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Résumé
Le priapisme, défini par une érection prolongée durant plus de 4 h malgré l’absence
de stimulation sexuelle, peut être classé en deux catégories: ischémique et non-
ischémique. Les principaux facteurs étiologiques du priapisme ischémique sont des
maladies hématologiques, des syndromes néoplasiques et l’utilisation de certains
agents pharmacologiques. Le priapisme non-ischémique peut quant à lui faire suite
à un traumatisme pelvien, une atteinte neurologique ou post-opératoire. Le risque
de séquelles étant lié à la durée du priapisme, il est essentiel d’identifier le sous-type
pour entreprendre le plus rapidement possible le traitement approprié. Le priapisme
ischémique est une urgence médicale nécessitant un drainage des corps caverneux. Le
priapisme non-ischémique est d’évolution moins rapide mais nécessite néanmoins une
identification précoce et son traitement consiste en la fermeture de la fistule vasculaire.
Une dysfonction érectile secondaire peut en découler en cas de traitement différé ou
inefficient, et un suivi est donc recommandé afin d’identifier les éventuelles récidives
et séquelles ultérieures.
Mots clés
Priapisme Ischémique · Priapisme Non-ischémique · Shunt · Embolisation · Troubles érectiles
Corps caverneux
Artère caverneuse
Tunique albuginée
Fig. 1 9 Réseau vasculaire
Tunique albuginée du pénis, vue transversale.
Adapté de Hamza et Schul-
ze [18]. © 2019 Springer-
Corps spongieux Verlag GmbH Deutschland,
Urètre ein Teil von Springer Na-
ture. This figure is not in-
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ou l’artère pénienne profonde vascula- augmente la compliance des corps caver- et une dysfonction érectile permanente.
rise les corps caverneux, l’artère dorsale neux et l’engorgement vasculaire, menant La durée du priapisme est un facteur pré-
vascularise le gland lors de l’érection, à l’érection complète. A ce stade, le retour dicteur important pour le développement
l’artère urétrale irrigue l’urètre et le corps veineux est réduit en raison de la pres- des complications susmentionnées.
spongieux et l’artère bulbaire vascularise sion provoquée par l’érection. Lors de la Les facteurs étiologiques principaux
la partie proximale du pénis. Les parois rigidité érectile maximale, on note une ab- sont la drépanocytose, des maladies héma-
vasculaires sont composées d’une mus- sence de flux artériel et veineux jusqu’au tologiques, des syndromes néoplasiques
culature lisse permettant la régulation moment où le système nerveux sympathi- ainsi que l’utilisation de certains agents
du flux sanguin intra-pénien. Sur le plan que reprend le dessus: la musculature lisse pharmacologiques (e.a. la prostaglandine-
veineux, le réseau profond draine les corps recommence alors à se contracter, le flux E1 (PGE1) en intra-caverneux, les antipsy-
caverneux et spongieux et le réseau inter- artériel est relancé, et le retour veineux est chotiques de deuxième génération, les
médiaire draine le gland, avec un retour rétabli, permettant d’engager la phase de antagonistes alpha-adrénergiques). Les
veineux au niveau de la veine dorsale détumescence rapide. On retourne ainsi inhibiteurs de la phosphodiestérase de
profonde du pénis. Le réseau superficiel à l’état de base avant la stimulation [5]. type 5 (IPDE5) ne sont pas un facteur de
qui draine la peau et le tissu sous-cutané Le priapisme est défini par une érection risque pour le développement de priapis-
se jette dans la veine pudendale superfi- prolongée durant plus de 4 h, indépen- me à eux seul [6], tout comme un déficit
cielle externe [5]. Le réseau vasculaire du damment de la stimulation sexuelle [4]. Il en testostérone. Près de 33% des hommes
pénis est illustré dans la . Fig. 1. existe deux catégories de priapisme: isché- atteints de drépanocytose ont présenté
mique et non-ischémique. un priapisme au moins une fois dans leur
Physiopathologie de l’érection et vie [7]. Le priapisme d’origine néoplasique
du priapisme Priapisme ischémique ou « low- est rare et induit par l’infiltration locale
flow » d’un cancer vésical, prostatique ou pénien
L’érection est principalement médiée par avancé.
les systèmes nerveux sympathique et para- Ce type de priapisme est retrouvé dans Le mécanisme physiopathologique
sympathique. A l’état flasque, le système >95% des cas [4]. Lors d’un priapisme sous-jacent débute par une diminuti-
sympathique prédomine: la musculature ischémique, l’érection est douloureuse on de l’oxyde nitrique (NO) endothélial,
lisse des artérioles et des corps caverneux avec peu ou pas de flux artériel au niveau qui induit une diminution de certaines
est alors contractée et le flux veineux est des corps caverneux et peu de retour vei- enzymes, dont la phosphodiestérase de
préservé. Lors de la stimulation sexuelle, le neux. Il peut être comparé à un syndrome type 5 (PDE5). Ceci induit un dérèglement
système parasympathique prend le dessus des loges, avec un flux caverneux altéré et du tonus musculaire lisse ainsi que de
et le flux artériel intra-caverneux est aug- des complications qui peuvent être irréver- l’adénosine à travers d’autres mécanismes
menté par une diminution de la résistance sibles, telles qu’une nécrose tissulaire au de signalisation [8]. Le résultat est une
artérielle. La relaxation des muscles lisses niveau caverneux, une fibrose caverneuse diminution de la vasoconstriction et du
du côté dorsal du pénis). Le sang doit être der à la résolution du priapisme et pour mone » (GnRh), anti-androgènes, œstrogè-
aspiré jusqu’à avoir un sang rouge vif pour prévenir la récidive [12]. Il peut persister nes) avec comme potentiels effets secon-
permettre un drainage du sang stagnant après une intervention de dérivation san- daires, des symptômes systémiques tels
dans les corps caverneux. Une irrigation guine une tumescence pénienne due à une que l’asthénie, diminution de la libido,
concomitante des corps caverneux avec hypervascularisation post-ischémique qui bouffées de chaleurs et gynécomastie. Au
une solution de NaCl 0.9% peut être ef- peut être confondue avec une persistan- vu des effets secondaires, la prudence est
fectuée. Une étude montre que l’irrigation ce du priapisme. Néanmoins, si un bon de mise lors de leur administration chez
optimale est réalisée avec du NaCl à 10 °C flux artériel est perçu à travers les artères les jeunes hommes avec désir de concep-
[11]. caverneuses, le shunt fonctionne et aucu- tion ou n’ayant pas terminé leur matura-
Si le drainage s’avère insuffisant, il ne autre procédure ne doit être effectuée tion sexuelle. Une cryoconservation doit
convient de procéder à une injection [13]. être discutée avant l’introduction de ce
intra-caverneuse de sympathomimétique type de traitement [15]. D’autres traite-
ou d’agoniste alpha-adrénergique, avec Le priapisme non-ischémique ments préventifs peuvent inclure des ago-
comme premier choix la phényléphrine, En cas de priapisme non-ischémique, le nistes alpha-adrénergiques (par. ex. pseu-
dilué entre 100 et 500 μg/ml, en fraction traitement consiste en une fermeture de doéphédrine ou étiléfrine), qui peuvent
de 200 μg toutes les 3–5 min et un dosa- la fistule, afin d’éviter le risque ultérieur de induire secondairement une tachycardie
ge maximal de 1 mg en 1 h, jusqu’à une dysfonction érectile. Une approche conser- ou des palpitations. Ces traitements doi-
détumescence complète. Les effets secon- vatrice doit être envisagée en premier lieu, vent être gardés chez des patients avec une
daires potentiels de la phényléphrine sont avec une compression par l’application lo- contre-indication aux traitements hormo-
des céphalées, une tachycardie, des palpi- cale de glace, souvent guidée par ultra- naux précités [15]. Une étude a également
tations, une hypertension, des vertiges ou son. Une autre approche suggérée dans la démontré un effet paradoxal positif de
une bradycardie réflexe. Rarement, ce trai- littérature menant potentiellement à une l’utilisation à petites doses d’IPDE-5 de ma-
tement peut induire une hémorragie sous- fermeture spontanée ou une réduction de nière chronique sur la récurrence du pria-
arachnoïdienne. Un suivi des paramètres la taille de la fistule consiste en un trai- pisme, à travers une altération de la gua-
vitaux doit donc être effectué de manière tement anti-androgénique [14]. Ce der- nosine monophosphate cyclique (GMPc)
rapprochée après l’administration de la nier comporte néanmoins des effets se- [16].
phényléphrine. L’étiléfrine est utilisée en condaires tels que dysfonction érectile et
seconde intention, administrée en intra- baisse de la libido. En cas d’échec du Suivi
caverneux avec une dilution de 2.5 mg traitement conservateur, une embolisati-
en 1–2 ml de NaCl 0.9%. D’autres agents on sélective artérielle, avec des matériaux Le but du suivi après un épisode de priapis-
comme le bleu méthylène, l’adrénaline temporaires ou permanents, peut être ef- me est de vérifier l’efficacité du traitement,
ou la terbutaline peuvent être utilisés fectuée par les radiologues intervention- rechercher l’apparition d’une récidive et
également. nels. Les complications de ce geste in- d’identifier précocement d’éventuelles
En dernier recours, une technique chir- cluent une nécrose pénienne, un abcès séquelles fonctionnelles et anatomiques.
urgicale de « shunting » (dérivation) devrait périnéal, une ischémie glutéale, une in- Il consiste en une anamnèse régulière et
être envisagée, si les traitements conserva- flammation ou une infection des corps complète, ainsi qu’un examen clinique.
teurs ci-dessus ne fonctionnent pas après caverneux [4]. En cas de doute, des imageries, telles
au moins 1 h. Le but d’une chirurgie de Le traitement de dernier recours est qu’un US Doppler ou une IRM, peuvent
dérivation est de dévier le sang des corps une ligature chirurgicale de la fistule trans- être effectuées, permettant de détecter de
caverneux dans les tissus du corps spon- caverneuse ou inguino-scrotale sous con- manière précoce une récidive ou une fibro-
gieux. Il existe plusieurs techniques chir- trôle échographique. Cette procédure est se pénienne. Dans le cas d’un priapisme
urgicales pour créer un shunt. Ceci peut rarement effectuée, et considérée en cas non-ischémique traité conservativement,
être fait entre la tunique albuginée et le de contre-indication à l’embolisation ou une récidive de priapisme peut indiquer
gland, le corps spongieux ou une veine. un échec d’embolisations multiples [4]. El- qu’une embolisation sélective devrait être
Un shunt distal, qui est moins invasif et le reste une bonne alternative si le pati- effectuée plus rapidement afin d’éviter les
associé à moins de risques de dysfonction ent désire une solution définitive ou pré- conséquences d’une fibrose pénienne.
érectile est souvent préféré avant un shunt sente une dysfonction érectile préexistan-
proximal. Lors de l’intervention, il est im- te. Complications
portant d’observer l’efficacité du shunting
en peropératoire en évaluant la rigidité du Le priapisme récurrent Le priapisme peut se compliquer d’une
pénis et/ou en effectuant des gazométries En cas de priapisme récurrent, un traite- récidive, d’une ischémie des corps caver-
des corps caverneux pour confirmer un ment est nécessaire pour prévenir la surve- neux, d’une nécrose du tissu musculaire
rétablissement du pH et de l’oxygénation nue de nouveaux épisodes. Certains trai- lisse caverneux, d’une déformation péni-
sanguine locale. Une anticoagulation post- tements étudiés sont des suppresseurs de enne et d’une dysfonction érectile.
opératoire est conseillée pour éviter une testostérone (agonistes ou antagonistes La fonction érectile post-opératoire est
thrombose des corps caverneux, pour ai- du « gonadotropinhormone-releasinghor- déterminée par la durée du priapisme, la
K
Zusammenfassung