’activité β-sécrétase nécessite un pH relativement acide donc on pense qu’elle agirait
plutôt au niveau des endosomes, des corps multivésiculaires et des autophagosomes.

135
c. Structure de la g-sécrétase.

La γ-sécrétase est composée de quatre protéines différentes, enchâssées dans la membrane des
endosomes tardifs. Il y a la nicastrine (en vert) qui passe une seule fois dans la membrane, l’APH-1 qui
a 7 passages transmembranaires (en orange). Ensuite, il y a la préséniline 1 ou la préséniline 2 qui ont
9 passages transmembranaires (en bleu) et qui portent l’activité catalytique γ-sécrétase. Elles ont des
spécificités de clivage différentes. Les deux résidus aspartyles du site catalytique des présénilines 1 et 2
(PS1-PS2) sont représentés par des points rouges. Avant le clivage, la boucle entre les passages
transmembranaires TM1 et TM2 de la PS1 formerait un complexe stable avec une petite boucle flexible
de l’APP située juste avant son segment transmembranaire. Enfin, on a PEN2 qui augmente l’activité
des présénilines. Les protéines nicastrine, PEN2 et APH-1 sont des protéines régulatrices.

Les présénilines ont une activité endoprotéolytique libérant l’AICD dans la cellule (elles peuvent
couper les liaisons peptidiques à deux endroits différents) ainsi qu’une activité carboxypeptidase qui
leur permettent de grignoter l’extrémité C-terminale du fragment transmembranaire restant de quelques
acides aminés. Cette activité explique l’existence de différents peptides Ab dont la taille varie entre 38
et 43 acides aminés.

Les inhibiteurs de la g-sécrétase provoquent des effets secondaires importants probablement parce
qu’il existe différents complexes de localisations différentes qui reconnaissent plus de 100 substrats
différents.

136
d. Processing de la protéine APP par les sécrétases.

Au cours de ces dernières années, on a fait de grands progrès dans l’étude de la structure 3D de
l’APP et des protéines du complexe g-sécrétase et cela a permis de mieux comprendre le maturation de
l’APP dans la membrane.

Le grand domaine extracellulaire de l’APP serait d’abord clivé par des « sheddases » : a ou b-sécrétases
générant ainsi les fragments C83 ou C99, respectivement. Ensuite, le fragment transmembranaire restant
serait pris en charge par le complexe g-sécrétase. La nicastrine serait surtout exposée du côté
extracellulaire et empêcherait stériquement l’entrée des grands substrats tels que l’APP dans le complexe
g-sécrétase. Le passage transmembranaire de l’APP serait enfermé dans une cavité centrale formée de
cinq passages transmembranaires de PS1. Précisons que cette structure 3D a été obtenue avec une
version modifiée de PS1 pour stabiliser le complexe en présence du substrat. Elle n’est peut-être pas
tout à fait fidèle à la réalité mais les autres tentatives de reconstruction 3D avec la PS1 non modifiée
avaient échoué.

Dans la majorité des cas, la maladie d’Alzheimer est sporadique mais il existe des formes
familiales héréditaires qui sont dues à des mutations surtout dans le gène de la préséniline 1 et, dans une
moindre mesure, dans le gène de la préséniline 2 et dans le gène de l’APP. Les mutations dans le gène
PS1 se trouvent souvent dans une poche de liaison au substrat et affecte l’activité carboxypeptidase de
la préséniline, ce qui expliquerait l’apparition de formes plus longues du peptide Ab dans le cerveau de
ces patients. Ceux-ci déclarent la maladie d’Alzheimer à un âge très précoce (environ 50 ans !).

La préséniline 2 serait principalement localisée dans les endosomes tardifs et les lysosomes. La
préséniline 1 présente normalement une distribution plus large dans les cellules et notamment à la
membrane plasmique. Toutefois, dans certaines formes familiales héréditaires de la maladie
d’Alzheimer, des mutations dans le gène codant pour PS1 provoquent une relocalisation de la préséniline
1 dans les endosomes tardifs et les lysosomes. Les mutations dans PS1 et PS2 entraînent
systématiquement une augmentation de la production de peptides Ab 1-42 plus prompts à s’agréger.
L’accumulation de peptides Ab et le pH acide des endosomes tardifs et des lysosomes pourraient avoir
des effets importants sur la conformation et l’agrégation des peptides Ab.

137
4. Expériences réalisées par l’équipe du Prof. J-N. Octave (UCLouvain)

Au moment de leur découverte, on pensait que ces plaques séniles extracellulaires étaient
responsables de la mort des neurones dans l’hippocampe et le cortex. Ensuite, on s’est rendu compte
qu’il n’y avait pas de corrélation entre le nombre de plaques séniles et la sévérité de la maladie, comme
expliqué précédemment.

Des expériences réalisées dans le laboratoire du Prof. J-N. Octave de l’UCLouvain ont permis de
montrer que c’était les oligomères de peptides Ab intracellulaires qui étaient neurotoxiques et pas les
plaques séniles extracellulaires.

a. Métabolisme de l’APP dans des cellules CHO transfectées.

Pour commencer, les chercheurs/es de son équipe ont transfecté des cellules CHO (Chinese
Hamster Ovary) avec un plasmide contenant l’ADNc de l’APP. Les cellules CHO sont plus faciles à
cultiver et à transfecter que des neurones.

Après 24h de transfection, ils ont récolté le milieu de culture et lysé les cellules. Avec le milieu
de culture, ils ont fait un Western blot avec un anticorps monoclonal qui reconnaît les premiers acides
aminés du peptide Ab. Théoriquement, cet anticorps est capable de reconnaître l’APP entier, les peptides
sAPPa et Ab mais pas le peptide sAPPb (voir schéma p128). Ils ont détecté la forme soluble d’APP
clivée par l’a-sécrétase (sAPPa). Cela prouve au moins que la transfection a marché et que l’APP
humaine est bien clivée dans ces cellules de hamster. Les peptides Ab ne sont pas visibles dans ces
conditions. Cependant, s’ils attendent 5 jours, le peptide Ab de 5 kDa apparaît sur le WB en plus de
sAPPa.

Ils ont aussi essayé de mesurer l’abondance des peptides Aβ dans le milieu de culture et dans
les lysats cellulaires après 5 jours post-transfection grâce à la technique d’ELISA. Dans le milieu
extracellulaire, ils sont arrivés à détecter 4711 pg/ml de peptides Aβ 1-40 et seulement 427 pg/ml de
peptides Aβ 1-42. Dans les lysats, ils n’ont pas réussi à détecter ni le peptide Aβ 1-40 ni le peptide Aβ
1-42 parce qu’ils ont été complètement dégradés ou parce que la technique n’est pas assez sensible pour
les détecter. Ces résultats suggèrent que des peptides Aβ sont libérés dans le milieu de culture des
cellules CHO.

Est-ce que la présence des peptides Aβ dans le milieu extracellulaire peut provoquer la mort des
cellules ? Pour répondre à cette question, ils ont fait un test de survie, appelé le test MTT. Ce test reflète

138
l’activité métabolique des cellules. Il faut incuber les cellules avec un substrat qui est un sel de
tétrazolium. Si les cellules sont métaboliquement actives, des réductases, principalement la succinate
déshydrogénase contenue dans les mitochondries, vont réduire ces sels de tétrazolium en formazan qui
forme un précipité violet qui se dépose dans les cellules. Ensuite, il suffit de lyser les cellules avec du
DMSO et de lire l’absorbance dans le lysat. C’est un test qui est souvent utilisé pour étudier la survie
des cellules après un traitement. Donc, on voit que l’expression de l’APP humaine dans les cellules
CHO ne perturbe pas les cellules puisque le taux de survie est quasiment la même dans les cellules
exprimant l’APP et dans les cellules contrôles. Donc, ce n’est pas toxique pour les cellules CHO mais
est-ce toxique pour des neurones ?

b. L’expression de l’APP humain dans des neurones de rat est toxique.

Ils ont ensuite surexprimé l’APP humaine dans des cellules neuronales en culture primaire en
utilisant de adénovirus recombinants. Il faut savoir que l’expression des protéines exogènes dans des
cellules neuronales n’est pas très efficace avec les agents de transfection classiques. C’est pourquoi ils
ont eu recours à la transduction avec des adénovirus mais c’est plus compliqué à faire. Ensuite, ils ont
regardé la présence de APP dans les cellules et sAPPa dans le milieu après 1 jour, 2 jours, 3 jours, 4
jours post-injection des adénovirus, donc après transduction.

En Western blot, on voit que l’APP humaine est bien exprimée dans les neurones et il faut attendre
2 jours pour avoir une expression optimale. Dans le milieu de culture, on détecte à partir de 2 jours post-
transduction un fragment un peu plus petit qui est la sAPPα, le fragment soluble de APP libéré après le
clivage α-sécrétase. Les peptides Ab ne sont pas détectés ni dans les lysats cellulaires ni dans le milieu
de culture.

Cependant, lorsqu’ils ont fait une immunoprécipitation avec un anticorps anti-APP suivie d’un
WB, ils ont réussi à visualiser les peptides Ab dans le milieu de culture. Il apparait dans le milieu de
culture après 2-3 jours post-injection. S’ils ne les avaient pas vus directement par WB sans faire une IP
au préalable, c’est parce qu’ils sont trop dilués dans le milieu de culture. L’immunoprécipitation permet
de les concentrer et de les visualiser ensuite sur le blot. Sur le blot, on voit aussi une grosse bande autour
de 50 kDa, c’est la chaine lourde des anticorps utilisés pour l’immunoprécipitation.

139
Donc après 3 jours, les cellules neuronales de rat sont capables d’exprimer l’APP humaine, de le
cliver avec l’α-sécrétase (par la voie non-amyloïdogène dominante) mais on trouve également une petite
quantité de peptides Aβ, ce qui suggère que la b-sécrétase est également active.

è Cela signifie qu’à côté du clivage non amyloïdogène majoritaire, une fraction de l’APP
exprimée de façon exogène dans les neurones de rat en culture est également dégradée selon la voie
amyloïdogène.

Ils ont ensuite mesuré la quantité de fragments Aβ dans le milieu de culture par test ELISA. Ils
ont détecté un peu de peptides Aβ 1-40 (56 pg/ml). C’est beaucoup moins que dans le milieu de culture
des CHO. Par contre, ils n’ont pas détecté de peptides Aβ 1-42.

Est-ce que la surexpression de l’APP dans ces neurones est toxique alors que dans les CHO, elle
ne l’est pas ? Dans les neurones, la surexpression de l’APP est toxique car on perd environ 40% du taux
de survie après surexpression de l’APP. C’est quand même curieux puisque dans les CHO, il y a une
production importante de peptides Aβ mais pas de mort cellulaire alors que dans les cellules neuronales,
il y a une production 84 fois plus faible d’Aβ 1-40 et on ne détecte pas de peptides Ab 1-42. Pourtant,
il y a une diminution de la viabilité cellulaire.
c. Le peptide Ab extracellulaire n’est pas neurotoxique.

La question qu’ils se sont ensuite posé, c’est de savoir si c’est la présence de peptides Ab à
l’intérieur des cellules ou la sécrétion de fragments Aβ dans le milieu extracellulaire qui est toxique
pour les neurones. Qu’ont-ils fait pour répondre à cette question ? Ils ont récupéré du milieu de culture
de cellules CHO transfectées avec APP ou de cellules neuronales transduites avec APP (des milieux
conditionnés) et les ont déposés sur des cellules neuronales contrôles, qui n’expriment pas l’APP.
Ensuite, ils ont fait un test de survie deux jours après pour voir si les fragments Aβ que l’on trouve dans
le milieu de culture pouvaient provoquer la mort de neurones naïfs. Je vous rappelle que le milieu de
culture des neurones exprimant l’APP renferme 56 pg/ml de peptides Ab 1-40 alors que le milieu de
culture des CHO transfectées avec APP en renferme 4711 pg/ml. Le milieu de culture des CHO renferme
également 427 pg/ml de peptides Ab 1-42.

140
Les résultats montrent qu’il n’y a pas d’augmentation de la mortalité des neurones incubés avec
du milieu de culture des cellules CHO transfectées APP ou des cellules neuronales transduites APP par
rapport à des neurones incubés avec le milieu de cellules neuronales non transduites (NI).

è Cela signifie que les peptides Ab libérés dans le milieu de culture (même en grande quantité)
ne provoquent pas la mort des neurones en culture primaire. Si les peptides Ab extracellulaires ne sont
pas neurotoxiques, la diminution du taux de survie des neurones qui expriment l’APP ne peut être due
qu’aux peptides Ab intracellulaires mais à ce stade, ils ne les ont pas encore détectés.

d. La neurotoxicité est induite par le peptide Ab 1-42 intraneuronal.

Dans les lysats cellulaires obtenus 3 jours après la transduction, ils n’avaient pas détecté de
peptides Ab. Ils ont donc recommencé l’expérience mais cette fois en attendant 5 jours avant de récolter
les cellules.

Le Western blot montre que 3 jours après la transduction, l’APP est détectée dans les lysats
cellulaires mais pas les peptides Ab. Par contre, 5 jours après la transduction, on voit à la fois l’APP et
les peptides Aβ dans les neurones. Le signal est faible mais il y a bien des peptides Ab dans les neurones.

Encouragés par ce résultat, ils ont essayé de détecter des peptides Aβ 1-42 dans les cellules par
test ELISA. Après 3 jours post-transduction, ils ne détectent pas ces peptides dans les cellules infectées
avec les adénovirus exprimant l’APP et forcément pas dans les cellules non-infectées (NI). Par contre,
après 5 jours, ils détectent une faible quantité de peptides Aβ 1-42 dans les cellules qui surexpriment
l’APP (115 pg/ml) mais pas dans les cellules non-infectées.

è Donc, en attendant un peu plus longtemps, ils observent bien des peptides Ab dans les lysats
cellulaires par Western blot et par test ELISA.

Pour savoir si la présence de peptides Aβ à l’intérieur des neurones pouvait provoquer la mort des
neurones, ils ont fait un test de survie. Après 3 jours, il y a une légère baisse du taux de survie dans les
cellules qui surexpriment APP par rapport aux cellules contrôles mais ce n’est pas significatif. C’est

141
identique au taux de survie obtenu avec des cellules qui surexpriment la β-galactosidase (enzyme
lysosomale non toxique qui sert de contrôle). Par contre, après 5 jours, il y a une diminution significative
de la survie des neurones qui surexpriment l’APP par rapport aux neurones qui surexpriment la β-
galactosidase. On perd environ 50% de taux de survie. Donc, cela suggère que la présence intraneuronale
de peptides Aβ provoque la mort des neurones.

è Ce ne seraient donc pas les peptides Aβ qui sont libérés dans le milieu extracellulaire qui sont
toxiques mais les peptides Aβ qui se trouvent à l’intérieur des cellules.

Ensuite, pour vérifier que la mort des neurones était due à la formation intracellulaire de peptides
Ab, ils ont utilisé un inhibiteur de la γ-sécrétase (le DAPT qui se fixe sur PS1) pour empêcher la
production du peptide Ab à partir de l’APP et ils ont analysé le taux de survie des neurones. Ils ont
choisi cet inhibiteur parce que c’était le seul qui n’était pas toxique.

Ils ont d’abord vérifié la présence du fragment sAPPa dans le milieu de culture et de l’APP dans
les lysats cellulaires. Ici, il y a 3 conditions différentes : des neurones non-infectés, des neurones infectés
avec des adénovirus contenant l’APP et des neurones qui surexpriment l’APP et traités avec le DAPT.

Il y a pratiquement la même quantité de sAPPα dans le milieu de culture et d’APP dans les
neurones infectés et traités ou non avec le DAPT. Donc, le taux d’expression d’APP est similaire et
l’efficacité du clivage par l’α-sécrétase est similaire avec ou sans l’inhibiteur de la g-sécrétase.
Lorsqu’ils dosent les fragments Aβ dans le milieu extracellulaire par un test ELISA, ils n’en détectent

142
pas dans les cellules non infectées, un peu dans les cellules qui surexpriment l’APP (61 pg/ml) et comme
ils l’espéraient, ils ne détectent pas le fragment Aβ 1-40 dans le milieu de culture après traitement des
cellules avec le DAPT. A l’intérieur des neurones, ils ne détectent pas le fragment Aβ 1-42 dans les
cellules non infectées. Par contre, ils retrouvent des peptides Aβ 1-42 dans les cellules qui surexpriment
l’APP (115 pg/ml). S’ils traitent les cellules qui surexpriment l’APP avec le DAPT, il n’y a pas une
inhibition complète de la production d’Aβ 1-42 mais la quantité est réduite de 57%. Donc, il y a bien
une diminution de la quantité de peptides Aβ 1-42 produite lorsqu’ils inhibent la γ-sécrétase avec le
DAPT. Cela a un impact sur la survie des cellules puisqu’on voit comme précédemment que lorsque les
cellules surexpriment l’APP, on a une perte d’environ 48% du taux de survie des neurones. Par contre,
s’ils traitent les cellules qui surexpriment l’APP avec le DAPT, le taux de survie des neurones remonte
de façon significative. On ne revient pas à la valeur initiale mais on voit quand même une augmentation
significative de la survie quand ils inhibent la g-sécrétase avec du DAPT.

è Ceci suggère que la mort des cellules neuronales qui expriment l’APP est bien due à la
présence du fragment Aβ 1-42 à l’intérieur des neurones et pas simplement à l’expression de l’APP.

Comme ils avaient réussi à détecter des peptides Ab après 5 jours de culture des neurones, ils
s’attendaient à voir une quantité plus grande après 7 jours. Curieusement, ils ne les ont plus détectés ni
en WB ni en ELISA. Pourquoi ? Que s’est -il passé pour empêcher la détection d’Aβ 1-42 alors que
l’APP est toujours visible ?

Il y a un phénomène d’agrégation, d’oligomérisation de ce peptide Aβ. En WB, à 5 jours, ils


observent bien un fragment de l’ordre de 5 kDa, mais après 7 jours, cette bande disparaît. Par contre, on
voit apparaître des fragments de poids moléculaire apparent nettement supérieur (11 kDa, 16 kDa), donc
il y a un phénomène d’oligomérisation. Les peptides se sont liés les uns aux autres pour former des petits
oligomères qui s’accumulent à l’intérieur des neurones. S’ils ne peuvent pas les détecter après 7 jours
par test ELISA, c’est simplement parce que les anticorps utilisés pour faire le test ELISA n’ont plus
accès aux sites antigéniques.

è On arrive à la conclusion que ce sont des oligomères solubles de peptides Aβ 1-42 à l’intérieur des
neurones qui sont toxiques. Ce ne sont pas les peptides que l’on trouve dans les plaques séniles dans le
milieu extracellulaire. Ceux-là seraient relativement inertes.

Or, depuis des années, on pensait que c’étaient les plaques séniles qui étaient responsables de la
mort cellulaire et de la démence. C’était l’hypothèse de la cascade amyloïde qui a dû être revue plusieurs
fois suite à de nombreuses découvertes. Les travaux du Prof. J-N. Octave suggèrent que ce ne sont pas
les plaques séniles qui sont cytotoxiques mais plutôt les petits oligomères solubles de Ab qui se trouvent

143
dans les neurones. L’apparition des plaques séniles serait plutôt un effet secondaire, une façon pour les
cellules de se protéger contre l’accumulation de formes oligomériques d’Aβ à l’intérieur des cellules. Si
une cellule produit ce peptide Aβ, elle va essayer de le dégrader. Si elle n’y arrive pas, des oligomères
vont se former et ils pourront éventuellement passer d’une cellule neuronale à une autre cellule, par le
biais de cellules mortes ou par d’autres voies. Si ces agrégats deviennent trop gros, ils pourraient être
libérés dans le milieu extracellulaire et s’accumuler dans les plaques séniles.

5. Hypothèse de la cascade amyloïde.

L’hypothèse de la cascade amyloïde prédit que le clivage de l’APP par la β-sécrétase et par la γ-
sécrétase pour former des peptides Ab 1-42 est responsable non seulement de la formation des plaques
séniles mais aussi des dégénérescences neurofibrillaires et qu’il conduit à la perte des neurones.

Selon cette théorie, le clivage de l’APP par la β-sécrétase puis par la γ-sécrétase engendre des
fragments Aβ 1-42 qui peuvent s’agréger de façon plus efficace que les fragments Aβ 1-40. Notez que
des modifications post-traductionnelles du peptide Ab dans la partie N-terminale régulent son
oligomérisation. Ces fragments forment des petits oligomères solubles qui peuvent perturber la fonction
synaptique, générer des plaques séniles et de là activer la microglie. Tous ces événements, ainsi que la
formation des dégénérescences neurofibrillaires (voir plus loin), conduiraient à la perte de nombreux
neurones, un déficit dans le transport des neurotransmetteurs et in fine à de la démence.

L’hypothèse de la cascade amyloïde a été revisitée en tenant compte du fait que les cellules
neuronales n’étaient pas les seules impactées par la maladie d’Alzheimer. Dans le cerveau, il y a des
neurones (avec ou sans peptides Ab), des astrocytes, des macrophages, des cellules microgliales.

144
Ce modèle montre comment un neurone contenant des peptides Ab peut impacter les cellules
voisines. En haut, on voit un neurone renfermant des petits oligomères de peptides Ab qui peuvent être
libérés, être endocytés par des astrocytes (notamment via le récepteur LRP1) et puis rentrer dans les
vaisseaux sanguins. Ces oligomères peuvent se retrouver dans le milieu extracellulaire sous forme
diffusible ou sous forme d’agrégats. Si l’environnement est propice, ils peuvent former des fibrilles de
protéines Aβ et des plaques séniles. Normalement, ces plaques devraient être dégradées par des
macrophages, des cellules microgliales et éventuellement par des endoprotéases libérées par les
astrocytes. Si ce n’est pas le cas, les agrégats continueraient de s’accumuler. Des petits oligomères
pourraient s’en détacher et venir perturber le fonctionnement des synapses neuronales (éclair sur la
figure) et provoquer des modifications de la protéine Tau. En s’agrégeant, les protéines Tau formeraient
des dégénérescences neurofibrillaires qui pourraient perturber le transport des neurotransmetteurs,
diffuser d’un neurone à l’autre et s’étendre d’une région à l’autre du cerveau. La production de ces
peptides Aβ serait la clé de tous les phénomènes qui suivent. Cette hypothèse revisitée tient mieux
compte de l’implication de tous les types cellulaires du cerveau mais elle doit encore être vérifiée. C’est
très compliqué de connaître la chronologie des événements mais il semble qu’il existe une synergie entre
la production des oligomères de peptides Ab et la formation de dégénérescences neurofibrillaires.

Malheureusement, la plupart des traitements visant à éliminer les peptides Ab ou à réduire leur
production ont échoué, probablement parce qu’ils sont administrés seulement quand les symptômes sont
déjà visibles. Récemment, la FDA (Food and Drug Administration) aux USA a accepté la mise sur le
marché de deux anticorps monoclonaux humanisés ciblant les protofibrilles de peptides Ab. Leur
utilisation en immunologie passive permettrait de retarder la perte d’autonomie des patients de 19 mois
(de 6 ans, on passerait à 7 ans ½) mais pas de les guérir. Le traitement est prévu pour des patients à un
stade précoce de la maladie.

145
6. Les dégénérescences neurofibrillaires composées de la protéine Tau.

Les dégénérescences neurofibrillaires (NFT) sont des agrégats protéiques intracellulaires qui sont
fortement marqués avec la coloration HES (photo de gauche) et qui se présentent sous forme de
flammes. En immunohistochimie, un marquage avec des anticorps spécifiques montrent que ces
structures renferment la protéine Tau (Tubulin-associated unit) (photo de droite). Les NFT sont donc
des structures qui se trouvent à l’intérieur des neurones et qui sont composées d’agrégats et de
fibrilles de protéines Tau. Le taux d’agrégation de Tau et la présence de NFT corrèlent plus avec la
sévérité des symptômes de la maladie d’Alzheimer que le nombre de plaques amyloïdes. On peut
détecter la protéine Tau dans le liquide céphalo-rachidien à des fins diagnostiques.

a. Tau est une protéine associée aux microtubules.

La protéine Tau est une protéine qui interagit et qui stabilise les microtubules pendant
l’assemblage des sous-unités α et β-tubulines. De ce fait, elle contribue à la régulation du trafficking
intracellulaire. Les protéines Tau sont disposées transversalement par rapport aux microtubules.

Dans les neurones sains, presque toutes les protéines Tau se trouvent associées aux microtubules
dans les axones (a) tandis que dans les neurones des patients atteints de la maladie d’Alzheimer, la
protéine Tau se détache des microtubules, ce qui provoque leur dissociation, et elle se retrouve dans le
corps cellulaire et dans les dendrites (b). Une fois détachées, les protéines Tau s’oligomérisent, forment
des filaments torsadés puis des dégénérescences neurofibrillaires (NFT).

146
En microscopie électronique à transmission, les dégénérescences neurofibrillaires se présentent
sous forme de structures intracellulaires, fibreuses et compactes qui bloquent le transport de nombreux
organites. Elles se trouvent surtout dans le soma. On voit à droite de cette structure, des lysosomes, des
vacuoles d’autophagie mais il y a aussi des vésicules contenant des neurotransmetteurs. Quand on les
regarde à plus fort grossissement, on voit qu’elles sont constituées de filaments torsadés de 10 nm de
diamètre et disposés parallèlement les uns aux autres. Il y a très peu de filaments droits. On dit que les
protéines Tau forment des paires hélicoïdales de filaments (PHF). Ces PHF s’entrecroisent et forment
les dégénérescences neurofibrillaires qui perturbent l’assemblage des microtubules et le transport des
organites le long des axones.

è Dans le cerveau AD, Tau existe sous forme de monomères, de petits oligomères, de paires
hélicoïdales de filaments et de dégénérescences neurofibrillaires. Il semblerait que ce soit
les oligomères solubles de Tau qui soient les plus toxiques, notamment parce qu’ils
permettent la propagation de la pathologie.

b. Tau existe sous différentes isoformes.

Quand on fait un Western blot sur des échantillons de système nerveux central adulte avec un
anticorps anti-Tau, on observe 6 bandes. La protéine Tau est codée par un seul gène, le gène MAPT,
mais il y a 6 transcrits produits par épissage alternatif des exons 2-3 et 10 dans le pré-ARNm. Si les
exons 2-3 sont maintenus, cela donne deux séquences de 29 résidus en position N-terminale. Si l’exon
10 est maintenu dans le transcrit mature, on a 4 domaines, M1, M2, M3 et M4. On peut ainsi avoir 6
formes dont la taille varie de 352 à 441 aminés avec 0, 1 ou 2 N en position N-terminale et 3 ou 4
domaines M. Ces domaines M renferment des séquences semi-répétitives et permettent l’interaction
de la protéine Tau avec les microtubules. Les domaines M3-M4 ont tendance à s’agréger parce qu’ils
contiennent des structures en feuillets b. Entre la partie N-terminale et les domaines de liaison aux
microtubules, il y a un domaine riche en prolines qui permet à la protéine Tau d’interagir avec de
nombreuses protéines. Dans les cerveaux adultes sains, il y a autant d’isoformes 3R que d’isoformes 4R
mais les isoformes 4R se lient plus efficacement aux microtubules que les isoformes 3R. Dans les
cerveaux adultes AD, le ratio 4R/3R passerait à environ 2.

147
Si on fait un WB avec un extrait de cerveau d’un patient atteint de la maladie d’Alzheimer en
utilisant un anticorps qui reconnait spécifiquement la forme de Tau associée aux paires hélicoïdales de
filaments (PHF-tau), on obtient 3 bandes majeures de poids moléculaire plus élevé par rapport à un
extrait de cerveau sain. Cette augmentation du poids moléculaire de la protéine Tau s’explique par une
hyperphosphorylation de la protéine. En effet, si on incube ces protéines Tau avec de la phosphatase
alcaline in vitro, on réduit leur poids moléculaire. L’hyperphosphorylation de Tau affecte sa capacité à
lier la tubuline et à stabiliser l’assemblage des microtubules. Elle représente un des événements précoces
dans le développement de la maladie d’Alzheimer. Les protéines hyperphosphorylées séquestrent des
protéines Tau normales et d’autres protéines associées aux microtubules entraînant la dépolymérisation
des microtubules dans les axones. Les interactions entre les protéines Tau hyperphosphorylées et les
protéines Tau normales favorisent la formation d’oligomères (structures pelotonnées aléatoires) et de
filaments (structures en feuillet b) de Tau que l’on peut alors trouver dans le soma et les dendrites.

c. Hyperphosphorylation de Tau.

La protéine Tau peut subir différents types de modifications post-traductionnelles, dont la


phosphorylation, l’acétylation, l’ubiquitination, la N-glycosylation, la O-N-acétylglucosaminylation et
des clivages protéolytiques. La plupart de ces modifications interfèrent avec la liaison de Tau aux
microtubules et favorisent le mauvais repliement de la protéine Tau.

La liaison de Tau sur les microtubules est régulée par la phosphorylation de sérines/thréonines et
par l’acétylation de lysines.

La protéine Tau des cerveaux AD est hyperphosphorylée : elle contient 2 à 3 fois plus de
phosphates par mole de protéine que la protéine Tau des cerveaux normaux. Dans la forme la plus longue
de Tau, il y a 85 résidus qui peuvent potentiellement être phosphorylés. Dans les PHF, il y a au moins
40 résidus sérine et thréonine et 2 résidus tyrosine qui sont phosphorylés. Ils sont présents surtout dans
le domaine riche en prolines et dans la partie C-terminale de la protéine Tau. Certains sites sont
communs à l’individu normal mais un certain nombre de sites sont phosphorylés uniquement chez les
individus atteints de la maladie d’Alzheimer. Tous les sites ne sont pas phosphorylés en même temps,
il y a un phénomène d’amplification. L’anticorps anti-Tau clone AT8 permet de reconnaitre
spécifiquement les formes de Tau qui sont hyperphosphorylées en position sérine 202 et thréonine 205
alors que l’anticorps anti-Tau clone Tau5 est capable de reconnaitre les différentes formes de Tau.

148
Un grand nombre de kinases sont capables de phosphoryler la protéine Tau. Citons la
GSK3β (glycogène synthase kinase 3β), la CDK5 (cyclin-dependent-like kinase 5) et DYRK1A (dual
specificity tyrosine-phosphorylation-regulated kinase 1A). La phosphorylation de Tau par certaines
kinases entraine par la suite la phosphorylation de Tau par d’autres kinases. La Thr 231 constituerait le
premier site de phosphorylation de Tau, suivi des Ser 235-202-205. La phosphorylation de Tau sur les
Ser 235, 262, 293, 324 et 356 favorise le détachement de Tau de la tubuline. Les protéines Tau détachées
sont phosphorylées plus efficacement que les protéines associées aux microtubules. Certaines
phosphorylations entraîneraient des changements régionaux de conformation de la protéine,
responsables de l’agrégation.

Dans cette expérience en bas à droite, ils ont purifié la protéine Tau et l’ont traitée in vitro avec
de la GSK3b ou avec de la CDK5. Ensuite, ils ont réalisé un WB avec un anticorps anti-Tau. Après le
traitement avec la GSK3β et dans une moindre mesure, avec le traitement avec la CDK5, on observe
bien une augmentation du poids moléculaire de la protéine Tau par rapport à la situation contrôle, sans
traitement.

Dans certains papiers, on dit que les activités de la GSK3β et de la CDK5 augmentent chez les
patients atteints de la maladie d’Alzheimer tandis que dans d’autres, on dit que leur activité est
relativement stable.

Par contre, tout le monde s’accorde à dire que l’hyperphosphorylation de tau est due
principalement à une diminution de l’activité de la protéine phosphatase 2A.

d. Inhibition de la protéine phosphatase PP2A.

La PP2A serait la principale phosphatase responsable de la déphosphorylation de la protéine Tau


(70%). Elle régule directement la phosphorylation de Tau en interagissant avec elle mais aussi
indirectement en régulant l’activité de plusieurs kinases dont CDK5 et GSK3b.
Si on regarde la séquence de la protéine Tau avec 4R (équivalent aux 4M sur une dia précédente),
on voit que la région d’interaction avec PP2A s’étend entre l’acide aminé 221 et l’acide aminé 396.
C’est une grande région qui comprend la région riche en prolines et les 4 domaines M. Le motif
230
RTPPKSP236 du domaine riche en prolines de Tau est critique pour la liaison avec PP2A. Ainsi, on a

149
découvert que la phosphorylation de la Thr 231 dans ce motif (un événement précoce dans la maladie
d’Alzheimer) réduisait significativement la liaison de Tau à PP2A in vitro. PP2A peut aussi interagir
avec les microtubules mais vu l’étendue des interactions avec Tau, la phosphatase ne peut agir que sur
des protéines Tau non liées aux microtubules.

La protéine PP2A est constituée de trois sous-unités. La sous-unité A qui sert de plateforme,
la sous-unité C qui est la sous-unité catalytique qui porte l’activité phosphatase et enfin la sous-unité B
qui est la sous-unité régulatrice. Elle détermine la localisation subcellulaire et la spécificité du substrat
de l’enzyme. Il existe différentes formes de sous-unités B. Dans le cerveau adulte, c’est surtout la forme
56β qui domine.

L’activité de PP2A augmente s’il y a une méthylation de la leucine en position 309 dans la sous-
unité catalytique C de PP2A. Cette méthylation est indispensable pour la formation du trimère. Par
contre, son activité diminue s’il y a une phosphorylation de la tyrosine en position 307 et elle diminue
en présence d’un inhibiteur, le I2PP2A. Or, l’abondance de cette protéine augmente dans les régions
affectées des cerveaux AD.

I2PP2A est une protéine de 277 acides aminés que l’on trouve dans le noyau en situation normale
mais qui chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer, est transloquée vers le cytoplasme. Elle
est ensuite clivée par une asparagine endopeptidase (AEP) qui normalement se trouve dans le
lysosome sous forme inactive mais qui est transloquée dans le ytoplasme probablement suite à une
altération de la membrane lysosomale. Dans le cytoplasme, la pro-AEP serait activée dans le cerveau

150
des patients AD suite à un dérèglement du métabolisme du glucose provoquant une acidose. Quand
l’AEP est activée, elle peut cliver I2PP2A en deux fragments : I2NTF et I2CTF (fragments N- et C-terminaux).
Ces deux fragments qui se trouvent surtout dans l’hippocampe et dans le cervelet, inhibent la PP2A en
interagissant avec la sous-unité C catalytique. Si la phosphatase est inhibée, il y a un déséquilibre en
faveur de la protéine Tau phosphorylée.

è Dans le cerveau des individus AD, on a constaté une diminution significative de


l’expression de PP2A et de ses activateurs et au contraire une augmentation de
l’expression de ses inhibiteurs. Il est possible également que la phosphatase n’ait pas
accès certains épitopes phosphorylés dans les agrégats de Tau.

è Deux mécanismes contribuent à promouvoir l’hyperphosphorylation de Tau : la


dissociation de Tau des microtubules et le shift entre les activités kinases et phosphatases
de Tau.

e. La O-N-acétylglucosaminylation de Tau empêche son hyperphosphorylation.

Depuis quelques années, on s’est rendu compte qu’il y avait une autre modification post-
traductionnelle de Tau qui pouvait empêcher son hyperphosphorylation : la O-N-
acétylglucosaminylation. Cette modification post-traductionnelle consiste à ajouter une N-
acétylglucosamine sur les groupements hydroxyles des sérines et des thréonines des protéines.

La O-N-acétylglucosaminylation d’une protéine est réversible et est catalysée par une OGT (O-
N-acétylglucosaminyltransférase). La réaction inverse est catalysée par une OGA (O-N-
acétylglucosaminidase). On connaît 6 sites de O-N-acétylglucosaminylation sur Tau. Or, ces acides
aminés peuvent également être phosphorylés par différentes kinases. Il y aurait donc une compétition
entre les deux modifications post-traductionnelles. Il y aurait un système de régulation réciproque, un
équilibre entre les deux : si la protéine n’est pas N-acétylglucosaminylée, elle risque d’être phosphorylée
sur les mêmes sites. Donc, il faut favoriser la O-N-acétylglucosaminylation de la protéine Tau pour
éviter son hyperphosphorylation et donc son agrégation.

Voici quelques expériences qui montrent le rapport inverse entre la O-N-


acétylglucosaminylation et l’hyperphosphorylation de Tau dans le cerveau de patients atteints de la
maladie d’Alzheimer.

151
Ils ont d’abord réalisé des immuno-dot-blots. Le principe des dot-blots est le même que celui des
Western blots sauf que l’on ne sépare pas les protéines par électrophorèse avant de révéler la protéine
d’intérêt avec des anticorps primaire et secondaire. Ici, on dépose des gouttes (dots) directement sur une
membrane de nitrocellulose et on fait la révélation avec des anticorps. C’est très utile quand on a
beaucoup d’échantillons à tester mais il faut avoir validé les anticorps primaires avant. Il faut s’assurer
en WB que l’anticorps reconnaît bien une protéine de PM attendu et que le signal disparaît si on réprime
l’expression de la protéine par siRNA ou si on ajoute un peptide bloquant s’il s’agit d’un anticorps
monoclonal.

Les auteurs ont déposé en triplicats des gouttes d’extraits de cortex cérébraux frontaux d’individus
contrôles et d’individus atteints de la maladie d’Alzheimer du même âge, moins de 3 h après la mort des
individus. Il y a 7 extraits différents pour chaque groupe, autant de membranes qu’il y a d’anticorps à
tester.

A gauche, ils ont révélé les protéines avec une N-acétylglucosamine grâce à l’anticorps RL2.
On observe une diminution de l’intensité des spots chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer
par rapport aux individus contrôles. La membrane révélée avec l’anticorps anti-actine permet de
vérifier la quantité de protéines dans chaque échantillon afin de normaliser les résultats obtenus avec
l’anticorps RL2. La quantification se trouve en-dessous : il y a près de la moitié des protéines O-N-
acétylglucosaminylées dans les cerveaux AD par rapport aux cerveaux contrôles.

A droite, ils ont analysé le taux de phosphorylation de résidus de Tau avec des anticorps qui
reconnaissent spécifiquement certains résidus phosphorylés : la Ser199 phosphorylée ou la Ser202
phosphorylée ou la thréonine 205 phosphorylée, etc. Ce sont des anticorps phospho-spécifiques qui
permettent d’analyser l’état de phosphorylation de certains résidus. Ils ne sont pas faciles à préparer, il
faut donc les valider avant emploi ou acheter des anticorps déjà validés. Tous les anticorps utilisés ici
montrent bien une augmentation significative de la phosphorylation des résidus Ser/Thr dans les
cerveaux des individus atteints de la maladie d’Alzheimer par rapport aux cerveaux des individus
contrôles. Il y a juste une exception pour le Ser214 (pas d’augmentation dans tous les échantillons AD).
Dans l’avant-dernière membrane, ils ont utilisé un anticorps que reconnaît spécifiquement la forme de

152
Tau présente dans les paires hélicoïdales de filaments (PHF-1). La dernière membrane montre que
l’abondance totale de Tau n’est pas augmentée chez les individus AD par rapport aux individus
contrôles. Le graphique montrant la phosphorylation de Tau a été obtenu en divisant l’intensité des spots
obtenus avec les anticorps dirigés contre P-Tau phosphorylée sur des résidus spécifiques par l’intensité
des spots obtenus avec l’anticorps qui reconnaît toutes les formes de Tau, phosphorylées ou non. Ces
résultats normalisés montrent bien l’augmentation de la phosphorylation de Tau sur de nombreux sites
dans les cerveaux AD par rapport aux cerveaux contrôles.

è Il y a donc une diminution de la O-N-acétylglucosaminylation de Tau et une hyperphosphorylation


de Tau dans le cortex cérébral des patients AD. Ces modifications n’apparaîssent pas dans le cervelet.

Pour confirmer cette observation, ils ont séparé par immunoprécipitation une fraction de
protéines Tau non hyperphosphorylées et une fraction de protéines Tau hyperphosphorylées provenant
de cerveaux AD. Pour obtenir cette fraction de protéines Tau hyperphosphorylées, ils ont
immunoprécipité les protéines Tau normales et phosphorylées en utilisant l’anticorps Tau-1. Les
protéines hyperphosphorylées restent dans le surnageant. Puis, ils ont concentré les protéines
hyperphosphorylées présentes dans le surnageant en faisant une immunoprécipitation avec l’anticorps
43D qui reconnaît la protéine tau indépendamment de son état de phosphorylation. Ensuite, ils ont fait
un dot blot avec l’anticorps RL2 et un autre avec des anticorps anti-Tau 92e et R134d qui reconnaissent
Tau indépendamment de son état de phosphorylation.

On voit clairement une diminution de la O-N-acétylglucosaminylation dans la fraction de droite


(Tau HyperP) contenant les protéines Tau hyperphosphorylées, pour une quantité de Tau similaire. La
fraction de Tau hyperP ne contient que 20% de protéines O-N-acétylglucosaminylées par rapport à la
fraction Tau normal HyperP.

L’anticorps RL2 a aussi été utilisé sur des coupes histologiques de cerveaux à différents stades
de la maladie d’Alzheimer : sans dégénérescence neurofibrillaire (en haut), avec des dégénérescences
neurofibrillaires à un stade précoce (au milieu) et à un stade tardif (en bas). Celles-ci sont détectées
grâce à l’anticorps anti-pS422. On voit que le marquage avec l’anticorps RL2 diminue entre ces 3 stades.

153
è Ces résultats confirment que le taux de O-N-acétylglucosaminylation est inversement
proportionnel au taux d’hyperphosphorylation de la protéine Tau.

Une altération du métabolisme du glucose dans le cerveau des patients atteints de la maladie
d’Alzheimer entraînerait un déséquilibre entre la O-N-acétylglucosaminylation et
l’hyperphosphorylation de Tau.

En effet, il est bien connu que le métabolisme du glucose est affecté dans le cerveau des patients
AD des années avant l’apparition des symptômes. Cela entraîne une diminution de la synthèse d’UDP-
N-acétylglucosamine par la voie de biosynthèse de l’hexosamine. Comme l’activité de l’OGT est
fortement influencée par la concentration de son substrat, son activité diminue, provoquant une
réduction du taux de O-N-acétylglucosaminylation de Tau. Comme les sites sont libres, les kinases
peuvent les phosphoryler, des protéines Tau hyperphosphorylées s’accumulent, forment des paires
hélicoïdales de filaments puis des dégénérescences neurofibrillaires. Par conséquent, il faudrait
développer des molécules capables de favoriser sa O-N-acétylglucosaminylation pour empêcher son
hyperphosphorylation.

è La réduction de l’activité de la protéine phosphatase 2A et la perturbation du métabolisme


du glucose dans le cerveau peuvent toutes deux contribuer à l’hyperphosphorylation de
Tau.

f. Le clivage protéolytique de Tau.

Le clivage de Tau est une autre modification importante dans le développement de la maladie
d’Alzheimer. Le clivage peut se faire par différentes protéases (des caspases, des calpaïnes, la thrombine
et des cathepsines). Le clivage de Tau est un évènement précoce dans l’évolution de la maladie
d’Alzheimer et peut entrainer des conséquences graves sur l’évolution de la maladie.

154
g1. Le clivage protéolytique de Tau par la caspase 3.

Des expériences montrent que le clivage de la partie C-terminale de Tau par la caspase 3
entraine l’agrégation de cette protéine, une diminution de sa dégradation par le protéasome et finalement
une réaction inflammatoire. Ce clivage aurait lieu immédiatement après la phosphorylation de Tau en
position Thr 231, autrement dit à un stade très précoce du développement de la maladie. Voici quelques
expériences-clés qui ont permis d’arriver à cette conclusion.

Par Western blot, les chercheurs ont essayé d’identifier les caspases capables de cliver Tau (en
haut, à gauche). Pour cela, ils ont incubé une protéine Tau humaine produite in vitro et radiomarquée
avec deux doses de caspases recombinantes (2,5 ng et 25 ng). Ils constatent que les caspases 1 et 6
clivent Tau uniquement à forte concentration, que la caspase 2 ne clive pas et que les caspases 3-7-8
clivent Tau déjà à faible concentration. Ces caspases clivent Tau en position D421, dans la partie C-
terminale, comme ils ont pu le montrer à l’aide de mutants ponctuels D421E.

Ensuite, ils ont développé un anticorps monoclonal de souris reconnaissant spécifiquement la


protéine Tau 1-421, obtenue après le clivage par la caspase 3. Pour cela, ils ont utilisé le peptide 412-
421 pour immuniser les souris. On constate sur le WB que cet anticorps TauC3 reconnaît le fragment 1-
421 mais pas la protéine entière (avec 4R ou 3R) ni les protéines tronquées en position 391 ou 429. Avec
cet anticorps, ils ont pu montrer sur coupe histologique que la protéine tronquée 1-421 était présente
dans les dégénérescences neurofibrillaires (NFT) et dans les neurites dystrophiques (NP).

155
Des expériences précédentes avaient montré que la partie C-terminale de Tau inhibait la
fibrillation de Tau, probablement en venant couvrir les domaines d’interaction avec les microtubules.
Ils ont donc testé l’impact du clivage de Tau par la caspase 3 sur la fibrillation de Tau grâce à un test
physique qui consiste à mesurer la dispersion de la lumière dans un faisceau laser après induction de la
fibrillation par de l’acide arachidonique (en haut, à droite). Avec la protéine Tau WT, on arrive
rapidement à un plateau. Avec le fragment 1-421, on constate que le taux de fibrillation est 2 fois plus
important qu’avec Tau WT. Ceci montre l’importance du clivage de Tau par la caspase 3 sur la formation
de fibrilles et donc la formation des dégénérescences neurofibrillaires.

De façon intéressante, ils ont aussi remarqué que l’incubation des cellules neuronales en culture
primaire pendant 2 h ou plus à 37°C avec des peptides Ab 1-42 favorisait l’apparition de cette protéine
Tau tronquée (détectée avec l’anticorps TauC3) (WB en bas à gauche). En IF, on voit que sans
incubation avec les peptides Ab 1-42, on ne détecte pas de signal avec l’anticorps TauC3 alors qu’il est
bien visible après incubation avec les peptides Ab 1-42. Dans ce cas, Tau est toujours associé aux
microtubules (superposition du marquage Tubuline-TauC3) mais la structure des microtubules a changé
par rapport à la première condition.

Ces résultats suggèrent que les peptides Ab 1-42 favorisent le clivage de Tau par la caspase 3
et que cela a un impact sur la structure des microtubules. Il y aurait donc bien un lien entre les deux
lésions caractéristiques de la maladie d’Alzheimer : les plaques séniles et les dégénérescences
neurofibrillaires.
g2. Le clivage protéolytique de Tau par AEP.

La protéine Tau peut aussi être clivée par l’AEP (l’asparagine endopeptidase qui clive aussi
PP2A
I2 ). Cette endopeptidase est une cystéine protéase lysosomale qui clive les protéines après une
asparagine. Des expériences préliminaires avaient montré que in vitro AEP pouvait cliver Tau après les
résidus N en position 255 et en position 368 (cfr spectrométrie de masse). Les expériences décrites ci-
dessous montrent que le clivage de Tau par AEP réduit son activité d’assemblage des microtubules, se
produit dans le cerveau des patients AD et est neurotoxique.

156
À gauche : WB réalisé sur des lysats de cerveaux humains d’individus sains ou atteints de la maladie
d’Alzheimer environ du même âge. Trois anticorps ont été utilisés :

• L’anticorps tau5 qui reconnait toutes les formes de la protéine Tau (entière ou clivée)
• Un anticorps anti-tau N368 qui reconnait uniquement les fragments de 1-368 générés par
l’AEP,
• Un anticorps anti-tubuline pour vérifier la quantité de protéines chargées.

a) Chez les individus contrôles, on voit uniquement la forme entière de Tau avec l’anticorps tau5
alors que chez cinq individus AD sur six, une forme clivée avec un PM de 37 kDa apparaît en
plus de la forme entière.

b) Le WB avec l’anticorps anti-tau N368 montre que la bande de 37 kDa est reconnue dans les
lysats de patients AD et pas dans les lysats des individus contrôles. Il s’agit bien du fragment 1-
368 puisque le signal disparaît si on préincube l’anticorps avec le peptide antigénique 360-368
(pas montré).
è Ce clivage de Tau par AEP se fait bien in vivo dans le cerveau des patients atteints d’Alzheimer.

A droite, en haut : Immunohistochimie avec l’anticorps anti-Tau N368 au niveau de l’hippocampe et du


cortex. Le WB a permis de vérifier que cet anticorps était spécifique.

Chez les patients atteints d’Alzheimer, il y a un marquage mais pas chez les individus contrôles. Cela
corrobore les résultats du WB.

A droite, en bas : Mesure de l’activité enzymatique de l’AEP (asparagine endopeptidase) par


fluorescence. Il y a bien une augmentation significative de cette activité dans les cerveaux des patients
malades par rapport aux cerveaux contrôles.

A gauche, en bas. On pourrait se demander comment une protéine lysosomale comme AEP peut cliver
une protéine cytosolique comme Tau. Cela ne peut s’expliquer que si la membrane des lysosomes est
altérée et permet la libération de AEP dans le cytosol. Pour tester cette hypothèse, d’autres chercheurs
ont réalisé un fractionnement subcellulaire. Ils ont ainsi obtenu une faction enrichie en lysosomes et une
fraction cytosolique, comme le montre le WB réalisé avec l’anticorps anti-LAMP2. Grâce à un anticorps
anti-AEP, ils ont analysé l’abondance relative de la forme active (clivée) de AEP dans le cerveau
d’individus contrôle et d’individus atteints de AD. Ils ont observé une augmentation légère mais
significative de l’abondance de AEP active dans le cerveau AD par rapport aux cerveaux AD
(quantification non montrée ici).

è La protéine Tau est clivée in vivo par l’AEP libérée dans le cytosol et cela pourrait contribuer
au développement de la maladie.

157
Ensuite, l’équipe de Zhang a étudié les propriétés physiques des fragments de Tau générés par
AEP ainsi que leur neurotoxicité.

A gauche, on voit une représentation de la protéine Tau entière avec les sites reconnus par l’AEP. Les
chercheurs ont produit dans des bactéries E. coli des fragments de la protéine Tau correspondant aux
fragments générés par l’AEP :
- un fragment allant de 1 à 255,
- un fragment allant de 1 à 368,
- un fragment allant de 256 à 368,
- un fragment allant de 256 à 441,
- un fragment allant de 369 à 441
P1-P2 correspondent au domaine riche en prolines décrit précédemment.
R1-R3-R4 correspondent aux domaines M1-3-4 qui interagissent avec les microtubules.

Ensuite, ils ont réalisé différents tests in vitro et sur des neurones transfectés.

1) A droite. Test d’assemblage in vitro des microtubules en présence de ces différentes protéines.
Il consiste à incuber à 37°C les protéines Tau avec de la tubuline purifiée et de mesurer
l’absorbance (ou densité optique) pendant 20 min. On constate que le test fonctionne avec la
protéine Tau entière. Toutes les protéines tronquées inhibent l’assemblage des microtubules à
des degrés divers. Celles qui inhibent le plus sont les protéines 1-255 et 369-441. C’est normal
puisqu’elles n’ont pas les domaines d’interaction avec les microtubules. Le fragment 1-368
inhibe partiellement la polymérisation des microtubules.

2) En bas. Ils ont aussi mesuré la neurotoxicité de ces protéines Tau dans des neurones en culture
primaire transfectés avec les différents fragments. Ce test TUNEL permet d’analyser la
fragmentation de l’ADN et donc de déterminer le % de cellules apoptotiques. Ils ont constaté
que deux fragments générés par l’AEP augmentaient significativement le % de cellules
apoptotiques : les fragments 1-368 et 256-368.
è Le fragment 1-368, obtenu après le clivage de Tau par l’AEP perturbe l’assemblage des
microtubules in vitro et son expression est neurotoxique.

è L’activation AEP qui se produit dans le cerveau des patients AD peut nuire à la survie de neurones.

158
Ensuite, ils ont réalisé des expériences sur des souris transgéniques, le but étant de voir si la
délétion du gène codant pour l’AEP (légumaïne, Lgmn) pouvait empêcher la formation de
dégénérescences neurofibrillaires et améliorer les capacités cognitives des souris.

Pour cela, ils ont supprimé le gène Lgmn dans des souris WT et dans des souris Tau P301S qui servent
de modèle de tauopathie. Ces souris développent des dégénérescences neurofibrillaires sans former de
plaques amyloïdes.

A gauche,
Ils ont fait des WB pour vérifier 1) l’absence d’expression de l’AEP dans les souris KO Lgmn -/-
et 2) la présence des fragments 1-368 dans le cerveau des souris Tau P301S mais pas dans celui des
souris Tau P301S qui n’expriment pas AEP.

Le WB avec l’anticorps tau5 montre bien la surexpression de Tau dans les souris Tau P301S avec
ou sans Lgmn. On voit aussi que le poids moléculaire apparent de Tau augmente suite à son
hyperphosphorylation. Le WB avec l’anticorps anti-tau N368 montre que le fragment 1-368 produit par
l’AEP est bien visible dans les souris Tau P301S mais pas dans les autres souris. Le WB avec l’anticorps
anti-AEP confirme l’absence d’expression de l’AEP dans les souris Lgmn -/-.

è la protéine AEP est capable de cliver Tau in vivo dans un modèle murin de tauopathie.

A droite,
Ils ont ensuite réalisé une immunohistochimie sur des coupes, faites au niveau de l’hippocampe
et du cortex, avec l’anticorps AT8 pour savoir si la délétion du gène Lgmn (et donc la diminution de
l’expression de AEP) dans les souris P301S, pouvait réduire le nombre de dégénérescences
neurofibrillaires. Comme attendu, ils observent un marquage avec l’anticorps anti-Tau AT8 (qui
reconnait les formes hyperphosphorylées de Tau contenues dans les PHF) dans le cerveau des souris
Tau P301S mais pas dans le cerveau des souris WT et Lgmn -/-. De façon remarquable, ils observent une

159
diminution de 30 % du marquage dans les souris Tau P301S qui n’exprime pas l’AEP (TauP301S, Lgmn-
/-
).
En bas,
Enfin, ils ont analysé les propriétés cognitives des souris avec différents tests neurologiques. Seul,
un test est présenté ici : l’analyse du Morris Water maze. Ce test consiste à mettre une souris dans un
récipient contenant de l’eau trouble et à enregistrer ses déplacements. Quelque part dans le récipient, il
y a une plateforme où elle peut se reposer. La souris va nager jusqu’à ce qu’elle trouve la plateforme.
On fait l’expérience plusieurs fois par jour pendant plusieurs jours. Au fur et à mesure des essais, elle
arrive de plus en plus rapidement à la plateforme. Ici, ils ont enlevé la plateforme après 5 jours et ont
analysé le temps passé par les souris dans le quart de la surface de la piscine où se trouvait la plateforme.
Plus elles ont une bonne mémoire, plus elles passent du temps dans cette région.

- Pour les souris sauvages WT, le % de temps passé dans la zone où il y avait la cible (la
plateforme) est important (environ 55%).
- Pour les souris WT avec le gène Lgmn délété, il y a une faible diminution du % mais ce n’est
pas significatif.
- Pour les souris Tau P301S, il y a une diminution hautement significative du % de temps passé
dans la zone où il y avait la plateforme.
- Pour les souris Tau P301S avec le gène Lgmn délété, il y a une augmentation significative du
% de temps passé dans cette zone par rapport aux souris Tau P301S même si ce % reste inférieur
aux souris WT. Autrement dit, l’inhibition de l’expression de AEP restaure partiellement la
mémoire des souris Tau P301S.

è Toutes ces expériences suggèrent que diminuer l’activité de la protéase AEP pourrait avoir un
intérêt thérapeutique dans le traitement de la maladie d’Alzheimer puisque cela réduit la formation
des dégénérescences neurofibrillaires dans le cerveau et cela permet de restaurer partiellement
certaines propriétés cognitives des souris.

7. Etapes-clés dans la dégénérescence neuronale et approches thérapeutiques


possibles.

L’hyperphosphorylation anormale de Tau :

• peut provoquer un auto-assemblage de la protéine elle-même


Ø Neurodégénérescences fibrillaires et Perturbation du flux axoplasmique
• peut provoquer la formation d’oligomères qui peuvent se propager d’une cellule à l’autre (soit
parce que les cellules meurent donc libèrent les oligomères ou parce que les oligomères sont
libérés au niveau de la synapse). On sait que si on injecte des NFTs dans des neurones sains, les
protéines Tau hyperphosphorylées vont entraîner l’oligomérisation des protéines Tau
endogènes.

• peut engendrer une dégradation des microtubules


Ø Perturbation du flux axoplasmique (flux des vésicules le long des axones)
Ø Perte des neurones
Ø Démence

160
Comment éviter cette cascade d’évènements menant à la démence ? Quelles cibles thérapeutiques pour
soigner la maladie d’Alzheimer ?

Au niveau de Tau,

Il faudrait pouvoir inhiber l’hyperphosphorylation anormale de Tau. Comment ?

• En augmentant l’activité de la protéine phosphatase 2A. Certaines modifications post-


traductionnelles permettent d’augmenter (la méthylation) ou de diminuer (le clivage par
AEP et la phosphorylation de la Tyr 307) l’activité de la phosphatase PP2A. On pourrait
essayer de :
o Diminuer l’activité d’AEP avec des petits inhibiteurs capables de passer la barrière
hématoencéphalique (BBB),
o Inhiber la déméthylation de PP2A catalysée par des méthylestérases,
o Inhiber la kinase responsable de la phosphorylation de la tyrosine 307.

• En diminuant l’activité des Tau kinases :


o Inhiber la CDK5 avec des inhibiteurs déjà utilisés dans le traitement de cancers
o Inhiber la GSK3β (chlorure de lithium)

161
• En inhibant l’activité de la O-N-acétylglucosaminidase pour favoriser la O-N-
acétylglucosaminylation de Tau car elle permet d’éviter la phosphorylation de Tau.

Au niveau des microtubules

Les microtubules sont déstabilisés vu que Tau ne s’y fixe plus. Il faudrait favoriser leur stabilisation.
Des molécules existent, notamment des molécules utilisées pour le traitement des cancers (paclitaxel).

Au niveau de l’autoassemblage de Tau

Il y a des molécules inhibant l’agrégation des protéines Tau (curcumin).

Au niveau des oligomères

Il faudrait pouvoir enlever les oligomères car ils permettent la propagation de la maladie d’une cellule
à l’autre et d’une région à l’autre du cerveau. Comment enlever ces oligomères ? Des tests sont en cours
par :

Immunisation active = administrer au patient des peptides contre lesquels le patient va développer des
anticorps. Quels peptides utiliser ? Il faudrait multiplier les peptides pour avoir une protection de
l’individu mais il y a un risque élevé d’avoir des effets secondaires car cela favorise la production
d’anticorps contre des protéines existant naturellement. Donc, si on bloque l’activité de Tau, cela ne va
pas non plus.

Immunisation passive = administrer directement au patient des anticorps qui ciblent une région
particulière de la protéine d’intérêt. Cela pose moins de problèmes de réaction secondaire. Les
recherches sont surtout développées de ce côté-là pour soigner la maladie d’Alzheimer. Ces anticorps
qui devraient reconnaître des épitopes différents selon le stade de la maladie pourraient être endocytosés
par les neurones mais ils pourraient aussi agir dans le milieu extracellulaire et empêcher la propagation
des oligomères de tau d’une région à l’autre du cerveau. Toutefois, comme les anticorps n’agissent pas
très longtemps, il faut en réinjecter souvent et cela coûte cher.

8. Perturbations des systèmes de dégradation protéique associés à la maladie


d’Alzheimer.

Si des oligomères de peptides Ab et de Tau se forment, c’est parce que les systèmes de
dégradation des protéines anormales sont défectueux chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer
mais aussi de façon générale, chez les personnes âgées.

162
a. Le protéasome

Chez les patients AD, l’activité du protéasome diminue parce que :

- il y a une diminution de l’activité protéolytique dans le protéasome


- il y a une diminution de l’abondance des récepteurs d’ubiquitine qui guide les protéines
ubiquitinées pour rentrer dans le cylindre creux formé par le protéasome.
- il y a une inhibition due à des interactions physiques avec les peptides Ab et avec Tau.

b. L’autophagie assistée par les chaperones.

L’autophagie assistée par les chaperones est également inhibée chez les personnes âgées. Pour
rappel, la CMA permet de dégrader une à une des protéines avec motif « KFERQ » qui se lient sur le
récepteur LAMP2A après avoir interagi avec des chaperones. Après liaison du substrat, LAMP2A
s’oligomérise et forme un canal de translocation qui permet le passage de la protéine vers la lumière du
lysosome où elle sera dégradée par des protéases. Ensuite, le canal se dissocie et LAMP2A migre vers
un microdomaine lipidique où elle sera dégradée par la cathepsine D. Cette CMA est inhibée avec l’âge
parce qu’il y a une réduction de l’expression de LAMP2A, la composition lipidique des membranes

163
lysosomales pourrait changer favorisant la dissociation des oligomères de LAMP2A et sa dégradation.
De plus, on sait que l’a-synucléine, la protéine qui s’agrège anormalement dans la maladie de Parkinson
se lie à la membrane lysosomale mais ne rentre pas à l’intérieur de l’organite, bloquant ainsi la
translocation d’autres substrats de la CMA. On sait aussi que Tau possède plusieurs motifs de type
« KFERQ » et une étude a montré qu’une certaine forme de Tau pouvait s’associer à la membrane
lysosomale et était partiellement clivée. Un des fragments ainsi générés bloquerait aussi la translocation
des substrats de la CMA. Une étude plus récente de l’équipe de Cuervo a également montré que
l’acétylation de Tau, un événement précoce dans l’apparition de la maladie d’Alzheimer, diminuait la
capacité des lysosomes à réaliser la CMA. Tau est alors dévié vers la macroautophagie et vers le
microautophagie endosomale. Cela contribuerait à sa libération dans le milieu extracellulaire et à sa
propagation de cellule en cellule à travers le cerveau. L’inefficacité de la CMA dans le cerveau des
personnes âgées pourrait donc aggraver la perte de leurs capacités cognitives.

c. La macroautophagie.

Un troisième système de dégradation des protéines anormales est la macroautophagie. Celle-ci


permet entre autres de dégrader sélectivement les agrégats protéiques après interactions entre les
protéines ubiquitinées de l’agrégat avec p62 qui recrute la machinerie de formation de l’autophagosome.
Une fois que l’autophagosome est formé autour de l’agrésome, il migre le long des microtubules pour
venir fusionner avec les lysosomes situés près du noyau. Dans les neurones des patients atteints de la
maladie d’Alzheimer, il y a une accumulation massive de vacuoles d’autophagie de grande taille dans
les neurites dystrophiques. C’est une caractéristique propre à la pathologie AD. Avant d’expliquer cette
anomalie, il faut bien comprendre le système endolysosomal et la voie autophagique dans les cellules
neuronales.

164
c1. Modèle d’autophagie neuronale dans un axone.

Les neurones sont des cellules post-mitotiques, hautement polarisées. Ils renferment 3
compartiments structurellement et fonctionnellement différents : le soma, l’axone et la synapse. Dans
les neurones périphériques, l’axone peut faire 1 m de long. Il faut donc une bonne organisation pour le
transport des organites, comme des endosomes, des lysosomes et des autophagosomes. On a découvert
récemment que les lysosomes situés dans la partie distale des axones renfermaient peu d’activité
protéolytique (cathepsines B et D et b-glucocérébrosidase) par rapport aux lysosomes situés dans le
soma. On pourrait les qualifier d’endosomes tardifs. Il y a donc un gradient d’activité protéolytique
entre la synapse et le soma. A l’inverse, le pH devient de plus en plus acide. Il y a donc une maturation
progressive des lysosomes pendant leur transport rétrograde (de la périphérie vers le centre du neurone).
Parallèlement à cela, il y aurait aussi une maturation progressive des autophagosomes : dans
la synapse, les autophagosomes seraient immatures. Ils fusionneraient avec des endosomes tardifs pour
devenir des amphysomes (compartiment hybride). Cela leur permettrait d’acquérir la machinerie
nécessaire pour se déplacer dans l’axone jusque dans le soma (ou dans la partie proximale de l’axone)
où ils peuvent fusionner avec un lysosome avec une activité protéolytique élevée pour devenir un
auto(phago)lysosome. En réalité, des lysosomes sont constamment transportés du soma vers les axones
(dans le sens antérograde) pour venir à la rencontre des vacuoles d’autophagie (qui elles se déplacent
exclusivement dans le sens rétrograde) pour faciliter la dégradation des cargos. Sans cette fusion des
amphysomes avec les lysosomes actifs, les mitochondries abîmées peuvent s’accumuler dans le soma et
entraîner un stress oxydant pouvant entraîner la mort du neurone.

165
Dans les neurones des patients atteints de la maladie d’Alzheimer, on observe des gonflements
axonaux au niveau des plaques amyloïdes (neurites dystrophiques). Dans ces gonflements, il y a une
accumulation massive d’organites qui ressemblent à des lysosomes mais qui sont pauvres en activité
protéolytique. Il pourrait s’agir d’endosomes tardifs, de lysosomes peu actifs ou d’amphysomes.
Parallèlement à cela, plusieurs études ont montré qu’il y avait des peptides Ab 1-42 associés aux
endosomes tardifs et aux vacuoles d’autophagie dans le cerveau des patients AD. Cela a soulevé la
question de savoir si l’accumulation d’oligomères solubles de peptides Ab ne pourrait pas augmenter la
rétention des vacuoles d’autophagie dans les axones distaux des cerveaux AD. Cela pourrait expliquer
la diminution de l’élimination des protéines agrégées par la voie autophagique. Voici les expériences
que des chercheurs ont réalisées pour tester cette hypothèse.

c2. Des organites LAMP1+, pauvres en protéases, s’accumulent dans des neurites
dystrophiques à proximité des plaques amyloïdes.

Les auteurs ont analysé le cortex cérébral de souris modèles de la maladie d’Alzheimer en
microscopie immunofluorescente. Ce sont des souris transgéniques qui expriment des protéines APP et
préséniline 1 mutées que l’on trouve dans des formes familiales humaines de la maladie d’Alzheimer
(5xFAD). Elles commencent à développer des plaques séniles à partir de 5 mois.

166
Sur les coupes histologiques du néocortex de souris 5xFAD, le marquage de LAMP1 se
présente sous forme de rosettes (en haut) alors que dans les corps cellulaires neuronaux WT et AD, le
marquage est diffus et correspond à des points beaucoup plus petits (voir figure suivante). Un marquage
de cette région avec un anticorps anti-Ab (en rouge) montre que ces rosettes entourent des plaques
amyloïdes (en rouge). Ces rosettes de LAMP1 apparaissent déjà dans le cerveau de souris âgées de 3
mois, à côté des plus petites plaques séniles détectables et elle s’accumulent avec le temps, au fur et à
mesure que les plaques séniles grossissent. Il y a donc une relation spatio-temporelle entre le dépôt des
plaques séniles et l’accumulation de compartiments LAMP1+.

En microscopie électronique, ils constatent aussi l’accumulation d’organites ressemblant à des


lysosomes dans des processus cellulaires gonflés, disposés autour des plaques amyloïdes (zone délimitée
en vert). La plaque amyloïde relativement amorphe est entourée en rouge. L’encadré bleu (agrandi à
droite) montre ces organites denses aux électrons avec parfois du matériel membranaire dans la lumière.
Il s’agit d’endosomes tardifs, de lysosomes ou de vacuoles d’autophagie. Ces résultats suggèrent que
ces organites se trouvent dans des gonflements axonaux en contact étroit avec les plaques amyloïdes.

La présence de ces organites LAMP1+ est spécifique, il n’y a pas d’accumulation d’endosomes
précoces, de réticulum endoplasmique, d’appareil de Golgi ou de mitochondries. Près de ces plaques
amyloïdes, on trouve des vésicules synaptiques mais elles ne sont pas accumulées. Ces organites
LAMP1+ se trouvent dans des axones neuronaux gonflés (marqués avec le neurofilament). Ce ne sont
pas des lysosomes de dendrites neuronaux ou de cellules microgliales qui seraient en train de phagocyter
une plaque sénile. De plus, ces organites LAMP1+ sont pauvres en activité protéolytique (cathepsines
B, L, D et l’asparagine endopeptidase AEP).

c3. BACE1 est enrichi dans ces gonflements axonaux LAMP1+, près des plaques
amyloïdes.

Etant donné que BACE1, la b-sécrétase qui est la première enzyme responsable du clivage de
l’APP par la voie amyloïdogène, est présente en grande quantité dans le cerveau des patients atteints de
la maladie d’Alzheimer et est enrichie dans les plaques amyloïdes, les chercheurs se sont demandé si
BACE1 ne pouvait pas s’accumuler dans ces gonflements axonaux, observés dans le cerveau des souris
5xFAD âgées de 6 mois.

Dans le cerveau des souris WT, le marquage de LAMP1 est diffus et le marquage de BACE1
sort à peine du bruit de fond. Un marquage ponctiforme de BACE1 apparaît dans le cerveau des souris

167
5xFAD à 3 mois, au moment où le marquage LAMP1 prend la forme de rosettes. Entre 3 et 6 mois, la
taille des rosettes LAMP1+ augmente, en même temps que la taille des plaques séniles. De façon
intéressante, on constate aussi un marquage BACE1 dans ces gonflements axonaux.

è BACE1 colocalise avec LAMP1 et cela dès les étapes les plus précoces de la formation des
plaques amyloïdes. Il se pourrait que l’accumulation de BACE1 soit due à une diminution de l’activité
des protéases lysosomales dans ces compartiments. D’autres études ont montré que BACE1 pouvait se
trouver dans des endosomes et dans des autophagosomes, que la g-sécrétase était active dans des
endosomes tardifs et que l’APP pouvait se trouver dans des neurites dystrophiques associés à des plaques
amyloïdes. Par conséquent, il se pourrait que des peptides Ab soient produits dans ces neurites
dystrophiques. Cependant, on ne peut pas écarter la possibilité que le fragment CTFb produit par la b-
sécrétase et qui reste dans la membrane puisse aussi avoir un effet délétère sur les neurones en inhibant
le transport rétrograde des récepteurs à la neurotrophine BNDF.

è Pour conclure, les auteurs proposent que les dépôts amyloïdes extracellulaires provoqueraient
l’accumulation dans les axones de lysosomes périphériques immatures en bloquant leur transport
rétrograde. Ils pensent que des contacts directs entre la membrane plasmique des axones avec des
fibrilles ou avec des oligomères amyloïdes pourraient déclencher ce blocage via des signaux médiés par
le calcium mais c’est juste une proposition.

c4. Accumulation de vacuoles d’autophagie (AV) dans les neurones de souris


transgéniques surexprimant hAPPmut.

Dans une autre étude, les auteurs ont cherché à savoir s’il y avait aussi des vacuoles d’autophagie
dans les neurites dystrophiques à proximité des plaques séniles. Ils ont utilisé un autre modèle de souris
AD. Il s’agit de souris transgéniques qui expriment deux formes mutées d’APP humaine (hAPPmut Tg).
Ils ont réalisé des expériences d’immunofluorescence sur des coupes de cerveaux avec deux anticorps :
l’anticorps 6E10 qui reconnaît les dépôts de peptides Ab, d’APP et de fragments C99/CTFb (les plaques
amyloïdes) et un anticorps anti-LC3.

Cette expérience d’IF montre que les vacuoles d’autophagie (LC3+) se trouvent dans les neurites
dystrophiques et pas dans les plaques amyloïdes contenant du matériel fibrillaire.

Ensuite, ils ont cherché à déterminer si les endosomes tardifs et les vacuoles d’autophagie
s’accumulaient dans ces gonflements axonaux à cause d’un problème de transport le long des
microtubules. Ils ont transfecté des neurones de souris WT ou de souris hAPPmut Tg de la même portée
en cultures primaires avec GFP-LC3 (marqueur des vacuoles d’autophagie) et avec mRFP-Rab7

168
(marqueur des endosomes tardifs) et ils ont d’abord analysé le marquage en IF après fixation des
cellules.

A. Dans les neurones des souris WT, le marquage GFP-LC3 est diffus le long de l’axone et on ne
distingue que quelques vacuoles d’autophagie (quelques points verts). Cela suggère que le taux basal
d’autophagie est faible. Par contre, on voit bien des spots rouges correspondant aux endosomes tardifs.
Quand on superpose les deux couleurs, on constate qu’il y a quelques spots jaunes. Ils correspondent
aux amphysomes (organites hybrides résultant de la fusion entre des endosomes tardifs et des
autophagosomes immatures).

B. En revanche, dans les neurones des souris hAPPmut Tg, on voit clairement des vacuoles
d’autophagie et des compartiments Rab7 + dispersés le long de l’axone. Un certain nombre d’entre eux
sont des amphysomes. On le voit sur la figure du dessous. Les flèches indiquent les amphysomes (double
marquage LC3 et Rab7) alors que les têtes de flèche représentent soit des endosomes tardifs (simple
marquage Rab7), soit des vacuoles d’autophagie (simple marquage LC3). Il y a donc une activation de
l’autophagie dans le phénotype AD.

A droite. Une quantification réalisée en microscopie électronique à transmission sur une


soixantaine de cellules confirme l’augmentation significative du nombre de vacuoles d’autophagie par
10 µm de neurites (en haut) et du % de terminaisons avec des vacuoles d’autophagie (en bas) dans les
neurones des souris transgéniques hAPP par rapport au neurones des souris WT. Cela confirme les
résultats montrés précédemment. Ils ont également constaté que ces vacuoles d’autophagie étaient
chargées de protéines ubiquitinées.

c5. Défaut dans le transport rétrograde des amphysomes dans les neurones de souris
transgéniques surexprimant hAPPmut.

Ensuite, les auteurs ont analysé en temps réel la mobilité des organites sur des neurones en
culture, afin de comprendre l’accumulation de vacuoles d’autophagie dans les neurites dystrophiques.
Ils ont obtenu des kymographes. Ce sont des enregistrements des déplacements des organites LC3+ ou

169
Rab7+ au cours du temps. La hauteur des carrés représente le temps qui passe pendant les observations
tandis que la base représente la distance parcourue. Ils observent des lignes vertes ou rouges selon qu’ils
observent les organites marqués avec GFP-LC3 ou les organites marqués avec mRFP-Rab7. Les lignes
verticales montrent les organites stationnaires. Les lignes qui partent de la droite vers la gauche
témoignent du transport rétrograde. Les lignes qui partent de la gauche vers la droite traduisent un
transport antérograde.

Pour les neurones des souris WT, ils se sont surtout intéressés aux endosomes tardifs puisqu’ils
ne distinguent pas beaucoup de vacuoles d’autophagie (en vert). L’image pixelisée à droite montre que
la plupart des organites mRFP-Rab7+ sont stationnaires mais que certains se déplacent dans le sens
rétrograde (de la synapse vers le soma du neurone).

Pour les neurones des souris hAPPmut Tg, ils ont analysé les déplacements des endosomes tardifs
et des amphysomes. Là aussi, la plupart des organites mRFP-Rab7+ sont stationnaires. Plusieurs se
déplacent dans le sens rétrograde et un seul dans le sens antérograde.

Les résultats quantitatifs sont montrés à droite. En haut, on constate qu’il y a peu de mouvements
antérogrades, un peu plus de mouvements rétrogrades mais la majorité des organites sont stationnaires
aussi bien dans les neurones WT que dans les neurones hAPP (en haut). On constate aussi une
diminution significative du % de mobilité des endosomes tardifs dans le sens rétrograde dans les
neurones hAPPmut Tg par rapport aux neurones WT. Celle-ci s’accompagne d’une augmentation
significative du % d’endosomes tardifs stationnaires.

De même, la vitesse de déplacement rétrograde et la distance parcourue par les endosomes tardifs
sont significativement plus faibles dans les neurones hAPPmut Tg que dans les neurones WT (en bas).
Ces résultats soutiennent l’hypothèse que l’accumulation des vacuoles d’autophagie dans les neurones
des patients AD est due à un problème de transport rétrograde des endosomes tardifs ou des amphysomes
le long des axones.

On sait que le déplacement des organites dans le sens rétrograde dépend des moteurs protéiques
dynéine-dynactine qui agissent sur les microtubules. Dans les neurones, les interactions entre les

170
endosomes tardifs ou les amphysomes et la dynéine nécessitent une protéine adaptatrice intermédiaire,
la snapine. C’est en fusionnant avec les endosomes tardifs et en devenant des amphysomes que les
autophagosomes acquièrent la snapine et leur motilité rétrograde. Tammineni et son équipe ont donc
décidé de regarder si l’expression de l’APP mutée pouvait avoir un impact sur l’abondance de la dynéine
et de la snapine ou sur les interactions entre elles. Ceci pourrait expliquer le blocage du transport
rétrograde des amphysomes.

Ces chercheurs ont donc exprimé l’APP humaine mutée dans le cerveau de souris. Dans l’input,
on voit que l’expression de l’APP humaine mutée s’accompagne d’une conversion de LC3-I en LC3-II,
ce qui n’est pas le cas dans les cerveaux de souris WT de la même portée. Cela témoigne à nouveau du
défaut de transport rétrograde des amphysomes dans les cerveaux AD. Pourtant, dans l’input, il n’y a
pas de modification de l’abondance de DIC, de Snapine ou de Rab7.

Pour déterminer si la rétention des amphysomes dans les axones distaux des cerveaux AD pouvait
s’expliquer par une diminution de l’abondance de la dynéine associée aux amphysomes, ils ont isolé des
endosomes tardifs et des amphysomes à partir de cerveaux de souris à l’aide de billes magnétiques
couplées à des anticorps anti-Rab7. Et ensuite, ils ont analysé l’abondance de différentes protéines par
WB en comparaison avec des fractions isolées à partir de cerveaux de souris WT (rectangle rouge).
EEA1 (Early Endosome Antigen) n’est pas détecté, ce qui montre que la technique a permis de séparer
les endosomes tardifs/amphysomes des endosomes précoces. A côté, il y a les échantillons obtenus avec
un anticorps non spécifique (IgG) qui n’a pas permis d’isoler des compartiments contenant APP et Rab7.

Dans la fraction enrichie en organites Rab7+, on observe une diminution de l’intensité de la


bande correspondant à la chaîne intermédiaire de la dynéine (DIC) dans les souris hAPP par rapport
aux souris WT. Il semblerait à première vue qu’il y ait aussi une légère diminution des bandes
correspondant à la snapine et à Rab7 dans les neurones APP par rapport aux neurones WT. Il y a peut-
être moins de compartiments Rab7+ dans les neurones APP. Si on regarde les résultats quantitatifs,
obtenus après normalisation avec la quantité totale de protéines, on constate qu’il y a une diminution
hautement significative de DIC mais pas de la snapine ni de Rab7 dans les organites isolés à partir des
cerveaux des souris transgéniques hAPPmut par rapport aux organites isolés à partir des cerveaux des
souris WT.

171
è Dans les neurones AD, il y aurait une rétention des amphysomes dans la partie distale des
axones suite à une diminution de la dynéine associée aux amphysomes.

c6. Association d’oligomères solubles Ab avec des amphysomes dans les axones
dystrophiques des souris AD.

Ensuite, ils se sont demandés si la production de peptides Ab 1-42 dans les axones dystrophiques
ne pouvait pas interférer avec l’association de la dynéine avec les amphysosomes.

Avant d’aborder la question de l’association de la dynéine avec les amphysosomes, ils se sont
assurés qu’il y avait des peptides Ab dans les neurites dystrophiques. Pour cela, ils ont réalisé des
expériences d’immunofluorescence avec un anticorps qui ne reconnaît que les oligomères solubles de
Ab, l’anticorps A11.

Le résultat montre qu’il y a des oligomères solubles de peptides Ab (marquage A11) en périphérie
des plaques amyloïdes (marquage 6E10). Ces oligomères se trouvent bien dans des axones, comme le
montre la colocalisation avec le marquage obtenu avec l’anticorps dirigé contre le neurofilament (voir
les flèches sur les images colorées ou les taches blanches sur l’image pixelisée). Avec d’autres anticorps,
ils ont montré qu’il s’agissait de peptides solubles de Ab 1-42 (et pas de peptides Ab 1-40 ou des formes
insolubles de haut PM de peptides Ab 1-42). Des observations en immuno-microscopie électronique ont
confirmé la présence accrue de peptides Ab oligomériques dans le cytoplasme des neurones des souris
hAPP par rapport aux neurones de souris WT. Enfin, grâce à cet anticorps A11, ils ont réussi à détecter
des oligomères Ab 1-42 dans et à côté de structures qui ressemblent à des vacuoles d’autophagie
(résultats non montrés).

è Ces expériences suggèrent qu’il y a des oligomères solubles de peptides Ab 1-42 dans les
neurites dystrophiques à proximité des plaques amyloïdes dans les régions de l’hippocampe des souris
transgéniques hAPP. Ces peptides Ab pourraient être générés sur place puisqu’on y trouve aussi de
l’APP (voir WB), de la b-sécrétase BACE1 (voir IF plus haut) et probablement de la g-sécrétase (non
montré). Ils pourraient se former dans des endosomes tardifs ou dans des amphysomes suite à une
diminution de l’activité lysosomale.

172
c7. Les oligomères Ab 1-42 interagissent avec la dynéine et empêchent le couplage
entre la dynéine et la snapine.

Nous avons vu 1) que des peptides Ab 1-42 se trouvaient dans les amphysomes retenus dans les
neurites dystrophiques et 2) que le transport rétrograde des amphysomes le long des microtubules était
perturbé dans les cerveaux de souris AD suite à une diminution de la quantité de dynéine associée aux
amphysomes. Dès lors, on pourrait se demander s’il n’y a pas un lien de cause à effet entre ces deux
observations. Est-ce que les peptides Ab 1-42 ne pourraient pas interférer avec l’association de la
dynéine avec la snapine et ainsi ralentir le transport rétrograde des endosomes tardifs et des amphysomes
le long de l’axone ?

Pour aborder cette question, ils ont réalisé des expériences sur des lysats de cerveaux humains et
des expériences de GST-pulldown.

Les chercheurs ont d’abord réalisé des expériences de co-immunoprécipitation pour voir s’il y
avait une diminution des interactions entre la dynéine et la snapine dans le cerveau de patients atteints
de la maladie d’Alzheimer par rapport au cerveau d’individus contrôles du même âge.

Quand on regarde la quantité totale de la chaîne intermédiaire de la dynéine (DIC) et de la


snapine dans le lysat de cerveau AD par rapport au lysat de cerveau contrôle, il n’y a pas de différence
(cfr Input). Par contre, on observe moins de DIC associée à la snapine dans le cerveau AD par rapport
au cerveau contrôle après immunoprécipitation de la snapine avec un anticorps spécifique suivie d’un
WB avec l’anticorps anti-DIC. Pourtant, dans cette expérience, il semble qu’il y ait plus de snapine dans
l’immunoprécipité obtenu avec le cerveau AD que dans l’immunoprécipité obtenu avec le cerveau
contrôle. Après quantification et normalisation des résultats de 3 expériences individuelles, on constate
que la diminution de l’association DIC-Snapine dans les cerveaux AD par rapport aux cerveaux
contrôles est hautement significative.

Ils ont aussi réalisé des expériences de GST-pulldown. Ils ont produit des protéines GST, GST-
Snapine et GST-DIC dans des E. Coli et les ont fixées sur des billes de glutathion-sépharose. Ensuite,
ils les ont incubées in vitro une nuit à 4°C avec une fraction membranaire légère de cerveaux de souris
en présence ou en absence d’oligomères solubles de peptides Ab 1-42 purifiés. Après incubation et
lavages extensifs, les protéines retenues ont été analysées par électrophorèse suivie de WB.

173
Sur la partie inférieure du blot, on voit les protéines GST seule, GST-Snapine (un doublet) et
GST-DIC qui ont des PM différents. Sur la partie supérieure, on voit que l’intensité du signal Ab dans
l’input est proportionnelle à la quantité de protéines déposées (à droite). Ce qui est intéressant de noter
ici, c’est que le peptide Ab interagit avec GST-DIC mais pas avec la GST seule ni avec la GST-Snapine.
L’interaction est donc spécifique à DIC, la chaîne intermédiaire de la dynéine.

è Le peptide Ab 1-42 interagit directement avec la chaîne intermédiaire de la dynéine mais pas
avec la snapine.

c8. Seuls, les oligomères Ab 1-42 interagissent avec la dynéine et empêchent le couplage entre la
dynéine et la snapine.

A ce stade, les chercheurs se sont demandé 1) si cette interaction entre le peptide Ab et DIC était
propre au peptide Ab 1-42 (forme augmentée dans le cerveau AD) ou si elle se voyait également avec
le peptide Ab 1-40 (forme majoritaire dans le cerveau sain) et 2) si cette interaction entre le peptide Ab
et DIC interférait avec les associations entre DIC et la snapine, par compétition.

A gauche. Ils ont refait des expériences de GST-Pulldown avec cette fois-ci uniquement la GST
seule et la GST-DIC, incubées en présence des peptides Ab 1-42, Ab 1-40 ou un peptide avec les acides
aminés Ab mélangés (Scrambled) pour s’assurer de la spécificité des interactions. L’anticorps anti-Ab
utilisé ici ne reconnaît pas les formes « scrambled ». De façon intéressante, ils constatent que les

174
peptides Ab 1-42 (cercle vert) mais pas les peptides Ab 1-40 (cercle rouge) interagissent avec GST-
DIC. Les interactions entre les peptides Ab 1-42 et DIC sont spécifiques puisqu’il n’y a pas d’interaction
entre les peptides Ab 1-42 et la GST seule.

A droite, en haut. Ces interactions entre les peptides Ab 1-42 et GST-DIC dépendent de la dose
de peptides Ab 1-42 utilisés. En effet, l’intensité du signal Ab associé à GST-DIC est proportionnelle
à la quantité de peptides Ab 1-42 ajoutés entre 0,5 et 4 µM.

A droite, en bas. Cette figure montre que l’association des peptides Ab 1-42 avec la dynéine
réduit les interactions entre la dynéine et la snapine même à faible concentration. En effet, s’ils incubent
la GST-DIC avec les peptides Ab 1-42 (de 0,2 µM à 2 µM) et de la snapine taguée avec l’histidine (His-
Snapin), on constate une diminution de l’abondance de His-Snapin associée à la GST-DIC immobilisée
sur les billes de glutathion-sépharose. On constate que plus la quantité de peptides Ab 1-42 est élevée,
moins il y a de His-Snapin associée à la GST-DIC.

è Les peptides Ab 1-42 interagissent directement avec la chaîne intermédiaire de la dynéine et


empêchent les interactions entre la dynéine et la snapine. Cela pourrait contribuer au blocage du
transport rétrograde des amphysomes le long des microtubules dans les axones.

D’autres expériences non montrées ici indiquent que les cerveaux de souris déficientes en snapine
présentent le même stress autophagique dans les axones que les cerveaux de souris hAPPmut. A
l’inverse, la surexpression de la snapine dans les neurones des souris transgéniques hAPPmut permet de
rétablir le transport rétrograde des amphysomes dans les axones.

è L’accumulation des endosomes tardifs et des amphysomes dans les neurones AD serait due à
un problème de couplage de la dynéine avec la snapine induit par des oligomères solubles de peptides
Ab 1-42 (tant chez l’homme que chez la souris).

Pris ensemble, ces résultats montrent que des oligomères Ab 1-42 produits dans les endosomes
tardifs et dans les amphysomes des axones dystrophiques perturbent le transport rétrograde de ces
organites le long des axones en interagissant avec la dynéine et en empêchant les interactions entre la
snapine et la dynéine. Cette étude montre également que la protéolyse lysosomale dans le soma est
essentielle pour l’élimination des cargos autophagiques.

175
d. Conclusion.

En conclusion, nous avons évoqué dans ce chapitre les principaux événements qui pourraient
expliquer l’apparition de la maladie d’Alzheimer : la formation des plaques amyloïdes extracellulaires
par maturation d’une protéine précurseur (l’APP), la formation des dégénérescences neurofibrillaires
intracellulaires constituées de protéines Tau hyperphosphorylées, le manque d’efficacité des
mécanismes de dégradation habituels (protéasome, autophagie médiée par les chaperones,
macroautophagie, mitophagie) et la neuroinflammation. Bien sûr, il est impossible de tout expliquer
mais cela vous donne un aperçu aussi bien sur les mécanismes mis en cause que sur les techniques que
l’on peut utiliser pour les étudier.

Résumé sur la maladie d’Alzheimer

Causes possibles :

• Formation de plaques séniles extracellulaires composées de peptides Ab fibrillaires et de


neurites dystrophiques
• Formation de dégénérescences fibrillaires intracellulaires composées de Tau
hyperphosphorylée
• Diminution de l’activité des systèmes de dégradation protéique : protéasome et autophagie
médiée par les chaperones
• Perturbation du transport axonal des endosomes tardifs/lysosomes, des autophagosomes et des
amphysomes
• Activation de la microglie et neuroinflammation

176
177
Chapitre 2 : Maladies liées à un défaut de transport vésiculaire.

Table des matières

CHAPITRE 2 : MALADIES LIÉES À UN DÉFAUT DE TRANSPORT VÉSICULAIRE. 1

I. Machinerie de transport vésiculaire. 2


1. Etapes dans le transport vésiculaire. 2
2. Les complexes AP (Adaptor proteins). 3
3. Les manteaux protéiques des vésicules de transport. 4
4. Les protéines Rab, des petites GTPases. 5
a. Cycle des protéines Rab. 5
b. Distribution intracellulaire des protéines Rab. 6
c. Multiples fonctions des Rabs. 8
5. Les protéines SNAREs. 10
a. Le rôle des SNAREs dans la fusion des membranes. 10
b. Structure des SNAREs. 11
c. Cycle des SNAREs dans l’exocytose synaptique. 12
6. Modèle de régulation de l’exocytose des granules d’insuline. 13

II. Lymphohistiocytoses hémophagocytaires. 15


1. Caractéristiques générales. 15
2. Exocytose des granules lytiques après activation des lymphocytes T. 16
3. Formation de la synapse immunologique. 17
4. Classification des Lymphohistiocytoses Hémophagocytaires. 19
5. Défauts d’exocytose des granules lytiques par les lymphocytes cytotoxiques. 20
6. Syndrome de Hermansky-Pudlak. 22
7. Syndrome de Griscelli de type II. 22
8. FHL3 : Déficience en hMunc13-4. 24
9. FHL4 : Déficience en syntaxine 11. 25
a. La syntaxine 11 sert de t-SNARE à l’exocytose des granules cytotoxiques dans les CTLs. 25
b. La microscopie TIRF. 26
c. Une déplétion en syntaxine 11 conduit à une réduction de la fusion et de l’arrimage des granules cytotoxiques à
la membrane plasmique des CTLs. 28
d. La syntaxine 11 s’associe aux granules cytotoxiques au niveau de la synapse immunologique. 29
e. Une sous-population d’endosomes de recyclage transporte la syntaxine 11 à la synapse. 33
f. VAMP8 est-elle la protéine v-SNARE impliquée dans l’exocytose des granules lytiques dans les CTLs ? 35
g. VAMP7 est-elle la protéine v-SNARE impliquée dans l’exocytose des granules lytiques dans les CTLs ? 42
10. Conclusion. 46

1
I. Machinerie de transport vésiculaire.
Les cellules eucaryotes ont développé des compartiments membranaires pour séparer des
réactions enzymatiques nécessitant des environnements différents. Ces organites communiquent entre
eux soit par des contacts membranaires étroits soit par transport vésiculaire.

1. Etapes dans le transport vésiculaire.

Le transport vésiculaire d’une protéine cargo transmembranaire (ou d’une protéine cargo soluble
liée à un récepteur transmembranaire) d’un compartiment donneur à un compartiment accepteur
comprend plusieurs étapes : la formation d’une vésicule à partir d’un compartiment donneur, son
détachement, sa migration dans le cytoplasme et sa fusion avec un compartiment accepteur.

1) Initiation : des protéines cytosoliques sont recrutées sur la membrane du compartiment donneur
pour permettre localement la déformation de sa membrane. Certaines protéines cytosoliques
interagissent avec la queue cytoplasmique des protéines transmembranaires à transporter. Ici
sont représentées des petites GTPases de la famille ARF (boules rouges) et des protéines
adaptatrices (tirets bleus).

2) Bourgeonnement : la déformation de la membrane s’accentue après le recrutement de


nouvelles protéines cytosoliques, des protéines qui forment un manteau. Les protéines cargo
interagissent avec les protéines de manteau et cela permet leur regroupement dans la zone où
la membrane bourgeonne. Ces protéines se retrouvent ensuite dans la vésicule en formation qui
reste associée au compartiment donneur par un pédoncule.

3) Scission : des protéines coupent le col de la vésicule (ex : la dynamine). La vésicule est libérée
du compartiment donneur. Elle se retrouve d’abord dans des filaments d’actine permettant de
l’éloigner de la membrane du compartiment donneur puis est transférée sur des microtubules.
Les vésicules se déplacent dans le cytoplasme, parfois sur de grandes distances, accrochées aux
microtubules.

2
4) Uncoating : les vésicules perdent leur manteau. Cela permet de recycler les protéines du
manteau dans le cytosol. La vésicule se retrouve donc dénudée dans le cytoplasme, ce qui met
en évidence des protéines présentes sur la membrane qui vont permettre des interactions de la
vésicule avec le compartiment accepteur.

5) Tethering = Attachement : la vésicule se rapproche à une faible distance de la membrane du


compartiment accepteur (>25 nm). Cela implique des interactions entre des protéines Rabs
recrutées sur la membrane de la vésicule et des facteurs d’attachement insérés dans la membrane
acceptrice (protéine longiligne comme EEA1 ou complexe multimérique comme le complexe
HOPS).

6) Docking = Arrimage : la vésicule touche le compartiment accepteur. Un faisceau Trans-


SNARE se forme entre une v-SNAREs et trois t-SNAREs.

7) Fusion : s’il y a affinité, les deux membranes fusionnent grâce à la formation d’un complexe
trans-SNARE qui fournit l’énergie libre nécessaire à la fusion des membranes. La fusion elle-
même se fait par un processus de fermeture éclair. La protéine cargo peut alors rentrer dans le
compartiment accepteur.

Depuis quelques années, on s’est rendu compte que la répartition du travail n’était pas aussi
exclusive. Des protéines SNAREs peuvent participer à l’arrimage de la vésicule et des facteurs
d’attachement peuvent aider à l’assemblage des protéines SNAREs.

Dans les paragraphes qui suivent, je vais parler surtout des protéines adaptatrices, des protéines
Rab et des SNAREs.

2. Les complexes AP (Adaptor proteins).

Il existe plusieurs types de protéines adaptatrices, dont AP1, AP2, AP3, AP4 et AP5. Les
complexes AP1 agissent surtout dans le transport de cargos entre le réseau trans-Golgi et les endosomes
(transport antérograde dans la voie sécrétoire) et entre les endosomes et le Golgi (transport rétrograde).
Ils jouent un rôle clé dans le transport et le recyclage des récepteurs au mannose 6P. Les complexes AP-
2 interviennent au niveau de la membrane plasmique lors de l’endocytose tandis que les complexes AP-
3 agissent sur les endosomes précoces.

Les protéines adaptatrices AP sont des complexes hétérotétramériques (elles sont constituées
de 4 sous-unités différentes) en forme de Mickey (renversé).

Toutes ces protéines adaptatrices sont constituées d’un core central, formé de :

- 2 grandes sous-unités d’environ 100 kDa (g/b1, a/b2, d/b3, e/b4 et z/b5 respectivement pour
AP-1, AP-2, AP-3, AP-4 et AP-5).
- 1 sous-unité de taille intermédiaire d’environ 50 kDa (µ1, µ2, µ3, µ4 et µ5)
- 1 sous-unité de petite taille d’environ 20 kDa (σ1, σ2, σ3, σ4 et σ5).
Les grandes sous-unités des complexes AP-1, AP-2, AP-3 et AP-4 sont prolongées par des
appendices globulaires (ear) séparés du core (domaines N-terminaux du tronc des deux grandes sous-
unités + µ + s) par une région charnière flexible (hinge).

3
Le core des complexes permet le recrutement du complexe sur la membrane soit via des
interactions avec des petites GTPases ARF (sous-unités b1 et g de AP-1) ou via des interactions avec
des phosphoinositides (AP-2). Il permet aussi la reconnaissance des protéines cargos grâce à des
séquences consensus d’acides aminés, appelés des motifs d’adressage, situés dans la queue
cytoplasmique des protéines cargos. Ces motifs permettent d’envoyer ces protéines spécifiquement dans
un compartiment et pas dans un autre. Ainsi, les chaînes µ1 de AP-1 interagissent avec les motifs
tyrosine Yxxf (une tyrosine, 2 acides aminés peu importe lesquels, f est un acide aminé hydrophobe)
tandis que la jonction entre les sous-unités s1 et g interagissent avec les motifs dileucine [DE]XXXL[LI]
(2 leucines consécutives ou L/I avec un acide aminé acide, D ou E, quelques acides aminés en amont).
Ces interactions permettent d’adresser les récepteurs au mannose-6P aux endolysosomes.

Les régions charnières contiennent une séquence capable de reconnaître la clathrine. Les
appendices permettent des interactions entres les AP et des protéines régulatrices.

3. Les manteaux protéiques des vésicules de transport.


Les principaux manteaux protéiques sont la clathrine, le coatomère (COPI) et le complexe COPII. Leur
rôle majeur est la déformation des membranes lors du bourgeonnement.

4
Il y a des vésicules recouvertes de clathrine qui se déplacent entre la membrane plasmique et les
endosomes précoces et entre l’appareil de Golgi et les endosomes. Il y a des vésicules COPII qui se
forment à partir de régions du réticulum endoplasmique dépourvues de ribosomes (les sites ERES, les
ER exit sites) et qui amènent les cargos du réticulum endoplasmique vers l’appareil de Golgi ou vers le
compartiment intermédiaire (ERGIC). Enfin, il y a des vésicules COPI qui se déplacent entre les citernes
du Golgi et entre l’appareil de Golgi et le RE (pour ramener les protéines résidentes du RE ou des
glycosidases du Cis-Golgi qui seraient allées trop loin dans la voie sécrétoire).

4. Les protéines Rab, des petites GTPases.

a. Cycle des protéines Rab.

Les protéines Rab (Ras-like protein from rat brain), comme les protéines ARF, sont des petites
GTPases d’environ 25 kDa. Elles peuvent fixer le GDP et le GTP (guanine di-/ triphosphate) grâce à
leurs domaines Switch. Elles existent sous deux conformations différentes selon qu’elles lient le GDP
ou le GTP. De façon générale, la forme Rab-GDP est inactive tandis que la forme Rab-GTP est active.
L’échange GDP-GTP se fait grâce à une GEF (Guanine nucleotide Exchange Factor). On pense que ce
sont les GEF et probablement des séquences particulières des Rabs, qui déterminent la spécificité de la
localisation subcellulaire des Rabs. Une fois que la Rab est fixée au GTP, elle peut interagir avec
différents effecteurs. Les protéines Rab sont dotées d’une faible activité GTPase intrinsèque. Toutefois,
l’hydrolyse du GTP en GDP est accélérée par une GAP (GTPase Activating Protein). La protéine à
nouveau couplée au GDP est libérée dans le cytosol de façon à refaire un cycle.

Les Rabs peuvent s’associer aux membranes de façon réversible grâce à des groupements
hydrophobes géranylgéranyles (chaîne de 20 atomes de C) fixés sur une ou plus souvent sur deux
cystéines en position C-terminale. Les Rabs sont donc plus éloignées des membranes que les protéines
GTPases ARFs, qui elles sont insérées dans la bicouche lipidique grâce à leur extrémité N-terminale
très courte. Cette prénylation des Rabs leur permet d’interagir avec plus d’effecteurs à la fois. Ces
effecteurs peuvent être impliqués dans plusieurs étapes du transport vésiculaire (bourgeonnement,
transport, attachement, fusion membranaire ou modification lipidique des membranes, etc.).

5
Dans le cytosol, les Rab-GDP néo-synthétisées sont associées à une protéine escorte (REP) qui
les présente à la géranylgéranyle transférase (GGT) qui catalyse leur prénylation. Toutes les Rabs
géranylgéranylées cytosoliques forment un complexe avec des GDI (Rab GDP dissociation inhibitor).
Les GDI serviraient de chaperones pour les Rabs-GDP, empêcheraient la libération du GDP des Rab-
GDP et amèneraient spécifiquement les Rabs géranylgéranylées sur les membranes appropriées. Les
Rabs sont délivrées aux membranes sous forme liées au GDP et converties ensuite en Rab-GTP par les
GEF, ce qui permet leur stabilisation dans les membranes.

Il est possible qu’une GDF soit nécessaire pour dissocier les complexes Rab-GDI avant
l’intervention de la GEF. Si le complexe Rab-GDI est envoyé par erreur sur une membrane où la GEF
n’est pas présente, la protéine GDI pourrait extraire la Rab si elle est toujours liée au GDP. Les Rab-
GDI récupèrent aussi les Rabs membranaires après hydrolyse du GTP par une GAP.

è La principale fonction des Rabs-GTP insérées dans les membranes est de recruter des
effecteurs, tels que des protéines moteurs, des facteurs d’attachement, des enzymes qui modifient la
composition chimique des membranes, etc. pour faciliter les événements de transport vésiculaire.

è En servant de plateformes de liaison membranaire pour de nombreuses protéines, les Rabs-


GTP organisent le transport de vésicules entre les organites et la maturation des organites.

b. Distribution intracellulaire des protéines Rab.

Les cellules de mammifères peuvent exprimer jusqu’à 60 Rabs différentes. Elles sont localisées
dans des compartiments bien précis, c’est pourquoi des anticorps dirigés contre telle ou telle Rab
permettent d’identifier les compartiments cellulaires en IF ou en WB. Les protéines Rabs contribuent à
l’identité des organites.

6
Par exemple, sur les endosomes précoces, il y a notamment Rab4-Rab5 ; sur les endosomes
tardifs, il y a Rab7 et Rab9 ; sur l’appareil de Golgi, il y a Rab6 et sur les vésicules et granules sécrétoires,
il y a Rab27. Pour les endosomes de recyclage, on utilise souvent Rab11 comme marqueur. La
localisation des GEF semble responsable de la localisation correcte des Rabs.

Notez que sur les endosomes tardifs, Rab7 et Rab9 sont présents sur des microdomaines
différents. Ils peuvent donc recruter différents effecteurs pour remplir des missions différentes. Rab7
intervient plutôt dans le rapprochement entre les endosomes tardifs/amphysomes et les lysosomes ou
entre les lysosomes les autophagosomes tandis que Rab9 assure plutôt le transport de cargos des
endosomes tardifs vers le réseau trans-Golgien.

En plus de son rôle dans la fusion homotypique des endosomes précoces, Rab5 est indispensable
à la maturation des endosomes précoces en endosomes tardifs. Rab5 recrute en effet le complexe Mon1-
Ccz1 qui sert de GEF pour Rab7. Dans le même temps, l’activité de Rab5 est diminuée par la libération
de sa GEF et par l’activation de sa GAP. Ce mécanisme permet la transition entre Rab5 et Rab7.

7
c. Multiples fonctions des Rabs.

En fonction des effecteurs recrutés, les Rabs-GTP jouent des rôles différents dans le transport
vésiculaire.

Par exemple, elles peuvent jouer un rôle au niveau de l’adressage des protéines, la sélection des
protéines en vue de leur transport, cela s’appelle le sorting. C’est lié au fait que certaines Rabs
interagissent avec un adaptateur interagissant lui-même avec un complexe ligand-récepteur.

Certaines Rabs peuvent également jouer un rôle lors du retrait du manteau protéique (uncoating)
en interagissent avec des kinases ou des phosphatases de phosphoinositides qui changent la composition
lipidique des membranes.

Une des principales fonctions des Rabs est d’assurer la mobilité des vésicules le long des
filaments d’actine ou des microtubules (motility). Pour cela, elles interagissent directement avec des
protéines moteurs (dynéine, kinésine ou myosine) ou indirectement via des adaptateurs de moteurs (ex.
la snapine). L’autre principale fonction des Rabs est d’interagir avec les facteurs d’attachement de façon
à rapprocher la vésicule de la membrane du compartiment accepteur (tethering). Cette étape est
primordiale pour la fusion car certains facteurs d’attachement peuvent interagir avec les protéines
SNARE, des protéines qui mettent les deux membranes en contact étroit avant la fusion. Après la fusion
des membranes, les protéines Rabs sont recyclées : des GAP viennent accélérer l’hydrolyse du GTP sur
la Rab et une GDI vient extraire les Rab-GDP de la membrane et les transporte vers un autre site pour
agir sur le transport d’une autre vésicule.

Les Rab peuvent contribuer à modifier la composition lipidique des membranes en recrutant sur
la membrane des kinases ou des phosphatases. Cela contribue à l’identité des organites cellulaires. Cela
mérite un petit mot d’explication.

8
Les phosphoinositides sont formés à partir du phosphatidylinositol (PtdIns) auquel sont ajoutés
des groupements phosphates (P). Par exemple, une PI 4-kinase peut ajouter un groupement phosphate
sur le C4 d’un phosphatidylinositol pour donner un phosphatidyinositol(4)P. Ensuite, une PI 5-kinase
peut ajouter un P sur le C5 du PtdIns-4 P pour donner du PtdIns(4,5)-P2. Ensuite, une PI 3 kinase de
classe I peut encore ajouter un P sur le C3 du PtdIns(4,5)P2 pour donner du PtdIns(3,4,5)P3. Il existe
aussi des phosphatases qui peuvent retirer ces P. Ainsi, il y a la PI 5-phosphatase et l’OCRL1 qui peuvent
hydrolyser le P en position C5 pour donner un PtdIns(3,4)P2. Notez qu’une déficience en OCRL1
provoque le syndrome de Lowe (cfr plus tard), une maladie rénale grave qui est due à l’accumulation
de PtdIns(3,4,5)P3 sur certaines membranes. La PI 4-phosphatase peut hydrolyser le PtdIns (3,4)P2 pour
donner du PtdIns(3)P. Celui-ci peut aussi être généré par la phosphorylation du PtdIns par la PI 3-kinase
de classe III.

On constate que les membranes des endosomes renferment surtout du PtdIns(3)P, celles de
l’appareil de Golgi du PtdIns(4)P et la membrane plasmique renferme à la fois du PtdIns(4,5)P2, du
PtdIns(3,4,5)P3 et du PtdIns(3,4)P2. Si ces membranes sont enrichies en tel ou tel phosphatidylinositol
phosphate, c’est parce que des protéines Rabs ont permis le recrutement de certaines kinases et/ou
phosphatases sur les membranes respectives. Ainsi, les protéines Rab5 stimulent la production de PI3P
sur la membrane des endosomes en recrutant des PI3 kinases ou des PI 4 ou 5 phosphatases. Or,
beaucoup d’effecteurs possèdent des motifs de reconnaissance à PtdIns(3)P (dont des facteurs
d’attachement, les protéines du complexe ESCRT, les protéines WIPI de la machinerie autophagique)
et peuvent ainsi se fixer spécifiquement sur la membrane des endosomes et permettre leur maturation,
leur transport ou leur fusion.

Par conséquent, comme les Rabs, les phosphoinositides contribuent à l’identité des organites.

9
5. Les protéines SNAREs.

Alors que les Rabs sont considérées comme les principaux organisateurs de l’attachement des
vésicules en recrutant sur la membrane des facteurs d’attachement homodimériques longilignes ou des
complexes multimériques compacts, la fusion des vésicules avec les organites dépend surtout de petites
protéines souvent transmembranaires, les SNAREs. Les SNAREs sont des récepteurs de SNAP (Soluble
NSF Attachment Protein), NSF étant une protéine de fusion sensible au N-éthylmaléimide (NEM).

a. Le rôle des SNAREs dans la fusion des membranes.

Il existe des SNAREs sur la membrane des vésicules (v-SNAREs) et des SNAREs sur la
membrane des compartiments cibles (t-SNAREs). Chez l’homme, il y aurait 35 SNAREs : 9 v-SNAREs
et 26 t-SNAREs. Leur rôle est d’assurer la fusion des membranes en utilisant l’énergie libérée par la
formation d’un faisceau compact de 4 hélices. Ces hélices correspondent aux domaines SNARE d’une
v-SNARE et de trois t-SNAREs, des domaines de 60-70 acides aminés hydrophobes, bien conservés.
Ce faisceau est tellement compact qu’il résiste à la chaleur et aux agents dénaturants comme le SDS ou
l’urée. Comme la formation du faisceau nécessite des SNAREs des deux membranes, on parle de
complexes trans-SNARE.

10
Une fois que la fusion membranaire est terminée, toutes les SNAREs se retrouvent sur la même
membrane. On parle alors de complexes cis-SNAREs. Leur dissociation est catalysée par NSF, une
ATPase de type AAA (caractérisée par 6 sous-unités disposées en anneaux) qui est recrutée sur le
complexe grâce à a-SNAP (une protéine adaptatrice). L’hydrolyse d’ATP par NSF fournit l’énergie
suffisante pour dissocier les complexes SNAREs.

b. Structure des SNAREs.

Les protéines SNAREs ont la particularité d’avoir un ou deux domaine(s) SNARE, c’est-à-dire
un stretch bien conservé de 60-70 acides aminés qui sont arrangés en heptades (répétitions de 7). Ces
domaines SNAREs ont tendance à former une hélice a amphiphile. La plupart des protéines SNAREs
ont un passage transmembranaire du côté C-terminal, connecté au domaine SNARE par une courte
séquence. Ce n’est pas le cas de SNAP25 qui est associée à la membrane cible par palmitoylation
(addition d’un acide palmitique (16C)) sur deux résidus cystéine situés entre les deux domaines
SNAREs. Beaucoup de SNAREs possèdent des domaines particuliers en position N-terminale. Cela leur

11
permet de réguler leur fonction. Par exemple, la partie N-terminale de la syntaxine 1 se replie sur le
domaine SNARE et empêche l’implication de la syntaxine 1 dans la formation d’un complexe trans-
SNARE. Dans d’autres SNAREs, la partie N-terminale pourrait être responsable de la localisation de la
SNARE via des interactions avec d’autres protéines ou recruter des protéines régulatrices.

Pendant la formation des complexes trans-SNARE, les domaines SNAREs se disposent


parallèlement les uns aux autres et s’entremêlent. La plupart des acides aminés du faisceau sont
hydrophobes sauf au niveau de la couche 0 où il y a 3 glutamines et une arginine, toutes très conservées.
En réalité, pour former un complexe trans-SNARE, il faut 3 SNAREs avec une glutamine (Q-SNARE)
et une SNARE avec une arginine (R-SNARE). En gros, les t-SNAREs sont des Q-SNAREs et les v-
SNAREs sont des R-SNAREs. On garde les deux nomenclatures sauf si on parle de protéines SNAREs
impliquées dans des fusions homotypiques (entre deux vésicules identiques). Dans ce cas, on utilise les
termes R et Q-SNAREs. Les lettres a, b et c dans les Q-SNAREs indiquent leur position relative dans
le faisceau.

Le faisceau SNARE permettrait la fusion membranaire par un processus de fermeture éclair


des domaines SNAREs depuis leur extrémité N-terminale vers leur site d’ancrage membranaire en
position C-terminale. Ce mécanisme de fermeture éclair au niveau N-terminal permettrait aux SNAREs
de rapprocher les membranes à 2 nm l’une de l’autre, c’est-à-dire là où il y a un équilibre entre les forces
d’attraction de van der Waals et les forces de répulsion d’hydratation, exercées par la couche d’eau
entourant les têtes polaires des phospholipides. L’assemblage des SNAREs génère l’énorme quantité
d’énergie nécessaire pour réduire cette couche d’hydratation et permettre un contact étroit entre les
membranes. Le mécanisme de fermeture éclair au niveau C-terminal est important pour la fusion des
membranes. Les interactions entre les domaines transmembranaires des quatre SNAREs (et les régions
charnières situées juste devant) favoriseraient le mélange des lipides et la transition de l’hémifusion à la
fusion complète des membranes.

c. Cycle des SNAREs dans l’exocytose synaptique.

12
Quand la vésicule s’approche de la membrane du compartiment accepteur, les protéines SNAREs
s’assemblent : les trois Q-SNAREs associées à la membrane cible (en vert et rouge) et la R-SNARE
associée à la vésicule (en bleu) se disposent parallèlement les unes aux autres, s’entremêlent au niveau
des domaines SNAREs pour former le complexe trans-SNARE. Tout cela est très bien régulé par
différentes protéines (exemple : les protéines SM, la complexine et la synaptotagmine). Après la fusion
membranaire, la formation d’un pore de fusion et la libération du contenu de la vésicule dans le
compartiment accepteur, les SNAREs se retrouvent sur la même membrane. La dissociation des
complexes cis-SNARE est réalisée par l’ATPase NSF, recrutée sur place par l’a-SNAP.

Comme les SNAREs, les protéines SM (pour Sec1/Munc18) sont indispensables à la fusion des
membranes in vivo. Elles peuvent remplir plusieurs fonctions. Elles peuvent pincer les SNAREs Qa dans
une conformation fermée pour empêcher ou retarder leur assemblage en complexes Cis ou en complexes
inappropriés. Certaines peuvent interagir directement avec les domaines SNAREs et servir de
chaperones lors de leur assemblage. Des facteurs d’attachement pourraient les aider dans cette tâche en
rapprochant les domaines SNAREs les uns des autres. Enfin, certaines protéines SM sont capables
d’interagir avec le faisceau de SNAREs déjà formé et pourraient les protéger d’un désassemblage
prématuré par NSF et SNAP ou stimuler la fusion des membranes.

è La formation des complexes trans-SNARE libère beaucoup d’énergie et permet la fusion entre
deux membranes par un mécanisme de fermeture éclair.

è Pour avoir une fusion efficace des membranes, il faut que les Rabs, les facteurs d’attachement,
les protéines SM et les SNAREs agissent de façon coordonnée.

6. Modèle de régulation de l’exocytose des granules d’insuline.

Voici un exemple de régulation de l’assemblage des SNAREs. C’est un modèle qui concerne la
libération d’insuline par une sous-population de granules d’insuline par les cellules b du pancréas.

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Sur la membrane plasmique des cellules b, il y a un complexe Rim2a-Munc13-1 et la syntaxine
1 qui est maintenue dans sa configuration fermée (la partie N-terminale recouvre le domaine SNARE)
par Munc18-1. Quand un granule d’insuline arrive à proximité, des interactions entre Rab3 et RIM2a
permet l’arrimage de la vésicule sur la membrane plasmique. Munc13-1 se dissocie alors de RIM2a et
se déplace vers la syntaxine 1. Il entre en compétition avec Munc18-1 pour la partie N-terminale de la
syntaxine 1, ce qui provoque le retrait de Munc18-1. La syntaxine 1 adopte alors une configuration
ouverte qui lui permet d’interagir avec une autre t-SNARE, SNAP25 (qui possède 2 domaines SNAREs)
et avec une v-SNARE (VAMP2, présente à la surface du granule d’insuline). Il se forme ainsi un
complexe trans-SNARE. Toutefois, la fusion n’a pas lieu tout de suite, elle est bloquée par l’insertion
d’une petite protéine amphiphile, la complexine, dans le complexe SNARE. Elle agit comme une cale
en-dessous d’une porte. Ensuite, lorsqu’il y a un influx de calcium à proximité du complexe, il est détecté
par la synaptotagmine, une protéine qui est insérée dans la membrane grâce à des interactions avec des
phospholipides et qui possède deux sites de liaison pour des ions Ca2+. L’insertion membranaire de la
synaptotagmine en réponse au Ca2+ pourrait induire une courbure locale de la membrane qui diminuerait
significativement la barrière énergétique pour la formation du pore de fusion. De plus, la synaptotagmine
liée au calcium provoque le retrait de la complexine et déclenche la fusion des membranes et la libération
d’insuline. Ce système régulateur empêche une libération trop importante et incontrôlée de l’insuline
dans le temps et dans l’espace par les cellules b du pancréas. Ce modèle ressemble à celui découvert
dans l’exocytose des neurotransmetteurs dans les terminaisons présynaptiques.

Pour illustrer l’impact d’un défaut de transport vésiculaire, j’ai choisi de parler 1) des
lymphohisticytoses hémophagocytaires qui sont dues à un déficit en protéine adaptatrice AP3, en
Rab27a, en syntaxine 11 ou en Munc18-2 dans les lymphocytes T cytotoxiques, 2) d’une maladie
lysosomale liée à un défaut dans l’efflux de calcium et 3) du syndrome de Lowe, une maladie liée à une
défaut dans le métabolisme des phosphoinositides.

14
II. Lymphohistiocytoses hémophagocytaires.

1. Caractéristiques générales.

Les lymphohistiocytoses hémophagocytaires (HLH) sont des maladies rares qui résultent d’un
défaut dans la fonction cytotoxique des lymphocytes T et des cellules NK (natural killer). Elle est
caractérisée par une prolifération et par une invasion des tissus par des lymphocytes T activés
(lymphohistiocytoses) et par une activation des macrophages qui phagocytent des cellules sanguines
(hémophagocytaires). Les patients présentent une hyperinflammation sévère, des fièvres récurrentes,
une cytopénie, une hépatosplénomégalie, des problèmes de coagulation, une hémophagocytose, etc. Le
taux de mortalité est élevé.

Chez un individu normal, en réponse à un agent infectieux, les lymphocytes T CD8+ qui
reconnaissent l’antigène sont sélectionnés, activés et subissent une phase d’expansion clonale. Ces
cellules vont tuer les cellules infectées et les cellules présentatrices de l’antigène en produisant de
l’interféron g (IFNg) et en libérant des granules cytotoxiques (cytolyse). Les virus sont éliminés et la
réponse immunitaire prend fin après quelques jours. La population de lymphocytes T se condense pour
ne laisser qu’un petit nombre de lymphocytes T CD8+ de mémoire.

Chez un individu atteint d’une lymphohistiocytose hémophagocytaire, il y a une expansion accrue


et incontrôlée de la population de lymphocytes T CD8+ activés. Ces lymphocytes produisent toujours

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de l’interféron g mais sont incapables de libérer des granules cytotoxiques. La cytolyse est inhibée. Les
macrophages activés produisent des cytokines proinflammatoires telles que l’IL-6, le TNFa et l’IL-18.
La réponse inflammatoire devient systémique et incontrôlée et aboutit à la destruction des tissus. De
plus, les macrophages activés peuvent phagocyter de nombreuses cellules mortes dont des cellules
sanguines. On parle de « lymphohistiocytose » parce qu’il y a une prolifération de lymphocytes dans les
tissus et « hémophagocytaire » parce que les macrophages phagocytent les cellules sanguines. Pour
mettre fin à cet état hyperinflammatoire, il faut avoir recours à une thérapie immunosuppressive et
éventuellement à une transplantation de moëlle osseuse.

2. Exocytose des granules lytiques après activation des lymphocytes T.

Après une infection par un pathogène, il faut un certain temps avant que le lymphocyte T détecte
l’antigène, se différencie, se multiplie et atteigne le site d’infection. Mais une fois à proximité de la
cellule cible, cela lui prend très peu de temps (quelques minutes) pour adhérer à la cellule et la tuer (en
20-30 min).

Les lymphocytes T renferment des granules cytotoxiques, également appelés granules lytiques
ou lysosomes sécrétoires. On les appelle ainsi car ils ont des propriétés communes avec les lysosomes.
D’abord, ils ont une lumière acide contenant des hydrolases acides et des protéines LAMP1 et CD63
(protéines typiques des membranes lysosomales) insérées dans la membrane. En plus, ces lysosomes
sécrétoires renferment des protéines spécifiques, à savoir la perforine, les granzymes (A et B) et la
granulysine. La perforine est une protéine monomérique qui est capable de former des pores dans la
membrane de la cellule cible après oligomérisation à pH neutre et en présence de Ca2+. Les granzymes
sont des sérine protéases qui sont entourées de serglycine (un protéoglycan). C’est à cause des
serglycines que les lysosomes sécrétoires présentent des éléments denses aux électrons en microscopie
électronique. La granulysine est une peptide antibactérien qui déstabilise les membranes comme la
saponine.

Lorsqu’un antigène présenté par les molécules du complexe majeur d’histocompatibilité (MHC)
est reconnu par les récepteurs des cellules T (les récepteurs TCR, composés des sous-unités a et b avec
des domaines variables de type IgG), une cascade de signalisation est déclenchée et transduite par les
complexes CD3 (composés des sous-unités invariables g, d, e et z). Elle aboutit à une réorganisation
importante du cytosquelette et à la formation d’une synapse immunologique dans laquelle les granules
lytiques viennent déverser leur contenu. Les granzymes s’introduisent dans le cytoplasme des cellules

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cibles via des pores formés par la perforine et contribuent à la mise à mort de la cellule cible par
apoptose.

Pour activer les lymphocytes in vitro, il faut les conjuguer avec des cellules cibles (activées avec
de l’entérotoxine A de Staphylococcus, SEA) ou les incuber en présence de billes recouvertes
d’anticorps anti-CD3 et anti-CD28. CD28 amplifie l’activation des lymphocytes par une voie
indépendante des récepteurs TCR. La ligation des TCR et la ligation de CD28 avec ces anticorps
permettent l’activation des lymphocytes et la formation d’une synapse.

3. Formation de la synapse immunologique.

Au repos, les lymphocytes T sont plutôt sphériques et le centrosome est derrière le noyau (voir
schéma). Les microtubules irradient à partir du centrosome puisque c’est le centre d’organisation des
microtubules. L’appareil de Golgi (saccules jaunes) se trouve à proximité du noyau (en bleu). Les
vésicules se déplacent le long de ces microtubules. Sur la photo prise en microscopie à fluorescence, les
lysosomes sécrétoires, détectés avec un anticorps anti-cathepsine D couplé à un fluorochrome vert, se
trouvent un peu partout dans le cytoplasme et semblent orientés vers le centrosome marqué en rouge.
Quand un lymphocyte entre en contact avec une cellule cible, il se déforme, prend une forme plus
allongée et des prolongements cytoplasmiques riches en actine (des lamellipodes) viennent faire
ventouse sur la cellule cible (schéma du milieu). La zone de contact est appelée la synapse
immunologique. Le centrosome passe de l’autre côté du noyau en même temps que l’appareil de Golgi.
Les microtubules se rangent parallèlement les uns aux autres et les granules cytotoxiques se déplacent
vers la cellule cible, le long de microtubules pour rejoindre le centrosome. On dit que les granules
cytotoxiques deviennent polarisés.
Quelques minutes après, les granules lytiques arrivés près du centrosome, fusionnent avec la
membrane plasmique et libèrent leur contenu dans la synapse immunologique (schéma de droite). La
cellule cible meurt rapidement. C’est un flux de calcium dans le cytosol qui déclenche la dégranulation.

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Voici une autre représentation de la formation de la synapse immunologique depuis le contact
initial entre le lymphocyte (bleu transparent) et la cellule cible (en orange) et la mort de la cellule cible.
Au moment du contact initial, le lymphocyte fait ventouse sur la cellule cible et une aire de contact
s’organise. Le centre d’organisation des microtubules (le MTOC) est derrière le noyau et les
microtubules irradient à partie de ce MTOC. Les granules cytotoxiques se déplacent le long des
microtubules.
Ensuite, on assiste à une polarisation du MTOC et ensuite des granules cytotoxiques. Le
centrosome est maintenant devant le noyau et se place au centre de la zone de contact entre les deux
cellules, là où la densité d’actine corticale est réduite. Les microtubules sont orientés vers l’arrière de la
cellule. Les granules cytotoxiques rejoignent la zone de contact et certains déversent leur contenu. Dans
la zone de contact, on distingue deux zones concentriques : le cSMAC (le complexe d’activation
supramoléculaire central). C’est dans cette zone que les vésicules contenant les molécules de
signalisation (TCR, Lck, CD3, etc.) et les granules cytotoxiques viennent fusionner avec la membrane
plasmique. A côté, le pSMAC (SMAC périphérique) est constitué de molécules d’adhérence, des
intégrines, etc. Certains auteurs parlent aussi d’un dSMAC (SMAC distal) constitué d’actine.
La sécrétion polarisée de la perforine et des granzymes dans une zone de contact bien délimitée
permet aux lymphocytes T cytotoxiques de détruire uniquement la cellule cible et pas les cellules
voisines. De plus, comme le mécanisme est bien régulé, il permet de limiter le nombre de granules
venant libérer leur contenu dans la synapse. Sur la figure, on voit qu’il reste effectivement de nombreux
granules lytiques dans le lymphocyte qui s’éloigne de la cellule cible tuée.
Dans les lymphohistiocytoses hémophagocytaires, l’activité cytotoxique des lymphocytes T
CD8+ est réduite suite à un défaut dans cette voie d’exocytose des granules lytiques.

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4. Classification des Lymphohistiocytoses Hémophagocytaires.

Les lymphohistiocytoses hémophagocytaires sont des maladies rares, autosomales récessives qui
se manifestent dans la grande majorité des cas pendant l’enfance. En général, elles sont souvent fatales
à moins de faire une transplantation de moëlle osseuse ou de cellules souches hématopoïétiques. Parmi
les HLH, il y a des formes familiales (FHL 1-5) et des formes non familiales qui correspondent à des
syndromes d’immunodéficience associés à de l’albinisme.

La FHL1 est due à une déficience en une protéine inconnue. Il y a un problème de formation de
granules cytotoxiques mais le gène muté est encore inconnu.

La FHL2 est due à des mutations dans le gène PFR1 qui code pour la perforine. Les lymphocytes
restent longtemps en contact avec la cellule cible mais les granules ne fusionnent pas avec la membrane.
C’est une maladie fatale.

La FHL3 est due à des mutations dans le gène UNC13D qui code pour Munc13-4, une protéine
intervenant dans la maturation des complexes SNAREs (étape d’amorçage).

La FHL4 est due à des mutations dans le gène STX11 qui code pour la syntaxine 11 (impliquée
dans le transport et la fusion membranaire).

Enfin, la forme FHL5 est due à des mutations dans le gène STXBP2 (pour syntaxin binding
protein) qui code pour Munc18-2, une protéine SM qui interagit avec la syntaxine 11.

Les syndromes d’immunodéficience avec albinisme ne sont pas repris parmi les formes familiales
de lymphohistiocytoses hémophagocytaires parce qu’on ne connaît pas plusieurs membres d’une même
famille atteints de la maladie. On peut en citer trois : le syndrome de Chediak-Higashi qui résulte d’une
déficience en Lyst, une protéine impliquée dans le transport vésiculaire ; le syndrome de Griscelli de
type II qui résulte d’une déficience en Rab27a, important pour l’arrimage de la vésicule à la membrane
plasmique, et le syndrome de Hermansky-Pudlak qui résulte d’une mutation dans le gène AP3B1 (sous-
unité b du complexe adaptateur AP3) qui joue un rôle important lors de la biogénèse des vésicules.

Toutes ces formes de lymphohistiocytoses hémophagocytaires sont dues à une déficience dans
une protéine adaptatrice, une protéine Rab, une SNARE ou une protéine SM. Ces protéines pourraient

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agir successivement dans différentes étapes de la maturation, du transport et de la sécrétion des granules
cytolytiques dans les lymphocytes T activés.

Les expériences qui seront décrites ci-après montrent comment l’étude de ces cas pathologiques
a permis de mieux comprendre la sécrétion des granules cytotoxiques par les lymphocytes chez les
individus sains.

5. Défauts d’exocytose des granules lytiques par les lymphocytes cytotoxiques.

En cas de déficience en AP3B1, on voit que lorsque les lymphocytes T entrent en contact avec
une cellule cible, le granule lytique (ou lysosome sécrétoire SL) est plus volumineux et reste à l’autre
extrémité de la cellule. Pourtant, il y a une polarisation de la cellule : les microtubules s’organisent
parallèlement les uns aux autres, les MTOC se placent vers la zone de contact mais le lysosome
sécrétoire reste bloqué en périphérie. On voit en microscopie électronique, le centriole, des organites
proches des centrioles (mitochondries et appareil de Golgi, notamment) mais le granule est à l’opposé
de la zone de contact. Il y aurait un problème dans la formation et/ou le transfert des lysosomes
sécrétoires.
En cas de déficience en LYST, le lysosome sécrétoire a une taille très importante, probablement
à cause d’un problème de fusion d’organites de type endosomes-lysosomes. Il vient se placer près du
centriole. LYST pourrait être impliqué dans le transport d’effecteurs impliqués dans l’exocytose.

En cas de déficience en Rab27A, les microtubules et les lysosomes sécrétoires polarisent. Ceux-
ci se regroupent pas très loin du centriole (astérisque) mais ils restent trop éloignés de la zone de contact
avec la cellule cible. Il y aurait un problème d’arrimage des granules lytiques à la membrane plasmique.

En cas de déficience en Munc13-4, les lysosomes sécrétoires polarisent, s’accumulent autour du


centriole, à proximité de la membrane plasmique dans la zone de contact mais ne déversent pas leur
contenu dans la synapse immunologique. Par analogie avec Munc13-1 dans les vésicules présynaptiques
neuronales, Munc13-4 pourrait faciliter l’assemblage des protéines SNAREs au moment de la fusion
membranaire.

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6. Syndrome de Hermansky-Pudlak.

La maladie est caractérisée par une immunodéficience, un défaut des plaquettes et un albinisme.
Les lymphocytes cytotoxiques (CTLs) ont perdu la capacité de tuer les cellules cibles. Pourtant, ils
renferment bien de la perforine, des granzymes A, LAMP2 et de la cathepsine D. En microscopie
électronique à transmission, on constate qu’ils ont une taille plus grande et qu’ils n’ont pas la même
distribution.

L’absence de polarisation des granules lytiques dans les CTLs AP3(-) se voit aussi très bien en
immunofluorescence. Dans les CTLs WT en absence de cellule cible, on observe un marquage LAMP2
sur plusieurs plans. Les granules sont dispersés dans le cytoplasme de façon radiaire, suivant
l’organisation des microtubules. Après 30 min de contact avec la cellule cible, les lysosomes sécrétoires
sont polarisés au niveau de la synapse immunologique. Notez que les contours de la cellule cible à
gauche sont marqués en rouge avec un anticorps anti-MHC I. Dans les CTLs AP3(-), le marquage vert
correspondant à LAMP2 ne présente pas une distribution radiaire. Au contraire, il est plutôt
périphérique. Après 30 min de contact avec la cellule cible, une bonne partie des granules s’agglutinent
à l’opposé de la synapse immunologique. Il y a des lysosomes sécrétoires près du site de contact mais
selon les auteurs, ils étaient probablement là avant le contact avec la cellule cible.

è En cas de déficience en protéine adaptatrice AP3, les granules lytiques contenant les protéines
spécifiques se forment mais leur taille est plus grande et ils ne sont pas polarisés. Ils ne peuvent pas se
déplacer le long des microtubules. De ce fait, ils ne peuvent pas provoquer la mort des cellules cibles.

7. Syndrome de Griscelli de type II.

Le syndrome de Griscelli est une maladie rare caractérisée par un albinisme partiel et une activité
cytotoxique réduite. Il est dû à des mutations bialléliques dans le gène codant pour Rab27A.

Chez les patients Rab27a(-), on observe un défaut dans l’exocytose des granules cytotoxiques.
Pour analyser la localisation des granules lytiques dans les lymphocytes, ces auteurs ont réalisé des
expériences d’immunofluorescence et de microscopie électronique à transmission.

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A gauche, immunofluorescence. Les noyaux sont colorés en bleu avec le DAPI, la membrane
plasmique des CTLs est marquée avec un anticorps anti-CD8 et les granules lytiques sont marqués avec
un anticorps anti-perforine. Les photos en fond clair (en bas) permettent de voir la zone de contact entre
les CTLs et les cellules cibles. Que ce soit dans les CTLs contrôles ou dans les CTLs Rab27a(-), les
granules lytiques se concentrent près de la zone de contact entre les deux cellules.

è La déficience en Rab27a n’empêche pas la polarisation des granules lytiques. La résolution de


la microscopie à fluorescence ne permet pas d’en dire plus.

A droite, microscopie électronique à transmission. Elle offre une meilleure résolution que la
microscopie à fluorescence. Dans les CTLs contrôles, il y a des granules lytiques (LG) un peu partout
dans le cytoplasme et il n’est pas rare d’en trouver en contact avec la membrane plasmique, à proximité
de la synapse immunologique (voir flèches). Dans les CTLs des patients Rab27a(-), il y a bien des
granules lytiques mais ils restent à une certaine distance de la membrane plasmique.

è La déficience en Rab27a perturbe l’arrimage (ou docking) des granules lytiques à la membrane
plasmique.

On ne connaît pas le rôle exact de Rab27a. On sait qu’elle interagit avec Slp2a, une protéine
apparentée à la synaptotagmine. Dans les mélanocytes, on a montré que Slp2a pouvait interagir avec la
myosine 5 mais ce n’est pas le cas dans les lymphocytes. L’interaction Rab27a-Slp2a pourrait permettre
l’arrimage des granules lytiques à la membrane plasmique. Une autre protéine qui interagit avec Rab27a,
c’est Munc13-4. Or, une déficience en Munc13-4 conduit à une autre forme de lymphohistiocytose
hémophagocytaire : la FHL3.

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8. FHL3 : Déficience en hMunc13-4.

Le gène unc13D code pour une protéine de 123 kDa qui est fortement exprimée dans les tissus
hématopoïétiques et qui fait partie de la famille Unc13/Munc13. Dans la séquence primaire, on trouve
des domaines d’homologie présents dans toutes les protéines Munc13 (MHD1 et MHD2, pour Munc13
Homology Domain) et deux domaines C2, capables d’interagir avec les membranes. Entre les deux
domaines C2, il y a plusieurs hélices a, ce qui laisse penser que la protéine pourrait interagir avec
d’autres protéines ou avec des membranes.

Les protéines Munc13 sont connues pour interagir avec les SNAREs et favoriser leur assemblage
pour former les complexes SNAREs. En ce qui concerne Munc13-4, des chercheurs ont montré que sa
partie N-terminale (y compris le domaine C2A) interagissait avec Rab27a-GTP mais avec peu d’affinité.

Comme pour Rab27A, le déficit de l’activité cytotoxique des CTLs de patients Munc13-4 (-) est
dû à un défaut d’exocytose des granules lytiques.

En microscopie électronique à transmission, dans les CTLs des individus déficients pour
hMunc13-4, on constate un alignement des granules lytiques le long de la membrane plasmique, à
proximité de la synapse immunologique. Cependant, il reste toujours une petite distance entre les
granules et la membrane, contrairement aux CTLs contrôles (voir figure précédente). Autrement dit,
dans les CTLs des patients, les granules arrivent au niveau de la synapse mais elles ne fusionnent pas
avec la membrane plasmique. Par rapport aux CTL Rab27a(-), le blocage de l’exocytose des granules
lytiques des CTLs Munc13-4(-) se fait à un stade plus tardif, probablement à l’amorçage (ou priming).

è hMunc13-4 agirait comme un facteur d’amorçage de la fusion entre les granules cytotoxiques
et la membrane plasmique.

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9. FHL4 : Déficience en syntaxine 11.

Les patients atteints de FHL4 sont déficients en syntaxine 11. Ils présentent de la fièvre, une
hépatosplénomégalie massive, une cytopénie et une hyperferritinémie, en plus d’une infiltration de
lymphocytes et de macrophages activés dans les organes viscéraux. La maladie se déclare souvent après
une infection virale. Elle est accompagnée de concentrations élevées de cytokines proinflammatoires
telles que l’IFNg, le TNFa, l’IL-6 et l’IL-18. Contrairement aux patients FHL2 et FHL3, les patients
FHL4 peuvent connaître des périodes de rémission plus longues sans traitement.

La syntaxine 11 est une SNARE très exprimée dans les cellules immunitaires telles que les
lymphocytes T cytotoxiques, les natural killers, les monocytes, les macrophages et les plaquettes.
Plusieurs études ont montré que la syntaxine 11 était une t-SNARE nécessaire à la fusion des granules
lytiques avec la membrane plasmique au niveau de la synapse immunologique. Toutefois, c’est une t-
SNARE atypique parce qu’elle ne possède pas de passage transmembranaire. Elle est attachée aux
membranes par palmitoylation de quelques résidus cystéine en position C-terminale.

a. La syntaxine 11 sert de t-SNARE à l’exocytose des granules cytotoxiques dans les


CTLs.

Dans cette étude, ils ont d’abord analysé par qRT-PCR et par WB, l’expression de la syntaxine
11 dans des CTLs (naïfs ou activés) isolés à partir de sang périphérique (en haut, à gauche).

L’expérience de qRT-PCR (PCR quantitative en temps réel) révèle que l’expression de la


syntaxine 11 augmente dans les CTLs (cellules CD8+) après stimulation pendant 4 jours avec des billes
recouvertes d’anticorps anti-CD3 et anti-CD28. Ce résultat est confirmé en WB où on voit une
augmentation de l’intensité de la bande correspondant à la syntaxine 11 (à 32 kDa) dans les cellules
stimulées (S) par rapport aux cellules naïves (N). Cependant, quand ils normalisent l’intensité des
bandes avec celle de la GAPDH (contrôle de charge), l’augmentation n’est plus aussi importante qu’au
niveau de l’ARNm. Pour s’assurer de la spécificité de leur anticorps anti-STX11, ils ont transfecté des
CTLs avec une construction TFP-STX11. Ils ont obtenu une bande d’environ 60 kDa, correspondant à
l’addition d’une protéine TFP (teal fluorescent protein, couleur sarcelle) de 26,9 kDa. Ils sont donc
rassurés.

25
è Cette augmentation de l’expression de la syntaxine 11 dans les lymphocytes activés suggère
que cette t-SNARE pourrait jouer un rôle dans l’exocytose des granules cytotoxiques.

Ensuite, ils ont testé la dégranulation des lymphocytes T après déplétion en syntaxine 11 avec
des siRNA (en bas, à gauche). Idéalement, il faudrait travailler sur des lymphocytes de patients mais il
y en a tellement peu qu’ils ont utilisé ce moyen pour étudier le rôle de la syntaxine 11 dans l’exocytose
des granules lytiques. Ils ont d’abord analysé l’expression de surface de CD107A par cytométrie de flux
en utilisant des anticorps anti-CD107A conjugué à la phycoérythrine (PE). CD107A est un autre nom
pour désigner LAMP-1 que l’on retrouve à la surface des granules cytotoxiques. Quand les granules
cytotoxiques fusionnent avec la membrane plasmique, on doit observer une augmentation de
l’expression de surface de CD107A, donc un shift de la fluorescence vers la droite.

è A gauche : dans les cellules transfectées avec des siRNA contrôles et stimulées avec des billes
recouvertes d’anticorps anti-CD3 et anti-CD28 pendant 4h à 37°C, il y a un léger shift de la
fluorescence vers la droite. Ils trouvent 28,6 % d’événements fluorescents dans le rectangle
dessiné arbitrairement à droite (à partir de la base du pic gris, correspondant aux cellules non
stimulées).
è A droite : dans les cellules transfectées avec des siRNA contre la STX11, il n’y a quasiment pas
de shift de la fluorescence vers la droite après stimulation des CTLs avec des anticorps anti-
CD3 et anti-CD28. Le % d’événements fluorescents tombe à 6,83%.
è Il y a une diminution de la dégranulation des CTLs dès que l’expression de la syntaxine 11 est
diminuée.

Ensuite, ils ont testé l’activité cytotoxique des lymphocytes T sur des cellules cibles (des
lymphocytes B) en mesurant l’activité de la lactate déshydrogénase (LDH) dans le milieu d’incubation.
La LDH est une enzyme cytosolique. Elle est libérée par les cellules mortes après altération de la
membrane plasmique. Comme attendu, dans les lymphocytes T transfectés avec les siRNA contrôles, le
% de lyse des cellules cibles augmente en fonction du rapport du nombre de cellules effectrices (des
lymphocytes T) sur le nombre des cellules cibles. Dans les lymphocytes T transfectés avec les siRNA
dirigés contre la STX11, il y a une augmentation du % de lyse mais elle est significativement plus faible
que dans les CTLs transfectés avec les siRNA contrôles.

Notez que pour faire ces expériences, les lymphocytes B et T ont été stimulés au préalable avec
de la SEA (Staphylocccus Enterotoxin A).

è Il y a une diminution de l’activité cytotoxique des CTLs dès que l’expression de la syntaxine 11
est diminuée.

b. La microscopie TIRF.

Pour déterminer le rôle de la syntaxine 11 dans l’exocytose des granules lytiques dans les
lymphocytes T, les chercheurs ont eu recours à la microscopie TIRF (Total Internal Reflection of
Fluorescence).

La microscopie TIRF est une technique de microscopie à fluorescence très intéressante pour
étudier les événements de fusion membranaire à la surface des cellules, que ce soit l’endocytose ou
l’exocytose.

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Dans la microscopie à fluorescence classique (épifluorescence), les cellules sont éclairées par une
onde d’excitation qui arrive verticalement sur la lamelle. Dans ce cas, toute la cellule est éclairée. Après
excitation, les photons libérés par les molécules fluorescentes sont renvoyés et repassent par le même
objectif. Cela génère beaucoup de bruit de fond et limite la résolution car on peut observer les marqueurs
fluorescents sur plusieurs couches de la cellule mais pas de façon très nette.

Dans la microscopie TIRF, l’onde d’excitation tombe sur les cellules en formant un angle de 45 degrés
(réglable). Une grande partie de la lumière est réfléchie mais une toute petite partie rentre dans l’échantillon
et crée une onde évanescente (ou champ TIRF). La zone illuminée est donc plus réduite, max. 200 nm (sur
certains microscopes, la limite peut descendre à <100 nm) et permet d’éviter le photobleaching des
fluorochromes. La lumière émise par les molécules fluorescentes est déviée. Cela permet de réduire le bruit
de fond et d’augmenter la résolution spatiale. Cela convient très bien pour analyser les phénomènes
dynamiques d’endocytose et d’exocytose puisque la lumière se focalise sur une petite distance proche de la
membrane plasmique.

Par exemple, on peut voir arriver un granule de sécrétion (il sort de l’ombre et arrive dans la
lumière) ou le voir arrimé à la membrane plasmique (reste un certain temps dans le champ évanescent).
Quand le granule fusionne avec la membrane plasmique, la fluorescence augmente puis disparaît comme
un flash. Quand le granule reste arrimé un moment à la membrane plasmique mais repart dans la cellule
sans fusionner avec la membrane plasmique, la fluorescence disparaît mais plus progressivement.

Cette microscopie présente deux avantages :

- Elle permet de voir ce qui se passe au niveau de la membrane plasmique en faisant abstraction
de ce qui se passe en profondeur. Cela offre une meilleure résolution.

27
- Elle permet de faire de l’acquisition d’images en temps réel. Autrement dit, elle permet d’étudier
la cinétique de transport à la surface des cellules.
Le principal inconvénient de cette technique, c’est qu’il faut surexprimer les protéines conjuguées
à des fluorochromes. Comme on travaille avec des cellules vivantes, on ne peut pas utiliser des anticorps
parce qu’ils ne peuvent pas traverser les membranes sans perméabilisation. Toutefois, il faut s’assurer
en microscopie à fluorescence normale que les protéines exprimées de façon exogène se comportent de
la même façon que les protéines endogènes.

c. Une déplétion en syntaxine 11 conduit à une réduction de la fusion et de l’arrimage


des granules cytotoxiques à la membrane plasmique des CTLs.

En haut, nous voyons une série de photos prises en microscopie TIRF dans des CTLs transfectés
avec granzyme B-mCherry et avec des siRNA contrôles entre 0 et 10 min. Le temps est indiqué dans le
coin supérieur gauche. Les points fluorescents correspondent à des granules lytiques (puisqu’ils
renferment des granzymes) qui se trouvent dans le champ évanescent (donc près de la membrane
plasmique). Quand ces granules fusionnent avec la membrane, il y a une diminution subite (en moins
de 300 msec) de la fluorescence. C’est ce que montrent les têtes de flèches sur les clichés de 2-4 (en
gris, entre 2’53 et 2’55) et sur les clichés de 5 à 7 (en blanc, entre 4’09 et 4’11). Les granules qui restent
dans le champ évanescent pendant ≥ 1 min avant de disparaître sont des granules arrimés qui se
détachent sans avoir fusionné avec la membrane plasmique.

La série de photos en bas a été prise sur des CTLs transfectés avec granzyme-mCherry et avec
des siRNA dirigés contre la syntaxine 11 pour mimer le phénotype des patients FHL4. Dans ce cas, ils
ne voient pas d’évènements de fusion des granules lytiques avec la membrane plasmique. Les granules
restent très longtemps arrimés à la membrane plasmique avant de disparaître du plan TIRF.

Bien sûr, avec des logiciels, il est possible de quantifier tous les événements fluorescents qui se
passent dans le champ évanescent. Ainsi, on constate que :

28
1) le nombre de granules lytiques qui arrivent dans la synapse immunologique est similaire que la
syntaxine 11 soit exprimée ou non. Cela paraît normal puisque les SNAREs interviennent à la
fin du processus de transport, au moment de la fusion membranaire.
2) curieusement, il y a une diminution du temps de séjour des granules lytiques dans le champ
évanescent en cas de déplétion de la syntaxine 11. Ceci suggère que cette syntaxine pourrait
également intervenir dans l’arrimage des granules. Ce n’était pas prévu.
3) le nombre d’événements de fusion est très significativement réduit dans les CTLs transfectés
avec les siRNA dirigés contre la Stx11 par rapport aux CTLs transfectés avec les siRNA
contrôles.
è Ces graphiques suggèrent que la syntaxine 11 joue un rôle non seulement dans la fusion des
granules lytiques avec la membrane plasmique mais aussi dans l’arrimage des granules. C’est plutôt
inattendu pour une protéine SNARE.

d. La syntaxine 11 s’associe aux granules cytotoxiques au niveau de la synapse


immunologique.

Avec cette technique de microscopie TIRF, on peut suivre la dynamique de deux marqueurs
fluorescents simultanément avec des canaux différents et ensuite superposer les images pour voir s’il y
a une colocalisation entre les deux protéines au cours de l’observation.

Ici, les chercheurs ont transfecté des CTLs avec des constructions Granzyme B-TFP (en vert) et
avec mCherry-Stx11 (en rouge) puis les ont déposées sur des lamelles recouvertes d’anticorps anti-CD3
et anti-CD28. Après 2 min à température ambiante, ils ont ajouté du Ca2+ dans le milieu pour stimuler
l’exocytose avant de commencer les observations au microscope TIRF. On observe des gros points
fluorescents. Lorsqu’ils superposent les deux images, ils constatent que les 4 points sont parfaitement
superposés. Cela suggère que la syntaxine 11 se trouve sur les granules lytiques dans le champ
évanescent, donc à moins de 200 nm de la membrane plasmique. Sur la vidéo, on voit clairement que
des granules contenant GzmB-TFP et mCherry-Stx11 brillent très fort avant de disparaître. Ce sont des
granules qui fusionnent avec la membrane plasmique et qui déversent leur contenu dans la synapse
immunologique.

29
Si on reprend le fil des événements sur les kinographes, on constate que :

1) mCherry-Stx11 (en rouge) est présent dans le champ évanescent dès le début de l’acquisition
des images. Le marquage est diffus avec quelques spots plus intenses correspondant à une
association membranaire. C’est un marquage typique d’une t-SNARE. Dès 30 sec après le début
de l’enregistrement, des agrégats rouges plus intenses apparaissent pour former des amas stables
à la membrane plasmique. Ces amas n’apparaissent pas avec une forme mutante de la syntaxine
11 où la partie C-terminale est délétée, donc sans les sites de palmitoylation.
2) GzmB-TFB (en vert) apparaît plus tardivement dans le champ évanescent et sous forme de spots
intenses. C’est normal pour des granules lytiques.
3) Lorsqu’ils superposent les images, les spots verts colocalisent parfaitement avec les agrégats
rouges formés par les amas de mCherry-Stx11.

è Ces résultats montrent que la syntaxine 11 forme des amas (des clusters) à certains endroits de
la membrane plasmique, et que les granules lytiques arrivent ensuite, là où se trouvent les amas
de syntaxines 11.

Lorsqu’on fait un zoom sur les événements qui se passent dans le champ évanescent entre 36,7 s
et 37 s, on voit un spot jaune-orange qui devient plus brillant avant de disparaître brutalement. Il s’agit
d’un granule lytique qui a fusionné.

è Les granules lytiques viennent fusionner dans la synapse immunologique après avoir rejoint
les amas de syntaxines 11 situés sur la membrane plasmique.

Ensuite, pour confirmer les résultats obtenus avec la microscopie TIRF, ils ont observé les
cellules vivantes avec un microscope confocal doté d’une vitesse d’acquisition ultrarapide. Cela leur a
permis d’observer les lymphocytes B et T entiers avant et après le contact, et pas uniquement la surface
proche de la membrane plasmique comme avec la microscopie TIRF.

30
Sur la vidéo ci-dessus, on peut observer la migration d’un lymphocyte T transfecté avec GzmB-
mCherry et TFP-Stx11 en direction de 3 cellules-cibles (lymphocytes B stimulés avec SEA) à l’aide
d’un microscope confocal. TFP-Stx11 (en vert) se trouve sur tout le pourtour cellulaire alors que les
granules lytiques sont concentrés à un pôle de la cellule (en rouge ou en jaune). Pendant que le CTL se
déplace, les points verts sont sur la ligne de front (sur les leading egdes) et les granules sont à l’arrière.
Quand le lymphocyte T rentre en contact avec la cellule cible, le marquage vert disparaît tandis que les
granules cytotoxiques viennent fusionner avec la membrane plasmique du lymphocyte T au niveau de
la synapse.

On voit le déroulement des choses sur les images instantanées ci-dessous. Le rectangle met en
évidence la région du CTL (1/3 de la surface cellulaire) qui entre en contact avec la cellule cible. Au
début de l’activation, on n’y voit que de la syntaxine 11. Quand le contact est établi entre les deux
cellules, les syntaxines 11 s’accumulent sur les bords de la zone de contact. Le signal disparaît au centre
du rectangle parce qu’il sort du plan focal et pas à cause d’une fusion avec la membrane plasmique. Ce
n’est qu’après 9 min que les granules lytiques arrivent à la synapse immunologique.

L’analyse quantitative de la fluorescence dans le rectangle sur les différents plans Z montre qu’au
début de l’activation du CTL, TFP-Stx11 est majoritaire. L’abondance de TFP-Stx11 à la synapse
immunologique augmente rapidement entre 6 et 12 min. L’intensité de fluorescence rouge associée à la

31
présence de GzmB-mCherry ne commence à augmenter sérieusement qu’entre 10 et 12 min pour
finalement rejoindre (à peu de choses près) la valeur de l’intensité de fluorescence verte à 12 min. Cela
confirme que la syntaxine 11 arrive à la synapse immunologique avant les granules lytiques et que ceux-
ci fusionnent avec la membrane plasmique là où il y a une accumulation de syntaxines 11.

è Les résultats de microscopie TIRF et de microscopie confocale ultrarapide suggèrent qu’après


activation des lymphocytes T cytotoxiques, les granules lytiques viennent s’arrimer à la membrane
plasmique là où il y a une accumulation de syntaxines 11. Celle-ci serait nécessaire non seulement pour
la fusion membranaire mais aussi pour l’arrimage du granule cytotoxique.

Toutefois, comme les symptômes de la FHL4 sont plus légers que pour d’autres FHL, il est
possible que d’autres SNAREs compensent du moins partiellement la déficience en syntaxine 11.

A ce stade, deux questions peuvent se poser :

1) Comment la syntaxine 11 arrive à la membrane plasmique ?


2) Quelle est la protéine VAMP (v-SNARE) située sur la surface du granule lytique qui va
venir interagir avec la syntaxine 11 pour former le complexe trans-SNARE ? Rappelons
que pour former un faisceau SNARE, il faut 4 domaines SNAREs, un est apporté par la
syntaxine 11 et deux autres sont apportés par SNAP23 (qui est associé à la membrane
plasmique par palmitoylation de cystéines en position centrale). Quelle est la protéine
VAMP qui va apporter le domaine SNARE manquant ?

32
e. Une sous-population d’endosomes de recyclage transporte la syntaxine 11 à la
synapse.

Comment la syntaxine 11 arrive à la membrane plasmique ? Quel est l’organite qui amène la
syntaxine 11 à la synapse immunologique ? On sait que les endosomes de recyclage jouent un rôle
crucial dans la formation de la « vésicule d’exocytose » décrite auparavant par Ménager et
collaborateurs. Est-ce que ces endosomes de recyclage pourraient aussi amener la syntaxine 11 à la
membrane plasmique avant l’arrivée des granules lytiques ?

Pour répondre à cette question, Halimani et al. ont transfecté des CTLs avec les constructions
mCherry-Rab11a et TFP-Stx11 et observé la fluorescence en microscopie TIRF. Pour rappel, Rab11a
est un marqueur des endosomes de recyclage.

• mCherry-Rab11a : les points fluorescents coalescent et ne forment plus qu’un amas compact
après 5 min.
• TFP-Stx11 : Au début, il y a une série de points fluorescents à un pôle de la cellule puis ils se
dispersent.
• Quand on superpose les images, on constate qu’il y a un mélange de points rouges, verts et
jaunes surtout pendant les 3 premières minutes d’observation. Il y a donc une colocalisation
partielle entre Rab11a et la syntaxine 11.
è Il existe une sous-population d’endosomes de recyclage Rab11a+ qui présentent la syntaxine 11
à leur surface et qui l’amènent à la membrane plasmique du CTL.

33
Pour savoir si ces endosomes de recyclage transportaient aussi des protéines impliquées dans la
signalisation, ils ont étudié le taux de colocalisation entre mCherry-Rab11a et CD3-TFP et entre
mCherry-Stx11 et CD3-TFP. Pour cela, ils ont tiré un trait au milieu de la cellules et regardé l’intensité
des deux fluorescences à chaque pixel.

• Pour mCherry-Rab11a et TFP-Stx11, il y a plus de pics avec Rab11a qu’avec Stx11 et il n’y a
qu’un pic commun.
• Pour mCherry-Rab11a et CD3-TFP, il y a 2 pics communs alors qu’il y a trois pics pour
mCherry-Rab11a et deux pour CD3-TFP.
• Pour mCherry-Stx11 et CD3-TFP, il y a deux pics majeurs pour Stx11 et pour CD3 et ils se
superposent.

è CD3 et la syntaxine 11 arrivent à la synapse immunologique par l’intermédiaire des mêmes


endosomes de recyclage Rab11a+.

Une sous-population d’endosomes de recyclage Rab11+ amène CD3 et la syntaxine 11 à la


synapse immunologique de façon à former le cSMAC (centre de signalisation) et une plateforme
d’arrimage pour les granules lytiques qui arrivent ensuite.

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Dans ce modèle, les granules cytotoxiques viennent fusionner avec la membrane plasmique là où
il y a eu au préalable un rassemblement de syntaxines 11. Donc, les endosomes de recyclage et les
granules lytiques fusionnent avec la membrane plasmique les uns après les autres.

f. VAMP8 est-elle la protéine v-SNARE impliquée dans l’exocytose des granules


lytiques dans les CTLs ?

Maintenant que le rôle de la syntaxine 11 est connu, la question qui vient à l’esprit, c’est « quelle
protéine VAMP assure la fusion membranaire entre le granule lytique et la membrane plasmique en formant
un complexe trans-SNARE avec la syntaxine 11 et SNAP23 ? » Rapidement, VAMP2 a été écartée parce
même si elle joue un rôle dans l’exocytose des granules cytotoxiques des lymphocytes murins, elle n’est
pas exprimée chez l’homme. Les principales candidates sont les protéines VAMP4, VAMP7 et VAMP8.
VAMP4 et VAMP7 car elles colocalisent avec des protéines des granules lytiques dans des lymphocytes
natural killers et VAMP8 car chez les souris, elle est associée à l’exocytose d’organites sécrétoires dans
plusieurs types de cellules immunitaires et elle colocalise avec granzyme B. De plus, les lymphocytes
CD8+ des souris Vamp8-/-, présentent moins d’exocytose de granules et tuent moins de cellules cibles
que les lymphocytes CD8+ des souris WT.

Dans cette étude du groupe de Rettig, les chercheurs ont commencé par tester le rôle de VAMP8
dans l’exocytose des granules lytiques dans des lymphocytes humains.
Ils ont d’abord observé la distribution de VAMP8 endogène sur des CTLs primaires humains
fixés en utilisant un microscope à fluorescence de haute résolution (SIM). Par rapport à la microscopie
confocale classique, la microscopie SIM (Structured illumination microscopy) offre une résolution deux
fois plus élevée. La résolution avec la microscopie confocale classique est de l’ordre de 250 nm, ce qui
correspond à la limite de diffraction de la lumière alors que la résolution avec leur microscopie SIM est
de l’ordre de 100 nm dans les directions X,Y et Z.

A gauche, on voit la distribution de VAMP8 (en vert) dans des cellules non conjuguées (en haut)
ou conjuguées avec une cellule cible stimulée avec de l’entérotoxine de Staphylocoque (SEA) (en bas).
Les images en fond clair permettent de voir le contour des cellules. VAMP8 est localisée à la surface du

35
CTL non conjugué et se concentre dans la zone de contact avec la cellule cible après conjugaison. C’est
un argument pour dire qu’elle joue un rôle dans l’exocytose des granules lytiques.

è L’activation des CTLs induit la polarisation de VAMP8 à la synapse.

En haut, à droite. Pour vérifier que VAMP8 est bien associé aux granules lytiques, ils ont fait un
test de colocalisation entre VAMP8 et la perforine. Ils constatent que les compartiments VAMP8+ sont
plus nombreux que les compartiments perforine+ et contrairement à leur prévision, il n’y a pas beaucoup
de colocalisation entre les deux protéines, ni dans les CTLs non conjugués ni dans les CTLs conjugués
où pourtant VAMP8 et la perforine se concentrent au niveau de la synapse immunologique. Il y aurait
donc des différences entre les CTLs humains et les CTLs murins.

En bas, à droite. Ensuite, ils ont examiné le taux de colocalisation entre VAMP8-TFP et mCherry-
Rab7a (endosomes tardifs) et entre VAMP8-TFP et mCherry-Rab11a (endosomes de recyclage) dans des
CTLs conjugués. Au préalable, ils avaient vérifié que les marquages de VAMP8 obtenu avec des anticorps
et de VAMP8-TFP se superposaient. VAMP8 ne se trouve pas dans les endosomes tardifs mais bien dans
une sous-population d’endosomes de recyclage puisqu’il y a une colocalisation substantielle entre les
protéines VAMP8 et Rab11a.

è VAMP8 ne se trouve pas sur des granules lytiques mais sur des endosomes de recyclage.

Enfin, ils ont réalisé des expériences en microscopie TIRF sur des CTLs transfectés avec
VAMP8-TFP et avec mCherry-Rab11a pour visualiser la dynamique des vésicules à proximité de la
synapse immunologique et pour essayer de confirmer les résultats de la SIM.

• L’observation en direct a montré un mouvement rapide des vésicules VAMP8+ puis leur
accumulation dans le plan TIRF.
• Les images confirment la présence de nombreux compartiments VAMP8+ mais aussi Rab11a+
dès le début de l’observation et jusqu’à la fin. Il y a d’ailleurs une forte colocalisation entre
VAMP8 et Rab11a dans le plan TIRF. En effet, il y a beaucoup de points jaunes peu de temps
après la sédimentation des cellules sur les lamelles.

36
• Si on mesure le temps passé par ces vésicules dans la zone TIRF (dwell time), on a des résultats
très similaires avec le marquage VAMP8 et avec le marquage Rab11a (à gauche).
• Les courbes montrant le nombre de vésicules par cellule qui s’accumulent à la synapse
immunologique au cours du temps ont des profils très similaires (au milieu).
• La dispersion de la fluorescence (en moins de 400 msec) qui renseigne sur le nombre
d’événements de fusion membranaire est semblable pour les compartiments VAMP8+ et pour
les compartiments Rab11a+.
è Les résultats de microscopie TIRF confirment que VAMP8 se trouve dans des endosomes de
recyclage qui pour la plupart fusionnent avec la membrane plasmique.
Pour savoir si VAMP8 arrive à la membrane plasmique avant les granules lytiques, ils ont fait
des observations en temps réel sur des CTL transfectés avec VAMP8-TFP et avec perforin-mCherry en
microscopie TIRF.

Sur les photos, on constate qu’il y a beaucoup plus de vésicules VAMP8-TFP+ que de granules lytiques
Perforine-mCherry+. Les analyses quantitatives révèlent :

1) que les vésicules VAMP8+ passent beaucoup moins de temps dans le champ évanescent que les
granules lytiques (à gauche).
2) que les vésicules VAMP8+ sont très nombreuses au niveau de la membrane plasmique puis leur
nombre s’atténue au cours du temps tandis que les granules lytiques apparaissent plus tard dans
le plan TIRF et s’accumulent petit à petit (au centre).
3) qu’il y a beaucoup plus d’événements de fusion avec les vésicules VAMP8+ qu’avec les
granules lytiques (à droite). Rappelons qu’il n’y a que quelques granules qui fusionnent après
activation des CTLs.

è Les vésicules VAMP8+ fusionnent avec la membrane plasmique dès qu’elles arrivent dans le plan
TIRF. Par contre, il y a beaucoup de granules lytiques près de la surface cellulaire mais peu
fusionnent avec la membrane plasmique.
è Dans les lymphocytes CTL humains, VAMP8 se trouve dans des endosomes de recyclage et pas
dans les granules cytotoxiques comme dans les lymphocytes murins.
37
Puisque VAMP8 et la syntaxine 11 se trouvent dans des endosomes de recyclage, Marshall et al.
(2015) se sont demandé si VAMP8 était nécessaire à la fusion des endosomes de recyclage avec la
membrane plasmique. Pour aborder la question, ils ont diminué l’expression de VAMP8 avec des siRNA
et suivi le trajet des endosomes de recyclage contenant la Stx11-mCherry ou contenant Rab11-mCherry.

• Dans les CTLs transfectés avec Stx11-mCherry et avec de siRNA contrôles, on observe des
événements de fusion (flèches blanche et vide).
• Dans les CTLs transfectés avec Stx11-mCherry et avec de siRNA dirigés contre VAMP8, on ne
voit plus d’événements de fusion.

• Les analyses quantitatives indiquent que lorsque l’expression de VAMP8 est réprimée avec des
siRNA,
1) Il y a une augmentation du temps de séjour des vésicules Stx11+ dans le plan TIRF, même
si l’écart-type est grand ;
2) Les vésicules Stx11+ s’accumulent à la synapse immunologique ;
3) Les événements de fusion des vésicules Stx11+ sont moins nombreux.

Ils ont fait le même genre d’expériences avec des CTLs transfectés avec Rab11-mCherry et avec
des siRNA contrôles et des siRNA dirigés contre VAMP8 (à droite). Ils n’observent pas d’augmentation
significative des vésicules Rab11+ dans les CTLs où VAMP8 est déplétée contrairement aux vésicules
Stx11+ mais il y a une tendance à la hausse. Par contre, ils observent une différence hautement
significative dans le nombre d’événements de fusion membranaire. Ces résultats sont très similaires aux
résultats obtenus avec la syntaxine 11.
è VAMP8 régule la fusion des endosomes de recyclage contenant la syntaxine 11 avec la membrane
plasmique. Par contre, il ne serait pas impliqué dans la signalisation induite par le TCR. Selon les
auteurs, VAMP8 pourrait peut-être interagir avec SNAP23 et avec la syntaxine 4 pour former le
complexe trans-SNARE nécessaire à la fusion membranaire.

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Pour confirmer que la fusion des endosomes de recyclage avec la membrane plasmique était une
étape cruciale avant la fusion des granules lytiques, les chercheurs ont analysé le comportement des
granules lytiques marqués avec granzyme B-mCherry dans des CTLs où l’expression de VAMP8 a été
diminuée par des siRNA.

Comme attendu, il y a moins d’événements de fusion de granules lytiques dans les CTLs
transfectés avec des siRNA dirigés contre VAMP8 que dans les CTLs transfectés avec des siRNA
contrôles. Cela se voit sur les figures (absence de flèche) et sur le graphique du milieu. Cependant, le
temps passé par les granules lytiques dans le champ évanescent ne change pas de façon significative (à
gauche). Cela indique que VAMP8 n’intervient pas dans l’arrimage des granules lytiques à la membrane
plasmique.
Pour confirmer l’importance de VAMP8 sur la fusion des granules lytiques avec la membrane
plasmique, ils ont fait un test de dégranulation des CTLs en analysant l’expression de surface de CD107a
par cytométrie de flux. Le graphique de droite montre que l’expression de surface de CD107a induite
par l’activation des lymphocytes T avec des anticorps anti-CD3 est significativement plus faible dans
les CTLs transfectés avec des siRNA anti-VAMP8 que dans les CTLs transfectés avec des siRNA
contrôles.
è VAMP8 est également nécessaire pour la fusion des granules cytotoxiques à la synapse mais de
façon indirecte, en régulant la fusion des endosomes de recyclage.

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Sur base des résultats de l’équipe de Rettig, il semble que VAMP8 ne serait pas directement
impliqué dans la fusion des granules cytotoxiques avec la membrane plasmique. Toutefois, elle serait
nécessaire à l’exocytose des granules mais agirait dans une étape située en amont. Selon ces chercheurs,
des endosomes de recyclage Rab11a+ amèneraient la syntaxine 11 à la membrane plasmique par
un mécanisme régulé par VAMP8. Cette étape de fusion se ferait très rapidement après l’activation
des CTLs. Plusieurs protéines t-SNARE présentes sur la membrane plasmique pourraient contribuer à
la formation du complexe trans-SNARE : Stx11, Stx4, Vti1a, Vti1b, Stx6 et SNAP23, la principale
candidate étant la syntaxine 4.

Les syntaxines 11 formeraient une plateforme pour les granules cytotoxiques qui arrivent dans un
deuxième temps. Selon ce modèle, quelle serait la protéine VAMP associée aux granules cytotoxiques ?
Ils ne les savent pas. Ils excluent VAMP2 car elle n’est pas exprimée dans les CTLs humains et VAMP8
car ils ne sont pas arrivés à détecter cette v-SNARE à la surface des granules cytotoxiques.

Dans leur conclusion, les auteurs mettent en garde les chercheurs sur l’interprétation des résultats
d’exocytose sans le recours à la microscopie de haute résolution. En effet, plusieurs études ont montré
un rôle de VAMP8 dans les cellules acineuses du pancréas, dans les plaquettes, dans les mastocytes
mais, au vu de leurs résultats sur les lymphocytes T, ils disent qu’il faudrait refaire des expériences en
microscopie à haute résolution pour déterminer le rôle exact de VAMP8 dans ces mécanismes
d’exocytose.

Deux ans après, l’équipe de Giraudo a publié un article où les chercheurs montrent par des
expériences de co-immunoprécipitation que VAMP8 est capable d’interagir avec la syntaxine 11 et avec
SNAP23. Selon eux, VAMP8 serait bien à la surface des granules cytotoxiques.

40
Pour réaliser cette expérience, ils ont isolé des lymphocytes T humains à partir de sang
périphérique et les ont activés en les incubant pendant 4h en présence de billes recouvertes d’anticorps
anti-CD3 et anti-CD28. A partir de lysats cellulaires, ils ont immunoprécipité soit la syntaxine 11 soit
la syntaxine 5 endogènes avec des anticorps spécifiques. Enfin, ils ont réalisé une série de WB pour
identifier les partenaires d’interaction de la syntaxine 11. L’immunoprécipitation avec l’anticorps anti-
syntaxine 5 permet de tester la spécificité des interactions observées entre la syntaxine 11 et d’autres
protéines SNAREs.

Les résultats montrent que la syntaxine 11 interagit sélectivement avec SNAP23, avec VAMP8
et, dans une moindre mesure, avec Vti1b. La syntaxine 11 interagit avec VAMP4 mais de façon moins
forte que la syntaxine 5. Une faible bande correspondant à VAMP7 apparaît aussi bien dans les deux
immunoprécipités. Lorsqu’ils immunoprécipitent VAMP8 en premier dans une réaction réciproque, ils
confirment l’interaction entre VAMP8, la syntaxine 11 et SNAP23 (figure en haut, à droite).

La protéine Munc18-2 était déjà connue pour interagir avec la syntaxine 11. Une déficience en
Munc18-2 conduit d’ailleurs à une autre forme héréditaire familiale de lymphohistiocytose
hémophagocytaire, la FHL5. L’article montre aussi des résultats qui suggèrent que l’interaction de
Munc18-2 avec la syntaxine 11 seule ou associée à SNAP23 et VAMP8, favoriserait la fusion des
membranes. Cette association compenserait l’absence de passage transmembranaire dans la syntaxine
11.

Dans leur discussion, les chercheurs de l’équipe de Giraudo considèrent que VAMP8 est sur les
granules cytotoxiques même s’ils n’ont pas réalisé d’expériences qui le montrent. Ils font allusion au
papier de Marshall et al. (2015) mais simplement pour dire qu’il est possible que VAMP8 se trouve
aussi sur la membrane des endosomes de recyclage et qu’il pourrait former un complexe trans-SNARE
avec d’autres partenaires pour permettre la fusion de ces organites avec la membrane plasmique.

è Il y a donc une controverse sur l’identité de la V-SNARE située à la surface des granules
cytotoxiques des lymphocytes CD8+ humains.

41
En 2019, l’équipe de Rettig a publié un nouvel article où ils ont cherché à identifier la v-SNARE
qui était associée aux granules cytotoxiques. Leurs résultats ciblent clairement VAMP7. Ils ont réalisé
une série d’expériences afin de convaincre la communauté scientifique.

g. VAMP7 est-elle la protéine v-SNARE impliquée dans l’exocytose des granules


lytiques dans les CTLs ?

Pour aborder le problème, le groupe de Rettig a d’abord analysé la colocalisation entre le


granzyme B ou la perforine avec différentes VAMPs : VAMP3/4/7/8/2 par microscopie fluorescente à
super-résolution (ici résolution de 100 nm en X,Y et 250 nm en Z). Ils ont étiqueté les SNAREs avec
des fluorochromes pour s’assurer de la spécificité du marquage. Cette étude indique que seules les
VAMP7 et 8 pourraient colocaliser avec le granzyme B (et avec la perforine, résultats non montrés) et
donc se trouver sur des granules lytiques. VAMP7 semble un meilleur candidat.

Pour rendre les observations moins arbitraires, il est de plus en plus demandé de calculer un
coefficient de confiance. Ici, les auteurs ont calculé les coefficients de Pearson et de Mander. Seuls, les
coefficients de Pearson obtenus sont montrés ici. On considère qu’il faut une valeur ≥ à 0,5 pour que la
colocalisation ait potentiellement une signification biologique. Les deux candidats les plus probables
sont VAMP7 et VAMP8. Ils se sont donc focalisés sur VAMP7.

42
Ils ont examiné la distribution d’une construction VAMP7-pHuji dans des CTLs conjugués, 5-10
ou 20 min après le début de l’incubation avec des cellules cibles activées. De cette façon, ils ont pu
observer la polarisation des granules lytiques vers la synapse au cours du temps (voir marquage de la
perforine avec un anticorps). Parallèlement aux granules lytiques, les organites VAMP7-pHuji+ sont
également polarisés. De plus, ils constatent une bonne colocalisation entre VAMP7-pHuji et la
perforine, que ce soit après 5, 10 ou 15 min d’incubation. Après 15 min, ils obtiennent des coefficients
de Pearson de 0,49 pour la perforine et 0,58 pour le granzyme B.

è Cela indique que VAMP7 est associée aux granules lytiques déjà pendant l’étape de polarisation
qui précède l’étape de fusion.

Ensuite, ils ont fait de la microscopie TIRF à haute résolution pour comparer la cinétique de fusion
des vésicules VAMP7+ et des granules lytiques Gzmb+ avec la membrane plasmique. Si les cinétiques
sont comparables, c’est que VAMP7 se trouve sur les granules lytiques. Si les vésicules VAMP7+
fusionnent avant les granules lytiques, c’est que VAMP7 se trouve sur les endosomes de recyclage.

Ils ont transfecté des CTLs avec GzmB-TFP et VAMP7-pHuji et les ont déposés sur des lamelles
couvertes d’anticorps anti-CD3 pour les activer. Ils ont choisi le fluorochrome pHuji parce qu’il est
sensible au pH : il y a un déquenching de la fluorescence quand le pH augmente. Par conséquent, quand
le pore de fusion s’ouvre, le changement de pH qui survient (la lumière du granule est acide et le milieu
extracellulaire est neutre) provoque une augmentation fugace de la fluorescence.

On constate que l’intensité des spots GzmB-TFP+ et VAMP7-pHuji+ augmente puis diminue en
même temps (flèches). La soudaine diminution de l’intensité de fluorescence de GzmB-TFP puis sa
disparition sont dues à la libération et la dispersion subséquente de granzyme B (graphique de gauche)
dans le milieu extracellulaire. En ce qui concerne VAMP7-pHuji, le spot mauve persiste après la fusion
parce que la protéine VAMP7 s’insère dans la membrane plasmique jusqu’à ce qu’elle soit endocytée.
Contrairement au granzyme B, elle n’est pas libérée dans le milieu extracellulaire. Cela explique la
présence du pic d’intensité de fluorescence sur le graphique de droite.

Au moment de réaliser ces expériences, le groupe de Giraudo avait publié un article où les
chercheurs prétendaient que VAMP7 ne pouvait pas être impliquée dans la fusion des granules lytiques
avec la membrane plasmique parce que, selon leurs expériences, elle interagissait peu avec la syntaxine
43
11 et SNAP23, contrairement à VAMP8. Le groupe de Rettig a donc multiplié les expériences pour
prouver qu’ils avaient raison.

D’abord, ils ont analysé la cinétique de fusion des vésicules VAMP8+ par rapport aux vésicules
VAMP7+ par microscopie TIRF.

Ils constatent que VAMP7 et VAMP8 se trouvent dans des vésicules différentes qui ne
colocalisent pas à la synapse immunologique. En effet, si on regarde le marquage VAMP8-mCherry, on
constate que les vésicules VAMP8+ apparaissent plus tôt, fusionnent plus tôt et plus fréquemment que
les vésicules VAMP7+. L’analyse quantitative montre qu’il y a beaucoup moins de vésicules VAMP7+
dans le champ TIRF que de vésicules VAMP8+ (en bas). De plus, elle montre qu’il y a presque 10 fois
plus d’événements de fusion avec les vésicules marquées avec VAMP8-TFP qu’avec les vésicules
marquées avec VAMP7-mCherry (en haut). Comme il y a peu de granules lytiques qui fusionnent à la
fois à la synapse immunologique, il est très probable que VAMP7 se trouve sur les granules lytiques
mais pas VAMP8.

è VAMP7 se trouverait sur les granules lytiques mais pas VAMP8.

Ensuite, ils ont examiné l’impact d’une déplétion en VAMP7 sur la fusion des granules
cytotoxiques et sur la cytolyse de cellules cibles en utilisant deux siRNA différents.

44
Il y a bien une diminution significative :
- du % de cellules qui présentent des événements de fusion des granules lytiques,
- du nombre moyen de granules qui fusionnent par cellule,
- du % de lyse des cellules cibles (test de libération de la calcéine)

Par contre, la déplétion de VAMP7 ne semble pas avoir d’impact sur les événements de fusion qui
concernent les endosomes tardifs Rab11a+, ce qui n’était pas le cas de la déplétion de VAMP8.
Enfin, par des expériences de pull-down, ils ont pu montrer que VAMP7 était capable d’interagir
avec la syntaxine 11 et avec SNAP23, ce qui suppose que leurs domaines SNARE interagissent pour
former des complexes trans-SNARE, nécessaire à la fusion membranaire.

Les lymphocytes T CD8+ ont été transfectés avec des constructions (VAMP7-Flag-Twin-Strep
ou Twin-Strep-syntaxine 11) où la séquence d’un octapeptide reconnu par la streptavidine a été ajoutée
deux fois. Après 18h, les protéines ont été précipitées à partir d’un lysat clair en ajoutant de la sépharose
couplée à une forme modifiée de la streptavidine (Strep-Tactin-sepharose). Après 1,5 h d’incubation à
4°C et lavage des billes, les protéines ont été éluées dans un tampon de charge habituel. Cette technique
permet de purifier les protéines d’intérêt en une seule étape.
Les résultats montrent qu’un certain nombre de protéines VAMP7 sont capables d’interagir avec
SNAP23 et avec la syntaxine 11.

è VAMP7 serait capable de former un complexe trans-SNARE avec SNAP23 et la syntaxine 11.

En conclusion, selon le groupe de Rettig, VAMP8 serait impliquée dans la fusion des endosomes
de recyclage avec la membrane plasmique tandis que VAMP7 serait impliquée dans la fusion des
granules lytiques avec la membrane plasmique au niveau du tapis formés par des syntaxines 11.

45
10. Conclusion.

Sur base de tous les résultats montrés ici, nous pouvons proposer le modèle suivant pour expliquer les
mécanismes d’exocytose des granules lytiques par les lymphocytes T.

1. Les endosomes de recyclage Rab11a+ qui contiennent la Stx11 et CD3 viennent fusionner avec la
membrane plasmique par un mécanisme qui dépend de VAMP8 (et probablement de la syntaxine 4). Ces
endosomes amènent probablement Rab27a et Munc13-4 dont le rôle exact n’est pas connu. Le déplacement
de ces endosomes de recyclage créerait des amas de syntaxines 11 à certains endroits de la membrane
plasmique.
2. Les granules cytotoxiques viennent fusionner avec la membrane plasmique sur les amas de
syntaxines 11. Munc18-2 interagirait avec la syntaxine 11 pour favoriser la fusion des membranes. Selon le
groupe de Reitig, la fusion des granules nécessiterait l’assemblage de VAMP7, de SNAP23 et syntaxine 11.
Selon le groupe de Giraudo, ce serait VAMP8 qui interviendrait et pas VAMP7 mais leurs arguments sont
moins convaincants.

46
Ce chapitre a permis de :

- montrer l’importance de la machinerie de transport vésiculaire dans la santé,


- montrer comment l’étude des situations pathologiques permet de faire évoluer les connaissances en
biologie fondamentale,
- montrer que l’interprétation des résultats dépend des outils et des modèles utilisés,
- montrer que les résultats sont parfois contradictoires.

47
Table des matières
Table des matières.................................................................................................................. 48
III. Maladies de surcharge lysosomale. .............................................................................. 49
1. Les lysosomes. ..................................................................................................................................... 49
2. Les maladies de surcharge lysosomale (LSDs). .................................................................................... 50
a. Caractéristiques générales. ............................................................................................................. 50
b. Classification.................................................................................................................................... 51
3. Rôle du calcium sur les altérations du transport intracellulaire induites par les LSDs. ....................... 51
a. Perturbation du flux autophagique dans les cellules MLIV. ............................................................ 53
b. Perturbation de l’endocytose dans les cellules MLIV. ..................................................................... 53
c. Perturbation de l’exocytose lysosomale dans les cellules MLIV. .................................................... 54
d. Mise au point d’une sonde génétique fluorescente pour mesurer l’efflux de Ca 2+ lysosomal. ...... 57
e. Lien entre accumulation de cholestérol et efflux de calcium dans les cellules NPC1. .................... 60
4. Intérêt thérapeutique de TFEB. ........................................................................................................... 66
a. Rôle de TFEB dans la biogenèse et l’activité des lysosomes. .......................................................... 66
b. TFEB induit la biogenèse des lysosomes. ........................................................................................ 67
c. TFEB induit la macroautophagie. .................................................................................................... 68
d. TFEB induit l’exocytose lysosomale. ................................................................................................ 69
e. TFEB et traitement des maladies humaines. ................................................................................... 74
5. Accumulation de lysosomes dans les neurones dystrophiques NPC1-/- .............................................. 76
a. Accumulation des hydrolases lysosomales dans les corps cellulaires et dans les extrémités des
axones des neurones WT ......................................................................................................................... 77
b. Formation d’autolysosomes dans les extrémités des axones ......................................................... 78
c. Rôle de Arl8 dans le transport rétrograde des lysosomes actifs ..................................................... 79
d. Accumulation de vacuoles d’autophagie dans les neurones NPC1-/- .............................................. 80
e. Défaut du transport antérograde des endolysosomes dans les neurones NPC1 -/- ......................... 81
f. Séquestration de Arl8 et de la kinésine 1 sur les lysosomes des neurones NPC1 -/- ........................ 83
g. Réduction de la quantité de cholestérol sur les lysosomes des neurones NPC1-/- après traitement
avec une -cyclodextrine ......................................................................................................................... 84
h. Rétablissement du transport antérograde des lysosomes et suppression du stress autophagique
dans les neurones NPC1-/- après traitement avec une -cyclodextrine ................................................... 86

IV. Syndrome de Lowe. ..................................................................................................... 88


1. Caractéristiques générales. ................................................................................................................. 88
2. Défauts dans le système endolysosomal induits par une déficience en OCRL. ................................... 89
a. Effet de l’absence d’OCRL fonctionnel sur la formation des vésicules recouvertes de clathrine. .. 90
b. Impact d’une déficience en OCRL sur le cytosquelette d’actine. .................................................... 95
c. Impact d’une déficience en OCRL sur le transport intracellulaire de la mégaline. ......................... 97
d. Impact d’une déficience en OCRL sur la macroautophagie........................................................... 102
e. Conclusion. .................................................................................................................................... 109

48
III. Maladies de surcharge lysosomale.

1. Les lysosomes.

Les lysosomes sont des compartiments subcellulaires généralement sphériques (0,5-1 µm de


diamètre). La membrane unique contient de nombreuses protéines fortement glycosylées, les protéines
LAMP1-2 et LIMP1-2, qui à elles seules représentent 50 % des protéines membranaires lysosomales.
Elles ont surtout un rôle structurel mais pas uniquement. La lumière des lysosomes renferme une
soixantaine d’hydrolases solubles, actives à pH acide. Ce sont principalement des protéases, des
glycosidases, des phosphatases et des nucléases. Le pH est maintenu à une valeur de 4,5-5 grâce à des
v-ATPases insérées dans la membrane. La membrane accueille également des transporteurs d’acides
aminés, de nucléosides, de sucres et de cholestérol. Ces différentes protéines permettent aux lysosomes
d’assurer leurs principales fonctions : la dégradation de macromolécules leur arrivant par les voies
endocytaire, phagocytaire et autophagique et le recyclage des constituants biologiques de base (acides
aminés, monosaccharides, nucléosides, etc.).

Une déficience en une enzyme soluble ou d’une protéine membranaire peut potentiellement entraîner
une maladie de surcharge lysosomale. Cela peut arriver quand la protéine n’est pas synthétisée, pas
transportée, pas activée ou pas fonctionnelle. Quelle que soit la raison, cela entraîne l’accumulation de
métabolites dans la lumière des lysosomes.

49
2. Les maladies de surcharge lysosomale (LSDs).

a. Caractéristiques générales.

• Il existe une cinquantaine de maladies de surcharge lysosomale. Souvent, il y a des formes


infantiles, juvéniles et adultes selon l’âge de survenue de la maladie. Ce sont les formes infantiles
les plus graves. Souvent, les enfants présentent des retards de croissance et meurent dans les
premières années de leur vie.
• Les LSD sont des maladies monogéniques (un seul gène touché mais il peut être touché à différents
endroits et selon le site de la mutation, la maladie peut être plus ou moins sévère).
• Elles se transmettent de façon autosomale récessive.
• Il est souvent impossible d’expliquer les événements qui surviennent entre l’accumulation du
métabolite primaire et l’apparition des premiers symptômes cliniques. Souvent, des métabolites
secondaires peuvent s’accumuler et plusieurs mécanismes pourraient mettre en péril l’homéostasie
des cellules puis des tissus.
• 2/3 impliquent un dysfonctionnement du système nerveux central. Ce sont les maladies
neurodégénératives infantiles les plus fréquentes. D’autres organes peuvent aussi être touchés : le
foie, la rate, les yeux, les muscles, etc.
• Isolées, ces maladies sont rares mais collectivement, elles ont une prévalence estimée à 1 enfant
sur 5000-7700 naissances.
La figure de gauche montre l’accumulation de glycogène dans les cellules d’un patient atteint de
la maladie de Pompe. Elle est due à une déficience en -1,4-glucosidase. Elle touche surtout les muscles
squelettiques. La figure de droite montre une cellule d’un patient atteint de la maladie de Niemann-Pick.
Elle est caractérisée par l’accumulation de lipides (surtout du cholestérol et des sphingolipides) dans les
lysosomes suite à une déficience en NPC1 (le plus souvent) ou en NPC2 (voir plus loin). Les lysosomes
apparaissent dilatés et clairs. Cette maladie touche principalement le système nerveux central.

50
b. Classification.

Les maladies sont souvent classées selon le métabolite primaire qui s’accumule dans les lysosomes. Il
existe des lipidoses (si accumulation de lipides), des sphingolipidoses (si accumulation de sphingolipides),
des mucopolysaccharidoses (MPS) (si accumulation d’héparan sulfate ou de dermatan sulfate), les
lipofuscinoses (si accumulation de lipofuscine).

Elles portent souvent le nom du pathologiste qui les a décrites la première fois. Ainsi, on a des maladies
de Gaucher, de Niemann-Pick, de Tay-Sachs, de Krabbe, etc. La plus fréquente est la maladie de Gaucher.
Nous parlerons surtout de la mucolipidose IV et de la maladie de Niemann-Pick de type C.

3. Rôle du calcium sur les altérations du transport intracellulaire induites par les LSDs.

Les trois voies de transport intracellulaire impliquant les lysosomes sont d’une part, l’endocytose
et l’autophagie qui permettent d’acheminer des macromolécules aux lysosomes pour la dégradation et
d’autre part, l’exocytose lysosomale au cours de laquelle le lysosome vient fusionner avec la membrane
plasmique pour libérer son contenu. C’est un mécanisme qui nécessite du Ca2+.

51
Au travers deux exemples de maladies de surcharge lysosomale, nous allons voir l’importance du
2+
Ca dans le transport intracellulaire impliquant les lysosomes.

La mucolipidose de type IV (MLIV) résulte d’une déficience en mucolipine 1. Cette protéine


transmembranaire joue un rôle crucial dans l’efflux de calcium nécessaire aux événements de fusion
membranaire.

La mucolipine 1 (également appelée TRPML1, MLN1 ou MCOLN1) est un canal ionique inséré
dans la membrane des lysosomes. Elle possède 6 passages transmembranaires, des extrémités N- et C-
terminales du côté cytosolique et des motifs d’adressage aux lysosomes (deux motifs dileucine). Le
motif dileucine en position N-terminale interagit avec AP1 et AP3, respectivement au niveau de
l’appareil de Golgi et des endosomes précoces. Le motif dileucine en position C-terminale interagit avec
AP2 au niveau de la membrane plasmique. La première boucle luminale présente un site de clivage
protéolytique potentiel. C’est pourquoi des chercheurs pensent qu’elle pourrait être clivée et agir sous
forme d’oligomères. La troisième boucle luminale forme un pore qui pourrait laisser passer les ions
Ca2+, Na+, K+, Fe2+ et Zn2+ à travers la membrane des lysosomes.

La mucolipine 1 a surtout été étudiée pour son rôle dans le transport des ions Ca2+ parce que
celui-ci est indispensable à la fusion membranaire mais aussi à la mobilité des lysosomes et à la
signalisation intracellulaire. Elle est activée par le PI(3,5)P2 ainsi que par les dérivés actifs de l’O2 (ROS)
et inhibée par la sphingomyéline.

52
a. Perturbation du flux autophagique dans les cellules MLIV.

Comme dans de nombreuses maladies de surcharge lysosomale, la MLIV est caractérisée par une
accumulation d’autophagosomes, comme en témoigne le signal de LC3 en IF et en WB.

En IF, on constate une augmentation du nombre de points LC3 dans les cellules MLIV alors que
le marquage est diffus dans les cellules contrôles. En WB, on constate une augmentation de l’intensité
de la bande correspondant à LC3-II dans les cellules MLIV par rapport aux cellules contrôles. Il y a
donc une activation de LC3, c.-à-d. une conjugaison avec une phosphatidyléthanolamine associée à une
insertion membranaire. Cela témoigne d’une augmentation du nombre d’autophagosomes au niveau
basal (sans stimulation avec un jeûne) dans les cellules de patients MLIV. Cela se voit aussi en
microscopie électronique avec l’accumulation de compartiments denses aux électrons après coloration
de Gomori. De plus, l’abondance de p62 (soluble et insoluble) augmente également dans les cellules
MLIV par rapport aux cellules contrôles. Comme la protéine p62 est souvent associée à des agrégats de
protéines ubiquitinées dégradés par autophagie sélective, cela suggère également une perturbation dans
la fusion entre les autophagosomes et les lysosomes, et par conséquent, du flux autophagique.

➔ L’efflux de calcium lysosomal est nécessaire au flux autophagique.

b. Perturbation de l’endocytose dans les cellules MLIV.

Le trafic des cargos le long de la voie endocytaire est également perturbé dans les cellules MLIV,
comme le montre la cinétique de dégradation du récepteur au PDGF.

L’expérience consiste à incuber les fibroblastes de peau de patients (à jeun pendant 16h) avec du
PDGF 100 ng/ml pendant 0-30-60-90 min à 37°C. La liaison du PDGF entraîne l’internalisation des

53
complexes ligand-récepteur suivie de la dégradation des récepteurs PDGFR dans les lysosomes. Cela se
traduit par une diminution rapide du signal PDGFR sur les membranes de WB dans les cellules
contrôles. La diminution est plus lente dans les cellules MLIV. On le voit également sur le graphique
de droite même si les auteurs ne précisent pas si les différences sont significatives ou pas.

➔ L’efflux de calcium lysosomal est nécessaire au transport des cargos dans la voie endocytaire.

c. Perturbation de l’exocytose lysosomale dans les cellules MLIV.

L’exocytose lysosomale est aussi affectée par une déficience en mucolipine 1. L’exocytose
lysosomale se déroule en deux étapes : des lysosomes sont d’abord amenés à la périphérie de la cellule
et ensuite, ils fusionnent avec la membrane plasmique pour libérer leur contenu. Cette deuxième étape
nécessite du Ca2+. Si on incube les cellules MLIV avec une sonde fluorescente qui s’accumule dans les
compartiments acides (principalement les endosomes tardifs et les lysosomes), on constate une
distribution différente des compartiments endolysosomaux par rapport aux cellules contrôles.

En effet, dans les fibroblastes WT, les endosomes tardifs et les lysosomes sont répartis partout
dans le cytoplasme. Dans les fibroblastes MLIV, ils sont concentrés dans la région périnucléaire. Il y en
a donc moins à la périphérie cellulaire, prêts à fusionner avec la membrane plasmique. Dans les cellules
MLIV transfectées avec la mucolipine 1 WT (au centre), la dispersion du marquage dans le cytoplasme
est partiellement restaurée.

Si on mesure la libération d’une enzyme lysosomale soluble (ici la N-acétyl--D-


glucosaminidase) dans le milieu de culture après addition d’ionomycine, on constate une diminution
dans les fibroblastes MLIV par rapport aux fibroblastes normaux. Dans les cellules MLIV transfectées
avec la mucolipine 1 WT, les % de libération sont nettement augmentés même s’ils n’atteignent pas les
valeurs obtenues avec les fibroblastes WT. L’ionomycine est un ionophore qui fait entrer le calcium du
milieu extérieur vers le cytoplasme. Il active ainsi l’exocytose lysosomale.

Une autre façon de mesurer le taux d’exocytose lysosomale consiste à détecter la protéine LAMP1
à la surface des cellules par immunofluorescence sans perméabilisation des membranes. Dans cette
expérience, ils ont utilisé des macrophages de moëlle osseuse (BMM) de souris WT et de souris KO
pour la mucolipine 1 (ML1), activés ou non avec un agoniste de la mucolipine 1 (ML-SA1, pour
Mucolipin-Synthetic Agonist 1, voir explication plus loin). La protéine membranaire lysosomale
LAMP1 est détectée grâce à un anticorps monoclonal de rat qui reconnaît la partie luminale de LAMP1
(exposée à la surface cellulaire après exocytose). Pour voir l’expression de surface de LAMP1, ils ont

54
incubé les cellules vivantes sur la glace en présence de l’anticorps anti-LAMP1 pendant 45 min avant
de fixer les cellules avec du PAF 2% et d’ajouter l’anticorps secondaire couplé à un fluorochrome.

• Dans les BMMs WT incubés avec du DMSO (solvant utilisé pour solubiliser l’agoniste), il n’y
a pas de signal LAMP1 (rouge) sans perméabilisation des membranes (LAMP1 surface). C’est
dû au fait que les anticorps primaires et secondaires ne peuvent pas traverser les membranes.
Après perméabilisation des membranes avec du Triton X100, la marquage LAMP1 (en vert) est
bien visible (LAMP1 total). Il témoigne d’une dispersion des lysosomes dans le cytoplasme.
Cela montre aussi que l’anticorps marche.

• Dans les BMMs WT incubés pendant 30 min avec un agoniste de ML1 (ML-SA1, 10 µM), le
marquage LAMP1 forme un halo autour de la cellule sans perméabilisation. LAMP1 est donc
présent à la surface des cellules. Cette expression de surface de LAMP1 est inhibée après
incubation des cellules avec un chélateur de Ca2+ capable de passer les membranes (BAPTA-
AM). Après perméabilisation, on constate aussi l’accumulation de LAMP1 à la périphérie
cellulaire par rapport aux cellules WT incubées avec le DMSO, même s’il reste des lysosomes
à l’intérieur de la cellule.
• Dans les BMMs KO pour la mucolipine 1 (ML1), après perméabilisation des membranes, on
observe une augmentation du marquage LAMP1 aussi bien dans les cellules incubées avec le
DMSO que dans les cellules incubées avec l’agoniste. Cette augmentation du signal est due à
une stimulation de la biogenèse des lysosomes visant à compenser l’apparition de lysosomes
moins actifs suite à la surcharge. Notez qu’il n’y a quasiment pas de signal LAMP1 dans les
cellules MLIV traitées avec ML-SA1 sans perméabilisation des membranes, contrairement à ce
qui se passe dans les BMMs WT. Cela suggère que la fonction de ML1 est essentielle pour
l’exocytose lysosomale.
➔ Sans efflux de Ca2+ par la mucolipine 1, il n’y a pas d’exocytose lysosomale.

55
Pour démontrer que ML-SA1 était un agoniste de la mucolipine 1, des
chercheurs ont réalisé des expériences d’électrophysiologie sur des lysosomes
dilatés et isolés.
Cette expérience consiste à dilater les lysosomes en ajoutant de la vacuoline
1 dans le milieu de culture. Comme les cellules sont transfectées avec de l’EGFP-
TRPML1, il est possible de visualiser les lysosomes avec un microscope à
fluorescence. Les limites cellulaires peuvent s’observer en contraste de phase (DIC).
Grâce à la pipette du bas, ils secouent les cellules pour abîmer la membrane
plasmique et libérer les lysosomes. Grâce à la pipette du haut, ils peuvent injecter
une solution acide, riche en Ca2+ et imposer un potentiel de membrane de 0 mV. Il faut bien sûr que le
système soit étanche. C’est possible en aspirant légèrement.

Les lysosomes se trouvent donc dans une solution dont la composition mime la composition du
cytoplasme (riche en K+, pauvre en Ca2+ et pH neutre) mais leur lumière renferme une solution acide,
riche en Ca2+. Grâce à des électrodes, ils ont imposé une différence de potentiel entre la membrane
lysosomale (0 mV) et la solution ambiante (de -120 mV à +40 mV). En faisant l’expérience sur des
cellules WT traitées avec du ML-SA1, ils ont observé un courant électrique quand les voltages étaient
négatifs. Cela traduit un efflux de Ca2+depuis la lumière des lysosomes. En revanche, ils n’ont pas
observé de courant en faisant la même expérience sur les cellules ML4, déficientes en mucolipine 1.

56
d. Mise au point d’une sonde génétique fluorescente pour mesurer l’efflux de Ca2+
lysosomal.

Ensuite, pour pouvoir analyser l’efflux de calcium depuis la lumière des lysosomes dans des
cellules entières, ils ont développé une sonde génétique fluorescente : GCaMP3-ML1. Par biologie
moléculaire, ils ont ajouté la séquence d’une protéine fluorescente indicatrice du Ca2+ sur la séquence
de ML1. Après transfection dans des cellules, cette protéine chimérique (avec la partie fluorescente du
côté N-terminal) doit s’insérer dans la membrane des lysosomes puisqu’elle dispose toujours des motifs
d’adressage aux lysosomes (les motifs dileucine) et émettre de la fluorescence dès qu’elle entre en
contact avec du Ca2+, donc dès qu’il y a un efflux de calcium depuis la lumière des lysosomes.

Avant toute chose, il fallait vérifier que cette sonde GCaMP3-ML1 arrive bien aux lysosomes. Ils
ont donc transfecté des cellules HEK293T avec LAMP1-mCherry et avec la sonde et les ont observées
au microscope à fluorescence 24h après. On voit qu’il y a une bonne colocalisation entre la sonde et
LAMP1. Ils ont ensuite réalisé plusieurs expériences pour vérifier qu’elle pouvait détecter sélectivement
le calcium à la sortie des lysosomes.

Ils ont incubé des cellules CHO transfectées avec la construction GCaMP3-ML1 avec du ML-
SA1, l’agoniste de la mucolipine 1 et ont mesuré l’intensité de fluorescence à 470 nm. On observe
clairement une augmentation de l’intensité du signal fluorescent dans les cellules traitées avec le ML-
SA1 par rapport aux cellules à l’état basal. Des points verts et rouges apparaissent dans le cytoplasme,
près des noyaux. S’ils ajoutent de l’ionomycine, un ionophore qui fait entrer le calcium du milieu
extérieur vers le cytoplasme, l’intensité du signal fluorescent augmente encore plus.

57
Ils se sont ensuite assurés que l’augmentation de fluorescence induite par ML-SA1 était bien due
à l’efflux de Ca2+ depuis les lysosomes et pas depuis le réticulum endoplasmique, un autre réservoir
intracellulaire de Ca2+.

Sur ce graphique, chaque ligne correspond à une cellule différente. Elles sont représentatives de
l’ensemble des cellules observées en microscopie fluorescente. Ils ont donc traité les cellules avec de la
thapsigargine (TG), un inhibiteur des Ca2+-ATPases (SERCA) situées dans la membrane du réticulum
endoplasmique. Ce traitement provoque une activation des canaux calciques à la membrane plasmique,
entraînant une augmentation de la concentration de Ca2+ cytosolique. Pour éviter l’entrée massive d’ions
Ca2+ dans les cellules, ils les ont incubées dans un milieu contenant une faible concentration de Ca2+. A
quelques exceptions près (ici la cellule 1), ils n’ont pas observé d’augmentation de l’intensité de
fluorescence. Selon eux, le pic observé dans la cellule 1 serait dû à la proximité entre le RE et les
lysosomes. Par contre, s’ils provoquent la lyse osmotique des lysosomes avec du GPN (glycyl-
phénylalanine-napthylamide, voir plus loin), il y a systématiquement une augmentation de l’intensité de
fluorescence. Par conséquent, le signal obtenu avec la sonde génétique GCaMP3-ML1 est dû
principalement à l’efflux de calcium depuis les lysosomes.

➔ La construction GCaMP3-ML1 détecte les ions Ca2+ provenant des lysosomes. Toutefois, si on
ajoute de l’ionomycine, le signal augmente aussi.

Le GPN est le substrat d’une enzyme strictement lysosomale, la cathepsine C. Ce substrat est
hydrophobe et peut passer les membranes mais les produits de l’hydrolyse du GPN s’accumulent dans
les lysosomes parce qu’ils ne peuvent pas traverser la membrane. Cela crée une entrée d’eau, un choc
osmotique qui perméabilise la membrane des lysosomes. C’est spécifique des lysosomes parce que la
cathepsine C ne se trouve que dans les lysosomes et pas dans le réticulum endoplasmique.

Cette technique a été mise au point par M. Jadot ici à l’UNamur. Il a constaté que l’incubation
d’une fraction enrichie en lysosomes (une fraction ML selon le schéma classique de de Duve) pendant
10 min à 37°C dans un tampon isotonique à pH ≥ 6 provoquait une augmentation de l’activité libre de
la N-acétylglucosaminidase en fonction de la concentration en GPN. L’activité libre se mesure dans le
surnageant après centrifugation des lysosomes et elle est rapportée à l’activité totale qui elle est mesurée
après perméabilisation des membranes avec un détergent. Normalement, si la membrane des lysosomes
est intacte, le % d’activité libre est environ de 10%. Tout dépend des conditions d’homogénéisation et
de centrifugation utilisées pour obtenir la fraction lysosomale. Si la membrane est altérée, l’activité libre
augmente.

58
Sur la graphique, on constate qu’après 10 min d’incubation des lysosomes à pH 5, l’activité libre
de la N-acétylglucosaminidase reste au niveau basal quelle que soit la concentration de GPN. Par contre,
à pH 6, l’activité libre augmente au fur et à mesure que la concentration en GPN augmente. A pH 6,5,
près de 40 % d’activité est libérée avec la concentration en GPN la plus faible.

➔ Comme la cathepsine C n’est présente que dans les lysosomes, l’utilisation du GPN permet de
s’assurer que le Ca2+ détecté avec la sonde GCaMP3-ML1 provient des lysosomes.

Ensuite, ils ont analysé l’intensité de fluorescence des cellules CHO transfectées avec leur sonde
GCaMP3-ML1 et traitées avec du ML-SA1, avant ou après l’addition de GPN. Les graphiques ci-
dessous montrent les résultats quantitatifs. Ils représentent la différence de fluorescence de la sonde
induite par le traitement divisée par la fluorescence de la sonde au début de l’expérience (∆F/F0) en
fonction du temps.

A gauche, les cellules transfectées sont incubées dans un tampon avec une faible concentration
2+
de Ca auquel ils ajoutent 20 µM de ML-SA1. La stimulation dure très peu de temps mais cela suffit

59
pour détecter une augmentation temporaire de la fluorescence : le ratio ∆F/F0 passe de 0 à 0,8. Ensuite,
ils ajoutent du GPN 200 µM pour perméabiliser sélectivement la membrane des lysosomes. Cela permet
de libérer tout le calcium qui reste dans la lumière des lysosomes après la stimulation avec le ML-SA1.
L’augmentation de fluorescence dure plus longtemps mais elle est plus faible. Au milieu, s’ils mettent
le GPN avant l’agoniste, ils ne voient pas d’augmentation du signal car le GPN vide le réservoir
intralysosomal de Ca2+. Ensuite, ils ajoutent de l’ionomycine et le signal fluorescent augmente
brutalement (pic final à 250 sec avec un ratio ∆F/F0 de l’ordre de 6) car il se produit une entrée massive
de Ca2+ depuis le milieu extracellulaire.

A droite, lorsqu’ils font la même expérience mais sur les cellules transfectées avec une
construction GCaMP3-ML1 où la mucolipine 1 est non fonctionnelle (par mutation de deux acides
aminés, la sonde GCaMP3-ML1-KK), ils n’observent plus le petit pic de fluorescence après addition de
ML-SA1, même en incubant les cellules plus longtemps avec l’agoniste. Par contre, l’addition de GPN
provoque une augmentation du signal plus importante que dans les cellules transfectées avec la sonde
GCaMP3-ML1 fonctionnelle. C’est logique puisque le stock de Ca2+ intralysosomal est préservé en cas
de déficience en mucolipine 1 et qu’il est libéré par le choc osmotique provoqué par le traitement avec
le GPN. L’augmentation de la fluorescence avec l’ionomycine indique que la sonde calcique fonctionne
même si elle ne répond pas au ML-SA1.

➔ Donc, la sonde GCaMP3-ML1 détecte bien des ions Ca2+ qui sortent de la lumière des
lysosomes, grâce à l’activité de la mucolipine 1.

e. Lien entre accumulation de cholestérol et efflux de calcium dans les cellules NPC1.

Maintenant qu’ils sont certains que leur sonde détecte bien l’efflux des ions Ca 2+ à la sortie des
lysosomes, les chercheurs ont voulu l’utiliser dans des cellules déficientes en NPC1, une protéine
impliquée dans le transport du cholestérol. Une déficience en NPC1 conduit à une maladie de surcharge
lysosomale, appelée la maladie de Niemann-Pick. C’est une maladie neurodégénérative infantile qui
résulte d’une déficience en NPC1 (dans 95% des cas) ou en NPC2, deux protéines impliquées dans le
transport du cholestérol. NPC1 est une protéine membranaire intégrale avec 13 passages
transmembranaires. Au contraire, NPC2 est une protéine soluble. On pense que les deux protéines
agiraient successivement dans le transport du cholestérol à l’intérieur des lysosomes.

60
Le cholestérol qui arrive dans les lysosomes provient des LDL et se présente surtout sous forme
estérifiée. Les esters de cholestérol sont hydrolysés par une lipase acide et le cholestérol libéré serait
directement récupéré par NPC2 (en rouge). Comme NPC2 est soluble, on pense qu’il récupère le
cholestérol juste après l’action de la lipase acide puis l’amène vers la membrane où se trouve NPC1 (en
bleu). NPC1 lierait le cholestérol par son domaine N-terminal. Selon ce modèle, NPC1 permettrait au
cholestérol de traverser la couche de glycocalyx (la couche riche en sucres sur la face luminale de la
membrane lysosomale qui la protègerait de l’action des hydrolases solubles). Après, environ 30 % du
cholestérol serait transféré au réticulum endoplasmique (probablement par des contacts membranaires
transitoires). La majorité serait renvoyée à la membrane plasmique par un mécanisme de transport
vésiculaire.

On peut voir l’accumulation de cholestérol dans les cellules NPC avec un marquage avec la
filipine (en bas, à droite) ou par dosage colorimétrique (en haut, à droite). Pour être complet, il faut
ajouter que d’autres lipides tels que des sphingolipides s’accumulent dans les lysosomes des patients
atteints de la maladie de Niemann-Pick de type C.

Comme la sonde GCaMP3-ML1 et l’agoniste ML-SA1 donnent des résultats attendus, ils ont
testé l’efflux de calcium dans des cellules déficientes en NPC1. Ils voulaient savoir si les perturbations
du transport intracellulaire observées dans ces cellules pouvaient résulter, du moins en partie, d’une
inhibition de l’efflux de calcium.

Ils ont donc transfecté des cellules CHO WT et NPC1-/- avec la sonde GCaMP3-ML1 et mesuré
l’intensité de fluorescence à 470 nm après addition de ML-SA1.

61
Dans les cellules CHO WT transfectées avec la sonde GCAMP3-ML1, l’addition de ML-SA1
provoque bien une augmentation de la fluorescence. Ce n’est pas le cas dans les cellules NPC1-/-.
L’efflux de calcium depuis les lysosomes est donc beaucoup plus faible dans les cellules déficientes en
NPC1.

Pour s’assurer que le taux d’expression de la sonde GCaMP3-ML1 était bien le même dans les
cellules WT et les cellules NPC1-/-, ils ont vérifié que la fluorescence maximale à 470 nm était similaire
après addition d’ionomycine (en bas, à gauche). C’était bien le cas.

Ensuite, pour s’assurer que la quantité d’ions Ca2+ dans la lumière des lysosomes était similaire
dans les cellules WT et les cellules NPC1-/-, ils ont incubé les cellules avec du GPN. Comme il n’y a pas
de différence au niveau du ∆F/F0, l’absence d’augmentation du signal après stimulation de la mucolipine
1 avec ML-SA1 n’est pas due à un appauvrissement lysosomal en ions Ca2+ (en bas, à droite).

➔ La diminution de l’effet de l’agoniste ML-SA1 dans les cellules NPC1-/- est bien due à un
problème d’efflux de calcium depuis les lysosomes et pas à une diminution de l’expression de la sonde
ou à une diminution de la quantité intralysosomale de Ca2+.

Les chercheurs ont essayé de déterminer quels étaient les lipides qui étaient responsables de la
diminution de l’activité de la mucolipine 1 dans les cellules déficientes en NPC1.

62
Par électrophysiologie, ils ont mesuré l’activité de la mucolipine 1 en présence de cholestérol, de
sphingolipides, de sphingomyéline, de céramide et de sphingosine (résultats non montrés). Seule, la
sphingomyéline a eu un effet inhibiteur sur le courant. De plus, ils ont constaté une diminution de
l’efflux de calcium lysosomal dans des cellules de patients atteints de la maladie de Niemann-Pick de
type A (déficientes en sphingomyélinase acide) et dans des cellules où l’activité de la sphingomyélinase
acide était inhibée chimiquement (résultats non montrés).

➔ L’inhibition de l’efflux de Ca2+ dans les cellules NPC1-/- serait due à l’accumulation de
sphingomyéline et pas à une accumulation du cholestérol.

Même si au départ, la maladie de Niemann-Pick C est associée à un problème de stockage de


cholestérol et de sphingolipides dans les lysosomes, on voit qu’il y a aussi un problème dans l’efflux de
calcium.

63
Pour savoir si on pouvait faire disparaître l’accumulation de cholestérol dans des cellules CHO
présentant le phénotype NPC en stimulant l’efflux de calcium, ils ont transfecté les cellules avec ML1-
GFP (active ou inactive) et les ont incubées pendant 16h avec de l’U18666A pour provoquer
l’accumulation de cholestérol et de sphingolipides. Ensuite, ils ont ajouté du ML-SA1 pour activer la
mucolipine 1 et détecté le cholestérol non estérifié avec de la filipine.

En haut, sur les six cellules observées en microscopie à contraste de phase (DIC), seules deux
cellules expriment ML1-EGFP (fluorescence verte). Avec la filipine, on voit que ces deux cellules ne
contiennent plus de cholestérol après incubation en présence de ML-SA1 alors que les autres en
contiennent encore.

En bas, si on transfecte les cellules avec la forme inactive de ML1 (ML1-KK), les cellules
fluorescentes contiennent encore du cholestérol après traitement avec l’agoniste de la mucolipine.

L’analyse quantitative montre que l’intensité de la filipine diminue de façon significative dans
les cellules qui surexpriment la mucolipine fonctionnelle et incubées avec ML-SA1 par rapport aux
cellules contrôles traitées avec du DMSO. Par contre, dans les cellules qui surexpriment la mucolipine
non fonctionnelle, le traitement ML-SA1 n’a aucun effet sur le marquage avec la filipine.

➔ Ces résultats suggèrent que la surexpression ou l’activation de la mucolipine 1 pourrait réduire


l’accumulation de cholestérol dans les endosomes/lysosomes des cellules déficientes en NPC1.

64
Pour savoir si l’agoniste de la mucolipine 1 (ML-SA1) pouvait rétablir le transport intracellulaire
dans les cellules NPC1-/-, ils ont analysé le transport du lactosylcéramide couplé à la sonde BODIPY.
Quand cette molécule est ajoutée dans le milieu de culture, elle est endocytée et puis rapidement
transférée des endosomes vers l’appareil de Golgi. Dans les cellules NPC1-/-, ce transport est inhibé et
provoque l’accumulation du lactosylcéramide-BODIPY dans les endosomes.

Des macrophages de souris ont été incubées pendant 45 min avec la sonde LacCer-BODIPY 5
µM, lavées avec du PBS puis incubées 1h à 37°C pour permettre à la sonde d’arriver à l’appareil de
Golgi (pulse-chase). Dans les cellules WT, on retrouve la sonde à proximité du noyau. La fluorescence
forme une coiffe sur le noyau, c’est un marquage typique de l’appareil de Golgi.

Dans les macrophages de souris NPC1-/- incubés avec du DMSO, le marquage fluorescent est
dispersé dans la cellule. Selon les auteurs, la sonde serait dans des compartiments qui ressemblent à des
endosomes tardifs ou à des lysosomes. Le nombre de points fluorescents augmente considérablement.
Cela indique que l’accumulation de lipides dans la voie endocytaire empêche le transfert de la sonde
des endosomes vers l’appareil de Golgi.

Par contre, dans les cellules des souris NPC1-/- incubées avec l’agoniste ML-SA1, on retrouve
partiellement cette accumulation de la sonde lactosylcéramide-BODIPY dans l’appareil de Golgi
comme pour les cellules sauvages et le nombre de points fluorescents diminue significativement.

➔ Cela suggère que les lipides accumulés dans les lysosomes perturbent la fonction de la
mucolipine 1 et que si on pouvait favoriser l’efflux de calcium dans les cellules NPC1-/-, on
pourrait peut-être restaurer un trafic intracellulaire normal. Malheureusement, ils n’ont pas fait
de tests sur l’endocytose (dégradation de EGFR ou de PDGFR) ou sur l’autophagie (maturation
des autophagosomes ou dégradation de p62).

Des expériences précédentes avaient déjà montré que l’accumulation de cholestérol dans ces
cellules NPC1-/- affectait la fusion des lysosomes avec les endosomes tardifs suite à la séquestration des
Rabs et de SNAREs dans des sous-domaines de la membrane des lysosomes. Les expériences décrites
ci-dessus indiquent que les perturbations du transport intracellulaire peuvent aussi résulter d’une
inhibition de l’efflux de calcium.

65
4. Intérêt thérapeutique de TFEB.

En 2009, un groupe italien a découvert un réseau génique capable de réguler la biogenèse des
lysosomes. Avant cette découverte, on se disait qu’il devait exister un programme qui permettait
d’augmenter l’activité des lysosomes de façon synchronisée en cas de besoin ; notamment en cas
d’activation de la macroautophagie. La découverte de ce facteur de transcription TFEB a permis des
avancées considérables sur la compréhension de la régulation des fonctions lysosomales.

Ils ont regardé la séquence promotrice de différents gènes codant pour des protéines lysosomales,
aussi bien solubles que membranaires (ex : les cathepsines (CTS) A, B, D, F, LAMP-1, MCOLN1). Ils
ont trouvé une séquence consensus qu’ils ont appelée CLEAR. Dans cette séquence de 10 bases, les
plus grandes lettres représentent les bases qui sont indispensables à la régulation de la transcription des
gènes tandis que les plus petites correspondent à des bases qui peuvent être remplacées par d’autres
bases. Exemple, il faut que la base en position 3 soit un C, en position 4 un A et en 8, un G. En position
6, cela peut être un G ou un C.

Quand on regarde la séquence promotrice de ces gènes qui codent pour des protéines lysosomales,
on voit qu’il y a une ou plusieurs copie(s) de cette séquence CLEAR dans la région 5’UTR ou en amont,
peu importe. Ces séquences consensus sont reconnues par le facteur de transcription TFEB. Sa
translocation nucléaire en période de jeûne peut induire l’expression de gènes lysosomaux au niveau
transcriptionnel. Citons quelques gènes cibles : des cathepsines, LAMP1 et la mucolipine 1.

a. Rôle de TFEB dans la biogenèse et l’activité des lysosomes.

Depuis seulement quelques années, on sait que l’activité de TFEB est régulée par phosphorylation
par différentes kinases, dont mTOR et ERK. On a en effet découvert qu’en plus de leur fonction de
dégradation de macromolécules, les lysosomes servaient également de plateforme de signalisation.
Ainsi, dans un milieu riche en nutriments (en particulier en acides aminés), le complexe mTORC1 est
recruté sur la membrane des lysosomes où mTOR, une kinase associée au complexe mTORC1, peut
phosphoryler différentes protéines cibles, dont TFEB. TFEB phosphorylé s’associe avec des protéines
14-3-3 et ne peut pas rentrer dans le noyau. A jeun, mTOR se dissocie de la membrane des lysosomes.
TFEB peut être déphosphorylé par la calcineurine et par la protéine phosphatase 2A. Il est alors

66
transloqué dans le noyau où il peut exercer son activité. TFEB active la biogenèse des lysosomes et la
macroautophagie en période de jeûne ou en cas de stress cellulaire.

Voici quelques expériences qui ont permis de révéler le rôle de TFEB sur les lysosomes.

b. TFEB induit la biogenèse des lysosomes.

D’abord, ils ont obtenu différents clones stables de cellules HeLa surexprimant TFEB et examiné
l’abondance des lysosomes par différentes approches, notamment la microscopie à fluorescence et le
cytométrie de flux.

• En microscopie fluorescente confocale avec un anticorps anti-LAMP1 (en haut, à gauche), on


constate bien une augmentation du signal fluorescent rouge dans le clone 2 surexprimant
TFEB.
• En cytométrie de flux après incubation des cellules avec la sonde fluorescente Lysotracker
Red, on constate un shift de la fluorescence vers la droite dans les cellules surexprimant TFEB.
La sonde Lysotracker passe les membranes mais s’arrête dans la lumière des compartiments
acides (endosomes tardifs et lysosomes) suite à sa protonation. Pour les cellules contrôles, il y
a 10,9% d’événements fluorescents dans le rectangle P4 alors que dans le clone 2 surexprimant
TFEB, il y en a 44,3%.

➔ TFEB est un « master regulator » de la biogenèse des lysosomes.

67
c. TFEB induit la macroautophagie.

Deux ans plus tard, le même groupe a publié un article sur l’impact de la surexpression de TFEB
sur la macroautophagie. Parmi les expériences réalisées, ils ont analysé en microscopie à fluorescence
le marquage obtenu après transfection des cellules avec la construction GFP-RFP-LC3. Avec cette sonde
en tandem, les autophagosomes apparaissent en jaune (vert + rouge) alors que les auto(phago)lysosomes
apparaissent en rouge parce que la fluorescence de la GFP est quenchée au pH acide qui règne dans ces
compartiments dégradatifs. Une accumulation de points rouges témoigne d’un flux autophagique
intense.

Ils ont donc transfecté des cellules HeLa qui expriment de façon stable LC3 conjuguée à la GFP
et à la mRFP en tandem avec un plasmide vide (contrôle) ou avec un plasmide contenant TFEB. Dans
les cellules contrôles, il y a peu de points rouges ou oranges dans le cytoplasme. Par contre, dans les
cellules qui surexpriment TFEB, il y a une nette accumulation de points rouges par rapport aux cellules
contrôles, même en l’absence de jeûne. L’augmentation du nombre d’autolysosomes (points uniquement
rouges) par cellule est hautement significative. Si on tient compte de toutes les vésicules (points jaunes,
oranges et rouges, donc autophagosomes et autolysosomes), l’augmentation est de 1,4 x dans les cellules
qui surexpriment TFEB par rapport aux cellules contrôles. Ces résultats suggèrent que TFEB induit
aussi la formation des autophagosomes et leur fusion avec les lysosomes. Cela a été confirmé par
différentes techniques.
➔ TFEB stimule la macroautophagie.

68
d. TFEB induit l’exocytose lysosomale.

Jusqu’à présent, nous avons vu que TFEB pouvait activer la biogenèse des lysosomes et la
macroautophagie mais peut-il aussi activer l’exocytose lysosomale ? Comme MCOLN1 est un gène
cible de TFEB, on peut imaginer que TFEB puisse stimuler l’exocytose lysosomale puisqu’il pourrait
stimuler l’apport d’ions Ca2+ nécessaire à la fusion des lysosomes avec la membrane plasmique.

Il y a plusieurs approches possibles pour étudier l’exocytose lysosomale. Ici, l’équipe de Ballabio
a examiné l’expression de surface par microscopie fluorescente sur des cellules non perméabilisées (en
haut, à gauche), par cytométrie de flux (en haut, à droite) et par fractionnement subcellulaire (en bas).

Pour l’expérience de microscopie fluorescente, ils ont exprimé TFEB-GFP dans des cellules
embryonnaires de souris (MEF) et ont analysé la localisation de LAMP1 endogène grâce à un anticorps
spécifique qui reconnaît un épitope situé dans la partie luminale de LAMP1 (le clone 1D4B) sans
perméabiliser les membranes. Les cellules sont incubées avec l’anticorps primaire pendant 30 min à 4°C
pour éviter son internalisation et puis seulement fixées avec du paraformaldéhyde. Les noyaux sont
colorés en bleu avec du DAPI. Dans ces conditions, si on observe un marquage de LAMP1 à la surface
des cellules, cela ne peut être dû qu’à la fusion de la membrane des lysosomes avec la membrane
plasmique. Dans les MEFs, on voit trois cellules dont deux, marquées par les astérisques, n’expriment
pas TFEB. Elles ne présentent pas de marquage LAMP1 en surface. Par contre, sur la seule cellule qui
exprime TFEB (marquage vert), on aperçoit un peu de marquage LAMP1 en surface. Le marquage
TFEB se trouve à la fois dans le cytoplasme et dans le noyau.

➔ Seules les cellules qui surexpriment TFEB montrent une expression de surface de LAMP1.

L’expérience de cytométrie de flux a été réalisée en suivant le même protocole que pour la
microscopie mais ici les cellules ont été trypsinisées avant d’ajouter l’anticorps primaire, fixées et
incubées avec l’anticorps secondaire conjugué à un fluorochrome avant d’être passées au FACS pour
mesurer l’intensité de fluorescence associée au marquage de LAMP1 en surface. On observe un shift de
la fluorescence vers la droite dans les cellules qui expriment TFEB-GFP (trait continu noir, surface
blanche) par rapport aux cellules contrôles (surface colorée en gris).

69
➔ Il y a une augmentation de l’expression de surface de LAMP1 dans les cellules qui
surexpriment TFEB.

Lorsque les chercheurs ont fait un WB sur le lysat total de cellules MEFs qui surexpriment TFEB,
ils ont constaté une augmentation de l’abondance de LAMP1 par rapport aux cellules contrôles. L’actine
sert de contrôle de charge. Pour vérifier qu’au moins une partie des protéines LAMP1 se trouve bien à
la surface cellulaire, ils ont utilisé un kit qui permet de concentrer les protéines de la membrane
plasmique (PM) après biotinylation des protéines de surface. Les cellules sont incubées avec de la sulfo-
NHS-SS-biotine 30 min sur la glace, lysées puis les protéines biotinylées sont purifiées sur une résine
de neutravidine et libérées de la résine avec du DTT avant de faire l’électrophorèse. Dans ces conditions,
toutes les protéines déposées sur le gel sont biotinylées et correspondent à des protéines de surface
cellulaire. Ici, c’est l’intégrine 1 qui sert de contrôle de charge. On observe une augmentation
significative de l’abondance de LAMP1 dans la fraction PM obtenue à partir des cellules qui
surexpriment TFEB par rapport à celle des cellules transfectées avec le plasmide vide.

➔ L’expression de TFEB peut aussi réguler l’exocytose lysosomale.

Vu que le calcium est nécessaire pour la fusion des lysosomes avec la membrane plasmique, les
chercheurs se sont demandé si l’action de TFEB sur l’expression de surface de LAMP1 dépendait du
calcium. Pour cela, ils ont ajouté du BAPTA-AM dans le milieu de culture des cellules MEFs (et HeLa)
qui surexpriment TFEB. BAPTA-AM est un chélateur du calcium capable de traverser les membranes
parce qu’il est couplé à un acétoxy-méthylester. Une fois dans le cytoplasme, des estérases peuvent
enlever ce groupement chimique. Il peut ainsi complexer le Ca2+ cytosolique et empêcher son action.

Sur ce graphique, on constate que comme précédemment, la surexpression de TFEB augmente


significativement l’expression de surface de LAMP1 mesurée en cytométrie de flux. Cependant, cette
augmentation est complètement abolie en présence de BAPTA-AM. Si on incube les cellules contrôles
avec de l’ionomycine, un ionophore du Ca2+ qui agit sur la membrane plasmique, on stimule également
l’exocytose parce qu’on provoque une entrée massive de Ca2+ depuis le milieu extracellulaire. De
nouveau, l’effet de l’ionomycine sur l’expression de surface de LAMP1 est contrecarré par BAPTA-
AM.

➔ L’action de TFEB sur l’exocytose lysosomale dépend du Ca2+.

70
Ils ont également observé l’impact de la surexpression de TFEB-GFP sur la concentration
intracellulaire de Ca2+ en microscopie fluorescente après avoir chargé les cellules HeLa avec la sonde
FuraRed-AM. Cette sonde sert d’indicateur de Ca2+ cytosolique après clivage du groupement acétoxy-
méthylester (AM) par des estérases. C’est une sonde ratiométrique, c’est-à-dire qu’elle présente un
spectre d’excitation différent selon qu’elle lie ou pas le Ca2+. C’est important parce que cela permet
d’évaluer la concentration en Ca2+ sans devoir vérifier qu’il y a la même quantité de sonde dans les
cellules. En fonction de la concentration croissante en Ca2+, le signal dans le cytoplasme apparaît jaune,
vert ou rouge après excitation des cellules à 458 nm et 488 nm.

Les deux photos représentent les mêmes cellules mais observées avec des lasers différents.
A gauche, on voit côte à côte deux cellules, la première n’est presque pas visible car elle
n’exprime pas TFEB-GFP alors que la deuxième est fortement marquée (aussi bien dans le cytoplasme
que dans le noyau) car elle exprime TFEB-GFP.
A droite, on constate que la cellule qui exprime TFEB-GFP présente un marquage FuraRed plus
intense que la cellule voisine qui n’exprime pas TFEB-GFP. Il y a donc une augmentation du Ca2+
cytosolique dans les cellules qui expriment TFEB.
Le graphique montre le % de cellules exprimant GFP-TFEB qui présentent une augmentation du
calcium après traitement à la bafilomycine A1 par rapport à des cellules non transfectées. La
bafilomycine A1 est un inhibiteur de la V-H+-ATPase qui est responsable du gradient de protons
nécessaire à la capture de Ca2+ par les lysosomes. L’addition de bafilomycine A1 induit une libération
de Ca2+ des compartiments acides.

➔ Il y a une corrélation entre l’expression de TFEB et la quantité de calcium libérée par les
lysosomes.

Pour savoir si l’augmentation du calcium cytosolique induite par l’expression de TFEB était liée
à l’activité de la mucolipine 1, ils ont diminué l’expression de la mucolipine 1 (MCOLN1) dans des
cellules HeLa avec des shRNA (à gauche) ou utilisé des fibroblastes de patients atteints de la
mucolipidose IV (à droite) avant de les transfecter avec TFEB-GFP.

71
A gauche, nous voyons côte à côte deux cellules HeLa, l’une exprime GFP-TFEB mais pas l’autre
(elle se trouve à l’emplacement de l’astérisque blanche). On constate que l’intensité du signal obtenu
avec la sonde FuraRed est la même dans les cellules qui expriment ou non GFP-TFEB lorsque
l’expression de la mucolipine 1 est réprimée avec des shRNA. Il y a des spots rouges dispersés dans le
cytoplasme dans les deux cellules. La quantification montre que le % de cellules avec un signal
fluorescent lié à la sonde FuraRed après addition de bafilomycine A1 est très similaire dans les deux
catégories de cellules.

A droite, s’ils font la même expérience sur des fibroblastes dérivant de patients atteints de
mucolipidose IV (déficience en mucolipine 1, clone GM02526), ils constatent aussi que la concentration
en Ca2+ cytosolique est similaire (et faible) dans les cellules qui expriment GFP-TFEB et dans les
cellules qui ne l’expriment pas. En revanche, dans les fibroblastes WT, il y a clairement une différence
dans l’intensité du signal selon que les cellules expriment ou pas GFP-TFEB. Notez les points rouges
dans le cytoplasme de la cellule WT du bas qui surexprime GFP-TFEB. Le graphique à droite montre
que l’intensité de fluorescence de la sonde FuraRed après addition de bafilomycine A1 est plus élevée
dans les cellules WT que dans les cellules MLIV qui expriment GFP-TFEB.

➔ L’action de TFEB sur l’exocytose lysosomale dépend de l’expression de la mucolipine 1.

Pour obtenir des résultats plus précis sur la libération de calcium depuis les stocks intracellulaires,
ils ont réalisé des tests en cytométrie de flux avec des cellules chargées avec les sondes Fluo3-AM et
FuraRed-AM pendant 30 min à 37°C. Après excitation des cellules à 488 nm, l’intensité de la
fluorescence émise à 525 nm par la sonde Fluo3 est quasiment nulle en absence de Ca2+ mais elle
augmente fortement après liaison avec le Ca2+. Comme cette sonde n’est pas ratiométrique, elle est
souvent combinée à la sonde FuraRed pour obtenir des résultats plus fiables, indépendants de la quantité
de sonde présente dans les cellules. Ils n’ont pas utilisé la sonde FuraRed seule, probablement parce
qu’il faut en charger plus dans les cellules pour obtenir un signal d’intensité suffisante. Si on excite les
cellules à une longueur d’onde de 488 nm, l’intensité de la lumière émise à 660 nm par la sonde FuraRed-
AM diminue avec la concentration de Ca2+. Par conséquent, plus la concentration en Ca2+ est importante,
plus le rapport F525/F660 (ou Fluo3/FuraRed) est élevé.

Pour ces expériences, ils ont utilisé des cellules HeLa exprimant TFEB de façon stable (le clone
HeLa-CF7) et transduites avec des shRNA dirigés contre la mucolipine 1 ou des shRNA scramble.
L’exocytose lysosomale était induite avec de l’ionomycine.

72
On constate une augmentation significative du rapport Fluo3/FuraRed dans les cellules HeLa-
CF7 transduites avec des shRNA « scramble » par rapport aux cellules HeLa contrôles. Cette
augmentation est complètement abolie dans les cellules HeLa-CF7 transduites avec les shRNA dirigés
contre la mucolipine 1. Cela confirme l’importance de l’expression de la mucolipine 1 sur
l’augmentation du calcium induite par TFEB.

➔ TFEB stimule l’augmentation de la [Ca2+] cytosolique par un mécanisme qui dépend de


l’expression de la mucolipine 1.

Dans la foulée, ils ont regardé l’impact d’une déplétion en mucolipine 1 sur l’expression de
surface de LAMP1 par cytométrie de flux (au centre) et sur la libération de la -galactosidase dans le
milieu de culture (à droite) des cellules HeLa surexprimant ou non TFEB et traitées avec de
l’ionomycine. On constate que l’augmentation de ces deux indicateurs de l’exocytose lysosomale
induite par l’ionomycine et amplifiée par l’expression de TFEB dans les cellules HeLa disparaît dans
les cellules HeLa transduites avec les shRNA dirigés contre MCOLN1.

➔ TFEB stimule l’exocytose lysosomale en augmentant l’expression de la mucolipine 1 et par


conséquent en augmentant l’efflux de Ca2+ depuis les lysosomes.

Sur ce schéma représentant l’exocytose lysosomale, on voit que l’arrimage des lysosomes sur la
membrane plasmique nécessite une v-SNARE (VAMP7) et des t-SNAREs (SNAP23 et syntaxine 4) et
que la fusion membranaire est induite par un efflux de calcium par TRPML1. Ce calcium serait détecté
par la synaptotagmine VII qui interagit avec les SNAREs, ce qui permettrait l’agencement correct des
quatre domaines SNARE et la fusion des membranes. TFEB active l’exocytose lysosomale en
augmentant l’expression de la mucolipine 1.

73
e. TFEB et traitement des maladies humaines.

En induisant la biogenèse des lysosomes, la macroautophagie mais aussi l’exocytose lysosomale,


la surexpression de TFEB représente une stratégie thérapeutique potentielle pour le traitement des
maladies de surcharge lysosomale mais aussi d’autres maladies neurodégénératives (telles que la
maladie de Parkinson et la maladie d’Alzheimer) ou métaboliques (obésité).

La surexpression de TFEB réduit le stockage hépatique de glycosaminoglycans (coloration au


bleu alcian) dans un modèle murin de MSD (multiple sulfatase deficiency), une maladie de surcharge
lysosomale neurodégénérative qui touche tout le corps. Elle permet aussi de réduire le stockage du
glycogène dans les muscles de patients atteints de la maladie de Pompe (déficience en -glucosidase
acide).

74
1. Dans la maladie de Parkinson, l’injection d’adénovirus exprimant TFEB permet de préserver les
neurones dopaminergiques marqués par la tyrosine hydroxylase. La mort des neurones est
provoquée ici par la surexpression d’-synucléine humaine mutée dans le cerveau de souris.
L’injection d’adénovirus exprimant la GFP à la place de TFEB n’a aucun effet bénéfique.
2. Dans un modèle de tauopathie où on observe que la surexpression de TFEB réduit considérablement
l’accumulation de protéines Tau hyperphosphorylées (en rouge).
3. Chez certains individus homozygotes pour la forme ATZ de l’1-antitrypsine, il y a des inclusions
de polymères visibles après coloration PAS dans les cellules hépatiques. Ce marquage disparaît dans
les souris qui ont été injectées avec des adénovirus exprimant TFEB.
4. Dans le foie de souris alimentées avec un régime riche en graisses, la déplétion en TFEB
spécifiquement dans le foie entraîne l’apparition de nombreuses gouttelettes lipidiques (colorées en
rouge avec le Oil Red O). Au contraire, la surexpression de TFEB l’en empêche parce que TFEB
stimule le catabolisme des lipides.

➔ TFEB représente un intérêt thérapeutique mais il faut être prudent car c’est aussi un
oncogène !

75
5. Accumulation de lysosomes dans les neurones dystrophiques NPC1-/-

Beaucoup de maladies de surcharge lysosomale touche le système nerveux central. La maladie


de Niemann-Pick de type C est une maladie neurodégénérative, caractérisée par l’accumulation de
nombreux lipides dans les endolysosomes. Que ce soit dans les cellules des patients ou dans des modèles
murins de maladie NPC, on observe une dystrophie axonale, c’est-à-dire des gonflements contenant
des organites, comme dans les neurones des patients atteints de la maladie d’Alzheimer, ainsi qu’un
stress autophagique. Dans les modèles murins, ces modifications axonales surviennent avant la
neurodégénérescence. Il se pourrait donc qu’un défaut dans le transport et la dégradation d’organites
dans les axones soit un phénomène précoce dans la pathogenèse de la maladie NPC.

Des études récentes ont permis de découvrir que les lysosomes dégradatifs/actifs se
concentraient dans le soma des cellules neuronales tandis que les autophagosomes subissaient un
processus de maturation lors de leur transport rétrograde (depuis la synapse vers le soma) le long des
axones. Les vacuoles d’autophagie qui naissent près de la synapse fusionnent avec des endosomes tardifs
pour former des amphysomes qui se déplacent le long des axones pour venir fusionner avec les
lysosomes actifs, à proximité du soma ou dans le soma lui-même. Ce n’est qu’à ce stade
d’autolysosomes que le matériel endommagé est dégradé (voir la fin du chapitre 1).

Plus récemment, grâce à l’utilisation de systèmes microfluidiques permettant de cultiver des


neurones en préservant les axones et de sondes fluorescentes, des chercheurs de l’équipe de Z-H. Sheng
ont confirmé la présence de nombreux lysosomes actifs dans les somas des neurones mais en plus ils
ont découvert que des lysosomes actifs s’engageaient dans les axones et s’accumulaient dans leurs
extrémités. Ces lysosomes mobiles viendraient à la rencontre des autophagosomes et permettraient la
dégradation d’agrégats protéiques, comme ceux formés par l’-synucléine.

Deux ans plus tard, la même équipe a montré que dans les neurones déficients en NPC, le
transport des lysosomes dégradatifs était perturbé, créant un stress autophagique dans les axones
dystrophiques. Ce serait dû à la séquestration des protéines moteurs et des adaptateurs par le cholestérol
membranaire.

➔ Le transport antérograde des lysosomes actifs est perturbé dans les neurones des souris
NPC1-/-.

76
a. Accumulation des hydrolases lysosomales dans les corps cellulaires et dans les
extrémités des axones des neurones WT

Avec les systèmes microfluidiques, on ensemence les neurones dans la chambre de gauche
(bleue). Après quelques jours, les axones se développent, passent dans les microsillons de 450 µm de
long et aboutissent dans la chambre de droite (orange). Le marquage avec l’anticorps anti-MAP2 permet
de visualiser les corps cellulaires et les dendrites (en vert) tandis que le marquage avec un anticorps anti-
tubuline 3 permet de visualiser les axones (en rouge).

Le marquage avec un anticorps anti-cathepsine B et le marquage avec la sonde fluorescente


permettant de mettre en évidence la -glucocérébrosidase active (en vert) montrent l’abondance des
lysosomes dégradatifs dans le corps cellulaire (saturation du signal) mais aussi à l’extrémité des axones.
Entre le soma et la partie distale des axones, on aperçoit aussi quelques lysosomes dans les microsillons
parmi les microtubules.

Les lysosomes à la terminaison des axones proviennent des corps cellulaires parce que
lorsque les chercheurs chargent la sonde fluorescente spécifique de la -glucocérébrosidase active dans
la chambre « soma/dendrites », ils peuvent observer le déplacement des lysosomes dans les faisceaux
d’axones présents dans les microsillons quelques instants plus tard. En moyenne, les lysosomes se
déplacent dans le sens antérograde à une vitesse de 1,91 µm/sec. Après 180 min, ils peuvent les voir
dans les extrémités axonales, sauf si les microtubules sont détruits avec du nocodazole.

➔ Des lysosomes actifs se déplacent le long des axones dans le sens antérograde.

77
En utilisant une sonde spécifique de la cathepsine D active, ils ont constaté que dans les
extrémités des axones, la majorité des lysosomes étaient mobiles, se déplaçant sur plus de 10 µm, dans
le sens antérograde (35,7 %) ou dans le sens rétrograde (34,5%). Cela permettrait de maintenir un pool
de lysosomes actifs dans la partie distale de l’axone.

➔ Dans la partie distale des axones, plus de 60 % lysosomes actifs sont mobiles.

b. Formation d’autolysosomes dans les extrémités des axones

Nous avons vu précédemment que les autophagosomes étaient constamment créés à l’extrémité
des axones et fusionnaient avec des endo-lysosomes. Pour déterminer si les lysosomes actifs étaient
dirigés vers les autophagosomes, les chercheurs ont infecté des neurones corticaux placés dans un
système microfluidique avec des lentivirus contenant la séquence codante de EGFP-LC3. Sept ou huit
jours plus tard, ils ont ajouté la sonde spécifique de la -glucocérébrosidase active dans la chambre
« soma » et observé les deux marquages dans les axones distaux.

Dans les axones, le marquage de EGFP-LC3 est surtout diffus dans le cytosol. Dans les
extrémités des axones, EGFP-LC3 apparaît occasionnellement sous forme de structures vésiculaires qui
ressemblent à des vacuoles d’autophagie (points verts). Certaines de ces structures colocalisent avec les
lysosomes dégradatifs dérivés du soma (flèche blanche). Ils formeraient donc des autolysosomes actifs.
Les kymographes montrent que ces compartiments hybrides GCase+LC3 sont stationnaires (traits
verticaux orange) ou se déplacent dans le sens rétrograde (traits obliques orange), peu se déplacent dans
le sens antérograde. Par contre, les lysosomes contenant la -glucocérébrosidase active se déplacent en
proportion équivalente dans les deux directions (traits rouges). Cela suggère que lors de leur
déplacement antérograde, les lysosomes actifs fusionnent avec les autophagosomes qui sont

78
stationnaires ou se déplacent dans le sens rétrograde pour dégrader du matériel sur place ou pour les
emporter dans le sens rétrograde. En injectant de l’-synucléine fluorescente, ils ont constaté qu’elle
colocalisait avec la cathepsine D active dans les axones distaux, ce qui laisse penser que cette protéine
agrégée est dégradée sur place (résultat non montré).

➔ Dans la partie distale des axones, des lysosomes actifs fusionnent avec des vacuoles
d’autophagie.

c. Rôle de Arl8 dans le transport rétrograde des lysosomes actifs

Le transport axonal des endo-lysosomes dans le sens antérograde dépend de Arl8, une petite
GTPase qui agit sur la membrane des lysosomes comme une protéine adaptatrice pour la kinésine.
En fait, elle lie les organites à la kinésine 1 via son effecteur SKIP.

Pour tester l’importance de Arl8 dans le transport antérograde des lysosomes actifs et sur le
nombre de vacuoles d’autophagie dans les axones, ils ont nucléofecté des neurones de ganglions de la
racine dorsale (DRG) avec EGFP-LC3 et des siRNA contrôles ou dirigés contre Arl8 puis ils ont incubé
les cellules avec la sonde fluorescente et observé les cellules vivantes 3 jours après. Lorsqu’il diminue
l’expression de Arl8a/b dans des neurones DRG avec des siRNAs, ils constatent une réduction
significative du nombre de lysosomes contenant de la glucocérébrosidase active et au contraire une
accumulation de vacuoles d’autophagie dans les axones. Celle-ci est fortement atténuée en cas de
réexpression d’une forme mutante d’Arl8b résistante aux siRNAs (substitution de 9 nucléotides sans
changement des acides aminés).

79
La perturbation du transport antérograde des lysosomes dégradatifs le long des axones provoque
aussi une accumulation de la forme mutée de l’-synucléine (l’-synucléine A53T) sujette à
l’agrégation.

➔ Ceci suggère que la déplétion de Arl8 provoque un stress autophagique dans les axones.

d. Accumulation de vacuoles d’autophagie dans les neurones NPC1-/-

Quand on examine les neurones corticaux et les neurones de la racine dorsale des souris en
microscopie électronique à transmission, on constate une accumulation de vacuoles d’autophagie
souvent immatures, des corps multivésiculaires et des vésicules multilamellaires dans des axones
dystrophiques des souris déficientes en NPC1 à un stade symptomatique (P50-P60, P pour post natal
day). Sur base de ces observations, l’équipe de Sheng a émis l’hypothèse qu’il y avait des défauts dans
le trafficking, la maturation et la dégradation du matériel obsolète dans les axones distaux de souris
NPC1-/-.

Pour aborder la question, les chercheurs ont ensemencé des neurones corticaux et DRG de
souris WT et de souris présymptomatiques NPC1-/- (P30-P40). Ils ont constaté une accumulation des
vacuoles autophagiques EGFP-LC3+ dans les axones distaux. Celle-ci n’est pas due à un problème de

80
mobilité puisqu’ils n’ont pas observé de diminution du % des vacuoles se déplaçant dans le sens
rétrograde ni d’augmentation du % de vacuoles stationnaires.

e. Défaut du transport antérograde des endolysosomes dans les neurones NPC1-/-

Comme ces vacuoles d’autophagie sont principalement immatures, ils se sont intéressé au
transport antérograde des endolysosomes (en utilisant des anticorps anti-LAMP1) et des lysosomes
actifs (sonde fluorescente qui détecte spécifiquement la -glucocérébrosidase active) dans des neurones
ensemencés dans des systèmes microfluidiques. Ils ont ainsi observé une diminution significative de la
densité des endolysosomes et des lysosomes actifs dans les axones des neurones NPC1-/- par rapport aux
axones des neurones WT. Dans la figure ci-dessous, on voit uniquement la diminution des vésicules
LAMP1+ dans les axones des neurones corticaux des souris NPC1-/- par rapport aux axones des souris
WT mais ils ont obtenu le même résultat avec les neurones DRG. Sur la figure, DIV signifie day in
vitro.

A l’inverse, on observe une accumulation d’endolysosomes et des lysosomes actifs dans le


soma et les dendrites marqués avec un anticorps anti-MAP2. Ce n’est pas dû à une induction de la
biogenèse de ces compartiments puisqu’il n’y a pas d’augmentation de l’abondance de LAMP1 et de la
-glucocérébrosidase dans les lysats des neurones NPC1-/- par rapport aux lysats des neurones WT (cfr
WB).

➔ L’accumulation de vacuoles d’autophagie immatures dans les axones distaux pourrait


donc résulter d’un défaut de transport antérograde des lysosomes le long des axones.

81
Pour tester cette hypothèse, ils ont analysé les cinétiques de transport des lysosomes actifs
dans les systèmes microfluidiques.

La sonde pour détecter la -glucocérébrosidase active a été chargée dans la chambre « soma »
à gauche pendant 30 min et les observations ont été faites après lavages pendant 90 min sur les cellules
vivantes dans la chambre contenant les axones à droite (axones distaux). Les résultats indiquent une
diminution significative de la densité de lysosomes avec de la -glucocérébrosidase active dans les
axones NPC1-/- par rapport aux axones WT. Cette diminution est progressive puisqu’elle est plus
marquée après 10 jours qu’après 7 jours in vitro.

Les kymographes obtenus dans la partie distale des axones, montrent une diminution de la
mobilité des lysosomes actifs dans le sens antérograde dans les neurones déficients en NPC1 par rapport
aux neurones WT. Le % de mobilité passe de 36,3% dans les neurones WT à 23,9% dans les neurones
NPC1-/-. Les % de lysosomes actifs stationnaires et se déplaçant dans le sens rétrograde augmentent
légèrement mais pas de façon significative.

➔ Diminution du transport rétrograde des lysosomes actifs dans les axones NPC1-/-.

Sachant que le transport antérograde de ces lysosomes dépend de la petite GTPase Arl8 qui
interagit avec la kinésine 1 par le bais de la protéine adaptatrice SKIP, ils ont pensé que ce mécanisme
pourrait être perturbé par l’accumulation de lipides, notamment du cholestérol dans les lysosomes des
neurones NPC1-/-.

82
f. Séquestration de Arl8 et de la kinésine 1 sur les lysosomes des neurones NPC1-/-

Pour savoir si Arl8 est séquestré dans la membrane des lysosomes enrichie en cholestérol, ils
ont d’abord analysé la localisation de Arl8, de la kinésine 1, de SKIP et de LAMP1 dans des neurones
corticaux WT et NPC1-/- par microscopie STED à super-résolution. Précisons que KIF5 (sur le schéma)
est un membre de la famille des kinésines 1.

Les observations ont révélé que dans les neurones WT, Arl8, la kinésine 1 et SKIP sont
dispersés dans le soma alors que dans les neurones NPC1-/-, Arl8 et la kinésine 1 sont concentrés sur les
endolysosomes (organites LAMP1+). La localisation de SKIP n’est pas modifiée : le marquage est diffus
dans les deux cas. La kinésine serait recrutée sur la membrane des lysosomes par un mécanisme
indépendant de Arl8 et de SKIP.

83
L’expérience de co-immunoprécipitation réalisée ensuite a montré que l’interaction entre Arl8
et SKIP était moins importante dans les neurones NPC1-/- que dans les neurones WT.

➔ Ces résultats suggèrent que la séquestration anormale de Arl8 et de la kinésine 1 dans les
neurones pourrait être responsable du problème de transport des lysosomes actifs dans les
axones des neurones NPC1-/-.

g. Réduction de la quantité de cholestérol sur les lysosomes des neurones NPC1-/- après
traitement avec une -cyclodextrine

Grâce à la sonde GST-D4H+-mCherry introduite dans des cellules semi-perméabilisées, ils ont
pu mettre en évidence l’accumulation de cholestérol dans la membrane des endolysosomes des neurones
NPC1-/- par microscopie confocale. D4H+ est une protéine qui se fixe sélectivement sur les membranes
intracellulaires riches en cholestérol. Alors que le marquage avec la sonde D4H+ est diffus dans les
neurones WT, la sonde apparaît dans des structures vésiculaires qui renferment également LAMP1. Ces
compartiments renferment également du cholestérol libre puisqu’ils sont marqués avec la filipine. Ce
double marquage confirme la présence de cholestérol dans les lysosomes des cellules NPC1-/- aussi bien
dans la lumière que dans la membrane de ces organites.

Afin de baisser le taux de cholestérol dans les endolysosomes des neurones NPC1-/-, ils ont
utilisé un dérivé -cyclodextrine, la HPCD (la 2-hydroxypropyl--cyclodextrine) qui permet de retarder

84
les symptômes et de prolonger le temps de vie des souris NPC1-/-. Après 48h de traitement avec 100 µM
HPCD, il n’y a presque plus de signal GST-D4H+-mCherry ni de signal filipine dans les endolysosomes
alors qu’il en reste dans les neurones NPC1-/- incubés avec le solvant utilisé pour dissoudre la -
cyclodextrine (H2O). Ensuite, ils ont étudié l’impact de ce traitement sur la localisation de Arl8 et de la
kinésine 1 en microscopie STED.

Ils ont constaté que le traitement des neurones NPC1-/- avec le HPCD permettait de libérer Arl8
et la kinésine 1, de la surface des endolysosomes. Dans les cellules WT, on observe peu de colocalisation
entre la sonde D4H+ (ici en bleu), LAMP1 et Arl8/kinésine 1. Dans les neurones NPC1-/- incubés avec
de l’eau, les marquages se superposent, confirmant que Arl8 et la kinésine 1 sont séquestrés dans des
membranes d’endolysosomes riches en cholestérol. Par contre, dans les neurones NPC1-/- traités avec la
-cyclodextrine, la fluorescence associée à la sonde D4H+ a disparu, le pourtour des lysosomes est
marqué avec LAMP1 et les marquages de Arl8/la kinésine 1 redeviennent diffus.

Pour conforter leurs résultats, ils ont isolé des endolysosomes en utilisant des billes magnétiques
recouvertes d’anticorps anti-LAMP1 et ils ont analysé l’abondance de la chaîne lourde de la kinésine
(KHC), de Arl8 et de SKIP par WB. Les WB réalisés avec les anticorps anti-GAPDH (cytoplasme),
anti-TOM20 (mitochondries) et anti-Sec61 (RE) montrent que les endolysosomes ne sont pas
contaminés.

85
Les WB révèlent une augmentation des niveaux de Arl8 et de la kinésine 1, mais pas de SKIP
dans les neurones NPC1-/- incubés avec de l’eau par rapport aux neurones WT. Ils montrent également
une réduction de l’abondance de Arl8 et de SKIP dans les neurones NPC1-/- incubés avec la -
cyclodextrine.

➔ La réduction du taux de cholestérol dans les endolysosomes avec le traitement -


cyclodextrine permet la libération de Arl8 et de la kinésine 1.

Il restait à voir si la libération de Arl8 et de la kinésine de la membrane des endolysosomes par


le traitement -cyclodextrine permettait de rétablir le transport antérograde des lysosomes actifs dans
les neurones NPC1-/-.

h. Rétablissement du transport antérograde des lysosomes et suppression du stress


autophagique dans les neurones NPC1-/- après traitement avec une -cyclodextrine

Comme nous l’avions vu précédemment, il y a une diminution significative de l’abondance des


compartiments LAMP1+ dans les neurones NPC1-/- incubés avec de l’eau par rapport aux neurones WT
également incubés avec de l’eau. L’incubation de 48h avec la -cyclodextrine provoque une
augmentation massive du nombre de compartiments LAMP1+ par 100 µm d’axone.

De plus, lorsqu’on examine la densité axonale de lysosomes actifs avec la sonde fluorescente
spécifique de la -glucocérébrosidase active, on observe également une augmentation significative dans
les neurones NPC1-/- traités avec la HPCD par rapport aux neurones NPC1-/- traités avec de l’eau. Par
contre, il y a une diminution significative du nombre de vacuoles d’autophagie détectées avec l’EGFP-
LC3 après traitement avec la HPCD. Ces résultats indiquent que l’élimination du cholestérol des
endolysosomes par la -cyclodextrine permet d’une part, de rétablir le transport antérograde des
endolysosomes et des lysosomes actifs et, d’autre part, de supprimer l’accumulation des
autophagosomes dans les axones distaux des neurones NPC1-/-.

➔ L’augmentation de la livraison de lysosomes dans les axones stimulerait la maturation des


vacuoles d’autophagie dans les axones DRG présymptomatiques NPC1-/-. Cela expliquerait les
bienfaits du traitement HPCD sur les souris NPC1-/-, et peut-être bientôt chez les humains.

86
Ce chapitre sur les maladies de surcharge lysosomale a permis de montrer l’importance des ions
Ca2+ et du cholestérol sur le transport intracellulaire. Le chapitre suivant visera à montrer les
conséquences d’une modification des phosphoinositides sur le trafic intracellulaire et sur la fonction
rénale.

87
IV. Syndrome de Lowe.
Le syndrome de Lowe touche plusieurs organes, dont les reins. Si je vous en parle, c’est pour vous
montrer l’importance de la composition lipidique des membranes, et plus particulièrement des
phosphoinositides sur le transport vésiculaire et sur l’homéostasie cellulaire.

1. Caractéristiques générales.

Le syndrome de Lowe (ou syndrome OculoCérébroRénal de Lowe) touche à la fois les yeux, le
cerveau et les reins. Il est en effet caractérisé par un retard mental, une hypotonie sévère à la naissance,
des incapacités cognitives, des cataractes congénitales, et le syndrome rénal de Fanconi. Celui-ci
correspond à une perte de protéines de faible poids moléculaire, d’albumine, de vitamines, de chaînes
d’IgG, d’acides aminés et d’enzymes lysosomales dans les urines. C’est une maladie transmise par les
mères par le chromosome X et touche principalement les garçons. Elle résulte d’une déficience en
OCRL, une inositol 5-phosphatase qui enlève le phosphate des phosphoinositides en position 5.

Il existe 7 phosphoinositides différents, les PI(3)P, PI(4)P, PI(5)P, les PI(3,5)P2, PIP(4,5)P2 et
PI(3,4,5)P3. L’OCRL est une inositol 5-phosphatase qui enlève un P sur les phosphatidylinositols-P qui
ont un phosphate en position 5 : le PI(4,5)P2 et le PI(3,4,5)P3. Elle n’aurait pas d’activité sur le PI(3,5)P2.
La INPP5B est une autre 5-phosphatase qui agit sur les mêmes phosphatidylinositols-P que l’OCRL
mais elles ne sont pas recrutées aux mêmes endroits parce qu’elles n’interagissent pas avec les mêmes
effecteurs.

88
2. Défauts dans le système endolysosomal induits par une déficience en OCRL.

La surface apicale de la cellule tubulaire proximale rénale saine (à gauche) est caractérisée par
un cil primaire qui détecte les variations de l’environnement extracellulaire et une bordure en brosse qui
est responsable de la réabsorption des petites protéines et solutés filtrés par les glomérules rénaux. En
cas de dysfonctionnement de ce système endolysosomal très développé, des molécules, comme
l’albumine, des vitamines, certaines chaînes des IgG, des acides aminés, des enzymes lysosomales, des
facteurs de signalisation et éventuellement du glucose (mais c’est très rare) se retrouvent dans les urines.

Les ligands sont internalisés après fixation sur des récepteurs membranaires, tels que la mégaline
et la cubuline, sur la membrane apicale. La mégaline est un récepteur multiligand qui est internalisé par
endocytose médiée par la clathrine. Les complexes ligands-récepteurs se retrouvent dans des vésicules
recouvertes de clathrine qui fusionnent avec un endosome précoce. Là, il y a dissociation des complexes.
Le récepteur est recyclé vers la membrane plasmique en passant par des endosomes de recyclage tandis
que les ligands sont envoyés dans les endosomes tardifs puis dans les lysosomes pour y être dégradés.

89
Une certaine quantité de ligands est également envoyée vers la membrane basolatérale par transcytose.
Dans ces cellules tubulaires proximales rénales, le niveau d’autophagie est également très élevé à l’état
basal (en présence de nutriments).

La membrane plasmique du côté apical est riche en PI(4,5)P2 et en PI(4)P (surtout au niveau du
cil primaire). La membrane des endosomes précoces est riche en PI(3)P. Cela implique une conversion
du PI(4,5)P2 en PI(3)P dans la voie endocytaire. La membrane des endosomes tardifs et des lysosomes
contient du PI(3)P mais aussi du PI(3,5)P2. La membrane des autophagosomes contient du PI(3)P, du
PI(3,5)P2, du PI(4,5)P2. Cette distribution des phosphatidylinositols-P est finement contrôlée par des
kinases et des phosphatases qui sont recrutées sur les membranes par des effecteurs, tels que les Rabs,
les complexes AP2 et la clathrine. L’OCRL peut se trouver au niveau de la membrane plasmique, des
vésicules recouvertes de clathrine, des endosomes précoces, du réseau trans-golgien et sur le cil
primaire.

Dans une cellule déficiente en OCRL, il y a différents changements :

1) Il y a une accumulation de vésicules recouvertes de clathrine, dont certaines présentent des


comètes d’actine.
2) Des sous-domaines de la membrane des endosomes précoces renferment du PI(3,5)P2 suite à la
déficience en OCRL. Cela entraîne un recrutement de filaments d’actine sur la face cytosolique
de la membrane des endosomes précoces.
3) Des sous-domaines de la membrane des endosomes tardifs renferment non seulement du PI(3,5)P2
mais aussi du PI(4,5)P2.
4) Des sous-domaines de la membrane des autophagosomes renferment du PI(4,5)P2 suite à la
déficience en OCRL. Cela provoque un problème de fusion des lysosomes avec les
autophagosomes et une accumulation d’autophagosomes de grande taille.

➔ Ces changements dans la composition lipidique des membranes ont un impact sur le transport
et le recyclage de la mégaline et d’autres récepteurs importants pour l’homéostasie cellulaire
mais aussi sur la fusion des lysosomes avec les autophagosomes.

a. Effet de l’absence d’OCRL fonctionnel sur la formation des vésicules recouvertes


de clathrine.

La protéine OCRL contient 4 domaines (PH, 5 PPase, ASH et RhoGAP). Elle présente deux sites
de liaison à la clathrine (LIDIA dans le domaine PH et LIDLE dans le domaine RhoGAP) et un site de
liaison à AP2 (FxDxF).

L’interactome d’OCRL lie cette protéine au trafic membranaire dépendant de la clathrine. De


plus, dans les cellules de patients atteints du syndrome de Lowe, on observe une distribution anormale
des facteurs d’endocytose : clathrine, AP2, SNX9 (sorting nexin 9).

90
En immunofluorescence, dans les fibroblastes de peau des patients souffrant du syndrome de
Lowe, on constate que l’absence d’OCRL est accompagnée d’une augmentation massive de l’abondance
de la clathrine (F) et de AP-2 (H) par rapport aux cellules contrôles. Dans les deux cas, le marquage
montre des points fluorescents plus gros. Cela pourrait suggérer un défaut de retrait de la clathrine dans
les vésicules d’endocytose. Les concentrations de PI(4,5)P2 et de PIP ont été mesurées par HPLC.
L’augmentation du rapport PI(4,5)P2/PIP confirme la déficience en OCRL dans les cellules de patients.

➔ Ces figures suggèrent que la voie endocytaire clathrine-dépendante pourrait être perturbée en
absence d’OCRL.

La cinétique de localisation de la clathrine et de OCRL a été déterminée en prenant des photos


successives (time-lapse) par microscopie confocale de type Spinning disk. Cette microscopie permet
d’observer des événements très dynamiques au sein de cellules vivantes parce qu’elle permet
d’augmenter la vitesse d’acquisition des images par rapport à la microscopie confocale traditionnelle.
Ici, ils ont transfecté des fibroblastes de patients avec la chaîne légère de la clathrine couplée à RFP (en
rouge) et avec OCRL couplée à la GFP (vert). A gauche, les cellules ont été transfectées avec l’OCRL

91
WT afin de restaurer le phénotype normal alors qu’à droite, les cellules ont été transfectées avec une
forme mutante d’OCRL qui n’a pas d’activité catalytique, OCRLD523G.

On constate que dans les fibroblastes avec le phénotype normal restauré, la clathrine est recrutée
sur la membrane apicale puis disparaît progressivement après 60 s alors que l’OCRLWT arrive au même
endroit au moment où la clathrine disparaît et elle n’y reste pas longtemps. Cette observation est
compatible avec un recrutement limité dans le temps d’OCRL sur les compartiments de la voie
endocytaire. Au contraire, dans les cellules qui expriment OCRLD523G (OCRL sans activité catalytique),
la clathrine et OCRL restent plus longtemps à proximité de la membrane apicale. La quantification des
spots montre que la colocalisation entre la clathrine et OCRL est significativement plus élevée dans les
fibroblastes de patients (OCRLD523G) que dans les cellules contrôles et que dans les fibroblastes du
patient où l’OCRLWT a été ré-exprimée (Rescue).

➔ OCRL pourrait contribuer au retrait du manteau de clathrine sur les vésicules d’endocytose.

Ensuite, ils ont fait de la microscopie électronique à transmission pour regarder la forme des
structures recouvertes de clathrine. Ils les ont classées dans 4 catégories différentes :

➔ les puits lâches.


➔ les puits en forme de « U ».
➔ les puits en forme de « Ω ».
➔ les vésicules complètement détachées.

Chez les individus contrôles, il y a surtout des puits lâches et des vésicules détachées. Chez les
patients, on constate une augmentation significative de ces structures recouvertes de clathrine (2,75x
plus). Ce sont surtout les puits « lâches », les puits en « U » et les vésicules libres qui sont plus
nombreuses que dans les cellules contrôles.

➔ Cela suggère que le retrait du manteau de clathrine est perturbé en absence d’OCRL.

92
Afin de déterminer l’impact du maintien du manteau de clathrine sur les puits d’endocytose, ils ont
analysé la cinétique de capture de la transferrine grâce à un test ELISA (à gauche) et à un test
d’internalisation du récepteur à la transferrine après marquage des protéines de surface avec de la biotine
(à droite).

Pour le test de capture de la transferrine (voir schéma ci-dessous), des cellules contrôles et des
cellules de patients ont été incubées pendant 45 min à 4°C en présence de transferrine biotinylée (pour
permettre la liaison de la transferrine à son récepteur) puis transférées à 37°C pendant des temps allant
de 0 à 20 min (pour permettre l’endocytose des complexes ligands/récepteurs). Le transport a été arrêté
en remettant les cellules sur la glace et en ajoutant de l’avidine et de la biocytine pour quencher la
transferrine encore en surface. Les cellules ont ensuite été lysées et un test ELISA a été réalisé sur des
plaques 96 puits recouverts d’anticorps anti-transferrine. La transferrine biotinylée et internalisée a
ensuite été détectée en ajoutant de la streptavidine conjuguée à un chromogène. La figure montre le
% de transferrine biotinylée internalisée par rapport à la quantité de transferrine biotinylée liée à la
membrane après l’incubation à 4°C.

On constate que la capture de la transferrine est ralentie dans les cellules de patients par rapport
aux cellules contrôles. Il y a en effet une diminution significative du % de transferrine internalisée après
2 et 5 min d’incubation à 37°C dans les cellules déficientes en OCRL par rapport aux cellules contrôles
mais pas après 10 et 20 min.

93
➔ L’endocytose médiée par la clathrine serait donc ralentie par l’absence de OCRL mais elle ne
serait pas complètement inhibée.

Pour le test d’expression de surface du récepteur à la transferrine (TfR), les cellules ont été
incubées avec du Sulfo-NHS-SS-biotine pendant 1h sur la glace, rincées avec du PBS et lysées (voir
explications dans le chapitre 1). Les protéines biotinylées ont été récoltées sur des billes de neutravidine
et éluées avec du tampon de solubilisation SDS-PAGE contenant du -mercaptoéthanol (Surface). Pour
obtenir la quantité de récepteurs intracellulaires, ils ont récupéré le surnageant contenant les protéines
non retenues par les billes (Interne). Pour obtenir la quantité totale de récepteurs TfR dans les cellules
(interne et surface), ils ont lysé des cellules incubées sans biotine. Avec ces 3 types d’échantillon, ils
ont réalisé un WB avec un anticorps anti-TfR.

Le résultat montre que la quantité de récepteurs TfR à la surface cellulaire est plus importante
dans les cellules des patients de Lowe que dans les cellules contrôles. En revanche, il y a moins de
récepteurs internalisés dans les cellules des patients.

➔ La déficience en PCRL retarde l’endocytose des récepteurs à la transferrine.

Afin d’étudier la distribution du PI(4,5)P2 dans la voie endocytaire, les chercheurs ont utilisé la
construction GFP-PLC-PH. Elle renferme un domaine PH (plekstrin homology domain) de la
phospholipase C qui se lie spécifiquement au PI(4,5)P2. Grâce à la GFP, elle permet de localiser les
régions membranaires riches en PI(4,5)P2.

Ils ont transfecté les cellules avec la construction GFP-PLC-PH et les ont incubées avec de la
transferrine couplée à AlexaFluor 568 (un fluorochrome rouge) pour savoir s’il y avait du PI(4,5)P2
dans le compartiment où se trouve la transferrine capturée. Dans les cellules contrôles, le marquage vert
de la GFP-PLC-PH se trouve surtout sur la membrane plasmique mais peu ou pas dans les
compartiments intracellulaires, dont le compartiment contenant la transferrine (rouge). Par contre, dans
les cellules déficientes en OCRL, en plus du marquage de la GFP-PLC-PH à la membrane plasmique,
il y en a dans quelques endosomes précoces de grande taille contenant la transferrine.

➔ Cette expérience montre l’accumulation de PI(4,5)P2 dans les endosomes précoces des
cellules déficientes en OCRL qui miment les cellules des patients atteints du syndrome de
Lowe. Ceci pourrait entraîner les changements dans le transport intracellulaire des

94
récepteurs tels que le récepteur à la transferrine, le récepteur au mannose 6-P, le EGFR et
la mégaline.

b. Impact d’une déficience en OCRL sur le cytosquelette d’actine.

L’accumulation de clathrine, d’AP2, de SNX9 et de PI(4,5)P2 pourrait stimuler la polymérisation


de l’actine sur ces vésicules d’endocytose. Pour visualiser les filaments d’actine dans les fibroblastes
vivants, les chercheurs ont utilisé une sonde fluorescente, la mCherry-CHUtrophin.

Dans les fibroblastes contrôles, on voit des fibres de stress, c.-à-d. des filaments hyper-tendus que
l’on trouve juste en-dessous de la membrane plasmique et qui sont responsables de la forme de la cellule.
Ces fibres jouent donc un rôle dans la contractilité des cellules, la forme des cellules et éventuellement
la mobilité des cellules. Il y a peu de marquage d’actine F dans le cytoplasme.

Dans les cellules de patients déficients en OCRL, on voit beaucoup de spots intracellulaires mais
peu de fibres de stress. On a une accumulation de vésicules périphériques fluorescentes avec parfois un
filament fluorescent à l’arrière. Ce sont des comètes d’actine qui permettent à ces compartiments de se
déplacer dans le cytoplasme.

Sur la vidéo, dans les cellules saines, on voit des fibres et quelques points qui sont immobiles
alors que dans les cellules des patients, on a moins de fibres bien tendues et on voit une multitude de
points qui sont mobiles. La mobilité est due au regroupement de l’actine sur ces vésicules recouvertes
de clathrine.

➔ L’accumulation de PI(4,5)P2 pourrait faciliter la polymérisation de l’actine sur des vésicules


intracellulaires. Les comètes d’actine permettent le déplacement des vésicules sur des distances
relativement importantes. On peut donc imaginer que cela doit perturber le trafic intracellulaire
de récepteurs.

95
Sur base de leurs travaux, Nandez et al. (2014) ont proposé le modèle suivant. Dans les cellules
contrôles, les puits recouverts de clathrine bourgeonnent avec l’aide de filaments d’actine qui éloignent
la vésicule naissante de la membrane plasmique. Ensuite, la vésicule perd son manteau, poursuit sa vie
tandis que les composants du manteau sont recyclés. Dans les cellules des patients atteints du syndrome
de Lowe, en absence d’OCRL, la clathrine reste associée à la membrane des vésicules et recrute la
machinerie de polymérisation de l’actine. Il se forme ainsi des comètes d’actine qui sont capables de
propulser les vésicules recouvertes de clathrine à travers le cytoplasme.

96
c. Impact d’une déficience en OCRL sur le transport intracellulaire de la mégaline.

Puisque la principale fonction des cellules tubulaires proximales des reins est la réabsorption des
protéines filtrées par le glomérule rénal, il est important de se demander si l’accumulation de PI(4,5)P2
a un impact sur le transport et le recyclage des récepteurs, à commencer par la mégaline.

Pour étudier la question, Vicinanza et al. (2011) ont transfecté des cellules HK-2 avec la
construction HA-Meg4, une forme tronquée de la mégaline. Selon eux, il est très difficile de visualiser
la protéine endogène, en tout cas à l’époque. A l’équilibre, cette protéine HA-Meg4 se trouve à la
membrane plasmique et dans des endosomes périphériques et centraux (en vert). Environ 30% des
structures positives pour HA-Meg4 étaient aussi positives pour l’OCRL (en rouge).

Ils ont ensuite réalisé une cinétique d’internalisation après incubation des cellules à 4°C avec un
anticorps anti-HA. Pendant cette période, les anticorps se fixent sur les récepteurs à la surface cellulaire.
L’endocytose est en grande partie inhibée à cette température. Ensuite, ils lavent les cellules pour
éliminer les anticorps en excès et les transfèrent à 37°C de façon à étudier le transport des complexes
anticorps-antigènes après internalisation. Après 5 min d’incubation, ils trouvent l’anticorps dans des
structures périphériques dont 30% sont également positives pour OCRL. Ce n’est pas très différent par
rapport aux cellules incubées à 4°C. Après 20 min d’incubation à 37°C, ils trouvent l’anticorps dans des
structures périnucléaires, dont 78% sont également positives pour OCRL. Il y a donc un recrutement
progressif de OCRL sur les structures contenant la mégaline.

Donc attention ! Quand on nous dit qu’il y a une colocalisation entre deux protéines, cela peut
varier avec le temps et avec les conditions de culture.

➔ L’OCRL s’associe de manière dynamique à des endosomes contenant de la mégaline.

97
Ensuite, les auteurs se sont intéressé au recyclage de la mégaline à la membrane plasmique.

Pour ces expériences, ils ont transfecté des cellules HK-2 avec HA-Meg4 et avec des siRNA
contre OCRL pour mimer la situation des patients atteints du syndrome de Lowe. Ils ont incubé les
cellules pendant 1h à 4°C avec des anticorps anti-HA pour marquer les protéines Mégaline 4 à la surface
cellulaire. Ils ont constaté que le marquage était beaucoup plus faible dans les cellules OCRL KD
(knock-down) que dans les cellules contrôles (en haut, à gauche). Cependant, il y avait peu de différence
au niveau du marquage total, obtenu après perméabilisation des membranes (images en bas, à gauche).

Sur le graphique (tout en bas, à gauche), on voit que le % de HA-Meg4 en surface est réduit de
plus de la moitié dans les cellules OCRL KD par rapport aux cellules contrôles.

Lorsqu’ils ont transféré les cellules à 37°C pendant 5 min pour permettre l’internalisation des
complexes Ac-Ag, le marquage fluorescent a diminué aussi bien dans les cellules OCRL KD que dans
les cellules contrôles (images en haut à droite et 2° graphique, en bas).

Cependant, s’ils rapportent la quantité d’anticorps internalisés (l’intensité de fluorescence après


5 min à 37°C) sur le % de HA-Meg à la surface cellulaire dans les cellules OCRL KD par rapport aux
cellules contrôles, il n’y a pas de différence significative (3° graphique, en bas).

➔ La diminution de la quantité d’anticorps internalisé dans les cellules OCRL KD serait donc
due à la diminution de l’expression de surface des récepteurs et pas à une diminution du
taux d’endocytose.

Si l’internalisation n’est pas diminuée après réduction de l’expression de OCRL mais qu’il y a
quand même une diminution de l’abondance en surface, c’est qu’il y a un problème de recyclage.

98
Pour étudier le recyclage, ils ont réalisé une expérience d’acid-wash. Ils ont d’abord chargé les
cellules avec un anticorps anti-HA pendant 30 min à 37°C. Ensuite, ils ont lavé les cellules pour éliminer
les anticorps en excès et ils ont remis les cellules pendant 20 ou 40 min à 37°C. A la fin de cette période,
ils ont lavé les cellules avec une solution saline acide (pH 3,5) pour éliminer les anticorps revenus à la
surface cellulaire suite au recyclage. Enfin, ils ont fixé les cellules et les ont observées au microscope à
fluorescence.

Dans les cellules contrôles, on constate une diminution du signal entre 20 min et 40 min à 37°C
(barres noires). On passe de 75% de la charge à 40% entre 20 et 40 min d’incubation puis lavage acide.
Cela signifie que 35% des protéines Meg étaient ré-exprimées en surface mais qu’elles ont été éliminées
lors du lavage acide. Par contre, dans les cellules OCRL KD, la quantité d’anticorps intracellulaires par
rapport à la quantité d’anticorps chargés reste élevée (près de 90%) et ne change pas entre 20 et 40 min
(barres blanches).

➔ Il y a donc un problème de recyclage de la mégaline à la membrane plasmique dans les cellules


déficientes en OCRL.

On peut aussi le remarquer sur ces photos prises en microscopie électronique après
immunomarquage avec un anticorps anti-HA.

99
Dans cette expérience, les anticorps anti-HA ont été détectés avec des anticorps secondaires
couplés à des particules d’or, denses aux électrons. Dans les cellules contrôles, on trouve des particules
d’or correspondant à la HA-mégaline au niveau de la membrane plasmique et dans quelques vésicules
proches de la membrane plasmique. Dans les cellules OCRL KD, il y a peu de particules d’or à la
membrane plasmique. En revanche, il y en a plus dans des compartiments intracellulaires. Ce sont soit
des endosomes précoces soit des endosomes de recyclage, impossible de le dire ici.

En réalité, dans les cellules OCRL KD, la protéine HA-MegA se trouve dans des endosomes
précoces dilatés qui renferment également le récepteur au mannose-6P (MPR). Celui-ci devrait
normalement retourner à l’appareil de Golgi pour assurer le transport des hydrolases acides
néosynthétisées. La séquestration de ces récepteurs dans des endosomes précoces pourrait expliquer la
présence d’hydrolases acides dans les urines des patients atteints du syndrome de Lowe.

Afin d’essayer de comprendre le problème de recyclage de la mégaline et du MPR, ils ont analysé
la distribution des filaments d’actine dans les cellules OCRL KD. Comme il reste des protéines AP2 et
de la clathrine, il est possible que des molécules d’actine soient recrutées sur la membrane des
endosomes précoces.

100
Précédemment, nous avions vu qu’il y avait moins de fibres de stress dans les cellules et que des
comètes d’actine se formaient sur les vésicules recouvertes de clathrine dans les cellules OCRL KD par
rapport aux cellules contrôles. Cette figure montre qu’il y a aussi un recrutement de l’actine F au niveau
des endosomes précoces, comme le montre la colocalisation entre l’actine filamenteuse et EEA1, un
facteur d’attachement spécifique de endosomes précoces. Cette colocalisation n’apparaît pas dans les
cellules contrôles où les fibres de stress sont plus nombreuses.

➔ Le recrutement et la polymérisation de l’actine sur la surface des endosomes précoces sont


probablement responsables des problèmes de transport intracellulaire de la mégaline et
d’autres récepteurs, tels que les récepteurs à la transferrine et les récepteurs au mannose-
6P (MPR).

En résumé, dans les cellules normales, différents récepteurs sont endocytés par les puits
recouverts de clathrine qui s’invaginent. Ensuite, la vésicule se détache de la membrane plasmique et
perd son manteau de clathrine. Elle fusionne alors avec les endosomes précoces. Plusieurs phosphatases
de phosphatidylinositols sont recrutées successivement et transitoirement sur les membranes. La
synaptojanine 2 est recrutée sur la membrane plasmique au début de la formation des puits recouverts
de clathrine, puis arrivent la synaptojanine 1 de 170 kDa et la synaptojanine 1 de 145 kDa. OCRL est
recrutée sur les vésicules recouvertes de clathrine grâce à Rab5 juste au début du retrait du manteau et
elle reste sur les vésicules nues et sur les endosomes. Ces phosphatases permettent de réduire
progressivement la quantité de PI(4,5)P2 dans la voie endocytaire. Elles seraient aidées par la PI3 kinase
de type III recrutée sur la membranes des endosomes précoces grâce à Rab5 et qui produit du PI(3)P.
Ces phosphatases et ces kinases n’agissent jamais longtemps et permettent un réglage fin de la
composition lipidique des membranes dans la voie endocytaire. Dans ces conditions, il y aurait
principalement du PI(3)P sur la membrane des endosomes précoces. Cela est indispensable pour le
recyclage de la mégaline, des récepteurs à la transferrine et des récepteurs au mannose 6-P (MPR) vers
la membrane plasmique, le transport de EGFR vers les lysosomes et le retour du MPR des endosomes
vers l’appareil de Golgi.

101
Dans les cellules déficientes en OCRL, la membrane des endosomes renfermerait plus de
PI(4,5)P2 et recruterait de l’actine F via les complexes Arp2/3. Cela perturberait le transport des trois
récepteurs vers la membrane plasmique, vers les lysosomes ou vers l’appareil de Golgi.

d. Impact d’une déficience en OCRL sur la macroautophagie.

En condition normale, OCRL est présente sur la membrane plasmique, sur les vésicules
recouvertes de clathrine, sur les endosomes précoces, sur le TGN mais pas sur les lysosomes. Cependant,
des chercheurs se sont rendu compte qu’il y avait un recrutement d’OCRL sur la membrane des
lysosomes lorsqu’ils favorisaient la fusion des lysosomes avec des autophagosomes en incubant les
cellules pendant 3h avec un tampon salin (HBSS).

Sur la figure, on voit effectivement qu’il y a très peu de colocalisation entre LAMP1 et OCRL
dans les cellules HK-2 incubées dans le milieu de culture alors qu’il y a une bonne colocalisation entre
ces protéines dès qu’ils incubent les cellules dans une solution saline pendant 3h (HBSS = Hank’s
balanced salt solution). Cela suggère qu’il y a un recrutement de OCRL sur la membrane des lysosomes
lorsqu’on active le flux autophagique. Grâce à l’utilisation de formes mutées d’OCRL, ils sont arrivés
à la conclusion que ce recrutement se faisait par un mécanisme impliquant la clathrine et le complexe
adaptateur AP2.

➔ Ces résultats suggèrent que la fusion des autophagosomes avec les lysosomes favorise le
recrutement de OCRL sur la membrane lysosomale.

Ces résultats soulèvent deux questions intéressantes : 1) Est-ce que la morphologie anormale des
lysosomes dans les cellules de patients atteints du syndrome de Lowe ne pourrait-elle pas s’expliquer
par la déficience en OCRL et 2) Est-ce que la fusion entre les autophagosomes et les lysosomes se
déroule normalement dans les cellules des patients ?

Pour répondre à cette deuxième question, ils ont réalisé des coupes histologiques sur des
biopsies de patients au niveau des tubes proximaux de reins et réalisé un marquage immunofluorescent
avec un anticorps anti-LC3 pour savoir s’il y avait une accumulation intracellulaire d’autophagosomes.

102
Sur cette biopsie de rein d’un patient atteint du syndrome de Lowe, on voit bien une accumulation
du nombre de structures LC3+, par rapport à une biopsie de rein contrôle. L’aquaporine 1 est utilisée
comme marqueur des cellules tubulaires proximales du rein (PTC). C’est une protéine de la membrane
plasmique des PTC qui sert à transporter l’eau.

Le WB montre une accumulation de LC3-II dans les cellules de Lowe isolées, immortalisées et
cultivées dans le milieu de croissance par rapport aux cellules contrôles. Cette accumulation de LC3-II
témoigne d’un problème de fusion entre les autophagosomes et les lysosomes puisqu’il n’y a pas
d’augmentation de l’intensité de la bande LC3-II après addition de bafilomycine A1, contrairement aux
cellules contrôles. De plus, on observe une accumulation de p62 dans les cellules de Lowe. Comme p62
est un substrat de la macroautophagie, son accumulation reflète une inhibition du flux autophagique,
soit au niveau de la fusion entre les autophagosomes et les lysosomes, soit au niveau de la fonction des
lysosomes.

Cette accumulation d’autophagosomes est vraiment liée à l’activité 5-phosphatase d’OCRL parce
que si on réexprime l’OCRLWT dans les cellules des patients, on diminue le nombre de structures LC3+
mais pas si on réexprime une forme d’OCRL catalytiquement inactive, l’OCRLV527D.

Des résultats similaires ont été obtenus en déplétant fortement OCRL dans des cellules rénales
HK-2 avec un pool de siRNA (OCRL-KD). Si on réexprime OCRL-WT dans ces cellules OCRL-KD
en utilisant une séquence résistante aux siRNA, le nombre de structures LC3+ par cellule diminue
presque au niveau des cellules contrôles. Par contre, si on transfecte les cellules OCRL-KD avec la
forme OCRL-V527D (inactive), le nombre de structures LC3+ reste aussi élevé que dans les cellules
OCRL-KD, que dans les cellules contrôles traitées avec de la bafilomycine A1 ou avec un inhibiteur de
OCRL (le YU142670).

103
Etant donné que le calcium est indispensable pour les étapes de fusion membranaire et que la
mucolipine 1 est inhibée par la PI(4,5)P2 (résultat d’un autre article), les auteurs se sont demandé si
l’accumulation des autophagosomes dans les PTC de Lowe n’était pas due à une accumulation de
PI(4,5)P2 sur la membrane des lysosomes et à l’inhibition locale de la mucolipine 1 par ce PI(4,5)P2.

Pour répondre à cette question, il fallait d’abord montrer 1) qu’il y avait une accumulation de
PI(4,5)P2 sur la membrane des lysosomes dans les cellules de patients et 2) que dans les cellules
contrôles, l’OCRL se retrouvait à proximité de la mucolipine 1 après recrutement sur la membrane
lysosomale.

D’abord, pour savoir s’il y avait une accumulation de PI(4,5)P2 sur la membrane des lysosomes,
ils ont réalisé une expérience de microscopie confocale fluorescente sur des cellules contrôles et des
cellules déficientes en OCRL avec un anticorps qui reconnaît le PI(4,5)P2 et avec un anticorps anti-
LAMP1. Les cellules étaient incubées pendant 3h dans du HBSS pour favoriser la fusion des
autophagosomes avec les lysosomes.

104
Dans les cellules HK-2 contrôles (transfectées avec des siRNA non target), il y a peu de
colocalisation entre PI(4,5)P2 et LAMP1. Par contre, dans les cellules déplétées en OCRL grâce à
l’utilisation de deux pools de siRNA (pool S et pool A de 2 firmes différentes), ils voient apparaître ici
et là des spots jaunes (voir flèches). De même, s’ils traitent les cellules contrôles avec un inhibiteur
d’OCRL (le YU142670), il y a une colocalisation très ponctuelle de PI(4,5)P2 et de LAMP1. La
quantification à droite montre qu’il y a effectivement une accumulation de PI(4,5)P 2 sur les lysosomes
quand les cellules n’expriment pas OCRL ou si cette protéine est rendue inactive chimiquement. C’est
vrai pour les cellules cultivées dans le milieu de croissance et c’est encore plus marqué dans les cellules
qui sont incubées dans la solution saline, le HBSS, pendant 3h, c.-à-d. dans des conditions qui stimulent
la macroautophagie. Ce PI(4,5)P2 est généré par les PIP5 kinases 1  et  puisque si on réprime
l’expression de ces kinases dans les cellules OCRL-KD, il n’y a presque pas de colocalisation entre
PI(4,5)P2 et LAMP1, même dans les cellules incubées dans le HBSS.
Sur la figure du bas, on constate que la déplétion des PIP5 kinases 1 et 1 dans les cellules
déplétées en OCRL, réduit également l’accumulation d’autophagosomes induite par la déplétion en
OCRL.
➔ La déficience en OCRL provoque une augmentation de l’abondance de PI(4,5)P2 sur la
membrane des organites LAMP1+.
➔ Le PI(4,5)P2 est produit en grande partie par les kinases PIP5K1 et 1.
➔ La déficience en OCRL provoque une accumulation de structures LC3+ dans les cellules
déficientes en OCRL
Il y aurait donc un lien entre la déficience en OCRL, l’augmentation de PI(4,5)P2 sur les
organites LAMP1+ et l’accumulation de structures LC3+ dans les cellules déficientes en OCRL.

105
Pour déterminer si l’accumulation de PI(4,5)P2 sur la membrane lysosomale inhibait la
mucolipine 1, ils ont mesuré la concentration de calcium cytosolique grâce à la sonde fluorescente
FuraRed (vue précédemment) après addition d’un agoniste de la mucolipine 1 (SF-51, équivalent de
ML-SA1) dans le milieu de culture.

Quand ils ajoutent 50 µM de SF-51 dans le milieu des cellules contrôles préincubées avec la sonde
FuraRed, ils observent une légère augmentation transitoire de la fluorescence par rapport à la
fluorescence de départ (F/F0). Les cellules OCRL-KD réagissent peu et plus tard. S’ils augmentent la
concentration de SF-51 à 200 µM, ils observent une augmentation de la fluorescence dans les cellules
OCRL-KD, similaire à celle obtenue avec les cellules contrôles mais avec un délai de plus de 60
secondes.
➔ Ce résultat suggère que l’accumulation de PI(4,5)P2 qui résulte d’une déficience en
OCRL pourrait réduire l’activité de la mucolipine 1.
Pour continuer leur raisonnement, ils ont vérifié par microscopie confocale que OCRL était bien
recrutée sur la membrane des lysosomes et colocalisait avec la mucolipine 1 dans les cellules qui
expriment OCRL-WT.

Pour cela, ils ont transfecté des cellules OCRL-KD avec OCRL WT (fonctionnelle) ou avec une
forme mutée d’OCRL qui est incapable d’interagir avec l’adaptateur AP2 (OCRL F151S) ainsi qu’avec
la mucolipine 1-cMyc (MCOLN1-Myc). Ils ont constaté une bonne colocalisation entre OCRL WT et
la mucolipine 1 dans les cellules cultivées dans le milieu de croissance mais encore plus dans les cellules
où la macroautophagie était activée (3h, dans HBSS). Par contre, dans les cellules qui exprimaient
OCRL-F151S, il n’y avait pas de colocalisation entre OCRL et la mucolipine 1.

106
➔ Le recrutement d’OCRL sur la membrane des lysosomes nécessite AP2 et est stimulé en
période de jeûne, quand la fusion autophagosomes-lysosomes est favorisée.

➔ OCRL est recrutée à proximité de la mucolipine 1.

Ils se sont aussi demandé si la mucolipine 1 ne contribuait pas au recrutement d’OCRL sur la
membrane des lysosomes pendant une période de jeûne. Ils ont donc analysé la colocalisation entre
OCRL-WT et LAMP1 dans des cellules déplétées en mucolipine 1 et dans des cellules contrôles.

Pour rappel, lorsqu’ils observent le marquage d’OCRL WT et de LAMP1 dans des cellules
contrôles cultivées dans le milieu de croissance en microscopie confocale, il y a très peu de
colocalisation entre les deux marquages (à gauche). En revanche, lorsqu’ils observent les marquages
dans des cellules contrôles incubées dans du tampon HBSS pendant 3 h, la colocalisation entre OCRL
et LAMP1 est beaucoup plus importante. Cela confirme que le jeûne favorise le recrutement de OCRL
sur la membrane des lysosomes.

Dans les cellules déplétées en mucolipine 1 (à droite), il n’y a jamais une colocalisation massive
d’OCRL et de LAMP1, même si les cellules sont incubées dans le HBSS pendant 3h.

➔ Le recrutement d’OCRL sur la membrane lysosomale dépend aussi de la mucolipine 1.

Enfin, ils ont réussi à détecter des interactions entre la mucolipine 1 et OCRL par co-
immunoprécipitation.

L’immunoprécipitation a été réalisée avec un anticorps anti-


MCOLN1 et le WB avec un anticorps anti-OCRL (en haut). On voit
clairement une bande autour de 105 kDa alors qu’il n’y a pas de bande
visible dans l’immunoprécipitation réalisée avec un anticorps IgG non
spécifique. Le WB du bas, réalisé avec un anticorps anti-MCOLN1
montre que l’immunoprécipitation a bien marché.

➔ Ces résultats suggèrent que OCRL est recrutée sur la membrane des lysosomes par un mécanisme
qui dépend à la fois de AP2 et de la mucolipine 1.

107
A ce stade, on sait qu’il y a une accumulation d’autophagosomes dans les cellules déficientes en
OCRL et que si on réexprime l’OCRL fonctionnelle dans ces cellules, on restaure le taux normal
d’autophagosomes. On sait aussi que OCRL est recrutée sur la membrane des lysosomes grâce à ses
interactions avec AP2 et avec la mucolipine 1. Enfin, on sait qu’en absence d’OCRL, il y a une
accumulation de PI(4,5)P2 sur la membrane des lysosomes qui pourrait inhiber l’activité de la
mucolipine 1, dont le rôle est d’assurer l’efflux de calcium lysosomal nécessaire à la fusion des
membranes. Afin d’établir un lien de cause à effet entre l’inhibition de la mucolipine 1 par le PI(4,5)P2
et l’accumulation des autophagosomes dans les cellules déficientes en OCRL, ils ont boosté l’activité
de la mucolipine 1 dans des cellules déplétées en OCRL en ajoutant l’agoniste SF-51 dans le milieu de
culture et ils ont analysé le nombre de structures LC3+ par cellule par microscopie et l’abondance de
LC3-II en WB.

Comme espéré, ils constatent une diminution significative du nombre de structures LC3+ dans les
cellules de Lowe traitées avec l’agoniste de la mucolipine 1 (SF-51) par rapport aux cellules de Lowe
non traitées. De même, ils observent une forte réduction de l’intensité de la bande de LC3-II ainsi qu’une
diminution (plus limitée mais significative) de l’intensité de la bande de p62 dans les cellules de Lowe
traitées avec SF-51 par rapport aux cellules de Lowe non traitées.

➔ La stimulation de la mucolipine 1 avec SF-51 restaure le flux autophagique. La


mucolipine 1 pourrait donc représenter une cible thérapeutique potentielle pour le
traitement du syndrome de Lowe.

Sur base de leurs résultats, De Leo et al. (2016) suggèrent que la 5-phosphatase OCRL est recrutée
sur certains sous-domaines de la membrane des lysosomes grâce à ses interactions avec AP2 et avec la
mucolipine 1. En hydrolysant le PI(4,5)P2 qui se trouve dans ces microdomaines membranaires, l’OCRL
empêcherait l’inhibition de la mucolipine 1 induite par ces phosphoinositides et permettrait ainsi la
libération des ions Ca2+ stockés dans la lumière des lysosomes. Sans expression d’OCRL, comme c’est
le cas dans les cellules tubulaires proximales du rein des patients atteints du syndrome de Lowe,

108
l’activité de la mucolipine 1 serait inhibée par le PI(4,5)P2, entraînant l’accumulation d’autophagosomes
incapables de fusionner avec les lysosomes, faute d’efflux de Ca2+.

e. Conclusion.

Nous avons vu que l’accumulation de PI(4,5)P2 due à une déficience en OCRL conduisait à :

• un retrait tardif du manteau de clathrine sur les puits et les vésicules recouverts de clathrine
• une altération du cytosquelette d’actine
• une perturbation du transport intracellulaire de récepteurs tels que la mégaline mais aussi les
récepteurs MPR et les récepteurs à la transferrine
• une accumulation d’autophagosomes incapables de fusionner avec les lysosomes, faute de
d’efflux de Ca2+.

En conclusion, cette étude a montré l’importance du Ca2+ et des phosphoinositides dans le


transport intracellulaire dans les cellules tubulaires proximales rénales.

Ce chapitre 2 a permis de mettre en lumière le rôle des Rabs, des SNAREs, du Ca2+ et de la
composition lipidique des membranes (principalement le cholestérol et les phosphoinositides) sur le
transport intracellulaire dans les lymphocytes, les fibroblastes, les neurones et les cellules tubulaires
proximales rénales.

109

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