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Note : Photon indistinguable

Patrick Gélard
08/02/2024

1 Introduction
Einstein fut l’un des premiers à considérer la lumière comme étant constituée d’un jet de photons
dont chacun possède l’énergie hν. le rayonnement apparaît comme constitué de particules, les
photons. Paramètres « corpusculaires » (énergie E et impulsion p d’un photon) et paramètres
ondulatoires (pulsation ω = 2πν et vecteur d’onde k, où |k| = 2π/λ, ν étant la fréquence et λ la
longueur d’onde) sont liés par les relations fondamentales : E = hν = ħω ; p = ħk où ħ = h/2π ≈ 1,005
10−34 Joule × seconde = 6,582 10−16 eV.s est défini à partir de la constante de Planck h : h ≈ 6,62 10−34
Joule × seconde. Ici, J représente le joule et s les secondes, donc la constante de Planck a des unités
d'énergie ·time et où eV signifie électronvolt, une unité d'énergie.

Les photons deviennent donc caractérisés par plusieurs propriétés physiques, telles que leur
impulsion, leur fréquence et leur polarisation. Deux photons sont dits "particules identiques"
lorsqu'ils ne peuvent être distingués sur la base de ces propriétés.

L'étude et la quantification de l'indiscernabilité revêtent une grande importance dans le traitement


de l'information quantique basé sur les photons pour réaliser des portes logiques quantiques, une
communication quantique sécurisée ainsi que l’échange d’intrication et donc concerne l’interfaçage
de propagation d’intrication entre des réseaux quantiques distinct (e.g Satellite/terrestre).

Le degré d'indiscernabilité, généralement mesuré par l'interférence de deux photons, peut être
affecté par de mauvais chevauchements de modes spectraux, spatiaux, temporels ou de polarisation.
Les caractéristiques de la source ainsi que l'interaction avec l'environnement peuvent également
détériorer l'indiscernabilité.

Il y a près de 30 ans, l'interférence à deux photons a été observée, marquant le début d'une nouvelle
ère quantique. En effet, l'interférence à deux photons n'a pas d'analogue classique, ce qui lui confère
un avantage certain pour toute une série d'applications [1]

L'interférence à deux photons (« Two Photon Interference : TPI ») entre des photons indiscernables
est au cœur des technologies quantiques clés, telles que l'informatique quantique en optique linéaire
et en ce qui nous concerne la distribution d'intrication dans les réseaux de répéteurs quantiques basé
sur l’échange d’intrication.

Lorsque deux photons indiscernables interfèrent sur un séparateur de faisceau, ils se comportent
d'une manière intéressante. Cet effet est connu sous le nom d'interférence Hong-Ou-Mandel (HOM),
nommé d'après Chung Ki Hong, Zhe Yu Ou et Leonard Mandel, qui ont vérifié expérimentalement
l'effet en 1987 [2].

Le degré d'indiscernabilité est généralement aujourd’hui évalué par des mesures interférométriques
à la suite de l'expérience pionnière de Hong – Ou – Mandel. Pour une meilleure visibilité des
interférences, les photons en interaction doivent être dans le même état quantique. En particulier,
on ne peut que rappeler, que de mauvais chevauchements de modes spectraux, temporels ou
spatiaux ainsi que des états de polarisation non adaptés conduisent à une forte corruption de la
signature « TPI ».

1
Au fond, l'interférence HOM est assez simple à comprendre. Mais elle peut aussi être très riche
lorsque différents aspects de la lumière entrante sont pris en compte.

2 Le principe d’interférence
L'interférence, telle qu'elle est comprise dans l'électromagnétisme classique, est un effet dû à la
superposition des amplitudes de champ. Un modèle d'interférence stable ne peut se produire que
lorsqu'il existe une relation de phase stable entre les champs d'interférence. Si un modèle
d'interférence est éliminé dans la moyenne au fil du temps, on parle d'interférence transitoire.

Les champs provenant de sources indépendantes n'ont, par définition, aucune relation de phase
stable les uns par rapport aux autres. Ils sont incohérents et seuls des modèles d'interférence
transitoires peuvent être observés. Cette interférence peut conduire à des corrélations stables
d'ordre supérieur entre plusieurs détecteurs, mais leur visibilité ne peut dépasser une limite de 50 %
[3]. Ceci n'est observable que si les temps d'intégration des détecteurs sont inférieurs aux temps de
cohérence des deux champs [4]. Un exemple bien connu est la méthode d'interférométrie stellaire
introduite par Hanbury-Brown et Twiss.

Contrairement à l'électrodynamique classique, l'interférence dans l'électrodynamique quantique


n'est pas due à la superposition des amplitudes de champ, mais à la superposition des amplitudes de
probabilité pour des événements de détection indiscernables.
En physique quantique, la nature particulaire de la lumière permet l'interférence de la lumière
provenant de sources indépendantes avec une visibilité pouvant atteindre 100 % [4]. Comme le
souligne Mandel, "cette prédiction n'a pas d'analogue classique, et sa confirmation représenterait un
test intéressant de la théorie quantique du champ électromagnétique" [5].

Pour démontrer que deux photons émis indépendamment interfèrent, il est important de s'assurer
qu'il n'existe aucune possibilité que les propriétés de cohérence de la lumière émise par l'une des
deux sources soient influencées par l'autre. Par conséquent, le fonctionnement d’une source ne doit
en aucun cas dépendre du fonctionnement de l’autre source.

L'effet d'interférence bien connu de Hong-Ou-Mandel (HOM), qui utilise la nature bosonique des
photons : deux photons indiscernables qui entrent dans un séparateur de faisceau 50:50 via
différents ports d'entrée seront toujours détecté dans un même port de sortie. Ce qui peut être
utilisé pour étudier l’interférence entre photons uniques (cf figure 1 ci-après).

Figure 1 « Effet Hong-Ou-Mandel »

2
3 Un modèle de base de l'interférence à deux photons
3.1 Séparateur de faisceau (Beam Splitter)
Le séparateur de faisceau fonctionne de la même manière qu'un polariseur, sauf qu'il réfléchit le
photon au lieu de le bloquer (cf Figure 2 ci-dessous)[6].

Figure 2 « Beam Splitter »


a) Un photon individuel a une chance sur deux de passer ou d'être réfléchi. En termes quantiques,
le photon entre dans une superposition de ces deux possibilités.
b) Supposons maintenant que deux photons frappent le miroir depuis des côtés opposés, leurs
trajectoires étant alignées de sorte que la trajectoire réfléchie d'un photon se trouve le long de la
trajectoire transmise de l'autre, et vice versa. Un détecteur attend à l'extrémité de chaque
trajectoire. Normalement, les deux photons sont réfléchis indépendamment l'un de l'autre et il y
a 50 % de chances qu'ils arrivent dans des détecteurs distincts. Toutefois, si les photons sont
indiscernables et arrivent au miroir au même moment, il y a interférence quantique comme nous
allons le voir.

3.2 Indiscernabilité & symétrisation quantique


Soit deux particules quantiques indiscernables qui sont incidentes sur un séparateur de faisceau de
particules 50%-50% et nous mesurons la sortie par deux compteurs de particules (cf Figure 3 ci-
dessous).

Figure 3 « Collision de deux particules indiscernables »

Pour analyser ce problème, nous qualifions les deux particules de particule 1 et particule 2 en
fonction de l'événement de clic dans les détecteurs. Un état d'entrée possible est

|1, R ; 2, L> · · · la particule 1 est dans le port d'entrée droit et la particule 2 est dans le port d'entrée
gauche.

Puisque des particules quantiques identiques sont "indiscernables", l'état d'entrée suivant est
également possible :

3
|1, L ; 2, R> · · · la particule 1 est dans le port d'entrée gauche et la particule 2 est dans le port
d'entrée droit.

L'état d'entrée le plus général est donc construit comme la superposition linéaire des deux :

c0|1, R ; 2, L> + c1|1, L ; 2, R> avec |C0|2 + |C1|2 = 1 si les deux états sont orthogonaux. Les résultats
expérimentaux vont dépendre du choix des deux nombres c0 et c1.

3.2.1 Postulat de symétrisation quantique


Un état physique qui représente un système réel composé de particules quantiques identiques est
soit symétrique, soit antisymétrique en ce qui concerne la permutation de deux particules
quelconques. Une particule qui obéit à la première condition est appelée boson et une particule qui
obéit à la seconde condition est appelée fermion. Par exemple, les états quantiques de deux bosons
et fermions identiques sont les suivants, si les deux états sont orthogonaux :

Bosons : 1/√2(|1, R ; 2, L> + |1, L ; 2, R>)


Fermions : 1/√2(|1, R ; 2, L> - |1, L ; 2, R>)

Calculons la probabilité de trouver les deux particules dans le même port de sortie (L). Cette
probabilité se compose de deux possibilités (cf Figure 4 ci-dessous).

Figure 4 « Deux possibilités pour un état de sortie |1, L ; 2, L> »

La matrice de transition d’état du séparateur de faisceau est :

sur la base des deux modes de transmission {|kR→L>,|kL→R>}

Partant du même état initial, les probabilités d'obtenir l'état final |1,R;2,R> sont identiques.
Nous pouvons calculer la probabilité de trouver une particule dans chaque port de sortie. La
probabilité d'obtenir l'état |1,L ; 2,R> se compose de deux possibilités :

Partant du même état initial, les probabilités d'obtenir l'état |1,R;2,L> sont identiques.

4
En conclusion, le comportement de diffusion de deux bosons et fermions identiques avec un
séparateur de faisceau à 50-50% est synthétisé dans la figure ci-après :

Les caractéristiques de sortie (2, 0) et (0, 2) des bosons sont appelées effet "bunching". L'interférence
constructive augmente la probabilité de trouver deux particules dans le même état. C'est l'origine
ultime de la stimulation de l'état final dans les lasers, de la condensation de Bose Einstein et de la
supraconductivité.
Les caractéristiques de sortie déterministes (1, 1) des fermions sont appelées effet "anti-bunching".
L'interférence destructive entre les termes directs et d'échange supprime la probabilité de trouver
plus de deux particules dans le même état. C'est la manifestation du principe d'exclusion de Pauli.

3.2.2 Postulat de symétrisation pour les particules de spin −1/2 ou polarisation


Deux particules de spin -1/2 sont incidentes sur un séparateur de faisceau 50%/50%. La matrice de
transition d'un séparateur de faisceau est supposée indépendante du spin. Si les deux particules sont
dans des états triplets de spin [8] (états de spin symétriques), les états orbitaux sont symétriques
pour les bosons et antisymétriques pour les fermions afin de satisfaire le postulat de symétrisation
pour les états globaux:

Leurs caractéristiques de collision sont les mêmes que celles des particules sans spin mentionnées ci-
dessus. Cependant, si les deux particules sont dans un état de spin singulet [8] (état de spin
antisymétrique), les états orbitaux sont antisymétriques pour les bosons et symétriques pour les
fermions afin de satisfaire le postulat de symétrisation pour les états globaux :

Maintenant, les bosons présentent une collision fermionique, c'est-à-dire une sortie (1, 1), et les
fermions présentent une collision bosonique, c'est-à-dire une sortie (2, 0) ou (0, 2). Cet exemple
illustre la nature très importante de deux fermions de spin -1/2 qui peuvent occuper le même état.
Inversement, si deux fermions identiques occupent le même état orbital, leur état de spin est
toujours un état de spin singlet :

3.2.2.1 Application à l’encodage de l’intrication en polarisation


Du point de vue de la symétrisassions les états de Bell se classifie ainsi (cf Figure 5 ci-dessous)

5
Figure 5 « Symétrisation des états de Bell »

Si on représente notre séparateur de faisceau ainsi (Cf Figure 6 ci-dessous) :

Figure 6 « Symétrisation des dégrées de liberté externes en entrée du Beam-Splitter »

Le respect du postulat de symétrisations conduit à ce couplage pour la paire de photons intriqués en


polarisation, qui arrivent simultanément en entrée du Beam-Splitter, de sorte que ces derniers
restent globalement symétriques (Cf Figure 7 ci-dessous) :

Figure 7 « Symétrisation globale de la paire de photon intriqué en entrée du Beam-Splitter »

Le principe de base d’un analyseur d'état de Bell linéaire repose sur l'observation que parmi les états
portant sur la polarisation (degré de liberté interne), un seul état est antisymétrique. C’est |ψ-> qui
change clairement de signe lors de l'échange entre les deux particules. Les trois autres états sont
symétriques.

Les états écrits avec les degrés de liberté interne (ici polarisation du photon) ne sont pas complets et
peuvent être complété par un état spatial (degré de liberté externe à la particule) qui peut
également être aussi symétrique ou antisymétrique.
En fait, les quatre états de Bell pourraient très bien être soit ceux des fermions (e.g. électron), soit
ceux des bosons (e.g photon) qui ont des symétries différentes et donc des statistiques sur un
séparateur de faisceaux différentes. On s’intéresse dans la suite aux statistiques des bosons.

Donc le cas des bosons, la partie spatiale de la fonction d'onde doit être antisymétrique également
pour l'état |ψ-> et symétrique pour les trois autres, tandis que pour les fermions, cela doit être juste
inversé. Alors, clairement, l'état total (degré de liberté interne + externe) des deux photons doit être
symétrique.

Ce qui implique que seulement les photons dans l’état |Ψ->|ΨA> en entrée de Beam-Splitter
sortiront par des portes différentes. Les trois autres états conduisent les photons à sortir
simultanément par la même porte c ou d.

6
La figure 8 ci-après montrent le comportement expérimental qui en résulte pour l'état interne
symétrique intriqué |ψ+>|et celui pour l'état antisymétrique |ψ-> :

Figure 8 « Taux de coïncidence en sortie du Beam-Splitter »

Les séparateurs de faisceaux sont utilisés pour réaliser la fonction d’échange d’intrication dans les
répéteurs quantiques.

4 Références
[1] Frédéric Bouchard et al, “Two-photon interference: the Hong–Ou–Mandel effect”, 2021 Rep.
Prog. Phys. 84 012402.
[2] C. K. Hong, Z. Y. Ou, and L. Mandel, “Measurement of subpicosecond time intervals between two
photons by interference," Phys. Rev. Lett. 59, 2044 (1987).
[3] H. Paul. “Interference between independent photons”. Rev. Mod. Phys., 58:209–231, 1986.
[4] Rainer Kaltenbaek, Bibiane Blauensteiner, Marek Żukowski, Markus Aspelmeyer, and Anton
Zeilinger, “Experimental Interference of Independent Photons”, Phys. Rev. Lett. 96, 240502 –
Published 21 June 2006.
[5] L. Mandel. “Photon interference and correlation effects produced by independent quantum
sources”. Phys. Rev. A, 28:929–943, 1983.
[6] Anton Zeilinger, “Quantum Teleportation”, Scientific American, April 2000.
[7] Thomas Jennewein, ∗ Gregor Weihs and Anton Zeilinger , “Photon Statistics and Quantum
Teleportation Experiments”
[8] Singlet and triplet state : https://en.wikipedia.org/wiki/Triplet_state

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