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Louis Aragon qui a été brancardier pendant la première guerre mondiale a été très

marqué par son expérience sur le front. Son vécu se retranscrit dans ce poème qui
évoque le départ de jeunes soldats vers les zones de combats

Dans les deux premières strophes, le poète s'adresse aux soldats en utilisant la 2ème
personne du singulier. Ces deux strophes mettent en opposition les morts violentes qui
attendent les soldats: «jeune homme dont j'ai vu battre le cœur à nu», « qu'un obus a
coupé par le travers en deux» avec l’innocence et la joie de vivre de ces soldats (« toi
qui courait les filles », « joueur de manille ». Ces soldats n'auront donc que deux
possibilités pour Aragon : soit mourir comme les deux premiers ou alors vivre en étant
défiguré et mutilé : "Tu survivras longtemps sans visage sans yeux». C'est ici une
référence à ceux qu'on appellera après la fin de la guerre les "gueules cassées".

Dans les deux strophes suivantes, le poète évoque le départ du train vers le front. Les
soldats s'endorment ("soldats assoupis", "fléchissent le cou") sans se soucier du lieu où
ce train va les amener. Derrière l’inconnu, se cache les tranchées et la férocité des
combats. Aragon prédit le pire pour la destinée de ces soldats. Il fait ainsi rimer
« destinées » avec « jambes condamnés » pour rappeler le sort tragique qui les attend.
Le poète en fait des «fiancés de la terre», métaphore qui évoque que la seule étreinte
qui les attend est celle de la mort et de la terre qui les engloutira.

L’avant dernière strophe relate le réveil des soldats (« vous étirez vos bras », vous
baillez ») après ce long voyage. Ils sont vivants et en bonne santé (« le caporal
chante », « vous avez une bouche et des dents ») et vivants...pour seulement quelques
instants encore. La dernière strophe, avec l'anaphore «déjà» scande le sort promis aux
soldats. Dans ce train, leur existence est déjà perdue, ils sont de futurs «morts pour la
France» dont les noms seront gravés après la guerre sur des tombes ou sur les
monuments aux morts qu'on trouve sur chaque place de village: il utilise une
personnification pour évoquer les pierres tombales qui seront disposés au dessus de
leur tombe «Déjà la pierre pense où votre nom s'inscrit » et une métaphore pour
illustrer les hommages qui leurs seront rendus : « Déjà vous n'êtes plus qu'un mot d'or
sur nos places».

Le poème se conclut sur cette cruelle antithèse: «Déjà vous n'êtes plus que pour avoir
péri». Ce poème dénonce les atrocités du front, la violence subie par les soldats et la
mort presque certaine qui les attend. Le poète s'adresse aux soldats en prévoyant leur
destinée: la mort.

L’utilisation du « tu » est peut-être aussi un avertissement à ses lecteurs face au danger


de la guerre. Cette hypothèse est d’autant plus plausible qu’à la sortie de ce poème en
1956, la France envoyait des milliers de jeunes soldats faire la guerre en Algérie.
Aragon, militant communiste, était farouchement contre la tenue de cette guerre.

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