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L’exemple de Montpellier : le corum

A Montpellier, le projet du Corum remonte à 1977 et en 1983 Georges Frêche a décidé d'y adjoindre un opéra, de marier équipement culturel et
équipement économique. Ce fut une opération exemplaire qui a coûté moins cher que le palais des congrès de Nantes.

Comprendre à présent la place et l'importance du tourisme de congrès et de réunions dans la politique urbaine globale de Montpellier, c'est saisir
que cette forme touristique n'a pas été perçue par l'équipe édilitaire montpelliéraine comme un simple accompagnement de l'activité urbaine
générale. L'implantation du Corum intervient comme un facteur du développement de la ville, un élément pris en compte dans l'élaboration et
l'application de la stratégie politique et économique de métropolisation et d'internationalisation de la capitale languedocienne.
L'action menée par les élus locaux montpelliérains en faveur de l'expansion du tourisme de réunions s'intègre dans un projet global : le projet de
ville. Ce dernier insère l'urbanisme dans un schéma général de croissance mêlant stratégies économique, financière, écologique, culturelle, sportive,
sociale, de circulation... Les principales orientations du projet de Montpellier sont d'abord l'attraction par la ville des fonctions décisives et créatrices
de valeur, associée au rééquilibrage interne de la localisation de ces fonctions, par la création d'une structure de production moderne et le
développement des services. Ensuite l'objectif est d'assurer une certaine qualité de vie par l'accroissement des espaces verts et des services
publics, la prévention des congestions du trafic, la maîtrise des éléments naturels. Enfin, le troisième axe concerne le renforcement de l'armature
sociale.
L'action envers le tourisme de réunions s'insère dans le schéma de dynamisation économique et de croissance de la base tertiaire de haut niveau
de Montpellier. En effet, la cité a connu un très fort développement exogène depuis les années 1960 (arrivée des rapatriés, implantation de l'usine
I.B.M., transformation de Montpellier en capitale régionale...). Les élus locaux accédant au pouvoir en 1977 souhaitent modifier la structure
productive de la ville et affermir une croissance endogène. Après des efforts fournis pour attirer des structures de production qui génèrent des biens
à forte valeur ajoutée, l'équipe édilitaire décide d'impulser vers la fin du deuxième mandat (1988) le tourisme urbain dans une localité qui s'est
retrouvée en vingt ans au coeur d'un espace très tourné vers le tourisme.
L'outil créé pour atteindre ces objectifs est Montpellier Languedoc-Roussillon Technopole (M.L.R.T.), association regroupant institutions et
entreprises. Des pôles de prospection préférentiels sont initiés, fondés sur des secteurs dans lesquels Montpellier était déjà bien dotée : Agropolis
(agronomie), Euromédecine (santé), ou désirait accroître son poids : Antenna (nouveaux média), Informatique, Héliopolis (tourisme et loisirs).
Après détermination de ces domaines prioritaires d'action, la collectivité locale s'appuie sur sept "facteurs de cohérence" qui permettent l'ajustement
entre les souhaits et la réalité. Ces paramètres flexibles d'intervention sont l'administration, les finances, les transports; les pratiques urbaines
(commissions municipales et extra-municipales, journaux municipaux, aide à la vie associative), l'image, les rapports extra-urbains (District,
Jumelages, appartenance à des réseaux urbains internationaux), enfin l'urbanisme1 qui est le pilier le plus essentiel.
La place du palais des congrès-opéra de Montpellier, le Corum, dans ce projet global, se situe à deux niveaux. A l'échelle interne, le Corum est
implanté dans le centre-ville, espace où se croisent des enjeux urbains forts (J.P. Lévy, 1987 2). Héritage d'une ville de moins de 100. 000 habitants,
il est considéré par l'équipe au pouvoir comme inapte à structurer l'agglomération actuelle. Représentant le pouvoir avec ses équipements et son
image monumentale, lieu de vie extraordinaire, mais connaissant des difficultés économiques, il apparaît comme un lieu idéal d'implantation du
prestigieux palais des congrès-opéra en dépit d'inconvénients (nombre limité de parkings, payants de surcroît, hôtels dispersés, accessibilité pas
toujours facile...). En effet, le Corum est perçu par les élus locaux comme un outil de restructuration et de dynamisation de la vie économique du
secteur ; cette opération s'insère dans le schéma d'accroissement des activités du centre-ville qui a pour but de vivifier les flux économiques,
sociaux et culturels de cet espace. Plus symboliquement la réalisation du Corum reflèterait le refus du modèle de centre-musée.
A l'échelle externe, le Corum est investi d'une double mission. D'une part, le palais des congrès-opéra serait la pierre angulaire du développement
du tourisme à Montpellier dans le cadre du pôle Héliopolis et de la Technopole. D'autre part, le Corum constitue une part non négligeable de l'image
de Montpellier dans le contexte d'une politique de communication territoriale intense.
Tout d'abord, Le Corum s'inscrit dans une série de réalisations qui visent à renforcer la spécialisation touristique de Montpellier, que ce soit de
manière directe (création d'animation, de structures d'accueil et d'information...) ou indirecte (embellissement du centre, réalisation d'Antigone, de
Port Marianne...). Le Corum soutient et est parallèlement épaulé par la "technopole" montpelliéraine. Il conforte ainsi le pôle Héliopolis dans sa
stratégie d'appel, matérialisant en quelque sorte un pôle évanescent, présent dans le discours mais peu étayé dans le concret.
Le palais des congrès-opéra apparaît comme un élément de l'image de la ville. Production récente dans l'espace montpelliérain (1989-1990), il
constitue un point d'ancrage dans une localité où le changement est un maître-mot et où il n'existe pas de patrimoine ni de lieu qui représenterait
sans conteste la cité. Son architecture audacieuse dans la vieille ville détonne et le Corum est vite devenu un vecteur de repère voire d'identification
de Montpellier. La présence de ce "monument" contemporain peut ainsi qualifier une localité qui maque quelque peu d'épaisseur historique et diffuse
une image axée sur la modernité, "en accord avec les caractéristiques actuelles de la cité" (R. Ferras et J.P. Volle3).
A l'échelle du département, de la région, et même d'une partie du Sud de la France, le Corum assoit l'image de métropole de Montpellier par la
présence d'un équipement d'envergure internationale qui n'a pas son égal entre les structures de la côte atlantique et celles de la Côte d'Azur4.
La collectivité locale montpelliéraine souhaite présenter un modèle de ville attractif : le Corum entre de plain-pied dans la mise en place et la
promotion d'une image touristique au sein d'une stratégie globale de métropolisation.
L'image touristique de Montpellier peut être perçue à deux niveaux. D'une part, elle vise au minimum à faire apparaître la ville comme destination
d'affaires et de congrès et, par là même, comme lieu possible de villégiature. D'autre part, elle participe à la construction et à la diffusion d'une
image globale positive de la collectivité locale qui est largement médiatisée. Effectivement, la communication territoriale 5 s'est intensément
développée ces quinze dernières années dans un contexte d'utilisation de la mercatique comme outil de promotion, procédure de croissance des
relations de la cité avec son environnement. Le Corum et Héliopolis sont ainsi perçus comme des "produits" touristiques à commercialiser. Ils
servent à positionner la collectivité locale sur le marché du tourisme et à la rendre attractive, afin essentiellement de susciter l'implantation d'activités
économiques et l'arrivée de touristes sur son territoire.

1
Le projet urbain, lié à l'urbanisme et aux grands travaux est ainsi une part du projet de ville qui, lui, vise un but plus général et représente à la fois un schéma de croissance de la cité et une
réflexion globale sur la société, exprimant en quelque sorte une ambition en forme d'avenir souhaité.
2
Lévy J.P., Centres villes en mutation, Ed. CNRS, CRPT Paris, 1987, 255 pages, p. 86.
3
R. Ferras J.P. Volle & al. Mutations & Requalifications économiques et sociales des espaces urbains, CIEU, PUM, Toulouse, 1993, 361 pages, p. 350
4
ni Toulouse, ni Marseille ne possèdent de palais des congrès en 1996
5
également nommée "marketing urbain" in. Bailly A. Les représentations urbaines : l'imaginaire au service du marketing urbain in RERU n°5, 1993, pp.863-867.
Le Corum apparaît comme un catalyseur de l'image globale axée sur la modernité, la matière grise, le progrès, le soleil 6. Le film conducteur depuis
les années 1990 est la Méditerranée. L'importance accordée par les édiles montpelliérains à la communication dépasse le simple phénomène de
mode que l'on a pu observer ces dernières années chez de multiples collectivités locales. La stratégie globale de communication de Montpellier est
un des fondements de l'action urbaine et accompagne systématiquement toute réalisation. Dans cette optique, la stratégie montpelliéraine en
matière de communication constituerait, si l'on suit A. Noy (1992), le dernier maillon de la logique du développement local7.

Après la réalisation, l'équipe édilitaire montpelliéraine conditionne la politique suivie par le palais des congrès-opéra. Fruit d'une volonté politique, le
Corum doit réaliser des objectifs qui dépassent le simple fonctionnement d'un bâtiment d'accueil de réunions. Ces objectifs sont variés et semblent
parfois antinomiques : il doit atteindre un certain équilibre commercial tout en assurant une fonction culturelle, une mission de service public, être
une vitrine de l'économie locale... et plaire aux Montpelliérains qui l'ont en très grande partie financé ! Il est un symbole de l'ouverture de Montpellier
vers l'extérieur mais il a conjointement une mission à accomplir envers la ville et ses habitants. Le Corum est ainsi porteur d'enjeux culturel,
économique et politique importants. Les dirigeants de l'équipement n'ont ainsi pas la partie facile, et cinq se sont succédés en neuf ans...

Quelle place pour le Corum dans la dynamique urbaine ?

Tout d'abord, la dimension économique est d'importance, quoique extrêmement difficile à évaluer. Le palais des congrès a été construit pour faire
bénéficier la collectivité locale de retombées économiques lors de son érection et de son exploitation tout en impulsant une dynamique propre au
tourisme urbain, qui s'est matérialisée d'abord par l'expansion du nombre de chambres d'hôtel sur l'agglomération et notamment dans les catégories
supérieures. De même, des emplois directs, indirects ou induits en provenance de différents corps de métiers ont été créés. Les retombées les plus
évidentes restent les dépenses effectuées par les organisateurs et les participants aux réunions au sein de l'agglomération 8. Ces débours sont de
l'ordre de 1. 300F journaliers en moyenne par personne. Afin d'évaluer un tant soit peu la masse financière, il est intéressant de connaître le nombre
de journées-congressistes (j.c.). Afin d'approcher, quoique de manière fragmentée, les retombées économiques sur l'agglomération, nous
proposons une méthode9 très stricte qui vise à évaluer les retombées économiques minimales sur la collectivité locale des dépenses des
congressistes10. De 1990 à 1995, les résultats sont les suivants : 47. 000 j.c. (soit 61 MF) en 1990, 155. 000 j.c. (soit 202 MF) en 1991, 53. 000 j.c.
(soit 75 MF) en 1992, 83. 000 j.c. (soit 108 MF) en 1993, 93. 000 j.c. (soit 121MF) en 1994, 47. 000 j.c. (soit 61 MF) en 1995. Ces comptages
sévères sont forcément en deçà des retombées réelles sur la ville. Cependant, ces dernières nous paraissent au contraire exagérées dans les
documents présentés par la direction du Corum à la presse depuis 1991 avec 190. 000 j.c. en 1991, 150. 000 j.c. en 1992, 165. 000 j.c. en 1993,
185. 000 j.c. en 1994, 190.900 j.c. en 1995. Malgré ces réserves, il apparaît que le Corum a bien un effet d'impulsion sur la dynamique économique
du centre-ville montpelliérain. Si l'on envisage une comparaison avec d'autres structures de congrès français 11, le Corum se situe aux toutes
premières places de la France provinciale en termes de j.c.

La deuxième ambition du groupe édilitaire montpelliérain, en décidant la réalisation du Corum, était sa dimension urbanistique, sociale et culturelle.
Au niveau urbanistique, l'implantation du Corum et les aménagement connexes qui ont été effectués facilitent indéniablement la circulation entre
l'Esplanade et les quartiers bas. Par contre, la non construction de l'hôtel du Corum et de la galerie commerciale, associée à l'échec actuel de la
Brasserie permettent d'affirmer que le bout d'Esplanade reste non animé.
Au niveau de l'ouverture du bâtiment à la population, après les difficultés des premières années, le Corum est bien un lieu de réunions pour les
manifestations d'envergure qui intéressent toute la ville. S'y déroulent en effet, des rencontres multiples et variées souvent d'accès libre.
Au niveau culturel, le Corum se différencie de nombre d'autres équipements français car cette fonction a été intégrée dès le départ avec la
réalisation d'une salle d'opéra, de salles de répétition de l'Orchestre Philharmonique, de loges, de dégagements... Aussi, une activité culturelle
régulière et exceptionnelle de haut niveau est possible tout en autorisant la tenue de réunions professionnelles de grande taille. Sporadiquement
spectacles de variétés, ballets, représentations théâtrales, festivals de cinéma ont lieu dans la salle Berlioz qui accueille surtout concerts
symphoniques et opéras ainsi que de nombreuses manifestations des festivals de Danse et de Musique, l'été. Entre 24 à 150 spectacles ont été
programmés chaque année au Corum12 qui auraient rassemblé entre 36. 000 et 185. 000 spectateurs ce qui le place dans les premiers rangs
français autant en termes de nombre d'événements qu'en termes de nombre de spectateurs.
Enfin, la troisième mission impartie au Corum est celle d'un instrument de relations publiques au service de la collectivité locale. L'ouverture vers
l'extérieur peut s'évaluer en fonction de l'origine des congressistes reçus, Français, provenant essentiellement des régions d'Ile de France, du
Languedoc-Roussillon, de P.A.C.A., de Midi-Pyrénées, de Rhône-Alpes mais aussi Etrangers, (entre 12,5% et 30%) provenant principalement
d'Europe, plus faiblement d'Amérique, d'Afrique, d'Asie. Ces visiteurs sont dans l'ensemble de haut niveau socio-culturel et séjournent entre deux et
trois jours à Montpellier. Ils sont accompagnés dans 22% des cas. La majorité a profité de l'occasion du congrès pour visiter la ville et la région et
90% déclaraient être satisfaits ou très satisfaits par leur séjour. Montpellier est perçue par les congressistes comme étant une cité prioritairement
universitaire, moins souvent comme une ville culturelle voire historique.
Le rang de Montpellier en France en fonction des congrès internationaux, se détermine via les statistiques de l'U.A.I. L'ouverture du Corum a
propulsé la capitale languedocienne dès 1989 dans le groupe leader. Entre 1989 et 1996, Montpellier a fluctué entre la 5ème place (de 1989, à
1993), la 4è (1994), et la 6è (1995).
En conclusion, l'on peut affirmer que la présence du Corum a incontestablement marqué la physionomie de Montpellier. Cette activité auparavant
éclatée spatialement dans la ville et d'ampleur mal cernée est aujourd'hui un secteur dont l'envergure est loin d'être négligeable. La dimension
économique du Corum est considérable et constitue un effet stimulant indéniable, notamment sur le centre-ville. Le Corum tend également à
structurer et à multiplier l'offre en matière d'événements locaux de loisirs et affirme une fonction culturelle de haut niveau. Enfin, le Corum se
6
La méthode mise en place se fonde sur différents supports : la publicité et les communications de presse, les plaquettes de présentation, les jaquettes techniques et autres documents de
promotion (calendrier trimestriel des manifestations, cartes de voeux...), des opérations de relations publiques envers journalistes et prospects, la participation à des salons spécialisés, les
cadeaux promotionnels, des événements liés au Corum, petits et grands (Café des arts, Okéanos...), tout ceci pour un budget variant entre deux et trois millions de francs annuels
7
1. Pourquoi un développement local ?/ 2. Analyse de la valeur de l'existant/ 3. Thème(s) de développement/ 4. Stratégie des acteurs (in & out)/ 5. Stratégie de développement/ 6. Moyens à
utiliser/ 7. Stratégie de communication in Noy A. La logique du développement local, in R.E.M., Vol 40, 4/1992, pp. 19-33.
8
Enquêtes auprès des congressistes et des organisateurs (3. 800), S. Christofle, 1990-1991
9
basée sur l'analyse des manifestations du Corum en excluant les réunions internes, les meetings locaux, les rencontres régionales de moins de deux jours, les concerts et opéras.
10
car dépensent également de l'argent les participants aux réunions locales et régionales, les accompagnateurs, les éventuels journalistes... Malheureusement, il était fort délicat de connaître
montant des dépenses et le nombre de ces personnes alors que la méthode utilisée s'appuie sur des données vérifiées (dépouillement systématique des listings du Corum, contrôle du nombre
de participants par recoupement auprès des organisateurs et enquêtes fouillées au niveau des débours auprès d'un panel significatif de congressistes - 26% de taux de réponses en moyenne
par réunion -).
11
Enquête auprès des responsables de palais et centre de congrès, S. Christofle, 1994.
12
24 en 1990, 64 en 1991, 75 en 1992, 90 en 1993, 113 en 1994 et 150 en 1995, Dossiers de presse du Corum.
présente comme un outil de relations publiques d'échelle nationale et internationale qui, au-delà de l'expansion de la réputation de Montpellier en
matière d'accueil de congrès, contribue à épanouir la renommée générale de la collectivité et à renforcer son image de ville agréable, universitaire,
propre à attirer des touristes et éventuellement des entrepreneurs. Il est néanmoins à noter que ces résultats positifs restent toujours en deçà des
proclamations dithyrambiques du groupe édilitaire et que toute la construction reste fragile. Sans l'appui constant de la collectivité locale, le Corum
n'aurait probablement pas survécu à ses premières années. Il a été soutenu et protégé. Maintenant que la collectivité locale se lance dans un autre
ambitieux projet (le tramway) le Corum doit faire ses preuves de façon plus autonome dans une conjoncture difficile...

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