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L’essentiel
une réalité complexe de la Fonction
matériels ou immatériels, qui peuvent s’établir publique
entre deux ou plusieurs individus, groupes ou –– les caractères de la société
internationale
collectivités. L’ensemble constitue un maillage
–– les relations internationales
d’une extraordinaire complexité qui bouge tous
des
depuis 1945
les jours et qui évolue entre « le chacun pour –– les facteurs constitutifs des
Rinternationales
soi » et le « tous pour un ». relations internationales
Au total, une présentation synthétique, • Les acteurs et les règles des
elations
rigoureuse et pratique des principes qui régissent relations internationales
les Relations internationales. –– l’État, protagoniste principal
des relations internationales
Le public –– des acteurs récents :
les Organisations
–– Étudiants en licence de Droit, de Sciences
intergouvernementales (OIG)
économiques et d’AES
–– les nouveaux acteurs : ONG, STN,
–– Étudiants des Instituts d’Études Politiques
individus, peuples
–– Candidats aux concours des grandes écoles
–– la régulation normative des
de commerce et de gestion
relations internationales
–– Candidats aux concours de la fonction publique
• Les enjeux et les défis des
relations internationales
L’auteur –– guerre ou paix ?
–– richesse ou pauvreté ?
Antoine Gazano est Maître de conférences
–– l’État, acteur marginalisé ?
à l’Université de Nice Sophia-Antipolis.
A. gazano
Prix : 13 m
ISBN 978-2-297-01626-1
Cette collection de livres présente de manière synthétique,
rigoureuse et pratique l’ensemble des connaissances que l’étudiant
doit posséder sur le sujet traité. Elle couvre :
– le Droit et la Science Politique ;
– les Sciences économiques ;
– les Sciences de gestion ;
– les concours de la Fonction publique.
• les acteurs et les règles des relations internationales (chapitres 5 à 8) : l’État, protago-
niste principal des relations internationales ; les acteurs récents, les Organisations intergou-
vernementales (OIG) ; les nouveaux acteurs, Organisations non gouvernementales (ONG),
Sociétés transnationales (STN), individus et peuples ainsi que la régulation normative des
relations internationales ;
• les enjeux et les défis des relations internationales (chapitres 9 à 11) étudiés sous
forme de questionnement : guerre ou paix ? richesse ou pauvreté ? et l’État est-il margina-
lisé au sein du système international ?
SOMMAIRE
Présentation 3
Liste des abréviations 11
1
Les données de la scène internationale
Chapitre 1 – Les relations internationales : une réalité
complexe 15
1 – La relativité d’une définition 15
2 – Les approches doctrinales 16
■ Les approches réalistes (ou conflictuelles) 16
a) L’étude des conflits 17
b) Les relations de puissance 18
■ Les approches transnationales (ou solidaristes) 20
a) L’interdépendance de la vie internationale 21
b) L’institutionnalisation de la vie internationale 23
3 – Société ou communauté internationale ? 24
6 L’ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES
2
Les acteurs et les règles des relations
internationales
Chapitre 5 – L’État, protagoniste principal des relations
internationales 57
1 – Une entité en croissance continue 57
2 – Les éléments constitutifs 58
■ Le territoire 58
■ La population 59
■ Une organisation politique souveraine 60
3 – La reconnaissance internationale de l’État 61
4 – Les regroupements d’États 62
5 – Les relations entre États 62
■ La doctrine 87
■ Les actes unilatéraux 87
■ Le jus cogens 88
2 – Les règles juridico-politiques régissant les relations internationales 88
■ Le principe d’égalité souveraine des États 88
■ Le principe de non-intervention dans les affaires intérieures d’un État 89
■ Le principe de non-recours à la force 89
■ Le principe du règlement pacifique des différends 89
■ Le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes 89
■ Le principe du respect des droits de l’homme 89
■ Le devoir d’ingérence humanitaire 90
■ Le principe d’une responsabilité et d’une justice pénales internationales 91
3
Les enjeux et les défis des relations
internationales
Chapitre 9 – Guerre ou paix ? 95
1 – La dialectique guerre ou paix 95
2 – Les mesures préventives 96
■ L’idéal inassouvi : un désarmement généralisé et total 96
a) Des initiatives partielles 98
b) Le dogme de la non-prolifération des armes nucléaires 99
■ Le règlement pacifique des différends 102
a) Le règlement judiciaire 103
b) Le règlement politique 103
10 L’ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES
Les relations internationales sont « d’une telle complexité qu’on peut les appréhender de multiples
manières et que les diverses tentatives effectuées pour réduire cette complexité à des termes
simples et univoques débouchent sur autant de définitions controversées ». Ces propos de Marcel
Merle en 1988 restent toujours d’actualité.
technologie militaire, le territoire n’est plus obligatoirement une garantie certaine quant à la
puissance d’un État.
– les approches géo-économiques qui affirment que la politique étrangère n’est plus unique-
ment la défense d’intérêts politiques mais aussi d’intérêts économiques qui sous-tendent les
nouvelles logiques d’affrontement.
Cette thèse, défendue au début des années 1990 par Edward Luttwak, privilégie l’arme écono-
mique comme instrument de puissance et d’affirmation sur la scène internationale. À la géopoli-
tique traditionnelle pour laquelle les rivalités sont essentiellement territoriales, se substituerait une
géo-économie qui aurait pour but de conquérir ou de préserver une position enviée au sein
de l’économie mondiale. L’intervention directe ou indirecte de l’État dans les diverses activités
d’investissement, de recherche et de développement, à la différence des motivations commerciales
des entreprises privées, relève de la géo-économie. Le concept défini par E. Luttwak est intéressant
car il intègre une dimension économique longtemps sous-estimée par les théoriciens des relations
internationales. Toutefois il n’est pas exempt d’imprécisions, voire de critiques car son concepteur
en limite le champ aux seules nations industrialisées occidentales alors qu’il apparaît aujourd’hui
posséder une dimension plus globale.
À la différence de la géopolitique œuvrant dans un cadre territorial fixe et délimité, la
géo-économie se meut dans un espace en perpétuel mouvement s’affranchissant des frontières
territoriales. Cependant les deux concepts ne sont pas antinomiques mais complémentaires. En
aucun cas, la géo-économie ne signifie la fin des conflits et des revendications territoriales. Si elle
permet d’avoir, au sein des pays industrialisés, une grille d’analyse plus fine des relations entre
l’État et ses partenaires industriels nationaux, elle est utilement complétée par une approche
géopolitique dans la compréhension des conflits et rivalités de pouvoirs dans l’ex-Yougoslavie, en
Afrique centrale ou au Proche-Orient.
Plusieurs auteurs, de Hobbes à Machiavel, de Morgenthau à Aron, ont défendu cette approche
réaliste des relations internationales fondée sur trois éléments principaux :
– les relations internationales sont régies par les rapports interétatiques, limités à un nombre faible
d’acteurs. La théorie réaliste ne nie pas l’existence de relations transnationales mais elle les juge
secondaires dans la compréhension de l’ordre international. Elle prône la dissociation absolue
entre l’externe et l’interne ;
– les rapports entre États sont conditionnés par la recherche de l’intérêt national (d’où le qualifi-
catif réaliste). Il faut assurer la puissance de l’État ;
– les relations internationales sont essentiellement conflictuelles, l’instrument principal étant le
recours à la force. La hiérarchie entre États se fonde principalement sur le facteur militaire,
même si d’autres facteurs économiques ou culturels peuvent exister.
Cette théorie postule donc que les États-nations sont les acteurs presque exclusifs du système
international et qu’ils ne sont motivés que par leur intérêt propre. Il en résulte des relations inte-
rétatiques conflictuelles par nature qui donnent la priorité à la force sur l’économie.
Sous l’influence de divers facteurs, l’école réaliste va se transformer en néoréalisme. Si les interdé-
pendances économiques et technologiques sont davantage prises en compte, les États conservent
le pouvoir effectif de détermination rationnelle de la politique internationale, au nom d’une légiti-
mité issue de la volonté de leurs concitoyens. Autrement dit, pour les néoréalistes (Robert Gilpin,
Stephen Krasner), la gouvernance mondiale ne peut être que le fait des États, que le politique
dominant l’économique.
Les courants néoréalistes considèrent que la fin de la guerre froide signifie le retour aux affronte-
ments de puissance mais cette fois à l’échelle planétaire. Le clivage Est/Ouest, fortement battu en
brèche, laisserait la place aux seuls intérêts nationaux. Ces courants, à la différence de l’analyse
réaliste classique, mettent aussi l’accent sur la composante économique (guerre économique) ou
culturelle (choc des civilisations) des intérêts de puissance et leur possible mutation en conflit
militaire.
En 1993, un professeur américain, Samuel Huntington, renouvela le genre en estimant que les
conflits à venir seraient caractérisés par des affrontements culturels qui opposeraient, non les
États-nations, mais les principales civilisations mondiales. « Le choc des civilisations dominera la
politique mondiale. Les lignes de fracture entre civilisations seront les lignes de front ».
Il distingue huit civilisations : occidentale, slave-orthodoxe, islamique, hindoue, confucéenne,
japonaise, latino-américaine et africaine.
20 L’ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES
archétype et partagent la même conception des relations internationales) ou hétérogène (les États
se réclament de valeurs contradictoires).
Le système se réfère à divers modèles unipolaire, bipolaire ou multipolaire, rigide ou souple, repré-
sentatifs des rapports de force. Un système unipolaire (homogène) ne connaît qu’un seul pôle
de décision, aujourd’hui pour certains auteurs et gouvernants, l’hyperpuissance américaine. Un
système bipolaire peut être homogène quand deux pôles de puissance, de force identique et
partageant les mêmes valeurs, dominent les relations internationales. Il est hétérogène lorsque les
deux pôles défendent des conceptions opposées de la société. Ce système bipolaire est dit rigide
(conflit Est-Ouest de 1947 à 1962) ou souple (naissance du mouvement des non alignés). Dans le
cadre d’un système multipolaire, plusieurs entités politiques, de taille comparable et de force
militaire équivalente, coexistent et se concurrencent mutuellement. Il s’agit d’un système d’équi-
libre, censé éviter la domination d’une entité sur les autres.
En France, Marcel Merle s’est attaché à présenter une explication globale des relations internatio-
nales à partir d’une analyse systémique plus élaborée. Il relève que la formation d’un système
global, soumis à des influences continues de la part de son environnement, engendre deux effets
contradictoires : une interdépendance accrue et une accumulation de contradictions au sein du
système.
Une autre théorie, la gouvernance globale, a été développée, durant les années 1990, par James
Rosenau et met l’accent sur la notion d’autorité, mais définie de manière spécifique au marché ou
au secteur concerné.
Elle n’est pas prédéfinie et ne présuppose pas une hiérarchie spécifique du pouvoir ; elle s’exprime
dans la relation entre les divers acteurs concernés.
La combinaison de la mondialisation et du niveau local favorise l’émergence de nouvelles forces au
sein des sociétés, qui provoquent un double processus d’intégration et de fragmentation et contri-
buent à la dilution de l’autorité entre les niveaux mondial, national et infranational.
L’approche de Rosenau met en lumière une gouvernance globale particulièrement complexe où
interagissent une multiplicité d’acteurs dans un espace en perpétuelle évolution. Les acteurs de
base de la gouvernance sont les sphères d’autorité plutôt que les États, les structures historiques
ou les compromis politiques qui caractérisent les précédentes théories. Chaque sphère exerce son
autorité selon des modalités qui lui sont propres et les relations intersphériques ne sont pas néces-
sairement hiérarchiques. Au sein de chaque sphère, les acteurs les plus puissants font respecter
leur autorité. Ainsi, selon Rosenau, c’est « une convergence entre les besoins des différents
acteurs qui permet à l’un d’entre eux d’obtenir l’approbation des autres et non une contrainte de
type constitutionnel qui attribuerait la plus haute autorité exclusivement aux États et
CHAPITRE 1 – Les relations internationales : une réalité complexe 23
Elle connaît une mutation accélérée qui met à mal les vérités de la veille et rend aléatoire les prévi-
sions du lendemain. Un aspect significatif de cette transformation réside dans la formation d’une
société civile mondiale transcendant les frontières, composée d’Organisations non gouvernemen-
tales intervenant dans les champs religieux, humanitaire, écologique et culturel. Ce phénomène
est facilité et amplifié par l’essor rapide des techniques de l’information et de la communication,
qui soit dit en passant, accentuent les inégalités entre pays développés et pays en développement
(PED).
Si l’État reste la composante essentielle d’une société de coexistence entre États souverains, donc
encore interétatique, la réalité contemporaine des relations internationales révèle déjà la présence
d’une société transnationale dont les acteurs développent leurs activités « par-delà des frontières
submergées par des mouvements irrésistibles d’hommes, de capitaux et de trafiquants ».
■ La mondialisation
a) Un phénomène multiforme
Elle n’est pas nouvelle puisque Paul Valéry affirmait dès 1919 (Actuelles) que « le temps du monde
fini commence ». Les progrès fulgurants des échanges et des techniques, notamment de commu-
nication, ont rendu le monde plus exigu et accentué l’interdépendance des États et des peuples.
Qu’un indicateur économique américain ou japonais soit préoccupant et dans les minutes qui
suivent les indices des places boursières mondiales chutent. Que les bénéfices d’une société
soient moins élevés que les prévisions ne l’envisageaient, voilà des actionnaires à la recherche
d’un profit maximal qui sanctionnent la gestion des dirigeants en vendant leurs actions (les fonds
de pension, principalement anglo-saxons, gèrent des encours supérieurs à 46 000 milliards de
dollars).
Cette mondialisation multiforme touche les domaines politiques, économiques et culturels. Elle
s’étend sous l’influence de plusieurs facteurs technologiques (effacement virtuel des frontières) et
économiques (développement du multilatéralisme). La mondialisation politique résulte de la prise
de conscience des États de réguler leurs rapports en fonction de nouveaux impératifs. La plupart
des problèmes ne peuvent plus être traités et résolus à l’échelon national, la mondialisation se
double ainsi de la globalisation. Autrement dit, un transfert s’opère de la sphère nationale à la
sphère mondiale. La notion de globalisation se réfère ainsi à des phénomènes souvent peu diffé-
renciés : d’une part des faits comme la circulation des personnes et des biens ou des délocalisa-
tions, d’autre part des politiques économiques, notamment la libéralisation commerciale (biens
et services), financière (capitaux) ou la libéralisation des marchés du travail. Toutefois la libéralisa-
tion n’est pas synonyme de laisser-faire. La globalisation implique donc des processus
contradictoires.
CHAPITRE 2 – Les caractères de la société internationale 27
b) La mondialisation économique
Ce phénomène est particulièrement sensible en matière économique et financière. Comme le
supposent de nombreux économistes, la mondialisation de l’économie est sans doute le dernier
aboutissement de la « modernité » occidentale, processus initié avec l’avènement du capitalisme.
L’établissement d’un cadre multilatéral pour les échanges se matérialise par l’institutionnalisa-
tion de règles de libre échange (Accord général sur les tarifs douanniers et le commerce
(GATT) puis Organisation mondiale du commerce (OMC) et par la volonté de stabiliser les règles
monétaires internationales.
1) L’adoption d’accords commerciaux
Après le second conflit mondial, les puissances alliées, principalement les États-Unis, ont souhaité
l’adoption d’accords commerciaux, capables de doter les relations commerciales d’un cadre orga-
nisé et de créer un code de bonne conduite, destiné à empêcher les États d’imposer des restric-
tions aux échanges ou des barrières commerciales. Ainsi est né l’Accord général sur les tarifs et le
commerce fondé sur des principes simples : la non-discrimination, la réciprocité et la transparence.
Des exceptions étaient prévues pour les PED, non soumis à l’obligation de réciprocité afin de
protéger leur commerce intérieur.
La réduction progressive des obstacles tarifaires et non tarifaires s’est opérée par négociations
successives, dénommées Round (exemples des Kennedy, Tokyo et Uruguay Rounds). Ces cycles
de négociation ont pour objet de diminuer ou de supprimer des barrières douanières, des quotas
d’importation, des subventions et des entraves techniques ou sanitaires.
Un autre moyen de réduction consiste à accorder, dans un traité commercial bilatéral, à un parte-
naire commercial la clause de la nation la plus favorisée.
Par un effet de cascade, tous les autres partenaires commerciaux plus anciens bénéficieront auto-
matiquement des avantages tarifaires ou douaniers octroyés au dernier État arrivant.
Les accords de Marrakech, conclus à la fin de l’Uruguay Round (1986-1994), créent l’Organisation
mondiale du commerce, entrée en fonction le 1er janvier 1995. Ses 153 États membres représen-
tent plus de 93 % du commerce mondial et de nombreux États comme la Russie (son admission
est probable en 2011) ou l’Algérie ont fait acte de candidature. L’OMC dispose de compétences
plus étendues que le GATT et le cycle de négociation en cours (Doha Round) porte non seulement
sur la libéralisation de l’agriculture et des services, mais aussi sur la réglementation des investisse-
ments et des marchés publics, sur les droits de douane relatifs aux produits industriels, sur les
questions de développement et les règles de l’OMC concernant le commerce et l’environnement.
Sur le programme des négociations, il existe des différences d’appréciation entre les États-Unis et
l’Union européenne, les Américains étant plus enclins à accorder des mesures sectorielles alors que
28 L’ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES
les Européens désirent que le Round débouche sur des réglementations globales et que la libérali-
sation du commerce international ou l’adoption de normes sociales (travail des enfants) ou envi-
ronnementales ne se fassent pas au détriment des pays les plus pauvres.
Les PED, regroupés au sein du « Groupe des 77 » et majoritaires numériquement au sein de
l’Organisation, demandent que la libéralisation concerne aussi les secteurs où ils ont un avantage
comparatif. Ils réclament un meilleur accès aux marchés des pays de l’hémisphère Nord, un traite-
ment spécial et différencié et une équité plus grande du système commercial. Ils dénoncent princi-
palement le protectionnisme agricole de certains pays développés qui les handicape lourdement.
Les PED ont contribué à l’échec de la conférence de Cancun en 2003 et militent pour une
suppression des subventions agricoles. Le dossier ne semble pas en voie de résolution après le
double échec en juin 2007 de la réunion de Potsdam entre les États-Unis, l’Union européenne, le
Brésil et l’Inde et en juillet 2008 de la réunion de Genève à la suite d’un différend
américano-indien. En dépit des multiples réunions tenues à Genève en 2009 et 2010, il semble
difficile de conclure le cycle de Doha (initié en 2001), à court terme, à moins que l’appel à une
conclusion rapide du cycle lancé par le G 20 en novembre 2010 à Séoul ne soit suivi d’effet. Les
concessions de l’Union européenne et des États-Unis en matière agricole, en ces temps de crise,
apparaissent peu probables car la défense de leurs intérêts nationaux prédomine.
Le Directeur général de l’OMC a tout de même incité, en décembre 2010, les États membres à
conclure le cycle en déclarant que « Personne ne peut plus se fixer de ligne rouge a priori ».
L’OMC dispose d’un pouvoir juridictionnel de règlement des différends dont elle use pour
condamner, par exemple l’interdiction européenne d’entrée du bœuf aux hormones
nord-américain ou les aides fiscales illégales attribuées par les États-Unis à ses exportateurs.
Ce mécanisme de règlement des différends est largement utilisé par les PED dans les conflits
commerciaux qui les opposent aux États-Unis ou à l’Union européenne. De 1995 à octobre 2010,
l’Organe de règlement des différends a traité 418 affaires.
2) La recherche de stabilité des règles monétaires internationales
Elle reflète la volonté des États. Celle-ci s’est exprimée par la création d’institutions spécialisées des
Nations unies, le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque Internationale pour la recons-
truction et le développement (BIRD).
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods en même temps que la Banque mondiale. Il compte
187 pays membres, soit la quasi-totalité des États membres de l’ONU, exceptés Cuba, la Corée du
Nord et quelques micro-États. Son rôle premier est d’assurer la stabilité du système financier et
monétaire international. Créé en vue de réguler un système de changes fixes et de mettre fin aux
fréquentes dévaluations, le FMI a vu son rôle évoluer sensiblement à partir de 1973 avec la
CHAPITRE 2 – Les caractères de la société internationale 29
flexibilité des taux de change. Il devient alors un instrument de régulation financière et d’aide aux
pays en développement confrontés à des crises de financement du déficit de leur balance des
paiements.
Le FMI assure aujourd’hui quatre missions principales :
– la surveillance macroéconomique de chaque pays membre ;
– une assistance financière adaptée aux besoins de chaque État ;
– une assistance technique à la conception et la mise en œuvre des politiques économiques ;
– et la contribution à la lutte contre la pauvreté (mission qui s’est imposée au cours du temps).
L’organisation du FMI repose sur un système alliant la représentation de pays ou de groupes de
pays rassemblés au sein de circonscriptions et une pondération des voix aux Conseils, calculée en
fonction de la quote-part de chaque pays. Contrairement à d’autres institutions comme l’ONU ou
l’OMC, le FMI a pour particularité de ne pas offrir une voix égale aux 187 États qui en sont
membres. Une quote-part est attribuée à chaque pays sur la base de son importance relative au
sein de l’économie mondiale. En effet, la quote-part d’un pays membre détermine le montant
maximum de ressources financières que ce pays s’engage à fournir au FMI et le nombre de voix
qui lui est attribué, déterminant également le montant de l’aide financière qu’il peut obtenir.
La plupart des observateurs constataient l’inadéquation croissante entre des institutions, nées dans
l’après-Seconde Guerre mondiale, et l’extension du phénomène de mondialisation engendrant
l’avènement de nouvelles puissances économiques et financières dans des pays anciennement
colonisés.
Après la réforme des quotes-parts et de la représentation d’avril 2008, il a été décidé par le G 20
à Pittsburgh, choix entériné à Séoul, d’un transfert de quotes-parts au profit des pays émergents
et en développement dynamiques d’au moins 5 % depuis les pays sur-représentés vers les pays
sous-représentés.
Cette réforme des droits de vote, adoptée par le Conseil d’administration du FMI en décembre
2010, (qui conditionnent les droits à emprunter) accorde notamment à la Chine, à l’Inde, au
Brésil et au Mexique un poids plus important dans l’institution.
——————————————————————————————
2 JAPON 6,23 JAPON 6,47
------------------------------------------------------------------------------------------
30 L’ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES
——————————————————————————————————————
------------------------------------------------------------------------------------------
3 ALLEMAGNE 6,09 CHINE 6,39
4 FRANCE 5,02 ALLEMAGNE 5,59
5 ROYAUME-UNI 5,02 FRANCE 4,23
6 ITALIE 3,30 ROYAUME-UNI 4,23
7 ARABIE SAOUDITE 3,27 ITALIE 3,16
8 CANADA 2,98 INDE 2,75
9 CHINE 2,98 RUSSIE 2,71
10 RUSSIE 2,78 BRÉSIL 2,32
11 PAYS-BAS 2,42 CANADA 2,31
12 BELGIQUE 2,15 ARABIE SAOUDITE 2,08
13 INDE 1,95 ESPAGNE 2,00
14 SUISSE 1,62 MEXIQUE 1,87
15 AUSTRALIE 1,51 PAYS-BAS 1,83
16 ESPAGNE 1,43 CORÉE DU SUD 1,80
17 BRÉSIL 1,42 AUSTRALIE 1,38
18 VENEZUELA 1,24 BELGIQUE 1,34
19 MEXIQUE 1,21 SUISSE 1,21
20 SUÈDE 1,12 TURQUIE 0,98
Si certains progrès sont patents (augmentation des ressources du FMI, amélioration des instru-
ments de prêts, régulation bancaire, encadrement des bonus et contrôle des hedge funds), la
coordination macroéconomique et la surveillance des objectifs, assurée par le FMI est restée lettre
morte. Lors du Sommet de Séoul en novembre 2010, il a été décidé que le FMI et la présidence
française établissent au premier semestre 2011 des indicateurs permettant de juger le caractère
excessif ou non d’un excédent ou d’un déficit courant d’un État membre.
Quant à la Banque mondiale, elle octroie des prêts à long terme à des pays à faible revenu par
habitant (20 milliards de dollars en moyenne annuelle). Elle impose aux États destinataires le
respect de conditions générales et coordonne son action avec celle des banques régionales de
développement. Les États membres du G 20 ont entériné, au sommet de Toronto (juin 2010),
une réforme qui permet aux pays émergents et en développement de détenir 47 % des droits de
vote.
3) La recomposition du monde en zones régionales intégrées
La recomposition du monde en zones régionales intégrées, première étape vers le multilaté-
ralisme, s’est accélérée à la fin des années 1980. En 1990, on en dénombrait moins de vingt-cinq,
elles sont au début de ce siècle près d’une centaine. En Europe, l’unification fruit d’un double
processus d’approfondissement et d’élargissement (Union européenne) fait progressivement
émerger une nouvelle forme d’organisation politique supranationale qui s’imposera vraisemblable-
ment dans quelques décennies. Sur les autres continents, un mouvement vers la création d’organi-
sations régionales se dessine en Amérique du Nord (l’ALENA puis l’ALEA), en Amérique latine (le
Mercosur) et en Asie (l’ASEAN et la SAARC), sans pour autant atteindre le même degré d’intégra-
tion que l’Union européenne.
En effet, il est nécessaire d’établir une distinction entre les différentes formes choisies : zone de
libre échange, union douanière, marché commun ou union économique. Au sein d’une zone de
libre échange, les obstacles commerciaux (quotas, droits de douane) sont abolis entre États
membres (exemple de la zone regroupant la Chine et certains pays de l’ASEAN depuis le 1er janvier
2010 qui regroupe plus de deux milliards de personnes). Cependant chaque pays fixe son tarif
douanier applicable aux États tiers. Une union douanière aboutit aux mêmes suppressions
d’entraves mais est dotée d’un tarif douanier extérieur, commun aux États membres. Un marché
34 L’ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES
commun ajoute aux règles précédentes le principe de libre circulation des personnes et des capi-
taux. Une union économique, stade atteint par l’Union européenne en 1992, cumule les avan-
tages d’un marché commun avec l’harmonisation des politiques économiques, financières, moné-
taires et sociales des États membres.
Peu d’États veulent rester autonomes et presque tous s’engagent ou projettent de le faire, dans
des liens commerciaux régionaux. Les économistes et les dirigeants politiques sont partagés sur
les bienfaits supposés de cette mondialisation multipolaire. Selon certains, ces regroupements
permettent à des États de sortir plus rapidement d’une crise économique (Alena et Mexique). De
plus, ils ont contribué à augmenter le flux du commerce mondial.
Pour d’autres économistes, la constitution de blocs régionaux recèle des dangers comme l’exclusi-
visme des échanges intrazone ou l’édification de barrières tarifaires pénalisant les exportations de
pays tiers. Quelle que soit la forme d’intégration de ces organisations, elles ne fonctionnent bien
que lorsqu’il existe un affectio societatis entre ses membres. Cette régionalisation des échanges
est essentiellement un phénomène structurel lié à un ensemble de facteurs de proximité : la
distance géographique, les liens culturels, historiques, linguistiques et la concordance des systèmes
politiques et des politiques commerciales. L’exemple de l’APEC (Coopération économique
Asie-Pacifique) créée en 1989, est significatif. Cette organisation, regroupant 21 pays aussi divers
que les États-Unis, le Japon, la Russie, le Vietnam et le Pérou, ne dispose pas d’une réelle
structuration.
Régionalisme et multilatéralisme ne s’opposent pas mais vont de pair.
L’économie mondiale est organisée autour de trois pôles principaux, européen, américain et
pacifico-asiatique qui n’entendent pas se cantonner dans leur sphère d’influence naturelle. Des
instances de dialogue interpôles se multiplient, par exemple entre l’Europe et l’Asie (l’ASEM),
entre l’Europe et l’Amérique latine (sommets entre l’Union européenne et les pays du Mercosur),
entre les États-Unis et les États asiatiques (l’APEC), entre l’Europe et les États-Unis (Sommet Union
européenne et États-Unis) ou plus récemment entre l’Amérique du Sud et les pays arabes.
Ces intégrations régionales ne gênent pas les relations commerciales puisque plus de 80 % du
commerce de chaque pôle se fait avec les deux autres. Il appartient à l’OMC de contrôler que les
tentations protectionnistes s’estompent. Il faut constater également que les zones extérieures à ces
trois pôles sont exclues des flux commerciaux mondiaux et par conséquent partiellement margina-
lisées (Afrique). L’interdépendance entre les grandes régions économiques du globe est une
conséquence logique de la mondialisation des échanges et des marchés des capitaux. Détenant
près du quart de la dette des États-Unis, le Japon s’interroge sur leur solvabilité, de même il est
naturel que Washington s’inquiète de la solidité financière du système bancaire japonais.
CHAPITRE 2 – Les caractères de la société internationale 35
Les responsables économiques des trois continents sont conscients des risques que représentent
les inégalités de la croissance mondiale. De telles différences risquent de conduire à des évolutions
divergentes des taux de croissance. Ainsi sauf à rétablir des barrières protectionnistes et à remettre
en cause les fondements de l’économie de marché, cette surveillance réciproque et permanente
des politiques économiques perdurera. Certains le déploreront au nom de la souveraineté des
États, d’autres s’en réjouiront, jugeant constructive la critique extérieure.
L’intégration régionale n’est qu’un élément de la mondialisation économique qui, outre le marché
global, comprend d’autres niveaux infrarégionaux (États) et infra-étatiques (collectivités territo-
riales) ainsi que des opérateurs privés. Selon la Banque mondiale, la montée du pouvoir écono-
mique des collectivités locales sera l’une des tendances les plus importantes de ce siècle. Dans
son rapport annuel 1999-2000 sur le développement, les experts prévoient que « la localisation
(décentralisation) et la mondialisation sont les deux forces qui dessineront les contours de l’éco-
nomie mondiale de demain ». Si la décentralisation favorise la démocratie et constitue un facteur
d’efficacité économique, elle n’est pas sans inconvénients. Le danger principal tient à ce que
« poussées à l’extrême, les revendications d’autonomie locale peuvent dégénérer en conflits ethni-
ques et en guerre civile ».
Depuis trente-cinq ans, le nombre de pays indépendants dont la population est inférieure à un
million d’habitants a plus que triplé (47 au lieu de 13). Le risque de voir se multiplier les situations
de séparatisme économique entre régions utiles et régions fardeaux est patent. La poursuite de la
mondialisation, si elle n’était pas régulée par des mécanismes appropriés, risque de s’accompagner
d’instabilités dangereuses. Instruits par la crise asiatique qui a perturbé l’économie mondiale
durant deux ans (1997-1998) et provoqué des conséquences sociales dramatiques en Asie orien-
tale ainsi que sous la pression des mouvements altermondialistes, les responsables du G 8 ont
voulu dès juin 1999, « humaniser la mondialisation et construire un monde plus solidaire ».
c) La mondialisation culturelle
La mondialisation atteint aussi le domaine des biens culturels. Le principe libéral, qui la sous-tend,
vise à l’universalité, en d’autres termes, au refus de la différence culturelle (même s’il s’en
accommode dans le discours officiel). Son fondement repose, d’une part, sur l’individualisme et
l’indépendance absolue des individus et, d’autre part, sur la primauté de l’économique et du
marché. La culture est devenue un enjeu central des relations internationales et fait l’objet de
controverses autour de l’exception (ou de la diversité) culturelle, protectrice des cultures nationales
et régionales, menacées par l’hégémonisme culturel américain. Des débats animés ont eu lieu
dans des enceintes internationales (GATT en 1994, OCDE en 1998 et OMC en 1999, 2003 et
2007) et perdurent encore aujourd’hui.
36 L’ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES
■ La fragmentation
Elle se caractérise par une montée des nationalismes et des particularismes, conséquences d’une
profonde crise identitaire et par une aggravation du « sous-développement ».
■ La contestation
La bipolarisation est remise en cause sous l’effet d’un double mouvement : un mouvement interne
à chaque bloc et un mouvement plus général, initié par certains États qui ne se reconnaissent pas
dans la logique des blocs antagonistes.
a) La contestation interne
Elle se développe dans des États estimant que leurs intérêts nationaux transcendent ceux du camp
auquel ils appartiennent. En Europe comme en Asie, la résistance à la domination soviétique
émane des partis communistes frères. De la révolution hongroise en 1956 au printemps de Prague
de 1968, les tentatives d’instaurer « un socialisme à visage humain » sont brisées par l’emploi de
CHAPITRE 3 – Les relations internationales depuis 1945 41
la force armée au nom de la doctrine de la souveraineté limitée qui privilégie au contraire l’intérêt
collectif du Pacte, défini, il est vrai, par la seule URSS.
La création en 1949 de la République populaire de Chine renforce initialement le camp commu-
niste mais la rupture est consommée en 1961 pour des raisons idéologiques (leadership révolu-
tionnaire) et territoriales (différend frontalier).
Un constat analogue peut être opéré au sein du camp occidental.
À l’instigation du général de Gaulle, la France s’efforce, dans les années 1960, de rompre la
logique des blocs en se dotant d’une force nucléaire et en quittant les structures militaires inté-
grées de l’OTAN en 1966. Elle multiplie les contacts avec les dirigeants soviétiques et reconnaît
en 1964 la République Populaire de Chine. De même la République fédérale allemande (RFA)
sous l’impulsion du chancelier Willy Brandt conduit une politique autonome de dialogue avec la
République démocratique allemande (RDA) et s’efforce de renouer les liens politiques, culturels et
humains entre les deux États issus de la partition de l’Allemagne.
De plus, la construction européenne progresse dès 1957 avec la signature du traité de Rome insti-
tuant une Communauté économique européenne. La création de ce marché commun permet à
l’Europe de concurrencer, à terme, l’économie américaine.
b) Au niveau externe
À ce phénomène de remise en cause interne, s’ajoute un phénomène analogue au niveau externe.
À la fin des années 1950, les États, nés de la première vague de décolonisation, sont majoritaires
au sein de l’Assemblée générale des Nations unies et contestent pour la plupart d’entre eux
l’hégémonisme américano-soviétique. 29 États africains et asiatiques s’étaient réunis à Bandoeng,
en avril 1955. Malgré de réelles divergences, ils prônaient le droit des peuples à disposer
d’eux-mêmes, le désarmement nucléaire et le développement économique des pays du
Tiers-Monde, selon l’expression d’Alfred Sauvy. La volonté exprimée de faire apparaître une troi-
sième voie, le non-alignement, se concrétise en 1961 avec la création du Mouvement des pays
non alignés. L’ambition de ce mouvement est de rester à l’écart en ne participant pas aux alliances
militaires et en refusant toute présence militaire étrangère sur leurs territoires.
En réalité, le concept de non-alignement, dès ses origines, était nécessairement ambigu puisque
d’une part les États non alignés s’étaient libérés de la colonisation occidentale et militaient ardem-
ment pour la poursuite du processus de décolonisation mais d’autre part, face à la situation de
sous-développement, dépendaient de l’aide économique des Occidentaux.
En dépit de ces contestations, les deux superpuissances vont préserver pour l’essentiel leur supré-
matie sur la scène internationale durant les années 1970 et 1980. L’implosion du bloc soviétique
provoque la dissolution d’un ordre bipolaire, certes atténué, mais toujours dominant.
42 L’ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES
■ Le facteur géographique
Certains auteurs ont accordé à la dimension climatique une influence en fonction de la nature du
sol, du relief et de la végétation d’un État. D’autres ont expliqué et parfois justifié la politique
étrangère des États par le déterminisme des facteurs naturels.
Les relations entre l’espace et la puissance semblent évidentes. L’étendue du territoire étatique
est une première donnée spatiale dont les effets positifs sont connus sur le plan stratégique (échec
des invasions napoléonienne et hitlérienne contre la Russie) et juridique mais qui peut s’avérer
redoutable lorsqu’il s’agit de défendre des milliers de kilomètres de frontières.
La situation est une autre donnée importante, un État enclavé sans accès à la mer souffrira d’un
déficit de puissance manifeste. La configuration territoriale révèle l’existence de situations qui
protègent mieux l’État bénéficiaire de risques extérieurs. Ainsi la configuration insulaire a protégé
la Grande-Bretagne de plusieurs invasions. D’autres États comme la Turquie, l’Indonésie, l’Égypte
46 L’ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES
ou le Panama voient leur puissance valorisée par la présence de détroits ou de canaux par lesquels
transite une part importante du trafic maritime international.
La présence de ressources naturelles qu’elles soient vivantes ou minérales influe sur le degré de
puissance d’un État. Encore faut-il qu’il dispose de l’ingénierie technique et de la capacité finan-
cière de les exploiter. L’intérêt de la Chine pour les importantes réserves africaines de minéraux le
prouve avec acuité et explique la place grandissante que ce pays a acquis sur ce continent
(Sommet Chine-Afrique en 2007 et 2009). De même que les hydrocarbures, les « terres rares »,
terme désignant 17 minéraux stratégiques entrant dans la composition de la plupart des produits
civils et militaires issus de l’industrie high-tech, constituent un élément essentiel des relations
économiques internationales. La Chine en assure 95 % de la production mondiale et n’a pas
hésité en septembre 2010, suite à un incident naval avec le Japon, à réduire ses importations
vers l’Occident et à instituer un organisme chargé de gérer ces ressources non renouvelables.
L’arme, pour certains le chantage, énergétique relève d’un rapport de puissance d’un État produc-
teur vis-à-vis de pays voisins moins favorisés (par exemple la Russie à l’égard de l’Ukraine ou du
Bélarus).
■ Le facteur démographique
L’intérêt de l’approche démographique est de compléter un élément stable donné par la géogra-
phie en considérant les rapports entre l’espace et son occupation humaine ; Une première consta-
tation s’impose : la population mondiale dépasse aujourd’hui les 6,9 milliards d’individus. Seconde
constatation, la population est inégalement répartie et sa croissance est plus rapide au Sud qu’au
Nord. Au cours du XXe siècle, 90 % de la croissance provenaient des PED. En 2025, la population
des pays développés représentera 15 % du total, 13,5 % en 2050, au lieu de 23 % en 1990.
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développement
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CHAPITRE 4 – Les facteurs constitutifs des relations internationales 47
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Afrique 1 009,9 1 998,5 2,3 40 4,45
Amérique du Nord 351,7 448,5 1,0 82 2,02
Amérique latine et 588,6 729,2 1,1 80 2,17
Caraïbes
Asie 4 166,7 5 231,5 1,1 42 2,30
États arabes 359,4 598,2 2,1 56 3,20
Europe 732,8 691 0,1 73 1,52
Océanie 35,8 51,3 1,3 89 2,42
50 % en 2008, 60 % en 2025) qui exacerbe les besoins alimentaires et exerce des influences
négatives sur l’environnement en favorisant le déboisement, la surexploitation forestière, l’érosion
des sols, la désertification et la pénurie en eau.
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8. Canada 0.888 38 668
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CHAPITRE 4 – Les facteurs constitutifs des relations internationales 49
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9. Suède 0.885 36 936
10. Allemagne 0.885 35 308
11. Japon 0.884 34 692
12. Corée du Sud 0.877 29 518
13. Suisse 0.874 39 849
14. France 0.872 34 341
15. Israël 0.872 27 831
* L’indice étant calculé sur des données 2008, il est très probable qu’en raison des grandes diffi-
cultés financières que connaît depuis ce pays, son classement se soit détérioré depuis.
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167. Niger 0.261 675
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50 L’ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES
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168. R. D. Congo 0.239 291
169. Zimbabwe 0.140 176
■ Le facteur militaire
Toute société est travaillée par des tensions. La société internationale n’échappe pas à cet axiome
et les entités qui la composent n’ont pas hésité à recourir à la force armée pour régler leurs diffé-
rends ou pour se protéger d’une menace réelle ou potentielle. La course aux armements est
intemporelle, générale et multiforme. Elle concerne toutes les régions du monde et tous les types
et systèmes d’armes nucléaires ou conventionnelles.
La militarisation implique la mise en œuvre de moyens humains, matériels, financiers, scientifiques
et commerciaux considérables. La présence, notamment dans les pays du Tiers-Monde, d’arsenaux
militaires disproportionnés aux réalités contemporaines représente un danger patent pour le main-
tien de la paix et la stabilité mondiales.
L’augmentation sensible des dépenses militaires américaines depuis les attentats du 11 septembre
2001 (661 milliards de dollars en 2009) résulte en partie du changement de doctrine stratégique
opéré en septembre 2002 et du coût de l’intervention en Irak. La suprématie militaire sans égale
dont bénéficie aujourd’hui les États-Unis vise à écarter préventivement toute menace en prove-
nance d’États voyous, voire à plus long terme l’émergence d’une puissance militaire qui pourrait
contester leur hégémonie.
En retour, on constate un fort accroissement des budgets militaires chinois ou russe. Selon l’Ins-
titut international de recherche sur la paix de Stockholm, les dépenses militaires mondiales ont
avoisiné les 1 531 milliards de dollars en 2009, soit une augmentation réelle de 6 % par rapport
à 2008 et de 49 % depuis 2000.
CHAPITRE 4 – Les facteurs constitutifs des relations internationales 53
■ Le facteur idéologique
Les détenteurs d’une parcelle d’autorité véhiculent un message à destination des nationaux et du
monde extérieur, parfois contrebalancé par des contre-idéologies. Qu’elles soient globales ou
confinées aux rapports interétatiques (Marcel Merle), fonctionnelles ou dysfonctionnelles
(P.-F. Gonidec), les idéologies sont à la fois source d’affirmation et d’occultation.
Ainsi, les influences du nationalisme ou du fait religieux sur la scène internationale, depuis 1990,
sont difficilement contestables.
■ Le facteur médiatique
L’impact des grands médias (télévision et presse écrite) sur les relations internationales est indé-
niable. L’instrument médiatique conditionne souvent les réactions des opinions publiques natio-
nales et internationale. La lutte d’influence que se livrent les chaînes d’information continue améri-
caines et arabes dans la couverture des événements en Afghanistan ou en Irak ou sur d’autres
théâtres d’affrontement est significative. La publication de dépêches diplomatiques américaines
par le site WikiLeaks en est une illustration indéniable.
L’opinion publique internationale est une réalité mouvante dans l’espace et dans le temps qui
peut revêtir des formes diverses et émaner des États, de mouvements transnationaux ou d’indi-
vidus de nationalité différente, unis autour d’objectifs communs. Face au système international,
elle exerce une double fonction, régulatrice et déstabilisatrice. Régulatrice en ce sens qu’elle
contribue à l’interpénétration des sociétés ainsi qu’au développement et à la coopération des
Organisations non gouvernementales. Déstabilisatrice car elle reste, le plus souvent, une opinion
des États développés, façonnée par leurs médias et légitimant leur action diplomatique. En dépit
de quelques questions consensuelles (réactions à des catastrophes naturelles), cette opinion
publique est plus unilatérale qu’internationale. De même sur le plan juridique, si les États sont
responsables de leurs actes au regard du droit international, les ONG pourtant dotées de capacités
d’influence, sont internationalement irresponsables. L’idée d’une société civile mondiale relative-
ment homogène ne résiste pas à l’analyse. Elle est à l’image du monde hétérogène, fractionnée
et traversée par des intérêts divergents.
54 L’ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES
La médiatisation de la vie internationale produit des effets variables sur les situations rencontrées :
maintien au pouvoir d’autorités légitimes contestées, internationalisation d’un conflit local (Timor
oriental), renforcement de la solidarité et de l’assistance humanitaire (tremblement de terre en
Turquie ou tsunami en Asie), isolement d’un régime politique (Irak de Saddam Hussein) ou pres-
sions en faveur d’un respect des droits de l’homme.
■ Le facteur juridique
La production de normes juridiques internationales, écrites ou coutumières, représente un facteur
non négligeable, même si les règles de droit formulées ne reçoivent pas toujours d’application
effective de la part des États destinataires.
PARTIE 2
Les acteurs et les règles
des relations internationales
Selon la définition de l’État formulée par la Cour internationale de justice, « les États sont des
entités politiques égales en droit, de structure semblable et relevant toutes du droit international ».
Loin d’être la forme d’organisation politique par excellence qui caractériserait aussi bien les
sociétés tribales et l’Antiquité que les temps modernes, l’État est au contraire un phénomène
historique récent. Sa naissance remonte aux XVe et XVIe siècles et correspond à une « réponse histo-
rique à un problème intemporel », celui du pouvoir. Il constitue une invention occidentale qui a
permis à une partie de l’Europe de quitter l’ère féodale pour entrer dans la modernité politique.
■ Le territoire
Portion d’espace sur laquelle l’État va exercer sa souveraineté, le territoire, délimité par des fron-
tières terrestres, maritimes et aériennes, constitue l’assise de la puissance étatique.
Les frontières sont les conséquences de l’Histoire, des guerres, de négociations et de traités.
Certaines peuvent prendre une base naturelle comme le relief montagneux, les fleuves ou les
côtes. P. Renouvin a noté l’influence de cette géographie sur la politique elle-même en soulignant
qu’elle a souvent préservé l’indépendance d’une population.
Si l’ensemble des terres émergées de la planète est partagé entre les États, il n’en est pas ainsi de
tous les espaces maritimes. La Convention de Montego Bay sur le droit de la mer de 1982, entrée
en vigueur en 1994, autorise les États riverains à prolonger leur emprise territoriale sur la portion
de mer immédiatement voisine de leur frontière côtière. Cette extension s’effectue horizontale-
ment (mer territoriale) et verticalement (droits exclusifs et souverains sur les ressources de la zone
économique exclusive et du plateau continental).
La maîtrise du territoire permet d’assurer la cohésion et la protection de la population qui y réside.
Ce dernier facteur est primordial car il concerne l’intégrité territoriale et l’attachement au sol qui
sont des ferments de l’identité nationale et très souvent des éléments de mobilisation patriotique.
Le droit international a défini les principes protecteurs d’inviolabilité et d’intangibilité des
frontières conventionnellement reconnues.
Si un État ne peut exister sans territoire, il peut survivre à une amputation (annexion) ou à une
division, du moment où ces bouleversements n’impliquent pas la domination d’une puissance
étrangère.
Le principe de territorialité s’applique sans aucune limite inférieure ou supérieure de superficie (des
quelques hectares du Vatican aux millions de kilomètres carrés de la Russie). Dans le périmètre
CHAPITRE 5 – L’État, protagoniste principal des relations internationales 59
défini par les frontières, existent des espaces où l’État n’exerce pas son pouvoir ; le droit interna-
tional reconnaît par exemple l’extraterritorialité des ambassades des pays étrangers soumises à
leurs droits nationaux respectifs.
■ La population
L’État suppose une population définie comme l’ensemble des personnes (nationaux et étrangers)
qui vivent sur un territoire national et sont soumises à l’autorité de l’État. Son autorité ne
s’applique pas de la même façon aux nationaux et aux étrangers auxquels le droit international
garantit un certain nombre de protections.
La nationalité est le lien juridique qui unit un individu, un groupement (sociétés) ou une chose
(navires ou aéronefs) à un État donné.
Ce lien personnel ne recouvre pas exactement le fait de vivre sur tel territoire. Ainsi un « national »
d’un État ne perd pas sa nationalité du seul fait qu’il réside à l’étranger ; à l’inverse le fait de
résider sur le territoire d’un État ne donne pas automatiquement la nationalité de cet État.
L’octroi de la nationalité relève de la compétence exclusive de l’État. Elle s’acquiert soit par la nais-
sance (droit du sol) soit par la filiation (droit du sang). Pour qu’elle soit opposable aux autres États,
la nationalité doit être effective et réelle (affaire Nottebohm, CIJ 1955).
L’octroi de la nationalité à des personnes physiques ou morales crée des droits et fait peser des
obligations.
Les nationaux bénéficient du droit d’entrer et de sortir du territoire national ; ils peuvent
demander à leur État d’exercer la protection diplomatique. De plus tout individu doit bénéficier
d’une nationalité (article 15 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948).
Toutefois la double nationalité est envisageable de même que l’apatridie (absence de nationalité).
Les étrangers sont titulaires de divers droits conformément à un principe général de droit interna-
tional (libertés de la personne, impartialité du système judiciaire) et régis par des accords interéta-
tiques bi ou multilatéraux instaurant une réciprocité.
Le lien juridique et personnalisé, précédemment évoqué, a souvent fait assimiler la population
d’un État à la nation. L’origine de cette affirmation se trouve dans le principe des nationalités,
consacré par la Révolution française.
Le droit qui en découle, celui de toute nation à devenir un État, a contribué à la formation d’États
européens accédant à l’indépendance au XIXe siècle et a été appliqué en 1919 (Traité de Versailles).
Ce principe des nationalités a un prolongement dans le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Ce droit reconnu par la Charte des Nations unies est étroitement lié au mouvement de décoloni-
sation. Réaffirmé en 1960 par la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux
60 L’ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES
peuples coloniaux (Résolution 1514), ce droit a permis de mener à bien le processus de décoloni-
sation et de conduire à l’indépendance de nombreux États par la voie de l’autodétermination.
Pourtant son utilisation soulève des ambiguïtés et des difficultés.
Au moment de la décolonisation, les nouveaux États ont accédé à l’indépendance dans le cadre
de frontières établies par le colonisateur.
Or ces frontières étant souvent artificielles, les populations de ces États ne présentaient pas un
caractère homogène. En effet il arrive que plusieurs groupes à forte identité partagent un territoire
et soient placés sous l’autorité d’un même État. Ils ont accepté, ou ont été contraints d’accepter,
une coexistence plus ou moins harmonieuse.
Cette situation favorise les risques de conflits infra ou interétatiques.
Les exemples de conflits entre communautés abondent en Inde, au Sri-Lanka, à Chypre, au
Rwanda et dans les anciens pays du bloc soviétique.
À la source, on retrouve toujours des causes identiques : volonté d’indépendance, antagonisme
ethnique et/ou religieux, voire des luttes de pouvoir. Le conflit se ramène fréquemment à une
persécution ou à une répression de ces communautés, en général des minorités, par l’État dirigé
par une ethnie ou une confession dominante.
En vue d’assurer leur protection, faute de pouvoir les doter de structures étatiques, le droit inter-
national a développé un statut des minorités nationales (ethniques, religieuses, linguistiques).
La question de la protection des minorités retrouve une actualité avec l’accession à l’indépendance
des anciennes républiques soviétiques et la résurgence d’États plurinationaux. Elle apparaît de plus
difficilement conciliable avec le principe de souveraineté des États.
En second lieu, le développement récent du droit international vient interférer avec la volonté
propre des États. L’adhésion de l’État aux règles du droit international et sa participation aux
multiples organisations internationales, lui imposent le respect d’un certain nombre de principes
qu’il n’a pas édicté lui-même, bien qu’il ait contribué à leur rédaction.
De plus la logique d’appartenance à une organisation supranationale aboutit inévitablement à une
érosion de la souveraineté des États membres par transfert (pour certains par abandon) de compé-
tences à l’organisation.
Par ailleurs, si en théorie les États naissent souverains et égaux en droit et sont donc libres de
choisir leur régime politique, économique et social, la liberté de choix est limitée par l’apparition
d’un modèle dominant constitué du couple démocratie libérale-économie de marché.
Il faut s’interroger sur l’effectivité de la souveraineté de nombreux États qui semblent être sous
tutelle politique ou économique d’autres États ou d’organisations internationales (plans d’ajuste-
ment structurel du Fonds monétaire international dans certains pays du Tiers-Monde).
Force est de constater que la réalité de la souveraineté d’un État se mesure à l’aune de son
indépendance dans la conduite de sa politique intérieure et extérieure.
Ces relations diplomatiques sont l’œuvre des dirigeants politiques qui pratiquent une diplomatie
personnelle en raison de l’internationalisation de toutes les activités sociales. Il ne faut pas omettre
le personnel spécialisé, agents diplomatiques et consulaires, dont le statut et les fonctions ont été
codifiés respectivement en 1961 et 1963 par les Conventions de Vienne afin de concilier les impé-
ratifs de souveraineté aux exigences des relations internationales. La mission diplomatique et les
agents qui y sont rattachés jouissent d’immunités fonctionnelles telles que l’inviolabilité des
locaux et du courrier (mission) ainsi que l’inviolabilité physique, l’immunité de juridiction et
l’exemption fiscale (agents).
Les modalités des relations revêtent deux formes : le conflit ou la coopération. Dans le cadre
d’une action diplomatique, la seconde forme est privilégiée. Cette coopération traduit dans les
faits un accord de volonté entre États afin d’aboutir, dans une matière précise, à une réalisation
commune.
Elle est l’expression d’un mode de relations amicales et ne connaît pas de limitation dans son
objet. Le phénomène s’inscrit dans la durée et requiert des moyens administratifs et financiers
appropriés. Tributaire des variations de comportements de ses protagonistes, ce phénomène est
éminemment instable. Les tendances actuelles mettent en lumière l’importance des disparités de
développement, un relatif désengagement de l’État au profit d’opérateurs publics ou privés
et surtout une globalisation de la coopération et un développement des mécanismes
multilatéraux.
Ces relations de coopération sont souvent finalisées dans un document écrit, généralement un
traité, acte juridique par lequel deux ou plusieurs sujets de droit international s’accordent pour
produire des effets juridiques.
Instrument destiné à préserver la souveraineté des États, le traité souffre d’un formalisme et d’une
solennité parfois préjudiciable aux relations internationales. La pratique a donc développé les
accords en forme simplifiée et la technique des réserves qui permet à un État ayant ratifié un
traité de ne pas se considérer comme lié par une ou plusieurs de ses dispositions.
Des acteurs récents :
les Organisations CHAPITRE
intergouvernementales
Peu à peu, d’autres intervenants, les organisations internationales intergouverne-
6
mentales, sont apparus sur la scène, écornant partiellement le monopole étatique,
sans parvenir pourtant à le remettre fondamentalement en cause.
L’octroi de la personnalité juridique inclut la capacité juridique dans les limites des attributions de
l’organisation. Cela signifie que « l’organisation est un sujet de droit international, qu’elle a la
capacité d’être titulaire de droits et de devoirs internationaux et qu’elle a capacité de se prévaloir
de ses droits par voie de réclamation internationale » (CIJ, avis consultatif du 11 avril 1949 relatif
aux réparations des dommages subis au service des Nations unies).
Le traité constitutif confère à l’organisation des compétences spécifiques, autrement dit elle obéit
au principe de spécialité.
Pourtant une théorie des « compétences implicites » a été invoquée par la Cour internationale de
justice (CIJ) en vertu d’une tendance générale à l’élargissement et à l’aménagement des compé-
tences des organisations internationales.
L’OIG adopte des règles juridiques contraignantes (résolutions) ou non contraignantes (recom-
mandations) selon son degré d’intégration et son champ d’intervention. Elle exerce un contrôle
plus ou moins effectif sur les activités des États membres.
Les dix États les plus contributeurs au budget général de l’ONU 2010-2012 (en %)
1 États-Unis 22 %
2 Japon 12,53 %
3 Allemagne 8,02 %
4 Royaume-Uni 6,60 %
5 France 6,12 %
6 Italie 4,99 %
7 Canada 3,20 %
8 Chine 3,19 %
9 Espagne 3,18 %
10 Mexique 2,36 %
Total : 72,19 % du budget
68 L’ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES
2) Le Conseil de Sécurité
Organe restreint de quinze membres dont cinq membres permanents, le Conseil de Sécurité est
conçu comme l’organe exécutif des Nations unies. Il travaille sans discontinuer lorsque les circons-
tances l’exigent.
Les décisions de procédure sont prises à la majorité des 9/15e ; les décisions majeures sont adop-
tées dans les mêmes conditions de majorité, encore faut-il que le vote des cinq membres perma-
nents soit favorable. Le droit de veto, accordé en 1945 aux vainqueurs de la Seconde Guerre
mondiale, a souvent paralysé l’action de l’ONU. L’imperfection fondamentale de toute construc-
tion juridique est manifeste en droit international. Le système du Conseil de sécurité en est une
illustration parfaite puisque cinq membres permanents dotés d’un droit de veto, souvent juges et
parties, peuvent bloquer toute initiative collective (échec en 2003 d’une résolution
américano-britannique autorisant l’usage de la force en Irak ou menace russe d’user de ce droit
sur la question de l’indépendance du Kosovo).
Il est aujourd’hui contesté par de nouvelles puissances qui désirent modifier la composition du
Conseil et réclament une réforme leur accordant un siège permanent au sein du Conseil. Des
projets de réforme proposent son élargissement à 24 voire 25 États avec de nouveaux membres
permanents ou semi-permanents selon les projets. Le groupe des quatre (Allemagne, Brésil, Inde
et Japon) a pris une initiative en ce sens. Mais pour qu’ils aboutissent, une révision de la Charte
est nécessaire. Or s’agissant d’une décision majeure, elle requiert l’accord unanime des cinq
membres permanents qui ne sont pas pressés de partager leurs privilèges avec d’autres États.
Il est critiqué également pour des raisons d’équité, notamment pour des différences de traitement
face à des situations similaires mais son impuissance est souvent la conséquence d’un désintérêt
flagrant de la part de ses membres les plus éminents.
Saisi par l’Assemblée générale, le Secrétaire général, un État membre ou même par un État
non-membre, le Conseil de Sécurité est chargé du maintien de la paix, conformément aux chapi-
tres VI et VII de la Charte.
Son rôle est subordonné à l’état des relations entre les cinq Grands. Si le Conseil est confronté à
une situation de blocage, l’action diplomatique du Secrétaire général sera paradoxalement faci-
litée. En revanche si le Conseil fonctionne normalement, il empiète sur les compétences du Secré-
taire général qui encourt alors les éventuels reproches des États, des organisations et des individus.
Il ne faut pas non plus occulter la personnalité du détenteur de la fonction qui lui donne une
tonalité particulière.
2) La Cour internationale de justice
Organe judiciaire principal des Nations unies, la CIJ est composée de quinze juges élus conjointe-
ment par l’Assemblée générale et le Conseil de Sécurité selon des critères de compétence, de
représentation de tous les courants juridiques et des grandes formes de civilisation ainsi que de
répartition géographique équitable.
Un État dont le litige est examiné par la Cour peut demander la désignation d’un juge ad hoc de
son choix.
La CIJ remplit une double fonction : contentieuse et consultative.
La fonction contentieuse consiste à rendre des arrêts sur la base du droit international, autre-
ment dit de sanctionner un comportement étatique condamnable.
La Cour ne peut juger les États que s’ils ont accepté sa juridiction (clause facultative de compé-
tence obligatoire) ; dans cette éventualité ses décisions ont force obligatoire. En cas de refus d’exé-
cution, elle ne dispose pas d’instruments de contrainte. Le Conseil de Sécurité est seul habilité à
employer des mesures contraignantes.
La fonction consultative consiste à dire le droit dans une situation juridique incertaine sur saisine
des organes intergouvernementaux de l’ONU et des institutions spécialisées.
chaque pays (de trois à vingt-neuf voix). La parité des voix entre les quatre grands est maintenue
(vingt-neuf voix) mais l’Allemagne obtient un « filet démographique », selon lequel les votes au
Conseil des ministres devraient, pour être validés, représenter 62 % de la population européenne
(17 % pour la seule Allemagne). Les petits pays ont obtenu qu’une décision ne puisse être prise
sans l’accord de quatorze États sur vingt-sept. Le système, adopté à Nice, est donc particulière-
ment complexe puisque trois seuils sont désormais prévus lors de la prise de décision : majorité
des États, majorité qualifiée en voix et filet démographique de 62 %.
Pour éviter la paralysie des institutions communautaires après l’élargissement, les votes à l’unani-
mité devaient devenir l’exception. L’objectif initial était d’étendre à une cinquantaine de domaines
le vote à la majorité qualifiée. Le compromis final reste en deçà des espérances, la plupart des
pays ont réussi à préserver leur droit de veto sur les sujets les plus sensibles (justice, fiscalité, immi-
gration et défense).
Le Traité de Nice facilite le déclenchement d’une coopération renforcée, qui permet à un nombre
limité de pays (huit) d’avancer plus vite que d’autres dans certains domaines.
Une convention a élaboré en 2003 un nouveau traité instituant une constitution pour l’Europe.
Signé en juin 2004, ce traité, fruit d’un compromis, apportait des changements sur plusieurs
points : un président du Conseil élu pour deux ans et demi un ministre des Affaires étrangères et
un président de la Commission élu par le Parlement européen ; une délimitation plus précise des
compétences entre l’Union et les États membres, conforme au principe de subsidiarité ; l’incorpo-
ration de la charte des droits fondamentaux adoptée en 2000 ; la simplification des traités ; un
accroissement du rôle des Parlements nationaux dans l’architecture européenne et l’amélioration
de la légitimité démocratique et de la transparence de l’Union et de ses institutions, afin de les
rapprocher des citoyens des États membres. Il facilitait la création d’un espace judiciaire européen,
l’approfondissement de la politique extérieure et de sécurité commune (PESC).
Comme tout traité international, il devait être ratifié par voies référendaire ou parlementaire par
les vingt-cinq États membres (la Bulgarie et la Roumanie n’ont rejoint l’Union qu’en 2007) et
entrerait en vigueur en novembre 2009.
La construction européenne serait rentrée alors dans une nouvelle phase.
Le double vote négatif des peuples français et néerlandais a conduit le Conseil européen réuni à
Luxembourg en juin 2005 à autoriser les États qui le désiraient à geler le processus de ratification.
Il est presque certain que ce texte ne pourra être mis en œuvre en l’état.
Après deux ans de statu quo, le Conseil européen des 21, 22 et 23 juin 2007 a débloqué, après
de longues tractations, la situation de paralysie dans laquelle l’Union se trouvait. Le Traité modifi-
catif, adopté par les 27 chefs d’État et de gouvernements (Traité sur le fonctionnement de
74 L’ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES
l’Union), amende les traités existants mais ne les remplace pas. On conserve donc la multiplicité
des traités alors que le défunt projet de constitution constituait un texte unique.
Ce futur traité ne contient plus de dispositions symboliques (références au drapeau, à l’hymne, à
la devise et à la monnaie de l’Union). Le terme de constitution disparaît, de même que la partie III
du traité constitutionnel fixant les politiques et le fonctionnement de l’Union. La Charte des droits
fondamentaux, qui formait la partie II de la Constitution, n’est plus reprise dans son intégralité et
fait l’objet d’une référence qui lui donne malgré tout une force juridique contraignante, à l’excep-
tion du Royaume-Uni, exempté de son application. La personnalité juridique de l’Union est main-
tenue avec la fusion des trois piliers : politiques communautaires (1er pilier), politique étrangère et
de sécurité commune (2e pilier) et la coopération judiciaire et policière (3e pilier).
La délimitation des compétences entre l’Union et les États membres est conservée : l’Union doua-
nière, le commerce, la concurrence et la politique monétaire demeurent des compétences exclu-
sives de l’Union. La politique sociale, le marché intérieur, l’énergie et la recherche restent des
compétences partagées avec les États.
Les principales innovations institutionnelles, introduites dans la partie I de la Constitution, sont
préservées : à partir de 2009, un président de l’Union pour une période stable de deux ans et
demi, élu par ses pairs, au lieu de l’actuelle rotation semestrielle (actuellement Herman Von
Rompuy) ; la composition réduite de la Commission européenne dès 2014 (2/3 de sa composition
actuelle et rotation égalitaire) et la fonction de Haut représentant pour les affaires étrangères et la
politique de sécurité (terme qui remplace celui de ministre des Affaires étrangères) élu pour un
mandat de cinq ans et doté des mêmes pouvoirs que dans le projet de Constitution (actuellement
Catherine Ashton).
Le champ des décisions à la majorité qualifiée est étendu à 40 nouveaux domaines, notamment
en matière de coopération judiciaire sur le plan pénal et de coopération policière. Cette réforme
se traduit par une augmentation des pouvoirs du Parlement européen, colégislateurs dans ces
domaines avec le Conseil des ministres. Le Royaume-Uni et l’Irlande ont obtenu de ne pouvoir
appliquer les décisions prises dans ces domaines que lorsqu’ils y sont intéressés. Elle s’accom-
pagne, à la demande du Royaume-Uni, de la création d’un mécanisme destiné à faciliter les
coopérations renforcées entre les États désireux d’aller de l’avant. En ce qui concerne le calcul de
la majorité qualifiée, le futur traité reprend le système de votes de la Constitution qui prévoyait
qu’une décision serait adoptée si elle obtenait le soutien de 55 % des États membres représentant
65 % de la population de l’Union.
Cependant pour obtenir le soutien de la Pologne, plusieurs concessions ont été consenties : son
entrée en vigueur est reportée en 2014, et, jusqu’en 2017, un État membre pourra demander à
ce que s’applique le système de votes du Traité de Nice, précédemment évoqué. De plus un
CHAPITRE 6 – Des acteurs récents : les Organisations intergouvernementales 75
mécanisme permettra à un groupe d’États qui approche la minorité de blocage d’obtenir une
poursuite de la négociation en vue d’une solution. L’unanimité demeure néanmoins la règle pour
la politique étrangère, la fiscalité, la politique sociale, les ressources de l’Union ou la révision des
traités. Le rôle des Parlements nationaux est renforcé : ils disposeront de huit semaines (au lieu de
six) pour examiner un texte communautaire et, à la demande des Pays-Bas, la Commission euro-
péenne devra justifier une décision, la revoir ou la retirer, si elle est contestée à la majorité simple
des voix attribuées aux Parlements nationaux. Si la Commission ne les suit pas, ils pourront
demander aux États membres de bloquer le processus de décision.
Le droit d’initiative citoyenne, qui permettra à un million de citoyens d’inviter la Commission à
soumettre une proposition figure dans le projet de traité modificatif. Quelques dispositions
inédites ont été introduites dans le texte : d’une part, un protocole sur les services publics souligne
l’importance des services d’intérêt général ainsi que la grande marge de manœuvre des autorités
nationales, régionales et locales ; d’autre part est insérée une référence à la solidarité énergétique
en cas de problème d’approvisionnement.
Le Conseil européen de juin 2007 avait fixé le calendrier : la présidence portugaise a convoqué en
juillet 2007 la Conférence intergouvernementale chargée de rédiger le nouveau traité au plus tard
fin 2007. Il devait ensuite être ratifié par les 27 États membres pour pouvoir entrer en vigueur
comme prévu à la mi-juin 2009.
Le non irlandais lors du référendum organisé au printemps 2008 a entraîné une entrée en vigueur
plus tardive que prévue. Il a fallu attendre que les électeurs irlandais aient à se prononcer une
seconde fois au dernier trimestre 2009. L’unanimité des 27 États membres constituant un impé-
ratif juridique, un résultat négatif aurait définitivement compromis les chances d’application du
Traité de Lisbonne dans sa rédaction actuelle.
Le texte est finalement entré en vigueur le 1er décembre 2009 et fera l’objet d’une révision pour
permettre d’institutionnaliser le mécanisme de sauvetage mis en place pour assister les pays de la
zone euro (17 depuis l’entrée de l’Estonie au 1er janvier 2011) en difficulté financière. En premier
lieu, un Fonds européen de stabilité financière (FESF), doté de 440 milliards d’euros, peut aider un
État en empruntant sur les marchés à un taux compétitif grâce aux garanties apportées par les
États de la zone euro. Il est activé à l’unanimité des États participants. En second lieu, un méca-
nisme européen d’assistance financière, doté de 60 milliards d’euros, est financé par des emprunts
réalisés par la Commission sur les marchés, garantis par le budget communautaire. Il est activé à la
majorité qualifiée des Vingt-Sept.
Les nouveaux acteurs
des relations CHAPITRE
internationales
Si les organisations internationales gouvernementales restent assujetties à la
7
volonté des États, de nouveaux acteurs sont apparus et ont vocation à modifier
l’ordre interétatique en favorisant l’émergence de concurrents et en offrant un
complément ou une alternative au modèle interétatique existant.
l’ensemble des continents, même si la localisation européenne demeure dominante. Ces ONG
interviennent dans des domaines très variés (plus d’une centaine) que Josepha Laroche a judicieu-
sement regroupés en quatre grandes catégories : les organisations corporatives, axées sur la
défense des intérêts de leurs membres au sein d’Institutions spécialisées comme la FAO, l’OMS
ou le Bureau international du travail (BIT), les organisations techniques telles que la Commission
Internationale de Protection radiologique, les organisations sociales et humanitaires comme
Amnesty International, le Comité international de la Croix Rouge (CICR), Médecins sans frontières
(Prix Nobel de la Paix 1999), Médecins du Monde ou Greenpeace et enfin les organisations
savantes comme l’Institut de Droit International, la Fondation Carnegie ou le Mouvement
Pugwash.
■ Statut et fonctions
Les ONG les plus représentatives bénéficient d’une certaine reconnaissance de la part des organi-
sations intergouvernementales qui leur accordent, dans leurs domaines d’activités, un statut
consultatif (plus de 2 000 à l’ONU).
Elles sont toutes habilitées à recevoir des informations des organisations intergouvernementales et
même pour certaines d’entre elles à être automatiquement consultées, voire à proposer l’inscrip-
tion à l’ordre du jour des débats de leurs propositions. De plus, les ONG organisent, avec le
soutien des OIG, des réunions en marge des grandes conférences internationales des Nations
unies consacrées aux problèmes de société (environnement, démographie, développement social,
criminalité transnationale ou situation des femmes). La tenue, depuis 2001, d’un Forum social
mondial a permis à des groupes jusque-là exclus des affaires internationales de s’exprimer et de
défendre l’idée d’une autre mondialisation. Le mouvement altermondialiste, lui-même divisé, n’a
pu élaborer un projet alternatif global mais peut jouer un rôle précurseur dans des cadres plus
sectoriels.
Elles sont donc associées au processus normatif ; parfois elles participent de façon implicite ou
explicite à l’élaboration et à l’adoption de la règle de droit (exemple du CICR en matière de droit
humanitaire).
Le travail des ONG ne s’arrête pas au stade de l’adoption des règles ; elles surveillent l’application
effective par les États de leurs obligations conventionnelles.
Aiguillon ou promoteur de nouvelles normes de droit international, les ONG humanitaires, théori-
quement indépendantes des États, deviennent de plus en plus dépendantes de financements
publics (en moyenne 60 %). Cette prolifération n’est pas toujours synonyme de transparence et
d’indépendance car il existe aussi des ONG créées par des gouvernements pour défendre leurs
intérêts et d’autres dont le sérieux, la compétence et le but non-lucratif laissent à désirer. Les
CHAPITRE 7 – Les nouveaux acteurs des relations internationales 79
plus sérieuses jouent la complémentarité avec les États et les entreprises. Un examen attentif
montre que leurs actions ont renforcé l’interventionnisme étatique dans les relations
internationales.
L’influence des ONG est appréciée différemment par les auteurs, certains leur attribuent « un rôle
considérable dans la politique internationale » (J. Laroche), d’autres « un rôle diffus et modeste »
(D. Collard), confirmant, en réalité, la dialectique de l’encore interétatique et du déjà transnational.
connu un franc succès. Pour d’autres experts, notamment ceux du Commissariat général au Plan
français (Rapport d’octobre 1999 sur La nouvelle nationalité de l’entreprise dans la mondialisa-
tion), la nationalité d’une entreprise s’exprime de cinq manières : la finance, le territoire, la
matière grise, la culture et les relations avec les institutions de l’État. À chacun de ces niveaux,
une communauté nationale peut conserver une marge de manœuvre sur son destin économique.
La principale conclusion du rapport conduit à dénoncer le mythe de l’entreprise globalisée sans
référence à un territoire.
étranger (IDE) était strictement réglementé afin de contenir l’influence de la firme sur le territoire
national. Dans un second temps (à partir des années 1990), les États ont favorisé les IDE par la
libéralisation de leurs codes d’investissements et l’octroi de nombreuses facilités aux
STN. Soixante et onze pays ont ainsi assoupli leurs législations en 2001 pour séduire les firmes
multinationales.
Avec la crise de 2008, ce double objectif est concommitant : libéraliser et promouvoir l’investisse-
ment étranger tout en le réglementant davantage. En 2009, 70 % des mesures prises allaient
dans le sens de la libéralisation, 30 % dans celui d’une réglementation plus stricte.
Le rapport 2010, précité, de la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développe-
ment (CNUCED) sur les investissements internationaux affirme que durant la période 1991-2001,
95 % des modifications des textes régissant les investissements étrangers introduisent un environ-
nement plus favorable. Ces changements ont entraîné un afflux d’investissements dans certains
PED, passés d’une moyenne de 20 milliards de dollars par an entre 1983 et 1988 à 548 milliards
de dollars en 2009, soit la moitié des flux mondiaux des IDE.
Cette libéralisation s’est également accompagnée de la signature de multiples accords internatio-
naux d’investissements (5 939 au 1er janvier 2010). Ils ne régissent plus uniquement les relations
des pays développés avec les PED mais celles entre les PED eux-mêmes ainsi qu’entre ces derniers
et les pays en transition. Ces accords sont de plus en plus détaillés, complexes et illustrent une
interaction croissante entre les investissements et d’autres préoccupations financières et environ-
nementales. En 2001, cinq sociétés issues de pays émergents asiatiques ont fait leur apparition
dans le classement des cent plus grosses firmes transnationales et ce chiffre est en régulière
augmentation (en 2008, 77 des 100 premières STN du PED avaient leur siège en Asie).
Amplifiés par le phénomène de déterritorialisation de l’activité économique et de la dérégulation
des marchés boursiers, les échanges des STN représentent, en 2008, plus d’un tiers des échanges
mondiaux. Il est vrai que les dix premiers pays en développement bénéficiaires d’investissements
directs étrangers accueillent 65 % du total des flux. En 2010, 33 % des fusions-acquisitions ont
été réalisés par des entreprises de pays émergents (14 % en 2005).
Dans un intérêt mutuel bien compris, les États-Unis, la Grande-Bretagne et plusieurs sociétés trans-
nationales pétrolières et minières anglo-saxonnes ont signé en décembre 2000 avec des ONG un
code de bonne conduite en matière de droits de l’homme par lequel ils s’engagent à ne pas
encourager ou soutenir des violences contre les populations locales afin de protéger leurs investis-
sements. En 1997, le Programme des Nations unies pour l’environnement a mis en place avec des
STN et des ONG américaines la Global Reporting Initiative (GRI) identifiant des critères de compor-
tement socialement responsables, de plus en plus exigeants et détaillés. La moitié des entreprises
cotées au Dow Jones et au CAC 40 suivent ces recommandations. Le rapport 2010 affirme que
82 L’ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES
« les STN, avec leurs compétences, leurs technologies de pointe et leur champ d’application plané-
taire, sont nécessairement des acteurs de premier plan dans les efforts mondiaux pour réduire les
émissions de gaz à effet de serre et passer à une économie à faible intensité de carbone ».
De même près de 8 000 entreprises adhèrent en 2010 au Global Compact (Pacte Mondial) initié
en 1999 par Kofi Annan (respect de dix principes environnementaux, civiques, sociaux et de lutte
contre la corruption). Toutefois le caractère général des « normes » proposées et l’absence de
mécanisme de contrôle et de sanction éventuelle ne permettent pas un réel suivi de leur applica-
tion. Une nouvelle initiative pourrait aboutir à la promulgation d’un ensemble de « normes ONU »
plus universelles et plus contraignantes que celles du Global Compact. Elle ne pourra aboutir
qu’avec le concours actif des entreprises et des ONG.
En réalité les deux acteurs, États et STN sont, dans le contexte actuel, liés par une solidarité et une
complémentarité évidentes. La réussite des uns conditionne celle des autres. Cette interdépen-
dance, lorsqu’elle joue, est manifeste : si l’État a besoin de l’entreprise transnationale pour affermir
son développement, préserver l’emploi et assurer le bien-être de sa population, la firme est tribu-
taire de l’État pour assurer la sécurité et le maintien de l’ordre, indispensables au succès de
l’entreprise.
Cependant la compétition internationale que l’Amérique du Nord, l’Europe et le Japon se livrent,
s’effectue en partie par l’entremise des STN, « véritables moteurs du système de production
mondiale intégré ».
Cette concentration et cette course à la « taille critique » sont la conséquence du phénomène de
mondialisation et suscite toujours interrogations et inquiétudes. La mondialisation induit, nous
l’avons vu, une logique d’affrontement mais aussi une logique de coopération.
3 Les individus
Le professeur René-Jean Dupuy affirmait en 1972, dans son « Que sais-je ? » sur le Droit interna-
tional, que « l’homme, personne privée, est en exil dans la société des États. Le dialogue entre
l’homme et l’État s’est déroulé à l’intérieur des mêmes frontières : la démocratie a été instituée à
la mesure de l’État. C’est à lui que l’homme a confié sa conservation, et sa participation à la vie
internationale n’a été que médiate ».
Cette conception classique des relations internationales doit être relativisée par l’insertion
sous-jacente de l’individu dans la sphère mondiale.
Préoccupation nouvelle des théoriciens, l’individu exerce une influence grandissante sur le
processus de prise de décision des États et sa capacité de contestation s’élargit. Encore faut-il
CHAPITRE 7 – Les nouveaux acteurs des relations internationales 83
l’envisager regroupé et non isolé, autrement dit il est nécessaire de se référer aux individus in
concreto et non à l’individu in abstracto.
Leurs interventions sur la scène internationale revêtent des formes diverses, de l’expertise aux déci-
deurs politiques et économiques, du mécénat de milliardaires comme Bill Gates ou Warren Buffet
(notamment l’appel à des dizaines de milliardaires de léguer la moitié de leur fortune à des
œuvres caritatives ou pour la Fondation Gates qui consacre 3 milliards de dollars par an à des
causes humanitaires) en passant par l’usage de l’aura décernée aux Prix Nobel de la Paix
(Desmond Tutu, Rigoberta Menchu, Monseigneur Belo et Jose Maria Horta, Aung San Suu Kyi,
Kofi Annan, Al Gore ou plus récemment en 2010 au dissident chinois Liu Xiaobo). Cette distinc-
tion a permis soit de sensibiliser les opinions publiques à des situations ou conflits inacceptables,
soit à prendre acte des efforts prodigués en faveur des populations civiles ou à la recherche de la
paix.
4 Les peuples
En tant qu’acteurs des relations internationales, les peuples ont eu une destinée surprenante dans
la mesure où tout le monde s’accordait à dire que leur rôle s’était achevé à la décolonisation. La
fin de la bipolarisation a engendré un renouveau du droit des peuples dans des domaines tradi-
tionnels et aussi dans des domaines nouveaux. Le principe du droit des peuples à disposer
d’eux-mêmes, consacré par l’ONU en faveur des peuples coloniaux, avait une finalité unique, leur
accession à l’indépendance et au statut étatique. En revanche, une fois le peuple devenu État, la
question n’était plus d’actualité au sein des frontières de l’État décolonisé. Depuis, ce principe, aux
effets juridiques limités mais aux implications politiques évidentes, n’est plus cantonné aux seuls
peuples coloniaux. Il est fréquemment invoqué comme un droit identitaire qui se matérialise par
une revendication d’autodétermination ou de reconnaissance de droits ancestraux (cas des
peuples autochtones).
S’intéresser aux peuples sans terre ou aux minorités opprimées remet en cause les équilibres
géopolitiques actuels et risque de mettre à bas une société internationale très fragilisée.
Cette prise en compte des peuples par le droit international est donc partielle et se heurte encore
au principe de souveraineté des États, soucieux d’éviter sécessions et démembrements.
La régulation normative
des relations CHAPITRE
internationales
Les relations internationales sont régies par un corpus de règles spécifiques qui en
8
couvre tous les aspects traditionnels ou nouveaux.
Le fondement du droit international, relationnel ou institutionnel, repose sur la
reconnaissance par les différents protagonistes, présents sur la scène mondiale,
d’un certain nombre d’intérêts. Il permet de définir et d’organiser des règles
collectives visant à prévenir l’insécurité et limiter le recours à la force.
Le droit est un instrument de la politique, il exprime l’état des rapports sociaux, y compris les
rapports de force, à un moment donné.
Malgré ses imperfections et ses incertitudes, le droit international ne cesse de s’étendre. Il couvre
la quasi-totalité des activités humaines s’exerçant à travers des frontières et permet un minimum
de régulation de l’interdépendance. Le phénomène juridique, parfois nié par les tenants dépités
d’un droit naturel et universel dont l’ONU serait garante, est perçu différemment selon les
cultures. Il n’en demeure pas moins que ces sociétés se reconnaissent liées réciproquement par
des obligations juridiques contenues dans des traités ou des contrats.
Ce constat nous conduit à aborder la question des sources du droit international.
■ Les traités
Le traité, procédé de formation le plus ancien, prend la forme d’un accord conclu entre deux ou
plusieurs sujets de droit international en vue de produire des effets juridiques. Cet acte conven-
tionnel écrit, et conclu entre États ou entre Organisations, manifeste leur volontarisme.
La matière a été codifiée en 1969 par la Convention de Vienne.
Trois phases jalonnent la procédure : la négociation, la signature et la ratification. La négociation
est menée par des plénipotentiaires spécialement mandatés par l’autorité nationale compétente.
Elle s’effectue dans un cadre bilatéral ou multilatéral. La signature authentifie le texte sans
engager l’État. Cet engagement d’application du traité résulte de la ratification, acte par lequel
l’organe supérieur de l’État confirme la signature du plénipotentiaire.
La ratification est laissée à l’appréciation discrétionnaire de l’État signataire. La date d’entrée en
vigueur d’un traité bilatéral est fonction des ratifications par les deux parties. Pour les traités multi-
latéraux, deux procédés sont utilisés séparément ou conjointement, soit la date est précisée par le
traité lui-même, soit le texte prévoit le nombre de ratifications nécessaire.
Un traité ratifié doit être appliqué, sous réserve de réciprocité, tant qu’il n’a pas été dénoncé par
l’une des parties. Encore faut-il que la dénonciation soit possible (exemple des traités européens
qui ne la prévoient pas).
■ La coutume
« Pratique juridique générale, acceptée comme étant le droit », la coutume internationale est la
manifestation d’un comportement répété, constant, durable et clair. Ces caractères impliquent
une adhésion volontaire et consciente de nombreux États à se conformer à une règle obligatoire
en gestation. Les actes susceptibles de créer des précédents sont issus d’une pratique organique
émanant des États ou des Organisations internationales.
La coutume possède une valeur identique à celle des traités, en d’autres termes leur force juri-
dique est égale. Si une disposition conventionnelle ultérieure peut modifier ou abroger une règle
coutumière, la réciproque est vraie. L’attrait de la norme écrite conduit fréquemment la société
internationale à un travail de codification de la coutume (droit de la guerre, droit des traités,
droit de la mer).
(égalité entre les parties, réparation intégrale des dommages causés, autorité de la chose jugée).
Toutefois, ils ne représentent qu’une source supplétive de droit international, utilisée uniquement
en l’absence de règles conventionnelles ou coutumières.
■ L’équité
Le Statut de la CIJ autorise cette juridiction, avec l’accord des parties au litige, à statuer ex æquo
et bono, c’est-à-dire en équité.
Le recours à un jugement en équité permet de réduire les effets pénalisants d’une application
stricte du droit international (par exemple en matière de délimitation des frontières maritimes).
S’il comble parfois les lacunes du droit, il est généralement admis qu’il ne puisse pas le contredire
(pas d’équité contra legem).
■ La jurisprudence
Moyen « auxiliaire » de détermination de la règle de droit, la jurisprudence est l’ensemble des
décisions juridictionnelles et arbitrales à portée universelle ou régionale. Le droit international
établit le principe de l’autorité relative de la chose jugée ; néanmoins la force interprétative, tirée
des jugements ou sentences, crée des précédents juridiques. Certes il dit le droit mais il favorise
aussi l’émergence de normes juridiques coutumières ou écrites.
■ La doctrine
Autre moyen « auxiliaire », la doctrine se situe au bas de la « hiérarchie des normes de droit inter-
national ». La CIJ ne s’y réfère jamais explicitement ce qui n’empêche pas les spécialistes éminents
de la discipline de réfléchir et de proposer la création de nouvelles règles ou la modification de
règles existantes inadaptées aux réalités des relations internationales. Ces points de vue doctrinaux
peuvent être défendus par les États devant des instances internationales qui ont la faculté de les
prendre en compte dans le prononcé de leurs décisions.
■ Le jus cogens
Cette notion a été introduite par l’article 53 de la Convention de Vienne sur les traités sous la
pression des États en développement.
Une norme de jus cogens est « une norme impérative du droit international acceptée et reconnue
par la communauté internationale dans son ensemble en tant que norme à laquelle aucune déro-
gation n’est permise et qui ne peut être modifiée que par une nouvelle norme du droit interna-
tional général ayant le même caractère ». Cette norme est placée au sommet de la hiérarchie,
autrement dit toutes les autres règles de droit lui sont assujetties et elle s’impose à tous les États,
faisant fi de la théorie volontariste. La violation d’une norme de jus cogens est une cause de
nullité absolue d’un engagement international. L’article 53 ne donne aucune définition concrète
de la notion, cependant la CIJ a précisé son contenu en se référant à l’interdiction du recours à
la force, du génocide, de la torture ainsi qu’à la prohibition de l’esclavage.
Des principes fondamentaux des relations internationales ont ainsi été introduits par le traité, la
coutume et les principes généraux de droit et souvent consacrés par la Charte de l’ONU.
Il est nécessaire de les mentionner et d’en préciser les éléments essentiels.
Doctrine officielle de la société internationale, l’universalisme des droits de l’homme doit passer
« de la sphère de l’idéal à celle de la réalité ».
néocolonialiste et mercantile des États développés, l’ingérence progresse dans les esprits et irrigue
lentement la société internationale, en dépit des obstacles dressés par les « souverainistes ».
L’établissement d’un ordre pacifique est l’enjeu premier des relations internatio-
9
nales contemporaines. La nature des conflits a évolué. Cette ambition justifie la
mise en œuvre de mesures préventives et éventuellement l’emploi de mesures
répressives coercitives ou non coercitives.
Les dix États ayant les dépenses militaires les plus importantes en 2009
(en milliards de dollars US)
En ce qui concerne les armes chimiques et bactériologiques, qualifiées d’armes des pauvres, le
traité sur l’interdiction totale et la destruction des armes chimiques du 15 janvier 1993 (entré en
vigueur en 1997) comprend un dispositif strict de contrôle confié à une organisation spécifique,
dotée d’un corps d’inspecteurs. Il vérifie que les États signataires respectent l’interdiction de fabri-
cation, de stockage et d’utilisation.
De même, un traité sur l’interdiction totale des armes bactériologiques et à toxines du 10 avril
1972 (entré en vigueur en 1975) prévoit des mesures de destruction de ce type d’armes.
En ce qui concerne les armes conventionnelles, un traité du 10 avril 1981, sur l’interdiction ou la
limitation de certaines armes classiques susceptibles de provoquer des traumatismes excessifs ou
des souffrances inutiles, a été conclu. Il vise à prohiber l’emploi de certains projectiles, d’armes
incendiaires et d’armes-pièges. Cette convention a été complétée sur ce point par le Traité sur
l’interdiction totale des mines antipersonnelles du 3 décembre 1997. Il impose la destruction des
stocks existants, obligation à laquelle la France s’est conformée au 31 décembre 1999. On ne
peut que regretter que les principaux États exportateurs (États-Unis, Chine et Russie) aient refusé
de le signer et par conséquent de le ratifier. Si la réglementation fait défaut en matière de prolifé-
ration d’armes légères et de petit calibre, il en va différemment pour les armes de destruction
massive.
Le TNP, adopté en 1968, insiste sur le souci d’éviter la dissémination des armes nucléaires à travers
trois objectifs : éviter une guerre atomique, encourager la coopération nucléaire pacifique et
aboutir à un désarmement nucléaire. La première disposition établit une distinction entre les États
dotés de l’arme nucléaire (EDAN) au premier janvier 1967 et les États non dotés de l’arme
nucléaire (ENDAN). Le régime vise essentiellement les ENDAN placés dans l’impossibilité d’accéder
au statut d’États nucléaires et assujettis à des procédures de contrôle internationales.
En dépit de difficultés et de divergences entre les deux catégories d’États, le traité a été reconduit
indéfiniment en 1995. Les EDAN ont consenti quelques concessions aux pays non alignés, d’une
part en parrainant la résolution 984 du Conseil de sécurité qui accorde à un État non doté,
menacé d’agression nucléaire, l’assistance du Conseil et d’autre part en acceptant l’interdiction
totale des essais nucléaires.
La promesse sera tenue en 1996 avec l’adoption du CTBT. Ce traité prévoit en effet dans son
article 1er l’interdiction complète de toute explosion expérimentale ou de toute autre explosion
nucléaire, et ce, dans tous les milieux (terre, eau, atmosphère et espace). Le CTBT apporte ainsi
une contribution essentielle à la prévention de la prolifération des armes nucléaires en empêchant
la mise au point de nouvelles armes de destruction massive. Il complète le mécanisme de vérifica-
tion mise en place avec l’Agence internationale pour l’énergie atomique dans le cadre du TNP. Un
dispositif de surveillance internationale particulier, destiné à faire respecter leurs engagements aux
États parties, est institué. Toutefois, l’article 14 prévoit l’entrée en vigueur lorsque les 44 États
désignés dans une liste annexe auront tous ratifié le traité dans un délai de trois ans.
2) Un avenir incertain
L’avenir de ces deux conventions universelles est incertain après les campagnes d’essais indienne
et pakistanaise en mai 1998. Le CTBT n’a pas encore été ratifié par les États-Unis, la Russie et la
Chine. La défection de trois puissances nucléaires majeures enlèverait au traité toute signification.
Seuls 35 des 44 États nommément désignés l’ont ratifié ce qui risque d’encourager les « États
parias ou voyous » (Rogue States) à ne pas respecter la non-prolifération. Les États-Unis ont, par
ailleurs, dénoncé en 2002 le traité ABM de 1972, conclu avec l’URSS, afin de pouvoir déployer
un système antimissile qui les protégerait des velléités guerrières ou terroristes de ces États. L’équi-
libre de la terreur, malgré tout préservé depuis les années 1950, apparaît dès lors compromis.
Le TNP, suite aux essais indo-pakistanais, est confronté à des États échappant désormais à toute
classification juridique. L’Inde et le Pakistan sont devenues des puissances nucléaires de fait ; ils
ne sont plus des ENDAN au sens du TNP mais ils ne sont pas des EDAN ! Le traité n’a pas
empêché l’émergence de nouveaux États nucléaires (Israël et Corée du Nord) ce qui pourrait
amener certains pays à ne pas reconduire leur adhésion au TNP suivant en cela l’exemple de la
CHAPITRE 9 – Guerre ou paix ? 101
mentionner l’initiative de sécurité contre la prolifération (PSI), initiée en 2003, qui est destinée à
lutter contre la contrebande d’armes de destruction massive (ADM) et a fortiori de faire respecter
d’éventuelles sanctions. Elle s’apparente à une coalition d’une soixantaine de pays désireux
d’empêcher la prolifération grâce à des contrôles d’aéronefs ou de navires soupçonnés de trans-
porter des ADM ou des matériels connexes en provenance ou à destination d’un État « proliféra-
teur ». Cette initiative louable suscite des controverses (manque de transparence, libertés prises
avec le droit international).
Le TNP apparaît donc comme un instrument fragile mais nécessaire. La récente décision du
6 septembre 2008 du Nuclear Suppliers Group (NSG) regroupant 45 pays membres illustre ce
dualisme. Elle accorde à l’Inde une exemption au regard du régime de non-prolifération et lui
permet ainsi de bénéficier de transferts de technologie nucléaires civiles. Les enjeux politiques et
économiques (vente de centrales nucléaires indispensables pour couvrir les énormes besoins éner-
gétiques du pays) ont prévalu sur les risques de traitement différencié à l’égard d’autres pays dési-
reux de développer leurs capacités nucléaires civiles comme le Pakistan. Une convention internatio-
nale sur le terrorisme nucléaire, adoptée en 2005, complète le dispositif existant mais n’est pas
entrée en vigueur, faute des ratifications suffisantes.
Un sommet sur la sécurité nucléaire, réunissant 47 pays dont huit des neuf États détenteurs de
l’arme atomique, s’est tenu à Washington en avril 2010 sur un ordre du jour consensuel : la sécu-
risation des matériaux nucléaires tels que le plutonium et l’uranium hautement enrichis. Si la
déclaration finale rappelle l’objectif de mettre en sûreté toutes les matières en quatre ans (1 587
tonnes sont entreposées dans quarante pays), elle réaffirme que la sécurisation relève toujours de
mesures nationales.
Un autre instrument de non-prolifération consiste dans la création de zones dénucléarisées au sein
desquelles les armes nucléaires sont bannies. L’instauration d’une telle zone représente un gage
de paix et de sécurité et actuellement cinq régions sont dénucléarisées : l’Antarctique (1959),
l’Amérique latine et les Caraïbes (1967), le Pacifique sud (1985), l’Asie du Sud-est (1995) et
l’Afrique (1996). Deux autres « zones » sont exemptes d’armes nucléaires, le fond des mers et
l’espace extra-atmosphérique.
Cependant, faute de pouvoir désarmer les États, il faut s’efforcer d’éviter le recours à la force en
réglant pacifiquement les différends.
Les États ont une liberté de choix quant aux méthodes de règlement de situations conflictuelles.
Sans méconnaître la portée du règlement judiciaire, il faut admettre que la plupart des conflits ne
peuvent être prévenus que par des moyens politiques.
a) Le règlement judiciaire
Cette forme de règlement de litiges entre États concerne un règlement par des juridictions perma-
nentes, régies par des textes qui sont de portée générale et sont établis à l’avance. Les États
peuvent recourir à une juridiction (CIJ) ou à l’arbitrage.
1) La Cour internationale de justice
Organe juridictionnel des Nations unies siégeant à la Haye, la CIJ est compétente pour résoudre
des litiges d’ordre juridique. Néanmoins, les États ne sont pas obligés de lui soumettre leurs diffé-
rends sauf s’ils ont ratifié la clause facultative de juridiction obligatoire les contraignant à accepter
la compétence de la Cour. Les États utilisaient peu cette voie judiciaire jusqu’aux années 1980 ;
grâce à l’impartialité de ses décisions, elle est saisie depuis de nombreuses affaires.
2) L’arbitrage
Selon la définition donnée par la Convention de la Haye de 1907, « l’arbitrage international a
pour objet le règlement des litiges entre États par des juges de leur choix sur la base du droit
international ».
Procédure contractuelle, il suppose un accord préalable entre États sous forme d’un compromis
d’arbitrage, occasionnel ou permanent. Celui-ci détermine le rôle et la compétence des arbitres
(personnalité unique ou commission mixte). Le recours à l’arbitrage présente des avantages liés à
la souplesse d’utilisation car ce sont les États intéressés qui choisissent la composition du tribunal
arbitral. De même, si le litige porte sur une règle de droit international, les parties sont libres de
préciser dans le compromis les règles applicables en l’espèce. Les juges se prononcent en droit et
en équité et leur décision est définitive et obligatoire. Les parties peuvent décider la confidentialité
de la sentence. Cette technique de règlement judiciaire est assez souvent utilisée dans des
problèmes de délimitation des espaces maritimes (Canal de Beagle, plateau continental de la mer
d’Iroise et récemment îles de la Mer rouge).
b) Le règlement politique
Cette méthode de règlement, prévue par le chapitre VI de la Charte, fait appel à des procédés
traditionnels et institutionnels.
104 L’ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES
Ces instances collectives offrent des instruments de dialogue aux parties et dans l’hypothèse où le
différend est porté devant une organisation internationale, la pression des États membres s’exerce
et contraint souvent les antagonistes à justifier leur position et à accepter la discussion, surtout si
les grandes puissances se trouvent directement intéressées à la résolution de ce conflit. Les résul-
tats sont plus aléatoires si une grande puissance est impliquée directement dans un conflit.
Si le recours à la force ne peut être évité, les Nations unies ont le pouvoir de rétablir l’ordre
troublé. L’ONU demeure théoriquement l’unique cadre de référence légal et légitime des interven-
tions internationales les plus importantes. Hormis l’hypothèse de la légitime défense, elle apparaît
seule compétente pour décréter des actions (sanctions ou interventions) au nom de la justice
internationale.
Une opération de maintien de la paix est conservatoire et non coercitive, elle est menée
sur une base consensuelle.
Conservatoire car les forces déployées s’interposent entre les belligérants en toute neutralité et ne
peuvent faire usage de leurs armes, sauf légitime défense. Consensuelle puisque l’envoi
de Casques bleus requiert l’accord des parties au conflit et celui des États qui mettent à la disposi-
tion de l’Organisation des personnels militaires ou civils. Ces opérations sont créées à l’initiative de
l’Assemblée générale ou du Conseil de sécurité et placées sous l’autorité du Secrétaire général de
l’ONU. Il appartient donc à l’Organisation de recruter les troupes, d’assumer le commandement,
de fournir le soutien logistique et le transport. Elles ont pour but de geler la situation (peace
keeping) afin de favoriser la recherche d’un règlement négocié (peace making), selon les moyens
diplomatiques du Chapitre VI.
Ces opérations ont progressivement évolué vers une finalité de raffermissement de la paix par une
politique de reconstruction des infrastructures nécessaires au bon fonctionnement d’un pays ou
d’une région, voire par une assistance à la tenue d’élections démocratiques (peace building).
Au-delà de la paix sécuritaire, on s’efforce de bâtir la paix structurelle en établissant les conditions
politiques, économiques et sociales susceptibles de consolider au sein des populations concernées
le désir de cohabiter en harmonie. Huit États financent 75 % du coût des quinze opérations de
maintien de la paix en cours (7,2 milliards de dollars en 2010 et quelque 102 000 personnels mili-
taires et civils). À titre de comparaison, ce montant annuel est inférieur à ce que coûte chaque
mois aux États-Unis leurs interventions en Irak et en Afghanistan soit 125 milliards de dollars en
2010) ; ces dépenses ne représentent que 0,4 % des dépenses militaires mondiales.
1 États-Unis 27,17 %
2 Japon 12,53 %
3 Royaume-Uni 8,16 %
4 Allemagne 8,02 %
5 France 7,56 %
6 Italie 5%
7 Chine 3,94 %
——————————————————————————————
8 Canada 3,21 %
------------------------------------------------------------------------------------------
108 L’ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES
——————————————————————————————————————
------------------------------------------------------------------------------------------
9 Espagne 3,18 %
10 Corée du Sud 2,26 %
Total : 81,03 % du budget
Dans les pays du Nord, la pauvreté ne se définit pas de manière absolue mais relative, elle touche
toute personne dont les ressources sont inférieures de 60 % au revenu médian (en France,
949 euros par mois en 2009).
Les classements nationaux des PED sont souvent moins rigoureux que celui basé sur le standard
international d’un de 1,25 dollar. La Chine, par exemple, reconnaît deux fois et demi moins de
pauvres et l’Inde deux fois moins que les statistiques internationales. Si la pauvreté reste très majo-
ritairement celle du Sud, ce dernier n’en a plus le monopole (nouvelle pauvreté dans les pays
industrialisés, en Russie, dans certaines anciennes républiques soviétiques, en Europe orientale et
au Moyen-Orient). Il faut noter que ces inégalités évoluent de façon contradictoire. D’un côté, les
pays émergents rattrapent les pays riches (convergence) mais de l’autre, certaines régions du
monde, l’Afrique ou l’Amérique latine, restent en retrait (divergence).
Un autre phénomène est constatable : les inégalités croissent fortement au sein même des pays
émergents. Si les plus pauvres profitent de cette nouvelle croissance, le bénéfice est moindre que
dans les années 1980 (Rapport Banque mondiale 2010). Dix ans après l’adoption en 2000 des
Objectifs pour le développement du millénaire (ODM), dont l’un vise à diviser par deux la pauvreté
mondiale soit 920 millions de pauvres, d’ici à 2015, le pari pourrait être gagné sauf dans la
plupart des pays africains, certaines régions de l’Europe orientale et d’Asie orientale, à condition
que les taux de croissance constatés depuis 2004 perdurent et que l’aide au développement
atteigne les 100 milliards de dollars par an.
Les facteurs démographique et économique expliquent, en partie, le phénomène.
de 40 % du prix des céréales due à la faiblesse des stocks mondiaux. Malgré une récolte
2008-2009 abondante et une baisse temporaire des prix, le véritable problème est celui des
revenus et de l’accès des plus pauvres à la production.
La crise financière de 2008 a amplifié ce problème car pour assurer la sécurité alimentaire
mondiale d’une population qui croît, il faut investir. Or les fonds publics risquent de faire défaut
pour financer l’aide alimentaire. Selon le Programme alimentaire mondial (PAM), l’aide internatio-
nale a atteint en 2008 son plus bas niveau depuis quarante ans. Les conséquences seraient alors
dramatiques dans les PED où la réduction du revenu des populations les plus pauvres pourrait
s’élever en moyenne à plus de 6 %. Selon la FAO, 22 pays sont particulièrement vulnérables à la
flambée des prix en raison de sous-alimentation chronique et d’une forte dépendance vis-à-vis des
importations de céréales et de produits pétroliers. Dans des pays comme le Nicaragua, « une
augmentation de 40 % du prix des céréales pourrait suffire à faire tomber 2 % supplémentaires
de la population dans une situation d’extrême pauvreté ». La crise actuelle pourrait conduire plus
de 100 millions de personnes nouvelles dans l’extrême pauvreté. De nombreux pays pauvres sont
frappés de plein fouet par l’augmentation des prix sur des produits agricoles sur les marchés inter-
nationaux, souvent génératrice d’émeutes de la faim et la facture des importations alimentaires
mondiales avoisine les 1 000 milliards de dollars en 2010.
Les experts de l’ONU renouvellent leur appel contre une croissance démographique anarchique
qui entraverait le développement économique et déséquilibrerait davantage les conditions climati-
ques et l’écosystème. Les conditions de vie et de travail s’en trouveraient dégradées. 700 millions
d’adolescents sont arrivés sur le marché du travail en 2010 ; cette arrivée massive impliquera des
efforts considérables dans les domaines des infrastructures, de l’emploi, de l’éducation et de la
santé. Or le choix de stratégies économiques orientées vers le marché, le libre échange et le
désengagement de l’État aboutit à une réduction drastique des dépenses publiques peu propice
au développement humain.
Alors que les échecs du développement sont interprétés par la Banque mondiale comme le
résultat de mauvais choix économiques, sans lien avec la croissance démographique, le
Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) adopte une vision plus contrastée.
Depuis son dixième rapport (1999), « Pour une mondialisation à visage humain », il portait une
attention particulière à la lutte contre la pauvreté grâce aux investissements dans les secteurs
sociaux, préalable indispensable à un éventuel développement économique.
L’aide au développement passe par l’aide publique et par les flux de capitaux privés.
Depuis le début des années 1990, l’aide publique (ADP), évaluée par rapport à la richesse natio-
nale des pays donateurs, ne cesse de diminuer à l’exception notable des années 2003-2005.
Jusqu’en 1992, elle représentait 0,33 % du revenu national brut des 23 pays industrialisés,
membres du Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE. En 2009, ces pays ont accordé
près de 120 milliards de dollars d’aide, soit une légère hausse de 0,7 % en termes réels par
rapport à 2008. Ce chiffre représente 0,31 % du revenu national brut (RNB) cumulé des
membres. Les États-Unis ont donné 28,7 milliards, soit 0,20 % du RNB, et les États de l’Union
européenne 67,1 milliards d’euros, soit 0,44 % du RNB. Cette aide est accordée à 70 % sous
forme de dons (18 % représentant des allègements de dettes), le reste étant constitué de prêts à
très faible taux d’intérêt.
Toutefois, comme le souligne la plupart des experts, ces sommes ne sont pas suffisantes pour
atteindre les Objectifs du millénaire en matière de réduction de la pauvreté. Les engagements
pris au sommet du G 8 en 2005 auraient dû faire passer le montant total de l’ADP à 130 milliards
de dollars.
L’aide publique est donc insuffisante pour initier le développement, cela a conduit les PED à faire
appel à des capitaux privés pour le financer. Ces flux ont atteint en moyenne, dans les années
1990, 185 milliards de dollars.
En raison des nombreuses incertitudes pesant sur la conjoncture internationale, les entrées de
capitaux avaient fortement diminué en 2002 (moins de 113 milliards de dollars). Ils ont augmenté
de nouveau depuis 2004 et ont atteint, en 2009, les 548 milliards de dollars, soit près de 50 % du
total mondial. Les effets de la crise économique de 2008 ont été néfastes pour les IDE qui ont
fortement diminué en 2008 (- 16 %) et en 2009 (- 37 %) pour s’établir à 1 114 milliards de
dollars.
La répartition de ces capitaux, en 2009, est très inégale. Les 49 pays les moins avancés recueillent
1 % du montant total des investissements directs étrangers. L’Afrique a reçu 59 milliards de
dollars, l’Amérique latine et les Caraïbes 117 milliards et l’Asie 301 milliards dont 95 pour la
seule Chine (plus de 143 milliards avec Hong Kong). La CNUCED et la Banque mondiale estiment
CHAPITRE 10 – Richesse ou pauvreté ? 115
le volume 2010 à 1 200 milliards de dollars, les flux devant avoisiner les 1 500 milliards à l’horizon
2012.
En raison des difficultés rencontrées par les PED, le poids de la dette publique extérieure a
quadruplé depuis 1980 ; il atteint près de 2 800 milliards de dollars en 2006 et obère les chances
d’un décollage économique. Les politiques de rééchelonnement de la dette sont généralement
inutiles et les pays créanciers privilégient, pour les 41 États les plus pauvres de la planète, une
annulation de leur dette. Celle-ci représente 250 milliards de dollars, soit à peine 0,6 % du PIB
mondial (plus de 60 000 milliards de dollars).
Le G 7 a décidé, lors du sommet de Cologne en juin 1999, d’annuler une partie de la dette à
hauteur de 70 milliards dans le cadre de l’initiative Pays pauvres très endettés (PTTE) dont les
critères d’application ont été assouplis. Cette initiative, étalée sur dix ans, est insuffisante (2,8 %
de la dette totale des PED) mais néanmoins nécessaire pour éviter que les quarante-et-un pays
éligibles ne deviennent des « entités chaotiques ingouvernables », rongées par la violence.
30 États dont 23 en Afrique ont bénéficié de 58 milliards de dollars d’allègement au titre de l’ini-
tiative PTTE et de l’Initiative de l’allègement de la dette multilatérale (IADM). Au-delà des chiffres,
le FMI et la Banque mondiale se sont engagés en septembre 1999, lors de leurs assemblées
annuelles, à faire de la lutte contre la pauvreté une priorité, réaffirmée lors des Sommets du G 8
depuis celui d’Evian (2003). Encore faut-il que l’allégement de la dette ne se fasse pas aux dépens
de l’aide nouvelle. En effet plusieurs économies industrielles sont dans un processus de consolida-
tion budgétaire et de réduction des dépenses publiques, notamment des crédits affectés à l’aide
au développement. Les pays occidentaux rencontrent des difficultés croissantes pour tenir leurs
promesses d’aide. Par un effet de résorption, la part des effacements de dettes accordées aux
pays africains est désormais réduite au sein du montant global de l’aide et nécessite de trouver
de nouvelles liquidités. Selon une étude de la Banque mondiale de juin 2007, « les chiffres dispo-
nibles jusqu’à maintenant montrent que, à part la réduction de la dette, les pays africains n’ont
pas engrangé les résultats des promesses faites lors des sommets des G 8... ».
Le G 8
Le Groupe des Huit (G 8) est un forum de discussion, qui vise à permettre aux dirigeants des
huit nations les plus industrialisées du monde de trouver un terrain d’entente sur des ques-
tions essentielles ainsi que des solutions à des enjeux mondiaux. Au fil des ans, le sommet a
évolué pour prendre la forme d’une réunion annuelle, au cours de laquelle les dirigeants se
penchent sur des thématiques reliées au développement international, à la santé, à la paix et
à la sécurité.
116 L’ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES
Depuis le début de la crise économique mondiale en 2008, le G 20 est devenu le principal forum
de dirigeants en matière de coopération économique internationale. Les réunions annuelles des
ministres des Finances et des gouverneurs de banques centrales se poursuivent toujours, permet-
tant l’avancement des initiatives du G 20 et contribuant aux discussions lors des Sommets des diri-
geants. Les objectifs du Groupe étaient d’apporter de la stabilité aux marchés financiers et de
promouvoir la coopération économique.
Le G 20 regroupe des économies développées et émergentes de tous les continents représentant
90 % de la croissance mondiale : 19 États dont les huit États du G 8, l’Afrique du Sud, l’Australie,
l’Arabie saoudite, la Turquie, la Chine, l’Inde, l’Indonésie, la Corée du Sud, le Brésil, l’Argentine et
le Mexique auxquels s’ajoute l’Union européenne.
Le G 20 est désormais perçu comme l’enceinte la plus efficace pour diriger les efforts mondiaux
visant à contenir la crise et à atténuer ses répercussions. Les dirigeants du G 20 se sont réunis
dans le cadre de cinq sommets distincts tenus à Washington, Londres, Pittsburgh, Toronto et
Séoul pour stabiliser le système financier, pour coordonner les programmes économiques natio-
naux afin de guider l’économie mondiale vers la reprise, et pour assurer que les institutions finan-
cières internationales reposent sur des bases solides et qu’elles possèdent les ressources néces-
saires. À partir de 2011, les Sommets des dirigeants du G 20 se tiendront une fois l’an (le
prochain en France puisqu’elle en assure la présidence, en novembre, à Cannes).
Le premier Sommet des dirigeants du G 20 s’est tenu à Washington, les 14 et 15 novembre 2008,
lors duquel les dirigeants ont convenu d’un Plan d’action visant à stabiliser l’économie mondiale et
à prévenir d’autres crises éventuelles. Il a pointé les déficiences des régulateurs nationaux, le
manque de coordination internationale, la mauvaise évaluation des risques ; l’opacité des bilans,
la disparité des normes comptables et l’absence de surveillance sur certains marchés.
Ils ont souligné l’importance cruciale de rejeter le protectionnisme et ont présenté des plans de
relance coordonnés. Dans leur ensemble, ces mesures ont constitué la plus importante initiative
de stimulation budgétaire et monétaire et le plus vaste programme de soutien du secteur financier
des temps modernes.
Les dirigeants se sont réunis une seconde fois à Londres, les 1er et 2 avril 2009, où ils ont poursuivi
le travail qu’ils avaient commencé à Washington et ont annoncé une contribution sans précédent
de 1,1 milliard de $US afin de rétablir le crédit, la croissance et les emplois dans l’économie
mondiale. Cet engagement comprenait un apport de 750 milliards $ pour le Fonds monétaire
international, de 100 milliards de $ en prêts additionnels pour les banques multilatérales de déve-
loppement, ainsi que de 250 milliards de $ pour appuyer le financement du commerce.
Pour donner suite aux mesures adoptées à Londres, les dirigeants du G 20 se sont réunis une troi-
sième fois, à Pittsburgh, les 24 et 25 septembre 2009. Le Sommet de Pittsburgh a permis de
118 L’ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES
inadapté, le niveau élevé des budgets militaires et la corruption endémique de dirigeants politi-
ques et économiques (conception patrimoniale du pouvoir) ont souvent empêché le décollage
attendu. Ce n’est pas un hasard si, comme le montre le tableau suivant, les pays perçus comme
les plus corrompus sont souvent les plus pauvres.
Il est vraisemblable que deux forces contraires joueront un rôle déterminant, d’une part les inté-
rêts des firmes mondialisées, d’autre part les exigences d’un développement équitable. Leur
conciliation conditionne l’atténuation des inégalités de richesses préjudiciables à une cohabitation
harmonieuse au sein de la société internationale.
Comme le soulignait, en 1999, le secrétaire général de la CNUCED, « si les sociétés transnatio-
nales s’attaquent à ce défi, elles contribueront à un processus de mondialisation moins générateur
de crise. Sinon le danger existe, non négligeable, que la relation qui s’est établie entre les grands
groupes et les pays d’accueil ne soit soumise à de fortes tensions et ne conduise à une remise en
cause de la libéralisation, facteur essentiel de leur expansion ces dernières décennies ».
puisque le seuil des 35 ratifications nécessaires n’est pas encore atteint (22, début 2011). Presque
un milliard de personnes n’ont pas accès à un point d’eau suffisamment protégé et 1,6 million
d’individus meurent de maladies liées à une eau souillée. D’après l’Institut international de
gestion des ressources en eau, le manque pour l’irrigation, s’il se vérifiait, pourrait réduire de
25 % la production céréalière de l’Inde, alors que 53 % des enfants souffrent déjà de
malnutrition.
La question environnementale sera sans conteste centrale dans l’évolution des relations internatio-
nales du XXIe siècle et de nombreux analystes jugent inévitable une double révolution verte
(suffisance alimentaire et respect de l’environnement), qui se heurte encore à une certaine réti-
cence des PED, principalement du Brésil, de la Chine et de l’Inde.
Ces derniers, non assujettis aux objectifs du Protocole de Kyoto entré en vigueur en février 2005,
devront impérativement intégrer les dispositifs de réduction des gaz à effet de serre dans la pers-
pective de l’après Kyoto en 2012. La seizième conférence sur le climat, qui s’est déroulée à
Cancun en décembre 2010, a relancé le processus de négociations en adoptant un accord
presque inattendu après l’échec de la quinzième conférence à Copenhague en 2009. Il prévoit la
création d’un Fonds vert pour recueillir les 100 milliards de dollars annuels promis par les pays
riches afin d’aider les pays les plus vulnérables. Il confirme l’objectif de limiter la hausse de la
température moyenne de la planète à 2 ºC par rapport à l’ère préindustrielle et crée les fonde-
ments d’un système de vérification des engagements de réduction de gaz carboniquepris par les
États. Il donne enfin une assise plus solide au programme REDD + (réduction de la déforestation
et de la dégradation des forêts).
Cet accord laisse cependant de nombreuses questions ouvertes comme le mode de financement
du Fonds vert (à titre d’exemples vente aux enchères de quotas d’émission de gaz carbonique,
instauration d’une taxe sur le carbone, d’une taxe sur les émissions de gaz du transport interna-
tional aérien et maritime ou bien d’une taxe sur les transactions financières).
De même, il ignore l’insuffisance des objectifs de réduction des gaz à effet de serre à l’horizon
2020 pour ne pas dépasser les 2 ºC et contourne l’épineux sujet du protocole de Kyoto qui
s’achève fin 2012 (la Russie et le Japon ont annoncé leur intention de ne pas le prolonger
au-delà de 2012). Sans une nouvelle période d’application, le principal instrument de coopération
Nord-Sud, à savoir le mécanisme de développement propre (MDP), serait menacé. Il permet à des
industriels qui investissent dans des technologies réduisant les émissions de gaz à effet de serre
des pays du Sud de recevoir en contrepartie autant de crédits carbone que de tonnes de CO2
économisées. 70 % des projets approuvés par les Nations unies concernent la Chine, l’Inde ou le
Brésil et seulement 2 % l’Afrique.
La dix-septième conférence s’annonce cruciale à Durban (Afrique du Sud) en 2011.
CHAPITRE 10 – Richesse ou pauvreté ? 123
L’économiste britannique Nicolas Stern, dans un rapport publié en novembre 2006, a évalué le
coût économique à 5 500 milliards d’euros si rien n’est fait pour enrayer l’augmentation des gaz
à effet de serre dans l’atmosphère.
De plus, lors du sommet de la Terre à Johannesburg, les chefs d’État avaient pris l’engagement de
ralentir de manière significative d’ici à 2010 la perte de biodiversité. Le taux actuel d’extinction,
selon les espèces, est 100 à 1 000 fois supérieur au taux d’extinction naturel : un mammifère sur
quatre, une espèce d’oiseaux sur huit, un tiers des amphibiens et 70 % des plantes sont
menacés. Une étude publiée en juin 2008 montre que la disparition d’espèces animales et végé-
tales coûte chaque année 6 % du produit national brut mondial soit 2 000 milliards d’euros.
Ainsi la situation s’est fortement détériorée depuis 1960 ; l’activité humaine dégrade les écosys-
tèmes, plus vite qu’ils ne peuvent se reconstituer, d’environ 30 %.
La dixième conférence sur la diversité biologique, qui s’est tenue à Nagoya en octobre 2010, a
adopté un accord certes limité mais significatif. Il repose sur trois volets :
– l’adoption d’un plan stratégique de vingt objectifs, décliné en plans nationaux, visant à freiner le
rythme de disparition des espèces à l’horizon 2020 ;
– le principe d’engagements financiers, basée sur le volontariat et des mécanismes innovants ;
– l’adoption d’un protocole sur l’accès et le partage des avantages (APA) tirés de l’exploitation des
ressources génétiques (application aux savoirs traditionnels issus de l’utilisation de ces
ressources) et affectés en priorité à la préservation de la biodiversité.
De plus, les États parties ont décidé de créer un organisme, sur le modèle du GIEC, pour mener à
bien des études sur les menaces pesant sur la biodiversité et les solutions concevables pour y
remédier.
L’État, acteur CHAPITRE
marginalisé ?
L’opposition de la souveraineté étatique et du droit d’ingérence constitue l’un des
11
enjeux principaux des relations internationales du prochain siècle.
La société internationale devra tenter de concilier le maintien d’un cadre étatique
réaménagé et le respect des droits de l’homme. Si des tentatives de théorisation
sont déjà formulées, les prémices pratiques au Kosovo, au Timor oriental et en
Irak sont peu convaincantes. De plus, de nombreux États, fragilisés par des
menaces multiples, relèvent leur impuissance devant le développement de flux
mafieux. Toutefois le « dépérissement » de l’État dans la sphère internationale
n’est pas imminent.
« interventionnistes » seraient renforcés dans leur démarche si l’impératif moral invoqué n’était
pas à géométrie variable, autrement dit si le droit d’ingérence s’appliquait également au Tibet, en
Afrique ou au Caucase. Les « souverainistes » ne pourront pas indéfiniment occulter l’exigence
pressante de protection de populations civiles menacées de massacres, étape obligée vers un
règlement pacifique des différends.
Comme le souligne Mario Bettati, « il est acquis... que le droit d’ingérence est aujourd’hui un droit
dont jouissent les Nations unies et qu’elles peuvent déclencher des opérations. Il se trouve qu’elles
ne l’exercent pas toujours ».
Cette sélectivité répond à une stratégie concertée des grandes puissances et principalement des
États-Unis. Dans son discours d’investiture, prononcé le 20 janvier 1993, le président Clinton affir-
mait que « si nos intérêts vitaux sont menacés ou si la volonté et la conscience de la communauté
internationale sont mises au défi, nous agirons, par des moyens pacifiques si c’est possible, par la
force si c’est nécessaire ». Or la tentation est parfois grande pour les États-Unis de pratiquer l’uni-
latéralisme et la confusion de leurs intérêts propres avec ceux de la société internationale. Il est
tout autant vrai que, sans la puissance militaire américaine, l’application des résolutions de l’ONU
serait sans doute plus incertaine qu’elle ne l’est. Comme le souligne Jacques Lévy, « il y a dans les
propos de Bill Clinton une double dimension, celle de la nature du mobile (intérêts ou éthique) et
celle de l’échelle de la réponse (nationale ou mondiale). La conciliation dans les démocraties est
difficile d’autant plus qu’il appartient à des responsables politiques étatiques ou interétatiques,
comme le secrétaire général des Nations unies, de mettre en œuvre des actions et des institutions,
à terme, déstabilisatrices des pouvoirs nationaux ».
débat sur l’universalité des droits de l’homme a opposé, lors de la seconde conférence mondiale
en 1993 à Vienne, les pays occidentaux à certains pays, principalement asiatiques. Pour l’Occident,
les droits de l’homme sont indissociables et universels. Inhérents à la personne humaine, leur viola-
tion par un État concerne tous les membres de la société internationale, nonobstant les environne-
ments historiques, culturels, ethniques ou religieux.
Pour la plupart des pays asiatiques, bien que le relativisme culturel ne puisse justifier la dilution des
normes et obligations universelles, l’universalisme des droits de l’homme doit être fondé sur une
approche plurielle des modes d’interprétation qui reconnaisse les vertus du pluralisme et de l’alté-
rité dans le domaine juridique et politique.
La réalisation des principes fixés par la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 et
par les Pactes de 1966, adoptés sous l’égide des Nations unies, ne peut se faire, à terme, que
par le développement économique générateur de justice sociale et de démocratisation. En effet sa
promotion peut aider dans le temps au respect graduel des droits de l’homme. Les exemples
de Taiwan et de la Corée du Sud sont significatifs car la réussite de l’économie de marché, dans
ces États nouvellement industrialisés, a engendré une prise de conscience des gouvernants qui
ont compris que le maintien d’un régime politique autoritaire ne serait plus systématiquement
compatible avec la poursuite de leur développement économique. La proclamation internationale
de droits universels est nécessaire, elle n’est pas suffisante. Il faut prévoir un système effectif de
sanction des atteintes à ces droits reconnus.
d’un contrôle juridictionnel des actes étatiques, qui plus est éventuellement sur l’initiative des indi-
vidus (Cour européenne des droits de l’homme).
Comme nous l’avons précédemment évoqué, le droit international, pour les crimes les plus graves,
a évolué dans une double direction : d’une part, la définition des infractions internationales,
d’autre part l’établissement d’une justice pénale internationale. Des travaux de codification ont
été entrepris et ont partiellement abouti. Les trois juridictions internationales (les deux tribunaux
ad hoc pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda et la Cour pénale internationale) sont habilitées à
juger les quatre mêmes catégories de crimes (paix, guerre, humanité et génocide). Ces crimes
sont spécifiques puisque au-delà de l’atteinte à des individus, ils portent atteinte au concept
même d’humanité. Le génocide se différencie des autres crimes par l’élément intentionnel qui le
caractérise, du point de vue juridique, sa spécificité réside bien dans l’intention de détruire un
groupe en tant que tel. Le premier jugement, rendu le 2 septembre 1998 par le tribunal interna-
tional pour le Rwanda dans l’affaire Akayesu, a confirmé bon nombre d’opinions doctrinales sur la
définition du génocide. Il peut y avoir génocide même si la totalité du groupe visé n’est pas exter-
minée ; un accusé peut être condamné pour génocide même s’il n’a pas personnellement tué des
membres du groupe. De plus, les viols et violences sexuelles, particulièrement nombreux au
Rwanda et en Bosnie-Herzégovine, ont été inclus dans la définition alors qu’ils ne figurent pas
dans l’article 2 de la Convention sur le génocide de 1948.
La responsabilité des gouvernants n’est pas occultée, elle est prévue à l’article 4 de la Convention
et à l’article 24 du statut de la Cour pénale internationale. Le procureur du tribunal pour
l’ex-Yougoslavie, en pleine guerre du Kosovo, n’a pas hésité à inculper, le 22 mai 1999, le prési-
dent yougoslave Milosevic et quatre hauts dirigeants de la Fédération de crimes contre l’humanité.
De même l’arrestation et le transfert en 2008 de l’ancien responsable suprême des Serbes
de Bosnie, Radovan Karadzic, démontre que l’impunité totale n’est plus assurée. Plusieurs anciens
dirigeants ont été jugés ou sont sur le point de l’être (le libérien Charles Taylor, le tchadien
Hissene Habré, certains dirigeants Khmers rouges...). La mondialisation juridique de la répression
des violations les plus graves des droits de l’homme est-elle enfin traduite dans les faits ?
Il faut être prudent. Si l’évolution actuelle représente un progrès certain (se référer à la Résolution
1757 du Conseil de Sécurité créant un tribunal international chargé de juger les responsables de
l’assassinat de l’ancien Premier ministre libanais Hariri), il ne faut pas s’attendre à une judiciarisa-
tion rapide de la vie internationale. Le combat mené par les États-Unis contre la Cour pénale inter-
nationale (signature d’accords bilatéraux excluant toute extradition de citoyens américains) l’abro-
gation partielle de la loi belge de compétence universelle ou l’impunité dont bénéficient encore
certains anciens chefs d’État tortionnaires (l’éthiopien Mengistu) illustrent parfaitement cette
méfiance à l’égard d’une telle justice. L’arrêt de la Cour internationale de justice du 26 février
2007 dans l’affaire Bosnie/Serbie Montenegro ne lève pas réellement cette ambiguïté.
CHAPITRE 11 – L’État, acteur marginalisé ? 129
Il est également plus facile de proposer une ingérence internationale pour protéger les populations
civiles en Angola, au Kosovo ou en Sierra Leone qu’en Tchétchénie ou au Tibet.
Cependant, plus s’affirme l’urgence de la protection des individus dans les conflits modernes, plus
les notions de souveraineté nationale et d’ingérence humanitaire entrent dans un processus de
tension dynamique. Selon M. Axworthy, pour que la sécurité humaine prime progressivement
sur le droit des États, il faut réformer étape par étape les institutions internationales, principale-
ment le Conseil de sécurité afin qu’il établisse les normes définissant l’espace et les limites du
droit à l’ingérence, autrement dit les hypothèses où la souveraineté perd sa légitimité.
Le Rapport Evans/Sahnoun prône également une forme de droit d’ingérence et propose un droit
d’intervention des Nations unies dans tout État coupable de crimes graves et répétés contre ses
propres citoyens.
Ces documents constituent l’une des premières tentatives pour théoriser la limitation de la souve-
raineté nationale au profit du droit d’ingérence humanitaire. Il faut toutefois faire preuve de vigi-
lance lorsque le droit d’ingérence est évoqué pour justifier une guerre préventive car le droit
humanitaire fournit alors un alibi ambigu à l’exercice d’une politique de puissance (Irak en 2003).
dans les affaires intérieures d’un État. Plusieurs pays d’Asie, multinationaux ou pluriethniques,
privilégient l’unité nationale et s’inquiètent de l’indépendance unilatérale de Kosovo. Le sort
réservé aux minorités ethniques, dans bon nombre de ces États, leur fait craindre la force d’un
précédent, applicable sur le continent asiatique. Cela explique aussi pourquoi la Chine et les
ex-républiques soviétiques d’Asie centrale, réunies au sein du Groupe de Shanghai, ont refusé de
soutenir l’intervention russe en Géorgie en août 2008.
Les propos du président Clinton pouvaient leur faire redouter le pire : « Que vous viviez en
Afrique, en Europe centrale où n’importe où ailleurs dans le monde, si quelqu’un veut commettre
des crimes de masse contre une population civile innocente, il doit savoir, que dans la mesure de
nos possibilités, nous l’en empêcherons ».
Le parallèle avec le Timor oriental est édifiant. En septembre 1999, le porte-parole du Départe-
ment d’État américain, James Rubin, déclarait que le Timor n’était pas le Kosovo. L’appréciation
des situations est différente alors que, sur le fond, les exactions contre des populations minori-
taires sont identiques. Comment expliquer ces différences de perception ? Au Kosovo, l’inter-
vention visait, entre autres objectifs, à donner à l’OTAN une légitimité nouvelle « hors zone » (en
dehors de la zone géographique des Alliés) et à la doter d’un nouveau concept stratégique. Consi-
dérée déjà comme responsable du conflit bosniaque, la Serbie de M. Milosevic représentait un
facteur de déstabilisation régionale qu’Américains et Européens ne pouvaient plus tolérer. Au
Timor, ces considérations étaient inopérantes puisque la plupart des pays asiatiques étaient réti-
cents à l’envoi d’une force multinationale sous commandement australien, l’Asie ne disposant
pas d’une organisation de sécurité collective comparable à l’OTAN. Quel paradoxe ! Au Kosovo,
une organisation régionale intervient sur le territoire d’un État souverain et reconnu comme tel
par la société internationale, sans son autorisation. L’ONU est marginalisée et n’intervient qu’à la
fin du processus par le vote de la Résolution du Conseil de Sécurité 1244 du 10 juin 1999, fixant
les détails du plan de paix qui maintient la fiction juridique de l’intégrité territoriale serbe.
Au Timor oriental, l’ONU retrouve le rôle principal et conditionne son intervention, par le biais
d’une force multinationale dirigée par l’Australie, pays ayant reconnu l’annexion de ce territoire
dès 1978, à l’accord de l’Indonésie alors que cette même organisation mondiale n’a jamais
reconnu l’annexion du Timor-Est. Le paradoxe n’est qu’apparent. Malgré une suspension provi-
soire de l’aide internationale, les considérations géopolitiques et géostratégiques l’ont emporté
au Timor oriental. L’Indonésie est un pays indispensable à la stabilité de la zone sur les plans
démographique, militaire et stratégique (il ne faut pas oublier qu’elle contrôle plusieurs détroits
par lesquels transitent une part importante du commerce mondial).
Cet État, depuis la guerre froide, est un allié fidèle des États-Unis qui ne sont pas insensibles aux
risques de désagrégation d’un archipel de 240 millions d’habitants.
132 L’ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES
En 2003, l’ONU ne donne pas son aval à l’entrée en guerre contre l’Irak et le précédent moral
invoqué en fin de processus par les États-Unis, qui se référaient au devoir d’ingérence pour
renverser le régime irakien, peut paraître spécieux. Au-delà de l’aspect juridique, à la différence
des exemples kosovar et timorais, l’intervention en Irak comportait des risques réels de déstabilisa-
tion aggravés par l’absence d’un projet consensuel de sortie de crise élaboré par la société interna-
tionale. Malgré la mise en place d’un gouvernement intérimaire reconnu par l’ONU dans la Réso-
lution 1546 du 8 juin 2004 du Conseil de Sécurité puis la tenue d’élections démocratiques,
l’établissement d’un gouvernement d’unité nationale ainsi que l’exécution de Saddam Hussein et
des principaux dirigeants baasistes de l’ancien régime, les actes de violence n’ont pas cessé
depuis 2005. Un accord a été signé par les États-Unis et l’Irak en novembre 2008. Il prévoit un
calendrier de retrait des troupes américaines des centres urbains au 30 juin 2009, leur regroupe-
ment dans une soixantaine de bases avant un retrait définitif du pays au 31 décembre 2011.
Sans faire preuve d’un pessimisme déplacé, on ne peut que souscrire au constat établi par Thierry
de Montbrial lorsqu’il affirme que « la conduite de la politique internationale reste dominée par
des calculs d’intérêt où la justice et la morale n’occupent au mieux qu’une place restreinte ».
La crise géorgienne de l’été 2008 confirme ce constat. Prenant prétexte d’une opération armée
géorgienne en vue de reconquérir une souveraineté effective sur l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud,
maintenues lors de l’indépendance au sein du nouvel État géorgien en 1991, conformément à la
volonté de Boris Eltsine de le faire dans le cadre des frontières de l’ex-Union soviétique, la Russie a
procédé à une intervention militaire en août 2008. Elle a rejeté toute intervention des Nations
unies et sous couvert de reconnaissance de l’indépendance de ces deux entités territoriales, elle
procède de fait à une annexion de facto de ces régions séparatistes. Cette intervention russe
répond à un double objectif : d’une part conserver le leadership dans le Caucase et ainsi envoyer
un message de fermeté aux anciennes républiques de l’URSS, parfois moins coopératives que par
le passé ; d’autre part, faire payer aux Occidentaux leur soutien à l’indépendance unilatérale du
Kosovo au prix de contorsions juridiques quant à la conformité de leur décision avec la résolution
1244 précitée. Vladimir Poutine l’avait dénoncée non comme un cas sui generis mais comme un
précédent fâcheux pouvant faire jurisprudence. Pour des raisons politiques, l’indépendance du
Kosovo est apparue comme la moins mauvaise des solutions. En réalité le parallèle entre le
Kosovo et la Géorgie met en lumière deux conceptions antagonistes des relations internationales.
D’un côté, la volonté occidentale, parfois hypocrite, de surpasser la contradiction entre le principe
d’intégrité territoriale et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ; d’un autre côté la volonté
russe de dépasser les antagonismes ethniques par le retour à la politique de puissance basée sur
le fait accompli par l’usage de la force.
CHAPITRE 11 – L’État, acteur marginalisé ? 133
gouvernement s’engageaient à renforcer la coopération pour lutter contre « l’argent sale », les
mafias du crime n’ont cessé de prospérer.
Le Crime organisé transnational (COT) représentait en 2009, 150 milliards d’euros issus des trafics
sur les êtres humains, de stupéfiants et d’armes légères et constitue, selon l’ONU, une menace
globale pour la stabilité internationale. Ce chiffre d’affaires annuel se surajoute à une masse
considérable de capitaux dont l’ampleur semble de nature à déstabiliser le système financier
mondial. Ce phénomène du blanchiment est devenu un enjeu économique qu’il faut maîtriser.
Ces opérations bénéficient des nouvelles technologies (portefeuille et courrier électroniques) qui
facilitent les transferts anonymes. Chaque marché constitue un instrument potentiel de recyclage,
y compris les acquisitions d’entreprises.
Le FMI constate que le blanchiment de l’argent sale répartit ses capitaux autour du monde, non
pas en fonction d’un taux de rentabilité mais selon la facilité à éviter les contrôles nationaux. Ces
flux financiers, qui entrent et sortent en dehors de toute rationalité économique, déstabilisent de
nombreux États, que ce soient les 35 paradis fiscaux répertoriés par l’OCDE ou à l’inverse la Russie
ou la Colombie. Selon l’OCDE, les fonds placés par les entreprises des pays du G 7 dans ces
paradis avoisinent les 250 milliards de dollars (le total des dépôts est d’environ 10 000 milliards
de dollars). Ces paradis ont en commun une taxation faible ou nulle pour les non-résidents, un
fort secret bancaire et des procédures d’enregistrement souples pour les sociétés (plus de 400
banques et deux millions de sociétés-écrans). Ils font courir un risque systémique mondial.
Créé en 1989, à l’initiative du G 7, le Groupe d’action financière sur le blanchiment des capitaux
(GAFI) qui réunit les pays de l’OCDE ainsi que la Commission européenne et le Conseil de coopé-
ration du Golfe, désire lutter contre « le côté obscur de la mondialisation ». Il a adopté en
juin 2003 une série de quarante mesures permettant d’améliorer son dispositif de surveillance
des circuits d’argent sale et de financement du terrorisme. Les résultats obtenus ne sont pas
toujours probants et en 2014, les experts estiment que l’argent sale dépassera en volume ce
qu’était le PNB américain en 1997 !
Toutefois, la crise de 2008, sans doute une opportunité historique, rend nécessaire une régulation
du système financier international et un accroissement de la transparence. En effet, on doit se
rendre compte que la législation de certains États permet l’inexistence de publication des
comptes, d’obligation de tenir un registre des actionnaires, d’avoir un minimum de capital social,
voire d’en avoir un tout court, d’aviser le registre du commerce sur les modifications des statuts,
etc. La plupart de ces sociétés n’existent pas, sont fictives et servent à contourner une obligation,
voire à commettre une infraction.
Le blanchiment progresse en dépit d’une vigilance internationale accrue. L’OCDE distingue en
effet au sein de sa liste les pays coopératifs parmi lesquels figurent les paradis bancaires
CHAPITRE 11 – L’État, acteur marginalisé ? 135
européens à fort secret bancaire (Suisse, Luxembourg, Belgique et Autriche) des pays non coopé-
ratifs qui ne sont plus que deux en 2010 (Costa Rica et Labuan en Malaisie). Quant aux rares terri-
toires figurant sur la liste grise, ils ne pèsent que 0,25 % du marché mondial de la finance off
shore. Or, empêcher les juridictions non coopératives de menacer le système financier mondial,
tel que prévu dans les déclarations d’intention adoptées lors des sommets du G 20, reste un
objectif difficile à atteindre en raison du traitement inégalitaire entre États. En dépit de plus de
600 accords bilatéraux d’échanges d’informations fiscales conclus depuis 2008, des paradis
fiscaux perdurent, parfois au sein même du territoire d’États membres du G 20 ! L’année 2011,
grâce à l’action conjuguée des différents acteurs nationaux et internationaux, permettra-t-elle de
mettre en place un système d’évaluation coercitive permanente ?
Cependant, la globalisation et l’internationalisation des activités mafieuses forment, l’une et
l’autre, les deux faces d’un monde où les États peinent à rester les acteurs principaux, sinon exclu-
sifs, des relations internationales.
Ainsi à l’extérieur, le concert des nations est devenu discordant et à l’intérieur des États, les déci-
deurs cherchent le point d’équilibre que Paul Valéry voyait toujours s’échapper en remarquant que
« l’État, trop fort, nous écrase, mais que, trop faible, il nous manque ».
Comme le fait remarquer justement Joseph S. Nye, la tendance au désengagement étatique,
cause et conséquence de la mondialisation, n’est pas, dans l’absolu, irréversible. Comme je l’indi-
quais dans la première édition de cet Essentiel en janvier 2000, nul ne pouvait exclure un retour
en grâce de l’État si la situation mondiale évoluait vers le désordre sous l’effet de récessions
économiques, d’actes terroristes, de dégradation accélérée de l’environnement ou de tout autre
événement imprévu. Les attentats du 11 septembre 2001 et les crises financières systémiques ont
prouvé que les véritables acteurs publics restent les pouvoirs étatiques nationaux dotés de vraies
monnaies convertibles et d’institutions juridiques solides. La gestion de la crise financière et écono-
mique de 2008 en est l’illustration la plus éclatante. La globalisation n’implique pas le retrait de
l’État mais réclame son renforcement, voire sa construction. Le Rapport 2005 sur la gouvernance
mondiale de la Banque mondiale apporte un éclairage intéressant. La bonne gouvernance
débouche sur des conditions de vie meilleures et sur une réduction renforcée de la pauvreté.
L’amélioration des droits, l’efficacité de l’Administration, la lutte contre la corruption ou le respect
des contrats donnent des résultats encourageants en six ou huit ans.
La Banque mondiale qui, il y a douze ans, prônait la libéralisation et les privatisations chères à
Milton Friedman, privilégie la bonne gouvernance. Elle comprend qu’un État efficace doté d’insti-
tutions pérennes et respectées permet à terme de multiplier par deux ou trois le PIB par habitant
d’un PED.
Toutefois si certains pays ont progressé, d’autres stagnent.
136 L’ESSENTIEL DES RELATIONS INTERNATIONALES
La société internationale se caractérisera donc toujours par son extrême complexité et sa fragilité.
Elle conservera, à terme, un caractère hétérogène en raison de la diversité géographique, cultu-
relle, religieuse, politique et économique de ses composantes. Comme le souligne l’économiste
Nicolas Baverez, le monde multipolaire en gestation « ne deviendra pas spontanément stable et
pacifique ». À l’aube du troisième millénaire, nous vivons une période intermédiaire où le temps
de l’hégémonie occidentale, et plus particulièrement américaine, s’estompe alors que celui des
pays émergents se profile (52 % de la production industrielle, 80 % des réserves de change et
42 % de la capitalisation boursière mondiale). Le nouveau paradigme s’établit donc entre pays
développés et pays émergents en concurrence pour une gestion plus efficace du capitalisme.
Toutefois, les États-Unis demeurent et demeureront encore à long terme l’unique superpuissance,
certes capable d’intervenir sur l’ensemble de la planète mais sans pour autant en avoir la volonté
ou la capacité de gestion. En dépit de l’accumulation des déficits et de la dévaluation du dollar, ils
n’en disposent pas moins de nombreux atouts démographiques, intellectuels, scientifiques et tech-
nologiques qui devraient leur permettre de retrouver une croissance forte.
La Russie, en dépit d’une rhétorique menaçante à usage interne, est devenue une puissance
souvent résiduelle et nostalgique de la gloire passée de l’URSS, incapable d’empêcher des actions
occidentales. La lutte d’influence avec les États-Unis dans les anciennes républiques de l’URSS
(États baltes ou du Caucase) est significative. L’accession du Kosovo à l’indépendance, en dépit
de l’opposition de la Russie, en est une nouvelle démonstration.
L’Europe se construit difficilement mais demeure encore inopérante dans bien des domaines,
notamment la politique de défense commune. L’année 2010 a accentué la perte d’influence du
Vieux continent et l’Union européenne apparaît divisée entre trois pôles économiques divergents ;
l’Allemagne et les États qui ont adopté son modèle renouent avec la croissance ; les pays intermé-
diaires fragilisés par la crise et sous la menace des marchés (Espagne, Italie et voire la France) et
enfin les pays fortement endettés et déficitaires en voie d’implosion (Grèce, Irlande et Portugal).
L’Union européenne sera-t-elle capable de relever le défi d’un nouveau modèle économique
et social ?
L’Asie, zone potentielle de conflictualité, se cherche. La montée en puissance de la Chine perturbe
les équilibres mondiaux : hausse des cours des matières premières et de l’énergie, hausse des
exportations vers les pays développés entraînant des pertes d’emplois, nouvelle donne stratégique
et rivalités sino-japonaises. Ainsi sur le plan diplomatique et stratégique, la Chine a rompu avec sa
traditionnelle prudence et affiche désormais sa puissance militaire ou ses intérêts lors des grands
sommets internationaux. Sur le plan économique, l’entrée en vigueur de la zone de libre-échange
avec l’ASEAN est un premier pas vers la constitution d’une zone d’influence commerciale et moné-
taire. Sur le plan financier, elle joue de l’arme monétaire pour doper ses exportations et accumuler
CHAPITRE 11 – L’État, acteur marginalisé ? 137
des réserves considérables (près de 2 600 milliards de dollars fin 2010) qui lui permettent de
racheter de la dette portugaise, grecque et espagnole pour plusieurs milliards de dollars et
d’acquérir aussi des actifs stratégiques.
La conjoncture mondiale des années 2010 sera tendue et bienheureux les prophètes et les profes-
sionnels de la prévision qui décèlent, de manière péremptoire, les évolutions futures de la société
internationale. S’il est envisageable de subodorer des tendances possibles, il est périlleux de les
croire certaines.
BIBLIOGRAPHIE
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– L’Atlas des religions, Hors série Le Monde-La Vie, 2007.
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Presses de Sciences Po, 1998.
– SUR (S.), Les relations internationales, Montchrestien, 5e édition, 2009.
Imprimé en France
6e édition L’essentiel des les carrés 6e 6e édition
R elations internationales Droit
L’essentiel
une réalité complexe de la Fonction
matériels ou immatériels, qui peuvent s’établir publique
entre deux ou plusieurs individus, groupes ou –– les caractères de la société
internationale
collectivités. L’ensemble constitue un maillage
–– les relations internationales
d’une extraordinaire complexité qui bouge tous
des
depuis 1945
les jours et qui évolue entre « le chacun pour –– les facteurs constitutifs des
Rinternationales
soi » et le « tous pour un ». relations internationales
Au total, une présentation synthétique, • Les acteurs et les règles des
elations
rigoureuse et pratique des principes qui régissent relations internationales
les Relations internationales. –– l’État, protagoniste principal
des relations internationales
Le public –– des acteurs récents :
les Organisations
–– Étudiants en licence de Droit, de Sciences
intergouvernementales (OIG)
économiques et d’AES
–– les nouveaux acteurs : ONG, STN,
–– Étudiants des Instituts d’Études Politiques
individus, peuples
–– Candidats aux concours des grandes écoles
–– la régulation normative des
de commerce et de gestion
relations internationales
–– Candidats aux concours de la fonction publique
• Les enjeux et les défis des
relations internationales
L’auteur –– guerre ou paix ?
–– richesse ou pauvreté ?
Antoine Gazano est Maître de conférences
–– l’État, acteur marginalisé ?
à l’Université de Nice Sophia-Antipolis.
A. gazano
Prix : 13 m
ISBN 978-2-297-01626-1