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Débat : Faut-il réformer la politique de la concurrence menée dans le

marché unique ?

Réunion Eurogroupe

Le contrôle des concentrations : Les entreprises désirant s’engager dans des opérations de concentration
(fusions/acquisitions) de grande dimension doivent au préalable en informer les autorités de la concurrence qui
après examen décident ou non de les autoriser. Il s’agit d’une démarche préventive : identifier en amont les
opérations susceptibles de diminuer l’intensité de la concurrence et donc de nuire aux intérêts des
consommateurs.

Exemple : interdiction de la fusion entre l’allemand Siemens et le français Alstom par la commission
européenne en février 2019.

Questionnaire :
Q1 : Définir les notions de concentration, fusion et absorption
Q2 : Pourquoi la commission européenne contrôle-t-elle les fusions ou absorption des firmes européennes ?
Q3 : A partir des documents 1, 2 et 3, expliquez pourquoi le constructeur français de trains Alstom et la firme
Siemens ont-ils voulu fusionner ? Vous expliquerez en détails les mécanismes économiques en jeu
Q4 : Quels sont les arguments avancés par la Commission européenne pour justifier le refus de la fusion ?
Q5 : Expliquez les critiques de Bruno Le Maire, ministre français de l’économie et des finances, du ministre de
l’économie allemand et du PDG de la SNCF. Vous introduirez la notion de marché pertinent (demander aux autres
groupes d’experts de vous expliquer)

Document 1 : Les principaux constructeurs mondiaux de trains

Doc 2« Alstom-Siemens : une fusion pertinente mais... », Nocolas Bouzou, Les échos 28/09/17
L'industrie ferroviaire repose sur des coûts fixes importants. On ne construit pas un TGV en levant quelques
centaines de milliers d'euros. De gigantesques capitaux physiques et financiers sont requis. Dans cette
configuration industrielle, la taille permet de générer des économies d'échelle pour proposer des prix toujours
plus compétitifs.
Rêvons un peu : peut-être retrouverai-je dans quelques années les effets de cette fusion sur mon budget
transports. Quoi qu'il en soit, la pertinence industrielle de cette fusion est évidente. Puisse la Commission
européenne ne pas se réfugier derrière un mauvais emploi de la « théorie de la concurrence pure et parfaite »
pour empêcher ce rapprochement.
Un groupe Alstom-Siemens plus compétitif que ne l'étaient ces deux entreprises concurrentes : voilà aussi qui
réjouit l'Européen à la passion brûlante qui écrit ce papier. En effet, les Chinois et d'autres ne s'encombrent pas
de règles de la concurrence qui leur permettent de faire naître des géants industriels, notamment dans les
transports qui, de la voiture autonome aux lanceurs spatiaux en passant par les trains rapides et l'aéronautique,
sont jugés comme des activités stratégiques partout dans le monde. Dans toutes les phases de mutation
technologique et économique, à la Renaissance, au XIXe siècle comme aujourd'hui, les transports se
reconfigurent. En outre, dans ces temps où l'Europe cherche à se refonder, il est réjouissant qu'une fusion franco-
allemande montre que des projets transnationaux peuvent être menés à bien.

Document 3 : article de Franceinfo, 6 février 2019.


« Ce mariage était censé créer un champion européen du ferroviaire. Paris et Berlin soutenaient le projet, dont
l'objectif était de contrer le groupe chinois China Railroad Rolling Stock Corporation (CRRC).Numéro 1 mondial du
ferroviaire, CRRC, né du rapprochement de deux entreprises d'Etat contrôlées par Pékin, fabrique 200 trains à
grande vitesse chaque année. A eux deux, Siemens et Alstom en fournissent 35. Ces dernières années, CRRC a
remporté des contrats pour fournir des locomotives, des trains ou des métros aux Etats-Unis, en Argentine, en
Egypte, au Brésil, en Inde, au Nigeria ou encore en Nouvelle-Zélande. Le mastodonte chinois a réalisé près de
27 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2017, contre un peu plus de 15 milliards d'euros pour l'ensemble
Siemens Mobility et Alstom.
La fusion aurait permis au tandem de devenir numéro 2 mondial (en volume) dans le domaine du matériel roulant
et numéro 1 pour la signalisation, selon le HuffPost. "Nous regardons le monde de demain. Face [au] chiffre
d'affaires du géant chinois, nous devons être unis, avait affirmé Bruno Le Maire, ministre des finances en
2017. Nous pensons que l'union industrielle fera la force de la France et de l'Europe. Si certains n'avaient pas eu le
courage d'unir nos forces par le passé, il n'y aurait pas Airbus pour faire face à Boeing."

Pourquoi Bruxelles a-t-elle interdit cette alliance ?


Mais Bruxelles a estimé que le rapprochement des deux groupes était néfaste pour la concurrence sur le marché
ferroviaire de l'UE. "Les entreprises n'étaient pas disposées à remédier aux importants problèmes de concurrence
que nous avons relevés", a expliqué Margrethe Vestager, commissaire chargée de la Concurrence, lors d'une
conférence de presse

Le veto de la Commission européenne n'est pas une surprise. La commissaire Margrethe Vestager s'est inquiétée à
maintes reprises des effets de ce rapprochement sur la concurrence européenne. Selon elle, une fusion réduirait le
nombre d'industriels rivaux dans l'Union. "En l'absence de mesures compensatoires suffisantes, cette
concentration aurait entraîné une hausse des prix pour les systèmes de signalisation qui assurent la sécurité des
passagers et pour les futures générations de trains à très grande vitesse", a-t-elle expliqué mercredi 6 février.
Autre argument soulevé par Bruxelles : CRRC est pour l'instant très peu présent au sein de l'UE. L'industriel chinois
estime en effet que les barrières à l'entrée sur le marché ferroviaire européen sont trop contraignantes.
"Nous ne sommes pas contre les fusions, avait déjà martelé Margrethe Vestager le 15 janvier. Ces dernières
années, une large majorité de demandes de rapprochement a été validée." La Commission, qui dispose d'un droit
de veto sur les grands projets de fusion depuis 1989, n'en a pas souvent fait usage. Elle a par exemple donné sa
bénédiction aux mariages des cimentiers Lafarge et Holcim, des compagnies aériennes Air France et KLM ou
encore des groupes de téléphonie Nokia et Alcatel-Lucent.
Quelles sont les réactions à cette décision ?
Lors des questions au gouvernement, mercredi 6 février, le Premier ministre, Edouard Philippe, a estimé que la
décision de la Commission était "un mauvais coup [porté] à l'industrie européenne" et qu'elle lui semblait "avoir
été prise sur de mauvais fondements". Plus tôt, Bruno Le Maire avait dit "regretter" le veto, sur
France 2, dénonçant "une erreur économique" et "une faute politique" qui "affaiblit l'Europe". Cette décision "va
servir les intérêts économiques et industriels de la Chine, avait-il poursuivi. [Elle] empêche Alstom et Siemens, les
deux champions de la signalisation et du ferroviaire, de fusionner pour avoir le même poids que le grand
champion industriel chinois."
Selon Le Monde, le gouvernement français avait indiqué la veille qu'il comptait faire des propositions pour faire
évoluer les règles de la concurrence datant de 2004. "Je propose en deuxième lieu que le Conseil européen, c'est-
à-dire les chefs d'Etat, puisse s'exprimer sur la décision européenne en matière de concurrence", a précisé Bruno
Le Maire.
Le ministre de l'Economie allemand, Peter Altmaier, a lui aussi plaidé pour une révision du droit européen de la
concurrence. Il a également appelé à une politique favorisant des regroupements à l'échelle européenne, pour
créer des entités capables de jouer "à égalité" sur la scène internationale. "N'y a-t-il pas des domaines tels que
l'aviation, les chemins de fer, les banques où vous devez prendre le marché mondial comme référence plutôt que
l'européen ?" a fait valoir le ministre. »

Document 4 : Bruxelles refuse la fusion entre Alstom et Siemens


Source : latribune.fr, 06 Févr 2019, 15:04
La Commission européenne a rejeté mercredi le projet de fusion entre Alstom et Siemens, censé créer un
champion européen du ferroviaire avec le soutien de Paris et Berlin face à la concurrence internationale,
notamment chinoise.
"La Commission a interdit la concentration parce que les parties n'étaient pas disposées à remédier aux
importants problèmes de concurrence que nous avons relevés", a déclaré la commissaire à la Concurrence,
Margrethe Vestager.
Selon la Commission, la fusion aurait notamment porté atteinte à la concurrence sur les marchés des systèmes
de signalisation et des trains à très grande vitesse (TGV).
L'entité issue de la fusion serait ainsi devenue le "leader incontesté" sur plusieurs marchés de la signalisation
des grandes lignes et des lignes urbaines et aurait réduit "de façon significative" la concurrence pour le
matériel roulant TGV, au préjudice des clients européens.

"Ce n'est pas seulement ceux qui crient le plus fort qu'il faut écouter"

"L'intérêt pour cette fusion a été très important de la part de l'Allemagne et de la France, mais il y a 26 autres
pays qui eux aussi ont un intérêt pour ce marché", a souligné Margrethe Vestager lors d'une conférence de
presse. "Ce n'est pas seulement ceux qui crient le plus fort qu'il faut écouter."
Cette décision largement attendue a été critiquée par les deux gouvernements, le patronat européen et les
dirigeants des deux entreprises. Ils reprochent à la Commission de limiter son analyse au seul marché intérieur
européen sans tenir compte de l'évolution de l'environnement mondial, marqué notamment par l'émergence
de géants chinois comme CRRC dans le ferroviaire.

"Bruxelles sert les intérêts de la Chine" (Le Maire)

Le ministre français de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire, a ainsi reproché à la Commission
européenne de "servir les intérêts économiques et industriels de la Chine". Mais la Commission a estimé que la
concurrence chinoise n'était pas menaçante en Europe.
"Aucun fournisseur chinois n'a jamais participé à un appel d'offres en matière de matériel de signalisation en
Europe ou fourni un seul train à très grande vitesse à l'extérieur de la Chine", a répondu Margrethe Vestager,
selon qui "il n'y a aucune perspective d'entrée des Chinois sur le marché européen dans un avenir prévisible."

Paris et Berlin veulent une réforme des règles de concurrence

Les ministres français et allemand de l'Économie, Bruno Le Maire et Peter Altmaier, ont pour leur part fait
savoir qu'ils demanderaient une réforme des règles de concurrence européennes.
Bruno Le Maire a précisé sur France 2 qu'il souhaitait voir retenu, comme marché pertinent pour analyser la
concurrence, le monde entier et non seulement l'Europe, et que le Conseil européen s'exprime sur les
décisions européennes en la matière.
"A ce stade, nous n'avons pas reçu de proposition française en la matière", a répliqué Margrethe Vestager, qui
a contesté la nécessité de réformer les règles de concurrence.
"Cette affaire n'est pas la preuve que nous devons modifier nos règles en matière de concurrence. Nous devons
peut-être les modifier si nous voulons garantir que les marchés soient concurrentiels lorsque nous passerons au
numérique."

Bombardier se réjouit (tout comme les syndicats d'Alstom) L'un des principaux concurrents occidentaux de
Siemens et Alstom, le groupe canadien Bombardier, s'est pour sa part réjoui de la décision de la Commission,
tout comme les syndicats d'Alstom opposés à la fusion depuis le début.

"Nous sommes satisfaits que la Commission européenne (...) ait interdit la fusion proposée", a dit le vice-
président du groupe Daniel Desjardins dans une déclaration transmise à Reuters. La fusion "aurait gravement
affecté la santé et la compétitivité de l'ensemble du marché ferroviaire européen, contraignant les
consommateurs, usagers du rail et contribuables européens en payer le prix."

Mauvaise nouvelle pour la SNCF

Le patron de la SNCF, Guillaume Pepy, a qualifié mercredi de "mauvaise nouvelle du jour" le veto européen à la
fusion dans le rail du français Alstom et de l'allemand Siemens, regrettant que les règles de la concurrence
empêchent la création de "champions européens".
"C'est une triste nouvelle que l'on ne puisse pas construire un champion européen de taille mondiale dans
une industrie qui se mondialise pour de vrai", a indiqué M. Pepy à l'AFP. "On avait très tôt exprimé notre soutien
au projet, comme client", a-t-il expliqué, notant que le projet de fusion était "vraiment un projet industriel
monté entre les deux groupes".
Le projet permettait selon lui d'"obtenir une meilleure compétitivité, et donc de meilleurs prix parce que les
équipements auraient été construits à une plus grande échelle", et aussi d'offrir une gamme de produits "plus
complète".
Guillaume Pepy a regretté que, "pour apprécier l'impact d'un rapprochement, on prenne en compte non pas les
marchés de demain, mais les marchés tels qu'ils sont aujourd'hui, c'est à dire en gros les marchés d'hier".
"Au lieu de se dire 'tiens, le monde change, et les Japonais, Coréens, Chinois, Indiens... sont aujourd'hui des
puissances très fortes dans le matériel ferroviaire, la compétition est mondiale et donc il faut des champions
européens', on regarde à échelle de l'Europe ce que sont les parts de marché d'hier, on fait des additions, et ont
dit " ah là, c'est trop", a-t-il soupiré.
Poursuivant son raisonnement, le patron de la SNCF, se demandait :
"Donc on regarde à l'échelle européenne et pas à l'échelle du monde, et on regarde hier et pas demain. Cela
pose question: est-ce qu'on peut faire une industrie européenne dans ces conditions?"
Bruxelles a interdit mercredi la fusion entre Alstom et les activités ferroviaires de Siemens au grand dam de
Paris et Berlin, fervents partisans de la création d'un champion européen du ferroviaire pour faire face au
numéro un mondial, le chinois CRRC.
La commissaire chargée de la Concurrence, Margrethe Vestager, a estimé que "les entreprises n'étaient pas
disposées à remédier aux importants problèmes de concurrence" soulevées par le gendarme européen.

L'Union européenne ne doit pas être "l'idiote du village planétaire"

Pour les eurodéputés socialistes et radicaux, sur la même ligne que Bruno Le Maire ou Guillaume Pépy, ils se
disent, dans un communiqué, déterminés à favoriser la constitution de champions européens. Selon
eux, "cette décision démontre l'urgence de refonder la politique de la concurrence européenne : cette
dernière ne peut plus empêcher l'Europe de se doter de la politique industrielle dont elle a tant besoin".
Les eurodéputés socialistes et radicaux promettent d'en faire un des thèmes importants de leur
programme lors des élections européennes :
« Nous réviserons la politique de concurrence européenne et assouplirons les règles d'octroi des aides d'État
pour faciliter l'émergence de champions européens face aux géants chinois et américains ».
Ils rappellent que le concurrent chinois CCRC pèse deux fois plus lourd que nos deux champions européens
réunis (230 TGV par an pour le premier, 35 pour le tandem européen). Leur constat est le suivant :
"Combien de temps allons-nous rester passivement à regarder les Chinois s'imposer dans tous les
secteurs ? Si la politique de la concurrence doit servir à lutter contre les géants américains qui abusent de leur
position ultra-dominante, elle ne doit pas faire de l'Union européenne l'idiote du village planétaire en
ouvrant son marché sans construire ses acteurs (...)."

Le Figaro, no. 24356


Le Figaro Économie, lundi 12 décembre 2022 1086 mots, p. 29

Économie

Les États-Unis, nouvel eldorado des industriels


Séduits par les aides publiques décidées par Joe Biden et par le faible coût de
l'énergie, les investisseurs étrangers délaissent l'Europe.

Bohineust, Armelle

INVESTISSEMENT Le fabricant suédois de batteries Northvolt, les constructeurs automobiles Volkswagen et


BMW, l'italien Enel et son usine de composants solaires, ou encore le japonais Panasonic, qui
fournit des batteries à Tesla... Cette liste s'allonge de jour en jour. C'est celle de firmes du monde entier qui
investissent aux États-Unis ou suspendent leurs dépenses en Europe avec pour objectif de délocaliser leurs
projets. De leur côté, les industriels américains multiplient les investissements dans leur pays d'origine, tels
First Solar en Alabama et la société minière Piedmont Lithium.

L'Inflation Reduction Act (IRA), un paquet législatif de 430 milliards de dollars (408 milliards d'euros) voté en
août, prévoit des aides, des subventions et des crédits d'impôt. Objectif : décarboner l'économie américaine,
accélérer la transition énergétique, stimuler l'investissement dans la filière automobile électrique et
rapatrier les chaînes d'approvisionnement aux États-Unis. « Ce plan consacre davantage de fonds aux énergies
renouvelables, environ 250 milliards de dollars, qu'au secteur automobile » , observe Elvire Fabry, chercheur en
géopolitique du commerce à l'Institut Jacques Delors. Mais il inclut une subvention de 7 500 dollars accordée
aux ménages pour l'achat d'un véhicule électrique « made in USA ». Résultat, cette stratégie pour créer une
filière automobile électrique aussi américaine que possible, avec de fortes incitations à investir aux États-
Unis plutôt qu'ailleurs, notamment dans la filière des véhicules électriques, alarme les Européens.

L'IRA menace d'autant plus la compétitivité des industries du Vieux Continent que celles-ci sont lourdement
plombées par la crise énergétique. Avec des prix de l'énergie trois à quatre moins élevés qu'en
Europe, les États-Unis sont plus attractifs que jamais.

« Le risque de délocalisation énergétique, ou plutôt de « grand déplacement industriel » au profit de zones


attractives comme les États-Unis ou l'Asie, est actuellement le gros risque structurel » qui pèse sur l'Europe,
résume Nicolas de Warren. Le président de l'Uniden représente 36 industriels pesant plus de 70 % de l'énergie
industrielle consommée en France, dans l'agroalimentaire, l'automobile, la chimie, le ciment... Les « factures de
gaz et d'électricité vont être multipliées par quatre en moyenne » , prévoit de son côté Éric Trappier, PDG de
Dassault Aviation (1) et président de l'Union française des industries de la métallurgie (UIMM). En
Italie, les factures énergétiques ont quintuplé, s'alarme de son côté la Confédération générale de l'industrie, la
Confindustria.

L'Amérique, qui profite d'un gaz de schiste très polluant mais beaucoup moins cher, fait donc figure d'eldorado.
De là à redouter une nouvelle vague de désindustrialisation massive au profit des États-Unis ? Certains le
craignent. D'autant qu'à l'IRA s'ajoute le Chips Act. Promulgué également en août par le président américain,
Joe Biden, il subventionne massivement l'industrie des microprocesseurs. Le taïwanais TSMC, qui avait déjà
décidé de s'implanter en Arizona sous la présidence Trump, vient d'annoncer qu'il triplait, à 40 milliards de
dollars, son investissement dans une usine américaine de semi-conducteurs.

Des entreprises très énergivores, européennes ou non, suspendent aussi leurs investissements dans l'UE pour
se tourner vers Pékin. BASF va ainsi réduire de « manière permanente » , selon le chimiste allemand, la voilure
en Europe. « Ces transferts intéressent surtout des entreprises déjà présentes en Chine. L'attraction est moins
forte que vers les États-Unis, en raison des incertitudes liées à ce pays » , relativise Elvire Fabry.

L'attraction exercée par les États-Unis se renforçait déjà avant l'IRA et la crise énergétique. En 2021,
Washington a dépassé Pékin pour devenir la première destination mondiale en termes d'investissements directs
à l'étranger (IDE), avec un total de 4 977 milliards de dollars, indique le FMI.

Bruxelles se mobilise

Mais l'IRA aura un effet multiplicateur conséquent, juge un rapport de Credit Suisse. « Nous
voyons les dépenses fédérales pour le climat dépasser 800 milliards de dollars US » , soit le double du montant
prévu. Si l'on y ajoute les investissements privés, les dépenses totales pourraient atteindre « près de 1 700
milliards de dollars au cours des dix prochaines années ». L'IRA amplifiant les avantages stratégiques
que les États-Unis détiennent déjà (ressources naturelles, expertise technique...), l'énergie solaire et éolienne
pourrait y devenir « la moins chère au monde » , ajoute la banque.

Le programme américain effraie les décideurs européens. Berlin a appelé en octobre à une « réponse forte » de
l'Union européenne au gigantesque plan d'investissement américain en faveur des entreprises basées sur son
sol. Il « ne doit pas détruire les règles du jeu équitables entre nos deux économies » , a affirmé le ministre de
l'Économie Robert Habeck. La question était aussi au coeur de la visite d'État à Washington d'Emmanuel Macron
fin novembre.

La Maison-Blanche nuance aujourd'hui, très légèrement, son discours. Les États-Unis sont ouverts à d'éventuels
« ajustements » de leur plan climat massif pour rassurer des Européens qui craignent une fuite de leurs
entreprises outre-Atlantique, a observé samedi sur la BBC britannique John Kerry, l'envoyé spécial des États-
Unis sur le changement climatique. « Je ne pense pas que l'IRA sera édulcoré » , a-t-il toutefois reconnu. Il
reprenait ainsi peu ou prou le discours de la secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen. Celle-ci avait affirmé
jeudi : « L'objectif du Congrès était de s'assurer que nous ayons des chaînes d'approvisionnement sûres et
d'essayer d'y inclure nos alliés. On va donc voir ce qui peut être fait. »

À Bruxelles, la mobilisation s'accélère face au plan d'investissement massif des États-Unis. Il y a une semaine, la
présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a appelé à « simplifier » les règles strictes
encadrant les aides d'État dans l'UE et à muscler les financements au niveau européen, notamment au sein d'un
« fonds de souveraineté ».

« La machine de la Commission a réagi assez vite. Mais il faut voir ce que cela donnera au niveau du Conseil. Et
cela reste une fusée à plusieurs étages » , souligne Elvire Fabry. La question du financement va se poser et
ensuite, plus difficile encore à résoudre, l'adhésion à une réponse au « America First » qui prendrait la forme
d'un « Acheter européen ». « C'est contraire à l'esprit de l'OMC et des règles de l'UE. Les Européens n'y
renonceront donc pas facilement » , pronostique la chercheuse de l'Institut Jacques Delors. D'autant plus qu'en
janvier, c'est la Suède, un État très opposé aux scénarios de protectionnisme et de fermeture du marché
européen, qui reprend la présidence du conseil de l'UE.

(1) Le groupe Dassault est propriétaire du « Figaro »

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