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l’envers des guidelines


§
§
Entre simplicité et renoncement

I
l s’agit du cas d’un patient de 46 l’AI pour son mal de dos. Il mention-
ans suivi depuis 1995. Né au nait aussi des dettes et des soucis
Pérou où il a suivi des études avec son épouse qui «travaillait com-
supérieures, il vit en Suisse depuis me une folle» pour améliorer l’ordinai-
1992. Il est marié avec une infirmière re de la famille.
originaire du sud de l’Europe et père En décembre 2000, il est revenu
de deux enfants. Lors de la première consulter en raison de lombalgies et
consultation, motivée par une vacci- d’une sciatique gauche non défici-
nation contre le tétanos, il ne présen- taire, sans faiblesse des membres
tait aucun antécédent particulier si inférieurs, pour laquelle un arrêt de
Participants :
ce n’est une fièvre typhoïde dans les travail d’un mois a été prescrit. Lors
Gilbert Abetel (Orbe)
Christian Danthe (Vallorbe)
années 80, une fracture de clavicule de cette visite, le patient a dit : «Cette
Philippe Hungerbühler (Yverdon) et une fracture du poignet. fois, j’en ai plein le dos. Je vais quitter
Jean-Dominique Lavanchy (Yvonand) Il a été revu en 1997 puis au début mon emploi».
Daniel Russ (Echallens) 2000. Il avait alors signalé au méde- L’évolution a été favorable et le
cin qu’il ressentait depuis environ patient n’a pas été revu jusqu’en été
Rédaction : trois ans des douleurs au niveau des 2002 à la suite d’un gros effort mus-
Pierre-Alain Plan fesses, d’abord à gauche, et depuis culaire dans le cadre de son travail.
un an à droite, avec de temps en Depuis deux mois, suite à cet effort
temps une impression de faiblesse important, il présentait des douleurs
dans les jambes. Son travail de ma- des mollets et de la cuisse gauche,
gasinier, qui ne lui plaisait pas trop, accompagnées de crampes dans les
lui imposait de soulever de grosses mollets pendant la nuit. L’application
charges. Il avait souvent mal au dos de crème anti-inflammatoire permet-
et était à la recherche d’un autre tait d’améliorer un peu la symptoma-
emploi. Sa femme le poussait d’ail- tologie. En automne 2002, il se plai-
leurs à faire quelque chose en rap- gnait toujours de douleurs au niveau
port avec sa formation universitaire. des deux mollets, mais un nouvel exa-
L’examen clinique n’avait rien révélé men clinique n’a rien mis en éviden-
de particulier, le Lasègue était négatif ce de plus que trois ans auparavant.
et le status neurologique parfaitement
Rev Med Suisse 2008 ; 4 : 2415-20 – (Un confrère.) Ces douleurs étaient ac-
normal.
compagnées d’un sentiment de faiblesse
Le patient a consulté à nouveau au
disais-tu ?
milieu de l’année 2000, en raison de
L’envers des guidelines douleurs dorsales pour avoir charrié
– (Le médecin traitant.) Oui, en 1997 et
2000, le patient se sentait moins fort au
un salon tout entier dans le cadre de
Le praticien son travail. Le bilan de base effectué
niveau de la jambe, mais le status neu-
au centre du système rologique était normal.
à ce moment s’est révélé normal et la
– (Un confrère.) Et cette faiblesse n’était
radiographie du rachis montrait des
Cette rubrique rapporte des cas plus présente en 2002 ?
discrets troubles statiques. Un trai-
réels pour lesquels les démarches – (Le médecin traitant.) En 2002, le pa-
tement de physiothérapie a permis
diagnostique et thérapeutique tient ne se plaignait pas de faiblesse,
présentent un intérêt particulier une amélioration et le patient a repris
ou sont inhabituelles. Elle reflète mais simplement de douleurs des mol-
son emploi, tout en gardant l’idée
l’activité du praticien et les di- lets et de la cuisse gauche.
vergences, parfois profondes, qui d’en changer.
– (Un confrère.) La faiblesse était sub-
existent entre la médecine hospi- En automne 2000, il n’avait pas de
talière, basée sur les preuves et jective, tu ne l’as pas observée ?
plaintes particulières mais réfléchis-
celle, plus intuitive, que le prati- – (Le médecin traitant.) Non.
cien exerce au cabinet. sait toujours à un changement pro-
– (Un confrère.) Y avait-il une claudica-
fessionnel et souhaitait une aide de
tion ?

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– (Le médecin traitant.) Non. Le patient mentionnait un tissu hépatique de bonne ce moment était normal à l’exception
se plaignait de crampes nocturnes. Il me qualité, avec un parenchyme conservé, d’une légère hyporéflexie achilléenne bi-
disait : «Pendant la nuit, ça me tire, j’ai mais avec une abondante stéatose es- latérale.
mal aux muscles, j’ai des crampes». Sa sentiellement macro-vacuolaire occupant – (Un confrère.) Y avait-il des troubles
femme lui massait les mollets avec une plus de 60% du cylindre. Il y avait égale- sphinctériens ?
crème anti-inflammatoire pour le soula- ment de rares foyers de liponécrose, mais – (Le médecin traitant.) Non, aucun pro-
ger. Lorsque je l’ai réexaminé à ce mo- pas de fibrose des espaces portes, ni de blème de ce genre, aucune incontinence.
ment-là, je n’ai rien trouvé. En septembre dépôts d’hémosidérine, de corps de – (Un confrère.) Les CK étaient-elles éle-
2002, j’ai revu le patient. Il avait changé Mallory ou de Councilman. vées, ou y avait-il d’autres indices sug-
de travail, allait plutôt bien, son poids J’ai rediscuté avec le patient et lui ai gérant une myopathie ?
était stable mais il se sentait toujours un dit qu’il buvait peut-être quand même un – (Le médecin traitant.) Non. Par deux
peu fatigué. Il m’a dit : «Docteur, je trouve petit peu trop et qu’il devrait faire atten- fois la vitesse de sédimentation était à 5
cette fatigue bizarre, pourriez-vous me tion. Les tests hépatiques ont été répé- mm/h. Et tout l’examen clinique, y com-
faire un check-up ?» tés après trois mois d’abstinence totale. pris du dos, était négatif hormis la petite
Le bilan de santé n’a rien mis en évi- Le patient disait n’avoir plus bu une gout- hyporéflexie bilatérale mentionnée tout à
dence si ce n’est une altération chroni- te, et je crois que c’était vrai. Rien n’avait l’heure.
que et relativement importante des tests changé, la cytolyse chronique (ALAT : En reprenant le dossier, je me suis dit
hépatiques. En 2000, ce bilan était normal, 140 UI/l, ASAT : 60 UI/l) était toujours pré- que cela faisait bientôt dix ans que le
mais cette fois les ALAT et ASAT étaient sente. Nous en sommes restés là, avec patient présentait cette même plainte, qui
élevées (respectivement 142 et 62 UI/l), tout de même l’objectif de perdre un peu revenait comme un leitmotiv, entre un
ce qui parlait plutôt pour une cytolyse, de poids. petit problème de maladie sexuellement
avec une γGT normale. Le patient a dit En décembre 2004, le patient est revenu transmissible et une hépatopathie chro-
que lorsqu’il rencontrait des copains du sur l’histoire initiale : «Docteur, il faut que je nique qu’on n’arrivait pas très bien à ex-
pays, ils faisaient la fête et abusaient vous dise, j’ai toujours mal dans la fesse pliquer. Une nouvelle radiographie de la
parfois un peu de l’alcool mais qu’il n’avait gauche». Je l’ai examiné, le status était colonne à la recherche d’un canal lom-
pas de problème de ce côté-là. J’en ai normal, seule persistait cette plainte d’une baire étroit n’a rien mis en évidence. J’ai
parlé à un gastroentérologue. J’étais per- douleur musculaire de la fesse gauche, alors adressé le patient à un neurologue
suadé que le patient faisait la fête avec sans paralysie ni aucun autre signe. qui a effectué un EMG et qui décrivait le
ses copains, sans être un alcoolique. Les En été 2005, suite à une foire d’enfer status neurologique comme rigoureuse-
γGT étaient normales, le MCV aussi, et je avec des copains péruviens, le patient a ment normal hormis l’hyporéflexie, et qui
n’ai jamais vu le patient alcoolisé. Il ren- consulté parce qu’il disait avoir eu un m’a finalement répondu qu’il ne trouvait
trait à la maison, s’occupait de ses en- rapport un peu bizarre avec une péripa- pas de pathologie neurologique pouvant
fants notamment lors des absences de téticienne rencontrée lors de cette fameu- expliquer les symptômes du patient. En
sa femme qui travaillait beaucoup. Mon se fête. Selon ses dires, celle-ci «avait particulier, le spécialiste n’avait pas obser-
collègue m’a dit : «Il picole, ce type !» l’air malade». Le patient se souvenait tout vé de parésie proximale.
J’ai alors pratiqué un bilan extensif de même qu’il avait mis un préservatif ou – (Un confrère.) C’est exceptionnel de la
dont des sérologies pour l’hépatite B et «quelque chose dans le genre !». Il n’était part de ce confrère. Comme on le con-
C. Bref, tout le bilan habituel proposé par pas très fier, sa femme était au courant naît, il aurait dû trouver au minimum quatre
mon confrère, y compris le dosage des et très inquiète, mais elle lui a finalement diagnostics dans un cas comme celui-ci
anticorps pour la cirrhose biliaire primitive pardonné cet écart de conduite avec les (rires).
et de l’alpha-1 anti-trypsine. Tous les ré- copains. J’ai donc demandé une sérolo- – (Le médecin traitant.) Ce patient n’avait
sultats sont revenus négatifs. gie VIH qui s’est révélée définitivement aucun autre symptôme. Et ceux-ci sur-
– (Un confrère.) Le patient était-il obèse ? négative. J’ai bien expliqué le résultat au venaient toujours la nuit.
– (Le médecin traitant.) Il était en sur- patient et fais une copie pour son épou- – (Un confrère.) Cet homme est-il cent
poids, avec un IMC à 27-28. L’échogra- se afin de la rassurer. A ce moment, le pour cent péruvien ? N’a-t-il pas de sang
phie hépatique a montré une stéatose et patient n’a plus rien mentionné d’autre. noir? Car on pourrait éventuellement pen-
mon confrère spécialiste a dit : «La pré- Visiblement la problématique VIH avait ser à une drépanocytose.
sence de ces "masses" est ennuyeuse, pris le dessus sur tout le reste. – (Le médecin traitant.) Non, rien de tout
on ne sait pas très bien comment elles Un an plus tard, en mai 2006, il se plai- cela. Nous en étions donc là, jusqu’à
peuvent évoluer, c’est quand même une gnait à nouveau de douleurs, mais cette une nuit durant laquelle il a présenté de
situation à risque». Tant et si bien qu’en fois au niveau des deux cuisses, dans leur telles douleurs au niveau des cuisses, et
raison de la persistance des anomalies partie postérieure, présentes depuis quatre une telle faiblesse, que son épouse in-
enzymatiques, une ponction biopsie du semaines, avec une sensation de faibles- quiète a appelé l’ambulance. Le patient a
foie a été effectuée en juillet 2003. Celle-ci se musculaire. Il ne présentait aucune donc été hospitalisé d’urgence à l’hôpi-
a montré l’existence d’une stéato-hépatite récidive de douleurs lombaires, travaillait tal régional. Et là… c’est le stagiaire qui
évocatrice d’une hépatopathie de type dans un atelier de réparation, ne devait a posé le diagnostic, un diagnostic in-
alcoolique. plus rien porter, ne fournissait pas d’effort croyable !
– (Un confrère.) Y avait-il des corps de particulier et est revenu à la charge avec – (Un confrère.) Cela paraît trop simple.
Mallory ? cette symptomatologie douloureuse da- Il s’agit tout de même d’une histoire chro-
– (Le médecin traitant.) Non. Le rapport tant de 1997. L’examen neurologique à nique qui durait depuis bientôt dix ans.

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– (Un confrère.) Le diagnostic n’a tout de – (Le médecin traitant.) Le sodium était pas tachycarde, ne présentait pas de
même pas été posé pendant la nuit ? normal. tremblement ni d’amaigrissement, donc
– (Le médecin traitant.) Le diagnostic a – (Un confrère.) Le patient avait-il une aucun signe d’hyperthyroïdie. Je trouvais
été posé sur la base d’un examen de sang pression artérielle normale ? intéressant de vous le présenter parce
tout simple, que vous pouvez tous faire à – (Le médecin traitant.) Oui. Il avait une qu’il s’agit d’une hyperthyroïdie totale-
votre cabinet et que je n’avais pas deman- hypokaliémie sévère sur une TSH totale- ment asymptomatique responsable d’une
dé afin de ne pas coûter trop cher aux as- ment effondrée. Il présentait donc une hypokaliémie gravissime et d’une para-
surances. Je n’ai pas pensé à ce diag- hyperthyroïdie massive, sans symptômes lysie périodique familiale secondaire.
nostic, le status était normal et il n’y avait cliniques, et souffrait d’une paralysie pé- – (Un confrère.) C’est intéressant du point
pas d’indication à effectuer cet examen. riodique familiale secondaire à une hypo- de vue de l’envers de guidelines. Le pro-
– (Un confrère.) Si on résume ce que tu kaliémie, elle-même secondaire à une duit des improbabilités abouti à une va-
nous as dit : nous sommes face à un pro- hyperthyroïdie. leur infinitésimale. C’est finalement éton-
blème chronique de lombalgies et de dou- – (Un confrère.) Sans amaigrissement ? nant qu’il existe quelques dizaines de cas
leurs des fesses, avec sensation de fai- – (Le médecin traitant.) Non. Il prenait du décrits chez les non-Asiatiques.
blesse dans les jambes, raison pour la- poids et n’avait ni diarrhée, ni symptômes – (Un confrère.) Ainsi, il faut qu’existe
quelle le patient a dû changer de métier. oculaires, ni aucun autre signe d’appel une prédisposition familiale pour déve-
Il existe de plus une stéatose hépatique, en faveur d’une hyperthyroïdie. lopper cette faiblesse des membres infé-
sans fibrose des espaces portes chez un – (Un confrère.) Il présentait donc une rieurs qui n’a jamais été objectivée nulle
homme qui n’avait pas maigri, dont l’état hyperthyroïdie avec prise pondérale ? part et par personne. Cet élément est
général était conservé, et qui allait très – (Le médecin traitant.) Et sans être chi- toujours resté subjectif ?
occasionnellement rendre visite aux belles nois. Parce que je vous «rappelle» que ce – (Le médecin traitant.) Oui, c’était sub-
de nuit. Il faut d’abord exclure une his- sont les Asiatiques qui font cela (la mala- jectif. Le patient m’expliquait qu’il se
toire infectieuse chronique, une syphilis, die touche 2-20% des jeunes (20-40 ans) trouvait dans son lit et qu’il n’arrivait par-
une maladie de Lyme. Parce qu’on nous a asiatiques hyperthyroïdiens, mais seule- fois pas à s’en relever. Maintenant que
assez répété que face à des troubles bi- ment 0,1-0,2% des hyperthyroïdiens de j’y repense, pendant les consultations, il
zarres que l’on n’arrive pas à mettre sous race blanche). Il s’agit d’un cas incroya- s’appuyait sur la chaise pour se relever.
un même chapeau, il faut toujours penser ble de paralysie périodique hypokaliémi- – (Un confrère.) Encore une question :
à ce genre d’affection chronique. A l’évi- que thyréotoxique (PPT). D’après ce que pourquoi la nuit ? Le jour il transportait
dence, il ne s’agit pas d’une histoire mé- j’ai lu, il ne semble pas y avoir de relation des lourdes charges lorsqu’il travaillait
canique, l’examen neurologique était quasi entre la fréquence des crises ou leur gra- encore chez son premier employeur, il faut
normal. La formule sanguine aussi était vité et le degré d’hyperthyroïdie. De même, le faire !
normale, et il ne semble pas y avoir d’in- l’origine de la dysthyroïdie (maladie de – (Le médecin traitant.) Quand le diag-
dices en faveur d’une intoxication chroni- Basedow, nodule ou goitre thyréotoxique, nostic a été posé, il avait changé d’emploi.
que. Comment a été posé le diagnostic ? thyroïdite, etc.) ne présage pas du risque – (Un confrère.) D’accord, mais cette ma-
– (Le médecin traitant.) Sur la base d’un de PPT. Le neurologue m’a envoyé un ladie était déjà en évolution.
test sanguin ! article1 dont la conclusion dit en gros : – (Le médecin traitant.) Cela faisait dix
– (Un confrère.) Test que nous pouvons «… les déficits musculaires associés à ans que de temps en temps, de manière
effectuer facilement au cabinet ? une hypokaliémie par transfert intracellu- incidente, le patient me parlait de ses dou-
– (Le médecin traitant.) Test que vous laire de potassium doivent faire évoquer leurs musculaires au niveau des cuisses.
pratiquez tous si nécessaire, et qui est une paralysie périodique hypokaliémique – (Un confrère.) Présentes surtout la nuit.
d’une simplicité remarquable. (PPH). Une enquête familiale doit alors – (Le médecin traitant.) Ce qui signifie
– (Un confrère.) Mais tu avais effectué être réalisée, ainsi que la recherche d’une que sa thyréotoxicose est présente de-
un bilan complet, avec VS, formule san- thyréotoxicose. Dans le cadre des PPT, puis dix ans, sans autres symptômes.
guine… ? seules les hypokaliémies profondes avec – (Un confrère.) Quelle est la relation
– (Le médecin traitant.) Je n’avais pas un retentissement cardiaque peuvent bé- entre la thyréotoxicose et le foie ?
répété la totalité de ces examens derniè- néficier d’un supplément potassique par – (Le médecin traitant.) Je me pose ef-
rement car cela ne me paraissait pas im- voie intraveineuse en unité de soins in- fectivement la question de savoir si la
portant. La vitesse de sédimentation en tensifs, (…). Aucun apport de potassium thyréotoxicose n’est pas à l’origine des
2000 et 2002 était tout à fait normale, la n’est utile si l’accès paralytique et l’hy- altérations constatées à l’époque.
formule sanguine aussi. J’avais refait les pokaliémie s’amendent spontanément, – (Un confrère.) Peut-être doit-on imagi-
tests hépatiques qui, pour une fois, étaient (…). Dans tous les cas, un traitement par ner qu’en cas de thyréotoxicose le foie
pratiquement normaux, sans doute parce bêtabloquants sera débuté en attente est plus sensible à l’alcool ?
que le patient avait moins bu. La glycé- d’une prise en charge étiologique de – (Un confrère.) Peut-être, mais le patient
mie était normale, je n’avais absolument l’hyperthyroïdie.» avait cessé de boire pendant trois mois
rien trouvé de particulier. – (Un confrère.) Cela signifie-t-il que dans et cela n’avait rien changé.
La seule chose que je n’avais pas faite, les bilans intermédiaires, les valeurs du – (Un confrère.) Se pourrait-il que le pa-
c’était le dosage du potassium. Et, à l’hô- potassium étaient normales ? tient ait souffert d’une intoxication à l’iode,
pital, lorsque le patient était en crise, le – (Le médecin traitant.) Je n’en sais rien, d’une manière ou d’une autre ? On ne sait
potassium était à 1,4 mmol/l ! je n’ai pas demandé ce dosage. rien de ses habitudes. Et de telles intoxi-
– (Un confrère.) Et le sodium ? – (Le médecin traitant.) Le patient n’était cations ont été décrites par exemple avec

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des désinfections massives à la bétadine, était-elle non active en périphérie, mais ton patient, c’est la durée.
ce que j’ignorais. Apparemment, des per- suffisamment quand même pour inhiber – (Le médecin traitant.) Les problèmes
sonnes qui se font opérer plusieurs fois l’hypophyse ? de thyroïde sont généralement des choses
et sont largement badigeonnées à la bé- – (Le médecin traitant.) La TSH du patient qui nous frappent, notamment lorsqu’il y
tadine peuvent développer tout d’un coup était indétectable. La T3 libre (10 pmol/l) a un tremblement… Je connais ce patient
une thyréotoxicose. Le patient avait-t-il un était à deux fois la valeur normale (2,6- depuis maintenant onze ans et jamais un
apport iodé excessif par des habitudes 5,7), ce qui est énorme, et la T4 libre à quelconque élément n’a attiré mon at-
alimentaires ou autres ? 26,2 pmol/l (9-25). tention dans le sens d’une dysthyroïdie.
– (Le médecin traitant.) Non, je ne crois – (Un confrère.) Il existe une forte dis- – (Un confrère.) Connaissez-vous beau-
pas, ce patient mange la cuisine de son cordance entre les valeurs de la TSH et la coup d’hommes qui présentent des pro-
épouse qui est d’origine méditerranéenne. clinique : cela laisse quand même penser blèmes thyroïdiens ?
J’ai été frappé par l’absence de tout symp- que l’hormone thyroïdienne qui freine l’hy- – (Un confrère.) Il y en a de temps en
tôme clinique. Et pourtant je m’occupe de pophyse n’est pas cliniquement aussi temps.
quatre ou cinq cas de maladie de Base- active que l’on imagine. Ne raisonnez- – (Un confrère.) Tu n’as pas parlé de la
dow ; quand ces patients vont moins bien, vous pas aussi comme cela ? palpation de la thyroïde.
quand la maladie récidive, ça se voit. – (Le médecin traitant.) Le souvenir que j’ai – (Le médecin traitant.) La palpation a
– (Un confrère.) J’ai entendu récemment de l’enseignement reçu, c’est qu’il existe toujours été, et est encore actuellement
une spécialiste de ces problèmes qui une variabilité individuelle dans la répon- normale.
nous a fait une revue de tout ce qui peut se aux hormones thyroïdiennes. – (Un confrère.) Il ne s’agit donc pas d’un
arriver de bon et de moins bon au foie, et – (Un confrère.) C’est vrai. J’ai une pa- nodule toxique, c’est surprenant.
qui faisait allusion à une relation entre la tiente qui souffrait d’une maladie de – (Le médecin traitant.) La raison pour
thyroïde et le foie. Elle a aussi parlé de Basedow ; elle avait une hyperthyroïdie laquelle je voulais vous présenter ce cas,
cirrhoses hépatiques sur insuffisance et prenait du poids de manière impres- ce que je trouvais incroyable, c’est l’ab-
cardiaque induite par l’amiodarone. sionnante. De plus, elle retenait aussi de sence de symptôme d’hyperthyroïdie. Le
– (Le médecin traitant.) Au status cardio- l’eau. Le tableau clinique ne correspondait diagnostic a été posé à l’hôpital sur la
vasculaire d’entrée, la lettre de l’hôpital pas du tout à ce qu’on attendait. C’était base d’une large batterie d’examens de
décrit une pression normale et des pul- à l’inverse du bon sens. routine et c’est finalement le raisonnement
sations à 70 par minute. – (Le médecin traitant.) J’ai aussi connu à partir de l’hypokaliémie massive qui a
– (Un confrère.) A ma connaissance, l’hor- un patient qui prenait du poids avec une permis de remonter à l’hyperthyroïdie en
mone thyroïdienne en excès provoque maladie de Basedow, c’est donc possible. faveur de laquelle il n’y avait aucun signe
des signes cliniques ; celle de ce patient – (Un confrère.) Ce qui est étonnant chez ni symptôme.

• • •

L’AVIS DU SPÉCIALISTE été utile de savoir ce qui se passait dans perte de poids et une hyperthyroïdie sé-
(Dr Luc Portmann,Service d’endocrinologie, les muscles de ce patient et d’effectuer vère peu symptomatique, une perturba-
diabétologie et métabolisme, CHUV, 1011 le bilan mentionné ci-dessus. tion des tests hépatiques de type cytoly-
Lausanne) Dans ce contexte, il faut rappeler que se s’observe assez régulièrement. A l’in-
les personnes avec une bonne masse verse, la découverte d’une hyperthyroïdie
– (P.-A. Plan) Que pensez-vous de cette musculaire et bien entraînées physique- après la mise en évidence d’une cytolyse
histoire ? ment ne présentent que rarement les est plutôt exceptionnelle.
– (L. Portman) A l’hôpital, nous voyons symptômes typiques d’une hyperthyroï- L’autre grande cause de perturbation
épisodiquement des patients pour un die. Chez ces patients, l’hyperthyroïdie ne de la fonction hépatique est représentée
deuxième ou un troisième avis dans un provoque ni tremblement, palpitations ou par les médicaments : les antithyroïdiens
contexte de situation inhabituelle et nous perte de poids (10% des patients hyper- peuvent perturber la fonction hépatique.
en discutons entre spécialistes. Ainsi, il thyroïdiens ne présentent pas de perte Mais une maladie auto-immune (cirrhose
sera plus facile pour nous de formuler pondérale), mais plutôt une perturbation biliaire primitive, hépatite auto-immune)
des diagnostics de présomptions dans subjective du bien-être. peut également être associée à une hyper-
un contexte d’histoires un peu étranges. thyroïdie. Dans ce cas, il n’existe pas de
Chez ce patient, travailleur de force, qui – (PAP) Que sait-on de relations entre relation entre la perturbation des tests
présente des douleurs musculaires aty- la fonction (dysfonction) thyroïdienne hépatique et l’atteinte thyroïdienne.
piques, une faiblesse et des crampes, et le foie ? En d’autres termes, une Pour ce qui concerne la sensibilité à
nous aurions probablement peut-être ef- dysfonction thyroïdienne peut-elle pro- l’alcool, on a essayé de soigner les hépa-
fectué un peu plus tôt un dosage des voquer des troubles hépatiques, ou tites éthyliques subaiguës en diminuant
électrolytes, du magnésium et des tests éventuellement augmenter la sensibi- la consommation d’oxygène par le biais
thyroïdiens. Hormis la question de l’éco- lité du foie aux effets de l’alcool ? de l’administration d’antithyroïdiens. Mais
nomicité qui nous préoccupe tous, des – (LP) Chez des personnes présentant un l’association d’une hyperthyroïdie (mala-
investigations ont été effectuées pour les tableau clinique mixte, avec des troubles die de Basedow) et d’une altération hépa-
problèmes hépatiques. Il aurait également digestifs (nausées, vomissements), une tique est très probablement fortuite ; l’hy-

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perthyroïdie n’aggrave pas de manière monal et les signes cliniques est bonne, et ira à selle normalement. Ce dernier se
importante une atteinte hépatique. cet examen ne permet pas de tirer des plaindra probablement de la réapparition
conclusions en cas d’hyperthyroïdie. Lors- de la constipation quelques mois après
– (PAP) Nous avons parlé de toxicité que l’hyperthyroïdie est importante et que la mise en route du traitement antithyroï-
hépatique médicamenteuse. Qu’en est- le patient a perdu passablement de poids, dien. Ce sont donc les variations au cours
il de l’amiodarone, médicament qui on peut par contre observer les effets de du temps qui sont importantes plutôt que
contient de l’iode ? la myopathie hyperthyroïdienne : un pa- la situation à un instant donné. Pour un
– (LP) Nous avons peu d’expérience dans tient à qui l’on demande de s’accroupir sportif de haut niveau, l’hyperthyroïdie
ce domaine. Je me souviens du cas d’un n’arrive plus se relever sans s’aider des pourra cliniquement passer totalement
patient qui a présenté une hyperthyroïdie bras. inaperçue et seul un test d’effort ou des
sous amiodarone. Il a été traité et les Chaque tissu possède des récepteurs symptômes lors d’efforts intenses per-
examens biologiques ont révélé des tests aux hormones thyroïdiennes, et la répon- mettront de la suspecter. Je citerai par
hépatiques perturbés. La cause de l’at- se à des concentrations hormonales éle- exemple le cas d’une femme de 30 ans,
teinte hépatique n’a pas pu être établie vée peut être différente d’un organe à adepte de randonnée en haute montagne,
avec certitude ; en effet aussi bien l’amio- l’autre et d’un individu à l’autre. La situation qui se plaignait de sentir battre son cœur
darone que les antithyroïdiens peuvent est parfois complexe, car la tachycardie, davantage que d’habitude durant les dix
perturber la fonction hépatique. par exemple, ne reflète pas seulement un premières minutes d’une ascension,
excès d’hormones thyroïdiennes. Il s’agit symptômes disparaissant totalement en-
– (PAP) Comment peut-on expliquer d’un symptôme non spécifique, pouvant suite, et ne l’empêchant pas ensuite de
l’absence d’effets systémiques des hor- aussi être provoqué par le stress, la con- gravir la Dent Blanche par exemple.
mones thyroïdiennes (en particulier la sommation de café, une anémie, etc. Le
T3) alors que la TSH était indétectable ? tremblement lui aussi est variable d’une – (PAP) Tous les patients hyperthyroï-
– (LP) Si la TSH est indétectable et les personne à l’autre. Il peut être absent diens répondent-ils au traitement ?
valeurs de T3 et T4 normales, on parle même en cas d’hyperthyroïdie sévère. Il – (LP) Pour traiter une hyperthyroïdie, il
d’hyperthyroïdie subclinique ou préclini- s’agit en fait d’une exagération du trem- faut tenir compte du regard du patient et
que, qui peut être parfaitement asymp- blement naturel. de celui du médecin. Au début de la ma-
tomatique. Avec une TSH indétectable, Dans le cas du patient décrit, la triade ladie, la plupart des patients sont con-
une T3 à 10 pmol/l et une T4 à la limite classique – perte pondérale, tachycardie et tents car ils en tirent des bénéfices ; ils
supérieure de la norme, ce patient pré- tremblement – était absente. Ni l’anam- perdent un peu de poids, la maladie leur
sentait une hyperthyroïdie modérée. nèse, ni l’examen clinique n’étaient donc donne de l’énergie. Puis, à un moment
Pour un travailleur de force, avec une bon- suggestifs du diagnostic chez ce patient donné, ils deviennent fatigués. Les méde-
ne masse musculaire, les symptômes qui avait même plutôt pris du poids. La cins, eux, craignent surtout les compli-
d’hyperthyroïdie pouvaient parfaitement prise pondérale chez une personne hyper- cations de l’hyperthyroïdie. A court terme,
passer inaperçus. A l’opposé, un homme thyroïdienne est souvent liée à un désé- il s’agit surtout des troubles du rythme
sédentaire présentant les mêmes va- quilibre entre activité physique (diminuée) cardiaque (fibrillation auriculaire) et de
leurs biologiques aurait probablement et alimentation (inchangée) ou à un trou- l’embolie. Parmi les autres complications,
manifesté une tachycardie ou une fai- ble du comportement alimentaire. L’hypo- on peut citer les problèmes psychiatriques,
blesse musculaire lors d’efforts modérés, thalamus est très sensible aux hormones ou l’ostéoporose qui s’observe surtout
ou un tremblement le soir au coucher. thyroïdiennes et l’hyperthyroïdie peut in- chez les personnes malnutries.
On parle souvent d’hyperthyroïdie sévè- fluencer de manière paradoxale le com- Plus de nonante pour cent des pa-
re lorsque le taux de T4 est au-dessus portement alimentaire. tients, s’ils prennent bien leur traitement,
de 60 pmol/l. réagissent favorablement au traitement.
– (PAP) Existe-t-il une variabilité indi- Mais parfois, l’hyperthyroïdie ne répond
– (PAP) La T3 et la T4 exercent-elles viduelle de la réponse aux hormones pas au traitement, notamment en cas de
des effets différenciés sur l’hypophyse, thyroïdiennes ? maladie de Basedow, avec une glande
la thyroïde et les autres organes ? – (LP) Nous avons vu que la présence et thyroïde augmentée de volume et des
– (LP) Les hormones thyroïdiennes exer- l’intensité des symptômes pouvaient for- taux d’anticorps antirécepteur de la TSH
cent une rétroaction (feed-back négatif) tement varier d’un individu à l’autre. Le très élevés. Cela aboutit parfois à l’admi-
sur l’hypophyse ; on utilise donc la TSH diagnostic d’hyperthyroïdie doit s’appuyer nistration de doses élevées de médica-
comme paramètre tissulaire d’un excès sur un examen clinique et une anamnèse ments antithyroïdiens. Parfois la mauvaise
de ces hormones. Pour le reste, nous globale, prenant en compte tous les sys- réponse est liée à une mauvaise adhé-
n’avons aucun moyen d’évaluer avec pré- tèmes et intégrant le facteur temps. Par rence au traitement. L’absorption est bon-
cision l’excès d’hormones thyroïdiennes exemple, au niveau digestif, en cas d’hy- ne, le métabolisme ne pose pas de pro-
au niveau tissulaire. Historiquement, le ré- perthyroïdie, un patient qui allait à selle blèmes particuliers (pas d’acétyleurs lents
flexogramme a été utilisé mais, contrai- deux fois par jour va peut-être devoir y par exemple), il n’existe pas d’interaction
rement à ce qui se passe en cas d’hypo- aller six fois par jour, mais un patient majeure et le médicament se fixe bien
thyroïdie où la corrélation avec l’état hor- habituellement constipé ne le sera plus dans la thyroïde.

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CONCLUSION DU GROUPE pratiquer des interventions bénéfiques
Ces cas sont très inhabituels du fait aux patients, en raison des coûts entraînés
Adresses
de l’absence de symptôme d’hyperthy- pour le système de santé. Aux dires des
Dr Gilbert Abetel
roïdie sur une si longue période. C’est le médecins, les interventions qui ont le plus Médecine générale
bilan sanguin très large pratiqué de rou- souvent fait l’objet d’un rationnement sont place du Marché 6
tine à l’hôpital qui a permis de démêler l’imagerie par résonance magnétique, les 1350 Orbe
l’écheveau. La recherche de la cause de examens de dépistage, les autres tests Dr Christian Danthe
cette hypokaliémie massive a déclenché diagnostiques en laboratoire et les médi- Médecine générale
le raisonnement qui a permis de remon- caments qui ne peuvent être délivrés que rue de l’Ancienne-Poste 61
1337 Vallorbe
ter à l’hyperthyroïdie en faveur de laquelle sur ordonnance».
il n’y avait aucun signe ni symptôme. Dr Philippe Hungerbühler
Médecine interne
Bien que le potassium ne soit pas dosé rue d’Orbe 27
de routine au cabinet, cet exemple illustre Bibliographie 1400 Yverdon-les-Bains
bien de quelle manière l’attitude des as-
1 Lionet A, Barsamau J, Azar R. Paralysie périodique Dr Jean-Dominique Lavanchy
sureurs peut influencer notre manière de hypokaliémique thyréotoxique chez un Caucasien. Né- Médecine générale
pratiquer la médecine et à quel point phrologie 2004:25;29-32. place du Marché 6
2 Groupe de travail «Rationnement» de l’Académie 1350 Orbe
notre souci de ne pas générer des coûts suisse des sciences médicales. Le rationnement au sein
trop élevés peut nous faire manquer un du système de santé suisse: analyse et recommanda- Dr Daniel Russ
diagnostic. Cela contribue certainement, tions. Bull Med Suisses 2007;35:1431-8 Médecine générale
3 Hurst S, Slowther A, Forde R, et al. Prevalence and rue du temple 2
et de manière sournoise, au rationnement determinants of physical bedside rationing : Data from 1040 Echallens
des soins évoqué par l’Académie suisse Europe. J Gen Intern Med 2006;21:1138-43.
des sciences médicales2 dont le groupe
de travail relève que, selon Hurst et coll.,3
Faites-nous part de vos réactions (positives ou né-
«Deux tiers des spécialistes en médecine
gatives) par e-mail (pierre-alain.plan@revmed.ch)
interne et des médecins généraliste suis- ou par courrier (Revue médicale suisse, Rédac-
ses ont indiqué qu’ils avaient renoncé à tion, Case postale 475, 1225 Chêne-Bourg)

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