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Académie d’Agriculture de France

SSEEAANNCCEECCOOM
MMMUUNNEE
Académie d’agriculture de France/Académie des sciences

DU SOL A LA PLANTE : Trajets et fonctions du fer

MERCREDI 8 DECEMBRE 2004

Académie d’agriculture de France


8, rue de Bellechasse
75007 - Paris
SÉANCE COMMUNE ACADEMIE D’AGRICULTURE DE FRANCE / ACADEMIE DES SCIENCES
__________________________________________________________________________________________

« Du sol à la plante : trajets et fonctions du fer»

Coordinateurs

Georges Pédro, de l’Académie des sciences,


Secrétaire perpétuel de l’Académie d’agriculture de France
et Jean-Claude Mounolou, de l’Académie d’agriculture de France

Ø 14h30 Introduction
Georges Pédro

Ø 14h45 Biodisponibilité du fer dans les sols : rôle majeur des activités
microbiennes
par Jacques Berthelin, Cécile Quantin, Sébastien Stemmler et Corinne Leyval
LIMOS, UMR 7137 CNRS, Université Henry Poincaré-Nancy I et UMR-IDES
Université Paris Sud, Orsay

Ø 15h05 Prélèvement du fer dans le sol par les graminées et les non graminées
par Jean-François Briat
CNRS – INRA - ENSAM-UM2, Université de Montpellier II

Ø 15h25 Discussion

Ø 15h45 Le fer et la photosynthèse


par Francis-André Wollman
UPR 1261 - CNRS, UPMC, Paris

Ø 16h05 Quel rôle joue le fer dans la pathogenèse des plantes ?


par Dominique Expert
UMR INRA - INA P-G – UPMC, Paris

Ø 16h25 Discussion

Ø 16h45 Conclusion
par Jean-François Morot-Gaudry
de l’Académie d’agriculture de France

__________________________________________________________________________
Mercredi 8 décembre 2004, Académie d’agriculture de France, 18 rue de Bellechasse, 75007 Paris
BIODISPONIBILITÉ DU FER DANS LES SOLS :
RÔLE MAJEUR DES ACTIVITÉS MICROBIENNES

Jacques Berthelin1 , Cécile Quantin1,2 , Sébastien Stemmler1 et Corinne Leyval1

Le fer, 4ème élément de la croûte terrestre et oligo-élément essentiel, est présent dans les
sols, essentiellement dans les minéraux primaires issus de la roche mère ou secondaires issus
de l’altération (oxydes, silicates, carbonates, sulfures, phosphates), mais aussi dans des
associations organo–minérales qui dans leur ensemble sont très peu solubles. Il est donc le
plus souvent peu biodisponible. Sa mobilité et disponibilité potentielles sont déterminées par
des extractions chimiques, utilisant des réactifs plus ou moins spécifiques mettant en évidence
divers compartiments géochimiques par dissolution de leurs constituants (1) (2). C’est un
élément qui présente une forte réactivité grâce à sa capacité à être réduit ou oxydé ou à former
des complexes organo-métalliques solubles. Sa mobilité est donc guidée par les conditions
acido–basiques et d’oxydo – réduction du milieu et par la présence de ligands organiques (3).

Ces paramètres (pH, Eh, présence de ligands organiques) ne sont pas uniquement
chimiques et physico–chimiques, mais sous la dépendance des activités microbiennes qui les
modifient en permanence.
Par ailleurs les sols contiennent des communautés bactériennes ou fongiques qui
disposent de stratégies énergétiques et nutritionnelles leur permettant d’intervenir directement
dans les phénomènes de dissolution et ou immobilisation du fer par oxydation, réduction,
formation et dégradation de complexes organo-métalliques dans diverses conditions de milieu
(4)(5).
En milieu acide ou neutre, aérobie ou microaérophile, des populations bactériennes
autotrophes ou mixotrophes oxydent Fe (II) en Fe (III) pour obtenir l’énergie nécessaire à leur
croissance. Ces processus conduisent, sauf en conditions acides ou complexantes, à la
formation de dépôts d’hydroxydes et oxyhydroxydes ferriques ou encore de dépôts de
sulfates, phosphates (5) (6).
D’autres communautés bactériennes aéro–anaérobies ou anaérobies utilisent le fer
ferrique comme accepteur d’électrons, pour leur respiration en absence d’oxygène (respiration
anaérobie) ou en parallèle ou complément de fermentation. Le fer est alors mobilisé et
disponible sous forme ferreuse et ne restera soluble qu’en conditions réductrices (7). Ce
phénomène se produit non seulement en sol saturé mais aussi en milieu où la consommation
d’oxygène entraîne l’anoxie et conduit à la mise en place de ces réductions bactériennes (8).
Ces différents processus d’oxydation et réduction modifient aussi le statut du fer dans la
phase solide qui évolue, pour une part, vers des formes plus mobilisables (9).
Enfin des champignons (mycorhizogène ou saprophytes) et des bactéries,
rhizosphériques ou non, produisent des substances complexantes du fer (acides aliphatiques
polycarboxyliques, hydroxycarboxyliques, acides phénols, acides hydroxamiques…). Ainsi,
des bactéries rhizosphériques utilisant des exsudats racinaires du hêtre, produisent des acides
maliques et lactiques qui contribuent à l’altération de minéraux, ici un mica la phlogopite, et à
la solubilisation d’éléments minéraux dont le fer (10) (11). Il sera alors transféré plus
abondamment à la plante (10) (11). Certains de ces composés complexant du fer, les
sidérophores, qui disposent soit de trois groupements fonctionnels acide hydroxamique soit de
trois groupements di ortho-phénol présentent une capacité complexante spécifique du fer

1
Laboratoire des Interactions Micro-organismes-Minéraux-Matiéres Organiques dans les Sols (LIMOS) ,UMR
7137 CNRS- Université Henry Poincaré - Nancy I, Faculté des Sciences, BP239, 54506 Vandoeuvre lès Nancy
Cedex, France. Email : jacques.berthelin@limos.uhp-nancy.fr
2
UMR IDES, UNIVERSITÉ Paris Sud XI , bat. 504, 91405 Orsay, France.
ferrique (12)(13). Ils interviennent plus efficacement que les acides aliphatiques, dans la
solubilisation des oxyhydroxydes ferriques comme la goethite (14).

En conclusion l’ensemble de ces processus, impliqués plus ou moins spécifiquement


dans la dissolution du fer et / ou son dépôt, conduisent à l’accroissement de sa disponibilité
dans les sols rhizosphériques et non rhizosphériques. Ils peuvent avoir des effets bénéfiques
ou nocifs, directs ou indirects dans le fonctionnement des systèmes sols – plantes. Ils
interviennent aussi sur le comportement d’autres éléments (phosphore, éléments en trace,
soufre…) (5). La connaissance des structures et fonctions des communautés microbiennes
impliquées doit progresser pour mieux définir ces processus microbiens. Mais il importe aussi
de déterminer les paramètres du milieu (aération, disponibilité et renouvellement des
donneurs et accepteurs d’électrons et des sources de fer disponibles) qui contrôlent ces
activités microbiennes.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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PRÉLEVEMENT DU FER DANS LE SOL PAR LES GRAMINÉES
ET LES NON GRAMINÉES
Jean-François Briat1

Les plantes occupent un espace essentiel dans la chaîne alimentaire puisqu’elles sont à
la base de l’acquisition des minéraux du sol et de l’assimilation du carbone et de l’azote,
fournissant ainsi des éléments essentiels à la diète animale et humaine. Dans ce contexte, le fer
est concerné à deux titres. En tant qu’élément métallique indispensable, l’acquisition du fer du
sol par les plantes permet son entrée dans la biosphère. D’autre part, les réactions impliquées
dans l’assimilation du carbone et de l’azote minéral se déroulent dans des organites sub-
cellulaires spécifiquement végétaux, les plastes, et impliquent un nombre important de
protéines contenant du fer sous forme d’hème ou de centre Fe-S.
Les plantes peuvent être sub-divisées en graminées (céréales telles que le riz, le blé, le
maïs...) et en non-graminées (légumes tels que le pois, la tomate, les salades...). Ces deux
groupes n'utilisent pas les mêmes moyens pour acquérir le fer du sol en réponse à des
conditions de manque. Chez Arabidopsis, plante modèle non-graminée dont le génome a
récemment été entièrement séquencé, une carence en fer induit la synthèse d'une réductase des
chélats ferriques [1], conduisant à la production de Fe(II) qui est transporté à l'intérieur de la
racine par un transporteur localisé sur la membrane plasmique. Nous avons démontré que le
gène IRT1 code le système de transport de fer principal chez Arabidopsis, et qu'il est essentiel
à la croissance et au développement de la plante [2]. Nous avons également caractérisé le
gène IRT2, codant un transporteur de fer très similaire à IRT1, et également exprimé au
niveau des cellules de l'épiderme des racines [3]. Toutefois IRT2 ne peut pas se substituer à
IRT1 et son rôle dans la plante n'est pas redondant avec celui d'IRT1, vraisemblablement en
raison d'une fonction dans le transport intracellulaire du fer. Chez le Maïs, qui est une
graminée, une carence en fer provoque la sécrétion par les racines d'acide déoxymuginéique
(DMA), synthétisé à partir de la nicotianamine (NA), un précurseur très proche
structuralement du DMA et synthétisé chez toutes les plantes à partir de la méthionine [4]. Le
DMA fixe fortement le Fe(III) du sol et le complexe en résultant est transporté à l'intérieur des
racines par un transporteur. Le mutant ys1 de Maïs porte une mutation récessive monogénique
sur le chromosome 5, et est déficient dans le transport du complexe Fe(III)-DMA, malgré une
production et une sécrétion de DMA normales. En collaboration avec le Pr Walker
(Massachusetts University), nous avons récemment cloné le gène YS1 de Maïs. Son
expression dans le mutant fet3fet4 de levure qui est déficient dans le transport du fer à basse et
haute affinité, ou dans des ovocytes de Xénope, a permis de démontrer qu'il code
effectivement un transporteur de Fe(III)-DMA [5, 6]. Un résultat inattendu de ce travail
provient de la mise en évidence dans les bases de données de 8 gènes d'Arabidopsis
homologues à YS1, dénommés YSL 1-8. Cette observation est intrigante du fait qu'Arabidopsis
ne produit pas de DMA, bien qu'il contienne son précurseur NA. La caractérisation de cette
nouvelle famille de gène chez une plante non graminée est un enjeu important pour l’avenir
afin de mieux comprendre les mécanismes contrôlant la répartition du fer entre les différents
organes et types cellulaires d’une plante.
Une fois entré dans la racine, le fer est acheminé vers les parties aériennes sous forme
de Fe(III)-citrate par la sève ascendante circulant dans les tissus vasculaires du xylème. A un
niveau moléculaire, les transporteurs responsables de la charge et de la décharge en fer du
xylème n’ont pas encore été identifiés. Une fois délivré dans les cellules du mésophylle foliaire,
où se trouve les chloroplastes impliqués dans l’assimilation du carbone, le fer est distribué dans

1
Biochimie et Physiologie Moléculaire des Plantes. CNRS / INRA / ENSA-M / UM2. Place Viala. F-34060
Montpellier cedex1 (France). E-mail : briat@ensam.inra.fr
les organites de ces cellules par des mécanismes encore non élucidés au plan moléculaire. Il a
toutefois été montré que l’entrée de fer dans les chloroplastes impliquait un uniport de Fe(II)
[7].

En conclusion, notre connaissance des déterminants cellulaires et moléculaires


responsables de l’acquisition du fer du sol par les plantes a fait d’importants progrès ces
dernières années. Par contre notre compréhension du transport longue distance du fer dans la
plante, et de sa distribution intracellulaire dans différents organites est encore très fragmentaire,
tout comme la connaissance des mécanismes de signalisation qui intègrent l’ensemble de ces
activités de transport au niveau de la plante entière.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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inner envelope membranes. Plant Physiol. 128, 1022-1030.
LE FER ET LA PHOTOSYNTHÈSE.
Francis-André Wollman2

L’appareil photosynthétique des végétaux est situé dans la membrane des thylacoïdes,
un ensemble de sacules applaties dont l’organisation spatiale produit une compartimentation
intrachloroplastique particulièrement sophistiquée. Trois complexes protéiques principaux
assurent un transfert d’électrons photoinduit à travers ces membranes, le complexe
cytochrome b6f et les photosystèmes I et II. Le gradient électrochimique de protons qui est
établi de part et d’autre de la membrane des thylacoïdes au cours de ce transfert d’électrons
permet la synthèse d’ATP par une ATP-synthétase à protons. La photosynthèse membranaire
conduit ainsi à la formation d’ATP et d’un réducteur de bas potentiel, le NADPH, qui sont
tous deux utilisés dans le chloroplaste pour la fixation enzymatique du carbone atmosphérique
par un cycle métabolique de trioses-phosphate.
Les différentes étapes du transfert d’électrons photosynthétique enchainent des réactions
d’oxydo-réduction dont les potentiels varient de +1,3V à – 1.3V. Elles mobilisent un
ensemble de cofacteurs dont les propriétés physico-chimiques doivent être compatibles avec
les échelles d’énergie considérées et les échelles cinétiques, de la nano- à la milliseconde, du
transfert d’électron, ce qui suppose de fortes contraintes d’orientation spatiale. Le Fer, par ses
propriétés de coordination et d’oxydo-réduction participe de façon prééminente à ces
transferts d’électrons. Il est présent sous trois formes : hémique (5fois) , non hémique (1 fois)
et associé dans des centres fer-soufre (14 fois). Il est présent dans les trois complexes
protéiques majeurs de la photosynthèse, à raison de 2 Fe par PSII, 6Fe par Cytb6f, 12Fe par
PSI.
L’essentiel de la contribution du fer à la fonction photosythétique est maintenant bien
connue et réside dans des étapes de transfert d’électron se déroulant dans le domaine de temps
d’environ 10-7sec, via les centres 4Fe-4S dans le PSI, à 10-3 secondes, via plusieurs hèmes c,
b et c’et un centre 2Fe-2S dans le cytb6f. Dans tous les cas, cela implique une oxidation
réversible de la forme Fe 2+ (stable à l’obscurité) en Fe 3+ produit transitoirement au cours
du transfert d’électron photoinduit. Le fer jouerait également un rôle moins conventionnel
dans le transfert de protons et la photoprotection au niveau du PSII, deux fonctions qui restent
à approfondir.
Les mécanismes de mise en place du fer dans les différentes protéines qui interviennent
dans la photosynthèse restent encore mal connus. Chaque type d’intégration dans un cofacteur
– centre Fe-S, hème c, c’ ou b – requiert des sous-ensemble distincts de déterminants
génétiques dont une partie seulement a été identifiée (1, 2, 3). Pour certains, ils déterminent
l’expression de fonctions connues dans les autres systèmes de biogénèse des hèmes ou des
centres fer-soufre comme les cystéine-désulfurases, transporteurs et translocateurs de Fer,
thiol oxido-réductases, hème lyases. Cependant, on ignore le plus souvent la fonction précise
des gènes identifiés dans un mécanisme réactionnel aboutissant à la formation du cofacteur
puis à la conversion de l’apoprotéine cible en holoprotéine. En particulier la compartiment
terminal de localisation du cofacteur nécessite la mise en place de facteurs de biogénèse
spécifiques, sur lesquels notre savoir reste tout à fait embryonnaire.
Les réorganisations induites par une carence en fer, qui nécessitent aussi bien une
mobilisation de certains formes de fer pour en préserver d’autres, qu’une réorientation
stratégique de l’appareil photosynthétique pour conserver sa contribution à la phototrophie
végétale, restent également mal comprises bien que certaines soient spectaculaires. Si le

2
Physiologie membranaire et moléculaire du chloroplaste. UPR 1261CNRS /assUPMC.
Institut de Biologie Physico-Chimique, 13 rue Pierre et Marie Curie, 75005 Paris.
E-mail : wollman@ibpc.fr
remplacement de la ferredoxine en flavodoxine est l’une de ces réponses connues depuis
longtemps chez les cyanobactéries, la refonte de l’antenne pigmentaire périphérique du PSI
constitue l’une des réponses les plus marquées à la carence en fer sans que l’on puisse en
appréhender encore toute la signification (4, 5, 6).

Gageons que les modes de financement actuels de la recherche, qui dans le domaine de
la photosynthèse visent plus souvent sa contribution au « stress » que sa fonction
bioénergétique proprement dite, devraient rapidement conduire à l’identification des facteurs
gouvernement la mobilisation et le recyclage du fer dans la photosynthèse.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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QUEL RÔLE JOUE LE FER DANS LA PATHOGENÈSE DES
PLANTES ?

Dominique Expert 1

Les plantes constituent des habitats privilégiés pour une variété de micro-organismes car
elles représentent une source importante de nutriments. Les plantes sont en particulier
confrontées à des micro-organismes pathogènes, qui peuvent engendrer de nombreuses
maladies et décimer des cultures lorsque les conditions de l’environnement sont permissives.
Le développement de bactérioses engendrées par des espèces du genre Erwinia sur lesquelles
nous travaillons au laboratoire, est par exemple sensible aux variations climatiques, comme des
changements d’humidité et de température. Comprendre les mécanismes de pathogénie et
d’immunité mis en oeuvre respectivement par le parasite et la plante hôte, aux niveaux
physiologique et moléculaire, constitue une condition préalable à l’élaboration de nouvelles
méthodes de phytoprotection. Une bactérie pathogène produit des facteurs de virulence lui
permettant d’avoir accès aux nutriments et d’échapper aux défenses de l’hôte. Dans ce
contexte, l’alimentation en fer représente un enjeu pour la bactérie, car cet élément est comme
chez les autres organismes, un cofacteur essentiel de nombreuses réactions biochimiques et peu
disponible dans les tissus biologiques. La connaissance des mécanismes d’acquisition du fer
chez les bactéries pathogènes des vertébrés et des réponses de l’hôte visant la séquestration de
ce métal lors de l’infection [9] nous a conduit à examiner cette question dans le cadre des
études des interactions Plantes-Erwinia. Nos travaux ont pour objectifs de répondre aux
interrogations suivantes : quels sont les mécanismes d’acquisition du fer mis en oeuvre par E.
chrysanthemi lors de son cycle infectieux et, comment cette bactérie contrôle-t-elle son
homéostasie du fer ? La disponibilité du fer chez la plante hôte est elle un signal perçu par la
bactérie lui permettant de contrôler l’expression de ses facteurs de virulence ? Existe-t-il lors de
l’infection, des réponses chez la plante permettant de carencer la bactérie en fer ?
Les sidérophores sont de petites molécules dont la taille peut atteindre environ 1200
daltons, produites par les micro-organismes et certaines graminées dans leur environnement,
ayant une très forte affinité pour l’ion ferrique et dont la fonction est de rendre le fer
assimilable par l’organisme qui le produit. En effet, le fer complexé au sidérophore est
acheminé dans la cellule par un système de transport très spécifique. Le fer est ensuite rendu
disponible pour les besoins cellulaires, à la suite d’une étape de réduction du complexe. Par des
approches génétiques et biochimiques, nous avons identifié chez E. chrysanthemi, deux voies
d’assimilation du fer mettant en jeu deux sidérophores de structure différente, la chrysobactine
et l’achromobactine [2, 3]. Pour chacune de ces voies, les gènes impliqués dans la biosynthèse
du sidérophore et du transport sont regroupés sur le chromosome, formant des groupes
fonctionnels soumis à une régulation coordonnée en réponse à la limitation en fer. Nous avons
construit des mutants d’insertion affectés dans l’expression de ces gènes, qui sont donc
incapables de produire ou de transporter l’un ou/et l’autre de ces sidérophores. Ces mutants
sont affectés de manière différentielle en ce qui concerne leur propriété à croître en condition
limitante en fer. Leur virulence est également considérablement diminuée sur les plantes hôtes
testées telles que le saintpaulia, la plante modèle Arabidopsis et l’endive. En effet, cette
bactérie infecte les tissus foliaires en pénétrant par les stomates et colonise les espaces
intercellulaires. Grâce à la production d’enzymes pectinolytiques (pectate lyases, pectine
méthyle estérases...) elle dégrade les pectines, constituant majeur de la lamelle moyenne de la
paroi cellulaire, ceci conduisant à la désorganisation des tissus infectés et à sa dissémination
dans les parties aériennes de la plante [7]. Les mutants non producteurs de sidérophores sont

1
Interactions Plantes-Pathogènes, UMR INRA / INA P-G / UPMC, 16 rue Claude Bernard, 75005 Paris (France)
Courriel: expert@inapg.fr
incapables de réaliser la totalité de ce cycle infectieux, indiquant que le fer n’est pas disponible
aux sites d’infection [3].
Nous avons montré que l’expression des gènes impliqués dans les deux voies
d’assimilation du fer, chrysobactine et achromobactine, est soumise à une régulation négative
qui fait intervenir le répresseur transcriptionnel Fur [5], caractérisé chez E. coli [1]. Ce
répresseur agit également comme senseur de la concentration intracellulaire en fer, ce qui
conduit à une levée de répression des gènes soumis à sa régulation lorsque les quantités de fer
deviennent limitantes. Nous avons observé que plusieurs gènes codant des pectinases ayant un
rôle prédominant dans le pouvoir pathogène sont également contrôlés par la carence en fer, par
l’intermédiaire de ce répresseur [4]. L’expression des gènes impliqués dans la pectinolyse est
par ailleurs soumise à la répression par le régulateur transcriptionnel KdgR qui, en présence de
composés pectiques est inactif et permet l’induction de cette voie dans la plante [8].
L’inducteur pectique majeur est le KDG (2-céto-3-désoxygluconate), dernier intermédiaire
catabolique de la voie de la pectinolyse. Source de carbone pour la bactérie, ce composé permet
également la dérépression des systèmes d’acquisition du fer, par un mécanisme faisant
intervenir le répresseur Fur, de manière directe ou indirecte [4]. L’ensemble de ces données
démontre l’existence d’un couplage métabolique, permettant une expression coordonnée des
gènes du transport du fer et de la pectinolyse, deux facteurs importants de la pathogénie.
L’activité transcriptionnelle de gènes peut être étudiée en fusionnant leurs promoteurs à
des séquences de gènes rapporteurs codant des enzymes dont l’activité est mesurée ou repérée
in situ, comme la ß-galactosisdase et la ß-glucuronidase. Nous avons montré que le promoteur
d’un opéron de gènes impliqué dans le transport et la biosynthèse de la chrysobactine est actif
chez la bactérie après inoculation dans la plante, dans les dix heures qui suivent l’infection [6].
Réciproquement, nous avons observé chez les plantes d’Arabidopsis infectées par E.
chrysanthemi une augmentation de l’activité transcriptionnelle d’un gène codant une ferritine
ainsi que l’accumulation de transcrits correspondants. Les ferritines étant des protéines de
stockage/séquestration du fer (voir présentation de J-F Briat), il semble donc probable qu’il
existe chez la plante des mécanismes de rétention du fer en réponse à l’infection.

En conclusion, l’ensemble de ces données indique qu’il existe une compétition pour le fer
entre la plante et la bactérie, lors du processus infectieux. Chez la plante, une analyse précise
des évènements déclenchés par la bactérie, par l’intermédiaire de ses facteurs de virulence
comme la production de sidérophores, permettra de mieux comprendre comment le fer est
mobilisé lors de l’infection.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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(3) Franza, T, Mahé, B, Expert, D. 2004. – Erwinia chrysanthemi requires a second iron
transport route dependent of the siderophore achromobactin for extracellular growth and
infection. Mol. Microbiol. sous presse.
(4) Franza T., Michaud-Soret I, Piquerel I, Expert D., 2002. – Coupling of iron assimilation
and pectinolysis in Erwinia chrysanthemi 3937. Mol. Plant-Microbe Interact. 15, 1181-
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(8) Nasser W, Reverchon S, Robert-Baudouy J., 1992. – Purification and functional
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microbial cell invasion. Microbes and Infection, 2, 85-89.
BIODISPONIBILITÉ DU FER DANS LES SOLS :
RÔLE MAJEUR DES ACTIVITÉS MICROBIENNES

CONCLUSION

Jean-François Morot-Gaudry3

Jacques Berthelin nous a présenté le fer, 4ième élément de la croûte terrestre, comme
élément métallique, issu de la roche mère, relativement abondant mais généralement sous
forme très peu soluble et donc peu biodisponible. Toutefois, c’est un élément qui présente une
forte réactivité, pouvant être oxydé ou réduit, et qui peut former des complexes organo-
métalliques solubles. Sa mobilité dépend alors des conditions acido-basiques et d’oxydo-
réduction du milieu et de la présence de ligands organiques. Ces paramètres physico-
chimiques sont également sous la dépendance des activités microbiennes du sol qui les
modifient en permanence. En milieu acide et en aérobie par exemple, les populations
bactériennes oxydent le fer ferreux (Fe2+) en fer ferrique (Fe3+) pour obtenir l’énergie
nécessaire à leur croissance ; ces processus amènent à la formation de dépôts de formes
insolubles (hydroxydes et oxyhydroxydes ou de sulfates et phosphates ferriques). En
revanche, en milieu anoxique, les micro-organismes du sol utilisent le fer ferrique pour leur
respiration (respiration anaérobie). En conditions réductrices, le fer ferreux formé devient
relativement soluble. Enfin, certains champignons et bactéries de la rhizosphère produisent
des substances organiques complexant le fer et permettant ainsi sa solubilisation. Certains de
ces composés, les sidérophores, complexent le fer ferrique et permettent son assimilation par
les plantes.

Jean-François Briat nous a exposé deux modes de prélèvement du fer par les plantes.
Dans la majorité des plantes, le fer ferrique est réduit en fer ferreux par une réductase
racinaire avant son assimilation par un transporteur spécifique ; simultanément une ATPase
excrète des protons à l’extérieur de la racine, améliorant ainsi après acidification la
solubilisation du fer dans la rhizosphère. Les graminées, les céréales notamment, excrètent un
sidérophore, l’acide déoxymuginéique, qui se complexe au fer ferrique et permet son entrée
dans la racine grâce à un transporteur spécifique. Chez ces plantes, le processus d’acquisition
du fer est indépendant du pH ; elles sont d’ailleurs connues pour mieux résister à la chlorose
ferrique. Une fois entré dans la racine, le fer ferrique complexé à un acide organique,
généralement le citrate, est transporté et distribué dans tous les organes de la plante via les
vaisseaux conducteurs, xylème et phloème. Les progrès récents de la génomique fonctionnelle
ont permis d’améliorer grandement nos connaissances sur les modes d’acquisition du fer mais
nos connaissances sur les modes de transport et de distribution au sein de la plante sont encore
fragmentaires.

Francis-André Wollman nous a montré que le fer, pouvant être oxydé ou réduit, est
indispensable au transfert d’électrons au sein des membranes chloroplastiques et
mitochondriales. Dans ces membranes, le fer est présent sous forme de centres fer-soufre. Le
fer existe également sous forme hémique dans les cytochromes, les peroxydases, les catalases,

3
Membre de l’Académie d’Agriculture, directeur de recherches de l’Institut national de la recherche
agronomique, directeur du Laboratoire du Métabolisme et de la Nutrition des Plantes, route de Saint-Cyr, 78026
Versailles. Courriel : morot@versailles.inra.fr
la nitrate réductase. Le fer est présent enfin dans la ribonucléotide réductase, la lipoxygènase,
la ferrédoxine et les ferritines , protéines qui peuvent fixer plusieurs centaines d’atomes de
fer. Si nos connaissances sur les macro-structures protéiques à fer ont progressé à grands pas,
les mécanismes de mise en place du fer dans ces différentes protéines qui jouent un rôle
majeur dans la phothosynthèse et la respiration, restent encore mal connus. Il en est de même
des mécanismes moléculaires impliqués dans la réorganisation cellulaire, suite à des carences
en fer par exemple.
Enfin, Madame D Expert nous a convaincu de l’intérêt du fer en pathologie végétale.
Il existe souvent une compétition pour le fer entre les plantes et les bactéries pathogènes. Une
analyse précise des événements déclenchés par les bactéries pathogènes permettra de mieux
comprendre le déterminisme du fer dans la pathogénèse. Les résultats obtenus permettront de
mettre en œuvre des stratégies de défense par les plantes empêchant la capture du fer par les
pathogènes.

En conclusion, le fer est un élément indispensable à la vie (cofacteur biochimique


essentiel au bon déroulement des réactions d’oxydo-réduction), mais peu disponible à l’état
libre dans les sols. Toutefois, les plantes ont mis au point des stratégies qui permettent de le
solubiliser et de l’assimiler, évitant ainsi les carences en fer qui se traduisent sur les sols
calcaires (un tiers des sols cultivés) par les fameuses chloroses ferriques qui peuvent limiter
fortement les rendements. De plus ces carences en fer favorisent la susceptibilité des plantes
aux pathogènes.
Il est utile de rappeler qu’un tiers de l’humanité souffre encore de carence en fer ; c’est la
principale carence nutritionnelle recensée par l’Organisation Mondiale de la Santé. En
revanche, un excès de fer peut être toxique pour les humains et les végétaux (stress oxydant).
Il est donc nécessaire d’améliorer la diète animale et humaine par une meilleure qualité
nutritionnelle en fer des produits végétaux. Plusieurs programmes internationaux sont
développés à cette fin.
Enfin, une meilleure connaissance du métabolisme du fer est à acquérir et les approches de
génomique fonctionnelle sont indispensables pour mener à bien ce projet ambitieux aux
retombées pratiques de très grande importance.

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