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UNE INTRODUCTION

À LA DIDACTIQUE
DE LA GRAMMAIRE
EN FRANÇAIS LANGUE
ÉTRANGÈRE

Jean-Pierre CUQ
Composition P.A.O. : Nicole Pellieux

« Le photocopillage, c’est l’usage abusif et collectif de la photocopie sans autorisation des auteurs et
des éditeurs.
Largement répandu dans les établissements d’enseignement, le photocopillage menace l’avenir du
livre, car il met en danger son équilibre économique. Il prive les auteurs d’une juste rémunération.
En dehors de l’usage privé du copiste, toute reproduction totale ou partielle de cet ouvrage est inter-
dite. »
« La loi du 11 mars 1957 n’autorisant, au terme des alinéas 2 et 3 de l’article 41, d’une part, que les
copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisa-
tion collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et
d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement
de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite » (alinéa 1er de l’article 40). – « Cette repré-
sentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanc-
tionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal. »

© Les Éditions Didier, Paris, 1996 ISBN 2-278-04568-7 Imprimé en France


À Philippe

Toute ma reconnaissance et mes remerciements vont à mes amis


Dominique Abry et Robert Bouchard,
pour leur relecture de ce livre et pour leurs conseils.

3
AVANT-PROPOS

Ce livre est avant tout destiné aux étudiants de deuxième et de troisième cycle
en F.L.E., et aux professeurs de français langue étrangère ou seconde, qu’ils
exercent en France ou à l’étranger. Mais, bien entendu, surtout dans le domaine
de la langue, il n’est pas possible de traiter des problématiques spécifiques aux
situations d’enseignement du français comme langue étrangère sans avoir en
regard le domaine du FLM. Les réflexions qu’on trouvera dans ce livre pourront
donc aussi largement concerner les enseignants ou les étudiants de français
langue maternelle.
Depuis une dizaine d’années, à vrai dire depuis l’excellent ouvrage d’Henri
Besse et Rémy Porquier, Grammaires et Didactique des langues (LAL CREDIF-
Hatier) paru en 1984, aucun ouvrage n’avait proposé de réflexion nouvelle sur
la place et l’utilité de la grammaire en classe de français. Pourtant, depuis la fin
des années 80, non seulement les revues spécialisées en didactique des langues
marquent un nouvel intérêt pour les questions grammaticales, mais encore la
production méthodologique, comme on pourra s’en apercevoir dans la liste
annexée à la fin du chapitre 6, connaît un essor important après avoir marqué
un large temps d’incertitude.
Il nous a donc paru que le moment était favorable pour proposer une vision
renouvelée de la grammaire en français langue étrangère, non pas d’un point de
vue strictement méthodologique, mais plus largement didactique. C’est-à-dire
que ce petit livre ne prétend pas répondre à la question « comment utiliser la
grammaire en classe de langue ? », mais qu’il espère éclairer un peu les étapes
réflexives qui se situent en amont de la classe et de sa préparation.
Cette réflexion prend largement en compte la dimension historique de la
grammaire et de la linguistique dans leurs rapports avec la didactique. Il nous
paraît en effet frappant de constater combien la grammaire fut de tout temps

4
impliquée dans l’enseignement des langues, que ce soit pour être explicitement
revendiquée comme nécessaire, ou au contraire pour en être bannie à grands
cris. Mais qu’elle entre par la grande porte ou qu’on la sorte par la fenêtre, la
grammaire rode qu’on le veuille ou non autour de la classe de langue. Il
n’était donc peut-être pas sans intérêt de repérer dans un premier temps quel
héritage grammatical nous est parvenu après ces siècles de tribulations.
Il nous est apparu de ce parcours historique que si la route du didacticien
paraissait de moins en moins se confondre avec celle du linguiste, il n’en
allait pas de même avec celle du grammairien, dont l’œuvre, finalement, a tou-
jours une visée didactique : on ne pouvait dès lors pas éviter de proposer une
définition didactique du concept de grammaire.
Un peu paradoxalement, c’est sans doute la dimension prescriptive de la
grammaire qui a engendré au cours du temps les réflexions les plus fécondes :
la notion de norme, à partir de laquelle se définit celle d’erreur, la notion de
variation, qui amène au contraire à s’interroger sur ce qu’il est légitime d’en-
seigner, de permettre ou de corriger, prendront donc ici une place impor-
tante, aux côtés de ce qui pourra apparaître (mais tant pis !) pour une sorte de
plaidoyer pour les pratiques comparatistes, qu’une longue habitude de la for-
mation d’enseignants à l’étranger nous ont appris, en dépit des modes, à ne pas
tenir pour négligeable à chaque fois que la situation d’enseignement la permet.
Mais qui parle de grammaire parle d’exercices, et, surtout, utilise les mots des
grammairiens. Un chapitre a donc été également consacré au métalangage
grammatical et aux activités grammaticales. Quelques entrées dans des méthodes
très utilisées de français langue étrangère nous montrent que loin d’être absents
de l’enseignement moderne, ils y tiennent au contraire une place de tout pre-
mier plan. Enfin, après avoir conclu de la nécessité qu’il y a à proposer non un
enseignement de la grammaire en classe de langue mais un enseignement
grammaticalisé des langues, la dernière partie du livre est consacrée à une rapide
typologie des grammaires courantes et propose une grille de lecture et d’éva-
luation applicable à ces ouvrages.

Comme toujours en didactique, ce livre est le résultat de plusieurs années de


réflexion. Il est en partie composé de textes, plus ou moins remaniés, qui ont
déjà été publiés dans des revues ou pour des organismes que je remercie
pour leurs autorisations :
1. Aide-mémoire des interférences de l’arabe sur le français à l’usage des pro-
fesseurs de français en Tunisie, Sousse (Tunisie), CRDP, 1986.
2. « L’expression de l’hypothèse : enquête en milieu scolaire marocain », dans
Présence francophone, 28, Université de Sherebrooke, Québec, Canada, 1986,
pp. 119-129.
3. « Analyse contrastive et erreurs interférentielles : la juste place de tech-
niques (r)éprouvées », dans Bulletin de l’Association Québécoise des Ensei-
gnants de Français Langue Seconde, vol. 10, 3-4, Montréal, Québec,
Canada.,1989, pp. 17-23.

5
4. « Bilinguisme et pédagogie du français en Tunisie : les phases intermé-
diaires d’apprentissage », dans Actes du colloque ANEFLE, A.-M. Jaussaud et
J. Pétrissans éd., Grenoble, 1989.
5. « Exprimer l’hypothèse en français : un changement de perspective linguis-
tique pour les élèves marocains », dans L’Information grammaticale, 51, 1991,
pp. 47-49.
6. « Cadre théorique et modalités d’insertion de la variation linguistique dans
l’enseignement du français langue étrangère et seconde », dans Discourse
Variety in Contemporary french, J.A. Coleman et R. Crawshaw éd., AFLS-CILT,
Londres, 1994, pp. 19-35.
7. Cours de didactique de la grammaire en français langue étrangère, CNED,
Grenoble, 1994.

6
C H A P I T R E

1
LES THÉORIES LINGUISTIQUES ET GRAMMATICALES
ET LEUR IMPACT SUR L’ENSEIGNEMENT DES LANGUES

1.0. Généralités

Les rayons des bibliothèques sont pleins de traités de grammaire et d’ouvrages


de linguistique, et l’opinion courante est qu’ils ont, chacun en leur temps, un
rapport direct avec les langues qu’on enseigne. Or il est assez aisé de voir, en
comparant le matériel grammatical utilisé à l’immensité des connaissances lin-
guistiques qui ne sont jamais convoquées ou presque en didactique, combien il
est illusoire d’établir un parallélisme trop strict entre ces deux champs discipli-
naires et combien peu, finalement, la didactique a été un champ d’application
de la grammaire et de la linguistique, que l’on tiendra provisoirement pour deux
notions non dissociées.
Faute de pouvoir mener une comparaison de grande ampleur, on se conten-
tera dans les pages qui suivent de rappeler les grandes lignes de l’histoire lin-
guistique et grammaticale. On essaiera de mettre en regard, chaque fois que cela
sera possible, les utilisations que les hommes faisaient de ces connaissances dans
l’enseignement des langues si toutefois il existe des connaissances quant à cet
enseignement.
Alors que le mot et la notion de linguistique ne datent que du XIXe siècle, la
grammaire, comprise au sens de réflexion sur le langage, fait partie des plus
anciennes tentatives de connaissance de l’homme. Le mot même de gram-
maire vient du mot grec « gramma », signifiant la lettre. Dès l’origine donc, en
tout cas dans la tradition occidentale, c’est la partie écrite du langage qui a été
ainsi mise en avant, et c’est un fait que le didacticien des langues doit toujours
avoir à l’esprit car il a largement façonné les mentalités au cours des siècles. Or,

7
cet aspect primitif de la grammaire ne pose pas de problème lorsqu’il s’agit d’en-
seigner une langue morte, mais, sauf production de modèles adéquats, il sup-
pose une autre appréhension mentale lorsqu’il s’agit d’enseigner une langue
vivante, donc a priori parlée.

1.1. La Grèce

On sait que les Grecs avaient pratiqué une écriture alphabétique, le Mycénien,
avant d’adopter l’écriture alphabétique, qu’ils avaient empruntée aux Phéniciens.
Admiratif, Antoine Meillet a pu dire à juste titre que ceux qui ont contribué peu
à peu à mettre au point l’écriture alphabétique étaient sans le savoir de fameux
linguistes. Il faudra toutefois attendre Platon d’Athènes (428-348) pour trouver
les premières mentions de la « grammatikè technè », la science des lettres. La
grammaire, en occident, va donc de pair avec la réflexion sur l’écriture. Du point
de vue des notions, on retiendra surtout que Platon fait, dans le Sophiste, le
départ entre « onoma » et « rhéma », ce qui peut être considéré comme la pre-
mière distinction entre sujet et prédicat 1.
Mais la grammaire débute véritablement, en tant que science et non plus seu-
lement comme philosophie du langage, avec son disciple, Aristote de Stagyre
(384-322), qui fut aussi le disciple du grand orateur Isocrate. Quelques années
après avoir été le précepteur d’Alexandre, Aristote fonda à Athènes en 335 une
école nommée Lycée 2. Les leçons étaient loin de ne concerner que la seule
grammaire, puisqu’anatomie, physiologie, zoologie, géographie, géologie,
astronomie figuraient également au menu des leçons du matin, (dites « ésoté-
riques » parce qu’elles étaient données dans le cercle de ses disciples les plus
proches) 3. L’après-midi était ouvert à un plus large public (ce sont les leçons
« exotériques », dont on ne sait presque rien).
La part de l’œuvre d’Aristote qui concerne le langage est essentiellement
contenue dans la Rhétorique et surtout dans la Poétique. Dans une démocratie
directe, celui qui maîtrise la parole maîtrise le pouvoir 4. L’orateur doit donc
savoir exercer une force de persuasion sur les hommes, et pour cela connaître
les passions (« pathos ») qui les animent et leurs mœurs (« ethos »). La Rhétorique,
qui traite de cela, est donc une sorte d’ancêtre de la psycho- et de la sociolin-
guistique, où s’élaborent les premières « catégories », dont les plus célèbres sont

1. Pour une discussion approfondie de ce point controversé, voir Louis BASSET : « Platon et la dis-
tinction Nom/Verbe », dans Louis BASSET et Marcel PERENNEC (dir.) : Les classes de mots, tradi-
tions et perspectives, pp. 47-66, Presses Universitaires de Lyon, 1994.
2. Parce qu’elle était située dans le bois du Loukeion, du nom d’Apollon Lycien.
3. On donne aussi à son école le nom d’école péripatéticienne (« péripatêtikoï » = promeneurs),
parce que, disait-on, les leçons se faisaient en marchant dans le bois.
4. En va-t-il vraiment différemment aujourd’hui où la télévision tend à gommer l’importance
démocratique des corps intermédiaires ?

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le particulier et le général. Comme son nom l’indique, La Poétique traite de la
création poétique (« poïesis »), conçue comme une recréation par imitation du
réel (« mimesis »). La Poétique traite aussi du genre épique mais c’est surtout les
règles concernant la tragédie qui ont gardé une influence pendant plus de vingt
siècles sur les auteurs et leurs commentateurs. Le fait que le livre qui traitait de
la comédie ne nous soit pas parvenu explique peut-être en partie le peu de
considération dont ce genre a longtemps joui.
Au chapitre XX de la Poétique, Aristote distingue des unités phoniques élé-
mentaires non signifiantes (« asèmoï »), et des unités plus complexes et signi-
fiantes (« sèmantikoï »), donnant ainsi une première approche de ce qu’on
appellera bien plus tard phonèmes et morphèmes.
Mais il donne surtout dans cet ouvrage la première définition sémantique et
formelle des parties du discours : le nom se distingue ainsi du verbe parce qu’il
est affecté d’une flexion casuelle alors que la marque du verbe est la flexion
temporelle. Outre le nom et le verbe, Aristote distinguait, sans que cela soit très
clair toutefois, la conjonction et/ou l’articulation. C’est le grammairien latin
Quintilien qui nous a transmis l’histoire de l’augmentation du nombre de ces
catégories par les épigones d’Aristote, surtout les Stoïciens, qui jouèrent un grand
rôle sous le nom d’« anomalistes ». C’est ainsi qu’on attribue traditionnellement
à Aristarque (IIe siècle avant J.-C.) le nombre et l’ordre canonique des catégo-
ries : nom, verbe, participe, article, pronom, préposition, adverbe, conjonction.
Elles furent chacune étudiées plus tard par Apollonios dyscole (IIe siècle après
J.-C.), qui resta également célèbre pour son traité « Péri syntaxeos » (« de la
construction », ou « syntaxe »).
L’impact des connaissances accumulées par les Grecs a été considérable
dans les siècles suivants, tant en linguistique qu’en didactique. En effet, à part
le rattachement du participe au verbe, la promotion de l’adjectif et l’invention de
l’interjection, les grammaires d’aujourd’hui vivent encore sur les catégories
d’Aristote et d’Aristarque. L’enseignement de la littérature également, reste jus-
qu’à aujourd’hui imprégné de leur pensée. Mais les Grecs eux-mêmes, qui
considéraient comme « barbares » tous ceux qui ne parlaient pas leur langue,
n’enseignaient pas les langues étrangères. L’enseignement de leur propre langue
resta cependant fondé pendant près de treize siècles sur les leçons du gram-
mairien analogiste Denys de Thrace. Après la conquête romaine, les Grecs qui
voulaient apprendre le latin pour connaître le droit ou dans un désir de pro-
motion sociale (administration, armée…) se rendaient généralement à Rome.

1.2. Rome

On ne saurait faire un survol même aussi rapide des connaissances gram-


maticales de l’Antiquité sans au moins évoquer deux auteurs dont l’œuvre est
constamment citée par leurs successeurs et est à la base de toute la réflexion
postérieure au moins jusqu’à l’époque classique.

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Le premier est Cicéron d’Arpinum (Latium), (106-43), à qui on doit la notion
d’« humanitas », que l’on cultiva jusqu’il n’y a guère dans les bonnes éducations.
Homme politique, écrivain doué d’une grande sensibilité, Cicéron est l’auteur de
traités de rhétorique et d’art oratoire où se mêlent les inspirations platoni-
cienne, péripatéticienne et stoïcienne.
Le second est Quintilien de Calaguris (près de Tarragone) (env. 30/35-env.
105 après J.-C.), qui, après avoir été avocat, devint le professeur d’éloquence
d’élèves aussi célèbres que Pline le Jeune et le futur empereur Hadrien 1. De lui
ne nous reste qu’un ouvrage découvert dans l’abbaye de St. Gall en Suisse en
1419, les Institutionis oratoriae libri XII mieux connus sous le nom de l’« Insti-
tution Oratoire » ou encore de « la Formation de l’Orateur ».
Mais ni Cicéron ni Quintilien ne sont à proprement parler des grammairiens.
Trois autres auteurs latins, en revanche, méritent vraiment ce titre. Le premier est
Varron de Rate (116-27 avant J.-C.), auteur d’un véritable traité de linguistique
latine, le De Lingua Latina, qui ne nous est malheureusement parvenu que très
diminué. Sans doute trop en avance sur son temps, Varron est considéré
aujourd’hui comme un lointain précurseur de la méthode comparative.
Le deuxième est le précepteur de Saint Jérôme, Donat, dont les compilations
(Ars minor, Ars major) eurent un grand retentissement pendant tout le Moyen
Âge.
Le dernier est Priscien de Césarée, (fin Ve-début VIe siècle), à qui on doit,
dans ses célèbres Institutions Grammaticales la première tripartition entre pho-
nétique, morphologie et syntaxe.
Malgré ces grands noms, on ne peut pas dire que Rome ait fondamentalement
fait progresser la connaissance grammaticale. Et, bien que, contrairement aux
Grecs qui méprisaient généralement le latin, les Romains aient constamment
appris le grec, on ne peut pas non plus prétendre que leurs formalisations gram-
maticales aient influencé très directement cet apprentissage. En effet, l’appren-
tissage linguistique proprement dit se faisait dans les familles riches par l’inter-
médiaire d’esclaves grecs et l’éducation était bilingue latin/grec. Mais les jeunes
Romains qui, après l’enseignement suivi chez le « magister », poursuivaient leurs
études, allaient chez le « grammaticus » apprendre la grammaire latine et la
grammaire grecque. Toutefois la grammaire était apprise pour elle-même,
comme un élément culturel, sans qu’on puisse vraiment affirmer qu’elle servait
à conforter l’apprentissage des langues. Mais c’est chez les Romains, qui, à cause
de la forme de leur langue et de celle du grec, connaissaient la déclinaison et les
conjugaisons, que sont nées aussi les pratiques du thème et de la version.
Comme celle des Grecs, l’influence des grammairiens latins sur l’enseigne-
ment des langues se fera sentir plus tard, et surtout dès le Moyen Âge pour l’ap-
prentissage du latin.

1. En le rémunérant pour la première fois sur fonds d’État, l’empereur Vespasien en fit, pour ainsi
dire, l’ancêtre des enseignants !

10
1.3. Le Moyen Âge européen,
la Renaissance et l’époque classique
Au Moyen Âge, la grammaire est, avec la logique et la rhétorique, à la base de
l’éducation car elle est l’un des trois arts du langage (« trivium »). Très peu nova-
trice, elle est essentiellement fondée sur la connaissance de l’œuvre de Priscien
et surtout de Donat, qui, jusqu’au IXe siècle, fournit la base de l’enseignement
du latin, surtout pour l’écrit. Mais le latin écrit (variété haute) s’éloigne de plus
en plus de la langue parlée, dite « vulgaire » (variété basse). Quand la langue
parlée est devenue si éloignée du latin qu’elle réduit ce dernier à l’état de véri-
table langue étrangère (Xe siècle environ), c’est la grammaire de Priscien qui est
de plus en plus utilisée. Ce qu’on enseigne, c’est encore une fois essentiellement
les parties du discours, les conjugaisons et les déclinaisons de la morphologie
latine.
À la Renaissance apparaissent un peu partout en Europe un grand nombre de
grammaires des langues vernaculaires. Ainsi en Italie les Regole della lingua fio-
rentina (env. 1450) par Alberti, en Espagne la Grammatica de la lengua cas-
tellana de Nebrija (1492), en Allemagne la première grammaire de l’allemand
(1573) par Ölinger, en Grande-Bretagne la première grammaire de l’anglais
(1586) par Bullokar, et même en France la première grammaire du basque
(1587).
Pour le français, on connaît surtout le Donat français (env. 1400), Lesclar-
cissement de la langue françoyse de Palsgrave (1530), écrite en anglais et le
Tretté de la grammere françoese de Meigret (1550) écrit en graphie phonétique.
Or, ces trois ouvrages sont étroitement liés à l’enseignement du français en
Angleterre.
À la fin du Moyen Âge et au début de la Renaissance les études latines,
grecques, hébraïques et arabes se développent dans une perspective descriptive
et comparatiste. Ainsi par exemple Ramus, H. Estienne, Bovelles, étudient les
liens de filiation des langues européennes avec le latin et le grec. Pour ce qui est
du français, ils tiennent compte pour la première fois de l’importance des
« substrats » gaulois et des « superstrats » germaniques. Mais le fait le plus nou-
veau est qu’au XVIe siècle l’horizon linguistique s’élargit tout à coup à de
nombreuses langues américaines comme le nahuatl (1547), le quechua (1560),
le guarani (1656). Pour l’Asie, Varo (1703) et Prémare (1727) donnent les pre-
mières grammaires du chinois.
Cette époque est aussi celle des premiers dictionnaires polyglottes comme
celui d’Ambrogio Calepino.
Au XVIIe siècle, les grammairiens de Port-Royal lient étroitement l’art de la
parole et celui de la pensée. Arnauld et Lancelot écrivent une Grammaire Géné-
rale et Raisonnée (1660) et le même Arnauld (dit « le Grand ») donne deux ans
plus tard, avec Nicole cette fois, la Logique, ou l’art de Penser. L’idée qui prévaut
alors est que, malgré leurs langues différentes, les hommes pensent de façon
identique. Par conséquent, ce sont les catégories de la pensée qui doivent

11
servir de base aux catégories de la langue. Cette idée est encore celle du
XVIIIe siècle comme on peut le voir dans la Grammaire Générale de Beauzée
(1767).
Que passe-t-il dans l’enseignement des langues de toutes ces perspectives
grammaticales nouvelles ? Sans doute peu de choses dans les pratiques les plus
courantes mais, là aussi, un vrai changement dans la pensée des théoriciens.
Ainsi connaît-on bien, au XVIe siècle, la préférence qu’affiche Montaigne pour
un apprentissage « naturel » des langues, mais il faudra attendre Locke en
Angleterre pour qu’apparaisse, dans Quelques pensées sur l’éducation (1693), un
rejet très explicite de l’usage de la grammaire en langues vivantes. Entre les
deux, le Tchèque Comenius, que beaucoup considèrent aujourd’hui comme le
véritable père de la didactique des langues, ne plaide pas dans ses ouvrages (La
porte ouverte sur les langues, 1631, Orbis pictus, 1651, La grande didactique,
1657) pour exclure la grammaire de l’enseignement. Mais il affirme toutefois
avec force la primauté de l’exemple sur la règle. Car c’est par l’usage que, selon
lui, s’acquièrent les langues étrangères, les règles ne servant tout au plus qu’à
« confirmer l’usage ».
Selon Christian Puren 1, c’est dès le XVIe mais surtout au XVIIIe et au XIXe
siècle que la grammaire finit par s’imposer comme préalable au thème d’appli-
cation pour le latin d’abord puis pour les langues vivantes. À partir du XVIIIe, la
variante grammaire/version s’impose peu à peu. Dans ce cas « l’enseignement
grammatical ne peut plus être gradué a priori (comme dans le cas de l’ensei-
gnement par grammaire/thème) : l’approche grammaticale inductive remplace
la grammaire déductive ». C’est ce type d’enseignement (version/grammaire) qui
est encore prôné par Jean-Joseph Jacotot (première moitié du XIXe siècle) et par
T. Robertson pour l’enseignement de l’anglais » 2.

1.4. L’apogée de la grammaire


au XVIIIe et au XIXe siècles
Si donc à la fin du XVIIIe et au XIXe siècle la grammaire s’impose dans l’en-
seignement, on peut tout autant dire que, dans le même temps, l’enseignement
s’impose à la grammaire. En effet, c’est avec l’accroissement de l’importance de
la grammaire scolaire, et surtout de l’orthographe, que les grammairiens se
posent de plus en plus comme les législateurs de la langue. Émergent alors les
grandes lignes de la grammaire qui sera désormais enseignée à tous les petits
Français qui iront à l’école. Par exemple, la fameuse règle de l’accord du parti-
cipe passé, qui était resté assez libre jusqu’alors, se fixe peu à peu entre 1750 et
1815. Par contre-coup, on verra alors, explique André Chervel, « le régime direct

1. 1988, p. 66.
2. GERMAIN, 1993, p. 102.

12
(…) se définir contrastivement par opposition à l’ensemble des fonctions pos-
sibles » 1.
Quelques grammairiens, aux noms aujourd’hui bien oubliés du public, sont
les artisans majeurs de cette construction aussi hétéroclite que durable.
Ainsi Charles-François Lhomond (1727-1794), auteur entre autres succès
d’édition des Élémens de la grammaire françoise (1780), sépare pour la première
fois le nom de l’adjectif, définit le participe et fixe ainsi la liste des catégories
qu’on apprend aujourd’hui. C’est également à lui qu’on doit la mise en relation
du point et de la phrase.
Dans sa Grammaire françoise simplifiée (1778), François Urbain Domergue
(1745-1810) sépare le premier l’analyse grammaticale (la nature des mots) de
l’analyse logique (les relations entre les propositions) : on considérait jusqu’à lui
que les relations entre les parties de la phrase complexe et plus encore entre les
phrases du texte relevaient du domaine de la logique. Ce n’est qu’après lui tou-
tefois qu’apparaîtra la notion de fonction des mots. Leurs dénominations seront
parfois nouvelles (comme le complément circonstanciel, qui s’impose peu à peu
autour des années 1850 ou encore le complément d’objet indirect, qui apparaît
vers 1910), ou mal fixées (par exemple le complément d’attribution, né vers
1920 et qu’on appelle souvent complément d’objet second).
Avec La nouvelle grammaire française, de Noël et Chapsal (1823), c’est
l’exercice grammatical qui prend toute son importance. Dans une perspective
orthographique, les auteurs proposent des exercices et des règles précises
pour l’accord du sujet et du verbe, du sujet et de l’attribut, du participe et du
C.O.D.
Cette époque qui va grosso modo de la fin du XVIIIe siècle au début du XXe
est donc riche de nouveautés en grammaire française. Mais, surtout, on peut dire
qu’elle est l’époque d’un changement de perspective majeur. La grammaire latine
n’est plus la ligne d’horizon des grammairiens. Malheureusement, on la voit rem-
placée par un autre objectif tout aussi redoutable : l’acquisition de l’orthographe
de la langue maternelle, dont l’apprentissage justifiera alors toutes les contorsions
grammaticales. C’est que peu à peu, dans les consciences, orthographe et
langue ne font plus qu’un : c’est cette perception des choses qui prévaut
encore largement aujourd’hui, comme l’a montré récemment le débat national
sur la réforme de l’orthographe.

1. Op. cit., p. 47.

13
1.5. De la grammaire à la linguistique :
le XIXe et le XXe siècles
Pourtant, parallèlement à la scolarisation du savoir grammatical s’élève peu à
peu une science nouvelle. Qu’ils le veuillent ou non, les grammairiens vont
céder le terrain scientifique aux linguistes, mais ces derniers ne conquerront
jamais véritablement l’école. Pourtant, on va le voir dans un rapide panorama,
leurs mérites ne sont pas minces.

1.5.1. La grammaire comparée et la grammaire historique


C’est en 1816 que Franz Bopp fonde la grammaire comparée des langues
indo-européennes en suivant une méthode inspirée de celles des sciences
naturelles : les langues considérées comme des organismes vivants naissent, se
développent et meurent. Grâce à la découverte du sanskrit, qui rend évidentes
les parentés entre la plupart des langues de l’Europe et beaucoup de langues de
l’Inde, Bopp induit l’existence d’une langue mère : l’« indo-européen ». De cette
comparaison entre des langues d’âges différents naît la linguistique historique
qui s’occupe de dresser les lois qui président à l’évolution des langues. À la fin
du XIXe siècle, l’histoire a remplacé les sciences naturelles au palmarès des
sciences : la linguistique ne pouvait qu’en être influencée. L’école la plus pro-
ductive est sans doute alors celle des néo-grammairiens allemands avec, parmi
d’autres, Hermann Paul.

1.5.2. Ferdinand de Saussure


Malgré l’importance de tous ces travaux, beaucoup situent au début de
notre siècle, avec Ferdinand de Saussure (1857-1913), la véritable naissance de
la linguistique. Saussure, à l’origine lui-même néo-grammairien, donne à
Genève, entre 1907 et 1911, un cours de linguistique qui sera recueilli par ses
étudiants et publié par eux après sa mort. Saussure impose le premier l’idée qu’il
faut étudier les langues en synchronie, en mettant l’accent sur le fait qu’elles for-
ment chacune un système. Saussure remet également en question la notion de
mot à laquelle il tente d’opposer les unités véritables de la chaîne parlée. Mais
son influence, tant du point de vue linguistique que du point de vue didactique,
ne se fera vraiment sentir que plus tard avec l’essor du structuralisme.

1.5.3. Quelques grands linguistes français


En ce début de XXe siècle la grammaire scolaire a encore de beaux jours
devant elle, mais les lignes de vie de la linguistique et de la didactique des
langues vont, elles, tantôt s’éloigner tantôt, mais plus rarement, se croiser.
Pour se convaincre de cet éloignement, il suffit d’évoquer les noms de grands
linguistes français dont l’importance de l’œuvre n’a d’égale que leur absence
quasi totale d’influence en didactique.

14
En 1922, Ferdinand Brunot (1860-1938) publie La Pensée et la Langue,
ouvrage dans lequel il réfute la vieille notion aristotélicienne des catégories
grammaticales et, expliquant les faits de langue à partir de la pensée, leur sub-
stitue cinq classes : les êtres, les faits, les circonstances, les modalités et les rela-
tions. Longtemps passée dans l’ombre du courant structuraliste post-saussurien,
la pensée de Brunot, fondée sur la mise en évidence de concepts rationnels,
semble inspirer aujourd’hui plus ou moins ouvertement de nombreux lin-
guistes, mais n’a aucun effet du point de vue didactique.
Partant, comme le sous-titre de leur ouvrage (des mots à la pensée) l’in-
dique, d’un point de vue opposé à celui de Brunot, J. Damourette et E. Pichon
publient entre 1911 et 1952 un monumental Essai de Grammaire de la Langue
Française. De leur point de vue, on peut découvrir à travers la langue l’existence
d’un véritable système de pensée commun à tous les locuteurs français. Pour ce
faire, ils s’attachent donc à inventorier, décrire et classer tous les tours possibles
du français. Ils choisissent pour cette description une terminologie entière-
ment neuve : on a avec eux le plus bel exemple de travail grammatical prati-
quement oublié à cause d’un métalangage trop particulier et partant trop peu
accessible (voir chapitre 5).
Avec Temps et Verbe (1929), on peut dire que Gustave Guillaume (1883-1960)
s’oppose totalement aux théories structuralistes qui commençaient à dominer la
linguistique de son époque. Avec une terminologie propre (qui, encore une fois,
allait être assez préjudiciable à la diffusion de ses théories), il évoqua les
notions qui allaient faire quelques décennies plus tard le fond de la grammaire
générative : mentalisme, universaux du langage, structure de surface et de
profondeur, compétence et performance. Guillaume a inspiré de nombreux lin-
guistes parmi lesquels on peut citer R.-L. Wagner, P. Imbs, G. Moignet, J. Stéfa-
nini et aujourd’hui encore R. Martin et B. Pottier.
De Lucien Tesnière (1893-1954) on peut également dire qu’il ouvrit la voie
aux générativistes. Ses deux livres principaux sont : Esquisse d’une syntaxe struc-
turale (1953) et Éléments de syntaxe structurale (posthume 1959). Le principe
fondamental de la grammaire de Tesnière est la « translation », c’est à dire le pas-
sage, le changement, la « transposition » (Bally), par exemple d’un nom en un
adjectif, ou d’un verbe en substantif. Tesnière en montra le caractère général et
il décrivit les structures de la phrase simple avec ses constituants immédiats ou
« nœuds » (substantival, verbal, adjectival, adverbial). On peut dire que l’in-
fluence de ces deux grands linguistes français sur la didactique contemporaine
est quasi nulle.
On voit, aujourd’hui, quelques linguistes se tourner à nouveau vers la logique
pour établir une théorie sémantique. Parmi eux, le plus connu en France est
sans doute Robert Martin, promoteur de la théorie des « univers de croyance ».
Dans Pour une logique du sens (1983), sa réflexion porte essentiellement sur les
rapports qui existent entre « sens » et « vérité ». Plus tard, en 1987, dans Langage
et croyance, les « univers de croyance » dans la théorie sémantique, il montre que
dans un « univers de croyance » plusieurs « mondes » sont possibles.

15
Cette théorie, très stimulante et encore largement en cours d’élaboration, ne
semble toutefois pas jouer un rôle très important en didactique des langues. Ce
fait est sans doute dû en grande partie au fait qu’elle demande une formation
logique que la plupart des enseignants ou des didacticiens ne possèdent pas.

1.5.4. L’école phonologique de Prague


Ce n’est qu’à partir des années vingt que la pensée de Saussure prend véri-
tablement une place prépondérante en Europe et en particulier avec l’École pho-
nologique de Prague qui naît en 1926 au Cercle Linguistique de Prague. Ses
figures marquantes sont Nicolas Serguevitch Troubetskoï (1890-1938) et Roman
Jakobson (1896-1982). Ces linguistes ont distingué la phonétique de la phono-
logie. Leur école a été continuée à Genève puis à Paris par André Martinet. Pour
eux, la langue est un système identifiable par commutation. Elle est avant
tout un système de communication qui ne se définit que par opposition
internes. C’est sans doute cette importance accordée à la communication qui a
fait que cette école a un peu plus inspiré les didacticiens que les autres courants
européens. On retrouve en effet en didactique les conceptions de Jakobson sur
les fonctions du langage, et surtout la fameuse fonction communicative. Quant
à la grammaire de Martinet, même si elle n’est pratiquement pas enseignée sys-
tématiquement, on retrouve souvent dans les grammaires scolaires certains de
ses principes.

1.5.5. Les écoles américaines : le distributionnalisme, le transformationalisme


et la grammaire générative
C’est aux sources de la linguistique anglo-saxonne que la didactique des
langues est allée puiser vers le milieu du siècle. La principale école à avoir été
mise à contribution est celle de Yale qui, s’inspirant des principes behaviouristes,
s’est développée autour de Léonard Bloomfield (1887-1949). Pour ces lin-
guistes, le mécanisme de la communication s’explique par un jeu de « stimulus »
et de « réponses ». Ils écartaient le sens au profit de la distribution des unités, qui
est l’ensemble des environnements où elles peuvent paraître. Les unités sont
elles-mêmes définies à partir des positions qu’elles peuvent occuper dans le dis-
cours : celles qui ont une même distribution sont réputées appartenir à la
même classe. Le linguiste travaille à partir d’un corpus, c’est-à-dire un ensemble
déterminé de textes écrits ou oraux réduit à ses éléments à classer. Cette école
a connu un vif succès avant de céder la première place à la grammaire trans-
formationnelle. En France, on peut noter dans sa mouvance les premiers travaux
de Jean Dubois.
Grâce à la linguistique structurale américaine s’est développée en didactique
la méthodologie audio-orale. Conformément à la théorie structurale, la phrase y
est considérée comme le cadre syntaxique le plus grand de la langue à acqué-
rir. Une grande place est donnée à la syntaxe, à la morphologie, dont il s’agit de
s’imprégner par automatisme. C’est l’exercice structural qui est le support péda-
gogique privilégié et qui sert à rendre automatiques les structures étudiées.

16
Inversement, le structuralisme étant peu porté sur la sémantique, le sens est très
peu mis en valeur.
De l’autre côté de l’Atlantique également, et à peu près à la même époque
que Guillaume et Tesnière, la linguistique se développa autour de la notion de
« transformation », proche parente de celle de « translation ».
Les transformationnalistes, dont le plus célèbre est Zellig S. Harris (né en
1909) et qui fut lui même disciple de Bloomfield, essaient de décrire les méca-
nismes qui permettent de passer d’une phrase à ses équivalents possibles (ex.
: Il espère que Jean viendra/Il espère la venue de Jean) et à formaliser leur des-
cription sous forme d’algorithmes. En France, le transformationaliste le plus
connu est Maurice Gross qui donnait la Grammaire transformationnelle du
français en 1968. Dans sa mouvance, le Laboratoire d’Automatique Documen-
taire et Linguistique (LADL), se lançait dans une description syntaxique du fran-
çais dite « lexique-grammaire » dont l’objet est la « constitution d’une base de
données aussi exhaustive que possible concernant différents secteurs de la syn-
taxe du français » 1. Les travaux portèrent dès le début, sur les constructions
nominales prédicatives et l’étude des verbes supports. Conformément au modèle
théorique défini par Harris, le cadre minimal de l’analyse est la phrase simple
(parfois dite phrase « de base », « noyau », ou « élémentaire »), qui est « compo-
sée d’un élément prédicatif et de ses arguments » et le lexique-grammaire tente
de « déterminer pour chaque élément prédicatif quelle est la phrase simple
« maximale » à laquelle il peut donner lieu, c’est-à-dire la phrase comprenant
tous ses arguments possibles et rien qu’eux » 2. Cette démarche strictement expé-
rimentale n’exclut pas des préoccupations applicationnistes notamment dans les
domaines de la traduction et de l’enseignement des langues, pour lequel on
table sur l’efficacité de l’enseignement d’une grammaire plus cohérente et plus
claire.
Mais le distributionnalisme comme le transformationnalisme furent assez
vite dépassés par l’école générativiste qui leur reprochait d’être essentiellement
des théories descriptives et classificatoires mais de n’être ni explicatives ni
prédictives.
Son fondateur, Noam Chomsky (né en 1928), formé aux mathématiques, à la
philosophie et à la linguistique fut en 1950 l’élève de Harris et donna en 1957,
avec Syntactic Structures la première véritable version de sa théorie. Comme les
distributionnalistes, il accordait alors la prééminence à la forme sur le sens. Mais,
surtout, il distinguait trois niveaux de représentation :
– la composante syntagmatique, qui est constituée de règles de réécriture ;
– les transformations, qui sont un ensemble de règles transformationnelles
ordonnées entre elles ;
– les règles morpho-phonologiques, qui fournissent la substance phonétique de
la séquence considérée.

1. VIVES R., 1993, pp. 8-15.


2. VIVES R., op. cit., p. 9.

17
Chomsky a eu le grand mérite de ne pas considérer ses théories comme défi-
nitives et il les a reprises et reformulées chaque fois que des difficultés tech-
niques ou théoriques sont apparues à lui ou à ses disciples. Il a été ainsi
amené à remettre en cause les théories structuralistes et behaviouristes et à
renouer avec une tradition linguistique d’obédience psycho-philosophique.
Le deuxième état de sa théorie (dite « théorie standard ») apparaît dans son
ouvrage fondamental : « Aspects of the Theory of Syntax » (1965).
Dans une troisième période (« théorie standard élargie », puis « hypothèse lexi-
caliste » et « sémantique générative ») Chomsky s’est intéressé aux rapports entre
la syntaxe et la sémantique (Studies on Semantics in Generative Grammar,
1972).
Les développements de la grammaire générative ont été nombreux et féconds
tant en Amérique qu’en Europe. Mais elle est avant tout une linguistique de la
phrase et, à ce titre, ne répond pas aux problèmes que pose l’unité discursive
supérieure qu’est le texte. Elle semble aujourd’hui être en perte de vitesse. On
a trouvé dans les années 70-80 de nombreuses applications de ses principes
dans les livres de grammaire destinés aux classes de français langue maternelle
et aussi dans de nombreux pays de français langue seconde. Mais au total, on
ne peut pas vraiment dire que son influence ait été grande en didactique du
français langue étrangère.

1.5.6. Le courant énonciatif


C’est à nouveau un courant d’inspiration française. On considère souvent que
l’un des initiateurs des théories de l’énonciation et du discours est un gram-
mairien venu lui aussi de la linguistique comparée et de la philologie, mais très
inspiré par l’école praguoise, Émile Benveniste (1902-1976). Il est surtout connu
par ses Problèmes de linguistique générale, publiés en 1966 et 1974. Tous les tra-
vaux contemporains sur l’emploi des déictiques, des temps, des personnes se
font en référence à ses travaux. À ce titre, on peut éventuellement considérer
qu’il a eu une influence indirecte sur la didactique d’aujourd’hui, qui est très
imprégnée de ces travaux.
Ce courant énonciatif est surtout représenté aujourd’hui par Antoine Culioli.
Les tenants de la linguistique énonciative tentent, d’où leur nom, de retrouver
dans les énoncés les marques de l’énonciation et, par là, de substituer une lin-
guistique de l’énoncé à celle, jugée trop réductrice, de la phrase. Ainsi de
nombreux travaux ont été menés sur les indicateurs de la déixis, sur les moda-
lisations, bref, sur tout ce qui peut laisser apparaître la trace du sujet dans le
texte. Ce type de linguistique tente d’effacer la dichotomie désormais classique
entre langue et parole, et celle, plus ancienne encore entre syntaxe et séman-
tique.
Sans rejeter, bien au contraire les études particulières, A. Culioli tente d’éla-
borer une théorie globale du langage exempte d’empirisme. L’objet de la lin-
guistique est pour lui l’étude de la relation qui existe entre la faculté de langage
qui est universelle (production et interprétation de textes) et les langues natu-
relles, en tant que systèmes particuliers. Toutefois, Culioli pense qu’observer les

18
langues, ce qu’il tient pour une grande nécessité, ne peut se faire valablement
sans une théorie qui permette d’opérer abstraitement, à l’aide d’un métalangage
aussi éloigné que possible de celui dont les linguistes ont hérité de la tradition.
Aux notions d’émetteur et de récepteur, Culioli préfère substituer le concept de
co-énonciateurs, dont on peut retrouver les traces dans les énoncés. La situation
d’énonciation elle-même laisse également des marques. Cet ensemble de
marques permet, au moyen d’une suite d’opérations complexes, aux co-énon-
ciateurs d’ajuster leurs systèmes de repérage qui ne sont jamais totalement
équivalents, ce qui peut provoquer des ambiguïtés, des lapsus, etc. Parfois accu-
sée de parisianisme, voire même d’être une chapelle, eu égard sans doute à sa
faible diffusion, la théorie de Culioli n’a pas été sans influencer de nombreux
didacticiens des langues dans les années 80, par exemple en anglais. Mais il
semble que les résultats aient été assez décevants. Henri Besse cite ainsi
quelques remarques de D. Bailly à ce sujet, intéressantes parce qu’elles résument
bien la désillusion des didacticiens « applicationnistes » : « Nous avons cru
aussi, et surtout, que l’activité métalinguistique, telle qu’elle est décrite par les lin-
guistes, était la même que celle mise en jeu dans les opérations de production
en langue 2 en apprentissage captif (…) elle en diffère totalement. Il nous a bien
fallu nous rendre à cette évidence. » Mais il semble qu’aujourd’hui les courants
pragmatiques et sociolinguistiques aient imposé leur prééminence.

1.5.7. Le courant pragmatique


Bien qu’il soit difficile de le séparer totalement du courant énonciatif, on peut
dire que ce courant est plutôt d’inspiration anglo-saxonne (Pierce, du côté
sémiotique, Carnap du côté logique, Austin et Searle du côté philosophique…).
Ses tenants considèrent avant tout le langage comme un acte en relation avec
un environnement, qu’il soit linguistique ou non. Chaque réalisation linguistique
est ainsi susceptible de plusieurs significations, qui seront déterminées par le
contexte, dont les co-énonciateurs sont partie prenante. Mais, inversement, un
acte de langage est susceptible d’être accompli par plusieurs types d’énoncés (on
peut, par exemple, énoncer un ordre de diverses façons selon la personne à qui
on s’adresse, l’humeur du moment, l’éducation, etc.). Dans cette perspective se
sont développés de nombreux travaux qui s’intéressent aux interactions et à la
conversation.
Dans How to Do Things With Words (Quand dire c’est faire, 1962), l’Anglais
Austin a montré que certains actes de langage exercent un effet sur l’interlocu-
teur (par exemple l’émotion, la peur…) : ils sont dits perlocutoires. D’autres au
contraire ont une valeur accomplissante (exemple : « je te promets de venir
dimanche »). On les appelle performatifs. À la suite d’Austin, on a vu naître une
série d’études dans lesquelles le langage n’est plus considéré comme un simple
représentant du réel ni même seulement comme un objet à décrire, mais
comme un élément d’une situation communicative plus vaste. On peut alors
légitimement se demander si la pragmatique est en-deçà ou au-delà des fron-
tières de la linguistique. Quoi qu’il en soit, on doit constater que, parce qu’elle

19
s’intéresse au langage en situation, elle inspire aujourd’hui assez largement
didacticiens et méthodologues.

1.5.8. La grammaire de texte


Ce courant est étroitement lié au développement des linguistiques pragma-
tiques et énonciatives. Sans dénier totalement les mérites des grammaires qui
prennent la phrase pour limite, on doit toutefois reconnaître qu’elles présentent
des lacunes graves, dont la moindre n’est peut-être pas de n’avoir jamais véri-
tablement réussi à proposer une définition claire de la phrase elle-même. Mais
les limites des grammaires de la phrase sont véritablement manifestes quand il
s’agit pour elles de traiter, pour prendre quelques exemples, de la valeur des
pronoms, de celles des déterminants, de celles des temps. C’est que, comme le
faisait remarquer Weinrich 1, les grammaires de la phrase travaillent sur un
« découpage de textes », et procèdent par une sorte de « mise en fiches ». Or les
signes linguistiques viennent à nous à travers des textes au sein desquels ils des-
sinent des « réseaux de valeurs textuelles », où ils fonctionnent de façon « indi-
cielle » 2.
Pour certains, dans une acception très large reprise par les sémioticiens, le
texte est une réalité qui dépasse le seul domaine linguistique, et il peut être,
comme le disait Hjelmslev, manifesté par différentes substances comme la
peinture ou la musique par exemple. Mais, même à s’en tenir à un domaine de
définition proprement linguistique, on peut définir le texte de façon plus ou
moins large. Ainsi, pour Rück 3, un texte est « tout acte communicatif recourant
à une langue » parce que, comme dit Hartman 4 « quand on parle, on ne parle
qu’en textes » et que « le texte est le signe linguistique originaire ». On situera
dans cette lignée la définition du texte que donne Patrick Charaudeau 5 : « Le
texte est la manifestation matérielle (verbale et sémiologique : orale/graphique,
gestuelle, iconique, etc.) de la mise en scène d’un acte de communication, dans
une situation donnée, pour servir le Projet de parole d’un locuteur donné. »
Mais ce type de définition ne sépare guère la notion de texte de celle de dis-
cours. Pour simplifier un débat qui est loin d’être clos, on peut admettre à la
suite de Jean-Michel Adam 6, que le discours est à envisager comme un acte
accompli dans certaines « conditions de productions », (situation, lieu, temps…),
alors que le texte, qui est inclus dans cet acte, est à envisager comme un objet
linguistique hors de ces mêmes conditions.

1. WEINRICH. H : Le temps, Seuil, 1973.


2. CORTES J., dir. : Le français dans le monde, n° 192, 1985.
3. RÜCK H. : Linguistique textuelle et enseignement du français, LAL crédif Hatier, 1980.
4. HARTMAN P. : « Text als linguistisches Objekt », dans Stempel W.D., éd., Beitrage zur Textlin-
guistik, Munich, 1971, pp. 9-29.
5. CHARAUDEAU P. : Grammaire du sens et de l’expression, 1992, p. 645.
6. ADAM J.-M : Eléments de linguistique textuelle. Théorie et pratique de l’analyse textuelle, Mardaga,
1990, p. 23.

20
Autrement dit, le texte est peut-être un signe linguistique parmi d’autres, mais
sa définition symbolise bien les problèmes de délimitation de son objet que
connaît la linguistique actuelle. C’est ce qu’on voit avec Lita Lundquist 1 qui défi-
nit le texte comme un « macro signe doté d’un signifié, d’un signifiant, d’un réfé-
rent », mais aussi comme un « signe global, une manifestation concrète de la
parole, c’est-à-dire comme une unité pragmatique. »
On peut donc considérer comme des textes, et tenter d’étudier grammatica-
lement, des éléments de tailles très diverses et allant, comme le disait Jacques
Cortès, de l’interjection ou de l’impératif jusqu’à un ensemble de romans
comme ceux de Zola par exemple. À cette tentative de prise en compte de la
réalité des manifestations linguistiques les didacticiens des langues, étrangères
comme maternelles, ne pouvaient pas rester indifférents !

1.5.9. Aux limites de la linguistique : les recherches sur l’acquisition


et sur l’interaction
La première conséquence du développement du courant pragmatique a
sans doute été, dans un premier temps, de déplacer le centre d’intérêt de l’ob-
jet langue vers le locuteur, mais aussi de rendre poreuses les frontières de l’ob-
jet même de l’étude linguistique. L’origine philosophique de ce courant a sans
doute exercé une sorte d’attirance mais également de répulsion chez beaucoup
de linguistes, et il faut bien dire que les inquiétudes épistémologiques de
beaucoup n’étaient pas sans fondement. Car, qu’on le veuille ou non, les
appels qui devenaient dès lors obligatoires aux sciences humaines voisines ont
peu à peu conduit à l’émergence d’une linguistique qui ressemble plus à une
sémiologie de la communication qu’à la science expérimentale dont rêvaient les
épigones de Saussure. D’un autre côté, il faut bien admettre que ce sont sans
doute, si on les compare en tout cas à la légitime complexification de la pro-
blématique linguistique, les insuffisances de résultats des théories centrées sur
la langue, et tout particulièrement dans la description de l’oral, qui ont sans
doute incité beaucoup de linguistes à explorer des chemins balisés par d’autres.
Quoi qu’il en soit, on voit depuis quelques années se développer des études
qui dépassent la simple prise en compte du locuteur mais qui tentent d’em-
brasser la globalité de la relation linguistique, c’est-à-dire qui font également
place au destinataire : les analyses de discours dont on peut admettre avec
Moeschler et Reboul 2 qu’elles « relèvent du paradigme de la linguistique for-
melle », se doublent aujourd’hui d’analyses interactionnelles qui sont « une
théorie de la contextualisation des énoncés » 3, c’est-à-dire finalement une
branche de la sociolinguistique.

1. LUNDQUIST L., 1980, p. 7.


2. MOESCHLER T. et REBOUL A., 1994, p. 473.
3. FORNEL M. de : dans DUCROT O. et SCHAEFFER J.-M. et alii : Nouveau Dictionnaire des
Sciences du langage, Seuil, 1995, p. 124.

21
Ces analyses ont jusqu’à présent surtout porté sur la recherche des règles qui
régissent la successivité des prises de parole, c’est-à-dire sur la régulation des
conversations. Un des exemples les plus connus en est le modèle hiérarchique
et fonctionnel genevois, particulièrement illustré par les travaux d’Eddy Roulet
et Jacques Moeschler. Ce modèle est fondé sur « l’hypothèse que la conversation
est organisée à partir d’un ensemble hiérarchisé d’unités de rang et de relations
ou fonctions entre ces unités » 1. Les unités hiérarchisées sont l’incursion, la tran-
saction, l’échange, l’intervention et l’acte de langage. L’incursion doit être com-
posée d’une ou plusieurs transactions, et être « initiée par un échange d’ouver-
ture et terminée par un échange de clôture » (par exemple « bonjour » et « au
revoir ») 2. La transaction concerne l’organisation de l’information et est com-
posée d’échanges « réparateurs », qui visent à rétablir les équilibres éventuelle-
ment mis à mal (par exemple : « merci beaucoup », « pas de quoi »). Les
échanges sont à leur tour constitués d’interventions dont le nombre est variable
et qui sont elles-mêmes composées d’actes de langage.
Robert Bouchard 3 signale à quel point l’analyse conversationnelle est liée à
la didactique des langues étrangères et surtout du FLE. En effet elle se déve-
loppe en même temps que les dialogues des méthodes deviennent moins sté-
réotypés, plus authentiques et montrent une variété socioculturelle plus étendue.
C’est aussi l’époque où s’opère chez les didacticiens la prise de conscience de
l’importance qu’a l’activité de l’apprenant lui-même sur son propre apprentis-
sage. Et cette activité se manifeste justement par ses prises de parole dans la
classe. L’étude des conversations maître-élève(s) ou des interactions élève-
élève(s) comme exemples spécifiques de conversations naturelles suscite donc
un grand intérêt didactique en même temps qu’elle vide la vieille question de
savoir si la classe est un lieu d’apprentissage naturel ou artificiel.
Du même coup, un lien important se tisse aussi avec les théories de l’acqui-
sition parce qu’on considère généralement que le dialogue est la base de l’ac-
quisition de la langue maternelle, que ce soit dans les échanges mère-enfant ou
à l’intérieur des groupes de première socialisation de l’enfant. Outre les
recherches sur les interactions proprement dites, on a vu aussi apparaître des
études qui portent sur les manifestations non verbales des échanges, comme le
rire, les regards, les postures, etc., sans qu’on sache à vrai dire très bien si on est
encore du côte de la psycholinguistique ou de la psychologie du langage.

1. MOESCHLER et REBOUL, op. cit.


2. MOESCHLER et REBOUL, ibidem.
3. BOUCHARD R., 1987.

22
1.6. CONCLUSION

On voit, dans le rapide balayage historique qui précède, que la linguistique


naît de la grammaire, mais qu’il n’est pas toujours évident de distinguer l’une de
l’autre, surtout du point de vue du linguiste. Mais, du point de vue du didacti-
cien, demeure l’importante question de savoir ce qui, dans les théories linguis-
tiques, est utilisable ou non pour l’enseignement/apprentissage des langues, et
surtout de définir les conditions d’utilisation.
De fait, même si les courants de la pragmatique et de la grammaire de texte
exercent aujourd’hui une influence considérable sur les auteurs de méthodes
voire de certains ouvrages de grammaire destinés aux étrangers (aucune
méthode actuelle ne se passerait, sous une forme ou sous une autre, de la pré-
sence des « actes de parole »), on peut constater que dans l’immensité des
connaissances grammaticales et linguistiques, seule, finalement, une petite par-
tie est utilisée, et c’est souvent des connaissances très anciennes comme les par-
ties du discours et leurs fonctions dans la phrase.
La période qui va de la seconde guerre mondiale à la décennie 70 a vu la lin-
guistique connaître son apogée au sein des sciences humaines. Parallèlement, la
grammaire, au sens scolaire du terme, n’était devenue qu’une sorte de champ
d’application des modèles mis au point par des linguistes généralement très for-
malistes (structuralistes, générativistes…), modèles qui n’étaient pas destinés à
la classe par leurs auteurs. De plus les linguistes ont raison d’affirmer que la plu-
part du temps, l’application de ces modèles par les méthodologues s’est faite de
façon parcellaire, empirique et finalement édulcorée. Mais pouvait-il en être
autrement ?
L’échec de l’utilisation quasi mécanique de ces modèles dans la classe, qui est
finalement aussi celui du transfert pur et simple de concepts d’un champ dis-
ciplinaire à un autre, a sans doute largement favorisé les tentatives d’éviction de
la grammaire en classe de langue, ce qui n’a pas, il faut le dire, donné des résul-
tats beaucoup plus probants.
Il semble toutefois que les didacticiens et les méthodologues soient plus ten-
tés, depuis les années 75 à aujourd’hui, par des modèles qui prennent davantage
en compte ce qu’on pourrait appeler une « linguistique de type anthropolo-
gique » 1, plus « psycho- », plus « socio- » et surtout davantage tournée vers la
prise en compte du sens et des conditions d’énonciation des discours, que par
des modèles logicisants. Jean-Claude Béacco et Jean-Claude Chevalier ont
donc bien raison d’affirmer que, finalement, ce à quoi ont renoncé à un certain
moment le FLM et le FLE c’est à « certaines formes de la linguistique plutôt
qu’(’à) la linguistique elle- même ».

1. BEACCO et CHEVALIER, 1987.

23
C H A P I T R E

2
ÉLABORATION DU CONCEPT DE GRAMMAIRE
EN DIDACTIQUE DES LANGUES

2.1. La grammaire : un concept didactique

C’est à la linguistique structurale que revient le mérite d’avoir surmonté la pre-


mière l’obstacle, hérité de la tradition grammaticale, qui consiste à mêler la des-
cription des faits de langue et leur évaluation en termes axiologiques. Cette
étape épistémologique, sans doute historiquement nécessaire, a semblé un
moment consommer le divorce entre ce qu’A. Berrendonner1 appelait « le
couple antagoniste grammairien/linguiste ». Pour le dire vite et peut-être de
façon un peu caricaturale, le grammairien, abusé par sa démarche pré-scienti-
fique, aurait été limité à un rôle moral et prescriptif (« Cela est bon ; cela est
mauvais ») ; le linguiste, dans l’impartialité de sa démarche scientifique, aurait eu
seul vocation à démêler l’objectif du subjectif (« Cela est vrai ; cela est faux »).
Sans rejeter le fond de vérité de ce point de vue encore assez répandu, on peut
tout de même lui apporter un correctif de taille : l’objet de l’un et de l’autre n’est
pas le même. Celui des linguistes est aujourd’hui si connu qu’il ne vaut pas la
peine de s’y attarder ici. Mais qui veut bien se rappeler que, dès l’origine, les
premières grammaires des langues vernaculaires européennes, et celles du
français en particulier, ont été faites pour l’enseignement des langues, et même
pour l’enseignement à des étrangers ? Ne donnons, pour illustrer cela, que
trois ouvrages en exemple : le Donat français, publié aux environs de 1400 et
très lié à l’enseignement du français en Angleterre, la grammaire française de

1. BERRENDONNER, 1985.

25
Palsgrave (1530), écrite en anglais, et celle de Meigret (1550) écrite en graphie
phonétique. On peut ainsi penser que, dès les temps modernes, l’objet d’une
grammaire est prioritairement didactique. À ce titre, la description linguistique
doit lui être subordonnée. On dira donc plutôt que le rôle du grammairien est
de fournir une aide didactique à l’enseignant : pour ce faire, il ne peut bien
entendu rester dans l’ignorance des connaissances acquises par les linguistes.
C’est donc peut-être en grande partie de la confusion entre les rôles dévolus au
linguiste et au grammairien, c’est-à-dire finalement d’une absence de réflexion
conceptuelle, que provient le dilemme méthodologique dans lequel l’ensei-
gnement des langues se laisse enfermer depuis trop longtemps maintenant :
enseigner ou ne pas enseigner la grammaire. Et cela au point qu’aujourd’hui
l’apprentissage/enseignement de la grammaire joue le rôle d’un véritable obs-
tacle épistémologique dans l’apprentissage/enseignement des langues. On a cru,
il est vrai, pouvoir contourner cet obstacle au moment de la pleine vogue com-
municative, en niant la nécessité même de la grammaire : la réalité de la classe
a vite fait raison de cette utopie.
Il apparaît tout de même qu’une large part de la faute incombe aux didacti-
ciens, qui se comportent le plus souvent comme de simples importateurs de pro-
duits élaborés par d’autres. Essayons donc d’aborder le problème d’une manière
plus large, en tentant de placer la grammaire comme concept à l’intérieur du sys-
tème didactique. On verra alors qu’il s’agit moins pour le didacticien d’importer
du produit linguistique, au prix de faire d’un savoir-savant un savoir pédagogisé
(vulgarisé, mais surtout décontextualisé), que de revitaliser les concepts lin-
guistiques jugés intéressants en les plaçant dans le contexte de l’enseigne-
ment/apprentissage. Un concept en effet n’est jamais transférable tel quel d’un
champ disciplinaire à un autre. En revanche, il peut à la fois garder un fond de
valeur propre et acquérir une valeur différente si on le place dans une nouvelle
situation contrastive (c’est-à-dire en relation avec d’autres concepts avec lesquels
il entre en système).
Mais un concept, abstraction fabriquée par l’esprit pour organiser le réel, est
le résultat d’une élaboration volontaire fondée en premier lieu sur une notion,
c’est-à-dire sur l’idée qu’on se fait de quelque chose. On voit donc combien il
peut être important de connaître, avant toute action méthodologique, comment
les apprenants se représentent l’objet d’apprentissage qui leur est offert. Depuis
quelques années, les didacticiens ont appris de la psychologie sociale, à cerner
ces représentations. Voyons donc, par l’observation rapide de certaines
recherches récentes, comment certains groupes d’apprenants se représentent la
grammaire en classe de langue.

26
2.2. Les attitudes des apprenants face à la grammaire

2.2.1. Une enquête en collège


Après enquêtes menées auprès d’élèves de collèges apprenant une langue
étrangère, Cordula Foerster 1 affirme, pour ce qui concerne la langue maternelle,
qu’« indéniablement l’apprentissage grammatical du français dans sa dimension
cognitive est assez clairement perçu, vécu et intégré par les élèves », même si,
un peu paradoxalement, la grammaire française recueille beaucoup moins
d’avis favorables que la grammaire des langues étrangères (ex. : « c’est inutile,
pas intéressant, je n’aime pas »…).
En revanche le rôle et le statut de la grammaire en cours de langue étrangère
sont loin d’être aussi clairement perçus. En effet, même lorsque les collégiens
testés expriment des attitudes positives à son égard (ex. : « c’est intéressant, pas-
sionnant, c’est une découverte »…), ils la perçoivent et la vivent généralement
comme quelque chose de plus difficile que la grammaire française. D’autre part,
la conviction que la grammaire est utile est relativement équivalente pour les
langues étrangères et pour le français langue maternelle. Toutefois, il semble
bien que chaque langue n’induise pas exactement le même point de vue quant
à sa grammaire : « Les apprenants qui ne conçoivent pas d’apprendre cette
langue sans faire de la grammaire sont les plus nombreux en allemand, puis par
ordre décroissant en espagnol, italien et anglais. Le nombre de ceux qui rêvent
d’un apprentissage sans faire de la grammaire ne dépasse jamais les trois
élèves par groupe-classe. » La conclusion de Cordula Foerster est donc plutôt
encourageante : « la proportion de sentiments négatifs exprimés par les appre-
nants n’indique nullement un rejet massif de l’apprentissage grammatical. La
reconnaissance de son utilité (au-delà de l’orthographe…) et de son lien avec les
quatre compétences en langue étrangère ne demande qu’à être étayée par
des pratiques pédagogiques modifiées. »

2.2.2. Une enquête auprès d’étudiants chinois


Une autre enquête peut également éclairer notre propos. C’est celle qu’a
effectuée Yang Kwang-Jane 2 auprès de Chinois Taïwanais apprenant et ensei-
gnant le français dans plusieurs institutions, tant à Taïwan qu’au Centre Uni-
versitaire d’Études Françaises de Grenoble. Cette enquête, constituée par des
questionnaires fermés, donne quelques résultats surprenants.
Lorsqu’on compare en effet les résultats obtenus auprès des étudiants dans les
divers établissements d’enquête, on constate un certain nombre de convergences

1. FOERSTER C. : « Du côté des représentations et attitudes de l’apprenant : les dessous de la


grammaire en langue maternelle et étrangère », LIDIL, 9, 1993, pp. 11-33.
2. YANG Kwang Jane, 1992.

27
mais aussi de divergences. Globalement, la grammaire est « perçue comme une
activité d’exercice, souvent difficile, mais dont la place et le rôle dans l’ensei-
gnement est d’importance variable selon les situations d’enseignement/appren-
tissage et notamment le cadre exolingue ou endolingue ». En effet, on constate
que, contrairement aux étudiants testés à Taïwan, les étudiants testés à Grenoble
n’assimilent pas la grammaire à un ensemble de règles. Cette divergence sensible
est peut-être due aux conditions et aux méthodes d’enseignement, mais, selon
Yang Kwang-Jane, cette « hétérogénéité s’explique par le fait que les étudiants
du CUEF (Grenoble) sont en milieu endolingue, donc confrontés à des condi-
tions d’apprentissage qui atténuent fortement le rôle de la grammaire. »
D’autre part, les apprenants et les enseignants chinois testés jugent que la
grammaire est primordiale dans l’apprentissage du français, surtout pour la com-
préhension. La majorité des apprenants pensent aussi qu’il n’est pas nécessaire
de connaître la grammaire du chinois pour apprendre celle du français. Yang
Kwang-Jane explique cette opinion par le fait que « les apprenants chinois n’ont
pour ainsi dire aucune expérience grammaticale en langue source. »
On voit aussi, un peu paradoxalement, qu’il existe dans la population soumise
à l’enquête, « une forte demande en matière de grammaire, qui apparaît comme
une activité fortement appréciée ». Yang Kwang-Jane avance pour expliquer ce
fait que, contrairement à l’opinion la plus répandue, les apprenants peu gram-
maticalisés en langue première demeurent très demandeurs en grammaire de
langue étrangère. Mais, comparaison faite avec un groupe d’apprenants anglo-
phones, réputés eux aussi peu grammaticalisés en langue première, on s’aper-
çoit que ceux-ci n’aiment pas faire de la grammaire et ne veulent pas en faire
souvent.
On notera enfin que, tout au moins dans cette enquête, les niveaux d’ap-
prentissage (débutants, faux débutants, avancés) « ne s’avèrent pas pertinents à
l’égard de la représentation de la grammaire chez les élèves dans le cadre uni-
versitaire ».

2.2.3. Conclusion
On ne saurait certes pas tirer de conclusions générales de deux enquêtes qui
sont loin de représenter l’ensemble des situations d’enseignement/apprentissage
du français, mais elles mettent toutefois en évidence un certain nombre d’élé-
ments importants qu’un enseignant ou une institution confrontés à des choix
méthodologiques se doivent de prendre en compte. Tout d’abord, et d’un
point de vue général, on voit que la « cause » de la grammaire est loin d’être per-
due à l’avance, car nombreux sont les apprenants qui lui accordent un certain
intérêt. Ensuite, il semblerait que le niveau d’apprentissage joue un moindre rôle
que la situation d’apprentissage. Ainsi, en milieu endolingue, où un usage
quotidien de la langue en dehors du cours est possible, la grammaire peut appa-
raître comme moins importante : c’est une sorte de rôle de substitution qu’on lui
prête peut-être dans les situations exolingues, où compréhension et expression
sont moins directement soumises au contrôle de l’usage. Enfin, si on sait que les
apprenants établissent une hiérarchie entre la difficulté supposée des grammaires

28
des langues en présence, on pourra peut-être moduler, quand la situation
didactique le permet, l’importance à accorder à la grammaire française.

2.3. Testez votre représentation de la grammaire

Si vous désirez visualiser votre attitude vis à vis de la grammaire et la repré-


sentation vous vous en faites, les cibles suivantes, qui ont été mises au point
pour une enquête auprès d’étudiants étrangers 1, pourront vous aider à tracer
votre profil.

1. Centre de Didactique du Français Langue étrangère de Grenoble, par Elsa CROZIER, Jean-
Pierre CUQ, Béatrice MORELL, Christine THOLOT.

29
Votre attitude face à la grammaire

– Faire une croix dans chaque quartier de la cible.


– Plus vous êtes d’accord, plus la croix sera vers le centre de la cible.
J’aime faire
de la grammaire
en français

J’aime faire de J’aime faire


la grammaire de la grammaire
en * … dans ma langue
maternelle

J’aime faire
de la grammaire en * …
* Écrivez le nom d’une langue que vous connaissez.

30
L’utilité de la grammaire

La grammaire c’est très utile au niveau


débutant

avancé intermédiaire

31
La difficulté de la grammaire

Selon vous :
La grammaire française
est très difficile

La grammaire La grammaire
de * … de * …
est très difficile est très difficile

La grammaire
de ma langue maternelle
est très difficile
* Écrivez le nom d’une langue que vous connaissez.

32
Pour apprendre la grammaire

Ce qui est très important pour apprendre la grammaire, c’est :


les règles

les exemples les exercices

les explications les explications


du professeur du livre

33
La grammaire française et la lange maternelle
de l’apprenant

C’est bien que le professeur


connaisse la langue maternelle
de l’élève

C’est bien que C’est bien que


le livre de le professeur
grammaire connaisse
compare la grammaire
le français de la langue
et la langue maternelle
maternelle de l’élève
de l’élève

C’est bien que l’élève ait


un livre de grammaire française écrit
dans sa langue maternelle

34
2.4. Place du concept de grammaire en didactique
des langues
Avant de revenir à la question évoquée au début de ce chapitre, qui est celle
de la place du concept de grammaire en didactique des langues, il convient de
faire un autre détour. En effet, il est difficile d’évoquer un concept sans être sûr
que le domaine auquel on prétend le faire appartenir est fermement balisé. Or,
en tant que discipline en voie d’établissement scientifique, la didactique des
langues, à laquelle on a proposé plus haut de faire appartenir le concept de
grammaire, doit se démarquer des disciplines qui lui sont adjacentes en sciences
humaines, et particulièrement de la linguistique dont elle ne saurait être un
simple domaine d’application et qui revendique traditionnellement la grammaire
comme une de ses composantes, quand ce n’est pas comme un quasi syno-
nyme. Dans cette perspective, comme pour toutes les sciences, les premières
tâches qui se posent à la didactique des langues sont des tâches de position-
nement dans le champ scientifique, de définition de son objet et, d’autre part, de
méthodologie, c’est-à-dire de définition de procédures et de concepts propres.
La première de ces questions pourrait paraître dépasser largement le propos
de ce livre, mais il convient pourtant de faire ce large détour si on veut bien sor-
tir des constatations linéaires que fournit l’histoire (voir chapitre I), et com-
prendre clairement où se situe, par rapport à la linguistique, le concept de gram-
maire en didactique des langues en général, et du français langue étrangère en
particulier.

2.4.1. Quel classement pour la didactique des langues ?


Si on veut en effet faire de la didactique des langues une discipline à part
entière, on ne peut éviter de préciser les rapports qu’elle entretient avec son
objet, qui est la langue, abordée sous l’angle de l’enseignement et de l’appren-
tissage. Aussi, le cadre épistémologique le plus général où on peut la situer est
la science du langage, qui se construit perpétuellement depuis que les hommes
réfléchissent sur l’activité qui les définit : le langage articulé. Il est donc difficile
de croire, en l’état actuel de nos connaissances du moins, à une didactique
générale. En effet, il ne peut y avoir entre la didactique des mathématiques ou
des sciences naturelles par exemple, et la didactique des langues, que des trans-
versalités trop générales pour être vraiment exploitables par chacune des parties.
De plus, si elles existent, ces transversalités sont du ressort des sciences de l’édu-
cation dont l’objet est précisément de les établir, surtout au sein de l’institution
scolaire. Pour le didacticien des langues au contraire l’école n’est qu’une situa-
tion d’enseignement/apprentissage parmi d’autres, même si elle se trouve être
celle à laquelle il a le plus souvent affaire. Et, s’il doit tenir compte de ce que lui
apprennent la sociologie, la psychologie et d’autres disciplines encore plus
proches, comme la sociolinguistique et la psycho-linguistique, il ne peut le faire
qu’en raison des rapports qu’elles entretiennent avec l’objet linguistique qui
demeure central.

35
Or l’objet linguistique n’est pas une réalité donnée mais construite. Ce n’est
pas en effet sur l’expérience commune du langage que le didacticien peut s’ap-
puyer, ni même le plus souvent sur les modèles fournis par la tradition scolaire,
mais sur les modélisations orientées qu’il en propose. C’est dans l’orientation du
modèle vers les problèmes posés par l’enseignement/apprentissage que se
trouve la divergence méthodologique fondamentale avec le linguiste « pur » qui
n’a pas ce souci. Au contraire, une certaine convergence peut se dégager avec
le grammairien, qui partage généralement ces préoccupations, mais qui les
réduisait naguère encore trop souvent à certains aspects tels que la syntaxe et la
morphologie. Se réclamant de la science du langage, le but du didacticien des
langues est donc aussi de fournir sa contribution à la connaissance du langage
par le biais de l’enseignement/apprentissage qui est son angle d’étude propre.
Cette divergence méthodologique pose la linguistique et la didactique des
langues comme deux des sous-ensembles des sciences du langage, distincts mais
éventuellement interactifs au gré des nécessités. Il serait hors de propos de défi-
nir les sous-ensembles de la linguistique. Voyons brièvement, en revanche, ceux
qui composent la didactique des langues.
Toutes les langues enseignées peuvent faire l’objet d’une didactique spéci-
fique. Il y aura donc, à un premier niveau, autant de sous-ensembles possibles
que de langues proposées comme objet d’enseignement : didactique de l’anglais,
de l’espagnol, de l’arabe, etc. parmi ces langues, le français ne représente
qu’un cas particulier.
Mais l’enseignement du français ne saurait lui-même être saisi comme un
ensemble homogène. La distinction la plus couramment utilisée n’est pas fondée
sur l’objet d’apprentissage, qui reste théoriquement identique, mais sur l’ap-
prenant lui-même. Si en effet l’apprenant a acquis le français de façon « natu-
relle », c’est-à-dire dans sa première socialisation, on le dira, par une habitude
maladroite, locuteur de langue « maternelle ». Si au contraire le français n’est pas
pour lui une langue première, on le dira locuteur de langue « étrangère » 1. Les
problèmes que pose cette différence sont traditionnellement pris en compte par
deux sous-ensembles de la didactique du français : la didactique du français
langue maternelle d’une part, et la didactique du français langue étrangère
d’autre part.
Laissons encore de côté la didactique du français langue maternelle pour nous
intéresser plus particulièrement à la didactique du français langue étrangère : en
son sein, un sous-ensemble peut encore être distingué, le français langue
seconde. À ce niveau-là de l’analyse, la distinction se fait surtout, mais non
exclusivement, en fonction des situations d’enseignement/apprentissage.
On peut représenter ces différentes imbrications de la manière suivante 2 :

1. Sur ces questions voir Jean-Pierre CUQ 1991.


2. Pour des propositions voisines, voir Michel DABÈNE : « Situations d’apprentissage et didac-
tiques en contact », colloque CREDIF, TRÈFLE n˚ 4, janvier 1988.

36
Sciences du langage

Didactique des Langues Linguistique

Didactique du Didactique de Didactique de etc.


Français l’Anglais l’Espagnol

Didactique Didactique
du Français du Français
Langue Langue
Maternelle Étrangère

Didactique Didactique
du F.L.E. du Français
proprement dit Langue Seconde Schéma n° 1

Le lien entre les deux sous-ensembles que constituent la didactique du fran-


çais langue maternelle et la didactique du français langue étrangère est donc
paradoxalement constitué par un élément de nature non didactique : la langue.
À l’inverse, la didactique du français langue maternelle entretient des liens de
nature didactique et non pas linguistique avec les didactiques des autres
langues, de même que la didactique du français langue étrangère entretient des
liens de nature didactique avec les didactiques des autres langues étrangères. Et,
comme didactique spécifique au sein de la didactique des langues étrangères, la
didactique du français langue seconde doit entretenir des liens avec les didac-
tiques des autres langues secondes.
On peut donc être amené à préférer un autre classement que le classement
traditionnel représenté plus haut. Ce classement pourrait être symbolisé ainsi :

37
Sciences du langage

Didactique des Langues Linguistique

Socio- Psycho-
linguistique
Didactique des Langues Didactique des Langues
Maternelles Étrangères

Didactique Didactique etc. Didactique Didactique etc.


du Français de l’Anglais du Français de l’Anglais
Langue Langue Langue Langue
Maternelle Maternelle Étrangère Étrangère

Didactique Didactique Didactique Didactique


du Français du Français de l’Anglais de l’Anglais
Langue Langue Langue Langue
Étrangère Seconde Étrangère Seconde
proprement dit proprement dit
Schéma n° 2

Le classement traditionnel est marqué par son âge, qui est celui, pas si
ancien au demeurant (voir chapitre I), auquel la didactique s’est peu à peu dis-
tinguée de la linguistique. Étant pour beaucoup de formation linguistique, les
fondateurs de la didactique des langues ont, peut-être sans le savoir vraiment,
opéré leurs premières classifications sur le critère qui leur était le plus familier,
la langue. Au contraire, le second classement met en évidence des convergences
plus spécifiquement didactiques et l’évolution actuelle du champ de la didac-
tique des langues ne fait que traduire cette prise en compte épistémologique.

2.4.2. De l’utilité de la conceptualisation en didactique


Mais revenons à la question de la conceptualisation en didactique. En tant que
science nouvelle, la didactique se doit d’être particulièrement active dans la for-
mulation d’outils conceptuels propres qui la distingueront des disciplines col-
latérales.
Un concept en effet est un principe d’organisation des connaissances, une
abstraction qui permet l’objectivation des faits et leur classement. Comme tous
les concepts, les concepts didactiques comprennent un nom, ou étiquette, une
définition, qui est obtenue par l’addition de tous ses caractères propres (com-
préhension) et des applications à tous les objets qu’il peut désigner (extension).
L’importance majeure qu’il y a à disposer de concepts propres en didactique est

38
donc de connaître par eux les caractéristiques constantes des situations d’en-
seignement/apprentissage (par exemple : le concept de français langue seconde)
ou de disposer d’outils spécifiques et opératoires pour aborder l’apprentis-
sage ou l’enseignement proprement dits (par exemple : la grammaire). Par
contrecoup, le concept permet au didacticien de se dégager des éléments non
essentiels à qui une appréhension incorrecte de sa part assure parfois de
prendre une importance disproportionnée. Refuser la conceptualisation, ou
l’éviter, ce qui est une attitude assez courante, revient donc à se condamner à
des études opportunistes et par conséquent non scientifiques. Au contraire,
l’étape de la conceptualisation est centrale dans l’activité scientifique. En didac-
tique, et quel que soit le degré de véracité du concept, il permet une organi-
sation provisoire des faits, c’est-à-dire, jusqu’à ce qu’il soit précisé, amendé, voire
invalidé, l’action méthodologique et pédagogique.

2.4.3. Le concept de grammaire


2.4.3.1. Les sens traditionnels du mot « grammaire »
Au premier chapitre de leur ouvrage Grammaires et didactique des langues,
H. Besse et R. Porquier (repris par Besse, 1986) donnent trois acceptions du mot
grammaire. Pour eux grammaire renvoie à :
1. la « grammaire intériorisée » : c’est un phénomène humain, « d’ordre bio-géné-
tique et psycho-social ». Cette conception est proche de ce que Chomsky
nomme competence. « Cette grammaire, parce qu’intériorisée, n’est pas
observable directement, mais uniquement à travers ses manifestations
externes : productions verbales (orales et écrites) des sujets qui sont réputés
en avoir la compétence, jugements de grammaticalité et d’acceptabilité que
ceux-ci peuvent porter intuitivement sur la bonne formation et l’adéquation
contextuelle de ces productions »1.
2. des « descriptions et simulations grammaticales » : c’est un savoir, une
connaissance explicite, qui comprend des descriptions, c’est-à-dire les « résul-
tats d’une démarche de catégorisation des unités de la langue et de mise en
relation de ces catégories », et des simulations, c’est-à-dire « la construction
abstraite et hypothétique par laquelle on essaie de reproduire, de simuler, le
mécanisme d’engendrement des phrases bien formées qu’on postule au
sein d’une grammaire intériorisée donnée ». Et ils ajoutent : « contrairement à
l’acquisition d’une grammaire intériorisée, la connaissance d’une description
ou d’une simulation grammaticale résulte toujours d’un apprentissage scolaire
ou institutionnel, et ne constitue une véritable acquisition que chez certains
sujets dont la profession concerne directement le langage. »
3. des « modèles métalinguistiques » : ce sont des théories au moyen des-
quelles les linguistes tentent de rendre compte de la manière la plus systé-
matique possible de « la grammaire intériorisée commune à un sous-ensemble
de sujets parlant une langue ».

1. BESSE, 1986.

39
Ces trois acceptions reprennent et synthétisent certaines des acceptions que
donnait le Dictionnaire de didactique des langues de Coste et Galisson en 1976.
On trouve également dans cet ouvrage deux autres acceptions intéressantes :
1. « discipline étudiant les règles de fonctionnement ou d’évolution de toute
langue naturelle », ce qui est un des sens possibles de linguistique.
2. « ensemble de prescriptions normatives régissant certaines zones et certains
détails de l’usage linguistique, et jouant un rôle de discrimination sociolin-
guistique. » C’est le bon usage admis de manière implicite ou enseigné de
manière explicite dans une société donnée.
Ajoutons, pour faire bonne mesure :
– une grammaire est un livre, ouvrage ou manuel. C’est ce dernier aspect qui
sera évoqué au chapitre six.
On voit donc combien il est important d’avoir à l’esprit les multiples sens que
peut prendre le mot grammaire. Mais, loin de pouvoir se contenter de consta-
ter une polysémie qui contribue largement à entretenir les confusions, il paraît
clair qu’une théorie didactique doit opérer un choix de traits pertinents et
définir aussi clairement que possible ce qu’elle entend par grammaire.

2.4.3.2. Définition du concept didactique de grammaire


• Les domaines de définition des sens traditionnels du mot grammaire
Comme toujours quand un terme a plusieurs sens, c’est le contexte dans
lequel on les emploie qui les différencie. Ces différentes définitions du mot
grammaire doivent donc être, dans un premier temps, renvoyées à leur champ
d’appartenance.
Manifestement l’acception 1 de Besse et Porquier renvoie aux sciences de la
vie ou aux sciences psycho-sociales. Les acceptions 2 et 3 de Besse et Porquier,
comme l’acception 1 du Dictionnaire de didactique, appartiennent au domaine
de la linguistique. L’acception 2 du Dictionnaire de Didactique renvoie à la
socio-linguistique mais aussi à la didactique dans la mesure où c’est cette
acception qui a cours le plus traditionnellement dans les écoles. Le sens de
« manuel » appartient également au domaine didactique.
Mais cette appartenance à plusieurs domaines ne veut pas pour autant dire
qu’il n’y a guère à en tirer pour l’enseignement/apprentissage des langues.
D’abord, le didacticien n’a pas à discuter de la validité de ce terme dans chacun
des domaines évoqués : s’il utilise « grammaire » dans ces sens-là, il doit seule-
ment prendre garde à ne pas oublier le domaine de définition dans lequel il
s’inscrit. Lorsque les sens ressortissent à son champ, il doit en revanche être
attentif à ne pas laisser subsister d’ambiguïté.
C’est évidemment très simple lorsqu’il s’agit de l’acception « manuel ». Dans ce
cas-là, tout le monde sait qu’il s’agit d’un raccourci pour dire « livre de gram-
maire ». Le contexte suffit toujours à éclairer : les phrases « prenez votre gram-
maire », « achetez-vous une bonne grammaire », « j’ai encore vu une nouvelle
grammaire chez mon libraire » ne sont jamais ambiguës sur le sens du mot gram-
maire.

40
Pour l’acception 2 du Dictionnaire de didactique (« ensemble de prescrip-
tions… »), elle peut être largement recouverte par le terme de « norme » (voir
chapitre IV).
• Définition didactique du mot grammaire
D’un point de vue strictement didactique, on peut appeler grammaire :
1. Le résultat de l’activité heuristique qui permet à l’apprenant de se construire
une représentation métalinguistique organisée de la langue qu’il étudie.
2. Le guidage par l’enseignant de cette activité en fonction de la représentation
métalinguistique organisée qu’il se fait de la langue qu’il enseigne.
Cette représentation n’est pas une attitude, c’est-à-dire un simple position-
nement axiologique. Du côté de l’apprenant, c’est une image, plus ou moins
construite suivant les étapes qu’il franchit dans son apprentissage. Le contenu
linguistique de cette représentation est individuel, évolutif et éventuellement per-
méable à tout aspect théorique. Elle est plus ou moins consciente, c’est-à-dire
plus ou moins définie en termes métalinguistiques. Du côté de l’enseignant, c’est
une image supposée construite, mais toujours susceptible d’évolution. Elle est
aussi définie en termes métalinguistiques et est généralement appuyée sur une
ou plusieurs théories linguistiques.
Cette définition n’est contradictoire avec aucune de celles qu’on a citées pré-
cédemment. Au contraire, elle emprunte à chacune ce qui est pertinent pour le
didacticien. C’est en effet une définition didactique parce qu’elle ne préjuge pas
du contenu linguistique ni de l’évaluation sociale qu’elle implique, mais qu’elle
ne concerne que les activités des acteurs de la classe.
Dans ces conditions (voir chapitre VI), on ne peut plus proprement parler
d’« enseignement » de la grammaire, car on ne peut enseigner qu’un savoir pré-
construit. Mais on peut penser que, conçue dans cet esprit, une activité gram-
maticale reste indispensable en classe de langue. Car c’est cette activité heuris-
tique, menée par l’enseignant, qui servira, tout au long de l’apprentissage, à
aider cette représentation à se révéler (au sens photographique du terme) et à
s’affiner.

41
42
C H A P I T R E

3
L’ANALYSE CONTRASTIVE
ET L’ANALYSE DES ERREURS

3.0. Généralités

La question de l’utilisation ou de la non utilisation de la langue maternelle en


classe de langue dépasse largement le propos de cet ouvrage. Mais, quelle que
soit la réponse méthodologique qu’on lui apporte, l’expérience montre que la
langue maternelle constitue toujours pour l’apprenant de langue étrangère un
point de repère fondamental. Certes, toutes les situations didactiques ne sont pas
également favorables à l’utilisation de cet appui par le maître. Mais, quand les
conditions sont favorables, il peut parfois mettre en œuvre, à telle ou telle étape
de son action didactique, des techniques largement fondées sur les connais-
sances grammaticales qu’il a des langues en contact.
Nous aborderons donc tout d’abord les problèmes généraux que soulèvent
l’analyse contrastive et l’analyse des erreurs en didactique. Nous en verrons
ensuite les soubassements théoriques avant de proposer deux brèves illustrations
pratiques. La première sera un exemple d’analyse comparative portant sur un
point de syntaxe : l’expression de l’hypothèse en arabe et en français. La
seconde proposera un rapide exemple de repérage et de classement d’erreurs
d’arabophones apprenant le français.
À nul endroit peut-être plus que dans les études contrastives ne se vérifie
davantage l’imbrication de la linguistique et de la didactique des langues. En
effet, observer les productions des apprenants de français langue étrangère
conduit forcément à s’occuper de linguistique française et même de linguistique
générale. Mais, contrairement aux observations habituelles, celles-là ne sont pas
faites sur des productions de locuteurs assurés de leur langue. Le linguiste peut

43
alors tenter de saisir l’occasion de surprendre et reconnaître des étapes de la
construction de la compétence langagière qui, peut-être, laisseront mieux trans-
paraître des opérations internes généralisables.
En effet, les erreurs récurrentes que l’on repère chez tel ou tel groupe d’ap-
prenants sont le plus souvent prédictibles, et l’analyse contrastive peut en
rendre compte et parfois contribuer à y remédier. C’est qu’elle est doublement
orientée : d’une part vers le pronostic (par exemple, on sait par expérience
qu’un apprenant arabophone a plus de « chances » de commettre une erreur sur
la syntaxe des relatifs en français qu’un apprenant italophone), et d’autre part
vers le diagnostic, car elle permet une sorte de relevé de symptômes qui
débouche sur ce qu’on appelle classiquement la « pédagogie de la faute ». L’ana-
lyse contrastive peut donc être considérée comme une activité de premier
plan en didactique des langues.
De nombreuses critiques ont toutefois été adressées aux tenants des études
contrastives. En particulier, leur intérêt prédictif est fortement contesté. Ainsi,
H. Besse et R. Porquier1 constatent que beaucoup d’erreurs ne se produisent
qu’à certains stades d’apprentissage, que d’autres sont « universelles », c’est-à-dire
« communes à des apprenants de langues maternelles diverses », que d’autres
enfin se rencontrent « soit chez des enfants natifs, soit dans certaines variétés ou
normes de la langue cible ». En bref, selon ces auteurs, « ni l’analyse contrastive
ni le transfert de la langue maternelle ne suffisent à rendre compte des erreurs
rencontrées dans l’apprentissage ». En effet, rendre compte d’une erreur, ce n’est
pas prétendre en dégager toutes les causes. Mais, si l’analyse contrastive ne peut
répondre à coup sûr à la question « pourquoi un apprenant commet-il telle ou
telle erreur ? », elle permet au moins de systématiser a posteriori, par la com-
paraison de micro-structures, des constatations empiriques qui ont des proba-
bilités importantes de renouvellement chez des sujets comparables. Renoncer à
ses services reviendrait pour un médecin à refuser d’envisager un diagnostic qu’il
sait pourtant adapté à une forte proportion de malades. Si celui-là ne convient
pas, il en essaiera un autre. Ce qui répond du même coup au second argument.
Un intérêt supplémentaire des études contrastives, au niveau de la description
et de la confrontation simple des systèmes linguistiques, est de connaître les
bornes des interactions inévitables entre les systèmes mis plus ou moins
consciemment en présence par l’apprenant, c’est-à-dire le terminus a quo
constitué par le système de la langue de départ, et le terminus ad quem consti-
tué par la langue cible. Pour le didacticien toutefois, cette confrontation des sys-
tèmes n’a pas pour objet d’établir une typologie linguistique mais plutôt une
typologie des processus d’apprentissage qui sont largement conditionnés par les
systèmes linguistiques connus de l’apprenant.
Dans cette perspective, un concept qui avait pourtant suscité il y a quelques
années un grand intérêt semble être aujourd’hui un peu laissé de côté pour la
raison qu’il paraît finalement plutôt relever de la linguistique que de la didac-
tique : c’est celui d’interlangue.

1. BESSE et PORQUIER, 1984, p. 204.

44
3.1. L’interlangue

Ce terme, sans doute emprunté à Selinker (1967), a connu une grande


vogue dans le début des années 80. Pour Selinker, l’interlangue est la variété de
langue d’un bilingue non encore équilibré, et c’est aussi une structure compa-
rable à celle que les générativistes postulent pour l’acquisition de la langue
maternelle (LAD). On retiendra surtout que l’apprenant identifie certaines struc-
tures de la langue cible comme identiques à celles de la langue maternelle et
qu’il en déduit des stratégies d’apprentissage appropriées : c’est-à-dire qu’il se
construit une sorte de grammaire provisoire. Le problème didactique est celui
que pose la fossilisation possible de tout ou partie de cette grammaire. Dans ces
conditions, l’interlangue est justiciable d’une description linguistique, de type
idiolectal, dont les résultats sont susceptibles d’une utilisation didactique, en
termes de dynamique d’un répertoire verbal.
Dès 1980 d’ailleurs, Bernard Py par exemple considérait que, plus que pour
la didactique « qui n’attend d’elle qu’une aide extrêmement limitée », l’inter-
langue, qui partage certaines propriétés avec « la langue achevée », est en
revanche plutôt utile à la linguistique générale : « par exemple, disait-il, elle
montre à quel point diachronie et synchronie sont imbriquées l’une dans l’autre
et, en conséquence, à quel point la dichotomie saussurienne est abstraite. »
Rémy Porquier1 donne une définition intéressante d’interlangue : pour lui,
« les descriptions des productions langagières de locuteurs non-natifs et des sys-
tèmes linguistiques intériorisés par les locuteurs non-natifs d’une langue quel-
conque, relèvent du champ d’investigation recouvert, tant bien que mal, par le
terme d’« interlangue ». Porquier montre que « ce champ d’investigation s’est pro-
gressivement constitué en empruntant à des concepts, des notions et des
méthodes issus d’autres champs : linguistique, psycholinguistique, psychologie
du langage, sociolinguistique (et d’autres) sans pour autant y trouver de
modèles ou d’hypothèses directement transférables et opératoires, mais plutôt
des éclairages, des stimulations heuristiques, des adjuvants à une théorisation
malaisée… ». L’interlangue d’un apprenant, en tant qu’objet à décrire, est
instable, et par essence modifiable. Elle est aussi hétérogène en ce qu’elle
entretient des relations avec la langue source et la langue cible.
En tant que notion, elle a aussi largement évolué au point que beaucoup la
jugent aujourd’hui théoriquement dépassée. Alors qu’elle concernait au début les
didacticiens qui s’intéressaient à l’analyse des erreurs, elle a subi la désaffection
dont a malheureusement souffert cette dernière. Mais elle a sans doute été en
partie à l’origine de l’intérêt actuel porté aux problèmes d’acquisition des
langues, à ceux d’analyse conversationnelle et d’interaction en classe de langue,
qui naviguent à leur tour (mais peut-il en être autrement ?) à la limite des eaux
de la linguistique et de la didactique.

1. PORQUIER, 1986.

45
3.2. Pour des études comparatives

En didactique comme ailleurs, la mode fait parfois commettre de regrettables


excès d’enthousiasme ou de rejet, et les désillusions pédagogiques engen-
drées par les positions maximalistes d’un Lado par exemple 1 ont été à la
mesure des espoirs que ces théories avaient suscités. Outre la réelle difficulté du
travail de linguistique contrastive proprement dit, c’est peut-être pour avoir
éprouvé ces désillusions que tant d’enseignants répugnent aujourd’hui à mettre
en œuvre une analyse interférentielle.
De plus, comme on l’a vu, on dit volontiers aujourd’hui que l’analyse contras-
tive ne peut servir qu’a posteriori, pour expliquer les erreurs mais pas ou très
peu a priori, pour permettre de les faire éviter à l’élève. Mais c’est peut-être aussi
parce que très souvent les didacticiens croient avoir assez fait lorsqu’ils sont
capables de décrire un problème mais qu’ils répugnent à s’y attaquer vraiment
au plan méthodologique. On peut voir deux raisons à cela : tout d’abord la
méthodologie n’est hélas pas une partie suffisamment valorisée en didactique ;
ensuite, il est souvent plus difficile, au moins en didactique des langues, de trou-
ver des solutions à un problème que de le mettre en évidence.
Il est vrai aussi que la pratique contrastive n’est pas toujours possible mais
qu’elle dépend de la situation d’enseignement/apprentissage dans laquelle on se
trouve et en particulier de deux paramètres :
a) l’enseignant : il doit être bilingue (L source/L cible) ou, s’il ne l’est pas, doit
appartenir à une équipe dans laquelle se trouvent des parleurs natifs des
deux langues en présence ;
b) le groupe classe : il doit être autant que possible homogène, ce qui est la
majorité des cas dans les situations d’enseignement du FLE ou du FLS en
situation scolaire ou universitaire hors de France, mais qui l’est très rarement
dans l’enseignement du FLE en France. Ce fait explique sans doute aussi en
partie la défaveur dont ont joui ces pratiques chez les enseignants et les
didacticiens français.
Quoi qu’il en soit de l’arrière-plan théorique et pratique, il est peut-être
dommage de ranger au musée des accessoires pédagogiques périmés des tech-
niques dont certains tirent aujourd’hui encore une aide précieuse pour leur pra-
tique quotidienne 2 : si ceux-là savent bien en effet que l’analyse interférentielle
est généralement insuffisante pour expliquer totalement les erreurs qu’ils ren-
contrent et, a fortiori pour les corriger, ils n’ignorent pas qu’elle contribue

1. Pour une analyse de R. LADO, voir H. BESSE et R. PORQUIER, 1984, pp. 200-201.
2. Par exemple : a) Ch. LOCHON, « Contrastive franco-arabe » dans La boîte à fiches, Bulletins de
liaison des professeurs de français, C.D.P. de Damas, avril 1987, pp. 8-40. b) E. et J.-P. CHAMPEIX,
« La faute et comment s’en servir » dans Le Français dans le Monde n° 212, octobre 1987, pp. 44-
47.

46
efficacement, à la place qui est la sienne et à la lumière des connaissances nou-
velles en didactique, à l’élaboration d’une pédagogie pragmatique.
Car il semble bien qu’après plus d’une décennie d’oubli, un nouvel intérêt se
fasse sentir pour la pratique comparatiste. Par exemple, Christiane Bourguignon1
montre, dans une étude effectuée auprès d’élèves français de collèges apprenant
une langue étrangère, que l’un des obstacles importants à l’apprentissage d’une
langue étrangère serait le fait que l’élève n’est que très rarement incité par l’en-
seignant à prendre appui sur ce qu’il connaît déjà dans sa langue maternelle et
qu’on ne fait presque jamais appel à cette dernière. Or ce vieux réflexe, hérité
sans doute des méthodes directes, est contradictoire avec ce qu’on croit savoir
aujourd’hui des stratégies mises en place par l’apprenant lui même.

3.3. Analyse interférentielle


et « pédagogie de la faute »

3.3.1. La « faute »
S’il existe chez les apprenants des comportements linguistiques interférentiels,
c’est dans les erreurs qu’ils commettent que ces comportements se manifestent.
Le cadre didactique le plus général où situer l’analyse interférentielle est donc
celui qu’on nomme communément « pédagogie de la faute ».
Il n’est pas vraiment nécessaire de faire une grande distinction entre « faute »
et « erreur » 2. Disons simplement qu’on préfère généralement le second terme
parce qu’il est exempt de toute connotation « dépréciative »3. Du point de vue
épistémologique, on s’accorde aujourd’hui à reconnaître la fonction « posi-
tive » de l’erreur, mise en évidence par G. Bachelard, dont G. Canguilhem se fait
un magnifique écho : « Personne encore n’avait dit avec l’insistance assurance
de M. Bachelard que l’esprit est d’abord de lui-même pure puissance d’erreur, que
l’erreur a une fonction positive dans la genèse du savoir et que l’ignorance
n’est pas une sorte de lacune ou d’absence, mais qu’elle a la structure et la vita-
lité de l’instinct »4. Ainsi, tout apprentissage est source potentielle d’erreurs et la
connaissance ne s’acquiert que par la confrontation d’hypothèses internes avec
la réalité externe qui en assure le contrôle et les valide. En cas d’invalidation,
l’erreur est la marque d’une étape intermédiaire dans la stratégie d’apprentissage

1. BOURGUIGNON, 1993.
2. Voir par exemple du point de vue linguistique Chomskyen CORDER (1980, p. 13) : « Aussi sera-
t-il commode d’appeler “fautes” les erreurs de performances, en réservant le terme d’“erreurs”
aux erreurs systématiques des apprenants, celles qui nous permettent de reconstruire leurcon-
naissance temporaire de la langue c’est-à-dire leur compétence transitoire ».
3. GALISSON, COSTE, 1976.
4. G. CANGUILHEM, 1957, réfère ici à G. BACHELARD, La Philosophie du nom, éd. 1983, p. 8 et
La Formation de l’esprit scientifique, éd. 1986, pp. 15 sqq.

47
(voir la fin de ce chapitre). Il s’agit alors de savoir comment en tirer profit dans
une stratégie d’enseignement.
C’est généralement à H. Frei que l’on réfère quand on parle de « pédagogie
de la faute ». Pour Frei, il existe en chacun de nous un phénomène « d’assimi-
lation mémorielle »1 qui consiste à modifier ou à créer un élément par imitation
d’un modèle logé hors du discours, dans la conscience linguistique. On peut
appeler cette forme d’assimilation « l’instinct analogique ». Frei travaillait certes
sur la grammaire des fautes en langue maternelle, mais, toutes choses étant
égales par ailleurs, on peut concevoir la faute interférentielle comme une
manifestation de cet instinct analogique, non pas de L1 à L1 mais de L1 à L2.
Elle se manifesterait elle aussi comme une « analogie formelle » qui est « la forme
nouvelle donnée à un signe simple ou à un syntagme d’après le modèle d’un
autre signe ou d’un autre syntagme prédominant dans la conscience linguis-
tique… »2.
On aura noté chez Frei comme chez Canguilhem la référence à « l’instinct ».
C’est dire qu’on ne saurait faire l’économie d’un repérage psychologique pour
définir valablement la place de l’analyse interférentielle en tant que sous-
ensemble de la pédagogie de la faute.

3.3.2. Interférences et psychologie


Du point de vue psychologique, les interférences sont à classer dans la
catégorie des transferts, que Norbert Sillamy3 définit comme le « report d’une
habileté acquise dans un domaine sur une activité plus ou moins voisine ». Ainsi,
il peut y avoir transfert d’apprentissage d’une unité d’apprentissage sur une autre
(par exemple, passage de la leçon 1 à la leçon 2 d’une méthode), c’est-à-dire
transport d’un apprentissage A sur un apprentissage B (transfert pro-actif) ou
inversement (transfert rétro-actif). Ces apports sont généralement positifs mais
ce n’est pas toujours le cas. Ainsi, Y. Castellan et D. Engelhart 4 précisent pour
leur part : « Le transfert peut agir aussi bien dans le sens de facilitation de l’ap-
prentissage : on parlera alors de transfert positif – qu’en augmentant la difficulté
de l’apprentissage : on parlera alors de transfert négatif ou d’interférence ».
Qu’elle soit positive ou négative, il ressort de ces définitions qu’il y a utilisa-
tion d’un acquis par l’apprenant. C’est ce qu’admettent Piaget et ses disciples
pour qui le sujet apprenant ne part pas totalement de zéro, mais a toujours un
minimum de connaissances de base : « Les acquis d’un stade donné sont intégrés
dans ceux du stade supérieur qui les dépassent » résume J.P. Bronckart 5. La
connaissance prend alors « la forme d’une véritable construction » et apparaît
comme indissociable de l’action elle-même 6.

1. FREI, 1929, p. 43.


2. Op. cit., p. 48.
3. N. SILLAMY : Dictionnaire de psychologie, Bordas, 1980..
4. CASTELLAN et D. ENGELHART, 1975, p. 72.
5. BRONCKART, 1977, p. 50.
6. Op. cit., p. 49.

48
La position de S. Pit Corder 1 pourrait ne pas paraître totalement incompatible
avec le constructivisme piagétien lorsqu’il admet « un itinéraire naturel d’ac-
quisition des différents aspects de la langue cible » 2. En fait, appuyé sur des fon-
dements théoriques radicalement différents, l’innéisme chomskyen, c’est au
bagage génétique inné qu’il attribue la construction, dans un nouveau bain lan-
gagier, d’une autre langue. « Pourvu qu’il ait d’abondantes occasions de com-
muniquer au moyen de son interlangue et bénéfice d’une riche exposition à la
langue cible, utilisée elle-même à des fins de communication naturelle, un
apprenant finira toujours par acquérir cette langue et par éliminer graduellement
la plupart de ses erreurs, à condition qu’il soit motivé en ce sens » 3.
Outre qu’il y a peu de risques à avancer que les conditions idéalisées de la
« riche exposition à la langue cible » ne sont que trop rarement celles de la classe
de langue, ces affirmations manifestent à la fois un bel optimisme sur les qua-
lités d’apprentissage de chacun et un manque étonnant de confiance dans
l’action pédagogique : à quoi bon la présence de l’enseignant s’il est vrai que
l’apprenant « finira toujours par acquérir » la langue cible et par « éliminer gra-
duellement la plupart de ses erreurs » ?
S. Pit Corder est toutefois plus convaincant quand il avance que les erreurs
manifestent les stratégies d’apprentissage de l’apprenant ; on peut penser que
celui-ci « explore le système d’une langue nouvelle » en testant des hypothèses
comme « le système de la langue étrangère est-il identique à celui de la langue
que je connais déjà ? » « si différences il y a, de quelle nature sont-elles ? » 4. Les
erreurs constitueraient alors des systèmes transitoires, intermédiaires, d’ap-
prentissage et, pour imparfaits qu’ils soient, fonctionnant, pour beaucoup
d’entre eux, tout à fait du point de vue communicationnel.
M. Gaonac’h 5 reprend autrement ce point de vue lorsqu’il affirme que « le
transfert des caractéristiques de la L1 n’est pas un phénomène de reproduction
passive mais tient à une attitude active, dont l’objectif est l’utilisation optimale des
données disponibles ». Bien qu’il situe sa réflexion dans le cadre d’une « analyse
cognitive de l’acquisition des L2 », il n’exclut pas a priori toute explication de
type behaviouriste : « le recours à la créativité langagière n’implique pas que l’on
rejette tout processus d’imitation » 6.

3.3.3. Stratégies d’apprentissage et stratégies d’enseignement


Si le « transfert des caractéristiques de la L1 » joue un tel rôle chez l’apprenant,
on voit quel est l’intérêt de les déterminer le plus exactement possible. C’est
aujourd’hui en partie à la suite des travaux du courant connu sous le nom de

1. CORDER, 1980. Voir surtout l’article « Que signifient les erreurs des apprenants ? ».
2. Op. cit., p. 40.
3. Op. cit., p. 41.
4. Op. cit., p. 13.
5. GAONAC’H, 1984, p. 200.
6. Op. cit., p. 20.

49
language awareness 1 que se popularise l’idée qu’il y a un lien évident entre
l’appropriation de la langue maternelle et des langues étrangères.
Cette idée, selon laquelle lorsqu’il est bien mené, l’apprentissage de la L1
(c’est à dire une activité consciente, dirigée, explicite) peut compléter utilement
son acquisition naturelle (inconsciente, non explicite) comme une propédeu-
tique à l’apprentissage d’une L2, n’est pourtant pas nouvelle. Ainsi Adamc-
zewski 2 soulignait déjà l’importance des modalités d’appropriation de la L1 : « la
langue 1 peut et doit jouer un rôle capital dans l’appropriation d’une L2, car c’est
à travers elle que nous accédons au langage. C’est pourquoi l’enseignement de la
L1, dès l’école primaire doit servir au langage, non seulement pour permettre aux
enfants de mieux maîtriser la L1 elle-même, mais aussi pour jeter les bases
d’une acquisition rationnelle, en pleine lumière, d’autres langues » 3. C’est une
position voisine que tenait aussi E. Roulet 4 dans l’une de ses propositions de
développement des capacités langagières dans le système scolaire : « pour
saisir, interpréter et intérioriser les formes et les emplois illustrés par ces données 5,
l’apprenant peut recourir aux mêmes instruments heuristiques qu’il avait appli-
qués précédemment à son répertoire verbal et à d’autres variétés du français ».
Ce recours aux « mêmes instruments heuristiques », que l’on rapprochera de
l’exploration du système de la L2 par hypothèses successives définie par Corder
(cf. supra), est la stratégie d’apprentissage mise en œuvre par l’apprenant.
L’enseignant qui n’a de toute façon, comme le souligne E. Roulet 6 « pas les
moyens d’imposer à l’apprenant des stratégies d’apprentissage contraires à celles
qu’il met en œuvre spontanément » a donc tout intérêt à « s’appuyer sur celles-
ci ». Or l’erreur interférentielle en est le signe le plus immédiat : il appartient
donc à l’enseignant de la reconnaître, afin de mieux contrôler ce bricolage com-
municatif, ce « moyen de fortune », comme l’appelle Gaonac’h 7.
On le voit, admettre avec Gaonac’h 8 que « la maîtrise du code linguistique
soit sous la dépendance des compétences de communication » ne signifie pas
pour autant que l’on doive se passer d’une analyse de l’état du code linguistique
de l’apprenant aussi fréquente que possible. Loin d’être pédagogiquement
négatives, les erreurs interférentielles sont utiles à l’enseignant : « elles lui indi-
quent, comme le dit Corder, où en est arrivé l’apprenant par rapport au but visé,
et donc ce qui lui reste à apprendre » 9. Selon Gaonac’h, elles lui permettent aussi

1. Expression souvent traduite par « éveil au langage ». Voir Louise DABÈNE, 1994.
2. ADAMCZEWSKI, 1973, p. 6.
3. Cité par E. ROULET, 1979, p. 6.
4. ROULET, 1979, p. 9.
5. « Les données langagières, beaucoup plus riches sur l’emploi de la langue seconde que celles
fournies généralement par le manuel ou le cours audio-visuel. » (1979, p. 9.)
6. ROULET, 1980, p. 23.
7. Op. cit., p. 202.
8. Op. cit., p. 201.
9. CORDER, 1980, p. 13.

50
de « caractériser son système transitoire de langue » et, mieux encore, son
« programme interne de contrôle » 1.
Cette importance du « système », H. Frei 2 encore une fois en avance sur ses
contemporains, l’avait déjà mise en évidence quand il affirmait la nécessité d’un
traitement global des « accidents » linguistiques : « considérés dans leur ensemble,
ils ont leur raison d’être en ce qu’ils répondent à une tendance organique du sys-
tème : le besoin de ramener de l’inconnu au connu ».
L’enseignant doit donc postuler que l’erreur interférentielle n’est pas aléatoire,
mais qu’elle s’inscrit au contraire dans un ensemble organisé, qu’il s’agit pour lui
d’appréhender au mieux pour avoir des chances d’efficacité corrective.
De cet ensemble organisé, la comparaison des langues n’est certes pas un
moyen d’approche exclusif. Mais même quand Henri Besse et Rémi Porquier,
par exemple, expriment des réserves sur cette pratique, ils admettent tout de
même que « ces remarques n’invalident pas le principe de l’analyse contrastive » 3.
C’est que la comparaison des systèmes linguistiques, pour insuffisante qu’elle
soit, demeure indispensable comme un cadre de référence, à l’intérieur duquel
l’apprenant construit peu à peu ses systèmes représentatifs et communicatifs.
Tels sont donc les repères qui éclairent et délimitent les analyses interféren-
tielles :
Elles sont un sous-ensemble de l’analyse des erreurs dont H. Frei a mis depuis
longtemps en évidence la nécessité dans le cadre d’une pédagogie de la faute.
Elles ressortissent également à l’analyse comparative dont E. Lavault 4 souligne
la valeur sécurisante, par l’appel à l’acquis de l’apprenant, et formatrice par le
développement de ses capacités analogiques. Elles permettent ainsi de faire
d’une pierre deux coups : une certaine prise de conscience des qualités de la
langue maternelle et, conjointement, un développement des qualités linguis-
tiques, au sens large de l’expression.
De leur côté les psychologues de l’apprentissage, sans exclure totalement une
composante imitative que les théories behaviouristes ont mis en évidence,
s’accordent maintenant à voir dans les erreurs interférentielles les marques
d’une activité structurante de l’apprenant qui rééquilibre peu à peu en lui le sys-
tème de la langue étrangère, en construction, et celui de la langue maternelle,
déjà totalement (ou quasi-totalement) intériorisé.
Cette activité heuristique, dont l’analyse interférentielle tente de repérer et
d’organiser les traces, est au carrefour de la philosophie de la connaissance et
de celle de l’action : c’est justement là qu’elle rencontre l’activité enseignante. Si
le pédagogue n’a jamais intérêt à ignorer les données théoriques qui condi-
tionnent l’évolution de sa pratique, il est fondé à utiliser les techniques dont il

1. Op. cit., p. 124.


2. Op. cit., p. 52.
3. BESSE et PORQUIER, op. cit., p. 204.
4. LAVAULT, 1987.

51
a vérifié les qualités opératoires même si elles lui paraissent à certains moments
moins légitimées par les ténors du champ : c’est qu’en son domaine la nécessité
du quotidien fait loi.

3.4. Exprimer l’hypothèse en français,


un changement de perspective linguistique
pour les élèves marocains
Nous avons vu dans la première partie de façon théorique les avantages et les
limites didactiques des études contrastives et ceux des explications interféren-
tielles. Essayons maintenant d’éclairer ces propos par une rapide analyse
contrastive d’un micro-système qui est source de grandes difficultés pour tous les
apprenants de FLE ou de FLS et qui dépasse, parce qu’il coordonne une série de
composantes d’ordre cognitif et linguistique, le seul cadre syntaxique : l’ex-
pression de l’hypothèse. Nous allons en effet essayer de montrer, à propos d’er-
reurs couramment commises par des élèves marocains apprenant le français,
comment exprimer une hypothèse est un fait de raisonnement avant d’être un
fait linguistique, c’est-à-dire comment les difficultés du dire en langue étrangère
sont soumises à la difficulté du changement d’habitudes mentales créées par
l’habitude du dire en langue première.
Commençons pour cela par exposer brièvement comment fonctionnent les
systèmes hypothétiques en arabe et en berbère, langues qui peuvent appartenir
au répertoire verbal de départ de l’apprenant de français 1.

3.4.1. Aperçu comparatif des systèmes arabe et berbère


Le système verbal de l’arabe diffère profondément du système français 2. On
distingue essentiellement deux « temps » ou plus exactement deux aspects :
– l’inaccompli, que l’on traduit généralement par notre présent ou notre futur ;
– l’accompli, que l’on traduit généralement par un temps du passé.
L’arabe n’a pas de « conditionnel ». Il n’y a donc pas dans cette langue de jeu
possible du type « imparfait/conditionnel » ou « présent/futur ».
En revanche, il existe trois conjonctions hypothétiques en arabe standard, et
c’est le choix de l’une d’elles par le locuteur qui détermine le sens « présent-
futur » ou « passé » de l’hypothèse. Contrairement au français, ce n’est donc pas
le « temps » qui commande le sens, c’est la conjonction.

1. Je remercie vivement mon collègue Benoît Deslandes, Professeur d’arabe, d’avoir bien voulu lar-
gement corriger ces lignes.
2. Pour une description du système français, voir J.-P. CUQ : « Éléments d’analyse pragmatique de
l’hypothèse en français », dans L’Information grammaticale, n° 26, juin 1985. Pour une version plus
détaillée de ce passage, voir J.-P. CUQ : « Exprimer l’hypothèse en français, un changement de pers-
pective linguistique pour les élèves marocains, dans L’Information grammaticale, n° 51, 1991.

52
Le système verbal du berbère est plus complexe puisqu’il comprend un
présent, un futur, un aoriste et une forme marquant l’habitude. Néanmoins,
comme en arabe, c’est du choix entre deux conjonctions que dépend la valeur
de l’hypothèse.

3.4.1.1. En arabe standard


Selon les grammaires arabes 1, on peut dire qu’en arabe standard, et à
époque ancienne, l’hypothèse était exprimée par les particules [law] ou [?in]
selon la nuance exprimée. L’emploi des aspects du verbe était relativement libre.
Aujourd’hui [?in] semble s’effacer au profit de [?iδa] mais aussi de [law] ; mais
c’est encore la particule qui commande la nuance.

3.4.1.2. En arabe dialectal 2


L’arabe marocain ne fait pas la différence entre les conditionnelles passées et
les conditionnelles à l’irréel du présent mais fait la distinction entre les condi-
tionnelles « impossibles » et les conditionnelles « possibles ». Les premières
sont introduites par [kun]. Le temps employé est l’accompli. On emploie géné-
ralement [kun] dans la principale aussi. Les conditionnelles possibles sont
introduites par [ila]. Le temps employé est généralement l’accompli.

3.4.1.3. En berbère tamazight 3


En berbère comme en arabe, la différence entre les hypothétiques est traduite
par l’emploi de conjonctions différentes.
– Lorsque l’hypothèse n’est pas contraire à la réalité, le berbère emploie la
conjonction [mc] et un verbe au présent.
– Lorsque l’hypothèse est contraire à la réalité, on emploie la conjonction [mr]
et un verbe à l’aoriste.
Conclusion
L’hypothèse est conçue, en arabe, comme accomplie et donc irréalisable, ou
comme inaccomplie et donc réalisable. Ainsi ne sommes-nous pas en pré-
sence d’une expression temporelle, comme en français moderne, ni modale,
comme en ancien français, mais plutôt aspectuelle. En berbère, les différences
avec le français sont moins marquées.

1. Ch. PELLAT : Introduction à l’arabe moderne, Maisonneuve, 1956 ; V. MONTEIL, L’arabe


moderne, Klincksieck, 1960 ; R. BLACHÈRE, M. GAUDEFFROY-DEMOMBYNES, Grammaire de
l’arabe classique, Maisonneuve et Larose, 1966 ; V. CANTARINO, Syntax of modern arabic prose,
vol. III, Indiana University Press, Bloomington, 1975.
2. G. HARREL : A short Reference Grammar of Maroccan Arabic, Georgetown University Press.
3. E.T. ABDEL-MASSIH : A Reference Grammar of Tamazight, The University of Michigan, Ann
Arbor, 1981.

53
3.4.2 Quelques erreurs fréquentes
Voici maintenant quelques erreurs fréquemment commises par les élèves
marocains 1. Elles ont été relevées dans des copies d’élèves au cours d’une
enquête effectuée, à Meknès et dans sa région, dans des classes de quatrième et
de septième année secondaire, c’est-à-dire des classes équivalentes à nos troi-
sièmes et terminales.

3.4.2.1. Non respect des contraintes syntaxiques après « si »


Exemples :
1. * Si je recevrais une personne, je la soignerais…
2. * Même si on le pourrait…
3. * Si je serai roi… (et toute la suite du devoir au futur)
Les erreurs 1 et 2 sont fréquentes en 4e A.S. mais apparaissent rarement en 7e
A.S. Ce qui peut expliquer que ces erreurs disparaissent progressivement, c’est,
comme on l’a vu, que l’arabe n’a pas d’équivalent de notre forme en -rais. Une
fois que l’élève a compris qu’il s’agit d’un « temps » dont il ne possède pas
d’équivalent dans sa langue maternelle et qui a un fonctionnement particulier
dans la langue cible, l’apprentissage se fait sans problème majeur parce qu’il
n’est pas perturbé par un usage auquel il est habitué. En revanche, en arabe et
en berbère, le temps équivalent au futur est parfois compatible avec la conjonc-
tion qui équivaut à « si ». Cela peut expliquer que des erreurs du type 3 (« si
+ futur ») persistent longtemps

3.4.2.2. Mélange des structures hypothétiques de base


Exemples :
1. * Si j’étais professeur, j’aiderai et je travaillerai…
(si + impft/futur)
2. * Si j’avais de l’argent, j’aurai pu aider les pauvres…
(si + impft/fut. antérieur)
3. * Si j’avais de l’argent, je participe au développement du village
(si + impft/présent)
4. * Si j’étais professeur, je faisais…
(si + impft. impft)
5. * Si j’étais riche, j’aurais donné…
(si + impft/forme en -rais composée)
Passer d’un système à deux aspects à un système multi-temporel représente
sans doute un des efforts les plus grands que doivent fournir les élèves maro-
cains. Les confusions entre « si + imparfait » et « si + plus-que-parfait » s’expli-
quent peut-être par le fait que l’imparfait est perçu comme un accompli au
même titre que le plus-que-parfait. La nécessité de ne pas commuter les

1. J.-P. CUQ : « L’expression de l’hypothèse : enquêtes en milieu scolaire marocain, dans Présence
francophone, n° 28, 1986, Université de Sherebrooke, Québec, Canada.

54
éléments des systèmes hypothétiques de base ne s’impose pas a priori aux
élèves. Ainsi persisteront surtout des erreurs du type « si + imparfait/futur » qui
correspondent presque à « [ila] + v. à l’accompli/futur proche », structure possible
en arabe.

3.4.2.3. Erreur en coordination ou subordination


C’est le cas des relatives hypothétiques qui est le plus net. Tout se joue en
arabe sur les déterminants alors que c’est essentiellement le verbe qui supporte
la modalité en français. Ainsi l’élève arabophone ne perçoit pas toujours la
nécessité de la concordance des temps en relative, ou, s’il en fait une, elle est le
plus souvent hasardeuse et il ne la comprend pas réellement :
exemples :
1. * Je visiterais des pays que je ne connaissais pas.
2. * Je serais une fille très contente du travail que je fais.
Dans l’exemple 1, l’élève emploie l’imparfait comme il aurait employé le passé
(accompli) en arabe pour traduire une antériorité par rapport à la principale.
Dans l’exemple 2, il n’a pas vu la différence avec « que je ferais ». Or, en arabe,
l’absence ou la présence du relatif aurait suffi à renseigner l’interlocuteur.
Les erreurs sur le futur ou la forme en -rais procèdent du même principe.
Dans les propositions subordonnées, le présent ou le futur remplacent souvent
le subjonctif qui est inconnu en arabe dialectal.
Ex. : * Je ferai… pour qu’il n’aura pas…
Il arrive aussi que les élèves emploient la forme en -rais à tort et à travers,
pour peu qu’ils aient quelque modalité hypothétique à traduire.
Ex. : * J’aiderais les pauvres pour qu’ils deviendraient…
L’interférence se produit plutôt alors dans les phrases interrogatives, où
« est-ce (que) » est pris pour un interrogatif invariable comme en arabe.
Ex. : * Est-ce bien de transformerais le monde ?

3.5. les phases intermédiaires d’apprentissage

Pour terminer ce chapitre, étudions un petit corpus d’erreurs, que l’on peut
admettre comme des marques de phases intermédiaires d’apprentissage chez les
apprenants qui les ont produites. Ces phrases ont toutes été prononcées ou
écrites par des élèves tunisiens, de niveau collège, à l’oral ou à l’écrit. Elles por-
tent sur des points de syntaxe variés.
Nous allons limiter nos ambitions à un objectif assez simple, mais qui peut
permettre de dégager une problématique plus vaste et d’envisager des pistes
pédagogiques. Il s’agit de :
– proposer une classification des exemples qui dégage une typologie des
erreurs ;

55
– montrer que chaque erreur témoigne qu’une partie au moins de l’apprentis-
sage a été effectuée par l’élève, c’est-à-dire que celui-ci se trouve dans une
phase intermédiaire d’apprentissage.
Soit donc la liste d’erreurs suivante et leur commentaire rapide 1 :
1. * Une travailleuse fille.
2. * Ali est le plus fort que tous.
3. (Est-il allé à Tunis ?) * Oui, il y est allé à Tunis. (sans pause après
« allé »)
4. * Il n’a dormi pas.
5. (Le garçon habite-t-il dans cette maison ?) * Oui, le garçon habite-t-il dans
cette maison.
6. * J’ai vu un garçon qui court dans la rue.
7. * J’ai lui donné une orange.
8. * Je lui le dis.
9. * Personne n’est pas venu.
10. * Je le réponds.
11. * Un morceau du bois.
12. (As-tu des oranges ?) * Oui, j’en ai des oranges (sans pause après « ai »).
13. * Il a si mangé qu’il est tombé malade.

3.5.1. Hypercorrection
Le premier type est connu sous le nom d’hypercorrection. Ce phénomène est
caractérisé par l’aspect « volontaire » de l’erreur. L’élève la commet en croyant
éviter une autre erreur dont il a appris à se défaire.
1. * Une travailleuse fille (pour : une fille travailleuse)
En arabe, l’adjectif épithète se place toujours après le nom. On apprend
donc à l’élève à ne pas dire : « un chien gros » mais « un gros chien ».
Fort de ce principe, l’élève débutant privilégie la structure « adjectif + nom »,
avant que l’usage ne le rende apte à différencier les cas d’antéposition et de
postposition en français.
9. * Personne n’est pas venu (pour : personne n’est venu)
Ici, l’élève veut utiliser les deux éléments corrélatifs de la négation, comme on
le lui a appris pour les phrases à négation « ne… pas ». Il emploie donc ce type
de négation malgré la présence de l’élément à sens négatif « personne ».

3.5.2. Véritables phases intermédiaires


Ces erreurs sont véritablement « intermédiaires » en ce qu’elles témoignent
qu’une partie de l’apprentissage est faite mais qu’une moitié du chemin qui
mène à une expression correcte reste à parcourir.

1. Dans une toute autre approche, plusieurs des phrases notées ici pourraient être considérées
comme des variations linguistiques. On les a admises comme « erreurs » dans la mesure où, en situa-
tion, elles ont été effectivement jugées par l’enseignant comme étant à corriger.

56
13. * Il a si mangé qu’il est tombé malade (pour : Il a tellement mangé qu’il
est tombé malade)
L’élève montre qu’il a acquis la structure corrélative de l’expression de la
conséquence mais il ne fait pas encore la différence entre « si + adjectif » et « tel-
lement + verbe ». De fait, en arabe, le même mot rend les deux termes français.
2. * Ali est le plus fort que tous (pour : Ali est le plus fort de tous)
Cette erreur est en quelque sorte l’inverse de la précédente puisque l’élève a
acquis la différence d’ordre lexical qui existe entre « plus » et « le plus » mais pas
les structures correspondantes.
7. * J’ai lui donné une orange (pour : Je lui ai donné une orange)
L’élève montre ici qu’il connaît l’ordre des compléments pronominaux et
nominaux. Il effectue une tentative d’antéposition du pronom complément
indirect (ce qui est contraire aux habitudes de sa langue maternelle où des par-
ticules post-verbales rendent ce que nous rendons par des pronoms). Mais la
« résistance » opposée par cette structure de la langue de départ l’empêche d’an-
téposer totalement le pronom, c’est-à-dire de l’employer avant la partie conju-
guée du verbe.
12. (As-tu des oranges ?) Oui, * j’en ai des oranges (pour : Oui, j’en ai)
3. (Est-il allé à Tunis ?) Oui, * il y est allé à Tunis (pour : il y est allé)
Dans ces deux exemples, l’acquisition des pronoms « en » et « y » est faite. Mais
la structure employée par l’élève lorsqu’il ne connaissait pas l’emploi de ces pro-
noms persiste de façon concomitante. C’est-à-dire que les compléments nomi-
naux postposés subsistent, comme ils auraient pu le faire en arabe.

3.5.3. Appropriation incomplète


Ce type d’erreur diffère du précédent par le fait que l’élève a acquis des struc-
tures correctes mais pas au point de les employer toujours à bon escient ou d’en
percevoir le sens particulier.
11. * Un morceau du bois (pour : un morceau de bois)
L’élève a acquis « du » (les erreurs des débutants sont souvent du type * « de
le ») mais pas encore les conditions de son emploi.
4. * Il n’a dormi pas (pour : il n’a pas dormi)
Ici, il ne s’agit plus de l’acquisition d’un lexème mais d’une structure : la néga-
tion corrélative « ne… pas », dont l’élève ne connaît pas les conditions particu-
lières d’emploi avec les verbes conjugués à un temps composé.
5. (Le garçon habite-t-il dans cette maison ?) Oui, * le garçon habite-t-il
dans cette maison (pour : le garçon habite dans cette maison)
L’élève possède la structure interrogative mais ne perçoit pas totalement
son sens particulier, qui la fait exclure des phrases non interrogatives.

57
3.5.4. Acquisition différenciée
On recensera sous ce terme des erreurs qui mettent en jeu des connaissances
différentes dont les unes sont déjà acquises par l’élève et les autres non.
10. * Je le réponds (pour : je lui réponds)
Deux types de connaissances sont ici en jeu : la construction indirecte du
verbe et l’antéposition du pronom personnel complément. Seule la seconde est
acquise.
6. * J’ai vu un garçon qui court dans la rue (pour : J’ai vu un garçon qui cou-
rait dans la rue)
Ici encore, et pour ce qui concerne la proposition relative, deux types de
connaissances sont en jeu : l’une est acquise (le pronom relatif, forme et
emploi), l’autre ne l’est pas (la concordance des temps, qui ne se fait pas en
arabe).
8. * Je lui le dis (pour : Je le lui dis)
Ce cas est un peu plus complexe puisqu’il met en jeu trois types de connais-
sances. Sont acquises, l’antéposition des pronoms et la construction indirecte du
verbe. Ne l’est pas encore la position respective des pronoms compléments.

3.5.5. Conclusion
Même une analyse aussi succincte montre qu’on peut distinguer différentes
catégories parmi les phénomènes que l’on regroupe habituellement sous le
terme générique d’interférence.
Certaines erreurs sont appelées « types » ou « directes » parce qu’elles appa-
raissent comme des calques de la langue maternelle de l’apprenant. Celles que
nous avons rapidement étudiées sont plus difficiles à déceler parce qu’elles ne
sont marquées que de façon indirecte de l’empreinte de cette langue maternelle.
Elles présentent un double intérêt :
– d’abord, il n’est jamais inutile de distinguer et de classer le plus précisément
possible les différents problèmes qui devront trouver une solution pédago-
gique ;
– ensuite, et sur le plan pédagogique proprement dit, la perception des phases
intermédiaires d’apprentissage doit permettre à l’enseignant d’adapter ses exer-
cices correctifs en tenant compte de l’acquis des élèves. En effet, la correction
ne suppose pas toujours de reprendre à zéro un apprentissage. Mais une éva-
luation correcte de l’acquis et du non acquis, une perception claire des
freins qui ont pu retarder l’appropriation totale d’une notion, d’une structure
ou de tout autre élément de la langue étrangère, permettent de cibler plus
précisément les exercices ou de recentrer une stratégie correcte, voire, si les
conditions d’enseignement le permettent, de la « personnaliser ».

58
C H A P I T R E

4
NORME ET VARIATION EN DIDACTIQUE
DU F.L.E. ET DU F.L.S.

Le point de vue que nous avons adopté au chapitre III est, finalement,
fondé sur une conception classique de la grammaire, qui suppose plus ou moins
qu’il y a de bonnes et de mauvaises façons de s’exprimer, ou pour employer un
vocabulaire plus « grammatical », des façons correctes et des façons incor-
rectes. Cette conception s’appuie largement sur la notion de norme. Mais il
existe un autre point de vue possible, selon lequel la langue a, en puissance, des
capacités de production de formes et de structures beaucoup plus variées que
celles qui sont généralement admises comme correctes. Or les réflexions de ce
courant linguistique, appelé « variationniste » n’ont peut-être pas suffisamment
été prises en compte par les didacticiens. Nous allons donc essayer, dans ce cha-
pitre, de voir quelle place les idées variationnistes pourraient tenir dans une
didactique rénovée de la grammaire.

4.1. Norme, registre, variation

4.1.1. Aperçu historique et idéologique


Il n’est peut être pas inutile de se demander, en préalable à cette analyse,
pourquoi les Français passent, parmi les peuples, pour être des plus attachés
non pas à une expression soignée, mais à une certaine image qu’ils se font de
leur langue. Du point de vue historique, on peut dire qu’on a assisté au cours
des derniers siècles à la mise en place progressive dans la conscience des Fran-
çais, et plus récemment des Francophones, d’une sorte de législation linguistique
non écrite fondée sur la prééminence de la langue littéraire. Ce parangon du

59
bien dire, d’ailleurs jamais réellement défini, mais concédé à la sensibilité des
gens cultivés, a pris la place de motivations d’ordre plus politique. En effet, au
XVIe siècle, les discours bien connus sur la défense et l’illustration de la langue
française visaient avant tout, même sous le couvert des Muses, à étendre le plus
possible le français sur tout le territoire en tant que langue du roi. Mais à cette
époque, le langage populaire, celui des campagnes et des Provinces, avait
vocation à enrichir cette langue qui, prenant conscience d’elle même, cherchait
des alliés naturels (« Que le gascon y aille si le français n’y va pas », disait Mon-
taigne). Au XVIIe siècle, le centralisme politique aidant, c’est « l’usage de la plus
saine partie de la cour » mais déjà aussi des écrivains qui fut pris pour modèle.
Mais au XVIIIe, les écrivains et les philosophes, ferments plus ou moins
conscients de la Révolution de 1789 qui a vu le triomphe de la bourgeoisie, ont
fini par ne plus reconnaître que leur propre manière de dire pour acceptable.
Près d’un siècle plus tard c’est essentiellement sur une orthographe et une gram-
maire extrêmement codifiées, et soi-disant copiées sur la langue des « bons
auteurs », que l’école publique a puissamment contribué à fonder un certain sen-
timent national et à dégager les élites républicaines. La mise en cause somme
toute très récente de cette façon de voir, puisqu’elle date du milieu de notre
siècle qui a vu le passage dans une partie du public, et par conséquent à l’école,
des prise de positions a-normatives des linguistes descriptifs, peut ainsi appa-
raître comme un des derniers avatars de la Révolution : la mise en cause de la
sorte de droit divin accordée à la langue littéraire marque en réalité la fin de la
prépondérance indiscutée d’un mode bourgeois d’expression.
Du point de vue idéologique donc la norme est l’expression d’un mythe
national fondateur. Et il est alors compréhensible qu’une nation historiquement
soudée autour d’une langue commune lui ait inconsciemment transmis cette exi-
gence de centralisation qu’elle a longtemps cru devoir s’imposer aussi dans son
expression politique. La récente réforme de l’orthographe, quasi avortée sous les
coups des conservatismes avoués ou non (la fracture est sur ce point loin de
passer entre ce qu’on appelle traditionnellement Droite et Gauche) et des inté-
rêts de journalistes auto-proclamés défenseurs de la langue en danger en est une
preuve supplémentaire. Car la confusion entretenue dans le public entre la
langue et le code écrit contribue fortement au maintien du mythe linguistique.
Et on ne touche pas impunément aux mythes et aux symboles qui les mani-
festent.

4.1.2. L’oral et l’écrit


Car de cette histoire tout imprégnée de littérature, il était fatal que le code
écrit prît peu à peu dans les esprits la place de la langue même, alors qu’il n’en
est qu’une des pratiques. Mais une pratique socialement magnifiée, et non
sans raisons objectives tant ses qualités sont grandes. L’écrit, compris ici glo-
balement et sous réserve évidemment de ses propres variations internes au sein
de l’ensemble des manifestations scripturales de la langue 1, a donc engendré sa

1. DABÈNE M., 1990.

60
norme qui est d’autant plus coercitive que ses utilisateurs, en situation com-
municative par essence in absentia, sont privés des moyens de régulation de
communication non linguistiques dont ils disposent à l’oral.
De son côté « lorsqu’il n’est pas reconnu comme essentiellement différent de
l’écrit, dans ses fonctionnements linguistiques et discursifs, l’oral est toujours
appréhendé comme une version inférieure » 1. Cette façon de n’accorder à l’oral
qu’une valeur basse fait des locuteurs inhabiles ou malhabiles à l’écrit des
locuteurs de seconde zone : si force est de reconnaître que certaines choses se
disent, au moins ne s’écrivent-elles pas. Cette sorte de diglossie dans laquelle
l’écrit a valeur acrolectale n’est pourtant pas propre au français. Elle est encore
plus forte pour certaines langues. Ainsi en arabe, seules les variétés écrites de la
langue, coranique surtout mais aussi moderne, sont reconnues comme correctes
par la majorité des arabophones. La langue quotidienne, dans toutes ses varié-
tés dialectales, est réputée sans grammaire, et indigne d’être écrite. Même en
Tunisie, pays où les prises de position favorables à l’arabe dialectal tunisien
furent les plus nombreuses, les autorités qui s’y essayèrent ne parvinrent jamais
à imposer la variété nationale face à l’arabe classique. Mais dans l’ensemble du
Maghreb, le choix de la variété haute de la langue arabe comme langue de l’ex-
pression scolaire pose encore aujourd’hui de graves problèmes d’enseignement
et d’apprentissage des matières véhiculées et, partant, contribue sans aucun
doute aux taux élevés d’exclusion précoce des cursus scolaires.

4.1.3. La norme
On peut dire, du point de vue sociolinguistique, que chaque groupe social,
de quelque taille qu’il soit, construit son propre mode de communication lin-
guistique ; il se définit ainsi lui-même en tant que groupe par les interactions
entre ceux qui partagent ce mode particulier. Un individu, parce qu’il peut
appartenir à plusieurs groupes à la fois, qu’ils soient imbriqués ou non les uns
aux autres, est donc susceptible de faire appel, quand il parle, à plusieurs sys-
tèmes mentalement référenciés et hiérarchisés, qu’on peut appeler normes.
Comprise de cette manière, la norme est une notion, dont chaque locuteur peut
éprouver plus ou moins nettement l’existence réelle.
Du point de vue grammatical en revanche, la norme n’est pas une notion
mais un véritable concept, une abstraction, construite comme on l’a vu sur un
système de représentations sociales. Elle est une image construite et déformée
par idéalisation des usages linguistiques des groupes dominants. Elle est par
conséquent impossible à atteindre par quelque locuteur que ce soit.
Du point de vue pédagogique enfin, le rôle traditionnellement dévolu à la
grammaire est de fixer ce qui est correct ou non, c’est-à-dire finalement ce qui
est digne d’être enseigné et ce qui est digne d’être enseigné c’est, traditionnel-
lement encore, la norme à partir de laquelle il n’y a pas de variation mais des

1. GADET et LUREAU, 1993.

61
erreurs voire même des fautes 1, terme qui ressortit au registre éthique ou reli-
gieux. Or l’éthique républicaine se forge avant tout à l’école publique. L’école
joue alors un rôle de légitimation sociale qui n’est pas sans influencer en
retour le système linguistique. Car, comme le rappelle J. Filiolet 2, une « volonté
d’imposer une variété légitime (terme de Bourdieu) au sein de l’appareil éducatif
tend à uniformiser les usages linguistiques. (…), tout ce qui échappe à cette légi-
timité est rapidement considéré comme marqué, puis baptisé incorrect, avant
d’être associé à l’idée de faute ». Cette variété légitime, « ensemble des injonc-
tions énoncées par le discours normatif officiel, notamment scolaire » est appe-
lée norme prescriptive, et « l’appropriation par l’individu de la norme prescrip-
tive » est appelée norme subjective 3. Mais, s’il est utile de ne pas se laisser abuser
par les discours prescriptifs, (et on voit qu’aujourd’hui, démystifiés, ils n’abusent
plus que ceux qui veulent bien l’être) il ne faut pas non plus tomber dans l’ex-
cès inverse et oublier, comme le rappellent avec bon sens D. Baggioni et
B. Py, que « la norme assure l’intercompréhension entre toutes les personnes
censées être concernées par un discours (ou un ensemble de discours) donné ».
Et cela ne peut pas être sans conséquences didactiques : on y reviendra. Mais du
point de vue communicatif, de deux choses l’une : ou bien le locuteur qui ne se
conforme pas à la norme qu’on attend de lui est censé la connaître tout de
même, et alors son discours est interprété comme un refus de suivre cette
norme, et donc comme un positionnement face au groupe de référence ; ou
bien il n’utilise que la norme qu’il connaît, et dans ce cas son discours est inter-
prété comme déficitaire.

4.1.4. Les registres de langue


La notion de registre de langue est fondée sur celle de norme, à partir de
laquelle s’ordonnent de façon hiérarchisée des niveaux jugés positivement ou
négativement. Employer le terme de registre laisse penser qu’il existe de véri-
tables solutions de continuité entre les divers emplois du système linguistique,
ce que contredisent, on le verra, les théories de la variation. Un locuteur éduqué
est censé posséder un registre socialement valorisé, qui doit lui permettre,
selon l’adage qui veut que qui peut le plus peut le moins, de faire face à toutes
les situations de communication et de baliser fortement sa situation sociale dans
tous les cas de figure.
D’autre part, comme l’indique C. Vargas 4, les registres légitimes sont les
registres légitimés par l’école. Ce sont les registres soutenu, courant et familier.
Les autres ne sont pas légitimes : ce sont les registres « populaire, argotique,
etc. que l’école a toujours eu pour mission de censurer ». Il faut de plus, dit-il,
ajouter à cela des « variétés qui fonctionnent dans des instances discursives

1. COMBETTES et LAGARDE, 1982.


2. FILIOLET, 1993.
3. BAGGIONI et PY, 1986.
4. VARGAS, 1988.

62
spécifiques : les discours juridique, technocratique, scientifique, etc. ». Mais
S. Eurin et M. Henao 1 ont bien montré à propos de ce qu’on appelle le français
sur objectifs spécifiques ou encore français de spécialité, question de grande
importance en F.L.E. aujourd’hui, qu’il faut le concevoir sous l’angle d’une
organisation discursive mais surtout didactique différentes. À ce titre ils ne
sont pas des registres de langue mais plutôt des utilisations spécifiques du sys-
tème, c’est à dire finalement des variations.

4.1.5. La variation
Tenants d’une ligne inverse à celle symbolisée par le couple norme/registre,
certains linguistes comme A. Berrendonner, M. Le Guern et G. Puech 2 pensent
qu’il est fondamental d’admettre la variation comme un principe d’organisation
linguistique. Si, avancent-ils, le linguiste « n’a pas à prédire l’apparition dans le
discours d’une variante libre car ce n’est pas là un phénomène conventionnel et
régulier », il peut en revanche « rendre compte comme d’un trait de structure
stable, non aléatoire, du fait qu’il existe à tel point du système un axe de varia-
tion dont les pôles sont (au moins partiellement) déterminés ». Et ils ajoutent :
« la variation même doit bel et bien être considérée comme une régularité. C’est
même un principe structurant pertinent, un mode d’organisation des sous-sys-
tèmes. »
La variation linguistique se fait sur plusieurs axes :
– En synchronie, il existe un axe de variation géographique : dans les régions
de français langue maternelle, ce sont les phénomènes appelés régiona-
lismes et de dialectalisation (qui est elle-même un processus dynamique et
donc aussi historique). Dans les régions où le français est langue étrangère, on
peut parler de véritables régionalismes francophones si le français est langue
seconde 3, mais on n’observe pas de variation créative durable si le français est
vraiment langue étrangère. En effet, en langue seconde, les locuteurs de fran-
çais se sont en quelque sorte plus ou moins approprié cette langue comme
une partie du répertoire linguistique national et ils ont donc sur elle, comme
dit S. Labou Tansi 4 un droit d’aménagement. Dans les régions où le français
est langue étrangère au contraire, les locuteurs ne ressentent aucune légitimité
créative : tout y est alors ressenti comme déviant plutôt que variant.
– En diachronie aussi il existe un axe de variation, bien décrit par la grammaire
historique. Dans cette perspective, l’évolution linguistique est un processus à
la fois social et individuel : en effet, à l’intérieur de chaque groupe humain, les
variations de l’usage propre à chaque individu, dans tel ou tel contexte, font
que l’individu est lui-même susceptible de générer un certain type de variété

1. EURIN et HENAO, 1992.


2. BERRENDONNER, LE GUERN et PUECH, 1983.
3. CUQ, 1991.
4. SONY LABOU TANSI, « Locataires de la même maison », entretien avec Michèle Zalessky, dans
Diagonales, n° 7, 1988, p. 4.

63
linguistique 1. Ces variations idiolectales, dont les résultats s’imposent ou
non dans l’usage du groupe social d’appartenance, sont les ferments de
l’évolution diachronique. Et chaque état synchronique est, en fait, constitué
d’éléments stabilisés par l’usage social et d’éléments déstabilisants individuels
mais consubstantiels au système linguistique lui-même.
Dans les deux cas l’écrit joue un rôle de frein et de régulateur. Ce phénomène
de stabilisation linguistique explique la plus grande sécurité que l’écrit procure
aux enseignants. En cas d’insécurité, ils ont toujours, pensent-ils, la possibilité
d’en référer à ces véritables « juges de paix » que sont les dictionnaires (c’est ou
ce n’est pas dans le dictionnaire) et les grammaires normatives. Mais l’écrit joue
aussi un fort rôle législateur. Tel terme, telle tournure employés par un auteur
reconnu seront du même coup légitimés. C’est donc dans les textes littéraires,
parangons de variation 2, que l’école va, traditionnellement, et même sans en
avoir toujours conscience, chercher les limites des variations autorisées.

4.2. Norme et variation en didactique du français

En fait, il semble que le problème de la position didactique face à la norme


et à la variation doive se poser en des termes assez différents dans les situations
d’enseignement du français comme langue maternelle, comme langue étrangère
et comme langue seconde.

4.2.1. Les situations de français langue maternelle


En français langue maternelle, il s’agit avant tout pour l’école de donner aux
enfants la maîtrise de la variété dominante de la langue, alors qu’ils manifestent
déjà la connaissance « d’une ou plusieurs variations minorées par la société ou
l’école » 3. C’est donc, d’une certaine manière, à une situation de diglossie qu’on
a affaire. La partie la plus importante, voire la totalité du répertoire verbal de
l’apprenant est déjà constituée de français. Le travail fondamental de l’enseignant
devrait donc être de deux ordres :
a) faire dégager peu à peu par l’apprenant, parmi ses savoirs initiaux et ceux
que l’école lui apporte, les éléments communs à toutes les variations obser-
vables : c’est la construction d’une grammaire fondamentale du français.
b) faire prendre conscience à l’apprenant des diverses valeurs communicatives
et sociales attachées aux variations : c’est la création d’une véritable
conscience communicative.

1. J’entends par variété le résultat observable du processus de variation.


2. On parle, il est vrai, plutôt de style en littérature ; mais le style est-il autre chose que l’usage opti-
misé des possibilités variationnelles du code ?
3. ROMIAN et TREIGNIER, 1985.

64
Cette position correspond assez bien au troisième mode de gestion de la
variation langagière que décrivent Romian, Marcellesi et Treignier 1 :
a) le mode de gestion normaliste : Il est fondé sur le refus de la variation. Son
but est d’inculquer à l’élève le code dominant. Les pratiques pédagogiques
qui en découlent sont celles de la correction, du modèle à imiter.
b) le mode de gestion anormaliste : Il est fondé sur le refus du code commun
et des normes objectives. Son but est de favoriser l’expression libre de l’ap-
prenant. Les pratiques pédagogiques qui en découlent sont le non-inter-
ventionnisme.
c) le mode de gestion plurinormaliste : « Il se fonde sur une reconnaissance,
une objectivation, une maîtrise des codes sociaux. » Les comportements
pédagogiques qui en découlent « visent la diversification et l’appropriation
des variations et normes des pratiques langagières, le maniement, l’analyse,
l’intégration des codes sociaux. »

4.2.2. Les situations de français langue étrangère


Il est relativement facile de reconnaître dans les méthodologies traditionnelles
et même dans les méthodologies structuro-globales audio-visuelles les traces du
mode de gestion normaliste et dans les méthodologies communicatives une ten-
dance à un mode de gestion anormaliste. Mais on doit constater qu’il n’existe
pas encore en français langue étrangère de méthodologie fondée sur un mode
plurinormaliste de la variation langagière. Il faut noter que ce qu’on pourrait
appeler le plurinormalisme serait une modélisation didactique qui tiendrait
compte du variationnisme linguistique mais ne serait pas le variationnisme au
sens strict. On n’a donc pas affaire à la transposition pure et simple d’un
concept d’une discipline à l’autre mais à sa recréation dans une perspective
autre, celle de l’enseignement et de l’apprentissage en classe de langue.
En effet, en français langue étrangère, on admet généralement que les situa-
tions de classe relèvent plutôt, mais pas exclusivement il est vrai 2, de l’ensei-
gnement/apprentissage que de l’acquisition. Et comme, malgré l’imposante lit-
térature qui existe aujourd’hui sur la question, on ne sait finalement pas grand
chose des processus d’acquisition, il n’est peut-être pas sans intérêt que la
recherche mette aussi l’accent sur des phénomènes plus observables, c’est-à-dire
sur les phénomènes directement liés à l’enseignement, ou, en d’autres termes,
à la transmission. Car, comme l’écrit Labov 3, « si nous acquérons une langue, il
va sans dire que les locuteurs dont nous l’avons acquise nous l’ont transmise.
On préfère normalement dire « les enfants ont acquis une langue » – processus
actif – plutôt que « la langue leur a été transmise ». » Or en classe de français

1. ROMIAN, MARCELLESI et TREIGNIER, 1985 b.


2. Cette distinction est commode pour l’exposé mais on doit évidemment y regarder de plus près
dès qu’il s’agit de décrire telle ou telle situation de classe. En particulier, les options méthodolo-
giques dominantes dans tel ou tel pays peuvent amener à nuancer ce propos.
3. LABOV, 1992.

65
langue étrangère, ce locuteur/transmetteur privilégié, sinon unique, c’est l’en-
seignant. C’est donc ce qu’il a à transmettre, et peut-être plus encore, l’image
qu’il se fait de ce qu’il a à transmettre qui est important : on voit ici combien est
fondamental, dans la formation des maîtres, la promotion de tout ce qui peut les
amener à prendre conscience de leur propre parler et de s’en faire une image
objective.
Mais quand on entre dans une situation de construction d’un bilinguisme, on
sait bien que le répertoire linguistique des apprenants débutants en langue étran-
gère n’est pas vide : il est déjà en général copieusement garni de savoirs et de
savoir-faire variés en langue maternelle. Si on peut donc, au moins dans un pre-
mier temps, se contenter d’une attitude minimaliste du point de vue de la
variation en langue étrangère, (de choisir d’enseigner ce qu’on appelle la
norme commune : par exemple la différenciation des voyelles i et u en français,
la place et l’accord des articles devant le nom…) il est fondamental de faire
prendre conscience à l’apprenant de ce qui distingue et parfois de ce qui rap-
proche les éléments du système linguistique cible du ou des autres systèmes lin-
guistiques qu’il pratique. Cela lui sera beaucoup plus facile s’il est habitué à des
démarches comparables en langue maternelle. On voit donc que les pratiques
signalées à propos du français langue maternelle, parce qu’elles favorisent
l’éveil d’une véritable conscience langagière, seront très profitables en classe de
langue étrangère.
D’autre part, le répertoire verbal des apprenants, contrairement à ce qui se
passe en français langue maternelle, n’étant pratiquement pas constitué de
français, il serait vraisemblablement peu rentable de tabler, au moins dans un
premier temps, sur la constitution par l’apprenant d’une grammaire fondamen-
tale du français par dégagement d’éléments linguistiques communs des réali-
sations pratiques observables. On pourra donc ne pas trouver mauvais que le
maître débute, comme il est de coutume, par la transmission d’une variété rela-
tivement proche de celle de l’écrit franco-normé. Mais il devra introduire, le plus
rapidement possible, des variantes linguistiques répertoriées en fonction des
situations de communication courantes ou prévisibles 1.
Pour l’oral, ces variantes linguistiques pourront être amenées par les supports
aujourd’hui bien connus en classe de langue que sont les documents sociaux :
enregistrements radiophoniques, télévisés, cinéma, etc. Dans cette perspec-
tive, le rôle de ces derniers n’est pas de distraire la classe d’une monotonie tou-
jours possible, mais surtout de servir de substitut aux variations que les élèves
de français langue maternelle apportent eux-mêmes dans la classe et de support
à leur étude. De ce point de vue encore, on aimerait voir dans les matériels
méthodologiques vendus dans le commerce, une meilleure prise en compte du

1. On notera sur ce point que les méthodes communicatives n’ont fait, au fond, que remplacer la
référence à la variété écrite par une référence à une oralité franco-normée, avec le handicap de ne
pas disposer, pour l’oral, de descriptions aussi exhaustives et fermement établies, malgré la qua-
lité de certains travaux, que celles dont on dispose pour l’écrit.

66
fait qu’un même locuteur a, dans la vie courante, recours à des variations lin-
guistiquement marquées et socialement significatives 1.
Pour l’écrit, l’enseignement de la littérature, ou plus exactement des textes lit-
téraires, à condition de n’être plus seulement conçu comme un but à atteindre
en fin de parcours mais aussi comme un moyen de sensibilisation à la variation
linguistique, pourrait bien à nouveau jouer un rôle éminent dans les appren-
tissages. Le texte littéraire, naguère encore objectif traditionnel d’un cursus
universitaire de langue mais aujourd’hui un peu délaissé, y compris à un
niveau avancé, pourrait en redevenir un des supports privilégiés si toutefois les
enseignants voulaient bien voir en lui une des variations possibles à l’intérieur
du mode scriptural qui l’englobe.

4.2.3. Les situations de français langue seconde


Bien qu’il soit toujours une langue de nature étrangère pour les apprenants et
qu’il partage donc avec le français langue étrangère le fait de faire entrer l’ap-
prenant dans une situation de construction d’un bilinguisme, le français langue
seconde partage aussi avec le français langue maternelle la nécessité d’une prise
en compte didactique de la valeur diglossique attachée aux diverses variations
observables par les apprenants. Il existe en effet le plus souvent, en plus du
maître, d’autres transmetteurs extérieurs, volontaires ou non. Aussi, quoique ce
point de vue soit loin d’être partagé par beaucoup, on pourrait trouver oppor-
tun de réhabiliter les variétés locales de français pour les faire entrer à l’école dès
le début des apprentissages et faciliter ainsi la prise d’une posture d’apprentis-
sage positive. Beaucoup de ces variétés commencent d’ailleurs à être bien
décrites aujourd’hui, surtout du point de vue lexical. La variété franco-normée
du français pourrait alors apparaître comme une variété francophone moins
contraignante et moins alourdie des connotations historiques qui ne sont pas
toujours favorables à son apprentissage.
Plutôt donc que d’enseigner qu’il existe du bon français, et ce n’est généra-
lement pas les variétés locales qui ont droit à ce label, l’objectif à atteindre dans
une perspective plurinormaliste en français langue seconde serait d’amener l’ap-
prenant à se poser à chaque fois la question : « quelle est la variété de français
légitime dans la situation particulière où je me trouve ? » et de l’aider à construire
peu à peu le savoir-faire linguistique adéquat.

1. On notera tout de même que des méthodes comme Libre Échange, et avant elle Archipel font
une place à la variation linguistique, et ce dès le niveau 1.

67
4.3. L’insertion de la variation en classe de langue :
pour un compromis éclairé
Examinons pour terminer quelle peut être la position pratique de l’enseignant
de langue étrangère par rapport à la variation : ce ne peut être qu’une position
de compromis éclairé. En effet l’idée de compromis ne veut pas dire le choix
d’une côte mal taillée entre des savoirs linguistiques théoriquement diversifiés,
car l’enseignant de langue n’est pas un enseignant de linguistique. Il ne s’agit
donc pas pour lui, rappelons-le, de transférer dans son enseignement des
notions linguistiques, fussent-elles de linguistique variationnelle. Mais il s’agit
d’éclairer son action enseignante par des connaissances linguistiques.
Ce compromis éclairé peut se manifester de trois manières non exclusives les
unes des autres :
– une attitude permissive, dans l’acceptation des variations qui se situent dans
les limites de la grammaticalité et de l’esprit du système (exclusion des pro-
ductions agrammaticales et des mélanges de normes) ;
– une attitude corrective, nécessairement, et d’abord en cas de franchissement
des fondamentaux du code, qui conduiraient à une communication non réus-
sie. Mais aussi, ultérieurement, en cas de choix erronés, dans une situation de
communication donnée, effectués par l’apprenant dans son répertoire verbal ;
– une attitude prescriptive, sans doute, mais il est alors nécessaire que l’ensei-
gnant ait lui-même conscience que sa norme n’est au fond que l’idée qu’il se
fait de la norme. Compte tenu des avancées des linguistes et des sociolin-
guistes dans ce domaine, cette prescription ne saurait être aveugle, mais résul-
ter du choix, parmi les variations possibles, d’enseigner prioritairement mais
non exclusivement celles qui apparaissent les plus proches de l’image projetée
la plus commune de la langue. Par exemple, et pour reprendre un exemple
donné par Berrendonner 1 : on sait bien que « celui que j’te cause » est pos-
sible en français, mais il vaut mieux enseigner « celui dont je te parle ». Si de
telles variantes ne doivent pas être hiérarchisées d’un strict point de vue lin-
guistique, elles ont néanmoins une valeur sociale que l’enseignant de langue
ne saurait passer sous silence. On touche ici à un autre rôle fondamental de
l’enseignant, le rôle évaluatif.
En effet, comme le rappelle Perrenoud 2, « notre pratique langagière ne
consiste pas seulement à parler et à écouter. Elle est aussi une évaluation
quasi permanente de ce qu’il faut, de ce qu’on peut, de ce qu’on doit dire dans
telle circonstance à tel interlocuteur ». Ce savoir-faire doit donc être développé
chez l’apprenant au même titre que les savoir-faire d’encodage et de décodage.
C’est à ce prix qu’on favorisera chez lui, plus encore qu’une habileté linguis-
tique, la naissance d’un véritable habitus langagier.

1. BERRENDONNER, 1988.
2. PERRENOUD, 1988.

68
C’est à ce niveau qu’intervient le concept didactique de coût de formation,
c’est-à-dire grosso modo le rapport qui existe entre le temps passé en interaction
avec l’apprenant et l’objectif d’enseignement 1. C’est en tenant compte du coût
de formation que l’enseignant est légitimement amené à faire des choix didac-
tiques qui peuvent se révéler différents de ses options linguistiques.
L’adoption généralisée d’un mode d’enseignement totalement ou partiellement
variationniste suppose aussi une refonte totale des modalités d’évaluation
externe (examens, concours…) et plus encore des mentalités. Par exemple cette
petite fille, en Allemagne 2, qui se fait reprendre et corriger par son enseignant
de français lorsqu’elle n’utilise pas « ne » en phrase négative. Ainsi, non seule-
ment « Je joue plus » n’est pas admis en classe, ce qu’on peut comprendre si on
s’en tient à la situation de communication qui peut exiger une structure com-
plète, mais encore est considéré comme fautif, et c’est pourtant ce qu’elle utilise
constamment avec ses petits cousins lors de ses vacances en France ! C’est un
problème tout à fait comparable que l’on rencontre dans les exemples de
phrases à simple ou double sujet que cite encore A. Berrendonner 3 : « Tout le
monde est content », « Il est content », « Tout le monde il est beau, tout le monde
il est gentil ». Or la question n’est évidemment pas de savoir si ces phrases sont
ou non du bon français 4. Mais chaque variation dit des choses différentes. Elle
dit ce qu’elle veut dire et aussi ce qu’elle ne veut pas forcément dire : la trace de
celui qui parle et l’idée qu’il se fait de son interlocuteur.
L’enseignant de langue étrangère n’a pas à choisir de façon tranchée entre
une attitude normative ou une attitude variationniste. Il doit en revanche être
conscient de l’éclairage linguistique qu’il donnera à ses options didactiques, qui
peuvent être tactiquement différentes selon les situations d’enseignement dans
lesquelles il se trouve.
Mais parole de linguistes n’est pas parole de didacticien, et l’enseignant ne
doit pas se tromper de rôle. Le rôle du linguiste est de décrire le champ du pos-
sible et d’en rendre compte. Le rôle de l’enseignant est de connaître ce possible,
d’accepter sa validité linguistique, mais de choisir ses priorités d’enseignement
tout en éveillant chez l’apprenant une conscience linguistique et une conscience
langagière qui passe par la connaissance des valeurs sociales attachées aux
variations. Mais cela ne saurait être possible que par le développement chez

1. Ce concept est comparable à celui qui a cours en théorie de l’information où il se définit par la
« dépense d’énergie nécessaire à la transmission d’une unité ou d’un message ». (R. GALISSON et
D. COSTE, op. cit., 1976.). En didactique, le coût de formation est la dépense d’énergie consentie
par la partie formante pour obtenir un progrès constatable de la partie formée.
2. Expérience contée à l’auteur.
3. BERRENDONNER, op. cit., 1988.
4. Cette conception repose sur l’idée linguistique, à mon avis erronée, qu’il existe un invariant
sémantique susceptible d’être réalisé différemment dans ces phrases comme dans tous les autres
cas de variation. Je tiens au contraire qu’à chaque réalisation linguistique correspond un signifié dif-
férent : de ce signifié, seule la partie dénotative peut éventuellement être stable.

69
l’apprenant d’une conscience de la valeur symbolique du langage. La justesse du
choix des signes linguistiques (compétence linguistique) est en effet assujettie à
une perception correcte des symboles qu’ils véhiculent et qui sont, eux, de
l’ordre de la compétence culturelle.

70
C H A P I T R E

5
LE MÉTALANGAGE GRAMMATICAL
ET LES EXERCICES

5.1. Le métalangage grammatical

De nombreux grammairiens ont fait à chaque siècle des propositions de réno-


vation de la terminologie grammaticale. Mais en réalité bien peu de ces pro-
positions sont entrées dans les faits et on constate une assez grande stabilité du
métalangage grammatical en français. On a vu au chapitre I que les propositions
terminologiques de linguistes comme Damourette et Pichon, Guillaume, voire
plus près de nous Culioli, ont gravement nui à la diffusion de leur œuvre hors
des cercles restreints de quelques spécialistes. Font toutefois exception les
apports de la grammaire scolaire de la deuxième moitié du XIXe et du début du
XXe siècle (complément d’attribution, d’objet second, d’agent…), qui, eux,
sont plus ou moins passés dans la culture grammaticale commune.

5.1.1. Le répertoire grammatical


Si on considère la classe comme un lieu de communication comme un
autre, il se peut que la part spécifique de cette communication soit, finalement,
l’activité métalinguistique. En effet, l’activité métalinguistique est propre à toute
situation de classe car, comme le dit Francine Cicurel 1 « l’apprenant parle
pour apprendre à parler ». Des activités aussi courantes qu’expliquer un terme
ou une démarche inconnus, relèvent de l’activité métalinguistique et supposent

1. CICUREL, 1985.

71
l’emploi de termes métalinguistiques. Ces termes peuvent appartenir au langage
courant (ex. : répéter, dire…), mais ils peuvent aussi être des termes spécialisés
(ex. : adjectif, subjonctif…), qui n’existent que dans le domaine linguistico-didac-
tique.
Mais la décision d’emploi d’une terminologie spécialisée (grammaticale)
relève d’un choix méthodologique, et on sait que certains courants méthodo-
logiques tentent de minimiser ces emplois autant que faire se peut. Or le dis-
cours grammatical, si on a choisi une méthodologie qui l’autorise pleinement, est
traditionnellement censé « aider l’apprenant à comprendre et utiliser la structure
étudiée » 1. Si on se place dans cette perspective, on voit qu’il est très important
d’utiliser un langage aussi compréhensible que possible par l’apprenant, et qui
ne soit pas trop coûteux en termes d’efforts à fournir pour l’utiliser de façon
opératoire. Francine Cicurel propose donc de tenir compte de ce qu’elle appelle
le patrimoine métalinguistique de l’apprenant, qu’on peut appeler aussi réper-
toire grammatical. Le répertoire grammatical peut être défini comme l’en-
semble, pour toutes les langues que l’apprenant connaît, des règles de fonc-
tionnement dont il a conscience et qu’il peut formuler à l’aide de règles
métalinguistiques.

5.1.2. L’hétérogénéité du répertoire grammatical des apprenants


et de l’enseignant
Pourtant, l’un des problèmes importants que rencontre l’enseignant de F.L.E
est l’hétérogénéité des terminologies grammaticales déjà expérimentées par
les apprenants car ceux-ci peuvent, pour expliciter tel ou tel élément de leur
répertoire grammatical quand le besoin s’en fait sentir, faire appel à divers
modèles métalinguistiques qui ne sont pas forcément ceux de l’enseignant.
Bien sûr, il existe, comme le rappelle Michel Maillard 2 un large fonds com-
mun dans les terminologies des pays d’Europe et du Maghreb. Ce fonds com-
mun (voir chapitre I) est dû essentiellement à l’héritage aristotélicien, qui est
« repérable dans la grammaire arabe comme dans la grammaire comparée
européenne, qu’elle soit romane ou germanique. » Mais il existe cependant de
très importantes discordances entre les différentes traditions. Un des exemples
qui illustre le plus clairement ces différences terminologiques est celui du mot
attribut qui désigne dans la tradition germanique ce que nous appellerions
adjectif épithète (attributives Adjektiv = adjectif épithète), c’est-à-dire une fonc-
tion secondaire, alors qu’il désigne chez nous une fonction au niveau des
termes principaux de la phrase. Comme le dit Michel Maillard, « quand on sait
le mal qu’ont les enseignants de français langue maternelle ou étrangère à faire
maîtriser par leurs apprenants la fonction attribut et la fonction épithète, on peut
se demander si un investissement aussi onéreux est bien rentable à l’échelle

1. CICUREL, ibidem.
2. MAILLARD, 1993.

72
européenne. Sur le « marché grammatical commun » de l’Europe des langues, il
y a là matière à négociation. »
Autre type de différence, la terminologie allemande classe les éléments plu-
tôt selon les critères formels de la déclinaison alors qu’au contraire, dans la ter-
minologie grammaticale arabe c’est le sémantisme qui paraît l’emporter. On voit
bien pour l’allemand que c’est la forme même de la langue à décrire qui a
influencé la terminologie, mais pour l’arabe, cela s’explique, selon Hend Bel-
hadj 1, par le fait que « cette langue n’a recours qu’à son propre fonds lexical
pour constituer sa terminologie. En effet, chaque racine utilisée en grammaire
arabe évoque inévitablement un sens précis qui ne concorde pas toujours
avec la réalité à laquelle on l’applique. Autrement dit, la transparence séman-
tique qui, dans certains cas, est certainement profitable, l’est beaucoup moins
dans d’autres. » Une partie du travail de l’enseignant ou du grammairien consiste
donc, dans ce cas, à « désémantiser » dans un premier temps dans l’esprit de ses
élèves les termes utilisés (c’est-à-dire, en quelque sorte, les déconnecter de leur
signifié non grammatical) avant de les « resémantiser » grammaticalement.
Encore nous en sommes-nous tenus à une aire géographique limitrophe. Mais
qu’en est-il avec des apprenants asiatiques par exemple ? On voit bien qu’une
harmonisation de la terminologie grammaticale à l’échelle de la planète sup-
poserait, en fait, résolue la question de l’existence d’une théorie opératoire de
linguistique générale, ce qui nous renvoie encore une fois à la question des rap-
ports entre la linguistique et la didactique.

5.1.3. Les principes de la terminologie grammaticale


Quels pourraient donc être les principes fondateurs d’une terminologie opé-
ratoire ? Soulignant la nécessité de l’existence d’une terminologie grammaticale,
Madeleine Briot 2 propose de reprendre complètement et de façon urgente la
nomenclature officielle française de 1975, qui provoque un grand malaise chez
beaucoup d’enseignants 3, selon des principes de cohérence, d’économie, de
hiérarchisation et de logique.
La cohérence, en particulier, mérite une attention toute particulière car, bien
qu’elle ne puisse être élaborée sans avoir en arrière plan un système théorique
dont elle traduira forcément les options, une terminologie grammaticale ne doit
pas être confondue avec un traité de grammaire. Cependant, comme le souligne
Denis Creissels 4, il est impératif qu’existe tout de même la plus grande cohé-
rence possible entre une terminologie et le système théorique qui lui est sous-

1. BELHADJ, 1993.
2. BRIOT, 1993. Ces principes sont ceux du groupe de recherche METAGRAM, du laboratoire LIDI-
LEM de l’Université de Grenoble.
3. C’est évidemment moins important pour les enseignants de FLE, qui ne sont pas soumis aux ins-
tructions officielles, mais on sait toute l’influence qu’exerce le modèle d’enseignement du FLM.
4. CREISSELS, 1993.

73
jacent. Une bonne terminologie grammaticale doit aussi, ajoute-t-il, s’efforcer
d’être le reflet d’un système de définitions qui se développent sans « cercle
vicieux » c’est-à-dire dans lequel « la définition d’une notion n1 ne comporte pas
de référence à une notion n2 dont la définition ferait elle-même référence à la
notion n1 ».
Malgré tout, refusant comme disait Georges Mounin, toute « fureur termino-
logique », Madeleine Briot met en garde contre le rêve irréaliste d’une termi-
nologie « totalement transparente et informative ». La terminologie grammaticale
doit être le produit de choix réalistes, qui ne soient pas « des démissions mais
des compromis raisonnables et raisonnés » : elle sera donc, qu’on le veuille ou
non, composite.
Une terminologie de compromis devrait donc être formée de trois types de
termes :
– des « termes techniques nouveaux quand il n’y a pas de termes anciens récu-
pérables ou réadaptables » (ex. : nouveaux concepts ou objets de la linguis-
tique contemporaine) ;
– des termes traditionnels qui « renvoient à des notions stables » et sont,
comme disaient Dubois et Laganne utilisables comme de « simples signes
conventionnels » ;
– des termes usuels, qui appartiennent à la langue courante.

5.1.4. La terminologie grammaticale


dans quelques méthodes françaises récentes : une place de choix !
Pour illustrer le comportement des enseignants de FLE face à la question com-
plexe que constitue l’utilisation du métalangage grammatical, examinons briè-
vement, et sous des angles différents, les choix qui ont été faits par les auteurs
français de quelques méthodes parmi les plus largement utilisées dans les
cours de langue française en France 1.

5.1.4.1. Le Nouveau Sans frontières 2


On trouve dans cette méthode un métalangage composite. Beaucoup de
termes utilisés sont en effet directement issus de la langue courante, alors que
des termes grammaticaux existent concurremment. Il s’agit parfois d’une simple
traduction quand sans doute le terme technique est jugé trop abscons. Ainsi par
exemple « les antonymes » sont-ils glosés par « le contraire des mots ». D’autres
fois c’est l’acte de langage qui est privilégié : « interroger » est préféré à « la

1. À l’étranger, ce sont les ouvrages locaux qui sont majoritairement utilisés. Il serait intéressant de
faire une étude comparative sur ce point.
2. P. DOMINIQUE, J. GIRARDET, M. et M. VERDELHAN : Le Nouveau Sans frontières 1, Clé Inter-
national, 1988. P. DOMINIQUE, J. GIRARDET, M. et M. VERDELHAN : Le Nouveau Sans frontières
2, Clé International, 1989. J. GIRARDET, J.-M. CRIDLIG, P. DOMINIQUE, Clé International : Le Nou-
veau Sans frontières 3, 1990.

74
phrase interrogative », « donner des ordres » est préféré à « l’impératif ». Cette
notion d’acte est d’ailleurs très élargie puisqu’on voit même « rapporter un dis-
cours » remplacer sans grande justification « le discours rapporté » ou « le discours
« indirect ». Parfois, il est vrai, la lexie utilisée ne coïncide pas exactement avec
la lexie grammaticale habituelle, mais plutôt avec une notion générale : ainsi « la
vision passive » est-elle plus large que la « voie passive » traditionnelle. Elle
regroupe en effet les structures « être + par » à sujet indéterminé (ex. : « Deux
mille logements ont été construits »), la transformation passive proprement
dite (ex. : « Le pilote a aperçu un objet lumineux – Un objet lumineux a été
aperçu par le pilote »), la forme pronominale (ex. : « La Tour Eiffel se voit bien
de la fenêtre de ma chambre »), et enfin la structure « faire (ou : se faire)
+ infinitif (ex. : « Il fait construire sa maison », « Elle s’est fait couper les che-
veux »).
L’autre partie de la terminologie est un métalangage grammatical spécifique.
Dès le début de la méthode, on trouve en effet le matériel métalinguistique de
base comme « article, verbe, pluriel » ou « féminin ». Petit à petit apparaît une
nomenclature grammaticale classique mais incomplète : « adjectif indéfini »
mais pas « attribut » ou « épithète », ni « agent » ou « antécédent », « auxiliaire » ou
« subordonnée ». Dans Le Nouveau Sans frontières 3, alors que la place réservée
à la grammaire proprement dite diminue au profit de la civilisation et de la lit-
térature, l’utilisation du métalangage spécifique est quasi systématique, même si
on constate finalement assez peu d’apports nouveaux (« adjectifs verbaux, sub-
jonctif imparfait et plus-que-parfait »).
Certaines lexies sont présentées d’abord par leur forme (ex. : « complément
direct, complément indirect »), puis selon leur sens (« complément d’objet ») mais
on ne trouve pas les lexies traditionnelles de « complément d’objet direct » ou
« indirect ». Enfin, certaines lexies sont délibérément arrangées. Ainsi « pronom
personnel » n’apparaît pas, mais on trouve « pronom » tout seul, car, avance-t-on
à juste titre, le pronom peut remplacer aussi bien des personnes que des êtres
animés ou des idées.

5.1.4.2. Libre Échange 1


Cette méthode n’hésite pas non plus à utiliser dès le début un lexique gram-
matical spécialisé. Voici celui qui est utilisé dans la première unité du niveau 1.

N.B. Les passages marqués par le symbole sont soulignés par moi.

1. J. COURTILLON, G.-D. de SALINS, Ch. GUYOT-CLÉMENT (part.) : Libre Échange 1, Hatier-


Didier, 1991 ; Libre Échange 2, 1991 et Libre Échange 3, 1993.

75
LIBRE ÉCHANGE 1, page 11

LIBRE ÉCHANGE 1, page 12

76
LIBRE ÉCHANGE 1, page 14

LIBRE ÉCHANGE 1, page 16

77
LIBRE ÉCHANGE 1, page 17

78
LIBRE ÉCHANGE 1, page 18

79
On remarque qu’à la fin de cette première unité l’apprenant a dû plus ou
moins mémoriser, ou a du moins déjà entendu les termes de : affirmation ;
article ; conjugaison ; grammaire ; groupe verbal ; impératif ; interrogation ; into-
nation ; mot interrogatif ; négation ; phrase ; phrase déclarative ; phrase inter-
rogative ; présent ; question ; règle ; verbe. Soit 17 items1. Dans le cahier de
l’élève, on retrouve une partie de ce lexique, auquel se rajoute registre de
langue.
Il est intéressant de comparer ce chiffre à celui qu’on pouvait observer dix ans
plus tôt dans la première leçon d’Archipel 2, dont l’un des auteurs, Janine
Courtillon, se trouve être aussi l’un des auteurs de Libre Échange.

ARCHIPEL 1, page 24 (haut)

1. On peut ajouter les termes usuels : comparez, complétez, découvrez, écoutez, écrivez, jouez,
observez, mettre une croix, retrouvez, transformez, vérifiez.
2. J. COURTILLON, S. RAILLARD : Archipel, Cours Credif, Didier, 1982.

80
ARCHIPEL, page 24 (bas)

Les termes utilisés sont : conjuguez ; grammaire ; forme négative ; fémi-


nin ; masculin. Soit 5 items. La comparaison avec Libre Échange donne donc
une proportion de 1 à 3.

5.1.4.3. Espaces 1
Pour terminer, voici la liste du métalangage grammatical employé dans les
trois volumes de la méthode Espaces. Cette méthode, qui se voulait lors de sa
publication en 1990 porteuse d’un « nouvel équilibre », en particulier par la réha-
bilitation de l’écrit en classe de langue, introduit, elle aussi dès la première leçon,
les activités grammaticales au moyen de tableaux et d’exercices, qui sont com-
plétés et synthétisés, en fin d’ouvrage, par un précis grammatical. On verra que
cette liste (qui comprend près de 200 items !), utilise de manière très large une
nomenclature très traditionnelle, qu’on pourrait par exemple mettre en regard de

1. G. CAPELLE, F. GIDON : Espaces, Hachette, 1990.

81
celle qu’on retrouve dans la Grammaire du français, publiée par le même édi-
teur 1. En tout cas, un apprenant qui aurait suivi l’ensemble de la méthode, et
qui aurait assimilé toutes les notions présentées aurait acquis une connaissance
non négligeable de la grammaire française !
N.B. : les chiffres entre parenthèses désignent le niveau de la méthode où
l’item a été repéré.
Accord (1.2.) ; Acte de parole (1) ; Adjectif (1.2.3) ; Adjectif démonstratif
(1) ; Adjectif indéfini (3) ; Adjectif interrogatif (1) ; Adjectif ordinal (1) ; Adjec-
tif possessif (1) ; Adjectif qualificatif (1.3) ; Adjectif quantificateur (1) ; Adverbe
(3) ; Adverbe d’intensité (2.3) ; Adverbe de manière (2.3) ; Adverbe de temps (2) ;
Adverbe interrogatif (3) ; Affirmatif (2) ; Agent (3) ; Alphabet (1) ; Article défini
(1.3) ; Article indéfini (1.3) ; article partitif (1) ; Articulateur (3) ; Attribut (1) ;
Auxiliaire (1.2.3) ; But (1.2.3) ; Cause (1.2.3) ; Circonstanciels (3) ; Compa-
raison (1.3) ; C.O.D (1.2) ; Comparatif (2.3) ; C.O.I (1) ; Complément (2.3) ;
Complément de phrase (1) ; Complément de but (1) ; Complément de lieu (1) ;
Complément de manière (1) ; Complément de temps (1) ; Concession (2.3) ;
Condition (2.3) ; Conditionnel (2.3) ; Conditionnel passé (2) ; Conjonction
(2.3) ; Conjonction de but (2) ; Conjonction de concession (2) ; Conjonction de
condition (2) ; Conjonction de coordination (3) ; Conjonction de temps (2) ;
Conjugaison (1.2) ; Conséquence (1.2.3) ; Consonne (1) ; Coordination (1.3) ;
Discours direct (2.3) ; Discours indirect (3) ; Énoncé (3) ; Féminin (1) ; Fonction
(3) ; Formes irrégulières (2) ; Forme passive (2) ; Formes verbales (3) ; Futur
(1.2.3) ; Futur antérieur (2) ; Futur proche (1) ; Genre (1) ; Gérondif (2) ;
Groupe (1) ; Groupe nominal (2) ; Groupe verbal (2) ; Hypothèse (2.3) ; Impar-
fait (1.2.3) ; Impératif (3) ; Indéfini (2) ; Indicatif (1.2.3) ; Infinitif (1.2.3) ; Inter-
rogatif (2) ; Interrogation (1) ; Interrogation indirecte (2.3) ; Invariable (2) ;
Inversion (1) ; Irrégularité (2) ; Juxtaposition (3) ; Lexique (1.2.3) ; Lieu (2) ;
Locution adverbiale (3) ; Majuscule (3) ; Manière (3) ; Masculin (1) ; Modali-
sation (3) ; Mode (1.2.3) ; Mots (1.2.3) ; Mots de liaison (3) ; Moyen (2) ; Néga-
tion (1.2.3) ; Négation restrictive (2) ; Nom (1.2.3) ; Nominalisation (3) ; Objet
de l’action (3) ; Objet direct (3) ; Objet indirect (3) ; Orthographe (2.3) ; Parti-
cipe passé (1.2.3) ; Participe présent (2.3) ; Passé composé 1.2.3) ; Passé récent
(1) ; Passé simple (2.3) ; Passif (2) ; Phrase (1.2.3) ; Phrase complexe (2) ;
Phrase exclamative (1) ; Phrase impérative (1) ; Phrase interrogative (1) ; Phrase
négative (1) ; Pluriel (1.2) ; Plus que parfait (2.3) ; Ponctuation (1) ; Postériorité
(3) ; Préfixation (2) ; Prédicat (1) ; Préposition (2.3) ; Présent (1.3) ; Pronom
(1.2.3) ; Pronom démonstratif (1) ; Pronom indéfini (2.3) ; Pronom interroga-
tif (1) ; Pronom personnel (1.2.3) ; Pronom possessif (2.3) ; Pronom relatif
(2.3) ; Proposition (3) ; Proposition infinitive (2) ; Proposition principale (3) ; Pro-
position subordonnée (3) ; Radical (1.2) ; Registre (2) ; Restriction (1.2) ; Sens
réciproque (1) ; Sens réfléchi (1) ; Simultanéité (3) ; Singulier (1.2) ; Subjonctif

1. Voir chapitre 6, p. 116.

82
(1.2.3) ; Subordination (1) ; Suffixation (2) ; Suffixe (2) ; Sujet (1.2.3) ; Super-
latif (2.3) ; Syllabe (2) ; Temps (2) ; Temps composé (2) ; Temps du passé (3) ;
Thème (3) ; Terminaison (1.2.3) ; Texte (2) ; Verbe (1.2.3) ; Verbe de mouvement
(1.2) ; Verbe impersonnel (1) ; Verbe irrégulier (1) ; Verbe passif (3) ; Verbe
principal (2) ; Verbe pronominal (1.2) ; Verbe transitif (2) ; Voix active (2) ; Voix
passive (2) ; Voyelle (1.3).

5.2. Les exercices de grammaire

5.2.1. Généralités
Parmi les activités métalinguistiques, il en est une qui a pris une place si
importante en classe de langue (tant maternelle qu’étrangère) qu’elle a fini par
s’imposer comme un de ses piliers, c’est l’exercice, et plus particulièrement
l’exercice de grammaire.
Pour le F.L.M., André Chervel 1 a montré que les exercices de grammaire
apparaissent au début du XIXe siècle, donc somme toute assez récemment, avec
les grammairiens Noël et Chapsal. Ils doivent servir à apprendre la grammaire et
l’orthographe. Si l’exercice de grammaire est une pratique scolaire relativement
récente en F.L.M., il l’est plus encore en langues vivantes, en France tout au
moins, puisque ce sont les Instructions Officielles de 1908 qui ont remis
l’apprentissage du latin et du grec comme modèles pour l’apprentissage de ces
dernières. Or suivant ce modèle, on le sait, la description de la langue prend
une place prépondérante par rapport à la pratique même de la langue. Il s’agit
donc plutôt, en fait, d’acquérir des connaissances métalinguistiques que des
connaissances linguistiques proprement dites.
Quoi qu’il en soit, l’exercice de grammaire reste plus spécifiquement lié à la
classe de F.L.M. En effet, dans la classe de F.L.E. ou de F.L.S., sa place, comme
nous l’avons vu pour le métalangage, dépend de la place que la méthode choi-
sie fait à la grammaire. Il a donc pu y avoir pour l’exercice une place variable
suivant les époques. Cette place dépend aussi du lieu d’apprentissage du
F.L.E., et de la culture grammaticale qui y prévaut.
De façon générale l’exercice, comme le rappelle Gérard Vigner 2 « implique
l’existence d’un objectif pédagogique précis. L’activité est intentionnellement
finalisée et délimitée dans sa portée. Elle prend la forme d’un travail méthodique
sur la langue ».

1. CHERVEL, 1977.
2. VIGNER, 1984.

83
Ce n’est pas une activité neutre car elle dépend de pré-supposés didactiques
(choix théoriques et méthodologiques) et, en premier lieu, psychologiques.
Du point de vue des théories de l’apprentissage (type béhavioriste), on
admet généralement qu’il est nécessaire que le sujet procède à un certain
nombre de répétitions qui doivent créer une habitude, un automatisme. Cette
conception est à la base de la plupart des exercices. L’exercice est alors conçu
comme une application d’une leçon.
On a vu au chapitre I que les théories générativistes n’ont guère eu de pro-
longement en F.L.E. Leur pré-supposé innéiste n’a donc pas fourni beaucoup de
types d’exercices, à l’exception notable des analyses en constituants immédiats,
symbolisés par les fameux « arbres », qui ont, à vrai dire surtout été proposés en
F.L.M.
Du point de vue du constructivisme piagétien, l’exercice est plutôt conçu
comme la proposition d’hypothèses et leur confrontation à un modèle linguis-
tique et communicatif. L’exercice et la leçon ne se distinguent alors plus vrai-
ment, et deviennent, plus globalement, une série d’activités.

5.2.2. Typologies des exercices


On dispose aujourd’hui de plusieurs typologies d’exercices, dont la plus
récente est peut-être celle de Pierre Lamailloux, Marie-Hélène Arnaud et Robert
Jeannard 1. Ces auteurs proposent une typologie générale des exercices en
classe de français. Ils les classent en deux grandes catégories, qui contiennent
elles-mêmes des sous-catégories.
1. des exercices de compréhension : textes lacunaires, questionnaires à choix
multiples, puzzles…
2. les exercices d’expression : matrices de textes, reformulations et réécri-
tures…
Cette typologie, intéressante mais un peu sommaire dans son principe
binaire, ne concerne pas spécifiquement les exercices de grammaire mais elle les
englobe.
Mais, comme c’est en grammaire que la formalisation semble la plus facile,
c’est la grammaire qui a traditionnellement fourni le plus d’exercices, surtout en
morpho-syntaxe. L’exercice, en effet, permet une évaluation simple et rapide. Il
porte sur un problème bien délimité. Il sert le plus souvent (mais pas seulement,
on le verra) à appliquer les règles vues dans une leçon, à contrôler les acquis et
à évaluer.
Pour la grammaire en classe de F.L.M. (primaire et secondaire), Jacqueline
Bastuji 2 a proposé une typologie dont voici la partie qui concerne le « travail
demandé » aux élèves :

1. LAMAILLOUX, ARNAUD, JEANNARD, 1993.


2. BASTUJI, 1977.

84
1. Étiquetage d’une classe ou d’une fonction (…).
2. Analyse d’une phrase par découpage manuel, coloriage de constituants,
construction d’un « arbre ».
3. Classement des types de phrase par énumération ordonnée/tableaux à
double entrée/diagrammes de Venn.
4. Reconstitution de phrases dont les constituants sont donnés dans le désordre.
5. Exercices « à trous » (…).
6. Correction de phrases fautives (avec ou sans modèle).
7. Manipulations sur les phrases, avec une ou plusieurs consignes, et un
modèle donné ou à trouver (…).
8. Invention de phrases (…).
9. Exercices sur l’oral ou sur la relation oral/écrit (…).
Beaucoup de ces exercices sont en effet des grands classiques de l’école fran-
çaise. Les catégories 1 et 2 correspondent aux analyses grammaticale (les mots)
et logique (les parties de la phrase). Le type 6, peut-être le plus ancien, vient des
anciennes « cacographies » du début du XIXe siècle. Quant aux types 8 et 9, qui
trouvent des correspondances respectives dans la rédaction et la dictée, ils
dépassent en partie le cadre strict de la grammaire.
En 1984, Gérard Vigner 1 distinguait à son tour quatre types d’exercices :
– les exercices de systématisation, qui visent à « assurer la maîtrise d’une pra-
tique par sa réitération » ;
– les exercices d’acquisition, qui s’appliquent en lecture, en expression écrite
par exemple « où la notion d’apport préalable des connaissances ou de des-
cription d’un comportement à imiter n’a pas grande signification. ;
– les exercices de manipulation, qui, par démarche inductive, « peuvent débou-
cher sur une réflexion à portée plus générale » ;
– les exercices de contrôle ou de tests.
Cette typologie n’est pas tout à fait satisfaisante pour deux raisons. La pre-
mière est qu’on peut trouver des exercices d’acquisition qui soient fondés sur
le principe de systématisation. La seconde est que ces quatre séries ne sont
en réalité pas sur le même plan : tester, acquérir, contrôler sont des moments
pédagogiques où peuvent certes s’utiliser des exercices, mais on peut par
exemple à chaque fois utiliser le principe de manipulation.
Enfin, plus sensible aux acquis de la grammaire de texte et des études sur l’in-
teraction, Robert Bouchard donnait à son tour 2, en 1985, non pas une véritable
typologie d’exercices mais une série « d’activités visant à améliorer la maîtrise par
les élèves des mécanismes d’assemblage de phrases ». Il proposait en effet de
distinguer entre « exercice » et « activité », c’est-à-dire de faire passer les élèves à
des pratiques « où ce n’est pas l’usage de la langue qui est en jeu mais son
emploi, c’est-à-dire son utilisation à des fins de communication. » Plus encore,

1. VIGNER, op. cit.


2. BOUCHARD, 1985.

85
c’est à de véritables « tâches » qu’il souhaitait atteler les apprenants, « c’est-à-dire
à des activités qui ne soient pas seulement communicativement vraisemblables,
mais qui soient interactionnellement justifiées dans la communauté où elles se
déroulent, groupes d’élèves, classes, établissements. » Aux exercices connus de
reconstruction (puzzles simples ou doubles, phrases intruses, textes à trous plus
ou moins grands, textes à coquilles) il ajoutait des exercices dits « de textuali-
sation », dans lesquels on travaille l’aspect cohésif des textes (reconstitution des
connecteurs temporels ou logiques, substitutions ou ellipses, et, directement ins-
pirés de Bernard Combettes, exercices de progression thématique). Enfin, il pro-
posait comme exemples de tâches, des activités contextualisées de passage de
prises de notes (lectures ou conférences) à un texte rédigé, ou inversement de
comptes rendus résumés : l’exercice devient alors « une activité scripturale
véritable, utile scolairement et professionnellement ».

5.2.3. Les grandes catégories d’exercices grammaticaux


Voyons maintenant trois grandes catégories d’exercices grammaticaux, ou
d’activités grammaticales qui correspondent à des pré-supposés didactiques très
différents.

5.2.3.1. Les exercices structuraux


C’est le type le plus connu d’exercice grammatical. Il correspond à l’époque
de la vogue de la psychologie béhavioriste et, même si on a pu douter d’une
filiation directe de l’une à l’autre, de la linguistique structurale. L’avantage de
l’exercice structural est d’être très économique en métalangage et d’éviter à l’en-
seignant d’être obligé d’expliquer les règles. L’exercice structural est conçu de
telle sorte qu’il y ait une seule réponse possible. La probabilité de « mau-
vaise » réponse doit être réduite au maximum. Les exercices structuraux se clas-
sent en exercices de répétition, de substitution et de transformation.

5.2.3.2. Les exercices de conceptualisation


Pour Henri Besse 1 « conceptualiser » c’est réfléchir sur le fonctionnement
grammatical de la langue cible. L’apprenant doit avoir « la liberté d’exprimer
comme il l’entend et par les moyens qu’il peut (langue maternelle, langue
étrangère, schémas, dessins…) la manière dont il comprend le fonctionne-
ment des données de la langue étrangère qu’il est en train d’acquérir, à un
moment de son apprentissage. » Cet exercice, ou plutôt cette activité gramma-
ticale d’inspiration constructiviste, fait donc une grande place à l’activité méta-
linguistique. Il consiste finalement à faire dire aux apprenants comment ils se
représentent un micro-système grammatical donné à étudier.

1. BESSE, 1977.

86
5.2.3.3. La « nouvelle classe de grammaire »
C’est sous ce titre que Danièle Bouix-Leeman 1 propose à son tour une
démarche d’activités grammaticales plutôt que d’exercices proprement dits.
Voici comment elle décrit la démarche qu’elle propose :
– « Travail individuel : que puis-je dire sur cette leçon ? sur ces exercices ?
(Cette réflexion personnelle peut se faire à la maison : l’enfant lit les textes
prévus et note ses remarques.)
– Travail de groupe : les élèves réunis en classe par équipes de trois ou quatre
comparent leurs remarques. (C’est une nouvelle occasion de revenir sur la
leçon et les exercices qui, triturés dans tous les sens, finiront par être quasi-
ment sus par cœur. Chacun note les trouvailles des autres, complétant ainsi sa
propre liste.)
– Exposé des groupes : chaque équipe s’installe au bureau du professeur
(légitimation symbolique !), indique quels sont les résultats de l’échange
précédent, écrit au tableau les principaux arguments ou projette le transparent
préparé en commun, répond aux questions ou aux critiques, ce qui lui per-
met d’affiner sa propre démonstration.
Les élèves sont tous maintenant en possession de l’ensemble des informations
rassemblées par la classe ; ils peuvent en rédiger une synthèse. »
Danièle Bouix-Leeman suggère aussi de comparer la même leçon (ex. : l’in-
terrogation) dans plusieurs manuels. L’idée générale est que les élèves n’ont pas
forcément besoin de règles stables mais qu’il est au contraire plus intéressant de
les faire discuter par une « manipulation critique ».
Cette démarche, qui n’est pas fondamentalement différente de celle que
proposait Henri Besse, est très formatrice et fait échapper l’activité grammaticale
à son aspect mécanique qui est bien souvent perçu comme rebutant. Rejoignant
une méthodologie plus générale et utilisable dans d’autres disciplines d’obser-
vation, elle rend à la grammaire son aspect éducatif en ce qu’elle encourage la
réflexion individuelle et collective et la prise de distance envers les vérités
livresques. Son inconvénient majeur est bien entendu qu’elle est très peu éco-
nome en temps, ce qui ne la rend pas possible à tout coup dans les conditions
courantes d’enseignement. Bien qu’elle soit conçue pour la classe de français
langue maternelle, cette démarche peut également être utilisée en F.L.E., en for-
mation évidemment, mais aussi avec des niveaux intermédiaires et avancés.

5.2.4. Les exercices grammaticaux dans quelques méthodes françaises récentes :


les progrès de la démarche par conceptualisation
On constate dans plusieurs méthodes de FLE récentes que les principes de
conceptualisation grammaticale ont désormais conquis une place privilégiée, sur-
tout au niveau 1.

1. BOUIX-LEEMAN, 1993, p. 33.

87
5.2.4.1. Libre Échange
Ainsi dans Libre Échange, chaque unité comprend tout de suite après la situa-
tion une rubrique intitulée « Découvrez les règles ». Elle permet, par méthode
inductive, d’amener l’apprenant à formuler lui-même sa règle de grammaire.
Cette rubrique est prolongée par des exercices de réemploi et d’application ainsi
que par les rubriques « manières de dire » et « à vous de parler » qui incitent à un
réemploi libre par un canevas de jeux de rôles. Les exercices d’évaluation
sont proposés au niveau 1 dans la rubrique « vérifiez vos connaissances ». Au
niveau 3 en revanche, les exercices de grammaire ne sont pratiquement plus
destinés qu’à vérifier le degré d’acquisition des micro-systèmes linguistiques par
les apprenants et sont réunis dans la rubrique « entraînement ». Mais on y trouve
également des exercices d’entraînement à l’organisation textuelle qui préparent
à la rédaction.

LIBRE ÉCHANGE, page 129

88
LIBRE ÉCHANGE 2, page 152

89
LIBRE ÉCHANGE 2, page 153

LIBRE ÉCHANGE 3, page 166

90
LIBRE ÉCHANGE 3, page 191

5.2.4.2 Mosaïque
Dans Mosaïque aussi 1, le niveau 1 adopte franchement une méthode par
conceptualisation. La première étape est une activité de repérage à partir d’un
support écrit ou oral. Puis une mise en commun des éléments repérés permet
de faire naître dans le groupe classe une sorte de représentation grammaticale
provisoire du micro-système étudié. La phase suivante est une phase de clas-
sement, qui permet de proposer une formalisation acceptable. La vérification des
conclusions se fait dans la rubrique « apprenez », présentée sous forme de petits
tableaux synthétiques. Enfin la rubrique « entraînez-vous » est destinée à la
mémorisation. Cependant, comme dans Libre Échange, les exercices de réem-
ploi ne sont pas de simples exercices structuraux mais sont insérés dans des acti-
vités d’entraînement à l’oral ou à l’écrit.
Toutefois, l’essentiel des exercices grammaticaux se trouve dans le cahier
d’exercices qui accompagne la méthode, et qui est destiné à aider l’apprenant à
systématiser après la classe les acquis de la leçon. On constate, comme c’est
généralement le cas dans la plupart des livrets d’accompagnement, que la
typologie en est plus classique : exercices à trous, avec ou sans liste de
contrôle, et exercices de transformation en forment l’essentiel.

1. B. JOB : Mosaïque, Clé International,

91
MOSAÏQUE 2, page 50

92
MOSAÏQUE 1, page 50

MOSAÏQUE 1, page 29 (haut)

93
MOSAÏQUE 1, page 29 (bas)

MOSAÏQUE 2, page 72

94
MOSAÏQUE 2, page 49

5.2.4.3. Le Nouvel Espaces1


Les exercices, dans Le Nouvel Espaces, sont en cohérence avec l’idée de la
grammaire que laisse voir le métalangage utilisé dans la méthode. On constate
une évolution entre le niveau 1 et le niveau 3 : les exercices de réemploi, de
transformation et les exercices à trous, très nombreux, cèdent peu à peu la place
à des exercices qui servent moins à apporter de nouvelles connaissances qu’à
vérifier celles qui ont déjà été acquises, mais aussi à des exercices qui favorisent
davantage la réflexion et la créativité. De même, les exercices oraux sont peu à
peu dépassés par les exercices écrits. Dans Espaces 3 les exercices sont regrou-
pés dans une rubrique « grammaire » où ils sont toujours précédés par la pré-
sentation de règles ou de tableaux. En revanche, dans Le Nouvel Espaces 1 et 2,
règles, tableaux et exercices sont mêlés.

1. G. CAPELLE, F. GIDON : Le Nouvel Espaces, Hachette, 1995.

95
LE NOUVEL ESPACES 1, page 94

96
LE NOUVEL ESPACES 1, page 51

97
LE NOUVEL ESPACES 2, page 91

98
LE NOUVEL ESPACES 2, page 44

99
ESPACES 3, page 121

100
ESPACES 3, page 52

101
102
C H A P I T R E

6
FAUT-IL ENSEIGNER LA GRAMMAIRE EN CLASSE DE LANGUE ?
QUELLE GRAMMAIRE CHOISIR ?

6.1. Faut-il enseigner la grammaire


en classe de langue ?
La réponse à cette question tient naturellement à ce que l’on entend par
« enseigner la grammaire ». En effet, si plus personne ne soutient sérieusement
aujourd’hui qu’il est nécessaire de passer par l’apprentissage d’une description
grammaticale aussi complète que possible pour apprendre correctement une
langue (méthodologie grammaire – traduction et grammaire traditionnelle ;
méthodologie structuro-globale et linguistique structurale), l’idée, d’autre part,
qu’on peut se passer totalement de formalisation grammaticale (méthodologie
communicative et grammaire notionnelle) se heurte à des constatations fortes
d’insuffisance de résultats, notamment à l’écrit.
On peut penser que ce qui doit être, rejeté, au moins en fonction des
niveaux, c’est faire un objectif didactique d’une possession in fine par l’appre-
nant d’une nomenclature grammaticale traditionnelle, plus ou moins justifiée ou
justifiable, voire même d’une nomenclature rénovée (voir chapitre V). Pour illus-
trer cela, je déplacerai un peu le propos de Louis Porcher qui rappelait 1 cette
comparaison : concentrer ses efforts sur la linguistique dans l’enseignement des
langues, ce serait comme si, « pour apprendre à conduire on enseignait essen-
tiellement la mécanique, mais les gens qui veulent conduire leur auto ne se sou-
cient guère de la mécanique, cela ne leur paraît pas lié, il faut leur montrer en
quoi cela peut l’être. De même que la conduite n’est pas une application de la

1. PORCHER : « Sociologie des auto-apprentissages », Les Cahiers de l’ASDIFLE, 2, 1990, pp. 34-48.

103
mécanique, la maîtrise d’une langue ne saurait être une application de la lin-
guistique (le moteur) ni de la littérature (la carrosserie). » Et Porcher concluait à
juste titre : « Le problème que cela pose est un problème didactique, c’est-à-dire
qu’il nécessite la création d’un appareil conceptuel propre. »
Mais d’autre part, on a vu au chapitre V que l’activité métalinguistique est très
importante en situation d’apprentissage guidé. L’utilisation d’un métalangage
grammatical, si elle est conçue comme un moyen de faciliter l’apprentissage et
non comme un objectif d’apprentissage reste donc sans doute un outil de pre-
mière force en classe de langue.
Pourtant cette contradiction n’est qu’apparente. Ce qu’il faut sans doute,
c’est promouvoir aussitôt que possible chez l’apprenant l’idée qu’il lui est
nécessaire de développer une conscience grammaticale (aussi proche que
possible de celle que permettrait une description fine du système linguistique
donné comme objet). Cette conscience grammaticale doit s’appuyer sur une
méthodologie de conceptualisation grammaticale. Cela suppose tout un travail
sur le développement de véritables réflexes de manipulations linguistiques
(liées prioritairement aux opérations de base : déplacement, commutation,
insertion, et, quand la situation didactique s’y prête (voir chapitre III), compa-
raison). Ce travail incombe, quand il n’est pas trop tard pour développer ce
parallélisme, conjointement au professeur de langue maternelle et au professeur
de langue étrangère. Naturellement, ces manipulations linguistiques s’accom-
pagneront de l’utilisation d’un métalangage grammatical cohérent et si possible
réutilisable d’une langue à l’autre.
On voit donc que, dans ces conditions, il est difficile de proposer un ensei-
gnement de la grammaire, car on ne peut enseigner qu’un savoir pré-construit.
Enseigner la grammaire en classe de langue, c’est se tromper d’objectif car cela
revient, d’une façon ou d’une autre, à enseigner une linguistique.
Ce qu’il faut au contraire, si on s’appuie sur la définition du mot grammaire
donnée au chapitre II, c’est promouvoir en classe de langue le développement
chez l’apprenant d’un véritable processus heuristique, plutôt que l’apprentissage
d’une théorie grammaticale, si intéressante fût-elle. C’est donc plutôt pour un
enseignement grammatical des langues, c’est-à-dire un enseignement qui utilise,
quand c’est possible ou nécessaire, le raisonnement grammatical, qu’on peut
plaider.
Un enseignement grammatical des langues étrangères bien mené passera par
la prise en compte de ces principes chez chacun des acteurs de la classe :
– Il est de mon intérêt d’apprenant de construire ma grammaire, c’est-à-dire de
structurer la représentation et la connaissance que j’ai du fonctionnement de
la langue.
– Il est de mon intérêt d’enseignant d’aider l’apprenant à construire sa gram-
maire, c’est-à-dire contrôler ses hypothèses, l’aider à les (re-)formuler par une
comparaison a posteriori avec des modèles fournis par les linguistes.
On voit bien par là qu’il ne s’agit pas de transférer un modèle mais d’y réfé-
rer dans une véritable perspective didactique.

104
6.2. Quelle grammaire choisir ?

6.2.1. Typologie des grammaires : grammaires de reference


et grammaires d’apprentissage. Grammaires de FLM et grammaires de FLE
6.2.1.1. Grammaires de référence
et grammaires d’apprentissage
Quand il s’agit d’ouvrage de grammaire, la différence entre « référence » et
« apprentissage » peut paraître à première vue assez claire. Pourtant il est parfois
bien difficile, même pour un auteur chevronné, de départager concrètement
parmi les objectifs qu’on assigne à une grammaire. Ainsi par exemple, l’auteur
de la récente Grammaire du sens et de l’expression 1, Patrick Charaudeau 2, dis-
tingue-t-il dans un premier temps deux types de grammaires : les grammaires de
« décryptage », qu’il présente comme orientées « vers le repérage et l’identifica-
tion des formes (unités morphologiques et parties du discours), et vers les méca-
nismes de combinaison de ces formes (syntaxe, (…))» et les grammaires « de
construction du sens », qu’il voit orientées « vers la description des mécanismes
de reconnaissance et de construction des enjeux de sens qui sont contenus dans
tout acte de communication. » Il accorde comme « justification didactique » aux
grammaires du premier type l’apprentissage de la lecture, de l’orthographe et des
« formes d’une langue étrangère », et aux grammaires du second type d’« amé-
liorer la compétence d’expression des élèves en leur faisant manipuler le langage
en fonction d’une finalité communicative ». Pour ce qui concerne son propre
ouvrage, et tout en admettant la complémentarité des deux types « dans leur uti-
lisation pédagogique », c’est une grammaire du second type qu’il déclare avoir
tenté d’élaborer. Et pourtant, quand on lui demande si son livre est une « gram-
maire pédagogique ou une grammaire de référence », il répond malgré le fait
que cette question lui paraisse ambiguë, qu’il a « essayé de faire un ouvrage de
référence ».
Tout cela n’est en fait ni totalement contradictoire ni totalement clair. Mais la
clarté ne viendra, répétons-le, que si on replace, comme on l’a fait au chapitre
II, le concept de grammaire dans l’ensemble des concepts didactiques, parmi les-
quels celui de langue.
Pour un didacticien en effet, une langue n’est pas comme pour un linguiste
un ensemble de signes abstraits dont il s’agit de décrire la cohérence. C’est un
objet d’enseignement et d’apprentissage. Dans une définition de type linguis-
tique, la distinction entre une grammaire de FLM et une grammaire de FLE n’a

1. Hachette, 1992. Cette grammaire est sans doute destinée à exercer dans les années 90 une
influence aussi considérable que celle qu’a exercée la Grammaire Larousse du français contem-
porain depuis une vingtaine d’années.
2. Le Français dans le Monde, n° 258, juillet 1993, pp. 48-51.

105
donc aucun sens, puisque le FLE, au sens linguistique du terme, n’existe pas. Au
contraire, si on se place du point de vue didactique, on voit que l’objet langue
française prend un éclairage tout différent lorsqu’il s’agit de l’enseigner (ou de
le faire apprendre) à un parleur natif, étranger ou second.
C’est à ce moment-là qu’il devrait devenir méthodologiquement indispensable
de choisir entre une grammaire toute faite, c’est-à-dire une grammaire à
apprendre, et une grammaire à construire, c’est-à-dire une « grammaire d’ap-
prentissage » 1.
Dans le premier cas, c’est bien à une grammaire de référence qu’il faut
faire appel. Il faut alors distinguer entre les grammaires qui peuvent servir de
référence pour le maître et les grammaires qui peuvent servir de référence pour
l’apprenant.
Eu égard au degré supposé de connaissance de la langue par les maîtres qui
enseignent à des parleurs natifs ou étrangers, leurs ouvrages de référence peu-
vent être les mêmes : par exemple, la Grammaire Larousse du français contem-
porain, de Chevalier, Arrivé, Blanche-Benveniste et Peytard, la Grammaire
du français classique et moderne, de Wagner et Pinchon, la Grammaire textuelle
du français, de Weinrich, Le bon usage, de Grevisse 2, la Grammaire du sens et
de l’expression, de Charaudeau, ou d’autres encore. Dans bien des endroits, mal-
heureusement, on est loin de voir chaque maître posséder, ou même pouvoir
consulter facilement au moins un de ces ouvrages, ou un ouvrage du même
type. Parfois, seul le livre du maître de la méthode utilisée fait office de gram-
maire ; parfois même il n’y a rien.
Les grammaires qui peuvent servir de référence aux apprenants sont plus dif-
ficiles à cerner. Il peut s’agir des précédentes, si les apprenants sont d’un
niveau avancé : il s’agira pour eux de vérifier des connaissances déjà acquises
ou de les consolider. Il s’agit en revanche d’ouvrages spécifiques si les appre-
nants sont à un niveau intermédiaire ou quasi initial. On constate alors, en situa-
tion de FLM, que du CE1 à la fin de la 3e, les ouvrages de grammaires sont
d’une part d’une répétitivité consternante quant à leurs contenus, ce qui peut
contribuer au rejet que font certains élèves de cette discipline, et d’autre part
qu’elles sont toujours constituées d’une partie d’exercices, c’est-à-dire « péda-
gogique » et d’une partie référentielle, sous forme de tableaux, de résumés ou de
leçons. Il n’y a donc pas de grammaire de référence pure, à l’exception du Code
du français courant, d’Henry Bonnard, chez Magnard, mais qui s’adresse aux
classes de Lycée, c’est-à-dire à un moment où l’on est censé avoir déjà appris la
grammaire. Quoi qu’il en soit, dans tous les cas, il s’agit d’apprendre une
grammaire déjà constituée.

1. Cette expression n’est pas à entendre ici comme plus ou moins synonyme des stratégies que
l’apprenant met en œuvre dans l’apprentissage d’une langue, mais plus simplement comme
ouvrage d’aide à la formation chez l’apprenant d’une conscience grammaticale de la langue à
apprendre.
2. Qui dira un jour l’influence considérable qu’exerce toujours Grevisse sur les professeurs de fran-
çais langue étrangère, particulièrement hors de France ?

106
Pour le public qu’il vise comme pour sa démarche il faut mettre à part de tous
ces ouvrages La Grammaire de Joëlle Gardes-Tamine 1. Ce livre se présente
comme une grammaire descriptive, destinée aux étudiants de lettres du premier
cycle des Universités, mais aussi aux étudiants qui préparent les concours de
recrutement au professorat et aux enseignants des établissements primaires et
secondaires. Mais ce précis, écrit l’auteur, « ne sera utile que si on accepte de
s’en servir activement, c’est-à-dire crayon en main ». Ce qui fait la grande ori-
ginalité de sa méthode, c’est que chaque chapitre propose en effet, étroitement
mêlée à la réflexion synthétique, une série d’exercices de manipulations lin-
guistiques qui sont suivis de leur corrigé. Mais il s’agit tout autant, malgré son
titre, d’un ouvrage d’initiation à la linguistique française qu’à la grammaire
proprement dite.

6.2.1.2. Dans les préfaces de quelques grammaires de F.L.E.


Mais force est de constater qu’en situation de FLE, les grammaires dont
nous disposons sur le marché sont plus ambiguës. Certaines confusions épis-
témologiques, déjà évoquées dans ce livre, n’y sont sans doute pas étrangères,
mais il faut aussi y voir les contraintes du monde éditorial qui ne sont ni
minces, ni, il est vrai, sans aucune justification. À l’exception des livres d’exer-
cices qui peuvent être plus centrés sur tel ou tel niveau, comme les 350 exer-
cices de grammaire, chez Hachette, ou L’exercisier des Presses Universitaires de
Grenoble, les ouvrages de grammaire s’adressent à un public plus global,
apprenants de niveau au moins intermédiaire ou avancé et enseignants. Aucune
d’entre elles n’est prévue pour des débutants. Or, répétons-le, si grammaire d’ap-
prentissage a un sens, c’est bien dans la mise en place de réflexes linguistiques
dès le début des apprentissages si on le juge méthodologiquement utile, mais en
tout cas pour apprendre la langue, qu’on peut le justifier. Sinon, il s’agit bien
d’apprentissage de la grammaire, pour apprendre la grammaire, et c’est tout dif-
férent. Malheureusement, malgré parfois leurs objectifs proclamés, les gram-
maires de FLE proposent toutes, comme les grammaires de FLM, la découverte
d’un savoir pré-construit, à partager avec les natifs éduqués : la grammaire du
français.
À titre d’exemples, même si on n’ignore pas que préfaces et avant-propos ont
généralement autant pour objectif d’accrocher le lecteur potentiel que de
décrire réellement le contenu des livres, nous allons rapidement parcourir les
préfaces de quelques ouvrages assez récents 2.
– Le français au présent 3 : cette grammaire « s’adresse aux étrangers qui
souhaitent compléter leur connaissance du français par une étude plus

1. Armand Colin, 1988.


2. Il va de soi qu’un parcours aussi rapide sera forcément très partiel, et donc partial puis-
qu’orienté vers l’illustration d’un point de vue un peu polémique. Il pourra donc apparaître
comme quelque peu injuste pour des ouvrages qui sont loin d’être sans mérites dans ce qu’ils se
proposent d’être. Le lecteur pourra utilement élaborer sa propre opinion sur ces grammaires (et sur
d’autres) en utilisant la grille de lecture et d’évaluation proposée à la fin de ce chapitre.
3. Annie MONNERIE, Didier-Hatier, 1987.

107
systématique des faits de langue » et se propose comme un « complément »
aux méthodes qui permet de « résoudre des problèmes apparaissant aux
divers stades de l’apprentissage ». Elle se veut à la fois « descriptive » et « ana-
lyse les effets de sens ». Toutefois, c’est seulement dans un cahier d’exercices
associé à la grammaire que se trouvent les activités de découverte des phé-
nomènes, de vérification de leur fonctionnement et d’application. L’ouvrage
peut donc être utilisé tel quel, comme un donné et non comme une construc-
tion. Bien qu’elle ne soit donc pas une grammaire d’apprentissage, cette gram-
maire est accessible à un apprenant qui a atteint un niveau de semi-débutant.
– Grammaire vivante du français 1 : elle « s’adresse à des apprenants d’un
niveau moyen ou confirmé » qui pourront y trouver « la réponse à une ques-
tion précise », « comprendre les mécanismes qui expliquent les formes utilisées
dans l’expression » « enrichir ou affiner leur compétence linguistique » : il s’agit
donc d’une grammaire de référence, descriptive et explicative. Et on trouve à
la fin de l’avant-propos ce paragraphe très explicite : « (…) le livre de gram-
maire (…) regroupe, structure, explique : ainsi la réflexion a posteriori (c’est
moi qui souligne) permettra à l’apprenant de mieux mémoriser, de mieux
interpréter les emplois des formes déjà apprises, ou qui apparaîtront dans les
documents oraux et écrits auxquels il sera exposé. » Cette grammaire est sans
doute la plus complète et la plus systématique des grammaires de FLE. C’est
également la seule qui aborde l’élaboration du texte et ne reste donc pas seu-
lement au niveau de la phrase. La préface paraît juste quand elle annonce
qu’elle convient effectivement bien à des étudiants avancés. Elle peut aussi
servir de grammaire de référence pour le maître, mais elle est peut-être un
peu difficile pour des étudiants de niveau moyen, surtout s’ils ne sont pas très
familiers de linguistique.
– Modes d’emploi, grammaire utile du français 2 : l’ouvrage est aussi prévu pour
un niveau intermédiaire ou avancé. Il veut apporter « des informations qui
n’apparaissent pas dans les grammaires traditionnelles (notamment au niveau
de la communication et du sens des mots) ». Il se propose comme : « une
grammaire de référence », « une grammaire de la communication », « une gram-
maire qui prend en compte le sens », mais aussi comme « une grammaire d’ap-
prentissage », avec cette explication : « l’apprenant peut y trouver tout au long
de son apprentissage, des explications regroupées de façon synthétique
autour de grands thèmes ». Son originalité réside essentiellement dans sa
conception en deux parties : la première relie les modes d’expressions aux
objectifs de communication les plus immédiats (ex. : demander un rensei-
gnement, exprimer son accord ou son désaccord,…). La seconde est plutôt
notionnelle (ex. : quantifier, se situer dans le temps). Cette grammaire accom-
pagne donc très bien les méthodes d’enseignement dites communicatives.
Un peu déroutante peut-être pour un apprenant habitué à des entrées

1. Monique CALLAMAND, Larousse, 1987.


2. Évelyne BÉRARD et Christian LAVENNE, Hatier, 1989.

108
grammaticales plus classiques qu’il peut toutefois retrouver facilement grâce
à l’index, elle représente, dès le niveau intermédiaire, un compromis inté-
ressant.
– Grammaire du français, cours de civilisation française de la Sorbonne 1 : elle
s’efforce « de privilégier ce qui est nécessaire à une bonne maîtrise du français,
tant dans le choix des faits de langue (…) que dans le contenu et le niveau
des explications grammaticales. » Les auteurs décrivent chaque chapitre
« comme un cours dans lequel les éléments de la langue les plus simples ou
les plus courants sont étudiés en priorité. Viennent ensuite les constructions
plus complexes, plus nuancées, d’un maniement plus subtil. » Paradoxalement,
cette grammaire, qui est la plus récente des quatre grammaires déjà citées, et
qui s’adresse à des apprenants « à partir de la deuxième année de cours », est
la seule à ne pas se présenter explicitement comme une grammaire d’ap-
prentissage. Elle est aussi la plus traditionnelle dans sa conception comme
dans sa terminologie puisque c’est, affirme l’avant-propos, « celle que com-
prend le mieux la majorité des étudiants. » Elle peut convenir à des ensei-
gnants peu au fait de la linguistique moderne.
– Grammaire progressive du français 2 : c’est l’ouvrage le plus récent qui se
donne comme une grammaire de FLE. En réalité, et malgré le titre, il s’agit
d’un ouvrage hybride, qui pourrait aussi se classer dans la série des livres
d’exercices évoqués plus haut. On trouve en effet, sur la page de gauche une
« unité » linguistique », et sur la page de droite des exercices d’application pra-
tiques. Sa préface le décrit comme une « grammaire pédagogique », une
« grammaire d’apprentissage par étapes », qui « peut s’utiliser en complément
d’une méthode ou plus ponctuellement pour étudier une difficulté particu-
lière ». Son principal intérêt est le niveau d’apprentissage qu’il vise. En effet,
il se destine courageusement aux apprenants de niveau faux-débutant ou
intermédiaire, ce qui le rapproche du début de l’apprentissage de la langue,
mais n’en fait pas pour autant le « guide d’auto-apprentissage » qu’il ambi-
tionne d’être.

6.2.2. Choisir et évaluer une grammaire française : une grille de lecture 3


« Quelle grammaire choisir ? » « Comment la choisir ? » parfois même : « Quelle
est à votre avis la meilleure actuellement sur le marché ? » Voilà des questions qui
reviennent souvent dans la bouche des enseignants lors des sessions ou des
stages de formation. Or on sait qu’il est toujours de bonne méthode en forma-
tion de donner des éléments pour que le questionneur élabore lui-même sa

1. Y. DELATOUR, D. JENNEPIN, M. LÉON-DUFOUR, A. MATTLÉ et B. TEYSSIER, Hachette, 1991.


2. Maïa GRÉGOIRE et Odile THIÉVENAZ, Clé international, 1995.
3. La grille qui est présentée ici est le résultat du travail effectué dans le séminaire de français
langue étrangère du DEA de Sciences du Langage de l’Université Stendhal-Grenoble-3. Y ont acti-
vement participé les étudiants des années 1991-92 et 1992-93. Elle a été publiée dans les Travaux
de Didactique du français Langue Étrangère, n° 30, 1993, Université de Montpellier, pp. 79-88.

109
réponse. Mais, s’il existe de nombreux outils de présentation et éventuellement
d’évaluation et de critique des méthodes d’enseignement du français langue
étrangère, il n’existe pas d’outil comparable dont puissent se servir efficacement
les enseignants de FLE pour ce qui concerne le domaine grammatical. Voici
donc un outil aussi simple que possible, mais qui rassemble les paramètres indis-
pensables à prendre en compte au moment de choisir une grammaire. Cet outil
se présente sous la forme d’une grille. C’est que, malgré les nombreuses critiques
qu’on peut leur faire, les grilles apparaissent pourtant comme une sorte de
moindre mal.
Une grille en effet est toujours réductrice : il y a immanquablement des
aspects que tel ou tel utilisateur aurait aimé voir figurer et qu’il n’y trouve pas ;
la forme des réponses laisse souvent peu de place à la nuance ; celle des
questions peut laisser passer une dose non négligeable d’ambiguïté ou de
subjectivité.
Mais si elle est conçue comme une aide à la lecture, qui ne dispense pas
ensuite d’une réflexion plus élaborée, la grille peut se révéler précieuse. Par le
regard synoptique qu’elle donne sur l’ouvrage étudié, par l’assistance à la prise
des notes nécessaires, elle permet une certaine objectivité dans le choix.
La grille qui est présentée ici est donc, comme toute grille, le résultat de divers
compromis. Elle se veut avant tout pratique et d’utilisation souple : il n’est pas
indispensable d’en remplir toutes les rubriques, des places ont été conservées
pour d’éventuelles prises de notes plus élaborées (remarques…), et on peut bien
entendu la compléter par des rubriques qui lui feraient éventuellement défaut
dans telle ou telle situation particulière d’utilisation.
Elle ne prétend pas avoir éradiqué toute subjectivité dans ses critères. Par
exemple, une typographie qui paraîtra claire à tel utilisateur le sera moins
pour tel autre (partie 2 : présentation). Mais choisir n’est-il pas en partie
prendre conscience sa subjectivité ? Elle essaie en revanche d’objectiviser le plus
possible ce qui peut l’être.
Elle tente donc de décrire, c’est-à-dire, de présenter (partie 1 : fiche signalé-
tique, partie 3 : organisation), et enfin de faire réfléchir à la mise en œuvre des
paramètres plus proprement linguistiques ou méthodologiques (partie 4 : objec-
tifs explicites, partie 5 : références théoriques).
L’utilisateur est ainsi amené, dans un temps relativement bref, à construire une
image cohérente de l’objet qu’il a sous les yeux et, éventuellement, à la com-
parer avec d’autres. Cette fiche de lecture devient ainsi une fiche d’évaluation
comparative. Le choix d’un ouvrage grammatical peut alors s’effectuer en pri-
vilégiant tel ou tel paramètre en fonction de la situation d’enseignement réelle
du lecteur et de ses besoins propres 1.

1. Cette grille peut être utilisée individuellement. Mais la partie 5 (références théoriques), qui néces-
site un niveau relativement élevé de compétences grammaticales et méthodologiques, peut éven-
tuellement poser quelques problèmes à des enseignants moins bien formés. Une lecture collective,
mettant en commun les compétences d’une équipe d’enseignants, est alors recommandée.

110
GRILLE D’ANALYSE DE GRAMMAIRE

1. FICHE SIGNALÉTIQUE

1. 1 - Titre : ..........................................................................

1. 2 - Sous titre : ....................................................................

1. 3 - Auteurs : ......................................................................

1. 4 - Éditeur : .......................................................................

1. 5. - Lieu d’édition : ...............................................................


re
1. 6 - Année de la 1 édition : ....................................................

1. 7. - Numéro de l’édition : ........................................................

1. 8. - Année de l’exemplaire : .....................................................

1. 9 - Nombre de volumes de la grammaire : ....................................

1.10 - Nombre de pages : ..........................................................

1.11. - Format : .......................................................................

1.12. - Prix : ..........................................................................

1.13. - Compléments : ...............................................................

– Livrets d’exercices : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
– Livret(s) de correction : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
– Livret(s) méthodologique(s) (livre du maître) : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
– Matériel complémentaire : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

2. PRÉSENTATION

2.1 Couverture :
brochée □ cartonnée □

2.2 Lisibilité
2.2.1 - Clarté des titres 0 1 2 3
Clarté des textes 0 1 2 3
2.2.2 - Qualité de la mise en page 0 1 2 3
2.2.3 - Illustrations 0 1 2 3
Quantité 0 1 2 3
Photos 0 1 2 3
Bandes dessinées 0 1 2 3

111
Dessins 0 1 2 3
Couleurs 0 1 2 3
Adaptées au texte 0 1 2 3
Adaptées au public 0 1 2 3
Intérêt pédagogique 0 1 2 3
2.2.4 - Schématisation
Tableaux : oui □ non □
Schémas : oui □ non □
Pictogrammes : oui □ non □
Remarques : ...........................................................................

..........................................................................................

..........................................................................................

3. STRUCTURE DE L’OUVRAGE

3.1 - Préface oui □ non □


3.2 - Avant-propos oui □ non □
3.3 - Table des matières oui □ non □
3.4 - Bibliographie oui □ non □
3.5 - Index oui □ non □
– Thématique oui □ non □
– Des noms oui □ non □
3.6 - Appendice oui □ non □

Si oui, lequel ..........................................................................

..........................................................................................

Remarques : ...........................................................................

..........................................................................................

..........................................................................................

112
4. OBJECTIFS EXPLICITES
4.1. - Situations didactiques
4.1.1 - Grammaire de référence
Pour l’enseignant : oui □ non □
Pour l’apprenant : oui □ non □
4.1.2 - Grammaire d’apprentissage : oui □ non □
Scolaire : oui □ non □
Guidée : oui □ non □
Autodidactique : oui □ non □
4.1.3 - Grammaire en rapport étroit avec une méthode de langue identifiée
ou pas :
oui □ non □
Si oui, laquelle : ......................................................................

..........................................................................................

4.2 - Public
La langue décrite
Langue Langue
est Indifférent
maternelle étrangère
Par rapport à

Enseignant

Apprenant

Pays spécifique : ......................................................................

Si oui, lequel : ........................................................................

..........................................................................................

– Âge : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
– Niveau : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
– Langue maternelle : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
La langue maternelle est-elle utilisée : oui □ non □
Est-il établi des comparaisons avec la langue maternelle de l’apprenant :
oui □ non □

4.3 - Objectifs linguistiques :


– S’agit-il d’une grammaire de :
Langue orale : oui □ non □
Langue écrite : oui □ non □

113
– Y est-il fait mention de :
Registre de langue : oui □ non □
Situation de communication : oui □ non □
Remarques : ...........................................................................

..........................................................................................

..........................................................................................

5. RÉFÉRENCES THÉORIQUES
5.1 - Linguistiques
Y a-t-il une (des) théorie(s) linguistique(s) revendiquée(s) ?
oui □ non □
Si oui laquelle (lesquelles) : .........................................................

..........................................................................................

Si non, peut-on la (les) identifier dans le manuel : ...............................

..........................................................................................

En cas de pluralité sont-elles compatibles entre elles ? 0 1 2 3

5.2 - Méthodologiques
Y a-t-il un (des) courant(s) didactique(s) explicitement revendiqué(s) ?
Si oui, lequel (lesquels) : ............................................................

..........................................................................................

Si non, peut-on le (les) retrouver dans le manuel : ...............................

..........................................................................................

5.3 - Synthèse
Les courants didactiques et les théories linguistiques 0 1 2 3
sont-ils compatibles entre eux ?

5.4 - Métalangage
Adapté au public 0 1 2 3
Cohérent avec les théories linguistiques 0 1 2 3
Cohérent avec les méthodologies 0 1 2 3
Remarques : ...........................................................................

..........................................................................................

..........................................................................................

114
ANNEXE

LISTE CHRONOLOGIQUE DES OUVRAGES GRAMMATICAUX


DE F.L.E. PARUS EN FRANCE DEPUIS 1968 1

1. Grammaire pratique du français d’aujourd’hui, langue parlée, langue


écrite : MAUGER G., Hachette, 1968.
2. L’expression française écrite et orale : ABBADIE CH., CHOVELON B., MOR-
SEL M.-H., P.U.G., f.l.e.m., 1974, 2e éd. 1985, 3e éd. 1993.
3. Grammaire française : LOISEAU R., Hachette, Outils, 1976.
4. Qu’en dira-t-on ? Du discours direct au discours rapporté : GAUVENET
H., MOIRAND S., COURTILLON-LECLERCQ J., Didier-CREDIF, 1976.
5. Formes structurales du français : BOY M., Hachette-Larousse, Le Français
dans le Monde-BELC, 1978.
6. Grammaire de base : CAPELLE G., FRÉROT J.-L., 1979
7. Grammaire française de base : DE SMET A., MOSSU R., THIESSEN E., COL-
PAERT G., VAN POTTELBERGE H., Didier-Hatier, Feu Vert, 1981.
8. Présent, Passé, Futur : ABRY D., CHALARON M.-L., VAN EIBERGEN J.,
Publications de l’Université des Langues et Lettres de Grenoble, 1981.
9. Des temps, des verbes, des poèmes : CHALARON M.-L., Publications de l’Uni-
versité des Langues et Lettres de Grenoble, 1982.
10. C’est facile à dire ! : CAPELLE G., GRELLET F., Hatier F.L.E., 1982.

1. L’essentiel de cette liste est emprunté à Isabelle Gruca : Les textes littéraires dans l’enseignement
du français langue étrangère : Étude de didactique comparée, tome 3, Grenoble, 1993.

115
11. Série Premiers exercices de grammaire : DUPRÉ-LATOUR S., DE SALINS G.,
Hatier, 1983
Nouveaux exercices de grammaire, 1985.
Exercices de grammaire : perfectionnement, 1988.
12. Série Grammaire simplifiée : JOB B., MIS B., PISSAVY A.-M., Clé Interna-
tional, Comment dire ?, 1986.
Exercices de grammaire 1. : JOB B., MIS B., 1983.
Exercices de grammaire 2. : SINJAN R., BERGER J., DE SPIEGELEER J., 1986.
13. La grammaire autrement : CHALARON M.-L., ROESCH R., P.U.G., f.l.e.m.,
1984, 2e éd., 1987.
14. Apprendre à conjuguer : JAUSSAUD F., Clé International, Comment dire ?,
1986.
15. Grammaire pratique : le français de A à Z : CHUILON C., Hatier, 1986.
16. À juste titre : JACQUET J., PENDANX M., Didier-Hatier, 1987.
17. Imparfait et compagnie : MONTREDON J., Larousse, 1987.
18. Série Le français au présent. Grammaire : MONNERIE-GOARIN A., BRÉANT
M.-T., Didier-Hatier, 1987.
Le français au présent. Exercices de grammaire : 1988.
19. Série Grammaire vivante du français : CALLAMAND M., Larousse-Clé Inter-
national, 1987.
Grammaire vivante du français. Exercices d’apprentissage 1 : CALLAMAND
M., BOULARÈS M., 1990.
Grammaire vivante du français. Exercices d’apprentissage 2 : CALLAMAND
M., BOULARÈS M., 1990.
Grammaire vivante du français. Exercices d’apprentissage 3 : CALLAMAND
M., BOULARÈS M., 1992.
20. Série Raisonner à la française : RUQUET M., QUOY-BODIN J.-L., CAYOL M,
Clé International, Comment dire ?, 1988.
Raisonner à la française. Exercices 1, 1988.
Raisonner à la française. Exercices 2, 1988.
21. Série Modes d’emploi. Grammaire utile du français : BÉRARD E., LAVENNE
C., Hatier, 1989
Exercices pour l’apprentissage du français, 1992.
22. Grammaire du français. Cours de civilisation française de la Sorbonne :
DELATOUR Y., JENNEPIN D., LÉON-DUFOUR M., MATTLÉ A., TEYSSIER B.,
Hachette, 1991.
Série « Exercez-vous » : Grammaire du français. Cours de civilisation française
de la Sorbonne. 350 exercices. Niveau débutant : BADY J., GREATVES I.,
PETETIN A., Hachette, 1990.
Grammaire du français. Cours de civilisation française de la Sorbonne. 350
exercices. Niveau moyen : DELATOUR Y., JENNEPIN D., LÉON-DUFOUR
M., MATTLÉ A., TEYSSIER B., 1990.

116
Grammaire du français. Cours de civilisation française de la Sorbonne. 350
exercices. Niveau Supérieur 1 : CADIOT-CUEILLERON J., FRAYSSINHES J.-P.,
KLOTZ L., LEFEBVRE DU PREY N., DE MONTGOLFIER J., 1991.
Grammaire du français. Cours de civilisation française de la Sorbonne. 350
exercices. Niveau Supérieur 2 : BEAUJEU C.-M., CARLIER A., MIMRAN R.,
TORRÈS M., VRILLAUD-MEUNIER J., 1992.
23. Série « Entraînez-vous », Grammaire. Exercices niveau débutant : BAR-
NOUD C. SIREJOLS E., Clé international, 1991.
Grammaire. Exercices niveau intermédiaire, 1992.
Grammaire. Exercice niveau avancé : SIREJOLS E., 1993.
Grammaire. Exercices niveau grand débutant : SIREJOLS E., TEMPESTA G.,
1995.
24. Premiers exercices de grammaire junior : DE SALINS G., DUPRÉ-LATOUR S.,
Hatier, 1991.
25. L’exercisier : DESCOTES-GENON CH., MORSEL M.-H., RICHOU C., P.U.G.,
f.l.e.m, 1992.
26. Série Quel temps faut-il ? 1 : RUQUET M., Clé International, 1993.
Quel temps faut-il ? 2, 1994.
27. Grammaire progressive du français : GRÉGOIRE M., THIEVENAZ O., Clé
International, 1995.

117
118
BIBLIOGRAPHIE

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textuelle, Nathan, 1987.
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Tunisie », dans Revue Tunisienne des Sciences Sociales, n° 20, 1970.
BACHELARD G. : La Philosophie du nom, éd. 1983, PUF.
BACHELARD G. : La Formation de l’esprit scientifique, éd. 1986, J. Vrin.
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d’une langue étrangère : perspectives et recherches », Aix-en-Provence, 26-28
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BASSET L. et PERENNEC M. : Les classes de mots. Traditions et perspectives,
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n° 33, 1977, pp. 6-21.
BEACCO J.-C., PERDUE C., VIVES R. : Appropriations, descriptions et enseigne-
ments de langues, Études de Linguistique Appliquée, n° 92, 1993.

119
BELHADJ H. : « La phrase nominale et la phrase verbale dans le système
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124
TABLE DES MATIÈRES

AVANT-PROPOS ............................................................... 4

CHAPITRE I : LES THÉORIES LINGUISTIQUES ET GRAMMATICALES


ET LEUR IMPACT SUR L’ENSEIGNEMENT DES LANGUES . . . . . . . . . . . . 7
1.0. GÉNÉRALITÉS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
1.1. LA GRÈCE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
1.2. ROME . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
1.3. LE MOYEN ÂGE EUROPÉEN, LA RENAISSANCE
ET L’ÉPOQUE CLASSIQUE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
1.4. L’APOGÉE DE LA GRAMMAIRE AU XVIIIe ET XIXe SIÈCLES . . . . 12
1.5. DE LA GRAMMAIRE À LA LINGUISTIQUE :
LE XIXe ET LE XXe SIÈCLES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
1.5.1. La grammaire comparée et la grammaire historique . . . . . . 14
1.5.2. Ferdinand de Saussure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
1.5.3. Quelques grands linguistes français . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
1.5.4. L’École phonologique de Prague . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
1.5.5. Les écoles américaines : le distributionnalisme,
le transformationalisme et la grammaire générative . . . . . . . 16
1.5.6. Le courant énonciatif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
1.5.7. Le courant pragmatique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
1.5.8. La grammaire de texte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
1.5.9. Aux limites de la linguistique : les recherches
sur l’acquisition et sur l’interaction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
1.6. CONCLUSION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23

125
CHAPITRE II : ÉLABORATION DU CONCEPT DE GRAMMAIRE
EN DIDACTIQUE DES LANGUES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
2.1. LA GRAMMAIRE : UN CONCEPT DIDACTIQUE . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
2.2. LES ATTITUDES FACE À LA GRAMMAIRE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
2.2.1. Une enquête en collège . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
2.2.2. Une enquête auprès d’étudiants chinois . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
2.2.3. Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
2.3. TESTEZ VOTRE REPRÉSENTATION DE LA GRAMMAIRE . . . . . . . . 29
2.4. LA PLACE DU CONCEPT DE GRAMMAIRE EN DIDACTIQUE
DES LANGUES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
2.4.1. Quel classement pour la didactique des langues ? . . . . . . . . 35
2.4.2. De l’utilité de la conceptualisation en didactique . . . . . . . . . 38
2.4.3. Le concept de grammaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
2.4.3.1. Les sens traditionnels du mot grammaire . . . . . . . . . 39
2.4.3.2. Définition du concept didactique de grammaire . 40
• Les domaines de définition des sens
traditionnels du mot grammaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40
• Définition didactique du mot grammaire . . . . . . 41

CHAPITRE III : L’ANALYSE CONTRASTIVE ET L’ANALYSE


DES ERREURS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
3.0. GÉNÉRALITÉS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
3.1. L’INTERLANGUE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
3.2. POUR DES ÉTUDES COMPARATIVES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46
3.3. ANALYSE INTERFÉRENTIELLE ET « PÉDAGOGIE
DE LA FAUTE » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47
3.3.1. La « faute » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47
3.3.2. Interférences et Psychologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48
3.3.3. Stratégies d’apprentissage et stratégies d’enseignement . . 49
3.4. EXPRIMER L’HYPOTHÈSE EN FRANÇAIS,
UN CHANGEMENT DE PERSPECTIVE LINGUISTIQUE
POUR LES ÉLÈVES MAROCAINS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52
3.4.1. Aperçu comparatif des systèmes arabe et berbère . . . . . . . . 52
3.4.1.1. En arabe standard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
3.4.1.2. En arabe dialectal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
3.4.1.3. En berbère tamazight . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
3.4.2. Quelques erreurs fréquentes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54
3.4.2.1. Non respect des contraintes après « si » . . . . . . . . . . . 54
3.4.2.2. Mélange des structures hypothétiques de base . . . 54
3.4.2.3. Erreur en coordination ou en subordination . . . . . 55
3.5. LES PHASES INTERMÉDIAIRES D’APPRENTISSAGE . . . . . . . . . . . . . 55
3.5.1. Hypercorrection . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56
3.5.2. Véritables phases intermédiaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56

126
3.5.3. Appropriation incomplète . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57
3.5.4. Acquisition différenciée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58
3.5.5. Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58

CHAPITRE IV : NORME ET VARIATION EN DIDACTIQUE


DU F.L.E ET DU F.LS. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59
4.1. NORME, REGISTRE, VARIATION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59
4.1.1. Aperçu historique et idéologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59
4.1.2. L’oral et l’écrit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60
4.1.3. La norme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61
4.1.4. Les registres de langue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62
4.1.5. La variation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63
4.2. NORME ET VARIATION EN DIDACTIQUE DU FRANÇAIS . . . . . . 64
4.2.1. Les situations de français langue maternelle . . . . . . . . . . . . . . . 64
4.2.2. Les situations de français langue étrangère . . . . . . . . . . . . . . . . 65
4.2.3. Les situations de français langue seconde . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67
4.3. L’INSERTION DE LA VARIATION EN CLASSE DE LANGUE :
POUR UN COMPROMIS ÉCLAIRÉ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 68

CHAPITRE V : LE MÉTALANGAGE GRAMMATICAL


ET LES EXERCICES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71
5.1. LE MÉTALANGAGE GRAMMATICAL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71
5.1.1. Le répertoire grammatical . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71
5.1.2. L’hétérogénéité du répertoire grammatical des apprenants
et de l’enseignant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72
5.1.3. Les principes de la terminologie grammaticale . . . . . . . . . . . . 73
5.1.4. La terminologie grammaticale dans quelques méthodes
récentes : une place de choix ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74
5.1.4.1. Le Nouveau Sans frontières . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74
5.1.4.2. Libre Échange . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75
5.1.4.3. Espaces . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81
5.2. LES EXERCICES DE GRAMMAIRE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83
5.2.1. Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83
5.2.2. Typologie des exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84
5.2.3. Les grandes catégories d’exercices grammaticaux . . . . . . . . . 86
5.2.3.1. Les exercices structuraux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86
5.2.3.2. Les exercices de conceptualisation . . . . . . . . . . . . . . . . 86
5.2.3.3. La « nouvelle classe de grammaire » . . . . . . . . . . . . . . . 87
5.2.4. Les exercices grammaticaux dans quelques
méthodes récentes : les progrès de la démarche
par conceptualisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87
5.2.4.1. Libre Échange . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88
5.2.4.2. Mosaïque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91
5.2.4.3. Le Nouvel Espaces . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95

127
CHAPITRE VI : FAUT-IL ENSEIGNER LA GRAMMAIRE EN CLASSE
DE LANGUE ? QUELLE GRAMMAIRE CHOISIR ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103
6.1. FAUT-IL ENSEIGNER LA GRAMMAIRE EN CLASSE
DE LANGUE ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103
6.2. QUELLE GRAMMAIRE CHOISIR ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105
6.2.1. Typologie des grammaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105
6.2.1.1. Grammaires de référence et grammaires
d’apprentissage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105
6.2.1.2. Dans les préfaces de quelques grammairres
de F.L.E. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107
– Le français au présent . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107
– Grammaire vivante du français . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108
– Modes d’emploi, grammaire utile du français . . 108
– Grammaire du français, cours de civilisation
française de la Sorbonne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109
– Grammaire progressive du français . . . . . . . . . . . . . 109
6.2.2. Choisir et évaluer une grammaire française :
une grille de lecture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109

ANNEXE : LISTE CHRONOLOGIQUE DES OUVRAGES


GRAMMATICAUX DE F.L.E. PARUS EN FRANCE DEPUIS 1968 ....... 115

BIBLIOGRAPHIE ............................................................. 119

128

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