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Multi-société (130.104.1.130)
La prescription en droit des assurances
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délais, généralement favorables aux assu- la dette et non son existence (4). L'argument
rés et aux personnes lésées. déduit de la prescription touche en effet plu-
L'objectif poursuivi par le législateur est tôt au droit d'agir en justice qu'au droit sub-
clair : il s'agit avant tout de protéger jectif lui-même. Une fois la prescription
l'assuré, le bénéficiaire ou la personne acquise, le droit en question peut encore se
lésée et de remédier aux défaillances de la manifester par une exception (5). Les délais
loi ancienne. On verra que ce souci transpa- brefs mis en place en assurances ne sont
raît constamment dans les dispositions qui donc nullement fondés sur une présomption
ont été prises. Un auteur estime toutefois de paiement.
qu'en adoptant ces dispositions le législa-
teur aurait délibérément sacrifié les intérêts 2. — Portée du caractère impératif
des assureurs (2). des délais en droit des assurances
3. — Il faut noter que la loi du 11 juin 1874 5. — On connaît la difficulté classique con-
n'a pas pour autant été abrogée. Elle reste cernant les liens entre l'ordre public et les
en effet applicable aux assurances terres- délais de prescription en droit commun (6).
tres qui sont exclues du champ d'application La question a été résolue par la Cour de cas-
de la loi nouvelle en vertu de son article 2 sation, dans une formule tout en nuance :
(réassurance, assurances des transports de « si l'institution de la prescription touche à
marchandises à l'exception des assurances l'ordre public le moyen de défense issu de la
bagages et déménagements). Ces assuran- prescription concerne exclusivement des in-
ces restent donc soumises au régime ancien térêts privés ». Comme la prescription tou-
qui se déduit de l'article 32 évoqué ci-des- che à l'ordre public, il n'est pas au pouvoir
sus (3). Nous nous en tiendrons ici aux dis- des parties d'en méconnaître l'existence,
positions relatives à la prescription prévues mais les avantages qui en résultent pour tel
dans la loi du 25 juin 1992, sans exclure ce- ou tel particulier ne concernent que des inté-
pendant des rappels relatifs au régime anté- rêts privés.
rieur.
On justifie ainsi les dispositions du Code
Dans une première section, on s'attachera à civil qui indiquent qu'on ne peut d'avance
déterminer les caractéristiques principales renoncer à la prescription, mais qu'on peut
de ces nouveaux délais. À l'instar de la loi renoncer à la prescription acquise
elle-même, nous aborderons ensuite le (article 2220, C. civ.) ou que les juges ne
délai applicable aux actions dérivant du peuvent soulever d'office le moyen résultant
contrat pour poursuivre avec celui qui de la prescription (article 2223, C. civ.). Il
s'applique aux actions directes. L'examen est bien acquis également en droit commun
des causes de suspension et d'interruption que les parties ne peuvent conventionnelle-
terminera cette étude. ment allonger les délais de prescription
mais qu'ils peuvent les raccourcir (7). Ceci
s'explique par le fait que le raccourcisse-
Section 1. — NATURE DES DÉLAIS ment du délai de prescription est favorable
PRÉVUS PAR LA LOI DU 25 JUIN 1992 au débiteur qui sera ainsi libéré plus rapide-
ment de sa dette (8). Le droit commun ne
1. — Délais de prescription
s'oppose pas non plus à ce que les parties
4. — L'article 34 de la loi du 25 juin 1992 suspendent de commun accord une pres-
met, à première vue, en place des délais de cription déjà entamée pendant le temps des
prescription libératoires de facture classi-
que, qui affectent en principe l'exigibilité de
M. Marchandise, « La prescription libératoire en ma-
tière civile », Les dossiers du J.T., no 64, Bruxelles,
Larcier, 2007, p. 19, no 9.
(2) M. Houben, « La prescription et le contrat (5) M. Marchandise, op. cit., p. 22, no 11.
d'assurance », in La prescription, formation perma- (6) Pour un état de la question voy. M. Marchandise,
nente C.U.P., vol. XXIII, avril 1998, p. 93, no 11. op. cit., p. 23, no 13.
(3) G. Jocqué, « Verjaring en verzekering », Bull. (7) M. Marchandise, op. cit., p. 24, no 14, qui réserve
ass., 2006, p. 6. le cas où la clause raccourcirait tellement le délai
(4) L. Schuermans, Grondslagen van het Belgisch qu'elle priverait le créancier de toute possibilité d'agir
verzekeringsrecht, 2e éd., Intersentia, Anvers/ Ox- en justice.
ford, 2008, p. 730, no 999; de façon générale, voy. (8) G. Jocqué, op. cit., p. 6, no 2.
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pourparlers ou d'une expertise, par exemple rait se demander si des dérogations con-
(9). ventionnelles ne devraient pas être autori-
Les dispositions relatives à la prescription sées lorsque celles-ci visent précisément à
en assurances terrestres sont revêtues, renforcer la protection de l'assuré. Ainsi,
quant à elles, d'une portée particulière. l'article 35, § 1 er , de la loi ne devrait pas
Elles ont un caractère impératif, parce s'opposer à une suspension convention-
qu'elles visent à protéger la partie faible, nelle du délai, pour autant que celle-ci
c'est-à-dire le preneur, l'assuré, le bénéfi- s'avère favorable à l'assuré ou à la per-
ciaire, voire la personne lésée, selon le sonne lésée (11). La protection n'aurait
cas. alors plus qu'un caractère unilatéral et une
clause qui raccourcirait le délai de prescrip-
Ce caractère impératif se déduit clairement tion d'une action exercée par l'assureur
de l'article 3 de la loi qui prévoit que « sauf pourrait fort bien être admise (12). La cour
lorsque la possibilité d'y déroger par des d'appel de Mons décide ainsi à juste titre
conventions particulières résulte de leur que le caractère impératif de la loi du 25 juin
rédaction même, les dispositions de la pré- 1992 ne fait obstacle ni à ce que les parties
sente loi sont impératives ». En l'absence conviennent de suspendre temporairement
de mention particulière, les articles 34 et 35 une prescription déjà commencée, ni à ce
ont donc indéniablement un caractère impé- que le juge estime que la prescription est
ratif. suspendue en raison du comportement
La différence par rapport au régime de la adopté par l'assureur (13).
loi du 11 juin 1874 est sensible. L'article 32
Les travaux préparatoires ne vont toutefois
de cette loi, on l'a dit, était une disposition
pas en ce sens puisqu'ils interdisent de
à caractère supplétif si bien que le délai de
manière générale les clauses abréviatives
trois ans pouvait être raccourci par conven-
des délais de prescription.
tion. Le point de départ du délai pouvait, lui
aussi, être modifié conventionnellement. 6. — Le caractère impératif des articles 34 et
De nombreux litiges sont nés à la suite de 35 de la loi du 25 juin 1992 fait-il obstacle à
c e s a m é n a g e m e n t s c o nve n t i o n n e l s,
la renonciation? On sait que le droit commun
notamment pour déterminer quelle était la
autorise la renonciation à la prescription une
durée du nouveau délai prenant court à la
fois qu'elle est acquise, mais interdit qu'on y
suite de l'interruption du délai convention-
nel. renonce d'avance (article 2220, C. civ.).
Comme l'indique la Cour de cassation,
Le caractère impératif des deux dispositions « bien que la chose jugée comme la pres-
nouvelles implique désormais que ni le pre- cription soit établie dans l'intérêt de l'ordre
neur, ni l'assureur ne peuvent déroger con- public, il n'en n'est pas moins vrai qu'une fois
ventionnellement aux délais prévus ni pour
acquise, elle se réduit en matière civile à une
les allonger, ce qui était déjà le cas sous
exception, à un bénéfice personnel dont on
l'empire de l'ancienne loi, ni apparemment
peut user ou ne pas user à son gré, sans
pour les raccourcir, ce qui est nouveau. Les
parties ne peuvent pas davantage modifier que l'ordre public en soit aucunement
le point de départ de la prescription tel qu'il affecté » (14).
est défini à l'article 34, § 1er ou § 2 (10). Acte juridique unilatéral, la renonciation
En ce qu'elle interdirait de déroger au dispo- peut être expresse ou tacite. La renoncia-
sitif légal même lorsque cette dérogation est tion tacite résulte d'un fait qui suppose
favorable à la partie réputée faible, cette l'abandon du droit acquis (article 2221, C.
interprétation paraît excessive. Or on pour- civ.). Elle doit être certaine et ne peut résul-
ter que de faits qui ne sont pas susceptibles
d'une autre interprétation. Elle doit donc
(9) M. Marchandise, op. cit., p. 25, no 14; J.-L. Fa-
gnart, « La victime face à la prescription », in La vic-
time, ses droits, ses juges (P.-H. Delvaux, dir.),
Bruxelles, Larcier, 2009, p. 214; le débiteur veillera à (11) L. Schuermans, op. cit., p. 735, no 1008; J.-L.
éviter que cet accord puisse être interprété comme Fagnart, « La victime face à la prescription », op. cit.,
une reconnaissance de dette qui aurait alors un effet p. 262, no 151.
interruptif (article 2248, C. civ.). (12) G. Jocqué, op. cit., p. 7, no 3.
(10) G. Jocqué, op. cit., p. 6, no 3; E. Brewaeys et (13) Mons, 30 novembre 2004, R.G.A.R., 2006,
T. Baele, Verjaring in het verzekeringsrecht, 2e éd., no 14177.
Kluwer, 2000, p. 4, no 3. (14) Cass., 3 décembre 1833, Pas., 1834, I, p. 183.
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13. — L'action visée par l'article 88 de la loi prescription de droit commun, qui était alors
du 25 juin 1992 par laquelle l'assureur se re- trentenaire (38).
tourne contre son propre assuré pour obte- Il est clair que l'action directe, exception
nir remboursement de l'indemnité qu'il a été notoire au principe de la relativité des con-
contraint de payer à la personne lésée est, ventions, ne pourrait exister sans une dispo-
elle aussi, une action dérivant du contrat, sition légale qui la consacre. Il faut observer
dans la mesure où elle tend à sanctionner un néanmoins que l'action directe suppose un
manquement contractuel de l'assuré qui n'a contrat existant et en vigueur au moment du
pu être opposé à la personne lésée (35). sinistre. L'absence d'assurance constitue
Puisque l'action récursoire repose sur un en effet toujours une exception opposable à
manquement contractuel de l'assuré, elle l'assureur de la responsabilité. Cette obser-
n'est certainement pas une action subroga- vation ne suffit toutefois pas à écarter l'idée
toire, l'assureur ne prétendant pas exercer que l'action dériverait de la loi ni à rejeter la
les droits de la victime (36). Il ne saurait da- solution proposée par la Cour de cassation.
vantage être question de lui appliquer le dé- Le fait que l'action directe ne puisse prospé-
lai issu de l'article 2262 bis du Code civil rer sans un contrat valable et en cours per-
puisqu'il ne s'agit pas non plus d'une action mettant d'identifier un assureur ne nous dit
en responsabilité extracontractuelle (37). rien sur l'origine du droit de la personne
lésée et n'empêche nullement de considé-
Cette solution était largement admise par la rer que ce droit trouve sa source et ses limi-
jurisprudence sous l'empire de la loi du tes dans la loi.
11 juin 1874 sans qu'il fût besoin d'un texte
En consacrant un délai de prescription spé-
particulier. Elle est désormais expressé-
cifique pour l'action directe de la personne
ment consacrée par l'article 34, § 3. Sous
lésée, la loi de 1992 tranche définitivement
cet angle, cet article ne fait donc que confir-
la controverse : l'action directe est soumise
mer la règle générale. La mention n'est pas
à un délai propre, car elle ne dérive pas du
pour autant inutile puisqu'elle précise dans
contrat d'assurance. L'article 86 de la loi
le même temps le point de départ du délai
ayant généralisé l'action directe pour toutes
de prescription de cette action (voy. à cet
les assurances de responsabilité civile, ce
égard infra, no 26).
délai est donc applicable à toutes les
actions directes, y compris à celle visée par
B. — Les actions l'article 68, à laquelle l'article 34, § 2, ne se
qui ne dérivent pas du contrat réfère cependant pas explicitement (sur
14. — L'action directe de la personne lésée cette question voy. infra, no 31) (39).
contre l'assureur de la responsabilité civile
15. — Il existe d'autres actions qui, dans
est-elle une action dérivant du contrat? La
l'opinion commune, ne dérivent pas du con-
question s'est rapidement posée dans le
trat d'assurance. L'action fondée sur un con-
contexte de la loi du 11 juin 1874, à propos
trat d'agence ou de courtage, en
de l'action directe du propriétaire du bâti-
récupération des primes non transférées ou
ment incendié contre l'assureur de la res-
des commissions impayées, n'est évidem-
ponsabilité du locataire, consacrée de
ment pas une action qui dérive du contrat
manière isolée par l'article 38 de cette loi.
d'assurance. Elle trouve sa source dans le
Saisie de la question, la Cour de cassation a
contrat qui lie l'intermédiaire à son client. Ce
décidé, dans un arrêt du 14 septembre
contrat sera tantôt un contrat de courtage,
1972, que l'action dérivait de la loi et non du
tantôt un contrat d'agence, tantôt un contrat
contrat et qu'elle était dès lors soumise à la
de mandat.
L'action subrogatoire exercée par l'assureur
(35) Le droit de recours dépend en principe d'une n'est pas non plus soumise au délai de trois
clause du contrat par laquelle l'assureur se réserve
ce droit dans des hypothèses déterminées. Cette rè- ans. Par la voie de la subrogation légale ou
gle connaît cependant une exception lorsque le con- conventionnelle, le subrogé se trouve subs-
trat d'assurance est réglementé sous la forme d'un
contrat type, comme c'est le cas en assurance auto-
mobile. (38) Cass., 14 décembre 1972, R.C.J.B., 1975,
(36) Cass., 25 avril 1991, D.C.J., 1990-1991, no 239, pp. 44-61, et la note G. Vernimmen.
no 91/116. (39) Contra, M. Fontaine, op. cit., p. 317, no 491 qui
(37) G. Jocqué, op. cit., p. 22, no 44. s'en réfère au droit commun.
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titué dans tous les droits et actions du concerne l'action relative à la réserve for-
subrogeant (40). L'action exercée en vertu mée, à la date de la résiliation ou de l'arrivée
de la subrogation sera donc régie par un du terme, par les primes payées, déduction
délai propre, celui qui s'attache à l'action faite des sommes consommées »,
que le subrogé exerce à la place du subro- Dans un contrat d'assurance vie mixte, une
geant, après avoir été investi de ses droits. partie de la prime versée vient alimenter
Le plus souvent, il s'agira d'une action en une réserve mathématique, après déduc-
responsabilité civile extracontractuelle sou- tion des frais et taxes divers ainsi que de la
mise, en pr incipe, au délai prévu par prime pure relative au risque décès. Au
l'article 2262bis, § 2, in fine du Code civil. terme du contrat, la réserve sera équiva-
Selon la doctrine majoritaire, l'action en lente au capital garanti en cas de vie. Le
répétition des primes ou indemnités payées preneur d'assurance dispose d'un droit de
indûment ne dériverait pas non plus du con- créance sur cette réserve qu'il peut mobili-
trat, mais bien de la loi. La possibilité pour ser ou transférer par différents types d'opé-
l'assureur (ou l'assuré) d'obtenir la restitu- rations (rachat, avance, cession, mise en
tion de l'indu dépend en effet des conditions gage). Lorsque le contrat prend fin anticipa-
fixées par le Code civil (article 1235 et tivement ou par l'arrivée du terme, l'action
articles 1376 à 1381) et non du contrat du preneur relative à la réserve, c'est-à-dire
d'assurance (41). L'action en répétition celle relative au capital épargné, se prescrit
d'indu sera donc soumise au délai applica- non par trois ans, mais par trente ans. Par
ble à toutes les actions personnelles, c'est- contre, l'action relative au capital garanti en
à-dire dix ans (ar ticle 2262 bis , § 1 e r , cas de décès reste soumise au délai de
alinéa 1er) (42). Cette solution, parfois dis- trois ans.
cutée, a été entérinée par la Cour de cassa-
À s'en tenir aux travaux préparatoires, il
tion (43). Elle a été confirmée récemment.
apparaît que le législateur a entendu ainsi
Par un arrêt du 9 octobre 2009, la Cour
aligner le délai afférent à l'épargne consti-
décide en effet que « l'action par laquelle
tuée par le biais d'un contrat d'assurance
l'assureur poursuit contre l'assuré le rem-
sur celui applicable à l'épargne bancaire. Il
boursement d'indemnités qu'il lui a payées
s'est donc référé au délai trentenaire appli-
indûment ne dérive pas du contrat d'assu-
cable à l'époque en vertu de l'article 2262
rance, mais des dispositions du Code civil
du Code civil. Depuis la réforme des délais
relatives à la répétition d'indu » (44).
de prescription, le délai de droit commun
applicable aux actions personnelles a
3. — Durée du délai cependant été réduit à dix ans
(article 2262bis, § 1er, alinéa 1er, C. civ.), si
16. — On a déjà dit que la brièveté du délai bien que l'égalité de traitement recherchée
de prescription s'expliquait par le souci d'évi- par le législateur entre les produits bancai-
ter la disparition des preuves, mais aussi par res et les produits d'assurance vie a à nou-
des exigences propres à la technique des veau disparu, mais au détriment des pro-
assurances qui s'accommode mal de longs duits bancaires cette fois (45)!
délais. Le délai est donc de trois ans pour
toutes les actions dérivant du contrat d'assu-
4. — Point de départ du délai
rance.
A. — Règle générale
L'article 34, § 1er, alinéa 1er, réserve cepen-
dant un cas particulier : « En assurance sur 1. — Principe
la vie, le délai est de trente ans en ce qui 17. — Selon l'article 34, § 1er, de la loi du
25 juin 1992, le délai de trois ans commence
à courir à dater du jour de l'événement qui
(40) M. Fontaine, op. cit., p. 316, no 490; G. Jocqué,
op. cit., p. 13, no 21. donne ouverture à l'action.
(41) M. Fontaine, op. cit., p. 316, no 490; G. Jocqué, La règle générale est conforme au principe
op. cit., p. 12, no 16, J.-L. Fagnart, « La victime face
à la presciption », op. cit., p. 243, no 96.
suivant lequel le délai de prescription ne
(42) M. Marchandise, op. cit., p. 53, no 47. peut commencer à courir avant que l'action
(43) Cass., 13 juin 2002, D.C.J., 2002, p. 369, R.W.,
2005-2006, p. 384. (45) M. Fontaine, op. cit., p. 318, no 492; L. Schuer-
(44) Cass., 9 octobre 2009, inédit, R.G. mans, op. cit., p. 730, no 999; J.-L. Fagnart, « La vic-
no C.08.0328.F. time face à la prescription », op. cit., p. 244, no 97.
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ne soit née, c'est-à-dire tant que l'obligation 18. — Outre la prise en charge de la dette de
sur laquelle se fonde l'action n'est pas deve- responsabilité, l'assureur de la responsabili-
nue exigible (46). té civile assume également la direction du
La détermination du jour de l'événement qui procès et prend en charge à ce titre, les frais
donne ouverture à l'action ne suscite géné- afférents aux actions civiles ainsi que les ho-
ralement pas de difficultés. Pour l'action en noraires et les frais des avocats et des ex-
paiement de la prime, le délai commencera perts. Jugé que l'action en paiement des
à courir à partir du moment où la prime est frais de défense se prescrit à partir de la dé-
exigible, c'est-à-dire, en principe, à la date cision judiciaire qui condamne l'assureur à
d'échéance de cette prime. Il a été jugé que prester sa garantie. La détermination du
l'action visant à réclamer le paiement de la point de départ du délai pourrait donc dé-
prime complémentaire alors que la prime pendre de la nature de la prestation récla-
initiale a été calculée sur la base de don- mée par le preneur.
nées inexactes se prescrit à par tir du
Un problème similaire existe en assurance
moment où l'assureur prend connaissance
protection juridique. Dans ce type d'assu-
de l'inexactitude (47).
rances, le risque couvert est le risque de
L'action en paiement de la prestation garan- sur venance d'un litige. C'est donc au
tie commencera assez naturellement à se moment de la survenance du litige et non
prescrire à la date de survenance du sinis- au moment de la présentation de la note
tre. Aucun problème ne se pose lorsque le d'honoraires de l'avocat que l'action devrait
sinistre prend la forme d'un événement sou- commencer à se prescrire. Encore faut-il
dain qu'on peut aisément localiser dans le tenir compte de la nature des prestations
temps (incendie, accident...). garanties. L'assureur protection juridique
L'action en paiement des indemnités par garantit à la fois des prestations en nature
l'assureur incendie donne lieu à un pro- (assistance et conseil) et des prestations
blème particulier lorsque le paiement de financières (remboursement des frais et
l'indemnité complémentaire est subor- honoraires du procès). Il nous semble que
donné à la reconstruction. En cas d'assu- les prestations en nature sont exigibles dès
rance en valeur à neuf, l'article 67, § 2, de la la survenance du litige et que l'action en
loi du 25 juin 1992 garantit en effet le paie- garantie commence à se prescrire à ce
ment d'une indemnité minimale lorsque moment là. Par contre, lorsque c'est la cou-
l'assuré ne reconstruit ou ne reconstitue verture des frais de défense qui est en
pas le bien, égale à 80% de la valeur à neuf. cause et non la prestation en nature due par
La tranche restante ne sera libérée que s'il y l'assureur, la solution qui fait courir le délai
a effectivement reconstruction ou reconsti- de prescription à partir de la présentation
tution. À partir de quand se prescrit le droit de l'état d'honoraires nous paraît justifiée
pour l'assuré d'obtenir le complément? Il (50).
nous paraît que le délai ne peut commencer Encore faut-il s'entendre en assurance, pro-
à courir qu'à partir de la reconstruction ou tection juridique sur la détermination du
du remplacement (48). moment où le litige est survenu, ce qui n'est
pas toujours aisé (51). Un litige naît
Le même principe devrait être appliqué
lorsqu'une prétention est formulée qui se
lorsqu'un dommage nouveau se révèle
après un premier dommage, lui-même cou-
vert par le contrat. Le délai de prescription (49) M. Houben, op. cit., p. 94, no 13.
(50) J.-L. Fagnart, « La victime face à la prescription »,
de l'action relative à ce dommage nouveau op. cit., p. 245, no 101. Il devrait en aller de même en
ne commencera à courir qu'après son assurance maladie en ce qui concerne le point de dé-
apparition. Michel Houben donne l'exemple part du délai de prescription de l'action par laquelle
d'un dégât des eaux suivi plus tard par l'assuré réclame le remboursement des frais de soins
de santé couverts par le contrat.
l'apparition de la mérule (49). (51) Sur cette question, voy. notamment : B. Dubuis-
son, « Risque et sinistre en assurance protection
juridique », in Aspects particuliers de l'assurance pro-
(46) G. Jocqué, op. cit., p. 15, no 28. tection juridique, éd. Ph. Colle et J.-L. Fagnart, Anvers
(47) Gand, 6 février 1997, R.W., 1999-2000, - Bruxelles, Maklu - Bruylant, 1998, pp. 33-65;
p. 1344. V. Callewaert, « L'assurance protection juridique :
(48) Contra, L. Schuermans, op. cit., p. 731, ambitions, réalités et perspectives », in La victime,
no 1003, qui estime que le droit au complément se ses droits, ses juges, Bruxelles, Larcier, 2009, pp. 45-
prescrirait à partir du refus de l'assureur. 48.
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heurte à l'opposition d'une autre partie, et mais la protection s'en trouve quand même
dont la première doit raisonnablement redoublée.
déduire l'existence d'une contestation. La
définition contractuelle du sinistre ne saurait 20. — Même lorsque le point de départ du
interférer dans cette appréciation puisqu'il délai de prescription est ainsi reporté, il reste
s'agit ici d'interpréter une disposition légale que le délai ne pourra jamais excéder cinq
impérative : celle qui fait courir le délai à ans à dater de l'événement. Le recours à la
partir de l'événement qui donne ouverture à technique du double délai se justifie certai-
l'action. nement par la volonté d'atteindre un équili-
bre entre les intérêts en présence. Il
2. — Nuance : l'ignorance légitime convient d'éviter qu'une prise de connais-
19. — L'article 34, § 1er, alinéa 2, apporte sance tardive par le créancier ne mette fina-
une nuance importante au principe général : lement le débiteur en difficulté.
« Toutefois, lorsque celui à qui appartient Selon la doctrine, qui ne s'en explique
l'action prouve qu'il n'a eu connaissance de guère, ce délai maximal de cinq ans doit
cet événement qu'à une date ultérieure, le être considéré comme un délai préfix ou de
délai ne commence à courir qu'à cette date, forclusion qui se solde par une déchéance
sans pouvoir excéder cinq ans à dater de et qui n'est donc susceptible ni d'interrup-
l'événement, le cas de fraude excepté). tion ni de suspension (52). Certains ont
dénoncé la contradiction qu'il y aurait à
Il s'agit là d'une dérogation manifeste au avantager celui qui peut se prévaloir d'une
droit commun inspirée de l'adage contra ignorance légitime, pour ensuite le priver du
non valentem agere non currit praescriptio. bénéfice de l'interruption et de la suspen-
L'objectif est clair. On a voulu venir en aide sion (53). La contradiction n'est qu'appa-
à celui qui ne prend connaissance de son rente lorsqu'on comprend le double délai
droit qu'après l'événement qui donne ouver- comme un compromis entre les intérêts
ture à l'action. Dans ce cas, à condition pour contradictoires du débiteur et du créancier.
celui qui se prévaut de cette dérogation d'en
Un arrêt de la Cour de cassation, qui sera
établir le bien-fondé, la loi reporte le point
commenté ci-dessous, jette néanmoins le
de départ du délai au moment de la con-
doute sur cette interprétation. C'est que le
naissance, mais en précisant que le délai
délai de dix ans prévu dans le cadre de
ne pourra, de toute façon, excéder cinq ans
l'action directe à l'article 34, § 2, qui pour-
à dater de l'événement, le cas de fraude
suit le même objectif et qui est formulé dans
excepté. On notera avec intérêt que la
les mêmes termes, a été qualifié par la Cour
mesure peut bénéficier autant à l'assureur
suprême de délai de prescription et non de
qu'à l'assuré. Elle n'est pas, comme c'est
délai de forclusion (voy. infra, no 42).
parfois le cas, réservée exclusivement à la
partie réputée faible. Selon la doctrine, pour qualifier un délai de
délai préfix (ou de forclusion) (54) il faudrait
Ainsi, pour l'action visant à sanctionner une considérer l'objectif poursuivi par le délai en
omission ou une inexactitude, la prescrip- question. Le délai préfix qui s'attache à
tion commencera à cour ir à par tir du l'exercice d'un droit ou d'une faculté se justi-
moment où l'assureur prend (ou aurait dû f ie pa r l'ex is te nc e d e c on sid érat io ns
prendre) connaissance de cette omission péremptoires pour lesquelles la réalisation
ou de cette inexactitude. de l'acte considéré ne pourrait être attendue
La nuance est importante. Elle est même de trop longtemps. À la différence du délai de
nature à priver le principe général d'une
bonne par t de son effectivité. On peut (52) L. Schuermans, op. cit., p. 731, no 1001;
d'ailleurs se demander si elle ne fait pas, en G. Jocqué, op. cit., p. 16, no 29; M. Houben, op. cit.,
partie, double emploi avec la cause de sus- pp. 95 et 96; M. Fontaine, op. cit., p. 319, no 494,
note 717; selon cet auteur, il aurait été préférable
pension du délai prévue par l'article 35, § 2. d'écarter la forclusion dans le cas où une action
Celui-ci prévoit en effet que la prescription aurait été intentée avant les cinq ans. J.-L. Fagnart,
ne court pas contre l'assuré, le bénéficiaire Droit privé des assurances terrestres, Diegem, Sto-
ou la personne lésée qui se trouve par force ry-Scientia, 1998, p. 131, no 207.
(53) H. Cousy, Recyclage U.C.L., p. 108.
majeure dans l'impossibilité d'agir dans les
(54) Sur cette distinction, voy. notamment
délais prescrits. Certes, l'article 34, § 1er, A. Decroës, « Les délais préfix (ou de forclusion) »,
alinéa 2, ne requiert pas la force majeure, J.T., 2007, pp. 871-874.
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paraît logique de faire courir le délai de tion est prévue dans le domaine des
prescription à partir du jour du paiement, le assurances de personnes. Dans ce cas, le
paiement étant l'événement qui donne délai court, en ce qui concerne l'action du
ouverture à l'action contre l'assureur (61). bénéficiaire, « à partir du jour où celui-ci a
connaissance à la fois de l'existence du con-
23. — Cette solution très protectrice de l'as-
trat, de sa qualité de bénéficiaire et de la sur-
suré a été critiquée, car elle contribue à al-
venance de l'événement duquel dépend
longer considérablement le laps de temps
l'exigibilité des prestations d'assurance »
pendant lequel l'assureur est exposé au ris-
(article 34, § 1er, alinéa 4). Comme la nais-
que (62). Les actions en responsabilité civile
sance du droit du bénéficiaire dans une
extracontractuelle se prescrivant désormais
assurance vie ne dépend pas d'une accep-
par vingt ans à partir du jour qui suit celui où
tation expresse de ce dernier, il se pourrait
s'est produit le fait qui a provoqué le domma-
fort bien que le bénéficiaire ignore tout de
ge (article 2262bis, § 1er, alinéa 3), l'assu-
l'existence de cette attribution. Il se peut
reur pourrait être mis en cause pendant vingt
aussi que le bénéficiaire ayant perdu de vue
trois ans à compter du fait générateur, sans
le preneur d'assurance ne sache rien du dé-
même tenir compte des causes de suspen-
cès de l'assuré.
sion et d'interruption, alors que l'action direc-
te de la personne lésée se prescrit, quant à En s'appuyant sur l'adage contra non valen-
elle, par cinq ans! La personne lésée peut tem , la loi vient donc une fois de plus au
donc aisément contourner la prescription de secours de la personne qui ignore légitime-
son action directe contre l'assureur en met- ment l'existence de son droit. Le délai ne
tant directement en cause l'assuré respon- commencera à courir que lorsque le bénéfi-
sable. Cette différence de traitement a fait ciaire aura connaissance de l'existence du
contrat, de sa qualité de bénéficiaire et de la
l'objet, nous le verrons, de deux arrêts de la
survenance de l'événement dont dépend
Cour constitutionnelle rendus sur question
l'exigibilité des prestations. Les trois condi-
préjudicielle (voy, infra, no 36).
tions sont clairement cumulatives (64).
La solution qui résulte de l'article 34, § 1er, Ce traitement de faveur est curieusement
alinéa 3, est applicable mutatis mutandis au réservé au bénéficiaire défini par la loi
recours contributoire d'un coresponsable comme la personne en faveur de laquelle
condamné in solidum avec l'assuré à répa- sont stipulées les prestations d'assurance
rer l'intégralité du dommage. Un arrêt de la (article 1er, c). On ne voit toutefois pas pour-
Cour de cassation déjà cité a en effet quoi il ne pourrait pas profiter également à
décidé, sous l'empire de la loi ancienne, l'assuré pour compte qui pourrait, lui aussi,
que la prescription de l'action récursoire de parfaitement ignorer l'existence d'un contrat
l'assuré contre l'assureur ne prend cours d'assurance souscrit pour compte de qui il
qu'à partir de la demande en justice de ce appartiendra. Une interprétation par analo-
coresponsable (63). gie pourrait se justifier, même si l'assuré
pourrait faire valoir, dans ce cas, la cause
2. — Action du bénéficiaire de suspension prévue par l'article 35, § 2.
en matière d'assurances de personnes
24. — Une autre règle particulière concer- 25. — L'alinéa 4, de l'article 34, § 1er, qui
nant le point de départ du délai de prescrip- vient d'être commenté, présente deux diffé-
rences significatives par rapport à l'alinéa 2,
qui énonce la règle générale. Tout d'abord, il
(61) Cass., 28 novembre 2008, C.R.A., 2009,
p. 111; comp. Gand, 20 mars 2008, R.G.A.R., 2009,
ne règle pas explicitement la question de la
no 14579, note M. Maréchal, qui fait courir le délai de charge de la preuve. Il n'est pas douteux ce-
prescription, dans le cas d'une indemnisation amia- pendant que, conformément à l'article 1315,
ble, à partir de la demande d'indemnisation formulée
par la personne lésée à l'encontre de l'assuré res- alinéa 1er, du Code civil, la preuve doive être
ponsable, demande qui est nécessairement anté- rapportée par le demandeur.
rieure au paiement. La date du paiement est sans
doute plus aisément localisable dans le temps. Ensuite, l'alinéa 4 ne prévoit pas de délai
(62) M. Houben, op. cit., p. 105, no 36, qui appelle à absolu de cinq ans, dans lequel serait
une révision de cette « construction monstrueuse » enfermé le délai de prescription, ce qui est
et déraisonnable.
(63) Cass., 2 décembre 1982, précité note 58; éga-
lement Cass., 3 octobre 1975, Pas., 1976, I, p. 141. (64) G. Jocqué, op. cit., p. 17, no 32.
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curieux. Une telle précision aurait probable- 27. — La jurisprudence de la Cour de cassa-
ment privé le dispositif d'une part de son tion qui s'était développée dans ce contexte
efficacité. Il n'en reste pas moins vrai que le était cependant plus nuancée que ne le lais-
droit à l'attribution bénéficiaire en devient se croire la lecture du texte légal. En cas de
presque imprescriptible, tout au moins tant paiements successifs, c'est la date de cha-
que le bénéficiaire n'a pas connaissance de que paiement qui devait être prise en consi-
son droit. dération, en sorte que chaque paiement
Aussi favorable qu'elle soit, la disposition faisait naître une action distincte soumise à
légale ne résout pas pour autant la délicate un délai propre (68). Cette solution reste ap-
question des « fonds dormants » car son plicable dans le contexte de la loi nouvelle.
application suppose précisément que le
La même solution prévaut lorsque l'assu-
bénéficiaire soit un jour informé de l'exis-
reur effectue des paiements au profit de plu-
tence du contrat. Or, jusqu'il y a peu, il
sieurs personnes lésées. Le paiement
n'existait guère de moyens pour ce faire,
effectué à l'une d'elles n'a aucune incidence
dès lors que l'assureur n'avait pas l'obliga-
sur le point de départ du délai afférent à un
tion légale de rechercher le bénéficiaire une
paiement effectué au bénéfice d'une autre
fois le risque réalisé. La loi-programme du
(69). En effet, le paiement fait à une autre
24 juillet 2008 portant des dispositions
victime que celle dont l'indemnisation justi-
diverses apporte désormais une réponse à
fie l'action récursoire ne saurait faire courir
ce problème puisqu'elle met en place un
le délai de prescription de cette action (70).
système de recherche et d'informations sur
les contrats d'assurances dormants (65). Lorsque le paiement a été effectué par
l'assureur avant même que son obligation
3. — Action récursoire de l'assureur d'indemniser la personne lésée soit recon-
contre son propre assuré nue, la Cour suprême a plusieurs fois
décidé que le délai ne pouvait commencer à
26. — L'action par laquelle l'assureur récla- courir qu'après qu'il fut établi que l'assureur
me à son propre assuré le remboursement était légalement tenu d'indemniser la per-
de tout ou partie de l'indemnité payée à la sonne lésée, c'est-à-dire lorsque la décision
personne lésée alors qu'il disposait d'une statuant sur les responsabilités est passée
exception qui lui aurait permis de refuser sa en force de chose jugée (71).
garantie est, on l'a dit, une action qui dérive
Une décision de justice n'est toutefois pas
du contrat. L'article 34, § 3, précise que
indispensable. L'établissement de la res-
cette action se prescrit par trois ans à comp-
ponsabilité de l'assuré pourrait aussi bien
ter du jour du paiement par l'assureur, le cas
résulter d'un accord amiable, cet accord
de fraude excepté. valant reconnaissance de dette entre les
La règle est logique, car, à défaut de pou- parties concernées.
voir déterminer l'objet et le montant du rem-
Savoir si cette condition demeure, alors que
boursement, l'assureur se trouve dans
le texte de l'article 34, § 3, n'y fait aucune-
l'impossibilité d'agir tant que la personne
lésée n'a pas été indemnisée. Le point de
départ du délai est donc fixé au jour du (67) Cass., 20 novembre 1970, Arr. cass., 1971,
paiement et non au jour du manquement p. 261.
qui sert de base à l'action (66). Cette solu- (68) Cass., 13 janvier 1983, Pas., 1983, I, p. 572,
J.T., 1983, p. 412; Cass., 29 mai 1986, Pas., 1986, I,
tion était déjà admise par la Cour de cassa- 1202, J.T., 1987, p. 256; Cass., 10 janvier 1992,
tion en matière d'assurance automobile, R.W., 1991-1992, p. 1325; Cass., 14 mai 1998, Bull.
domaine où l'action récursoire a suscité une ass., 1999, p. 611; voy. J.-F. van Drooghenbroeck,
jurisprudence particulièrement abondante « La prescription de l'action récursoire à l'aune de la
loi du 25 juin 1992 », note sous Mons, 3 novembre
(67). 1994, R.G.A.R., 1996, no 12640.
(69) Mons, 3 novembre 1994, R.G.A.R., 1996,
no 12640.
(65) Pour un commentaire de cette loi, voy. C. Devoet, (70) Cass., 17 octobre 1974, Arr. cass., 1975,
« Les contrats dormants », R.G.A.R., 2010, no 14638. p. 234.
(66) Ce n'est pas la date de la quittance qui doit être (71) Cass., 26 février 2007, J.L.M.B., 2008, p. 957,
prise en compte, mais bien celle du paiement effectif, obs. J. Tinant; Cass., 30 septembre 1982, R.W.,
c'est-à-dire la date à laquelle la somme passe du pa- 1982-1983, p. 2471, Pas., 1983, I, p. 147; Cass.,
trimoine de l'assureur à celui de la victime. Civ. Turn- 9 novembre 1972, Pas., 1973, I, p. 235; Cass.,
hout, 25 avril 2003, R.W., 2005-2006, p. 231. 9 novembre 1973, Pas., 1974, I, p. 276.
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ment mention, fait l'objet de controverses en tranchée par la Cour de cassation sous
doctrine (72). Selon Michel Houben, la l'empire de la loi de 1874 laquelle, pour rap-
question ne présente d'intérêt que si l'assu- pel, ne contenait aucune disposition spécifi-
reur indemnise immédiatement la personne quement consacrée au point de départ du
lésée et il ne voit pas pourquoi, dans ce délai de prescription de l'action récursoire
contexte, on ne pourrait faire courir immé- de l'assureur. Dans la mesure où elle cons-
diatement le délai de prescription de l'action titue une condition de fond de l'action récur-
récursoire. Il en irait ainsi même si l'assu- soire, l'assureur devra certes établir la res-
reur qui garde la direction du procès fait fi ponsabilité de son assuré, mais rien ne
de l'opposition de son assuré et indemnise s'oppose à ce que ce débat se tienne
d'initiative la personne lésée. Dans ce cas, devant le juge saisi de l'action récursoire.
cet auteur observe que la victime n'assi- L'article 34, § 3, réserve enfin le cas de
gnera ni l'assureur ni l'assuré, puisqu'elle fraude. La réserve de la fraude vise sans
est remplie de ses droits. L'assureur pour- doute le compor tement de l'assuré qui
rait donc exercer immédiatement son action aurait caché à son assureur le manquement
récursoire, mais il devra établir, dans ce justifiant le recours. Le délai commencerait
contexte, le bien-fondé de sa demande et alors à courir à dater de la découverte par
l'assuré pourra alors contester à la fois sa l'assureur des éléments justifiant son action
responsabilité et le montant de l'indemnité. (75).
Une doctrine majoritaire estime, par contre,
que l'assureur ne pourrait agir en rembour- 5. — Calcul du délai
sement s'il n'est pas établi à suffisance qu'il
était contraint d'indemniser la personne 28. — Comme la loi du 25 juin 1992 ne dit
lésée en vertu de la loi. La condition serait rien à propos de la computation du délai, il y
comprise implicitement dans le texte, car on a lieu d'appliquer ici les règles du droit com-
ne comprendrait pas que l'action com- mun. Selon l'article 2260 du Code civil, le
mence à se prescrire tant que le droit de délai se compte en années, en mois et en
recours n'est pas établi (73). La jurispru- jours, sans égard aux heures.
dence est également partagée à ce propos
Le dies a quo n'est pas compté, alors que le
(74).
dies ad quem fait partie du délai. La pres-
La première solution a notre préférence. cription est donc acquise le dernier jour à
Comme l'indique Michel Houben, la victime minuit (76).
étant par hypothèse indemnisée lorsque
Le délai n'est pas prolongé quand le délai
l'assureur entend exercer une action récur-
tombe un dimanche ou un jour férié.
soire, rien ne justifie d'attendre une décision
sur les responsabilités pour faire courir le
délai de prescription attaché à cette action. Section 3. — ACTION DIRECTE
Cette interprétation est d'ailleurs implicite- DE LA VICTIME
ment confirmée par la loi du 25 juin 1992
qui ne fait aucune référence à la situation 1. — Délai
29. — En vertu de l'article 86 de la loi du
(72) M. Houben, estime qu'il y a lieu de l'abandonner 25 juin 1992, toute personne lésée dispose
d'autant qu'elle repose sur une mauvaise interpréta-
tion de la doctrine citée à l'appui de cette solution. d'une action directe contre l'assureur qui
Celle-ci se prononçait à un moment où il n'existait couvre la responsabilité de l'auteur de son
pas encore d'action directe et visait par conséquent dommage.
l'action en garantie de l'assuré. M. Houben, op. cit.,
p. 109, no 43. Le délai de prescription attaché à cette
(73) G. Jocqué, op. cit., p. 23, nos 46 et 47; L. action directe est déterminé par l'article 34,
Schuermans, op. cit., p. 734, no 1007; M. Fontaine,
op. cit., p. 321, no 497; E. Brewaeys et I. Baele, op. § 2, de la même loi (77). Celui-ci dispose
cit., pp. 29 et 30; J.-F. van Drooghenbeoeck, op. cit.,
R.G.A.R., 1996, no 12640; J.-L. Fagnart, « La victi-
me face à la prescription », op. cit., p. 247, no 105; (75) G. Jocqué, op. cit., p. 23, no 45; M. Fontaine,
Ph. Colle, Algemene beginselen van het Belgisch op. cit., p. 321, no 497, note 723.
verzekeringsrecht, 4e éd., Anvers, Intersentia, 2006, (76) M. Marchandise, op. cit., p. 112, no 110. On ad-
p. 194, nos 259 et 260. met en effet que l'article 52 du Code judiciaire est ap-
(74) Pol. Bruges, 25 mai 2000, D.C.J., 2001, p. 54.; plicable aux délais de prescription.
Pol. Charleroi, 23 septembre 2003, R.G.A.R., (77) Pour une analyse des difficultés liées à l'appli-
no 14006. cation dans le temps de cette disposition, voy.
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que « sous réserve de dispositions légales s'applique également à l'action que détient
particulières, l'action résultant du droit pro- tout usager faible de la route sur le fonde-
pre que la personne lésée possède contre ment de l'ar ticle 29bis de la loi du
l'assureur en vertu de l'article 86 se prescrit 21 novembre 1989 (80) relative à l'assu-
par cinq ans à compter du fait générateur rance obligatoire de la responsabilité en
du dommage ou, s'il y a infraction pénale à matière de véhicules automoteurs (81). La
compter du jour où celle-ci a été Cour de cassation vient de le confirmer
commise ». Un second alinéa précise toute- explicitement (82).
fois que « lorsque la personne lésée prouve
qu'elle n'a eu connaissance de son droit 31. — La question se pose en revanche de
envers l'assureur qu'à une date ultérieure, savoir si le délai de prescription prévu par
le délai ne commence à courir qu'à cette l'article 34, § 2, s'applique ou non aux ac-
date, sans pouvoir excéder dix ans à comp- tions visées par l'article 68 de la loi, lequel
ter du fait générateur du dommage ou, s'il y confère un droit propre au propriétaire du
a infraction pénale, du jour où celle-ci a été bien loué contre l'assureur qui couvre la res-
commise ». ponsabilité du locataire ainsi qu'aux voisins
contre l'assureur de la responsabilité du pro-
2. — Domaine d'application priétaire ou du locataire.
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tuée par l'article 68 est également soumise directe soumise au délai quinquennal prévu
au délai de prescription de l'article 34, § 2 par l'article 34, § 2? On sait que ce mécanis-
(85). me permet aux créanciers de déplacer leurs
Cette solution doit être approuvée. La réfé- droits sur le montant de l'indemnité au cas
rence qu'opère l'article 34, § 2, de la loi à où l'assuré ne reconstruirait pas. Il trouvait
l'article 86 procède en effet de la simple autrefois sa source dans l'article 10 de la loi
volonté du législateur d'éviter toute confu- hypothécaire et s'expliquait par le mécanis-
sion avec le droit que détient un bénéficiaire me de la subrogation réelle, l'indemnité ve-
à l'égard d'un assureur vie. On lit ainsi dans nant tout simplement prendre la place du
les travaux préparatoires de la loi du 25 juin bien. De l'avis général, l'action des créan-
1992 que le ministre chargé des affaires ciers était donc soumise au délai triennal.
économiques considère que « le Dans le domaine des assurances terrestres,
paragraphe 2 (de l'article 34) ne s'applique le législateur a remplacé cette disposition de
qu'aux assurances de la responsabilité et la loi hypothécaire par l'article 58 sans préci-
qu'il ne s'applique donc pas au cas d'assu- ser la nature du mécanisme ainsi mis en pla-
rance vie (...). Le principe du droit propre de ce. En assurance incendie, l'article 66
la personne lésée est emprunté à assortit le droit des créanciers d'un régime
l'article 86 du projet. (...) la personne lésée d'inopposabilité des exceptions qui fait dé-
est toujours un tiers. C'est l'action de cette sormais plus penser à l'action directe qu'à la
personne qui est régie par le subrogation réelle. Elle devrait donc être
paragraphe 2 » (86). Les actions visées par soumise au délai applicable à l'action directe
l'ar ticle 68 de la loi ne constituent par (88).
ailleurs qu'un cas d'application du principe
général énoncé par l'article 86. La seule ori-
ginalité de l'article 68 réside en effet dans 3. — Justification du délai
l'attribution d'un droit propre et direct au pro- 33. — Le choix d'un délai de cinq ans témoi-
priétaire bailleur contre l'assureur de la res- gne de la volonté du législateur de 1992
ponsabilité du sous-locataire. Il est donc d'aligner le délai de prescription de l'action
parfaitement logique que la Cour de cassa- directe sur le délai qui assortit le plus sou-
tion ait conclu à l'application de l'article 34,
vent l'action dont la victime dispose contre le
§ 2 (87).
responsable.
32. — L'action des créanciers privilégiés et L'harmonie entre ces deux délais est toute-
hypothécaires en paiement de l'indemnité fois loin d'être parfaite.
contre l'assureur de chose de l'emprunteur Un sérieux tempérament a en effet été intro-
peut-elle être considérée comme une action duit d'entrée de jeu en ce qui concerne le
point de départ du délai. Lorsque la per-
sonne lésée prouve qu'elle n'a eu connais-
sitoire soulevée par l'entrée en vigueur de la loi du
25 juin 1992 en décidant que pour les sinistres anté- sance de son droit envers l'assureur qu'à
rieure à l'entrée en vigueur des articles 68 et 34, § 2, une date ultérieure au jour du fait généra-
de la loi sur le contrat d'assurance terrestre, pour teur ou de la commission de l'infraction, le
autant que l'action en question n'était pas encore
prescrite suivant l'ancienne loi, le nouveau délai de second alinéa de l'article 34, § 2, précise
prescription de l'article 34, § 2, ne commence à cou- effectivement que le délai ne commence à
rir qu'à partir de la date de cette entrée en vigueur, courir qu'à cette date, sans pouvoir excéder
soit à partir du 21 septembre 1992, de sorte que la dix ans à compter du fait générateur du
prescription de ces actions ne peut intervenir an plus
tôt que le 21 septembre 1997. dommage ou, s'il y a infraction pénale, au
(85) Pour une application récente, bien qu'antérieure jour où celle-ci a été commise.
à l'arrêt de la Cour de cassation précité, voy. : Gand,
23 octobre 2008, R.G.A.R., 2009, no 14569, note 34. — La Cour de cassation et la Cour d'ar-
E. Jacques. bitrage tout d'abord, le législateur ensuite,
(86) Rapport commission, Ch., discussion des arti-
cles, pp. 53-55, cité par H. Cousy et G. Schoorens, ont également contribué à anéantir l'aligne-
« La nouvelle loi sur le contrat d'assurance terrestre ment recherché.
- Travaux préparatoires de la loi du 25 juin 1992 et de
la loi modificative du 16 mars 1994 », Kluwer, Par un arrêt du 13 janvier 1994 (89), la Cour
Diegem, 1994, p. 160. de cassation a en effet décidé que bien que
(87) Dans un sens comparable : G. Jocqué,
« Verjaring en verzekering », Bull. ass., 2006,
no 354, p. 19, no 36. (88) Contra, G. Jocqué, op. cit., p. 13, no 20.
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le délit de coups et blessures involontaires de celui qui prévaut pour les actions en
soit une infraction instantanée, la prescrip- réparation d'un dommage fondé sur une
tion ne prend cours qu'à partir de l'appari- responsabilité contractuelle. Alors que les
tion du dommage, l'infraction n'existant qu'à actions fondées sur une responsabilité con-
ce moment. Appliquée dans le contexte de t ra c tu e l le s e p r e s c r i ven t pa r d i x an s
l'assurance de la responsabilité, cette solu- (article 2262bis, alinéa 1er, Code civil), cel-
tion a pour conséquence que le délai de dix les qui mettent en cause une responsabilité
ans visé par l'article 34, § 2, de la loi du extracontractuelle — qu'elles résultent ou
25 juin 1992 ne commence effectivement à non d'une infraction pénale — se prescri-
courir qu'au jour de l'apparition du dom- vent en effet par cinq ans. Ce dernier délai
mage résultant de l'infraction pénale. Si ce ne commence toutefois à courir que le jour
dommage tarde à se révéler, la victime peut qui suit celui où la personne lésée a eu con-
donc disposer d'un délai de prescription naissance du dommage ou de son aggrava-
d'une durée bien supérieure à la période de tion et de l'identité de la personne respon-
dix ans à compter du fait générateur, ce qui sable. L'article 2262bis, § 1er, alinéa 3, du
enlève une bonne partie de sa cohérence à Code civil précise en outre que ces actions
l'article 34, § 2 (90). « se prescrivent en tout cas par vingt ans à
Par un arrêt du 21 mars 1995, la Cour partir du jour qui suit celui où s'est produit le
d'arbitrage (aujourd'hui Cour constitution- fait qui a provoqué le dommage » (92).
nelle) a ensuite déclaré l'inconstitutionnalité
35. — Cet article 2262bis nouveau du Code
de l'article 26 du titre préliminaire du Code
de procédure pénale. Cette disposition civil est donc à la source d'une nette discor-
créait en effet une différence de traitement dance entre les délais de prescription appli-
difficilement justifiable entre les victimes cables à l'action en responsabilité
d'une faute civile ne trouvant pas sa source extracontractuelle que détient la victime
dans une infraction pénale, lesquelles dis- contre l'auteur de son dommage, d'une part,
posaient d'un droit d'action pendant trente et à l'action directe contre l'assureur qui ga-
ans (ancien article 2262 du Code civil), et rantit cette responsabilité, d'autre part. Dé-
les victimes dont le dommage était causé sormais, la victime dispose en effet d'un
par un compor tement constitutif d'une délai de vingt ans à compter du fait généra-
infraction, qui devaient agir dans les cinq teur du dommage pour agir contre le respon-
ans (ancien article 26 du Code d'instruction sable, pour autant qu'elle introduise son
criminelle). action dans les cinq ans à compter du jour
À la suite de cet arrêt, le législateur a été où elle a eu connaissance du dommage et
amené à supprimer la discrimination épin- de l'identité de celui-ci. Le délai de prescrip-
glée par la Cour d'arbitrage. Il en a par tion applicable à l'action en responsabilité
ailleurs profité pour modifier substantielle- est donc beaucoup plus favorable à la victi-
ment le droit commun de la prescription des me que le délai applicable à l'action directe.
actions en réparation d'un dommage fondé
Sous l'empire de la législation ancienne, la
sur une responsabilité contractuelle ou
situation était souvent inverse. Il n'était pas
extracontractuelle.
rare que l'action en responsabilité fût pres-
Depuis l'entrée en vigueur de la loi du crite avant l'action directe. Dans ces cir-
10 juin 1998 (91), l'action fondée sur une constances, la Cour de justice Benelux et la
responsabilité extracontractuelle est ainsi Cour de cassation estimaient que la per-
soumise à un délai de prescription différent sonne lésée n'était pas déchue de son
action directe non encore prescrite du fait
(89) Cass., 1re ch., 13 janvier 1994, J.T., 1994, que son action civile contre le responsable
p. 291, note R.O. Dalcq, R.C.J.B., 1995, p. 421, note était prescrite en application de l'article 26
J.-L. Fagnart.
(90) J. Tinant, « Délais et prescriptions en droit des
assurances », in Les prescriptions et les délais, éd. (92) Pour une présentation complète du nouveau ré-
Jeune barreau de Liège, 2007, p. 99; H. de Rode, gime, voy. notamment : M. Marchandise, « La pres-
« Les assurances de responsabilité », in Responsa- cription libératoire en matière civile », Les dossiers
bilités - Traité théorique, et pratique, titre VII, du J.T., Bruxelles, Larcier, 2007, pp. 56 et s., nos49
livre 70bis, Kluwer, Bruxelles, 2005, p. 34, no 150. et s.; A. Jacobs, « Prescription de l'action civile née
(91) Loi du 10 juin 1998 modifiant certaines disposi- d'une infraction - La loi nouvelle est arrivée! », obs.
tions en matière de prescription, M.B., 17 juillet sous Civ. Namur, 2e ch., 21 avril 1998, J.L.M.B.,
1998, p. 23744. 1998, p. 1310).
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mément à l'article 21 du titre préliminaire du time d'un sinistre le 22 janvier 1991 pour lui
Code de procédure pénale, la prescription signaler qu'il avait été consulté par cet assu-
commencera donc à courir dès que l'infrac- reur et ses coassureurs, mais sans préciser
tion est consommée, c'est-à-dire que tous l'identité de ces derniers. Ce n'est qu'en
ses éléments constitutifs sont réunis (104). 1997, à la suite d'un jugement interlocutoire
On se rappellera toutefois que par son arrêt ordonnant la production de la police d'assu-
du 13 janvier 1994, la Cour de cassation a rance litigeuse que la victime put effective-
admis que bien que le délit de coups et ment prendre connaissance de l'identité des
blessures involontaires soit une infraction différents coassureurs. Confronté à l'argu-
instantanée, la prescription ne prend cours ment de la prescription de son action
qu'à partir de l'apparition du dommage, directe, la victime fit valoir que ce n'est
l'infraction n'existant qu'à ce moment (105). qu'en 1997 qu'elle avait pu avoir connais-
sance de l'identité de ses débiteurs.
39. — Soucieux des intérêts de la victime, le
législateur de 1992 a toutefois prévu que le La Cour de cassation a fait droit à cette
argumentation. Aux termes de son arrêt
délai de cinq ans ne peut commencer à cou-
précité, elle décide en effet que « la per-
rir tant que la victime ignore être titulaire d'un
sonne lésée a connaissance de son droit
droit envers l'assureur. Le second alinéa de
envers l'assureur au sens de (l'article 34,
l'article 34, § 2, précise en effet que § 2, alinéa 2, de la loi du 25 juin 1992) si
« lorsque la personne lésée prouve qu'elle elle a connaissance non seulement du fait
n'a eu connaissance de son droit envers que la personne responsable est assurée,
l'assureur qu'à une date ultérieure (à celle vi- mais aussi de l'identité de l'assureur ». Elle
sée par l'alinéa 1er), le délai ne commence à ajoute que « la personne lésée satisfait à la
courir qu'à cette date, sans pouvoir excéder charge de la preuve qui lui est imposée par
dix ans à compter du fait générateur du dom- ladite disposition lorsqu'elle prouve qu'elle
mage ou, s'il y a infraction pénale, du jour où n'a eu connaissance de l'identité de l'assu-
celle-ci a été commise. reur qu'à un moment ultérieur ».
Le délai de prescription de cinq ans peut Lorsque la victime a uniquement connais-
donc être qualifié de délai « glissant », en sance du fait que le responsable de son
ce sens que son point de départ peut varier dommage bénéficie d'une couver ture
dans le temps en fonction de la connais- d'assurance, mais qu'elle ne connaît pas
sance par la victime de son droit envers l'identité de cet assureur, la prescription ne
l'assureur. commence donc à courir qu'au jour où
Toute la question est évidemment de savoir celle-ci découvre cette identité. C'est à juste
à partir de quand il faut considérer que la titre, par conséquent, que la cour d'appel de
victime a effectivement « connaissance » Liège a décidé que le fait que le conseil
de ce droit envers l'assureur. d'une victime avait connaissance de l'exis-
tence d'une compagnie d'assurances cou-
40. — La Cour de cassation a rendu à cet vrant la responsabilité de l'auteur de son
égard un arrêt particulièrement intéressant dommage ne suffit pas à faire courir le délai
le 16 février 2007 (106). de prescription, dès lors « qu'étaient dissi-
mulées les coordonnées de l'assureur que
En l'espèce, le conseil d'un assureur cou- (...) le conseil de l'architecte refusait de
vrant les risques locatifs avait écrit à la vic- fournir » (107). C'est également à bon droit
que le tribunal de première instance de
(104) Sur cette disposition et ses cas d'application Namur a jugé que la personne lésée qui
en fonction du type d'infraction en cause (instanta- établit que ce n'est que le 13 avril 2006
née, continue, d'habitude, collective et le concours qu'elle a eu l'autorisation de prendre con-
d'infractions), voy. : M. Franchimont, A. Jacobs et
A. Masset, Manuel de procédure pénale, 3e éd., coll.
naissance et copie du dossier répressif
de la Faculté de droit de l'Université de Liège, constitué ensuite d'un accident survenu le
Bruxelles, Larcier, 2009, pp. 118-121. 24 octobre 2000 et que ce n'est qu'à ce
(105) Cass., 1re ch., 13 janvier 1994, J.T., 1994, moment qu'elle a pu se rendre compte des
p. 291, note R.O. Dalcq, R.C.J.B., 1995, p. 421, note circonstances dans lesquelles se sont
J.-L. Fagnart.
(106) Cass., 1re ch., 16 février 2007, R.G.
no C.03.0572.N/4, R.D.C., 2007, p. 794, N.j.W.,
2007, p. 267, note G. Jocqué, C.R.A., 2007, p. 224, (107) Liège, 20e ch., 20 juillet 2007, J.L.M.B., 2008,
note J. Muyldermans. p. 976.
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déroulés les faits, de même que des élé- Prenant le contre-pied de la doctrine, la
ments de nature à identifier le « respon- Cour de cassation a opté pour la première
sable », démontre valablement qu'elle n'a interprétation. Par un arrêt du 7 octobre
eu connaissance de son droit envers l'assu- 2005, elle a en effet décidé que l'existence
reur qu'à une date ultérieure (108). de la limite de dix ans énoncée par
l'article 34, § 2, alinéa 2, de la loi sur le con-
41. — Il reste évidemment à se demander si trat d'assurance terrestre « n'a pas pour
la victime peut attendre que l'identité de l'as- effet de transformer ce délai de forclusion
sureur soit portée à sa connaissance ou si en un délai non susceptible d'être inter-
elle est, au contraire, tenue à un certain de- rompu ou suspendu » (111).
voir d'investigation. La Cour a confirmé sa jurisprudence par un
La lecture du rapport annuel de la Cour de arrêt du 6 avril 2006 (112). Elle y énonce
cassation de 2007 semble plutôt privilégier même explicitement que le délai décennal
cette seconde voie. Au moment de com- est un délai de prescription susceptible
menter la solution retenue par son arrêt du d'interruption et de suspension.
16 février 2007, la Cour y précise en effet Ces deux arrêts mettent sans doute un
que « cette interprétation de l'article 34, § 2, terme à toute discussion à propos de la
alinéa 2, de la loi du 25 juin 1992 tend à nature du délai examiné. L'on peut cepen-
protéger la personne lésée contre un assu- dant regretter que la cour procède par affir-
reur qui ne veut pas révéler son identité ou mation plutôt que par démonstration. Il est
celle de ses coassureurs » (109). Il est vrai également permis de se demander quel est
que dans l'affaire ayant abouti au prononcé encore l'objectif assigné à ce délai de dix
de cet arrêt, la mauvaise volonté des assu- ans dès l'instant où il peut lui-même faire
reurs était évidente puisqu'il avait fallu le l'objet d'une suspension ou d'une interrup-
prononcé d'un jugement ordonnant la pro- tion. En lui déniant la nature de forclusion et
duction de la police pour que la victime en le plaçant sur le même pied que le délai
puisse avoir connaissance de l'identité des « glissant » de cinq ans, la Cour de cassa-
coassureurs. tion paraît en tout cas mettre à mal l'équili-
Cette solution nous paraît raisonnable. bre entre les intérêts divergents de l'assu-
Comme le souligne M. M. Marchandise, il reur et de la personne lésée que le double
serait en effet contraire à l'équilibre des inté- délai institué par l'article 34, § 2, était censé
rêts en présence que la victime puisse se établir.
contenter passivement d'affirmer son igno-
rance sans se préoccuper de rien (110). Ce
n'est cependant que si la passivité de la vic- Section 4. —
time est effectivement condamnable qu'il CAUSES D'INTERRUPTION
doit à notre avis être sanctionné par la pres- ET DE SUSPENSION
cription. Tel ne serait assurément pas le
cas, selon nous, si le responsable ou son 43. — L'article 35 de la loi du 25 juin 1992
conseil ne réagissait pas à la demande de consacre ses deux premiers paragraphes
la victime d'obtenir les coordonnées de aux causes de suspension et les trois sui-
l'assureur. vants aux causes d'interruption. L'évolution
est notable dès lors que l'ancienne loi du
42. — Quelle est la nature du délai de dix 11 juin 1874 ne comportait aucune mention
ans endéans lequel, selon l'article 34, § 2, particulière à ce sujet et qu'on se contentait
alinéa 2, la victime doit en tout état de cause d'appliquer le droit commun.
exercer son action directe? S'agit-il d'un dé-
lai susceptible de faire l'objet d'une suspen-
sion ou d'une interruption ou, au contraire,
d'un véritable délai de forclusion?
(111) Cass., 7 octobre 2005, Pas., 2005, p. 490,
R.D.C., 2006, p. 752, note C. Van Schoubroeck,
Bull. ass., 2007, p. 33, note Ph. Fontaine, J.T., 2006,
(108) Civ. Namur, 2e ch. bis, 23 janvier 2009, p. 187, C.R.A., 2006, p. 529, N.j.W., 2006, p. 74,
R.G.A.R., 2009, no 14580, note V. Callewaert. note G. Jocqué.
(109) Rapport de la Cour de cassation, 2007, p. 49. (112) Cass., 1re ch., 6 avril 2006, R.G.A.R., 2007,
(110) M. Marchandise, op. cit., pp. 63-64, no 54. no 14319, R.D.C., 2006, p. 760.
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expliquait ainsi : « Le législateur a voulu Les faits de la cause étaient les suivants :
(...), par l'article 10 de la loi, éviter que lors du décès de leur père, survenu le
l'assureur ne soit exposé à des actions de la 20 mai 1986, cinq enfants italiens âgés de
part de la personne lésée longtemps après trois à onze ans et donc mineurs à ce
que l'événement s'est produit; ce but est moment, avaient bénéficié chacun d'un
étranger à la capacité juridique des parties; capital résultant d'un contrat d'assurance
il ne serait pas atteint s'il était loisible à la vie souscrit directement à leur profit par leur
personne lésée ou à ses ayants droit d'intro- père. Sur le fondement de l'ar ticle 3,
duire une action, résultant du droit propre alinéa 3, du Code civil belge, alors en
qu'elle possède contre l'assureur, de nom- vigueur, la législation italienne était appelée
breuses années après que le fait généra- à régir toutes les questions liées à l'autorité
teur du dommage s'est produit ». parentale et à l'administration des biens des
enfants. En raison de l'état de minorité des
Cette justification n'a apparemment pas
enfants, les capitaux furent donc versés à
convaincu le législateur de 1992 qui n'a pas
leur mère, et ce en dépit de l'article 320,
jugé bon de s'en expliquer dans les travaux
alinéa 4, du Code civil italien régissant le
préparatoires (sur la question de droit tran-
statut personnel des enfants, selon lequel
sitoire que cette innovation implique voy.
les capitaux ne pouvaient être perçus sans
supra , n o 7). Il faut y voir sans doute le
l'autorisation du juge tutélaire. La mère
souci de protéger la personne lésée dans
ouvrit alors des livrets d'épargne au nom de
les assurances de responsabilité civile, les
chacun d'eux sur lesquels elle déposa cet
intérêts de cette dernière passant désor-
argent, mais en moins d'un an tous ces
mais avant ceux de l'assureur (116). Si tel
comptes furent vidés. En 1996 et 1997, soit
est bien le cas, on ne voit cependant pas
environ dix ans après le décès de leur père,
pourquoi cette faveur ne pourrait pas profi-
deux des filles de M. Stagno engagèrent
ter aussi aux assurés et aux bénéficiaires
une action à l’encontre de leur mère et de la
dans le cadre de l'exercice d'une action
compagnie d'assurances. Au cours de la
dérivant du contrat.
procédure, elles renoncèrent toutefois à
l'action contre leur mère, ayant passé un
3. — L'arrêt de la Cour européenne accord avec celle-ci par lequel elle s'enga-
des droits de l'homme du 7 juillet 2009 geait à leur verser un tiers des sommes leur
47. — Un arrêt récent de la Cour européen- revenant.
ne de Strasbourg, rendu le 7 juillet 2009 En première instance et en appel, la
dans l'affaire Stagno c. Belgique, est peut- demande fut jugée irrecevable contre la
être de nature à remettre en cause la perti- compagnie au motif que la prescription
nence des solutions présentées ci-dessus après trois ans de toute action dérivant
en matière de suspension des délais de d'une police d'assurance devait s'appliquer,
prescription pour cause d'incapacité. celle-ci n'étant pas suspendue pendant la
minorité des enfants. La solution est fondée
Après avoir constaté que l'application rigide sur l'ancien article 32 de la loi du 11 juin
du délai de prescription de trois ans applica- 1874 applicable au moment du décès (117)
ble aux actions dérivant du contrat d'assu- et sur une jurisprudence constante de la
rance avait empêché deux personnes Cour de cassation estimant que le délai de
mineures au moment des faits de faire trois ans cour t contre les mineurs par
usage d'un recours qui leur était en principe exception à la règle générale préconisée
ouvert, la Cour conclut que la limitation de par le Code civil (118).
leur droit d'accès à un tribunal résultant de
ce que la loi ne prévoit pas la suspension du
(117) La solution se justifie au regard des règles de
délai durant la minorité est disproportionnée droit transitoire, puisque la loi du 25 juin 1992, dans
par rapport au but visant à garantir la sécu- ses dispositions relatives à la prescription, n'est en-
rité juridique et la bonne administration de trée en vigueur que le 21 septembre 1992 (arrêté
royal du 24 août 1992 fixant la date d'entrée en vi-
la justice, et ce en violation de l'article 6, gueur des dispositions de la loi du 25 juin 1992 sur le
§ 1er, de la Convention. contrat d'assurance terrestre, article 1er), c'est-à-dire
à un moment où l'action des bénéficiaires en vue de
réclamer le paiement du capital était déjà prescrite
en vertu de la loi ancienne.
(116) Voy. la critique de M. Houben, op. cit., p. 98, (118) Cass., 21 avril 1961, Pas., 1961, I, p. 896;
no 22. Cass., 1er juin 1995, R.W., 1995-1996, p. 19. Voy.
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Par un arrêt du 30 juin 2006, la Cour de majorité atteinte, leur action contre cette
cassation rejette le pourvoi introduit contre compagnie était prescrite.
l'arrêt de la cour d'appel en rappelant sa
L'application rigide du délai de prescription
jurisprudence traditionnelle fondée sur
de trois ans applicable aux actions dérivant
l'analyse des objectifs poursuivis par le
du contrat d'assurance a donc empêché ces
législateur de 1874 (119). Elle considère à
deux personnes mineures au moment des
nouveau qu'il ressort des travaux prépara-
faits de faire usage d'un recours qui leur
toires de la loi du 11 juin 1874 que le légis-
était en principe ouvert. Elle conclut que
lateur a voulu, par l'article 32 de cette loi,
cette limitation à leur droit d'accès à un tri-
établir une prescription réduite afin de parer
bunal est disproportionnée par rapport au
à la disparition des preuves et des moyens
but poursuivi par la prescription qui vise à
de vérification, et que ce but était étranger à
garantir la sécurité juridique et la bonne
la capacité juridique des parties : « ce but
administration de la justice, en violation de
ne serait pas atteint s'il était loisible à
l'article 6, § 1er, de la Convention.
l'assuré ou à ses ayants droit d'introduire
une action dérivant de la police d'assurance La Cour reconnaît certes que, conformé-
de nombreuses années après l'événement ment à l'article 379, alinéa 1 er , du Code
ayant donné ouverture à cette action ». La civil, leur mère était comptable de l'adminis-
loi italienne prévoyant en cas de conflit tration des biens des enfants mineurs, de
d'intérêt entre le mineur et le parent exer- sorte que le recours en reddition de compte
çant à titre exclusif la puissance parentale, de tutelle engagé par les enfants ayant
la possibilité de nommer un curateur spé- atteint l'âge de la majorité aurait permis
cial, la Cour estima qu'il n'y avait pas d'obtenir une réparation en principe inté-
d'impossibilité pour les mineurs d'exercer grale du dommage subi, mais elle estime
cette action par suite d'un empêchement que ce n'est pas de cette action là qu'il
légal. s'agit, mais bien de celle introduite contre
l'assureur. Le fait que les requérantes aient
Les deux sœurs faisaient pourtant valoir introduit une action contre leur mère, puis
que l'on ne pouvait précisément leur repro- décidé de ne plus la poursuivre, n'a donc
cher de ne pas avoir pris l'initiative de pas d'incidence sur le droit d'obtenir une
demander la nomination d'un curateur spé- décision sur le fond de la demande dirigée
cial, alors qu'elles étaient âgées de dix et contre l'assureur, la responsabilité de la
neuf ans. Elles s'étaient, selon elles, retrou- compagnie étant qualifiée de primaire et
vées dans une situation de fait, dont elles celle de la mère d'accessoire. C'est précisé-
n'étaient nullement responsables, et où ment à cet endroit que réside la faiblesse de
aucun représentant légal n'avait été en l'arrêt, car on ne voit pas très bien ce qui
mesure de faire valoir leurs droits. justifie cette dissociation entre les deux
La Cour européenne de Strasbourg va se actions.
montrer sensible à cet argument. Tout en Quelle leçon peut-on en tirer au regard de la
rappelant que les délais de prescription loi du 25 juin 1992? On sait que celle-ci
poursuivent un but légitime de sécurité juri- maintient la solution selon laquelle la pres-
dique en fixant un terme aux actions, en cription des actions dérivant du contrat
mettant les défendeurs potentiels à l'abri de d'assurance court contre les mineurs et
plaintes tardives et en empêchant que les interdits. Sous cet angle, elle mérite les
tribunaux aient à se prononcer à par tir mêmes critiques, d'autant qu'elle préconise
d'éléments de preuve incertains et incom- une solution inverse pour l'action directe
plets en raison du temps écoulé, la Cour sans s'en expliquer vraiment. Il faut obser-
observe que les deux sœurs Stagno n'ont, ver cependant qu'elle repousse le point de
en pratique, pas pu défendre leurs droits départ du délai de prescription de l'action
contre la compagnie avant d'avoir atteint du bénéficiaire de l'assurance vie jusqu'au
l'âge de la majorité, et qu'une fois cette moment où le bénéficiaire a pris connais-
sance à la fois de l'existence du contrat, de
sa qualité de bénéficiaire et de la surve-
en doctrine, notamment M. Marchandise, « La pres- nance du décès (article 32, § 1er, alinéa 4).
cription libératoire en matière civile », Les dossiers
du J.T., vol. 64, Bruxelles, Larcier, 2007, p. 149, Cette disposition aurait peut-être suffi à évi-
no 147. ter la prescription dans l'affaire discutée ici.
(119) Cass., 30 juin 2006, J.L.M.B., 2006, p. 1622. Il convient de relever par ailleurs que
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l'article 35, § 2, commenté ci-après, sus- l'erreur de droit ne constitue pas une cause
pend la prescription au profit de tous ceux de suspension du cours de la prescription
qui se trouvent dans l'impossibilité d'agir même lorsqu'elle est invincible (125).
dans les délais prescrits à la suite d'un cas La protection qui résulte de cette disposition
de force majeure. Il n'est cependant pas vient renforcer celle qui se déduit de
certain que la force majeure aurait pu être l'article 34, § 1 er , alinéa 2, commenté ci-
invoquée en l'espèce. dessus, qui per met déjà le repor t du
Il reste que la décision de la Cour pourrait point de départ du délai de prescription lors-
conduire à remettre en cause le principe que celui à qui appartient l'action prouve
retenu par le législateur de 1992 selon qu'il n'a eu connaissance de l'événement
lequel la courte prescription triennale des qu'à une date ultérieure. Outre qu'elles
actions dérivant du contrat d'assurance reposent sur des techniques différentes, les
court contre les mineurs, les interdits et les deux dispositions ne se recouvrent pas tota-
autres incapables (120). lement, car l'ignorance peut être légitime
sans nécessairement résulter d'un cas de
B. — L'impossibilité d'agir force majeure (126).
en raison d'un cas de force majeure
48. — L'article 35, § 2, prévoit que « la pres- 2. — Causes d'interruption
cription ne court pas contre l'assuré, le bé-
néficiaire ou la personne lésée qui se trouve A. — Présentation
par force majeure dans l'impossibilité d'agir 49. — L'article 35, §§ 3 et 4, prévoit des cau-
dans les délais prescrits ». ses d'interruption spécifiques qui dérogent
Le législateur fait ici une application assez dans une très large mesure au droit commun
extensive de l'adage contra non valentem, (127). Ces causes d'interruption spécifiques
dans le domaine des assurances, mais au à l'assurance ne portent cependant nulle-
profit exclusif des assurés et non des assu- ment préjudice à celles issues du droit com-
reurs (121). La disposition a été ajoutée à la mun des obligations, en vertu des
suite d'une suggestion du Conseil d'État articles 2244 à 2248 du Code civil.
(122). Par contre, on remarquera qu'à la dif- Ceci n'avait guère été mis en doute sous
férence de l'alinéa précédent, elle étend ses l'empire de la loi du 11 juin 1874 ni même
faveurs aux bénéficiaires et aux personnes dans le domaine des assurances automobi-
lésées, sans s'en tenir aux assurés. Elle les. La jurisprudence s'est d'ailleurs référée
concerne donc tant l'action dérivant du con- à de multiples reprises à ces dispositions
trat que l'action directe. (128).
L'application est résolument extensive, car On sait que l'interruption a pour effet de
la jurisprudence réservait jusque-là l'appli- donner naissance à un nouveau délai de
cation de l'adage aux cas d'empêchements prescription, le temps écoulé avant elle
résultant de la loi (123). L'impossibilité de étant définitivement perdu. Le nouveau
fait dans laquelle se trouvait l'assuré d'inten- délai qui prend cours est en principe égal à
ter une action même en raison d'une force l'ancien, sous réserve d'une novation ou de
majeure n'était pas considérée comme une l'intervention d'un jugement (actio judicati).
cause de suspension du délai de prescrip-
tion (124). Les caractéristiques de la force
B. — Causes d'interruption
majeure envisagée sont bien entendu celles
de droit commun
qui se dégagent du droit commun des obli-
gations, lequel considère notamment que 50. — Rappelons seulement que le droit
commun reconnaît plusieurs causes d'inter-
(120) À cet égard, voy. en particulier l’avis qui a été
rendu le 24 janvier 2011 par la Commission des as- (125) Cass., 20 mars 1995, J.T., 1995, p. 233;
surances sur la prescription contre les mineurs dans Cass., 18 novembre 1996, J.T., 1997, p. 173.
le domaine de l’assurance et qui peut être consulté (126) En ce sens, M. Houben, op. cit., p. 98, no 23.
sur le site http://www.cbfa.be. E. Brewaeys et I. Baele, op. cit., p. 44, no 52;
(121) Elle ne profite pas aux assureurs. G. Jocqué, op. cit., p. 25, no 49.
(122) Avis du Conseil d'État, Doc. parl., Ch., sesss. (127) E. Brewaeys et I. Baele, op. cit., p. 44, no 52;
ord., 1990-1991, no 1586/1. G. Jocqué, op. cit., p. 25, no 49; L. Schuermans, op.
(123) M. Fontaine, op. cit., p. 322, no 500. cit., p. 736, no 1009.
(124) G. Jocqué, op. cit., p. 32, no 65. (128) G. Jocqué, op. cit., p. 25, no 49.
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ruption du délai. Elle consiste en des actes L'interruption de la prescription par une cita-
émanant soit du titulaire du droit menacé par tion perdure, sauf disposition légale con-
la prescription, soit du débiteur lui-même qui traire, jusqu'à la prononciation du jugement
en admet l'existence (129). ou de l'arrêt mettant fin au litige (y compris
pendant la procédure en cassation et, le
Conformément à l'article 2244, « une cita- cas échéant, la procédure de renvoi) (134).
tion en justice, un commandement ou une
saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher 51. — Conformément à l'article 2248 du
de prescrire forment l'interruption civile ». Code civil, « la prescription est également
Cette condition rigoureuse met en danger interrompue par la reconnaissance que le
tous les créanciers qui s'engagent dans de débiteur fait du droit de celui contre lequel il
longues procédures amiables avant de prescrivait ». Il va de soi qu'une reconnais-
prendre la décision d'ester en justice. sance ne peut avoir d'effet interruptif que si
La citation a un effet interruptif pour autant le délai de prescription a commencé à courir.
que l'action tende à faire reconnaître en jus- La reconnaissance obéit aux règles de
tice le droit menacé. Tel n'est pas le cas l'aveu. Elle se conçoit indépendamment de
lorsque l'assureur appelle à la cause son l'acceptation du créancier et elle peut être
assuré pour lui rendre opposable le juge- expresse ou tacite (135). Il n'est donc pas
ment dans l'attente d'une procédure ulté- indispensable que le créancier intervienne
rieure (130). Même l'intervention volontaire dans l'acte par lequel le débiteur reconnaît
de l'assureur n'implique pas que l'action de sa dette (136). Par contre, la reconnais-
l'assureur contre l'assuré soit soumise à sance en question doit nécessairement pro-
l'appréciation du juge (131). La citation en venir de celui contre lequel on prescrivait et
référé visant uniquement à obtenir des non d'un tiers concerné par la cause.
mesures provisoires n'a pas, elle non plus,
Ainsi, par exemple, le paiement d'une
d'effet interruptif.
avance par l'assureur peut valoir reconnais-
Conformément au droit commun, la citation sance. Il en va de même du paiement effec-
doit être signifiée à l'assureur lui-même, non tué par l'apériteur avec l'accord des autres
à l'intermédiaire d'assurance, à moins que coassureurs.
celui-ci n'ait reçu le pouvoir de le représen-
ter et sous réserve d'un mandat apparent. C. — Causes spécifiques d'interruption
Par citation, il faut entendre tout acte intro- 52. — Sous l'empire de l'ancienne loi, la ju-
ductif d'instance saisissant une juridiction risprudence avait parfois considéré que les
d'une cause. La citation interrompt la pres- pourparlers entre assuré et assureur pou-
cription de l'action qu'elle met en œuvre et vaient interrompre ou suspendre la courte
de toutes celles qui y sont virtuellement prescription triennale. La loi du 1 er juillet
comprises (132). Une citation n'interrompt 1956 avait entériné cette solution dans le
pas la prescription de l'action récursoire de domaine particulier de l'assurance R.C.
l'assureur pour les montants qui, à ce automobile. Dans ce contexte, la notion de
moment, n'ont pas encore été versés et qui pourparlers avait suscité de nombreuses
ne sont dès lors pas exigibles (133). contestations. Elle avait donc été abandon-
L'action n'est pas virtuellement comprise née par la nouvelle loi sur l'assurance auto-
dans l'action originaire quand l'assureur au mobile obligatoire du 21 novembre 1989, qui
moment de la citation n'a pas encore avait fait de la seule déclaration de la volonté
indemnisé la victime. d'indemnisation exprimée par la victime une
cause d'interruption de l'action directe.
En s'inspirant des solutions antérieures, la
(129) Sur l'ensemble de la question, voy. loi distingue désormais les causes d'inter-
M. Marchandise, op. cit., p. 116, nos 116 et s.
ruption qui s'appliquent dans les relations
(130) Bruxelles, 19 octobre 1999, R.G.A.R., 2001,
no 13415. entre l'assureur et l'assuré (137) (article 35,
(131) Mons, 23 septembre 1987, J.L.M.B., 1989,
p. 6.
(132) Sur cette notion, voy. G. Jocqué, op. cit., p. 25, (134) M. Marchandise, op. cit., p. 125, no 124.
no 51. (135) M. Marchandise, op. cit., p. 137, no 135.
(133) Cass., 10 juin 1992, Arr. cass., 1991-1992, (136) Sur cette cause d'interruption, voy. G. Jocqué,
p. 115. op. cit., p. 26, no 5.
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§ 3) de celles qui ont cours dans les rela- ne fait pas allusion au contenu de cette
tions entre l'assureur et la personne lésée décision. Par analogie, il est permis de
(article 35, § 4). déduire qu'elle doit nécessairement se
manifester par un accord ou un refus
1. — Actions dérivant du contrat d'indemnisation clair et définitif (138). Il ne
semble pas y avoir de voie moyenne. Si
53. — Selon l'article 35, § 3, « si la déclara-
l'assureur subordonne sa décision à une
tion de sinistre a été faite en temps utile, la
expertise ou une enquête, la période d'inter-
prescription est interrompue jusqu'au mo-
ruption ne prend pas fin. Il en va de même
ment où l'assureur a fait connaître sa déci- lorsque l'assureur informe son assuré qu'il
sion par écrit à l'autre parties. attend les résultats de l'enquête pénale
Aux termes de cette disposition, la seule avant de prendre attitude (139).
déclaration de sinistre faite en temps utile, Si accord il y a, l'assureur s'emploiera à
avant même l'engagement des pourparlers, gérer le sinistre et un laps de temps impor-
emporte un effet interruptif de la prescrip- tant pourra encore s'écouler jusqu'au règle-
tion et cette interruption, précise le ment. Le piège de la prescription menace
paragraphe 3, se prolonge jusqu'au donc encore l'assuré si l'assureur tarde à
moment où l'assureur a fait connaître sa payer. En outre, l'assureur peut subordon-
décision par écrit à l'autre par tie. À ce ner l'indemnisation à la fourniture d'un état
moment seulement, un nouveau délai de des pertes. Pourra-t-on empêcher l'assu-
trois ans recommence à courir. reur d'invoquer la prescription si cet état des
Pour avoir un effet interruptif, la déclaration per tes ne lui est pas fourni (140)? La
de sinistre doit évidemment être faite dans réponse nous paraît devoir être négative
les délais requis. Cette réserve n'a pas véri- pour autant que l'assureur ait préalablement
tablement d'effet restrictif, car le régime de et formellement manifesté son accord en
l'obligation de déclaration du sinistre qui se vue de procéder à l'indemnisation.
déduit de l'article 19 de la loi se montre, lui Si l'assureur oppose un refus, les choses
même, très favorable à l'assuré. En prin- sont sans doute plus claires. Confronté à un
cipe, l'assuré a l'obligation de déclarer le refus, il est permis de penser que l'assuré
sinistre dès que possible et en tout cas ne tardera pas à réagir. Le refus doit cepen-
dans le délai fixé par le contrat, mais l'assu- dant être notifié de telle manière qu'une per-
reur ne peut se prévaloir de ce que le délai sonne raisonnable ne puisse se méprendre
pour déclarer n'a pas été respecté, si l'avis sur l'intention de l'assureur (141). Une lettre
lui a été donné aussi rapidement que cela de l'expert mandaté par l'assureur refusant
pouvait raisonnablement se faire. La force les dernières estimations de l'assuré a été
majeure n'est pas requise. assimilée à une décision de refus (142).
Sous l'angle de la forme, on notera la diffé- Conformément au droit commun, l'interrup-
rence de traitement réservée à l'assuré et à tion de la prescription a pour effet d'effacer
l'assureur. Aucune forme particulière n'est le délai déjà écoulé et de faire courir un
requise lorsque la notification émane de nouveau délai. Ce nouveau délai est en
l'assuré alors que, pour faire cesser la principe de même durée que le précédent,
période d'interruption, l'assureur se doit de c'est-à-dire trois ans. On réservera cepen-
notifier sa décision par écrit. Afin de se dant le cas de la reconnaissance du droit du
réserver un moyen de preuve, l'usage d'un créancier par le débiteur lorsque cette
recommandé est certainement à conseiller reconnaissance emporte novation de l'obli-
pour les deux parties. gation.
La période d'interruption cesse une fois que
l'assureur a notifié sa décision par écrit. À la
différence du paragraphe 4 relatif à l'action (138) J.-L. Fagnart, « La victime face à la
directe (voy. infra, no 52), le paragraphe 2 prescription », op. cit., p. 270, no 174; Pol. Bruges,
8 décembre 2005, Bull. ass., 2007, p. 123.
(139) Civ. Hasselt, R.W., 2002-2003, p. 712.
(140) M. Houben, op. cit., p. 101, no 28.
(141) Civ. Hasselt, 29 juin 2000, R.W., 2002-2003,
(137) On y assimilera le bénéficiaire des prestations p. 712.
d'assurance au sens de l'article 1er, C, de la loi du (142) (141) Liège, 5 juin 2002, R.G.A.R., 2003,
25 juin 1992. no 13728.
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qui suivent le dépôt du rapport final (sur la li- le législateur a donc étendu à l'ensemble
céité d'une suspension conventionnelle du des assurances de la responsabilité la règle
délai, voy. supra, no 5). qui n'était jusqu'alors appliquée qu'en assu-
rance R.C. automobile conformément à
57. — L'article 35, § 3bis, institue une certai- l'article 15 de la loi du 21 novembre 1989
ne solidarité (ou interdépendance) entre les relative à l'assurance obligatoire de la res-
actions en cours de prescription. Il dispose ponsabilité en matière de véhicules auto-
en effet que « l'interruption ou la suspension moteurs.
de la prescription de l'action de la personne Jean-Luc Fagnart observe à juste titre que
lésée contre un assuré entraîne l'interruption l'article 15 de la loi du 21 novembre 1989
ou la suspension de la prescription de son avait été adopté initialement alors que la
action contre l'assureur. L'interruption ou la minorité n'était pas considérée comme une
suspension de la prescription de l'action de cause de suspension de l'action directe.
la personne lésée contre l'assureur entraîne Désormais, l'article 31, § 1er, prévoit que la
l'interruption ou la suspension de la prescrip- prescription de l'action directe du mineur est
tion de son action contre l'assuré ». suspendue, de sorte que la suspension de
Cette disposition a été insérée dans la loi du la prescription de cette action du mineur
25 juin 1992 sur le contrat d'assurance ter- contre l'assureur entraîne aussi la suspen-
restre par la loi du 22 août 2002 portant sion de son action en responsabilité contre
diverses dispositions relatives à l'assurance l'assuré. L'auteur y voit une discrimination
obligatoire de la responsabilité en matière entre responsables assurés et responsa-
de véhicules automoteurs (147). Ce faisant, bles non assurés (148).
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