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DE CLAUSE PÉNALE
CHEZ LES CANONISTES DU MOYEN ÂGE
(Origine des art. t t5t, )~6 et M.
du Code Civil français)
PAR
A. PL!N!ÀUX
N
t-~
droit français moderne la clause pénale se pré-
compensation des dommages et
sente comme la «
t intérêts que le créancier souffre de l'inexécution
de l'obligation principale (art. 1229, al. i, C C.)
De ce que la clause pénale n'est ainsi, de sa nature,
qu'une évaluation conventionnelle de dommages et in-
térêts, il résulte toute une série de conséquences impor-
tantes
10 La clause pénale n'est valable qu'autant que l'obli-
gation principale n'est pas, elle-même, entachée de nul-
lité (art. 1227, C. C.).
2" S'il y a simplement inexécution partielle, la peine
n'est encourue qu'en partie (art. 1231, C. C.).
3" La clause pénale ne reçoit effet que si le débiteur
principale
a été mis en demeure d'exécuter l'obligation
(art. 1230, C. C.).
40 La peine n'est encourue que si l'inexécution de
l'obligation principale provient de la faute du débiteur.
C'est en effet à cette condition que les dommages et in-
térêts sont dus. Donc le débiteur ne doit pas payer la
peine si l'inexécution provient d'un cas fortuit ou de
force majeure (art. 1220, al. i et 1148 C. C. combinés).
50 Le créancier ne peut demander en même temps le
principal et la peine, à moins qu'elle n'ait été stipulée
pour le simple retard (art. 1229, al. 2, C. C.).
Cette façon de concevoir la clause pénale est l'opposé
de celle du droit romain primitif. La plus ancienne forme
de l'inexécution (*)..
subordonnée la commise de la poena, le
simultanément à la poena et aux dommages et intérêts
a droit
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qui en faisaient partie un mouvement régressif très pro- idée
noncé. L'élément réparateur disparut, et la vieille
t.
J~~s~
5. PAMMEN D., 9,
PAm. M <~ OM<M!< 9. 2, <<-g_
Dt Ffft.22,Qr.
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4:.
6. PsrtrrsErr, 2 quaest., D., 45, De vcrb..oblig., xi 5, 2.
l,
X&S~
selon laquelle l'obugatifin
d'une doctrine inventée par les jurisconsultes de novation v
principale est éteinte, à l'événement de la poe«, par une sorte
S~ foi, le cumul étant contraire à bonne foi, le
créancier devait pou-
voir cboisir entre les deux actions. Des textes de l'époque
classique (JULM-1q,
20
tld ld., D., 17, 2, Pro tOttO, 41; ULPIEN, 45 ad Sabin.
D., t., 42; i pAÛL..i~3
<?"S~
surplus. Mais il parait bien que ces textes ont été iatarpolés et ne
M~.C~W
et sq.
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Sur la nature de la clause pénale en droit tmain, com.
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<"}; PntMM!~t. C~«-f4
tMM Berlin,
t89t
M~
~MM ~~AJf<MtM tw <tMM<<<f, Berlin,
und
concernent
NEUEMFELflT.
3
rn
de peine privée régna à nouveau ('). La pratique de la
clause pénale, avec son caractère comminatoire, se géné-
ralisa à ce point qu' « on peut dire qu'aucun contrat,
qu'aucun acte de la vie civile, affranchissement, testa-
ment, adoption, etc., ne se formait sans qu'une clause
pénale en garantît l'exécution » C).
A partir de quelle époque la clause pénale recom-
mença-t-elle à dépouiller son caractère purement pénal
pour s'orienter vers la conception réparatrice qu'a consa-
crée, nous l'avons vu, le droit français moderne? Ce sont,
comme nous nous proposons de le montrer, les cano-
nistes du Moyen âge, qui s'engagèrent les premiers dans
cette voie, poussés par le désir de faire mieux respecter
la prohibition canonique du prêt à intérêt, à laquelle la
pratique des clauses pénales, adjointes aux contrats de
prêt, n'avait pas tardé à porter atteinte.
tt. HE~ELE LECLERC~. Histoire des coMCtkï. t. 3, 2, Paris, !9to, pp. to:7
et sq. tMMMMt'C. XtV. q. 3..
<~M<~CMM<f)«'MW«tcct~<
!3. C. XIV. q. 3. c. 3
<M<t<t nsegesi capitu-
c. 2: la toi divine veut -M< ~tMMOMWt~M ~«<t<M
A
rt/M<rw!<<' L'
Robert <<< CoMf<-oM Lille, t90t, p. 6:, pubtié dans rMraM~- et <M<Mo'~ de
t. 10, mémoire n" 30).
!3. Ils avaient en particulier sous tes yeux tes engagements que tes credi-
M«yaMOM<<tMt. et dont les
<of<ï BoMOM<<M faiMient souscrire aux scholares
terme* nous été rapportés par Bernard DE PAVtE.SM~MMdfc~<a~MM. titre
De MtMnt, S 9 (Ed. Laspeyres, Ratisbonne, 1861. p. ~7) "M~. «< si, ad
<VOJt<W«M MMM<<tMt pecunia Ï0<«~ non /t~n<, M~< pro
MM~M/tt MMfCtt MM-
twt<tt WM«<M HOtHtM<'o<'K<M. et MC 'M ~'<Mt< nundinis MM<<Mnt.. ainsi que les
clauses que tes marchandsitaliens inséraient dans tes contrats de prêt qu Us
passaient avec les prélats se tr~vant à la Curie romaine, et dont les termes
dans leurs ouvrages la question de la validité de la clause
pénale insérée dans un contrat de prêt. Dans l'impossi-
bilité de l'interdire de façon générale (~), ils se conten-
tèrent de la proscrire toutes les fois qu'elle serait « in /~M-
~w usurarum a~os~ Et pour eux, elle revêtait ce
caractère lorsque le prêteur souhaitait, non pas que la
menace de la poena incitât l'emprunteur à restituer au
terme nxé le capital prêté, mais, au contraire, que l'em-
prunteur se trouvât à ce moment dans l'impossibilité de
rembourser, de telle sorte qu'il fût possible à lui, créan-
cier, d'obtenir, par le jeu de la clause pénale, quelque
chose ultra sortem. Telle est la solution que donnent en
termes équivalents Bernard de Pavie (17) à la fin du xii~.
Robert de Courçon (~) et Raymond de Penafort (19) au
début du xni~ siècle.
Mais il s'agissait là d'un critère 'purement subjectif,
impliquant des investigations dans le domaine de la
conscience, et, par conséquent, ressortissant plutôt au
forum conscientiae qu'au forum externum, et plus fait
contenter les théologiens que les canonistes. Aussi
pour
voyons-nous ces derniers se mettre à la recherche d'un
la codification des
20. Raymond de PENAFOM prit une part importante à postérieure
Décrétais sous Grégoire IX. Sa Summa doit être de peu à cette
'.odincation qui eut lieu en 1234.
2i. Summa, lib. ÏLtit 7, De MX«ns et <<MMt<,
pignoribus, 4 (Ed. Paris, 1720,
P. 209): Si <tW«M <? ~M ~Wt ~MMt COM!M<~ MM MSMMftMS,
C. <oJ.
~0~
~W~. ad
~Mc Cf. Geoffroy DE TttANt (mort en 1243), Summa super rubricis <<fe~<<t
f
lium, De usuris, n" 22 (Ed. Venise, tsoz. 87 V); INNOCENT IV, Com. in
<~y~. (peu après 124:), 0< ~Mtt, sur c. ït«MM nos (x, 5,37,9), V" ~oewa
f
(Ed. Lyon, t~S, 393 ~)
22. Ad. te~. <<WM<t (D., t2, t. De M&. < ïï). V c<MMhtt tMMt ~M<
~t<< <tt«M <OC<M<t~MMC <<t<htM<tO tM<t~M CM<MtC~&tM, M<Mt M OUt~t <t<«/
usuris, <. qui MMtMM, § /MM (D., <2, t, MMtM, ~3.
plus tard dans cette voie par les civilistes eux-
mêmes.
23. PoMPOMua, 13
ttt <0 MC<<
<«<t'M<<'oe"<
~4.A~, S~ Il
M MCM«« <M<n /<M~«. f~t'Mo
«""
D, Mw~. a"
~i~
qui viendra s'ajouter au capital, « en droit on ne peut
dire qu'il a reçu quelque chose <~M sof~w, car ce qu'il
pro so., MttWttt (D., 17, PfO socio, 60, ~t.), et <MMC ~<'<MM<Mf <MMM~ ;M
~tCtt O~CtO. non jure <Mh<Mm. Licite <MtWt ~0<<!< ~Mt! agne Ot~ <MC ut reddatur
«M<«ttMM. ut M<~ <~ /M<
~<'n<~<< (X, 3, 2. De /M<< c. 2) et 12. q. 2. si
tWM de <~tM (D~f<<. C. XII, q. 2. c. 33 et 40), ubi agt<«t <~ tM«fMK..
27. Ma. latin3 967 de la Bib. Nat. a)
titre De tMt<n< des D~~<~M (X, 5, t9, De <MMns, c. 10)
f
190 r", sur le canon Co~MX du
Non <<<t<«~ tan-
~MWt tMWM sed «M~MMt interesse, tit pro socio <. MCttMtt qui in eo. P«MM<Mf
~Ktt O~tO. Licite <'MMt pO/M~ agi <~ hoc M< ~<M~[Mt] ~'S indempnis, ut
XII, q. 2, K fM ckricis »; p) f'* !9ov". sur le canon N<tMpM<<t (c. t9) du même
titre De <M«n!, Vu ~tCt~MW. < t /a~s usurae noM M<&'M<Mf MMtfc <<Mt~<Mw
tMMfa sed /aM~M<t<tt $M<<M~, pro socio ÏOCtMMt qui in <0
Aafort (*), dont l'activité, à tous deux, se place peu
(*). Or, Raymond de Penafort est celui-là
après 1234 canoniste
même qui, allons le voir, est le premier
nous
qui ait aperçu le rapport qui peut exister entre la
clause
pénale et l'tM~sM.
~? d~
p. :zoo).. commentent en effet dans
Scriptores ord.
t~8 par von
~Parb. 'SS!'°S~
attribuées à jean DB prumma (mort en 13'14). JIaI8 eI1eslOAt
peut pas
C'est
mier
dépasser
modus usurarum
Hostiensis
adopté le
le
(")
nouveau
)(")..
quantitas, la fraude devant être
taux
qui, à
légal
notre
critère
des intérêts (legitimus
connaissance,
(-). et cela
a le pre-
le conduise
rapprocher, jusqu'à les confondre ensemble, les deux
à En effet, s'agissait-il
notions de poena et d'int-resse.
adjointe à somme d'argent (quantitas),
d'une poena une
pouvait plus, comme en droit romain, parler d'une
on ne usurarum,
limitation de la poena au modus
puisque MM~tCO, toute usura, quel
qu'en fût le taux,
dans ce cas,
était prohibée. Mais rien n'empêchait que,
on ne fît application de la théorie de l'~<~ en
exemple la poena
déci-
dant que, dans le contrat de prêt, par
tomberait pas sous le coup de la prohibition de 1'usura
ne
fois qu'elle serait la représentation de 11~-
toutes les raison
c'est-à-dire des dommages et intérêts dus en prêtes.
deniers
du non-remboursement, au termenxé.des praésumendum
C'est ce qu'affirme Hostiensis «~
ergo
COM<M ~«~«~ ~<~ mutuo
SE~
36. Ad kg. T3
ultra.
~=.
Sa Summa
entre 1250
le droit canon
L~ ,~M~
fo 375 va)
16
(avant
~X~
6
<~ ~r<rs
1244),
~5~
(lvl.ts~v9,
l'occuptrent
(von SCUMTE, oQ. Cil., t. 2, p.aliqxo
12.5).
1 ibidem Pops"ia"US), D·, 19, 1, De act.
t.2, p.
et i2ti d'apr~ von 8cBt1LTB,op.,ei'Parisatorsqu'i1
126. SesC()fflftUfllontl
y enseignait
jusqu'à sa mort survenue en 1271
CII'U ultra swtcrn, n° 9
Ut tarnen scias ¢oerwrn qwantitati
secus si ~< a¢¢ositafn
facto <o~Mf..
(el. Lyon. IsÓ8.
QraesxmQtionerr
quae loco interesse succedit ("), tirant de cette affirmation
la conclusion logique, suivant laquelle la ~M doit être
principe soumise aux règles mêmes, qui régissent
en
spécinquement l'interesse .< Cum loco interesse succedat
(~o<'M). ergo <'o~~ jure /«Mgt debet (~). Le concept
réparateur de clause pénale venait ainsi de faire son
apparition sur la scène juridique.
Adopté par les successeurs d'Hostiensis (~), le nou-
enfermé dans son
veau principe ne resta pas toujours
cadre étroit du début. En effet, appliqué exclusivement
Hostiensis où la poena se trouve insérée dans
par au cas
contrat ayant pour objet une somme d'argent (quan-
un elle est adjointe
<t<<M), il fut ensuite étendu aux cas où
à un corps certain (species) ou à un fait (/<M<«w). C'est
Ridolphis,
cette généralisation que constate Laurent de
des derniers canonistes de l'époque médiévale (**).
un
Il est un point toutefois sur lequel les canonistes
furent en désaccord. C'est relativement à la question
de savoir si la peine pouvait être réduit- par
le
juge.
Hostiensis (~), se fondant sur ce que la nature de la
peine est de tenir lieu des dommages et intérêts qui pour-
raient être réclamés par le créancier en cas d'inexécution
ré-
de l'obligation, était d'avis que la peine pouvait être
duite par le juge lorsqu'elle dépassait le double de la
valeur de la chose ayant fait l'objet de l'obligation,
limite qu'avait assignée à l'interesse la fameuse loi unique
~h~
.P~ N~
39. S~.M. D<- M~fM, <«« (f t79 f)
40. 5<Mtt<M D<' MM«M<M.
Nous nous ~.teroMd.
<MM M< ~M«M
citer AMB~ D-Aan.
(yonscmn~.
i3.7
sans fotiotation Bib. C~
~P~D' (dite
Ut t. art. 4 (EdTvcnhe..479.
P~~T~ (Nicolas DE Tc.Man.. mort en .4)3).
ad. c. 4 (<~c<t). X. D< <t~<fM (!. 43.. (Ed. I<yon..5M. 170 r ).
a'.4 t
42.
nwllo
potes
lautent DE
ff8Otlo
RIDOLI'IIIS
1'"i'
(mort vers :4so,
(Tract. .iv.
et
s.
d'après von 8aroLTE. 01'.
Scd kodis
t. 7, fo 28
Qocna adjccta in jrawdc~ asxrarw~. Et
si
ro)
~°'
qwod la
FfA<«~Ctt<~<<.Parb.t9'3.t.PP9S~'Mt.
45. Co<tt. in <<~«.. c. 4 (<<~t<*). X. D< ~tt<fM (1, 43) n" '4
,c.,T~~
(Ed. ï<yon.
t586, f" ï70 f)..
46. N" <: Mt /iM< (0~. OttMt.. PMit. t68t, t. 9. P. M).
469).
47. N" 136 (0~. o<«<t., Paris, 1681. t. 3. p.
48. Part. II. chap. v. art. t (Ed. PMit-OfMoM, 1763. t. t. n" 34~. p. 4'7
cier souffre de l'inexécution de l'obligation principale »
S~'SS-SESE-=-
tions (art. 163, al. 2) admettent l'un et
peinc, s'Ula trouve excessive, et décidentdommages
peut, de son côté, obtenir de plus amples
al. 2, C. titi. ail.; art. 161, al. 2, Code suisse des
créancier
par réciprocité que les'il
et intérêt¡;, prouve
Oblig.).