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international

La non-reconnaissance et le droit international contemporain


Remigiusz Bierzaneck

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Bierzaneck Remigiusz. La non-reconnaissance et le droit international contemporain. In: Annuaire français de droit
international, volume 8, 1962. pp. 117-137;

doi : https://doi.org/10.3406/afdi.1962.960

https://www.persee.fr/doc/afdi_0066-3085_1962_num_8_1_960

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LA NON-RECONNAISSANCE
ET LE DROIT INTERNATIONAL CONTEMPORAIN

Remigiusz BIERZANEK

I. La non-reconnaissance simple et la non-reconnaissance qualifiée.

Parmi les doctrines de la non-reconnaissance on peut distinguer les


doctrines traditionnelles (p. ex. la doctrine Tobar, la doctrine Stimson) et les
doctrines présentant un contenu juridique nouveau. Tandis que les premières
d'entre elles recommandent simplement le refus de la reconnaissance d'un Etat
ou d'un Gouvernement nouveau, les autres renforcent la politique de la non-
reconnaissance par un principe supplémentaire consistant à ne pas entretenir
de relations diplomatiques avec les Etats tiers qui ont reconnu l'Etat ou le
Gouvernement en question. Cette différence permet à notre avis de faire une
distinction entre la non-reconnaissance simple ou « classique » et la non-
reconnaissance qualifiée.
La doctrine « Hallstein » (1) appartient certainement à la deuxième
catégorie des doctrines de non-reconnaissance. Elle est appuyée sur la thèse
politique selon laquelle « la République fédérale d'Allemagne considère

(*) Remigiusz Bierzanek, Professeur à l'Université de Lodz et à l'Institut pour


l'étude des Problèmes Internationaux de Varsovie. Principales publications : Les
partisans en droit international (en pol.), 1949; Traduction en polonais, commentaires et
annotations de Grotius, « De jure belli ac pacis » et « Mare Liberum », 1954-55; Les
crimes contre la sécurité de la navigation aérienne, Revue int. de droit pénal, 1956,
n. 3 et 4; Le régime juridique de la haute mer (en pol.) , 1960; Sur les origines du droit
de la guerre et de la paix, Revue hist, de Dr. fr. et étr., I960, n. 1; La nature juridique
de la haute mer, R.G.D.I.P., 1961, n. 2; Les frontières du type fonctionnel, Annuaire de
1'A.A.A., 1961; Quelques remarques sur le statut juridique des étrangers à Rome, Jura,
vol. 13, 1962.
(1) W. Hallstein, professeur à la Faculté de droit de Francfort-sur-le-Main, a été de
1951 à 1957 Secrétaire d'Etat aux Affaires Etrangères de la République fédérale d'Allemagne
(le Secrétariat d'Etat aux Affaires étrangères a été jusqu'à 1955 rattaché à la Chancellerie
fédérale, avant la création à cette date d'un Ministère des Affaires étrangères confié à
M. von Brentano). Depuis 1958, M. W. Hallstein est Président de la Commission de la
Communauté Economique Européenne (N.D.L.R.) .
118 LA NON-RECONNAISSANCE ET LE DROIT INTERNATIONAL CONTEMPORAIN

qu'elle est responsable de la destinée des 18 millions d'Allemands qui vivent


dans la zone soviétique » et qu'elle « est seule autorisée à prendre la parole
au nom du Peuple Allemand» (lMs). La doctrine elle-même a été formulée
en 1955. Von Brentano a déclaré à la conférence des ambassadeurs à Bonn
que la R.F.A. romprait les relations diplomatiques avec « tous les Etats qui
voudraient reconnaître le Gouvernement de la Zone Soviétique » (2) .
Conformément à cette déclaration, le Gouvernement de la R.F.A. n'entretient pas de
relations diplomatiques avec les pays de l'Europe Orientale qui maintiennent
des relations diplomatiques avec la R.D.A. [à l'exception de l'U.R.S.S. (3).].
Il a rompu les relations diplomatiques avec la Yougoslavie lorsque le
Gouvernement yougoslave a reconnu la R.D.A. et a établi des relations diplomatiques
avec le Gouvernement de cet Etat. Le communiqué des Gouvernements de la
Yougoslavie et de la R.D.A. du 15 octobre 1957 concernant l'établissement de
relations diplomatiques entre les deux pays a été suivi par la décision du
Gouvernement de la R.F.A. de rompre les relations diplomatiques avec la
Yougoslavie (4) . En 1960, le Gouvernement de la R.F.A. a exercé une pression
politique sur la Guinée quand le Gouvernement de cet Etat a exprimé son
désir d'établir des relations diplomatiques avec la R.D.A. (5). En 1961,

(Ibis) Déclaration du Chancelier Adenauer du 21 octobre 1949. Cf. Kaufmann, Die These
von den zwei deutschen « Teilstaaten » oder « Teilvôkern », Bulletin des Presse und
Informationsdienstes der Bundesregierung, 1955, n° 3, p. 18. L'attitude du Gouvernement de
la R.F.A. est présentée par Marshall von Bieberstein (Zum Problem der vôlkerrechtlichen
Anerkennung der beiden deutschen Regierungen, 1959, p. 187) de la manière suivante : ...
« halt die Bundesregierung an dem Fortbestand der staatlichen Einheit Deutschlands fest und
beansprucht die Stellung und aile Rechte der einzigen legitimen Regierung und recht-
mâssigen vôlkerrechtlichen Vertreterin Gesamtdeutschlands ». Cette attitude a été confirmée
par l'Acte final de la Conférence de Londres du 3 octobre 1954 dans lequel les Gouvernements
des Etats-Unis, de la France et du Royaume-Uni ont déclaré qu'ils considèrent le
Gouvernement de la R.F.A. comme ayant le droit de prendre la parole au nom de l'Allemagne en tant
que représentant de ce pays dans les relations internationales (cf. Europa-Archiv, 1954, p. 6982)
et par la déclaration du 28 septembre 1955 où les mêmes Puissances ont confirmé leur point
de vue selon lequel ce n'est que le Gouvernement de la R.F.A. qui est « entitled to speak for
Germany as the representative of the German people in international affair » (Department
of State Bulletin, 10 octobre 1955, p. 559) .
(2) Frankfurter Allgemeine Zeitung, 10 décembre 1955.
(3) M. Adenauer a déclaré, le 22 septembre 1955, que le maintien des relations
diplomatiques entre la R.F.A. et l'U.R.S.S. ne signifie pas la reconnaissance du statut territorial
actuel (Bulletin des Presse u. Informationsdienstes 1955, Nr 179, p. 1495) . D'autre part, le
Gouvernement de l'U.R.S.S. a déclaré dans son communiqué que son attitude en ce qui
concerne l'existence des deux Etats allemands reste inaltérée (Communiqué de l'agence Tass
du 16 septembre 1955) . L'inconsistance logique de l'attitude du Gouvernement de la R.F.A. qui
n'étend pas la doctrine Hallstein à l'U.R.S.S., bien que la reconnaissance de la R.D.A. par
cette dernière Puissance soit certainement un élément de haute importance politique, a été
expliquée par le fait que l'U.R.S.S. est une des grandes Puissances responsables de l'avenir
de l'Allemagne et que l'intérêt de la réunification de l'Allemagne justifie le caractère
exceptionnel des relations avec l'U.R.S.S. (Cf. le débat au Bundestag du 31 janvier 1957, Verhand-
lungen des Deutschen Bundestages, 1957, Bd. 34, p. 1066 et s. et Die Welt du 1er février 1957).
(4) La note remise par M. von Brentano à l'ambassadeur yougoslave Kveder le 19 octobre
1957 (cf. Dokumentation zur Deutschlandfrage, éd. H. von Siegler, p. 703) . Les Gouvernements
des Puissances occidentales n'ont répondu au communiqué du 15 octobre que par la déclaration
exprimant leur regret. M. Ollenhauer, au nom de la S.P.D., a recommandé au Gouvernement
fédéral de ne pas dépasser la déclaration susmentionnée. (Cf. Die Welt, 17 octobre 1957 et
Franf. Allgem. Zeitung, 21 octobre 1957) .
(5) Le Président de la R.D.A. a reçu le 5 mars 1960 l'ambassadeur de la Guinée, M.
Seydou Conte, qui lui a remis une lettre de son président, M. Sékou Touré, ce qui a été
considéré à Berlin comme l'établissement des relations diplomatiques entre les deux pays.
Le Gouvernement de la R.F.A. a rappelé son ambassadeur à Conakry et a menacé de rompre
LA NON-RECONNAISSANCE ET LE DROIT INTERNATIONAL CONTEMPORAIN 119

l'ambassadeur de Bonn au Caire est intervenu pour empêcher la


transformation de la mission commerciale de la R.D.A. auprès du Gouvernement local
syrien en consulat (6) ; en 1962, une intervention analogue avait lieu auprès
de l'Iraq à l'occasion de l'échange de Consuls généraux entre la R.D.A. et
l'Iraq. En ce qui concerne l'échange des consuls entre la R.D.A. et le
Cambodge, le Gouvernement de la R.F.A. a été satisfait de prendre acte que
les relations consulaires ne seraient pas suivies de relations diplomatiques (7) .
On peut soumettre la doctrine Hallstein à une analyse critique sous
différents aspects. L'aspect politique — aussi bien quant à la politique interne
des Etats allemands existants qui prétendent tous les deux être le noyau
politique de l'Allemagne unifiée future que celui de la politique internationale
— présente une importance particulière. Du point de vue de ses rapports
avec les autres conceptions politiques et juridiques allemandes, la doctrine
Hallstein pourrait certainement faire l'objet d'intéressantes études
historiques (8). Et enfin on peut traiter la non-reconnaissance du point de vue du
droit international et de la coopération pacifique entre les Etats. C'est le
dernier aspect qui seul fera l'objet des considérations qui suivent.

IL Le développement historique de la non-reconnaissance.

Déjà dans l'Antiquité on peut constater que les relations extérieures de


l'Etat avec les autres organismes politiques sont différenciées suivant que
l'organisme politique en question avait été reconnu comme répondant ou non
à des critères déterminés (9).

les relations diplomatiques. Le Président Sékou Touré a donné l'assurance, dans l'entretien
du 3 avril 1960, au représentant du Gouvernement de la R.F.A., M. von Etzdorf, que la Guinée
n'entretient pas de relations diplomatiques avec la R.D.A., ce qui a été considéré à Bonn
comme satisfaisant (cf. Franf. Allgem. Zeitung, 9 avril 1960) .
(6) Die Welt, 13 mai 1961.
(7) Cf. la déclaration du Ministère des Affaires Etrangères de la R.F.A. qui a pris acte
de la communication du Chef de l'Etat du Cambodge, le Prince Sinahouk, au représentant
du Gouvernement de la R.F.A. « mit der Aufnahme konsularischer Beziehungen nient die
diplomatische Anerkennung impliziert sei » (Bulletin de Presse du 27 juin 1962) .
(8) P. e. le rapport entre la doctrine Hallstein ayant pour base la fiction de droit
constitutionnel de l'identité de la R.F.A. et de l'Etat allemand d'avant-guerre avec la conception de
droit international — considéré comme « atisseres Staatsrecht » et « Untergesetzesrecht » par
l'école de Bonn. Cf. à cet égard Zorn, Grun&zùge des Vôlkerrechts, 1903, p. 7 et s. : « Vôl-
kerrecht ist positives Recht wenn und soweit es Staatsrecht ist... als Bestand des nationalen
Rechts ».
(9) Pour les Romains qui faisaient des guerres incessantes et pour qui, pour cette raison,
la guerre était un domaine important des relations avec les autres Etats, la guerre précédée par
la déclaration formelle de guerre entraînait un effet juridique différent que la guerre non
déclarée. Dans le premier cas, la guerre était considérée comme juste, solennelle, on observait
des règles déterminées dans sa conduite et les adversaires étaient considérés comme public!
hostes. Dans le second cas, les adversaires étaient traités comme des brigands (Dig. 41, 16, 24) .
Ce n'étaient pas seulement les critères de réflectivité des organisations en question (on ne
déclarait pas la guerre aux peuples qui n'avaient pas d'organisation politique), mais aussi des
critères purement politiques (les guerres civiles) qui décidaient du classement de la guerre
dans l'une ou l'autre catégorie.
120 LA NON-RECONNAISSANCE ET LE DROIT INTERNATIONAL CONTEMPORAIN

Au moyen âge, les Etats de la communauté chrétienne traitent d'une


manière différente les Etats membres de « la famille des nations
chrétiennes » et les Etats en dehors de cette famille. Pendant les guerres de
religion la tendance se fait jour de limiter la communauté de droit interna^-
tional aux Etats de la même confession chrétienne : c'est pourquoi le traité de
Westphalie qui mit fin à la guerre de Trente Ans était composé de deux
documents (instrumenta pads), l'un signé par les représentants des Etats
catholiques à Munster, l'autre par les représentants des Etats protestants à
Osnabruck. C'est ainsi qu'on a abouti à la paix sans reconnaître les Etats de
l'autre camp comme des partenaires ayant des droits égaux.
La doctrine du droit international de cette période était loin de contribuer
à approfondir les antagonismes entre les Etats de différentes confessions.
Grotius se prononçait en faveur de la paix religieuse et n'inclinait pas à
attribuer aux Etats sous quelque forme que ce soit le droit d'exclure de la
communauté internationale un Etat ou un groupe d'Etats quelconque.
Conformément au principe de réflectivité, Grotius refuse le droit d'envoyer des
ambassadeurs aux rois qui, dans une guerre en forme, ont été vaincus et
dépouillés de leurs royaumes et, à propos de la guerre civile, il dit « qu'une
seule et même nation est regardée pour un temps comme faisant deux corps
du Peuple » dans le cas où « le Peuple est divisé en deux partis presque
égaux, en sorte qu'on ne sait de quel côté est le pouvoir souverain» (10).
C'est ainsi que Grotius s'opposait à ceux qui voulaient — pour des raisons
politiques — refuser à un Etat quelconque le caractère d'organisation
étatique : à cet égard il cite l'opinion de Saint- Augustin, selon laquelle on ne
peut pas nier l'existence de l'Etat « s'il subsiste un assemblage d'une
multitude de créatures raisonnables unies ensemble pour les choses qu'elles
aiment » (11) .
Bynkershoek se prononçait en faveur du principe réaliste « victoriae
rationem non reddi » et en faisait un commentaire bien caractéristique (12) .
Vattel était d'avis qu'il suffit que la nation soit « véritablement souveraine
et indépendante, c'est-à-dire qu'elle se gouverne elle-même, par sa propre
autorité et par ses lois », « pour qu'elle ait droit de figurer immédiatement
dans cette grande société » (13).
Moser, en présentant, conformément aux principes méthodologiques de
l'école positiviste, la pratique des Etats, fait mention de la reconnaissance par
la Turquie dans le traité de Kutschuk-Kainardji de 1774 de l'Etat des Tartares
de Crimée. Dans la description des événements du xviir9 siècle, il ne signale

(10) De jure belli ac pads, II, 18, 2.


(11) Ibidem, III, 3, 2.
(12) Bynkershoek, Quaestionum juris publici libri II, I, 2 : « Si non victoriae, minus
profecti mutati imperii ratio exigenda est, nam ne exigatur necessario postulat gentium
tranquillitas et beata quies. Non disputo igitur quo jure Comitum potestas sublata sit, constat
utique sublatam esse... igitur Ordinum illud ipso jure, si quid signiflcet, de quo dubitem, nihil
aliud videtur significare, nisi efficaciam omnigenae abdicationis ».
(13) Vattel, I, 1, 4.
LA NON-RECONNAISSANCE ET LE DROIT INTERNATIONAL CONTEMPORAIN 121

pas de difficultés pour les nombreux Etats ou gouvernements désirant entrer


en relations diplomatiques avec les autres Etats (14).
On peut constater à la fin du xvnf* et au xixe siècle deux courants dans
la pratique internationale en ce qui concerne la reconnaissance des Etats et
des gouvernements nés des nombreuses révolutions bourgeoises et
démocratiques.
Au début de cette période les tendances à refuser la reconnaissance se
font jour. Le gouvernement britannique répondait à la reconnaissance
française de l'indépendance américaine en 1778, par la déclaration de guerre à la
Puissance reconnaissante. Les cours européennes refusaient de reconnaître
les gouvernements révolutionnaires nés de la Révolution Française de 1789.
Ces tendances se cristallisaient dans le programme politique de la Sainte
Alliance. Le protocole de Troppau (1820) proclamait que les Etats et les
gouvernements nés de la révolution « se placent en dehors de l'Alliance
européenne; ils cessent ipso facto d'être membres de cette Alliance ». C'est
pourquoi « les monarques ont décidé de ne pas reconnaître les gouvernements
susmentionnés » (15) .
Le principe de la non-reconnaissance a rencontré une opposition vive et
immédiate. En répondant aux reproches concernant la reconnaissance de
l'indépendance américaine en 1778, la Cour de Versailles soulignait que
l'Angleterre « avait effectivement perdu » ses anciennes colonies et que « les
Etats-Unis de l'Amérique septentrionale étaient en pleine possession de leur
indépendance » (16) .
Pendant la guerre d'indépendance des républiques sud- américaines, le
Président des Etats-Unis Monroe se prononçait, dans son message de 1823,
en faveur du principe de l'eHectivité : « nous considérerons le gouvernement
de fait comme le gouvernement légitime ». Canning développait, dans une
note adressée en 1825 au Gouvernement espagnol, les principes nouveaux
de la pratique britannique (17). Selon la conception de Canning — l'ordre
international exige que chaque communauté politique soit responsable devant
les autres de sa conduite. Il est nécessaire de choisir entre deux alternatives :
la responsabilité de la nation mère ou celle d'un Etat nouveau (18). Les

(14) Moser, Versuch des neusten Europaischen Vôlkerrechts, 1777, I, p. 6 et s.


(15) Cf. Ghuxany, Diplomatisches Handbuch, 1855, II, p. 427 et s. et Europâische Chronik,
1855, p. 568. Le protocole de Troppau n'a pas été signé par la France et l'Angleterre.
(16) Cf. Observations de la Cour de Versailles sur le mémoire justificatif de la Cour
de Londres, dans Martens, Nouvelles causes célèbres du droit des gens, Leipzig, 1843, I,
p. 483.
(17) Cf. Fischer-Williams, La doctrine de la non-reconnaissance. R.C.A.D.I., 1933, II,
p. 225.
(18) « Si la première de ces alternatives — l'irresponsabilité totale des Etats non reconnus
— est trop absurde pour être soutenue... il ne restait pour la Grande-Bretagne ou pour tout
autre pays ayant des relations avec les provinces espagnoles d'Amérique, qu'à reconnaître
en temps utile leur existence politique comme Etats et à les introduire ainsi dans le cercle
des droits et devoirs que les nations sont tenues de respecter. » Cf. Fischer-Williams,
ibidem.
122 LA NON-RECONNAISSANCE ET LE DROIT INTERNATIONAL CONTEMPORAIN

principes énoncés par Monroe (19) et Canning prévalurent, dans la pratique


internationale du xixe siècle, sur ceux de la Sainte Alliance. A l'exception
d'une courte période — celle de la domination de la Sainte Alliance en
Europe — les Etats et les gouvernements nouveaux n'avaient pas trop de
difficultés pour obtenir la reconnaissance de la part des autres Etats : tels
furent les cas de l'indépendance grecque, belge, serbe, roumaine, bulgare, de
l'unification de l'Allemagne et de l'Italie. Il n'y a que les Etats-parents qui,
pour des raisons faciles à comprendre, étaient en retard pour la
reconnaissance des Etats nouveaux — (p. ex. la reconnaissance des Etats
sud-américains par l'Espagne, de la Belgique par les Pays-Bas) .
La doctrine était presque unanime pour considérer que la reconnaissance
a un caractère déclaratif et non constitutif (20).
Depuis la première guerre mondiale, de nouveaux facteurs ont influencé
l'attitude de plusieurs Puissances en ce qui concerne la reconnaissance.
Tandis que dans les époques précédentes chaque Etat avait le droit de faire
la guerre — jus ad bellum — et, par conséquent, pouvait faire usage de la
guerre ou de la menace de guerre pour réaliser les buts de sa politique
nationale, à l'époque contemporaine la possibilité de suivre les méthodes
traditionnelles devient de plus en plus limitée aussi bien en droit qu'en fait. Les
Etats ont contracté successivement dans le Pacte de la S.D.N., dans le Pacte
de Paris et dans la Charte de l'O.N.U. l'obligation de ne pas recourir à la
guerre. De nouvelles techniques de guerre et la pression de l'opinion publique
mondiale ont rendu certainement bien plus difficile de se servir de la guerre
ou de la menace de guerre comme d'un instrument politique. En présence de
cet état de choses, la non-reconnaissance est devenue pour les Puissances un
moyen attrayant pour faire pression sur les autres Etats et réaliser ainsi les
buts politiques qui, autrefois, étaient réalisés par la guerre, les démonstrations
militaires, le blocus, etc.
D'autre part, la non-reconnaissance a été présentée comme une des
sanctions internationales possibles. A cet égard, à l'époque de la signature
du Pacte de Paris, la question discutée était celle de savoir si le Pacte ne
devrait pas entraîner l'obligation pour des Etats signataires de ne pas
reconnaître les changements survenus en violation du Pacte (21). Mais la non-

(19) Le gouvernement des Etats-Unis comptait certainement parmi les plus fidèles
partisans de ces principes depuis une longue période. C'est pourquoi le Secrétaire d'Etat Stimson
pouvait en 1931 caractériser la pratique des Etats-Unis de la manière suivante : « The practice
of this country as to the recognition of new governments has been substantially uniform
from the days of the Secretary of State Jefferson to the days of the Secretary of State
Bryan in 1913... The general practice, as thus observed, was to base the act of recognition,
not upon the constitutional legitimacy of the new government, but upon its de facto capacity
to fulfill its obligations as a member of the family of nations ». Cf. Marshall-Brown (A.J.I.L.,
1948, p. 622).
(20) Cf. Wesilake, Traité de droit international, 1924, p. 46 et s.; Moore, Digest. I, 18
et s.; Rivier, Principes du droit des gens, 1896, I, p. 57; Phillimore, Commentaries, 1879, II,
p. 20; Twiss, Law of Nations, 1875, I, p. 20, Nys, La doctrine de la reconnaissance des Etats,
(Revue de Droit Int. et de Lég Comp., 1903, p. 292), Hall, Treatise on Int. Law, 1904, p. 82.
(21) La conception de la non-reconnaissance, entendue comme sanction internationale,
LA NON -RECONNAISSANCE ET LE DROIT INTERNATIONAL CONTEMPORAIN 123

reconnaissance a pris une place importante dans la vie internationale


contemporaine avec un autre caractère que celui de sanction internationale à l'égard
des Etats coupables d'agression ou d'une autre violation du droit international.
Dans la pratique contemporaine ce sont surtout les Gouvernements et les
Etats d'origine révolutionnaire qui ont été frappés par la politique de la
non-reconnaissance.
Les débuts de la politique de non-reconnaissance remontent à la période
précédant la première guerre mondiale. En 190tf, le Ministre des Affaires
Etrangères de l'Equateur Tobar a proposé aux républiques américaines de
refuser la reconnaissance à tout gouvernement né de la révolution contre un
régime constitutionnel (22). La non-reconnaissance du gouvernement
soviétique après la première guerre mondiale, eut une importance primordiale pour
les développements ultérieurs. Du point de vue politique aussi bien que
juridique, ce fut vraiment le « leading case » de la doctrine contemporaine de
non-reconnaissance. Au cours de la Conférence de la Paix de Paris, en 1919,
les hommes politiques occidentaux, après quelques hésitations, devaient
décider, en abandonnant les plans de mise sur pied d'une grande armée
d'intervention, de faire pression sur le nouveau gouvernement par l'établissement du
« cordon sanitaire » dont la non-reconnaissance devait former un élément
essentiel. C'est dans ce contexte politique que Wilson a déclaré, en 1919 :
« in the view of this Government there cannot be any common ground upon
which it can stand with a Power whose conceptions of international relations
are so entirely alien to its own » (23) .
La guerre froide a récemment contribué au développement de la politique
consistant à ne pas reconnaître les Etats nouveaux et les gouvernements de
fait. En conséquence, nous sommes en présence de discordances flagrantes
entre ce qui est reconnu et ce qui existe en réalité. La non-reconnaissance
touche aussi bien les organismes politiques nouveaux en Asie et en Afrique
que dans le centre de l'Europe; elle s'étend même à l'Etat le plus peuplé du
monde qui, jusqu'à présent, n'a pas la représentation qui lui est due à
l'O.N.U. Jamais dans l'histoire la non-reconnaissance n'a remporté de tels
triomphes que de nos jours.
La doctrine contemporaine de droit international en matière de
reconnaissance est confuse et divergente bien plus que dans n'importe quel autre
domaine. La reconnaissance est considérée comme « one of the weekest links
in international law» (24). Le « différend majeur» entre les partisans de la

était à la base de la note du Secrétaire d'Etat américain Stimson du 7 janvier 1932 aussi bien
que de la résolution de l'Assemblée de la S.D.N. du 11 mars 1932. La même conception a
guidé la politique de nombreux Etats dans leur attitude prise à l'égard des conquêtes faites
par le Japon sur le continent asiatique et par l'Italie en Afrique.
(22) Maeshall-Bbown, The recognition of new States and new Governments (A.J.I.L.,
1936, p. 689) a parfaitement raison de constater que la doctrine Tobar « was clearly a
departure from accepted principles and practice ».
(23) Foreign Affairs, vol. Ill, 1924-25, p. 316.
(24) Lauteepacht, Recognition in international law, 1947, p. 3.
124 LA NON -RECONNAISSANCE ET LE DROIT INTERNATIONAL CONTEMPORAIN

théorie constitutive et ceux de la théorie déclarative est au centre des


discussions. La majorité des auteurs continue à se prononcer en faveur de la
théorie de la reconnaissance déclarative, mais le nombre des partisans de la
théorie opposée s'est accru considérablement. Il y a des auteurs qui, après
avoir été partisans de la théorie déclarative, sont devenus « constitutivistes »
(Kelsen).
La notion de la reconnaissance n'étant pas établie, les mêmes auteurs sont
qualifiés par les uns de « constitutivistes » et les autres de « déclarativistes »
(25) . Les divergences d'opinions concernent les points les plus essentiels de la
reconnaissance : sa notion, sa nature et ses effets juridiques. On a exprimé
bien des fois l'opinion que la reconnaissance, étant un acte de caractère
purement politique, ne relève point du droit international (26), et même on a dit
que les tentatives pour formuler des règles de droit en cette matière seraient
aussi paradoxales que celles d'établir des règles de droit constitutionnel pour
les changements révolutionnaires (27).

ill. L'Etat non -reconnaissant et l'Etat non -reconnu.

1. — Le statut juridique de l'Etat non reconnu

Quels sont les effets juridiques de la non-reconnaissance dans les


relations entre l'Etat non-reconnaissant et l'Etat non reconnu ou l'Etat avec un
Gouvernement non reconnu ? (28) . L'Etat non reconnu, qui est considéré par
les partisans de la théorie constitutive comme « non existant du point de vue
du droit international » et « volkerrechtliches Nichts » (29) , est-il privé de

(25) Selon Erich, Moore et Fauchille sont partisans de la théorie constitutive, selon
Chen, les mêmes auteurs représentent la théorie déclarative; selon Lauterpacht, Kunz et
Verdross sont déclarativistes, selon Chen, ils représentent le groupe « mi-déclaratif —
mi-constitutif », Bluntschli est constitutive selon Chen et déclarativiste selon Kunz et Bobrow.
(26) Latjterfachx (op. cit., p. 1), caractérise cette opinion comme « probably still the
predominant view in the literature of international law ».
(27) Lador-Lederer, Recognition (Ada scandinavica juris gentium, 1957 nr 1-2, p. 64).
(28) Bien qu'il y ait du point de vue théorique une différence essentielle entre la
reconnaissance des Etats et celle des Gouvernements, les effets pratiques des deux reconnaissances
sont souvent bien semblables : la reconnaissance d'un Gouvernement nouveau ne se conçoit
pas sans reconnaissance de l'Etat et la reconnaissance de l'Etat nouveau ne peut être séparée
de celle du Gouvernement. Dans les deux cas, l'Etat frappé par la non reconnaissance est
limité dans l'entretien des rapports internationaux avec l'étranger et dans sa participation
aux travaux des organisations internationales. C'est pourquoi Marshall Brown (Annuaire
de l'I.D.l., 1934, p. 56) constate que « la pratique ignore souvent cette distinction ». La
situation est particulièrement compliquée dans le cas « des nations divisées » où même
l'existence de l'un ou des deux Etats fait l'objet de différends juridiques.
(29) Cf. entre autres l'opinion de Kaufmann, op. cit., p. 19) selon laquelle les organismes
politiques non reconnus comme Etats et Gouvernements n'existent pas pour les Gouvernements
et les Etats refusant la reconnaissance, ils ne sont « ni Etats ni Gouvernements » et le fait
que les Etats tiers ont donné sa reconnaissance « n'a aucune importance pour les Etats
refusant la reconnaissance ».
LA NON -RECONNAISSANCE ET LE DROIT INTERNATIONAL CONTEMPORAIN 125

toute protection, accordée par le droit international aux Etats ? Et l'Etat


non reconnu lui-même n'a-t-il aucun devoir de se conformer aux règles de
droit international ? Est-il — du point de vue de droit international —


legihus solutus ?
Ou bien — au contraire — faut-il admettre une thèse diamétralement
opposée, celle soutenue par les partisans de la doctrine Estrada, qui a été
une protestation contre l'intervention des Puissances étrangères dans les
affaires des pays de l'Amérique Latine, intervention effectuée sous prétexte
du principe de légitimité constitutionnelle (30). Faut-il donc admettre —
conformément à cette doctrine — que la reconnaissance, étant une pratique
offensante et attentatoire à la souveraineté d'autres nations, n'introduit aucun
changement substantiel dans les relations juridiques entre les Etats intéressés
et que les Etats sont tenus de traiter tous les gouvernements, reconnus ou
non reconnus, de la même manière ?
Avant de répondre à ces questions, il nous semble utile de présenter le
statut juridique de l'Etat non reconnu ou de l'Etat avec un gouvernement
non reconnu tel qu'il se dégage de la pratique internationale, pratique
surabondante de nos jours.
La jurisprudence, dans beaucoup de pays, est unanime à admettre que les
intérêts privés des citoyens des Etats non reconnus, et même ceux de l'Etat
lui-même, sont, dans une mesure plus ou moins étendue, protégés par le droit
international. Sous la pression des besoins de la vie, les tribunaux de
différents pays ont trouvé une solution à la majorité des questions pratiques
soulevées par la non-reconnaissance.
La jurisprudence des tribunaux des Etats-Unis donc du pays dont le
Gouvernement a proclamé plusieurs fois un programme de
non-reconnaissance est, à cet égard, bien caractéristique. Comme dit Dickinson (31), les
tribunaux américains ont tendance à réduire le rôle de la reconnaissance « à
la fonction politique ». Ils ont permis aux citoyens et aux sociétés du pays
ayant un gouvernement non reconnu d'ester en justice; ils ont reconnu
également la validité des actes officiels des gouvernements non reconnus, aussi
bien que la validité des lois des mêmes pays. Les tribunaux américains ont
introduit une ingénieuse distinction juridique entre les actes du
Gouvernement « in its personal character » (les actes purement politiques) et les actes
du Gouvernement « in its impersonal character » (32) . Les tribunaux —
selon Dickinson — évitent de prendre position sur la nature juridique de la
reconnaissance : « moving conservatively from case to case, have found a way
to resolve most of the problems presented without doing violence to justice
or policy » (33) .
(30) Bobrow, Deux problèmes de la reconnaissance des nouveaux Etats et
Gouvernements («L'Etat soviétique et le Droit», en russe, 1958, p. 88).
(31) Dickinson, Recognition cases, 1925-1930 (A.J.I.L., 1931-2, p. 216 et s.).
(32) Cf. La décision sur la validité des actes du Gouvernement Huerta, ibidem, p. 235.
(33) Ibidem, p. 237.
126 LA NON -EECON NAISSANCE ET LE DROIT INTERNATIONAL CONTEMPORAIN

On peut relever — mutatis mutandis — la même tendance dans la


jurisprudence des autres pays. Selon Verdross (34), une idée générale se dégage
de la jurisprudence en matière de reconnaissance : « die interne Akte einer
nicht anerkannten Staatsgewalt einer im Sinne des Volkerrechts regelmâssig
bestehenden Regierung gleichzuhalten sind ». Les tribunaux d'arbitrage ont
également confirmé le principe selon lequel les actes du Gouvernement non
reconnu sont valides en droit international (35).
Les suggestions de la doctrine à cet égard vont plus loin encore (36).
On peut constater une tendance analogue dans le domaine des traités
conclus par les Etats non-reconnaissants avec les Etats non reconnus. Le
Gouvernement des Etats-Unis, tout en refusant durant de nombreuses années
de reconnaître le Gouvernement soviétique, a été néanmoins co-signataire
du Pacte de Paris avec l'U.R.S.S.; cependant, à l'occasion de la signature de
la convention sanitaire, il a déclaré que cela n'impliquait aucunement la
reconnaissance du Gouvernement de l'U.R.S.S. (37). En ce qui concerne le
Gouvernement de Pékin actuellement « même les Etats qui ne veulent pas le
reconnaître acceptent qu'il participe avec eux à une conférence
internationale » (38).
Dans les relations entre la R.F.A. et la R.D.A., certaines conventions ont
été conclues par les organes administratifs des deux Etats, particulièrement
dans le domaine des communications et du commerce, mais ceci n'empêche
pas le Gouvernement de la R.F.A. de prétendre qu'il est le seul représentant
de toute l'Allemagne du point de vue de droit international. On pourrait
dégager des relations entre les deux Etats allemands pendant ces dernières
années une distinction entre la reconnaissance technique et la reconnaissance
diplomatique : la première aurait en effet été accordée par le Gouvernement
de la R.F.A. au Gouvernement de la R.D.A. tandis que la reconnaissance
diplomatique aurait été refusée » (39) .

(34) Verdross. Vôlkerrecht, 1955, p. 182; Ch. de Visscher (Théories et réalités en droit
international public, 1955, p. 294) présente une évolution bien symptomatique de la
jurisprudence à cet égard.
(35) Cf. Les décisions du tribunal d'arbitrage dans l'affaire du Gouvernement Tinoco en
1923 et de la Cour Permanente d'Arbitrage dans l'affaire entre la France et le Pérou en 1921.
(36) Dickinson, en donnant une appréciation positive de la jurisprudence américaine,
propose que les tribunaux « may take another step, if indeed they are not already on the
point of taking it, and recognize frankly that the withholding of political recognition presents
no obstacles to the normal functioning of the conflict of law process » (loc. cit., p. 237) .
(37) Voir Marshall Brown, Annuaire de l'I.D.I., 1934, p. 304; Lachs après avoir analysé la
pratique dans le domaine des traités conclus par les différents Etats non reconnus constate
« the trend towards establishing treaty relations without prior act of recognition ».
(Recognition and modern methods of international co-operation », B.Y.B.I.L., 1960, p. 253 et s.) .
(38) Charpentier, La reconnaissance internationale et l'évolution du droit des gens,
1955, p. 5.
(39) Cette idée a été exprimée pendant les débats au Bundestag le 30 mai 1956. Le
député Dr Mommer a dit à propos des négociations sur les communications et le commerce
entre les deux gouvernements allemands ce qui suit : « Trotz dieser Verhandlungen, die seit
Jahren stattfinden, wird kein Mensch behaupten, dass die Bundesregierung die Regierung in
Pankow anerkannt habe.
Abg. Dr Rinke : Technisch.
Dr Mommer: Ja, technisch, auf bestimmte Problème beschrânkt... Aber wir môchten
dièse Dinge auf die technischen Fragen beschrànken. Wenn unser Verkehrsminister etwa mit
LA NON -RECONNAISSANCE ET LE DROIT INTERNATIONAL CONTEMPORAIN 127

Dans la doctrine de l'Allemagne Occidentale, on a suggéré que même la


reconnaissance expresse du Gouvernement de la R.D.A. comme
Gouvernement local de facto ne serait pas contraire à la théorie du Gouvernement de
la R.F.A. concernant l'identité de la R.F.A. avec l'Etat Allemand entier (40).
La pratique de la R.D.A. a contribué à développer de nouvelles formes de
relations diplomatiques de facto avec l'Etat non reconnu. Les missions
commerciales accomplissent en fait, outre leurs fonctions commerciales, des
fonctions diplomatiques et consulaires avec le consentement des deux Parties.
Le protocole du 7 novembre 1958 prévoit la création de représentations
commerciales conformément aux lettres échangées entre les délégations au
Gouvernement de la République d'Egypte et de la R.D.A. Les deux chefs des
représentations susmentionnées, les adjoints, leurs épouses et leurs enfants
mineurs jouiront, conformément au protocole, d'immunités qui d'habitude ne
sont accordées qu'aux agents diplomatiques (41). Depuis 1959, il y a une
mission commerciale de la R.D.A. à Conakry dont le chef porte le titre de
consul général et bénéficie des immunités consulaires : les chefs des missions
commerciales de la R.D.A. dans bien d'autres pays se trouvent dans une
situation juridique semblable.
La Finlande a transformé son consulat général à Cologne, établi au
temps du Conseil de Contrôle, en mission commerciale pour entretenir de la
même manière des relations avec les deux Etats allemands. Elle ne pouvait
pas — en présence de la doctrine Hallstein — établir les relations
diplomatiques et consulaires normales avec les deux Etats allemands. La pratique qui
vient d'être mentionnée permet de constater que « die Hallstein-doktrin
durch die diplomatische Aktivitat der DDR im Ausland unterhohlt ist » (42) .
On pourrait croire que le défaut de relations diplomatiques formelles
constitue le signum s-pecificum des relations entre l'Etat non reconnaissant et
l'Etat non reconnu. Suivant certains, en effet, « nur jene Rechte, die einen
diplomatischen Verkehr zur Vorausetzung haben, hângen von der Aner-
kennung der Regierung ab » (43) . Et même ici on peut opposer à cette
opinion une pratique contraire, bien qu'il s'agisse de cas assez rares dans les
relations internationales. Après la première guerre mondiale, le
Gouvernement américain a, en effet, maintenu des relations diplomatiques avec les
gouvernements non reconnus du Mexique et du Nicaragua (44) .

dem « Teufelsverkehrsminister » auf der anderen Seite sprâche, lâge darin keine Anerken-
nung; im Gegenteil, indem er an der Beseitigung der skandalosen Verkehr sgrenzen innerhalb
Deutschlands arbeitete, arbeitete er daran dass die Wiedervereinigung Deutschlands ein
Stuck vorwâtskâme ». (Verhandlungen des deutschen Bundestages, 1956, Bd. 30, p. 7717).
(40) Cf. Marschall von Bieberstein, op. cit., p. 187.
(41) Voir le texte du protocole dans Internationales Recht und Diplomatie, 1960, 2,
p. 154 et s.
(42) Selon la déclaration du Président du Parti libéral Allemand à Hamburg
M. Engelhard (« Neues Deutschlands du 14 janvier 1961). La documentation abondante sur
les relations de la R.D.A. avec les différents Etats est présentée dans « Dokumente der
Aussenpolitik der Regierung der D.D.R. » vol. I-IX.
(43) Verdross, Die vôlkerrechtliche Anerkennung (« Juristische Blatter, 1948, nr 21).
(44) Cf. Marshall Brown, Annuaire de l'I.D.I., 1934, p. 304.
128 LA NON-RECONNAISSANCE ET LE DROIT INTERNATIONAL CONTEMPORAIN

Les considérations que je viens de présenter permettent de constater que


la non-reconnaissance ne s'oppose pas à ce que les rapports mutuels entre
l'Etat non reconnaissant et l'Etat non reconnu soient soumis aux règles du
droit international, à ce que l'Etat non reconnu puisse avoir des droits et des
devoirs en tant que sujet du droit international (45). Cette thèse est admise
même par les partisans les plus convaincus de la théorie constitutive qui —
en présence des besoins pratiques — reculent devant les conséquences
logiques de « la non-existence de l'Etat non reconnu en droit international »,
s'ils doivent prendre position sur des questions particulières du statut
juridique de l'Etat non reconnu (46).
La théorie déclarative donne certainement une explication satisfaisante
du statut juridique de l'Etat non reconnu. Conformément à cette théorie —
l'Etat « est, de par sa propre nature, une personne internationale » (47) et la
fonction de la reconnaissance est « constatative et non attributive » (48) .
La question se pose de savoir quelle serait donc la différence entre le
statut juridique d'un Etat non reconnu et celui d'un Etat reconnu ? Soit dit,
entre parenthèses, que les Etats reconnus — bien que leur personnalité ne
soit pas mise en doute — ont parfois des relations internationales limitées et
même des relations diplomatiques rompues. Devrait-on partager l'opinion de
ceux qui nient toute l'importance juridique à la reconnaissance ?
Il nous semble qu'il faut répondre à la dernière question par la négative.
La reconnaissance, n'ayant que des effets juridiques déclaratifs, a, malgré
cela, une grande importance pratique aussi bien pour l'Etat non reconnu que
pour l'ordre juridique international (49). Conformément à son ancien sens
philologique (50), elle n'est que la décision de constatation. Néanmoins, cette
constatation a pour effet de transformer le statut juridique incertain et
précaire de l'Etat non reconnu ou de l'Etat avec un gouvernement non
reconnu, en statut certain et stabilisé. Du point de vue subjectif de l'Etat ou
du Gouvernement qui bénéficie de la reconnaissance, on peut comprendre

(45) Cf. à cet égard le projet de Déclaration des droits et des devoirs des Etats (art. 3) :
« L'existence politique de l'Etat est indépendante de sa reconnaissance. Avant même d'être
reconnu l'Etat a le droit de défendre son intégrité et son indépendance, de veiller à sa
sauvegarde et à sa prospérité et en conséquence de s'organiser de son mieux, de légiférer dans
son domaine propre, d'administrer ses services et de déterminer sa juridiction et la
compétence de ses tribunaux» (Doc. O.N.U.-A.C.N. 4/2, 1949, p. 35).
(46) Lauterpacht. Recognition, p. 53.
(47) Erich, La naissance et la reconnaissance des Etats, (R.C.A.D.I., 1926, III, p. 431) .
(48) Sibert, Traité de droit international public, 1951, I, p. 192.
(49) C'est de ce point de vue que Chen (The international law of recognition, 1951, p. 3)
fait la critique de la théorie constitutive : « The fact is the basis of international law. The
constitutive theory in closing its eyes to this fact, indulges in the illusion that the rights of
Power, as long as it is not recognized, may be infringed with impunity. Such a theory is
highly detrimental to international harmony and would defeat the purpose of international
law ». Selon Dahm (op. cit., I, p. 133) la non reconnaissance crée un « Leerraum fur
rechtsfreies Handeln ». Ch. de Visscher (op. cit., p. 290) est d'avis que « dans les périodes de
haute tension des rapports internationaux, la reconnaissance n'est parfois qu'un instrument
de la politique de puissance ».
(50) Pour la première fois on a employé le mot « reconnaissance » dans le sens
juridique au Digeste, 10, 5, 2 par rapport aux documents « descriptum et recognitxim ».
LA NON-RECONNAISSANCE ET LE DROIT INTERNATIONAL CONTEMPORAIN 129

facilement l'intérêt de voir sa position internationale stabilisée et


politiquement renforcée. Du point de vue objectif, l'importance de la reconnaissance
consiste à contribuer efficacement à la sécurité de l'ordre juridique
international et à éliminer les situations dangereuses susceptibles de fomenter les
conflits internationaux (51).

2. — Le droit international impose-t-ïl aux Etats le devoir de reconnaître ?

La doctrine à cet égard est partagée. La réponse affirmative ou négative


à la question susmentionnée ne dépend point de l'attitude prise dans le
différend entre les constitutivistes et les déclarativistes. Les partisans de la théorie
déclarative ne sont pas, en majorité, enclins à admettre d'obligation juridique
des Etats à cet égard. La reconnaissance du nouvel Etat est « un acte libre
pour les autres Etats » (52) ; « à moins de conventions spéciales, aucun Etat
n'est obligé de l'accorder » (53), « a matter within discretion of the
recognizing State » (54) ; « there is any legal obligation to grant recognition » (55) ;
« le droit international tel qu'il existe aujourd'hui ne fait pas naître à la
charge des Etats existants un devoir international de reconnaître » (56) , dont
la conséquence est que « neue Staaten keine Rechtsansprûche auf Aner-
kennung haben » (57) .
Mais, d'autre part, chez les partisans de la même théorie, les opinions
opposées ne manquent pas. Parmi les auteurs qui se prononcent en faveur du
droit à la reconnaissance il faut citer Hyde (58) et Dahm (59). On pourrait
croire que tous les constitutivistes sont d'accord pour refuser aux nouveaux
Etats le droit à la reconnaissance (60) , étant donné que l'Etat, conformément
à cette théorie, n'a pas d'existence juridique avant la reconnaissance et que,

(51) Le partisan de la théorie constitutive Lauterpacht, bien qu'il nous assure que la
situation de l'Etat non reconnu n'est pas « as terryfying as it may appear at first sight » nous
donne la description de cette situation qui est loin d'être attirante pour l'Etat non reconnu.
Il dit que territoire de cet Etat « is liable to invasion » et ensuite ajoute à titre de consolation
que la situation de l'Etat reconnu n'est à cet égard pas beaucoup meilleure étant donné que
« under traditional international law a State may invade the territory of a recognized State
as soon as it has gone through the formality of declaring war or has ortherwise manifested
its animus belligerendi ». Pendant la guerre — selon le même auteur — « in all probability
mutual observance of most rules of warfare will naturally follow for reasons of humanity, of
fear of retaliation, of military convenience or of conservation of military energy » op. cit.,
p. 52 et 53.
(52) Fauchille, Traité de droit international public, 1922, I, p. 317.
(53) RivrEB, Principes, op. cit., I, p. 57.
(54) Hackworth, Digest, I, p. 161.
(55) Mac Nair, The Sti-mson doctrin, (B.Y.B.I.L., 1933, p. 66).
(56) Fischer Williams, loc. cit., p. 238.
(57) Kunz, Anerkennung von Staaten und Regierungen, 1928, p. 43 et « Critical remarks
on Lauterpacht's », Recognition in international Law (A.J.I.L., 1950, p. 713) .
(58) Hyde, International law chiefly as interpreted and applied by the U.S., 1947, I, p. 147.
(59) Dahm, Vôlkerrecht, 1958, I, p. 127.
(60) Une telle opinion est représentée par Oppenheim-Lauterpacht, International law,
& éd., I, p. 122.
130 LA NON-RECONNAISSANCE ET LE DROIT INTERNATIONAL CONTEMPORAIN

par conséquent, il n'y a ni droit quelconque appartenant à l'Etat non reconnu,


ni devoir juridique quelconque des autres Etats par rapport à l'Etat non
reconnu. Mais tel n'est pas le cas : Liszt, bien qu'il soit d'avis que l'Etat
« bedarf , uni volkerrechtliches Subjekt zu sein, der Anerkennung », accorde
à l'Etat créé par la révolution « den Anspruch auf die Anerkennung » (61) .
Lauterpacht a développé d'une manière détaillée une opinion selon laquelle
dans les cas où les conditions nécessaires sont présentes « the existing States
are under the duty to grant recognition » (62) . Le devoir de reconnaître
concernerait aussi bien les nouveaux Etats que les nouveaux Gouvernements
(63).
Le problème a été discuté au cours des années dernières dans les pays
socialistes. Bien que tous les auteurs se prononcent contre la théorie
constitutive, on a exprimé des vues opposées sur la nature juridique du refus de la
reconnaissance (64). Ewgeniew dit que si l'Etat nouveau existe par la voie
de la révolution ou si le peuple a fait usage de son droit à la révolution, cet
Etat est particulièrement fondé à obtenir la reconnaissance des autres Etats :
la non-reconnaissance de cet Etat constitue des relations inamicales à l'égard
du nouvel Etat et est en contradiction avec les principes du droit international
généralement reconnus » (65) . Herder et Wunsche sont d'avis que le droit à
la reconnaissance résulte des principes du droit international démocratique,
bien qu'il n'y ait pas de norme positive du droit international qui le constate
expressis verbis (66). Kohi conteste l'existence du droit à la reconnaissance
aussi bien que du devoir juridique de reconnaître (67). Selon Herczeg, le
caractère obligatoire de la reconnaissance apparaît dans le cas où l'Etat non
reconnu a demandé la reconnaissance (68). Il y a enfin des auteurs qui
s'opposent au devoir prétendu des Etats de reconnaître de nouveaux Etats
et qui en même temps qualifient la reconnaissance tardive de violation du
droit international (69).
Il nous semble que l'état du droit international tel qu'il existe à l'époque
actuelle ne permet pas de constater l'existence d'un devoir juridique de
reconnaître les nouveaux Etats et les nouveaux Gouvernements. Si on affirme
ce devoir, on est obligé d'affirmer le droit des Etats non reconnus et des
Gouvernements non reconnus à la reconnaissance, droit correspondant au

(61) Liszt, Vôlkerrecht, op. cit., p. 52. Cf. aussi Bluntschli, Dos moderne Vôlkerrecht der
civilisirten Staaten, 1878, p. 72 et 75.
(62) Lauterpacht, op. cit., p. 6.
(63) Times du 6 janvier 1960.
(64) Voir Khôger, Dos demokratische Vôlkerrecht und die Grundlagen der Hallsteîn-
Doktrin (Staat und Recht, 1961, n° 7, p. 1190).
(65) Ewgeniew dans le «Manuel de droit international» (en russe), 1947, p. 113.
(66) « Staat und Recht », 1959, Nr 8, p. 923 et s.
(67) Kohl, Vertretung China's im internationalen Verkehr, 1957, p. 78.
(68) Herczeg, .La reconnaissance des Etats et des Gouvernements (Les problèmes
juridiques, en hongrois, 1959, Nr 9).
(69) Voir Cuth, Quelques problèmes de la reconnaissance des Etats, en tchèque (Pravny
obzor », 1955, n° 9, p. 515 et s.) ; Kroger (loc. cit., p. 1190) observe justement que cette
dernière vue n'a pas de consistance logique suffisante.
LA NON-RECONNAISSANCE ET LE DROIT INTERNATIONAL CONTEMPORAIN 131

devoir susmentionné (70). De plus, il serait nécessaire d'établir le délai dans


lequel les Etats seraient obligés de donner la reconnaissance : autrement,
l'importance pratique de ce droit serait réduite considérablement. Et enfin,
le devoir de reconnaître un Etat nouveau devrait-il être rempli dans les
mêmes limites de temps par l'Etat-parent et par les autres Etats non
immédiatement intéressés? Il résulte de la pratique que les Etats-parents
accordent, en règle générale, leurs reconnaissance à un Etat nouveau avec un
délai considérable. C'est pourquoi Ch. de Visscher finit ses considérations à
ce sujet par la conclusion suivante : « Ces précédents n'autorisent guère à
parler d'un devoir international de reconnaissance comme fondé sur une
pratique générale acceptée comme étant le droit » (71) .
Il n'y a pas de doute que les Etats ont le devoir de reconnaître un Etat
nouveau dans les cas où ce devoir a été stipulé dans un traité (p. ex. art. 81 et
87 du Traité de Versailles). Mais, dans ces cas, l'obligation existe par
rapport aux autres Etats contractants et non par rapport à l'Etat non reconnu:
la stipulation constitue donc pactum in favorem tertii. Le fait que les Etats
s'obligent à reconnaître, dans un traité, constitue une preuve supplémentaire
de ce que le droit international général n'impose pas aux Etats le devoir
de reconnaître puisqu'il est nécessaire dans les situations spéciales de le
stipuler conventionnellement.
Le droit international n'imposant pas aux Etats le devoir de reconnaître,
faut-il donc admettre que les Etats sont libres de procéder arbitrairement à
cet égard ? Cette conclusion serait erronée. Il y a une sphère étendue
d'activités au-delà de ce qui est imposé par le droit international. Cette sphère
peut et doit être appréciée, non seulement du point de vue moral et politique,
mais aussi du point de vue juridique (72) .
La fonction de la reconnaissance est de constater et non d'accorder les
droits. Il en résulte que le droit de reconnaître ne peut pas signifier le pouvoir
de prendre arbitrairement une décision en matière de reconnaissance
conformément aux exigences de la politique nationale, mais le pouvoir d'apprécier
si une nouvelle entité politique correspond aux conditions d'une organisation
étatique ou non. Si l'on admet le contraire, les décisions arbitraires des Etats
qui ne seraient pas conformes à la réalité entraîneraient un danger imminent

(70) Si l'on admet la conception des droits fondamentaux des Etats, il n'y a pas de
difficultés à déduire le droit à la reconnaissance du droit fondamental à l'existence ou au
légitime développement. En outre, le droit à la reconnaissance est une conséquence directe
des buts des Nations Unies : « développer entre les nations des relations amicales fondées sur
le principe de l'égalité des droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes »
(art. 1, 2 de la Charte).
(71) De Visscher, op. cit., p. 287; Lauterpacht (p. 237) est d'avis en ce qui concerne les
belligerents que leur droit à la reconnaissance est « purely theoretical » et « imperfect ».
(72) Selon Bluntschli (op. cit., p. 76), la reconnaissance « erscheint freilich in der Form
eines freien Actes souverâner Staaten, aber sie ist doch nicht ein Act der absoluter Willkûr ».
Cf. aussi les remarques du Gouvernement britannique sur le projet de Déclaration des droits
et des devoirs des Etats : « les intérêts du droit international exigent que le champ
nécessairement laissé aux arguments purement politiques soit limité le plus possible » (A/CN 4/2,
XII, 1948, p. 53).
132 LA NON-RECONNAISSANCE ET LE DROIT INTERNATIONAL CONTEMPORAIN

pour le développement du droit international. L'Etat qui prend la décision


en matière de reconnaissance, bien que sa décision ne cesse pas d'être libre,
ne le fait pas en tant que pouvoir politique soucieux des seuls buts de la
politique nationale, mais en tant que sujet de droit international qui, dans le
cadre de ses compétences, exerce le pouvoir judiciaire dans la matière la
plus importante pour le droit international et la coopération pacifique entre
les Etats (73).
Si l'on voulait chercher des analogies dans le droit international, on
pourrait peut-être comparer la situation de l'Etat reconnaissant avec celle de
l'Etat qui décide d'avoir recours à des représailles. Conformément au droit
international en vigueur, tout Etat a le droit de commetre un acte contraire
aux règles de droit international à titre de riposte à une violation de son
droit par un autre Etat. Mais il est facile de comprendre les raisons pour
lesquelles le droit international serait mis en danger imminent, si le droit
de représailles pouvait être exercé par les Etats arbitrairement et d'une façon
discrétionnaire. C'est pourquoi la doctrine, loin de nier le droit des Etats
d'user de représailles, recommande aux Etats, dans l'intérêt du droit
international et de la coopération pacifique, de garder le « principe de la
proportionnalité » et de ne se servir de ce droit « qu'après une sommation restée
infructueuse » et « avec le sens de la responsabilité morale ». Les représailles
constituent « une justice qu'on se rend à soi même », c'est pourquoi il faut
« là où cela se peut, faire aux formes judiciaires les emprunts nécessaires »
(74).

IV. L'Etat non reconnaissant et les Etats tiers.

Le droit international laisse aux Etats la fonction de constater si un Etat


nouveau correspond aux conditions de l'organisation étatique ou non et, par
cela, aux conditions que doit remplir un sujet de droit international; par
conséquent, il accorde aux Etats le droit de reconnaître. Il s'ensuit que la
fonction de reconnaître, ainsi que le droit de le faire, doivent être exercés
librement. On peut — dans une certaine mesure — comprendre les raisons
pour lesquelles l'Etat qui, après une révolution, perd une partie de son
territoire et de sa population par suite de la formation d'un Etat nouveau, est
parmi les derniers à reconnaître l'existence de cet Etat. Le Gouvernement de

(73) Cf. Alexandrowi.cz Alexandee, The quasi- judicial function in recognition of States
and Governments (A.J.I.L., 1952, p. 631) selon lequel la décision en matière de
reconnaissance « is neither absolute nor arbitrary » et la fonction de la reconnaissance a un caractère
quasi-judiciaire avec toutes les conséquences juridiques. Quincy Wright, Some thoughts
about recognition, A.J.I.L., 1950, p. 555) dit que « recognition is the expression of judgement
by a state... that a condition of facts has legal consequences ».
(74) Cf. Sibert, Traité, II, 564 et les résolutions de l'Institut de droit international en
1934 (Annuaire, 1934, p. 709).
LA NON-RECONNAISSANCE ET LE DROIT INTERNATIONAL CONTEMPORAIN 133

l'Etat non reconnaissant se fait alors souvent des illusions sur la possibilité
de refaire l'unité de celui-ci.
Tout ce qui vient d'être dit ne concerne pas les Etats tiers. Ceux-ci ne
sont pas liés par le fait que l'Etat immédiatement intéressé n'a pas encore
donné sa reconnaissance (75). Le droit de reconnaître avant que l'Etat
immédiatement intéressé ne l'ait fait, était autrefois contesté (76), mais il
appartient aujourd'hui aux droits bien établis.
Dans cet état de choses, la question se pose de savoir comment on doit
qualifier, du point de vue du droit international, la pression politique exercée
par l'Etat non reconnaissant sur les Etats tiers, et particulièrement la rupture
ou la menace de rompre des relations diplomatiques dans le but de contraindre
ainsi l'Etat tiers à reconnaître ou à refuser la reconnaissance à un Etat
nouveau ?
Nous avons constaté plus haut que le droit de reconnaître appartient aux
droits étroitement liés à la souveraineté des Etats. La pression exercée par une
Puissance sur une autre dans le but de faire usage de ce droit d'une manière
déterminée signifie la limitation du droit de reconnaître. Si cette limitation
n'a pas de fondement juridique, elle constitue la violation des droits de
l'autre Etat.
Les Etats ont certainement le droit de rompre les relations diplomatiques
et de décider de l'étendue de leurs rapports internationaux. Mais en faisant
libre usage de leur droit, ils ne peuvent pas le faire arbitrairement. Ils ne
pourraient pas notamment faire usage de ce droit pour exercer une pression
sur un autre Etat dans un but illégitime, p. ex. dans le but de contraindre
cet Etat à voter à l'Assemblée générale de l'O.N.U. ou d'une autre organisation
internationale en faveur de telle ou telle proposition. De même, ils ne
pourraient pas faire usage de ce droit pour extorquer à un Etat tiers la
reconnaissance ou le refus de reconnaissance d'un Etat nouveau ou d'un
Gouvernement nouveau. Le principe du droit privé — qui jure jure suo utitur
neminem laedit — ne peut en aucun cas trouver son application en droit
international pas plus que dans beaucoup de systèmes modernes de droit
interne.

(75) Le ministre des affaires étrangères de Yougoslavie, M. Fopovic, dans sa déclaration


du 21 octobre 1957 a contesté la thèse du Gouvernement de la R.F.A., selon laquelle la
reconnaissance de la R.D.A. par la Yougoslavie constitue une ingérence inadmissible dans
les affaires internes du peuple allemand et en conséquence constitue une violation de la
Charte de l'O.N.U. M. Popovic a démontré que si on admet cette thèse il faudrait admettre
aussi que toute position prise envers l'Allemagne y compris la non reconnaissance de la
R.D.A. constitue une ingérence dans les affaires internes de l'Allemagne. M. Popovic a
contesté aussi la note du Gouvernement de la R.F.A. où il a été dit que le Gouvernement
yougoslave a pris la connaissance de ce que le Gouvernement de la R.F.A. ne tolère pas la
reconnaissance de la R.D.A. parce que la position du Gouvernement de la R.F.A. a été
publiée : selon le Gouvernement yougoslave c'est une conception singulière d'admettre que
l'attitude du Gouvernement de la R.F.A. est obligatoire pour les autres pays, lorsqu'elle est
publiée. (Cf. Borba, 22 octobre 1957).
(76) Sur l'attitude du Gouvernement britannique, en 1778, Martens, Les nouvelles causes
célèbres, I, p. 456 et s.) .
134 LA NON-RECONNAISSANCE ET LE DROIT INTERNATIONAL CONTEMPORAIN

L'interdiction de se servir de la rupture des relations diplomatiques


comme moyen de pression politique en matière de reconnaissance a-t-elle
un appui dans les règles du droit international en vigueur ? Elle se dégage,
à mon avis, des principes du droit international. Pour aboutir à une
construction juridique de cette interdiction, il faut appliquer ici les règles
générales du droit, bien connues en droit privé, comme l'interdiction de l'abus de
droit, ou dans le droit administratif, comme l'interdiction du détournement
du pouvoir (77).
La théorie de l'abus de droit dans son application au droit international
a été ingénieusement développée par Kiss (78). L'auteur répond par
l'affirmative à la question : l'exercice d'une compétence conférée par le droit
international aux gouvernements étatiques peut- il être internationalement
illicite et l'abus des compétences est-il interdit en droit international ? Selon
Kiss — l'abus de droit a lieu, si « les actes reprochés constituent une
ingérence directe dans les compétences des autres gouvernements ». L'abus de
droit comporte « le détournement du pouvoir et l'exercice arbitraire des
compétences étatiques » (79) . L'interdiction de l'abus de droit est « un
principe du droit international, principe général dans le plein sens du mot, car il
provient de la structure même de ce système juridique, et non d'une
transposition forcée d'un système juridique dans un autre » (80).
La rupture des relations diplomatiques ou la menace de rupture dans le
but de contraindre un autre Etat à prendre une décision déterminée en
matière de reconnaissance d'un Etat nouveau ou d'un Gouvernement
nouveau, possède certainement tous les caractères nécessaires pour être qualifiée
d'abus de droit.

V. Conclusions.

Deux conclusions générales se dégagent des considérations qui viennent


d'être présentées.
L'une — ayant un caractère stricti juris — est de constater que la
doctrine de la non-reconnaissance qualifiée dans la mesure où elle admet
la pression exercée par l'Etat non reconnaissant sur les Etats tiers en vue de
faire usage de leur droit de reconnaître constitue une violation du droit
international en vigueur. L'autre conclusion touche aux conséquences juri-

(77) Alexandrowicz Alexandkh (loc. cit., p. 633) mentionne que le refus non justifié de
reconnaissance constitue un détournement du pouvoir.
(78) Kiss, L'abus de droit en droit international, 1953; Lacxerpacht (op. cit., p. 9),
qualifie la reconnaissance prématurée comme « an abuse of the power of recognition ».
(79) Kiss, op. cit., p. 179-188.
(80) Ibidem, p. 190.
LA NON -RECONNAISSANCE ET LE DROIT INTERNATIONAL CONTEMPORAIN 135

diques indirectes de la non-reconnaissance. Une attitude à cet égard ne peut


être adoptée qu'en prenant en considération les réalités de la vie
internationale contemporaine qui constituent le contexte social du droit international.
Ceux qui défendent la politique de la non-reconnaissance voudraient
parfois voir dans cette politique une sanction efficace du droit international.
Il est vrai que l'idée des sanctions internationales, aussi bien des sanctions
économiques que des sanctions impliquant l'emploi de la force armée,
présuppose la non-reconnaissance des situations de fait, créées en violation du
droit international. Mais ce n'est pas en tant que sanctions internationales
que la non-reconnaissance a pris, à l'époque actuelle, des dimensions
démesurées. Il y a d'ailleurs des raisons sérieuses pour douter de l'efficacité de la
non-reconnaissance, si elle n'est pas suivie de sanctions économiques ou
militaires (81).
Le effets de la non-reconnaissance ayant pour prétexte le principe de la
légitimité constitutionnelle sont les plus pénibles pour le développement aussi
bien du droit international que de la coopération pacifique internationale.
Abstraction faite de ce que « ni l'insurrection ni la révolution ne constituent
des faits réprouvés par le droit international » (82) — l'efficacité purement
politique de la non-reconnaissance est loin d'être considérable. Elle est
souvent mise en doute même dans les Etats non reconnaissants (83). Dans les
Etats non reconnus, la non-reconnaissance est, en règle générale, ressentie
comme une discrimination injustifiée et, comme telle, elle encourage à
résister à la pression des Puissances étrangères. Cette vérité sociologique et
politique est confirmée par l'histoire de tous les jours : les périodes de non-
reconnaissance et d'intervention étrangère sont présentées comme les plus
beaux chapitres dans l'histoire nationale de différents peuples et même les
hymnes nationaux de plusieurs pays prennent leur origine dans l'effort
national pour résister à une pression étrangère.
Les conséquences pénibles de la non-reconnaissance pour l'ordre
juridique international sont évidentes. La non-reconnaissance simple, appliquée

(81) Mac Nair (The Stimson doctrin of the non-recognition, B.Y.I.L., 1933, p. 73) donne
la réponse suivante à la question de savoir si la politique purement négative peut produire
les effets juridiques concrets : « I think the answer must be disappointing one. It is difficult
to see how such a policy can do more harm to the wrongdoer State than to the non
recognizing State. It is idle to think that mere non-recognition can solve the problem as an
adequate sanction... But there is a danger of its becoming a slogan which will serve as an
excuse for thinking that an effective method of preventing breeches of international law has
been discovered and that no further action is required beyond a declaration of
non-recognition ». Voir aussi Chen (op. cit., p. 131) : « Non recognition as a sanction exists only in legal
concept. It does not alter a situation of fact, unless it is accompanied by the use of physical
or moral forces. It is an illusion that non recognition can be a substitute for other more
vigourous measures in the upholding of law ». Selon Ross, Lehrbuch des Vôlkerrechts, 1951,
p. 113 et s.), la non reconnaissance des positions établies d'une manière définitive — sans
la lutte effective dans le but de faire un changement — peut facilement devenir comique : la
non reconnaissance n'est alors que « idealistischer Protest ».
(82) De Visscher, op. cit., p. 296.
(83) Voir Dickinson (loc. cit., p. 214) ; Anderson, Our policy of non-recognition in Central
America (A.J.I.L., 1931, p. 305).
136 LA NON-RECONNAISSANCE ET LE DROIT INTERNATIONAL CONTEMPORAIN

par les Etats d'une façon large, limite considérablement le champ


d'application du droit international (84) et, ce qui est pire, contribue à séparer le
droit de la vie. L'existence d'un nombre considérable d'Etats reconnus par
certains Etats et non reconnus par d'autres transforme le système du droit
international objectif en la juxtaposition de « Wunschrechtssysteme », ce
que nous exprimerons par l'existence de plusieurs systèmes juridiques
correspondant chacun au désir de ceux qui les adoptent (85).
Le droit international est un système de droit objectif. Il constitue « ein
objektives Rechtssystem, wenn auch von internationalem Konsent geschaffen»
(86). La politique étrangère et la diplomatie des Etats particuliers sont
soumises aux règles de ce droit. C'est pourquoi les tendances relativistes, dites
« modernes » qui contestent le contenu objectif du droit international (87) ou
la personnalité internationale des Etats objectivement existants doivent être
considérées comme particulièrement dangereuses pour le développement aussi
bien de la coopération internationale que du droit international.
Les conséquences de la non-reconnaissance qualifiée sont bien plus
graves. Si la doctrine Hallstein devait un jour devenir le programme politique
de la majorité des Puissances, cela signifierait la désintégration complète
de l'ordre juridique international comme résultat de la nécessité, imposée

(84) Les effets de la non reconnaissance qui limite le champs d'application du droit
international s'étendent même sur le droit de la guerre. A cet égard une discussion bien
caractéristique a eu lieu à la première réunion des H.P.C. de la Convention sur la protection
des biens culturels en cas du conflit armé tenue à Paris les 16-26 juillet 1962. Après que la
réunion eut décidé d'admettre à ses débats en qualité d'observateurs les représentants des
pays qui ne sont pas membres de l'O.N.U. ou de l'U.N.E.S.C.O., le délégué du Viet-Nam du
Sud a protesté contre l'admission du représentant du Viet-Nam du Nord en disant que ce
pays ne possède pas les caractères nécessaires pour être qualifié comme Etat. Le délégué de
la Pologne, contestant le point de vue du délégué du Viet-Nam du Sud, a soulevé que le
danger de conflit armé entre les Gouvernements des nations divisées est certainement bien
plus probable qu'entre des Etats reconnus qui maintiennent les relations diplomatiques, qu'il
faudrait donc faire des efforts pour assurer l'applicabilité de la Convention de La Haye aux
conflits armés entre les Etats qui ne sont pas reconnus. Pour sa part il a déclaré que lui-
même serait heureux de voir tous les biens culturels de l'Europe Centrale sous la protection
de la Convention et tous les pays de cette région européenne comme Parties contractantes
de la Convention sus-mentionnée, et particulièrement l'Etat Fédéral Allemand qui n'entretient
pas de relations diplomatiques avec la Pologne. Cf. Procès-Verbaux de la réunion, séance
plénière du 23 juillet.
(85) Ross (Lehrbuch der Vôlkerrechts, 1951, p. 114) caractérise de ce point de vue la
théorie constitutive comme « praktisch widersinnig und theoretisch unmôglich »... « dièse
absurde Théorie ist ein Phantasiegebilde, die nie das Licht der Welt erblickt hâtte, wenn es
nicht als rein konstruktive Konsequenz der falschen Théorie vom Vôlkerrecht als Vertrags-
recht entsprungen wâre ». Baïy (The Canon of international law, 1930, p. 204) démontre
l'absurdité de la théorie constitutive parce qu'elle est obligée d'admettre la relativité de
l'existence des Etats. L'Etat reconnu, par exemple par Costa Rica, ne serait existant que pour
ce pays. Baty conclut que la reconnaissance « as its name implies, it is only evidence of the
State or Governement, it does not create it; extraordinary confusion would arise if it did ».
(86) Cf. Tunkin, Diplomatie und Vôlkerrecht, (Oest. Zeitschrift fur Aussenpolitik, 1961,
5, p. 299).
(87) Cf. parmi les autres — une opinion relativiste de Kelsen (The law of nations, 1951,
p. XIII) : « traditional jurisprudence is rarely inclined to admit that a legal norm has two
or more meanings or, if such should be the case, that there is no juristic reason to prefer
one of the various meanings to another. The view however, that the verbal expression of a
legal norm has only one « true » meaning which can be discovered by correct interpretation
is a fiction, adopted to maintain the illusion of legal security, to make the law-seeking public
believe that there is only one possible answer to the question of law in a concrete case ».
LA NON-RECONNAISSANCE ET LE DROIT INTERNATIONAL CONTEMPORAIN 137

aux Etats, de choisir entre les relations diplomatiques avec l'une ou l'autre
Puissance. Etant donné que la doctrine Hallstein n'est en fait appliquée qu'aux
Etats petits et moyens, la généralisation de cette doctrine serait
particulièrement pénible pour les Etats de cette catégorie.
Enfin, la non-reconnaissance étant un moyen puissant de créer un état
d'incertitude juridique et de tension internationale, empêche que le droit
international puisse accomplir la fonction essentielle de tout système
juridique, c'est-à-dire assurer la sécurité juridique. Ceux qui voudraient
soumettre le droit international aux appréciations effectuées du point de vue de
telle ou telle légitimité, ne devraient pas oublier que, même d'après les
conceptions philosophiques idéalistes, le droit n'a pas seulement pour but de
réaliser la justice, quel que soit le contenu de cette notion, mais aussi
d'assurer la sécurité juridique tant il est vrai que « même le droit injuste n'est pas
inutile » (88) . Le principe, per eat mundus fiat justitia, hostile à tout système
juridique dans toutes les époques, devient particulièrement dangereux dans
les relations internationales de l'ère atomique.
Bien que les effets de la non-reconnaissance soient, à un certain degré,
neutralisés par les tribunaux et les administrations (89), le besoin de la
sécurité juridique est à l'heure actuelle loin d'être satisfait. Du point de vue
de la paix mondiale — et c'est cela que nous considérons comme l'essentiel
— le droit capable de créer les bases juridiques de la coexistence pacifique
entre les pays à systèmes politiques différents et entre tous les Etats existants
a une importance primordiale (90) . Un tel droit, même s'il est regardé comme
moins satisfaisant du point de vue idéologique déterminé, ne peut en aucun
cas être remplacé par un droit régional ou un droit d'une communauté
idéologique (91).

(88) Cf. Radbruch (Einfûhrung in die Rechtswissenschaft, 1919, p. 195) : « ... dass selbst
das ungerechte Recht nicht zwecklos ist, dass das Recht auch ohne Rucksicht auf seine
Gerechtigkeit durch seine Geltung einen Zweck erfùllt : den der Rechtssieherheit ».
(89) Cf. aussi l'opinion de Ch. de Visscher (op. cit., p. 295) : « le pouvoir judiciaire,
en agissant ainsi, s'applique à sauvegarder... la sécurité juridique ».
(90) Chen (op. cit., p. 4) présente les dangers de la théorie soutenant « that family of
States is a close corporation, into which no new member can be admitted without the
arbitrary consent of those which exist » et qualifie cette théorie comme « decaying dogma »
en disant que « the view that the international community is in the nature of a closed club
is erronous ». Ce n'est pas sans influence de la théorie susmentionnée qu'on observe parfois
la tendance dans les pays nouveaux de se libérer du droit international, celui-ci n'étant
qu'une invention du monde occidental sans force obligatoire pour le reste du monde. Cf. à
ce sujet l'opinion d'un ministre indonésien cité par Rolin (Le droit des gens en 1961,
Chronique de politique étrangère, XIV, 4, p. 492) qui déplore ce phénomène dangereux.
(91) Rolin (loc. cit., p. 495) dit à ce sujet : « Enfin, ces accords régionaux devraient être
compris et mis en exécution comme des contributions positives à la sécurité et à la
coopération universelle ». L'auteur déplore « un dénigrement systématique des organisations
universelles » et conclut ainsi : « celles-ci demeurent pour moi l'essentiel ».

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