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Droit Coutumier Africain 📒 📕

Introduction générale

Notre cours s’intitule officiellement « Droit Coutumier Africain et Institution privée du Sénégal depuis
le XIV siècle ». Le XIV c’est la période coloniale, c’est-à-dire le contact entre l’Afrique et l’Occident.
Cette dernière a engendré une mentalité negro-africaine malgré l’apport de la civilisation occidentale
et du processus d’islamisation des sociétés africaines. Il s’agira de voir comment depuis les
indépendances ce droit a été articulé dans le but de produire un développement.
D’autre part, pendant la colonisation, la politique de mise en valeur des colonies a justifié une main
mise sur les richesses, les hommes et les institutions. C’est pourquoi il a été théorisé la <<table-
rase>> de l’Afrique. Cela signifie une négation juridique de l’Afrique. Cependant, il est aujourd’hui
certain et reconnu par tous qu’avant le contact de l’Afrique avec l’Occident, avant le commerce
transsaharien il y avait bien en Afrique un droit de la famille, un droit foncier, un droit des biens, un
droit des obligations, etc. C’est donc pour des raisons intéressées qu’il a été développé la théorie de
la table-rase.

La première question à se poser est celle de savoir si on peut parler de l’existence d’un droit en
Afrique et si ce droit mérite bien son appellation.

*Dans la pensée occidentale, cette question s’est posée parce que << il n’y avait pas de législateur en
Afrique>>. Cette interrogation trouve sa justification parce qu’il y avait en Afrique une pluralité de
coutumes expliquant une Afrique diverse et plurielle.
*La question trouve également sa justification dans le fait que les sociétés africaines sont le domaine
de la civilisation de l’oralité. Et la conséquence en était que ce droit était confus et ne méritait pas
son appellation de <<Droit >>.

En vérité il y’a eu une véritable confusion entre système juridique et forme écrite de droit. Pour
résoudre ce problème, les pouvoirs publics coloniaux ont estimé devoir mettre en place des
administrations coloniales, des institutions coloniales et en même temps imposer aux populations
colonisées un droit importé. C’est cela qui justifie la création des tribunaux musulmans à partir de
1857, les tribunaux indigènes à partir de 1903 suivant en cela la dualité sociale ayant consacré les
citoyens français et les sujets français ou indigènes.

L’autre question essentielle est celle de savoir est-ce qu’on peut parler d’un droit Africain et non des
droits africains ?
Cette question trouve sa justification le nombre de coutumes assez diverses sur le continent africain

Malgré le gigantisme du continent africain, la diversité des milieux et des coutumes on peut bien
parler en Afrique de l’existence d’un droit africain. C’est le cas par exemple en matière de droit de la
famille, en matière de droit foncier, en matière des techniques des règlements des conflits. C’est
pourquoi il est également possible dans les sociétés actuelles d’harmoniser certaines politiques
juridiques ou certaines politiques d’intégration à l’image de la CEDEAO , de la CEMAC, de l’OHADA,
de l’UEMOA.

Notre travail s’attachera à présenter dans un premier temps une tentative de définition du droit
africain et dans un second temps d’esquisser un droit traditionnel sénégalais.

Première partie: Tentative de définition d’un droit africain


L’Afrique noire a été vers le VIIIe siècle en contact avec le monde arabo-musulman avec le commerce
transsaharien. Celui-ci a énormément contribué à la toute puissance du Soudan 🇸🇩 à travers le sel,
l’or, les esclaves,etc. De ce contact est né l’islam dans certaines sociétés de l’Afrique. L’islam a infusé
alors un type de droit, de système juridique fondé sur le coran et la Suna considérés comme étant
des sources principales du droit musulman à côté des sources secondaires de ce droit. Ces relations
ont influencé le droit de la famille, le droit foncier. Également lorsque les administrations coloniales
européennes se sont installées en Afrique, il y’a eu une sorte de métissage culturel, d’hybridisme
culturel qui a profondément influencé les conceptions juridiques fondamentales. C’est dire qu’entre
l’avènement de l’Islam et l’installation de la colonisation les sociétés africaines se sont enrichies
d’apports extérieurs et le contact avec le monde occidental a donné naissance au droit indigène qui
tiré des pratiques des populations locales, ce droit est appelé <<Droit coutumier>>.

Nous allons voir quelques principes fondamentaux du droit Afrique de l’Ouest et dans un second
temps le passage de ce droit traditionnel au droit coutumier colonial.

Chapitre 1: Quelques principes juridiques fondamentaux en Afrique de l’Ouest

Parler d’un droit africain ou de l’existence d’un droit africain n’autorise pas oublier certaines
spécificités ethniques, certaines spécificités coutumières. Les Wolofs du Sénégal 🇸🇳 , le Bamilekés du
Cameroun 🇨🇲 , les Ashantis du Ghana 🇬🇭 , les Yorouba, les Baoulés, les Crous , les fangs au Gabon 🇬🇦
n’ont pas forcément les mêmes coutumes. Il convient alors de relativiser les ressemblances des
populations africaines. Mais pour autant, ces différences ne sont pas irréductibles, elles ne doivent
pas être exagérées.
Il y’a des fortes ressemblances juridiques par exemple quant au respect presque universel aux
anciens, des pratiques ancestrales.
Il y’a par conséquent des ressemblances au fond et des ressemblances relatives à la forme.

Section 1: les ressemblances de fond

Un auteur Nigérian Elias Taslim O. Dans son ouvrage intitulé << la nature du droit coutumier africain
soutient qu’il y’a de fortes ressemblances d’une manière générale sur l’ensemble des coutumes à
l’image des Yorouba, des Bantus , des soudanais, des congolais>> . Ce point de vue est appuyé par
Guy Koassigan dans son ouvrage intitulé <<l’homme et la terre >>. Cet auteur constate qu’il y’a
effectivement un droit traditionnel Negro-africain et il en conclut qu’il y’a une communauté juridique
Negro-africainne. Koassigan fonde son argumentaire sur l’existence d’une communauté de
conception au plan culturel et juridique. Par exemple il y’a une justice spécifique en Afrique de
l’Ouest.

D’une manière générale, celle-ci découle de l’expérience des anciens et d’une véritable prise de
conscience de nombreuses menaces qui se sont manifestées à l’égard des communautés. Ces
menaces ainsi qu’un milieux physique défavorable sont à la base d’une forte discipline
communautaire pour maintenir l’équilibre social.
La discipline des groupes s’est généralement appuyée sur le système de croyance pour sécréter des
règles placées sous le contrôle des anciens. On relève alors la prééminence du groupe et le poids du
système de croyance sur le droit.

Paragraphe 1: la prééminence du groupe


Dans son ouvrage fort intéressant qui s’intitule << la philosophie Bantu>>, le révérend père Tempels
soutient que << l’homme n’apparaît jamais comme un individu isolé, comme une substance
indépendante>>. Koassigan estime que << l’homme est l’expression d’un groupe>>, ce qui signifie
que l’individu n’existe pas en dehors du groupe mais le groupe n’est pas non plus contre l’individu.
On peut rendre compte de cette situation en étudiant la prédominance de la famille dans le mariage
et en matière de conception de la terre.

A- la prédominance de la famille dans le mariage

Dans les sociétés negro-africaines le mariage est au croisement du sacré et du profanes. C’était
également la seule voie légale de procréation et de renouvellement du groupe. C’est pourquoi le
groupe familial occupe une place particulièrement importante dans la formation du mariage et il
contribue fortement à la sécurité juridique de cette relation. La famille intervient aussi bien à la
formation du lien conjugal que dans les effets de celui-ci. La famille intervient dans les pourparlers du
mariage, règlement la dot , prend en charge le projet de mariage, le mariage est une affaire de
famille, une affaire de groupe familial.
Cette démarche de justice dans le souci d’éviter par exemple les mésalliances. Tous les individus qui
y interviennent représentent les deux futurs époux et il y’a la prépondérance des chefs de famille.
Cette place des chefs de famille garantie la formation de la relation pour le consentement au mariage
et les personnes qui en naîtront.

Le versement de la dot pour parachever le contrat de mariage est également l’affaire des groupes
familiaux des futurs époux. Cette implication des différents groupes constitue une garantie de
solvabilité quelque part par rapport à la dot mais également aux moyens économiques du ménage.
La présence de la famille ne se limite pas tout simplement à la formation de la relation. Elle se
poursuivait également dans la vie du couple, et même lorsque l’un des conjoints décédait. C’est
pourquoi on parle du Lévirat et du Sororat.
Il s’agissait à travers ces deux techniques de prendre en charge l’orphelin, la veuve et l’époux
Ce sont ces techniques imaginées dans les sociétés negro-africaines qui permettaient une véritable
stabilité du mariage

La présence du groupe familial est également remarquable dans la gestion des moyens de
production.

B- la gestion des moyens de production par le groupe familial

Il est admis dans les sociétés africaines pré coloniales que l’homme est créé à partir de la terre et
cette dernière lui procure et lui assure des moyens de subsistance. La combinaison de ces deux idées
permet d’affirmer que <<la terre dans les sociétés negro-africaines n’est pas un bien ordinaire, on ne
peut pas lui appliquer la conception civiliste de la propriété >> c’est-à-dire l’Usus, le Fructus et
l’abusus. Son appropriation est linéagere et on lui applique des règles de droit commun.
Dans les sociétés considérées la terre est regardée comme une divinité elle est sacrée, elle offre les
moyens de subsistance mais constitue également la dernière demeure pour l’individu. C’est la
possession de la terre ou son appropriation qui structure l’habitat qui permet de développer
l’agriculture, l’élevage. Ceux qui ont constitué en premier les patrimoines fonciers qui sont les
propriétaires terriens et qu’on appelle au Sénégal les <<lamanes>> ont acquis pour la postérité des
droits économiques qui leur permettent de se hisser au sommet de la société. Ces vastes étendues
de terres ont été conquises par différentes techniques comme les feux 🔥 de brousse allumés,
comme le défrichage à la hache 🪓 . Il faut relever également qu’il est répandu en Afrique l’idée d’une
exo-intransmissibilité de la terre, c’est-à-dire que les règles du droit commercial moderne ne
s’appliquent pas à la terre en milieu traditionnel.

Le droit traditionnel africain fait prédominer les droits familiaux sur les droits individuels. Dans ce
droit sont envisagés les générations précédentes, passées mais également les générations futures.
L’explication est donc à rechercher dans la prééminence du sacré dans ces sociétés fortement
imprégnées des croyances religieuses qu’on retrouve également dans <<le droit judiciaire >>.

Paragraphe 2: le poids du système de croyance sur le droit

Le président Kemba Mbaye écrivait en 1979 << dans nos sociétés traditionnelles, les morts sont des
sujets de droit>>. Il s’ajoute à cette réflexion que les morts sont sensés se réincarner dans leur
descendance. C’est parce que effectivement en Afrique il y’a le monde 🌎 des vivants, le monde des
anciens et le monde des générations à venir . Ce système de croyance imprègne fortement le droit
negro-africain. On le retourne dans la figure du juge dans ces sociétés mais également dans le
système de preuve

A- la figure du juge dans la tradition Négro -africaine

Dans la société negro-africaine le juge est un patriarche et tranche les différents familiaux et les
différends domestiques. Il est également un représentant du roi par sa connaissance des coutumes
ancestrales. Le roi lui-même assure des fonctions judiciaires qu’il cumule avec ses fonctions
politiques et administratives. Le chef de lignage c’est le patriarche par son âge, la personne la plus
proche des ancêtres. Il initie ou forme au système de croyance, il entre en communion avec les
ancêtres lorsqu’il y’a un différend. A cet effet, il exerce des fonctions de juriste-consulte , il a un
devoir de parole .
Le juge est choisi en milieu autochtone par sa connaissance de la règle de droit coutumière et il joue
un rôle important à l’occasion du procès, un procès qui comporte un aspect mystique qui interfère
dans la sphère juridique .

Enfin le roi intervient directement ou indirectement dans la résolution des litiges en s’appuyant sur
sa puissance magique, sur sa puissance cosmique. La parole du juge qui fait appel à des proverbes, à
certaines formules magiques ont fait dire aux historiens occidentaux que <<le roi 🤴 africain est
magicien>>. C’est pourquoi il peut rétablir le fonctionnement normal de la société en faisant
prédominer la conciliation .

Par rapport à la loi il fallait en voir une véritable pratique religieuse. Lorsque le roi meurt, la société
fonctionne en son sens contraire, les interdits sont acceptés, c’est qu’on appelle Interrègne, qui
devait permettre automatiquement le rétablissement de l’ordre. On parle également d’inversion
sociale. On pouvait voler, commettre l’adultère mais une fois le successeur désigné, le désordre
cessait

Voyons à présent le système de preuve dans les sociétés Négro-africaines

B- le système de preuve dans les sociétés Negro-africaines


En droit traditionnel africain, la preuve occupe une place centrale, parce qu’elle permet la
manifestation de la vérité. Partout en Afrique notamment en Afrique de l’Ouest l’infraction appel la
sanction qui passe obligatoirement par la production des moyens de preuve. Il faut souligner que la
justice negro-africaine n’est pas expéditive, n’est pas sommaire, n’est pas arbitraire. Il est reconnu le
principe de la présomption d’innocence qui n’est cependant pas irréfragable. Il ne l’est pas surtout
lorsque la société est menacé me dans ses fondamentaux lorsqu’il s’agit d’infractions comme le
meurtre, comme l’adultère. A ces occasions là la vérité doit être prouvée contre le délinquant.
Étudier le système de preuve dans ces sociétés nécessite l’étude de la charge de preuve et la
présentation des moyens de preuve.

1- la charge de la preuve

Les infractions capitales sont celles qui menacent la survie de la communauté . Parmi celles-ci on
peut notamment citer l’anthropophagie, l’adultère, le vol caractérisé. Il ressort de cette énumération
que le droit à la vie, le droit à l’intégrité physique, morale et même mental doivent être considérés
comme des droits naturels de la personne et en tant que telle garantie de la société. Lorsqu’il y’a
soupçon d’atteinte à ces droits, lorsqu’il y’a un faisceau d’indices suffisants et concordants il y’a alors
la nécessité de prouver non pas la culpabilité mais l’innocence de l’individu. Mais c’est le soupçon ou
l’accusation articulée en bonne et due forme qui tendent à établir une présomption de culpabilité. Le
suspect doit prouver son innocence. La communauté elles-même a intérêt à la preuve de l’innocence
de l’individu, ce qui permet de désamorcer la tensión sociale. La tradition est alors de recourir à des
procédés en adéquation avec la mentalité de l’époque. Par exemple on fera recours à un devin pour
débusquer le mensonge. Il s’ouvre alors la phase d’administration de la preuve.

2- l’administration de la preuve

L’administration de la preuve dans les sociétés negro-africaines ne se faisaient pas par écrit. Le
témoignage et les présomptions avaient également leurs limites, c’est la raison pour laquelle il est
fait incursion dans le domaine de <<l’irrationnel>> pour prouver l’innocence de l’individu. Ce recours
aux pratiques magiques s’appelle <<Ordalie>>. Il s’agit de pratiques sensées conduire à la
manifestation de la vérité. Par exemple on peut citer l’inhalation d’une poudre magique en Côte
d’Ivoire 🇨🇮 qui devait amené le délinquant à vomir 🤮 la vérité ( à dire la vérité). Il y’a également
l’épreuve de l’huile bouillante dans laquelle la personne poursuivie devait plonger sa main 🤚
La brûlure de l’individu, l’absorption de la poudre, la noyade après l’immersion dans un cours d’eau
sont la preuve absolue de la culpabilité de l’individu. L’incantation occupe dans ces sociétés une
place de choix. Il s’agit d’une justice culturellement adaptée aux sociétés considérées.
Dans ces dernières il y’avait également la procédure du flagrant délit: par exemple, lorsque le voleur
ne peut pas bouger du lieu du vol.

Le droit traditionnel africain présent notamment en Afrique de l’Ouest une certaine communauté de
conception. Cette communauté peut être observée dans le fond du droit mais également dans la
forme de celui-ci qui est un droit essentiellement oral.

. (Ordalie et respect des droits de l’homme )

Section 2: les ressemblances de forme

Les sociétés negro africaines sont du domaine de l’or alité, les connaissances se transmettaient
oralement. Cette situation a amené les occidentaux à voir dans ces sociétés des systèmes juridiques
inférieurs à ce que l’Occident a connu. Également dans les sociétés occidentales, depuis le XIIIe
siècle, il est en train d’être théorisé le principe de la séparation des pouvoirs comme une règle
essentielle. C’est parce que dans ces sociétés dites modernes, il y’a des organes chargés de créer le
droit. En Afrique noire, en l’absence d’une organisation étatique semblable, le système juridique est
considéré comme archaïque. Le droit est d’origine inorganique, il est également oral.

Paragraphe 1: un droit inorganique

Comparer aux sociétés occidentales, il n’y a pas dans les sociétés africaines pré-coloniales un
législateur, il n’y a pas un parlement. Mais à la vérité, les sociétés negro africaines sont des sociétés
où prévalent la coutume. C’est la raison pour laquelle le pouvoir de configurer les traditions
ancestrales n’est pas l’apanage d’un seul individu ou d’une structure spécialisée.
La coutume est une pratique dont la longévité, la pertinence, la massivité de l’application ont fait
pour les générations successives une source d’application. Il s’agit dans la tradition de consolider de
telles coutumes et d’en faire la Loi. Ainsi entendu, la tradition ancestrale apparaît comme un
mécanisme tourné vers le passé. Mais il faut relever que la loi est une pratique ancienne ouverte à
l’innovation et soumise à un contrôle de pertinence

A- une pratique ancienne

Les coutumes dans les sociétés negro-africaines empruntent à la fois à la morale, au système de
croyance, à l’économie et donc au mode de vie. Il s’agit d’un ensemble de valeurs transmises
oralement de génération en générations et qui fondent l’unité des groupes sociaux.
Dans les sociétés anciennes il y’a un modèle qui est reconduit, qui est répété au point de devenir la
règle. Les anciens ont mis en place des sociétés, forgés des valeurs, formulés des interdits 🚫 . Par
l’éducation, par les rites d’initiation, par les tabous, la société assure le respect de l’héritage
transmis. En outre il y’a les aiguilleur sociaux qui participent au maintien de la cohésion et de
l’équilibre de la société . En apparence il n’y a aucune chance pour l’évolution. Mais la coutume n’est
pas contre l’évolution elle est bien apte à s’adapter aux nouveautés

B- une pratique ouverte à l’innovation

La coutume n’est pas réfractaire à l’innovation. L’innovation intervient bien dans la pratique
coutumière. Cela est d’autant plus vrai que chaque génération est l’ancêtre des suivantes. A ces titres
elle forge la pratique ancestrale du futur. Chaque génération possède un pouvoir d’adoption, de
réformation et d’abrogation vis-à-vis de l’héritage ancestrale.

Mais l’innovation n’intervient que lorsqu’elle devient obligatoire. Pour ce faire elle a besoin de la
caution du temps qui permet d’éviter des innovations hasardeuses et accidentelles en même temps
qu’elle imprime une certaine lenteur au processus. C’est pourquoi il est difficile de donner une date
exacte à l’apparition d’une coutume nouvelle. La tradition ancestrale est donc un ensemble de
pratiques provenant des milieux sociaux significatifs et ce sont ces derniers qui peuvent changer la
coutume. Par exemple la tradition ancestrale a bien amené une adaptation de la Dot traditionnelle
au contexte moderne. La coutume d’incorpore naturellement des éléments de nouveauté. Mais cela
suppose d’abord qu’elle soit soumise à un contrôle de pertinence.

C- un contrôle de pertinence

Le droit traditionnel africain est un héritage des anciens. Ces derniers savaient bien faire la part des
bons et mauvais usages. Cette pratique est adoptée lorsqu’elle est vertueuse, lorsqu’elle prend en
charge les véritables préoccupations de la société, ce droit n’est pas capricieux. C’est dire que cela
suppose une confrontation quotidienne entre les pratiques anciennes et le niveau de conscience de
la période considérée qui exige des transformations.
C’est dans l’appréciation de la pertinence de ces pratiques ancestrales que les générations se
reconnaissent le pouvoir de mettre à jour leurs droits , de mettre à jour leurs coutumes. Par exemple
s’il est admis que la coutume de la circoncision avait pour finalité en Senegambia d’éprouver la force
des hommes face à la douleur, aujourd’hui cette coutume existe encore mais la douleur physique est
de plus en plus atténuée.
De nos jours les sociétés africaines visent à fonctionner sans douleur physique. Le mariage
andogamique était très utilisé dans les sociétés pré coloniales, mais aujourd’hui on prône de plus en
plus la liberté individuelle de mariage même si le mariage à l’intérieur de la famille semble présenter
encore des avantages

Le pouvoir d’abrogation des générations par rapport aux pratiques ancestrales reste par conséquent
une vérité Lorsqu’une coutume n’est plus en adéquation avec les préoccupations des individus
auquel elle s’applique, sa force obligatoire se réduit, elle devient caduque et à terme elle disparaît
par le non usage. La coutume fait l’objet d’une mise à jour permanente

La délocalisation du pouvoir normatif traditionnel n’est pas le signe ou la preuve une infirmité des
systèmes juridiques africains. L’absence d’un organe ayant le monopole de légiférer n’est pas une
limite infranchissable. Bien au contraire il s’agit ici de la porte ouverte à une certaine souplesse, à un
pouvoir d’adaptation remarquable.
Voyons à présent l’oralité juridique en Afrique

Paragraphe2: L’oralité juridique

Parlant de l’évolution des coutumes africaines, un magistrat colonial a vu dans l’oralité de l’Afrique la
marque d’une certaine infirmité. Pourtant rien qu’à l’époque médiévale l’Afrique noire a développé
de grands ensembles politiques et culturels comme les empires du Ghana, du Mali, du Sonray, des
empires prospères au plan politique et économique. Cette richesse a d’ailleurs été relevée par des
auteurs arabes comme Ibn Batouta. Contrairement donc à la position de ce magistrat colonial,
l’oralité n’est pas donc un facteur de stagnation du droit, et l’oralité juridique ne constitue pas le
signe d’une infirmité du droit traditionnel africain.
Les sociétés africaines au sud du Sahara sont des sociétés réglées. Le savoir se transmet oralement, le
chef de famille est le porte-parole. Il est le véritable acteur juridique et le dépositaire du savoir mais
ce savoir il ne le détient pas de façon solitaire, il prépare le relève en consultant les acteurs juridiques
secondaires.
En matière de célébration de mariage il est à la fois MC et officier d’Etat civil. C’est le patriarche qui
connaît l’histoire de la famille, qui connaît quel contrat a été conclu avec qui, quel engagement a été
pris vis-à-vis de qui.
C’est le cas par exemple pour la propriété de la terre et tout ce qui est lié à la terre. C’est également
dans ce noyau d’individus que l’on informe du statut social ou du droit politique à faire valoir dans la
société. C’est ici que les concertations ou les négociations sont menées pour défendre les intérêts de
la famille. Il s’agit de gérer la vie interne du droit avec une forte rétention de l’information par
rapport aux familles d’en face. Mais lorsqu’il s’agit de relations avec d’autres familles, d’autres
lignages il s’impose le devoir d’informer, le devoir de publicité.

Le chef de lignage est aussi MC . Il a un pouvoir de notification quand il s’agit des relations
<<bilatérales>> et la publicité des actes et faits juridiques ayant une portée extra-lignagère. Par
exemple le mariage, le baptême sont des moments de grande affluence institutionnalisées. Leur
célébration obligatoire permet à la société d’enregistrer des situations juridiques nouvelles. Il s’agit
d’ouvrir ces portes du champ juridique aux effets du mariage, du baptême. La mémoire collective est
interpellée par le chef de famille qui organise le mariage ou le baptême où il inscrit directement dans
les mémoires l’apparition d’un acteur juridique nouveau, la formation d’une union, ou encore la
disparition d’un acteur juridique.
Dans ces sociétés il y’a un Etat civil non écrit régulièrement contrôlé et mis à jour par le patriarche. Il
y’a également un registre collectif où sont mentionné les noms des débiteurs.

Il faut dire ici également la force de la parole donnée dans les sociétés negro-africaines. Dans ces
sociétés la confiance occupe une place de choix même si les sûretés et voies d’exécution sont très
développées.
Exemple la garde d’un objet personnel pour garantir un engagement est une pratique courante en
Afrique de l’Ouest.
Dans ces sociétés, il a toujours été recherché des moyens ou des mécanismes de réconcilier ces
dernières avec elle-même. Il s’agit à tout moment de revenir à un fonctionnement normal de la
société. Il a été organisé dans ce sens un système de circulation de l’information tel que certains
comportements comme les malversations sont connues de tous et débouchent sur une attitude de
méfiance ruineuse pour le coupable.

En outre, il y’a un ensemble de sanction judicieusement organisées pour ramener le délinquant dans
le droit chemin. Dans ce catalogue de sanction on peut citer l’ostracisme, la violence concertée , la
menace de liquidation physique Voir la liquidation elle-même.

Ces différentes pratiques sont imprégnées du droit traditionnel africain.

En conclusion, l’oralité de la loi dans les sociétés negros-Africaines donnent à celles-ci une grande
souplesse. Elle donne aux hommes une grande liberté. Tout le contraire est pour la loi mosaïque ou
de la loi coranique auquel on ne doit rien changer. Il s’en suit l’avènement de la raison écrite ou du
droit écrit qui préconise une société individualiste dans le cadre d’une économie de marché. Et c’est
à partir de ce moment là qu’une nouvelle relation de l’homme au droit a été redéfinie. Il nous faut
voir alors comment ce droit traditionnel africain est passé au droit coutumier colonial.

Chapitre 2: Le passage du droit traditionnel africain au droit coutumier colonial

Le contact entre l’Afrique noire et l’Occident a permis aux auteurs occidentaux de conclure à une
table rase de l’Afrique. Permis ces auteurs on peut notamment citer Arthur Jirault , André Pierre
Robert, Henri Solus. C’est ce qui est à l’origine de la promulgation du code civil en Afrique, au Sénégal
notamment par un arrêté du 5 novembre 1830. Cette théorie de la table rase explique et justifie
également la politique française dite d’assimilation. Au même moment, il a été théorisé à Saint-Louis
du Sénégal 🇸🇳 le principe colonial du respect des coutumes indigènes. Dans ce sens il a été créé des
tribunaux musulmans et des tribunaux indigènes. Mais le principe du respect des coutumes indigènes
s’est accommodé de plusieurs dérogations. Il nous faut analyse alors le contexte colonial de l’époque
et le droit coutumier engendré par ce contexte.

Section 1: le contexte colonial

L’idée de respecter les coutumes indigènes, leurs droits est une pure invention des administrateurs
coloniaux présents sur les territoires colonisés mais qui devaient appliquer les politiques élaborées
depuis la métropole. Ces administrateurs coloniaux se rendant compte de l’impossibilité d’appliquer
tel quel ces politiques du fait de leurs inadaptations au contexte, du fait des conséquences néfastes
de l’application de ces politiques qui ont entendu diluer ces grands principes pour les adapter aux
sociétés colonisée.
Ce qui signifie concrètement que l’application tel qu’elle du code civil pouvait constitué un frein à
l’entreprise colonial. C’est la raison pour laquelle les administrateurs coloniaux ont inventé la
politique dite << Principe du respect des coutumes indigènes >>.
Mais ce principe est assorti de plusieurs exceptions.

Paragraphe1: le principe du respect des


Coutumes indigènes

Il faut préciser que la doctrine coloniale française classique visait plutôt l’assimilation des indigènes.
Mais cette politique a été très vite tempérée par le principe du respect des coutumes indigènes, et
même bien après le début de la deuxième guerre mondiale les nations coloniales européennes ont
entendu développer ce principe. L’idée était de tenir compte du développement mental et social des
indigènes comme cela a été dit à l’institut colonial international (ICI).
L’idée de respecter les coutumes indigènes s’inscrivait dans la logique de recherche d’une Bonne
politique indigène. C’est donc par intérêt qu’il a été fait recours aux coutumes indigènes notamment
dans le système français. Nous allons étudier successivement la naissance du principe et la
consécration de ce principe dans l’ordre international.

A- la naissance du principe

Nous allons étudier ici successivement les tribunaux musulmans, les tribunaux indigènes et la
conception doctrinale du passé.

1- les tribunaux musulmans

Les tribunaux musulmans ont été créés d’abord à St-Louis à partir des différentes requêtes adressées
à l’autorité coloniale entre 1832 et 1857. Le tribunal musulman de St-Louis créé par un décret de 20
mai 1857 avait à sa tête un président juge musulman appelé <<CADI>>. Le premier Cadi s’appelait
Hamat Ndiaye Hann. Il était l’imam de la mosquée de St-Louis et premier Cadi nommé par le
gouverneur Feder . Il a été aussi le premier imam à arborer la légion d’honneur française.
Ce Cadi avait un suppléant en cas d’absence ou d’empêchement. Ce suppléant s’appelait Bou El
Mogdad. Il y’avait également un greffier du nom de Pathé Diagne.
Les nombreuses pétitions adressées par les saint- luisiens ont conduit le gouverneur Feder venant
d’Algérie avec son expérience des tribunaux musulmans à créer le tribunal musulman de St-Louis. Ce
tribunal était compétent pour connaître des questions de statut personnel à savoir le mariage, le
divorce, filiation, testament, héritage, succession.

Ce décret enlevait ces questions de statut personnel à la connaissance du juge français et les
soustrayait à l’empire du code civil. À partir de 1904 on assiste à une renaissance de la justice
musulmane que la grande réforme judiciaire de 1903 avait entendu supprimer.
La création des tribunaux musulmans avait été considérée comme le passage de la barbarie de la
civilisation nègre vers un droit plus respectueux de la dignité humaine. En tout cas l’Afrique
traditionnelle était une Afrique des animistes. En tout cas des terres où il n’y avait pas la parole de
Dieu, où on ne pouvait pas parler d’Unicité. C’est la raison pour laquelle les tribunaux indigènes ont
été créés

2- les tribunaux indigènes


Les tribunaux indigènes ont été créés par un décret du 10 novembre 1903 . Il s’agissait des tribunaux
des villages, des tribunaux de province, des tribunaux de cercle. L’idée centrale de ce texte était
d’assoir une justice économique en violation cependant du principe de la Séparation des pouvoirs
longtemps théorisé en Occident. Ici il y’avait une sorte de confusion des fonctions judiciaires et
exécutives. Le prétexte d’une telle confusion était que les indigènes n’avaient aucune notion, aucune
connaissance du principe de la séparation des pouvoirs.
L’article 46 du décret du 10 novembre 1903 pose que dans les terroirs non compris dans les ressorts
des tribunaux de première instance et de la justice de Kaye, la justice indigène est administrée à
l’égard des individus non justiciables des tribunaux français par des tribunaux de villages, des
tribunaux de canton et des tribunaux de cercle . Mais il faut associer à ces textes pour mieux
comprendre le principe du respect des coutumes indigènes l’article 75 du décret. Cet article précise
que « la justice indigène appliquera en toute matière les coutumes locales en tout ce qu’elles n’ont
pas de contraire aux principes de la civilisation française ».
Dans tous les cas où les châtiments corporels seraient prévus il leur sera substituer
l’emprisonnement.

Les administrateurs coloniaux ont pensé nécessaire de supprimer les tribunaux musulmans et confier
leur compétences et attributions aux tribunaux indigènes. Mais ces tribunaux musulmans sont
rétablies à partir de 1904. C’est ce qui justifie 3 ordres de juridictions dont une juridiction pour les
français, une pour les indigènes et une juridiction musulmane dans les colonies de plein exercice.
En dehors des raisons économiques la création des tribunaux musulmans, de la justice indigène
trouvait son explication et sa justification dans l’insuffisance des moyens humains et des ressources
financières.
Une autre justification est la nécessaire discrimination sur laquelle s’appuie tout système colonial.
Ce sont donc des raisons pratiques tenant aux problèmes des moyens humains et de moyens
financiers qui expliquent le recours au principe du respect des coutumes indigènes. Mais cette
dernière s’est également fortement appuyée sur les professeurs de droit français pour servir de
potion ( garantie ) scientifiquement . C’est ce qu’on entend par consécration doctrinale du principe
de respect des coutumes indigènes

3- la consécration doctrinale du principe du


respect des coutumes indigènes

La doctrine européenne a été largement mise à contribution dans le cadre du principe du respect des
coutumes indigènes. Ce principe il faut le rappeler a été théorisé par les administrateurs coloniaux
qui étaient dans les territoires colonisés.
La place de la doctrine dans le cadre du principe du respect des coutumes indigènes se justifie par la
recherche d’une caution scientifique. Cette caution est venue des professeurs de droit français qui se
sont mobilisés dans La Défense de ce principe surtout à la suite de la loi Blaise Diagne 1916.
Selon cette loi <<les natifs des 4 communes du Sénégal 🇸🇳 et leurs descendants sont et demeurent
des citoyens français soumis aux obligations militaires>>.
L’application du code civil aux indigènes allait déboucher sur une situation inadmissible, inacceptable
pour les administrateurs coloniaux. L’application de la citoyenneté française et du code civil était la
fin des corvées du travail obligatoire , du portage et donc de le conduire naturellement à la fin de la
colonisation. C’est pourquoi, le professeur Henry Solus dans son ouvrage < traité de la condition des
indigènes en droit privé…> a soutenu que << le respect des coutumes indigènes est de bonne
politique>. Et donc pour lui il fallait promouvoir les tribunaux indigènes. Il fallait étudier les
groupements indigènes, les sociétés traditionnelles pour réussir l’entreprise coloniale. Selon ce
professeur on devait songer à rédiger les coutumes et que l’assimilation devait être envisagé bien
après.
Le professeur Solus a exposé les raisons du principe du respect des coutumes indigènes et toutes les
exceptions qui devaient en découler et il en arrive à la conclusion que la domination était légitime.
Pour les logiques du principe, Solus a présenté des raisons d’ordre psychologiques, religieuses,
politiques et sociales. En plus de ces raisons il y’a d’autres raisons d’ordre pratique. Pour lui il y’avait
dans la tradition française quelque chose qui incriminait naturellement les français, c’est le respect
de la civilisation d’autrui. Ce sont les déductions d’ordre psychologiques. Il y ajoute que la conquête
et la domination coloniale n’avait que des objectifs spirituels et religieux.
Pour récapituler, le professeur Solus estime que le respect des coutumes indigènes était des raisons
de laisser intact le droit de la famille qui se trouvait fortement imprégné des considérations
religieuses.

Le principe de respect des coutumes indigènes a permis de neutraliser l’ingérence intempestive des
technocrates parisiens dans les questions indigènes présentées comme une affaire de spécialistes.
C’est pourquoi il a été voté des lois assimilatrices mais également les constitutions françaises des 4e
et 5e république ont décrété la pluralité des statuts.

Voyons à présent le principe du respect des coutumes indigènes dans l’orde international.

B- LE PRINCIPE DE RESPECT DES COUTUMES


INDIGÈNES DANS L’ORDRE
INTERNATIONAL

Au plan européen il a été créé en 1893 à Bruxelles un organe de la politique coloniale dit <institut
colonial international >. L’objet visé à travers cet outil de la colonisation était de favoriser la
concertation entre les puissances coloniales et une harmonisation de leur politique.
Par exemple à la session de Londres en 1913 il a particulièrement été question de la démarche à
utiliser pour la collaboration des chefs indigènes.
En 1920 à Bruxelles, le même thème est revenu conformément à la politique d’administration
indirecte préconisée par l’Angleterre. De même en 1921 la question a été discutée de la conduite à
tenir par rapport aux États-unies.
La France 🇫🇷 avec l’appui du professeur Maurice Laforce pensait <<qu’il fallait respecter les coutumes
indigènes dans leur intégralité à l’exception des coutumes barbares>>.
Cette entreprise de l’avais du professeur des coutumes africaines était favorable aux intérêt m’a
français. Il y ajoute que la France devait rester la tête pensante et les indigènes les ouvriers de la
prospérité coloniale.
La conférence de Paris a recommandé le respect des coutumes indigènes, la rédaction de ces
dernières et non pas leur codification, l’abrogation des coutumes barbares et enfin l’impulsion des
ferments d’évolution dans la pratique juridique indigène.

Pour récapituler, le principe du respect des coutumes indigènes est le fruit d’une longue évolution
qui a permis de passer au tamis les grands principes dégagés par la métropole et destinés à être
appliqués dans les territoires colonisés par les administrations locales. Mais ces règles sont assorties
de plusieurs exceptions consacrés par la pratique et accepté par la doctrine. Effectivement il faut
bien imaginer que la politique coloniale a bien accepté des dérogations par rapport au principe de
respect des coutumes indigènes.
Il faut rappeler au passage que professeur H. Solus avait théorisé ce qui suit : << Il conviction en effet
de réserver aux indigènes leurs institutions juridiques propres qui seuls cadrent parfaitement avec
leur état économique et social, leurs mœurs et leurs religions>>.
Toutefois il ajoute :<< il peut être inopportun et même dangereux ☢ de leur accorder tous les droits
politiques et les libertés individuelles à la jouissance desquels ils ne sont pas préparés. C’est pourquoi
à la vérité les indigènes de la plus part des colonies françaises ne sont que sujet et non as citoyens
français >>.

Il s’agit ici de recentrer le principe du respect des coutumes indigènes sur ses objectifs principaux. Il
s’agit dans le domaine de la famille, du droit de la famille de tenir le plus grand compte du poids de la
coutume dans le système de croyance indigène. Dans ce sens plusieurs hypothèses ont été pensées
💭 dans lesquelles il a pu être dérogé à la règle initiale du respect des coutumes indigènes.

Ce qui nous permet d’analyser à présent les dérogations au principe du respect des coutumes
indigènes.

Paragraphe 2: les dérogations au principe


du respect des coutumes
indigènes

Ces exceptions sont nombreuses mais on peut principalement les ramener à deux grandes
exceptions. Il s’agit d’abord de l’option indigène en faveur de la loi française. Il y’a ensuite les cas de
violation de l’ordre public colonial.

A- l’option indigène en faveur de la loi française

En ce qui concerne l’option indigène en faveur de la loi française, l’autorité coloniale a envisagé deux
situations qui débouchent normalement sur une application de la loi française. Il s’agit d’une option
express et d’une option tacite.

- En ce qui concerne l’option express, il faut mentionner les dispositions de l’article 31 du décret du
10 novembre 1903 portant réorganisation du service de la justice dans les colonies composant le
gouvernement général de l’AOF.
Selon ce texte en toute matière les indigènes peuvent réclamer le bénéfice de la loi française. Il était
par conséquent possible pour un indigène de choisir non seulement les juridictions françaises mais
aussi la législation française. Et pourtant le professeur Henry Solus écrivait bien :<< on sait que parmi
les règles de droit privé qui gouvernent la condition juridique des individus il en est auquel ceux-ci ne
pouvaient se soustraire. Par exemple il s’agit de la détermination juridique de l’identité des
personnes, de la construction de la famille, du régime de la propriété… bref ces lois s’imposent avec
un caractère impératif et la volonté des particuliers ne peut y déroger >>.
Mais ces considérations semblent n’avoir de sens que pour les pays <<civilisés>>. En Afrique par
contre dans les colonies françaises il semble avoir été juste à l’indigène de préférer la citoyenneté
française de façon définitive. C’est le cas par exemple au Sénégal en matière de mariage.
Dans ces colonies françaises il a été régulièrement constaté des hommes opter pour la monogamie, il
a été également courant de pratiquer la succession conformément au droit français.

- Quant à l’option tacite de l’indigène en faveur de la loi française, elle résulte de plusieurs
circonstances. Par exemple c’est le cas en matière de droit des assurances, une catégorie juridique
inconnue en Afrique traditionnelle. Lorsque le colonisateur se retrouve dans une situation juridique
où il estime que cette situation n’a pas été prévue par le droit traditionnel africain il en conclut qu’il
y’a une option tacite de l’indigène en faveur de la loi française.
Également lorsqu’un indigène concluait avec un français ou un assimilé en matière civile ou
commerciale ou encore quand un européen était complice ou victime d’une infraction commise par
un indigène la doctrine et les tribunaux considéraient que ces situations juridiques devaient être
soumises naturellement à l’empire de la loi française.

Telle sont donc quelques situations dans lesquelles il était relatif comme normal le principe du
respect des coutumes indigènes. Il faut cependant dire que les plus nombreuses exceptions au
principe du respect des coutumes indigènes sont venues de la particulière notion d’ordre public
colonial.
Il a été en effet soutenu que lorsque les coutumes indigènes étaient en conflit avec l’ordre public
colonial ou tendaient à constituer une limite à la politique coloniale ces coutumes considérées
comme barbares, sauvages, inhumaines devaient être purement et simplement être écartées au
profit des règles du code civil par le biais de la déqualification juridique de l’infraction.

B- la violation de l’ordre public colonial

Dans le cadre de la violation de l’ordre public colonial le principe du respect des coutumes indigènes
a été imaginé, théorisé et mis en œuvre pour maintenir les relations qui doivent exister entre la
puissance coloniale et les populations colonisées. Il s’agit aussi de tenir compte des liens qui
doivent exister entre… et le système de croyance. Par exemple dans le domaine foncier et dans le
domaine familial il a été jugé nécessaire de ne pas brusquer les populations en leur imposant les
dispositions du code civil.
Les motivations de la colonisation n’étant pas religieuse les pratiques familiales auraient pu échapper
intégralement à l’empire du code civil promulgué au Sénégal par un arrêté du 5 novembre 1830.
Mais dans ce domaine la doctrine coloniale a reconnu aux administrateurs coloniaux et aux
juridictions indigènes le pouvoir d’écarter les pratiques sociales indigènes même quand celles-ci
étaient édictées par la religion.
Il y’avait en effet des pratiques qui n’étaient pas propres à promouvoir la colonisation. Ce sont
précisément les intérêts de la domination française et des principes de la civilisation française qui
sont à l’origine du principe colonial dit <ordre public colonial>. Ainsi les coutumes indigènes pour
être respectées ne devaient pas compromettre le succès de la colonisation encore moins heurter les
principes de la civilisation française comme le principe de l’autonomie de la volonté ou encore le
principe du libre consentement au mariage.
C’est dire par exemple combien il a été facile pour le colonisateur de déroger au principe de respect
des coutumes indigènes. Par exemple il a fallu dans la jurisprudence des tribunaux indigènes se
débarrasser des coutumes dites barbares comme l’ablation du poignet , la lapidation de la femme
pour adultère, le bannissement, l’excision ou bien encore les pratiques de répression de
l’anthropophagie ou de sorcellerie qui ont été considérées comme contraire aux pratiques
européennes en matière de justice et dans ce sens l’autorité coloniale a entendu les abrogées.
L’autre coup a été porté contre la conception traditionnelle de la terre. Les développements qui
précèdent peuvent être ramenés à 3 points essentiels. Il s’agit des atteintes au droit de la famille (1),
des atteintes au système judiciaire et juridique (2) et enfin des atteintes au droit de la terre (3).

1- les atteintes au droit de la famille

Il faut rappeler qu’à partir des années 1830 dans le cadre de la politique d’assimilation il a été
observé une sorte de coup d’accélérateur des politiques coloniales d’assimilation. Il y’a d’abord
l’arrêt du 5 mars 1830 promulguant le code civil au Sénégal 🇸🇳 , la loi du 24 avril 1833 sur le régime
législatif des colonies et le décret du 10 novembre 1903 portant réorganisation du système judiciaire
en AOF.
Par la suite il y’a eu la loi Blaise Diagne du 29 septembre 1916. Également en partant de l’ouvrage de
Soeur Marie-André de Sacré cœur sur la femme noire en Afrique occidentale, deux textes majeurs
furent pris pour assurer la protection juridique de la femme indigène conformément au principe de
l’assimilation. Il s’agit du décret Mandel du 15 juin 1939 et du décret Jacquinot de 1951.

a) le Mandel décret du 15 juin 1939

Le décret Mandel a porté la femme africaine conformément au but visé par la métropole. C’est ainsi
que en Afrique occidentale française et en Afrique équatoriale française, ce décret fixe un âge
minimal de la nuptialité, 14 ans pour la fille et 15 ans pour le garçon.
Ce texte impose le consentement libre et éclairé des futurs époux comme condition de validité du
mariage 💒 . Du coup, ce texte vise la libération de la fille de la domination de la famille et du père
considéré comme autoritaire selon Marie-André du sacré Cœur. Elle fonde son analyse sur
l’observation entre autres des coutumes mossi.

Toujours dans le souci de protéger la femme africaine le texte défend toute revendication de la
veuve par les héritiers du mari décédé. Par ce texte, les autorités coloniales avaient entendu
s’attaquer par exemple au lévira dérivé du latin Lévire c’est-à-dire le frère du mari.
Il s’agit d’un type particulier de mariage où le frère d’un défunt épouse la veuve de son frère afin de
poursuivre la lignée de celui-ci. Les enfants issus de cette union sont considérés comme ayant le
même statut que les enfants issus du premier mari. C’est ce que les européens ont appelé l’héritage
lignagière de la veuve. A travers cette technique le veuve et l’orphelin étaient pris en charge par les
familles.
En sens inverse, lorsque l’épouse décédait tôt ou précocement, le procédé du Sœureura permettait
de lui substituer sa sœur cadette. Le but visé était la solidarité agissante au niveau de la famille.

Le levira et le Sœurora devaient permettre d’éviter le discrédit et l’abandon de l’époux encore en vie
et des enfants issus du mariage.
Les égyptiens de l’antiquité, les babyloniens, les phéniciens, les hébreux ont pratiqué le levira.
Dans cette institution coutumière, le colonisateur y a trouvé que la femme était un objet que le mari
acquérait par la dot et qu’il avait le droit de transmettre à ses héritiers. Mais le Levira n’est pas un
mariage, il signifie la continuation d’un pacte conclut entre groupes dont les époux ne sont que des
représentants. C’est pourquoi le décret n’a pas connu le succès attendu parce qu’on a voulu sans
précaution suffisante substituer à l’ordre public traditionnel essentiellement religieux un ordre public
européen jugé supérieur.
Ces attaques contre le droit traditionnel de la famille à travers le décret du 15 juin 1939 ont été
poursuivis dans le cadre d’un autre décret, celui du 14 septembre 1951.

b- le décret Jacquinot du 14 septembre 1951

Dans la littérature coloniale, la femme africaine est considérée comme une << force de travail
convoitée >>. C’est la raison pour laquelle celle-ci est et durement négociée et même << héritée >> .
Dans la pensée coloniale la femme africaine est comprise comme un objet du commerce juridique
ordinaire. D’ailleurs certains acteurs de la politique coloniale voyaient en celle-ci <<un animal
domestique>>. Cette position explique et justifie que la dot ai été très tôt regardée comme le prix
d’achat de la femme. Ainsi la femme africaine a concentré sur elle des attentions appuyées
ambitionnant au moins de la maintenir à un coût convenable pour casser l’exclusivité des chefs de
famille sur elle. C’est tout le sens du décret Jacquinot du 14 septembre 1951 qui en son article 2 pose
que :<< même dans le pays où la dot est une institution coutumière la fille majeure de 21 ans et la
femme dont le précédent mariage a été légalement dissous peuvent librement se marier sans que
quiconque puisse prétendre à un avantage matériel soit à l’occasion des fiançailles, soit pendant le
mariage >>.

Ces textes qui devaient s’appliquer en Afrique occidentale française, en Afrique équatoriale
française, au Cameroun et au Togo concernaient les citoyens ayant conservé leur statut personnel et
contractant le mariage suivant la coutume qui leur était propre. Ce texte dans l’entendement des
pouvoirs coloniaux entendait faire respecter les droits de la femme indigène. Dans ce sens il fallait
supprimer la dot ou la rendre facultative au moins tout en plafonnant son montant avec possibilité
de passer outre l’opposition des parents au mariage lorsque le refus est motivé par des exigences
excessives concernant le montant de la dot. Par ailleurs ce texte lutte contre la polygamie en
instaurant une option de monogamie au moment du mariage. L’habileté du législateur consistait à
interdire d’autres comportements individuels d’autres unions et à susciter des comportements
individuels susceptibles de faire évoluer la coutume.

Il y’a également les atteintes au système juridique et judiciaire.

2 - la remise en cause système juridique et judiciaire

Il est quasiment reconnu par toute la doctrine que bien avant sa rencontre avec l’Occident il y’avait
incontestablement en Afrique un système juridique et judiciaire bien aménagé en rapport avec la
mentalité de l’époque .
Dans ces sociétés, les chefs traditionnels dont les fonctions se confondaient généralement avec celles
de juge prononçaient des sanctions aussi diverses que variées.
On peut entre autres le blâme public, l’exil, le bannissement, les châtiments corporels ou encore les
Ordalies . Des pratiques considérées comme sauvages, barbares dans la pensée coloniale.
Mais le droit africain, ses règles de procédure et ses pratiques n’étaient pas seulement inconnues du
législateur ou du moins étaient différentes des règles métropolitaines car étant au antipodes de la
conception et de la pratique européenne en matière de justice.

Les pouvoirs coloniaux ont pensé alors qu’il fallait redéfinir ce système , voila pourquoi considérant
que le droit de rendre la justice est une des attributions les plus importantes de la souveraineté
étatique, que la distribution de la justice est un attribut régalien de l’Etat, que le droit de rendre la
justice va de paire avec le pouvoir de commandement l’autorité coloniale entrepris de mettre en
place un nouveau système juridique et judiciaire afin de le pas laisser au mains des <<amateurs >> ce
droit essentiel.
C’est tout le sens du décret du 10 novembre 1903 (plusieurs fois modifié) qui crée des tribunaux d
village, de province et de cercle et dont l’article 75 disposait que :<< dans les cas où les châtiments
corporels seraient prévus, il leur sera substituer la peine d’emprisonnement >>.

Une lecture attentive de ce décret et de ce modificatif permet d’affirmer que l’autorité coloniale
devienne le véritable régulateur du système juridique et judiciaire en Afrique en confiant à d’autres
juges la gestion de ce système dont la fonction consiste à leur permettre d’introduire dans les
coutumes locales certaines règles du droit métropolitain à l’effet de rapprocher l’indigène davantage
vers la civilisation française.
L’apport de la doctrine française y a grandement contribué par l’intermédiaire des auteurs de renom
comme Arthur Girault, Dominique Penant, Maurice de la fauce.
Des investigations menées dans les archives nationales du Sénégal offrent de véritables exemples de
décisions rendues par les juridictions coloniales. En lisant les sentences rendues, on constate de
façon nette que le juge traditionnel perd sa voix au profit du juge indigène (le juge mis en place par le
colon). C’est e cas par exemple à travers la technique de la ré qualification juridique des actes de
sorcellerie ou d’anthropophagie en catégorie juridique moderne.
En témoigne l’affaire Sinu Koureu et six autres rendue en date des 12 et 13 janvier 1927 par le
tribunal de deuxième degré de ziguinchor où un groupe d’individu poursuivis pour acte
d’anthropophagies dans la province de Brain-Seleki a été condamné pour assassinat à la peine de
mort 💀 . Cette décision portée devant la cours d’appel de l’AOF fut homologué en son audience du
27 décembre 1927.
Une autre affaire similaire a eu pour cadre la Guinée française. Un chef de canton de Manon nommé
en 1946 aurait été poursuivi avec ses acolytes pour assassinat par les juridictions indigènes plus que
dans la mentalité locale il s’agissait d’anthropophagie.
Malgré son semblant de collaboration avec le tribunal pour faciliter la manifestation de la vérité, la
cours d’assise opina dans un autre sens en condamnant l’accusé à mort tout comme un autre de ses
compagnons. Le reste du groupe fut condamné aux travaux forcés à temps plein.

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