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Devoir type bac - Premières Antoine JAYAT – Lycée Camille-Jullian Dissertation : Olymp DE GOUGES

Devoir commun type bac – premières générales


Dissertation – sujet C

Rappel du sujet
Œuvre : Olympe de GOUGES, Déclaration des Droits de la femme et de la citoyenne, 1791.
Parcours : « Écrire et combattre pour l’égalité »
« Pour une femme, écrire a toujours été subversif : elle sort ainsi de la condition qui lui est faite et entre comme
par effraction dans un domaine qui lui est interdit », écrit Béatrice Slama dans De la « littérature féminine » à « l’écrire-
femme » : différence et institution (Littérature n°44, 1981). Dans quelle mesure pensez-vous que ce jugement puisse s’appliquer à
Olympe de Gouges quand elle publie la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne ?
Vous répondrez à cette question dans un développement organisé en vous appuyant sur la Déclaration des droits de la femme et
de la citoyenne, sur les textes que vous avez étudiés dans le cadre du parcours associé, et sur votre culture personnelle.
N.B. : Le titre de l’œuvre d’Olympe de Gouges ne devra pas être abrégé en DDFC. Vous pouvez éventuellement, à certains
moments du devoir, le réduire à l’expression la Déclaration, tant que cela n’entraîne aucune confusion dans votre propos.

Proposition de correction
Éléments pour l’analyse du sujet et l’introduction
- Il s’agit d’un sujet qui demande dans quelle mesure vous partagez la thèse proposée par l’autrice de la citation : cela
nécessite donc un plan dialectique, qui permet de nuancer et de discuter une thèse.
- Analyse de la citation :
➢ « Pour une femme, écrire a toujours été subversif… » : subversif signifie « qui est susceptible de bouleverser, de
détruire les institutions, les principes ; qui menace l’ordre établi ». Béatrice Slama sous-entend ainsi que dans
un système patriarcal, les femmes ne sont pas censées jouer un rôle littéraire.
➢ « …elle sort ainsi de la condition qui lui est faite… » : ainsi formulé, le propos de l’autrice montre qu’une femme
aurait donc dans la société patriarcale une place et un rôle qu’elle ne peut pas choisir. Être écrivain ne ferait
précisément pas partie des conditions que peuvent occuper les femmes. Écrire serait une activité réservée
aux hommes dans notre société patriarcale.
➢ « …et entre comme par effraction dans un domaine qui lui est interdit. » La comparaison de la femme qui « entre
comme par effraction » associe l’acte d’écrire, pour une femme, à une profanation, car la littérature serait
un territoire masculin. Ainsi, les femmes qui désirent écrire sont-elles condamnées à devoir agir sinon à la
limite de la légalité, du moins en décalage avec l’ordre politique et social.
- Reformulation de la thèse de l’autrice : Dans une société patriarcale où la littérature est vue comme un territoire
réservé aux hommes, les femmes de lettres sont obligées de faire leur place en contestant cet ordre établi et donc de
s’imposer avec force, sans attendre d’être acceptées par ceux-ci. Puisque les femmes sont exclues de la littérature
par le patriarcat, elles doivent donc combattre pour être écrivaines, si bien qu’écrire, pour une femme, est déjà un
acte politique engagé et provocateur.
- Problématisation : il est demandé de vérifier si cette thèse s’applique à Olympe de Gouges et plus précisément à
sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne.
➢ Problématique possible : En publiant sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne,
Olympe de Gouges accomplit-elle un acte politique qui remet violemment en cause l’ordre
patriarcal établi ?

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Plan possible
(Le plan dialectique invite d’abord à montrer en quoi la thèse proposée fonctionne, puis à en montrer les nuances et, enfin, à dépasser les limites de
la thèse de la citation en proposant votre propre thèse.)
I. Oui, en publiant la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, Olympe de Gouges
accomplit un violent acte politique contre le patriarcat. (Validation de la thèse)
Argument 1 : Le contexte d’écriture nous permet d’aller dans le sens de Béatrice Slama : Olympe de Gouges a publié
sa Déclaration pour entrer « comme par effraction » dans un débat confisqué par les hommes. En effet, Olympe de
Gouges a choisi de publier sa Déclaration le 14 septembre 1791, c’est-à-dire le lendemain de l’acceptation par le Roi de la
première constitution instaurant une monarchie constitutionnelle. Cette constitution reprend mot pour mot la Déclaration du
26 août 1789 alors qu’un intense débat avait agité les révolutionnaires quant au fait de modifier ou non ce texte afin qu’il
figurât dans la constitution. Comme cette constitution contenant le texte initial de la DDHC sans modification, Olympe de
Gouges, qui avait aspiré à ce qu’il fût modifié afin d’inclure des revendications féministes en son sein, décida de publier cette
réécriture critique pour agir malgré tout pour la cause des femmes.
Argument 2 : Dans l’épître dédicatoire à la Reine, Olympe de Gouges présente elle-même son œuvre comme un acte
politique engagé. En effet, dans cette dédicace, elle propose à Marie-Antoinette de faire une alliance politique : si la Reine
soutient « le retour des Princes » et donne du poids à « l’essor des droits de la femme », alors elle aura le soutient d’Olympe
de Gouges qui affirme qu’ainsi, elle trouvera une manière de redorer son image, très écornée.
Argument 3 : Il s’agit d’un manifeste1 véhément contre le patriarcat et en faveur du droit des femmes. En effet, l’autrice
emploie un ton polémique, n’hésitant pas à interpeller directement le patriarcat lorsque, dans le texte intitulé « Les droits de
la femme », elle l’apostrophe ainsi : « Homme, es-tu capable d’être juste ? ». De plus, son texte est provocateur, car lorsqu’elle
dédie son œuvre à la Reine – et non au Roi – et en l’appelant « Madame » et – et non « Majesté », Olympe de Gouges pose
d’entrée de jeu un rapport d’égalité avec Marie-Antoinette alors que l’idée de monarchie suppose une relation asymétrique
entre un monarque et ses sujets. Enfin, Olympe de Gouges met en valeur les femmes, qu’elle place systématiquement aux
côté des hommes dans les articles de sa Déclaration : dans l’article III, par exemple, le terme « Nation », présent seul dans la
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, est glosé en « Nation, qui n’est que la réunion de la Femme et de l’Homme »
dans la Déclaration d’Olympe de Gouges. D’ailleurs, dans le « préambule », l’autrice rend hommage aux femmes qui sont selon
elle un « sexe supérieur en beauté comme en courage dans les souffrances maternelles ».
II. Toutefois, la Déclaration porte un engagement politique plus large et constitue une œuvre
littéraire riche et complexe. (Limites et nuances de la thèse)
Argument 1 : Olympe de Gouges ne s’attaque pas qu’au patriarcat et ne défend pas que les femmes. En effet, Olympe
de Gouges dans sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne effectue une véritable synthèse de ses différents combats
politiques : celui en faveur des femmes, bien entendu, mais aussi ceux en faveur des enfants nés en dehors du mariage (qu’elle
défend dans l’article XI), d’un nouveau contrat de mariage, égalitaire (qu’elle appelle de ses vœux dans le postambule, dans
la section « Forme du contrat social de l’homme et de la femme »), du strict respect de la loi (à la toute fin du postambule,
elle rapporte une anecdote personnelle : elle fut contrainte de payer à son cocher plus que prévu par la loi et cet abus a été
conforté par un magistrat, c’est-à-dire par un représentant de la loi). Enfin, elle met particulièrement en avant son rejet absolu
de l’esclavage et du comportement des colons blancs dans les Antilles : dans le postambule, elle amène, sur le mode de la
digression, la situation des « hommes de couleur ». Auparavant, Olympe de Gouges avait déjà dénoncé l’esclavage dans sa
pièce Zamore et Mirza (1784). Olympe de Gouges mène donc un combat politique, social et sociétal bien plus large.
Argument 2 : Dans sa Déclaration, Olympe de Gouges ne fait pas seulement preuve d’un engagement politique,
mais aussi d’un engagement littéraire. En effet, ce texte est riche et complexe sur le plan littéraire : l’autrice joue avec les
genres littéraires avec une certaine subtilité. Concernant l’épître dédicatoire, on a vu qu’elle réutilise cette forme en se
démarquant des attendus. La Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne à proprement parler constitue un texte complexe,

1Un manifeste est un texte argumentatif faisant partie de l’essai : il s’agit d’une déclaration solennelle et publique dans laquelle on expose
un programme politique.
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qui oscille entre réécriture critique de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et pastiche juridique pour finalement
constituer un essai : sous la forme d’un texte de loi, elle fait en réalité passer ses idées en s’attaquant implicitement à la
Déclaration, réputée presque sacrée, de 1789. En outre, elle manie le style rhétorique avec aisance, comme on le voit au début
du « Postambule » : on retrouve des métaphores et un lexique caractéristiques des Lumières, comme dans la phrase « Le
flambeau de la vérité a dissipé tous les nuages de la sottise et de l’usurpation. » Elle sait également construire des « périodes »,
ces longues phrases rhétoriques censées donner de l’ampleur dans un discours. Elle se réfère aussi à l’intertextualité,
notamment biblique, car, en écrivant : « ‘Femmes, qu’y a-t-il de commun entre vous et nous ?’ ‘Tout’, auriez-vous à
répondre. », elle reprend un épisode de l’Évangile selon Saint Jean2. Écrire la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen constitue
donc autant un acte littéraire qu’un acte politique.
Argument 3 : Il serait réducteur d’affirmer que le positionnement politique d’Olympe de Gouges est radical et que
son texte serait extrêmement violent. Olympe de Gouges, en tant que pionnière du féminisme, a longtemps été
représentée, en raison d’une grande misogynie, comme une féministe extrémiste ; or c’est faux : son texte, même s’il utilise
le registre polémique et une certaine virulence, n’appelle pas à la fondation d’un matriarcat, ni à l’éviction des hommes du
pouvoir. Au contraire, sa Déclaration ne cesse, notamment dans les articles, d’adjoindre les femmes aux hommes, qui sont
toujours présents aux côtés des femmes. De plus, son positionnement politique était en réalité modéré : partisane des
Girondins, bien moins radicaux que les Montagnards, elle fut opposée à la mort du Roi. D’ailleurs, en dédiant son œuvre à
la Reine, Olympe de Gouges lui reconnaît un rôle institutionnel et politique important. La Déclaration d’Olympe de Gouges
est donc un texte égalitariste sans être radical ni extrémiste.
III. Par conséquent, publier la Déclaration est l’acte politique fort d’une femme de lettres humaniste.
(Dépassement de la thèse)
Argument 1 : Il s’agit d’une œuvre humaniste sur le plan politique. On peut en effet qualifier d’humaniste son combat
dans la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne. Plus qu’un texte en faveur du seul droit des femmes, il s’agit un texte
qui promeut les droits humains et l’égalité en général. C’est en effet ce qui constitue le fil rouge de tous ces combats (égalité
homme / femme, Blancs / Noirs, époux / épouse, enfants légitime / enfants illégitimes…) qui, à première vue, semblent
réunis de manière disparate.
Argument 2 : Il s’agit d’une œuvre humaniste sur le plan littéraire. En effet, Olympe de Gouges, en tant que femme de
lettres des Lumières, prolonge l’héritage des écrivains et penseurs humanistes de la Renaissance. En effet, elle promeut le
progrès, la réflexion et le savoir contre l’obscurantisme. De plus, la question du droit des femmes était déjà posée au 17e s.
dans le Grief des dames de Marie de Gournay, grande lectrice et commentatrice de l’humaniste Michel de Montaigne. L’autrice
de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne s’inscrit donc bel et bien dans cette tradition. D’ailleurs, à l’image de
l’œuvre de Montaigne, qui est autant l’œuvre d’un philosophe que d’un écrivain, la Déclaration d’Olympe de Gouges est à la
fois un essai de philosophie politique et une œuvre littéraire dans laquelle la dimension autobiographique n’est pas absente.
Argument 3 : Un message modéré et novateur servi par un propos franc et percutant. Replacé dans son contexte
(l’héritage humaniste et son inscription dans le mouvement des Lumières), la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne
de 1791 complète les revendications d’égalité et de progrès portés par les Révolutionnaires de 1789. En ce sens, le message
d’Olympe de Gouges, partisane des Girondins, est finalement plus modéré que radical. En revanche, c’est avec le « talent du
manifeste », pour reprendre le mot de l’historienne Michelle Perrot à propos d’Olympe de Gouges dans son ouvrage Les
femmes rebelles, qu’elle fait passer ce message, novateur pour son époque. En effet, elle n’hésite pas à apostropher son lecteur
(« Homme, es-tu capable d’être juste ? » demande-t-elle dans « Les droits de la femme ») et sa lectrice (« Femme, réveille-
toi » lance-t-elle au début du « Postambule »), à employer des formules franches et percutantes, comme lorsqu’elle affirme
dans l’article X que « La femme a le droit de monter à l’échafaud ; elle doit pouvoir avoir aussi celui de monter à la tribune. »

2 Dans l’épisode biblique des noces de cana, relaté dans l’Évangile selon saint Jean (2, 1-11), Jésus répond à sa mère qui l’informe que les
invités n’ont plus de vin : « Femme, qu’y a-t-il de commun entre toi et moi ? » Cette phrase a souvent été utilisée pour montrer la
misogynie du Christ, de la religion chrétienne.
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Éléments pour une conclusion
- Bilan de la réflexion
o Rappel de la problématique : En publiant sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, Olympe de
Gouges accomplit-elle un acte politique qui remet violemment en cause l’ordre patriarcal établi ?
o Réponse à la problématique : La publication de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne en 1791
s’apparente en effet à un acte politique fort qui remet en cause le patriarcat : ce texte, qui sous une apparence
juridique est en réalité un manifeste pour le droit des femmes, manie le registre polémique. Toutefois, la
Déclaration est bien plus que cela : c’est une œuvre qui mène bien d’autres combats que celui pour les droits
des femmes et qui n’est pas seulement un texte politique : c’est aussi un texte littéraire jouant malicieusement
avec les codes de différents genres (épître, texte juridique) et usant avec finesse de l’intertextualité. Aussi la
Déclaration est-elle le texte, profondément humaniste, d’une femme de lettres qui cherche à transmettre un
message politique novateur et universel à la fois.
- Réponse à la citation
o Rappel de la citation : « Pour une femme, écrire a toujours été subversif : elle sort ainsi de la condition qui
lui est faite et entre comme par effraction dans un domaine qui lui est interdit », écrit Béatrice Slama dans
De la « littérature féminine » à « l’écrire-femme » : différence et institution (Littérature n°44, 1981)
o Réponse à la citation : Le propos d’Olympe de Gouges en 1791, s’il est profondément novateur dans une
société dominée par les hommes de manière écrasante, n’en est pas moins l’héritier d’une tradition héritée
des humanistes. Il serait donc légèrement forcé de dire qu’elle entre « par effraction » dans « un domaine
qui lui est interdit » ; toutefois, c’est en effet un « acte subversif », tant sur le plan politique que littéraire,
elle amène un souffle nouveau sur le combat pour le droit des femmes et elle le fait en usant avec finesse
de genres et de procédés littéraires qu’elle réemploie de manière parfois audacieuse.
- Ouverture possible : La dimension subversive de l’écriture féminine ne s’arrête pas avec l’acte courageux d’Olympe
de Gouges en 1791, et la littérature reste après elle un territoire dominé par les hommes : au 19e s., Amantine Aurore
Lucile Dupin de Francueil dut, pour s’imposer dans les milieux littéraires où elle excella ensuite, prendre un nom de
plume masculin : celui de George Sand.

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