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Le cas d’Evan – Alan Kazdin1

J’ai travaillé avec un enfant de 10 ans nommé Evan, dans un CM2 d’une école ordinaire.
L’enseignante m’avait demandé de l’aide parce qu’Evan était extrêmement actif. Actif était un
euphémisme : Il marchait sur les tables pendant la classe, sautant de l’une à l’autre en marchant sur
les affaires des autres élèves au passage. Ce faisant il parlait à voix haute en direction de
l’enseignante, comme s’il était seul en classe. Il n’était jamais sur sa chaise. J’ai observé la classe à
plusieurs reprises et j’ai constaté que l’enseignante n’exagérait pas. Quel comportement renforcer ?
Un opposé positif serait d’être assis tranquillement sur sa chaise, faisant son travail et prêtant
attention. Mais aucun de ces comportements ne se produisait jamais, ce qui signifie que le modelage
semblait impossible, au moins au début.

Alors nous avons décidé de commencer à féliciter Evan pour tout comportement autre que «
marcher sur les tables » et « parler à voix haute ». Parfois, il restait silencieux quelques instants.
Certes, debout et sans travailler, mais au moins pendant ces moments-là, il n’était ni en train de
marcher sur les tables, ni en train de parler à voix haute. Ce n’était pas tout à fait l’opposé positif
idéal de son comportement perturbateur, mais c’était mieux, donc c’était une bonne base de départ.

Je suis resté au fond de la classe pendant 30 minutes deux jours de suite pour aider l’enseignante.
J’avais deux feuilles de papier coloré : une rouge et une verte. Quand Evan faisait quoi que ce soit
d’autre que l’un des deux comportements que nous souhaitions faire disparaître, je montrais la
feuille verte. C’était un signal pour faire penser à l’enseignante de le féliciter, et, si c’était possible
(en fonction de sa position), de le faire près de lui, calmement, avec une petite tape sur l’épaule. Si ce
n’était pas possible pour elle de venir près de lui, elle le félicitait tout haut de loin. C’était important
d’aider l’enseignante, parce notre réaction instinctive est de prêter attention et de sur-réagir aux
évènements négatifs, et de ne même pas remarquer les bons comportements. L’enseignante a
rapidement maitrisé cette approche : pendant les 30 minutes où j’étais présent, elle est venue
féliciter Evan 3 fois. J’avais signalé les 2 premières, elle initia la 3ème d’elle-même (j’atténuais déjà
mes déclencheurs, cf. la notion d’atténuation). Le 2ème jour où je suis venu en classe, elle est venue
le féliciter deux fois sans que j’ai besoin de faire quoi que ce soit. Elle ne remarqua pas la 3ème
occasion de renforcer le comportement « moins perturbateur » d’Evan, car elle faisait face au
tableau ; j’ai levé la feuille verte dès qu’elle se retourna, et elle renforça son comportement à ce
moment-là.

Nous avions convenu que nous mènerions ce programme le matin seulement, pour voir si nous
avions un effet, et si ça se passait bien, nous l’étendrions à l’après-midi. La raison principale pour
cela, c’est que féliciter fréquemment et correctement demande beaucoup de travail, et elle avait
aussi d’autres élèves qui nécessitaient son attention. Au bout de quelques jours, il était clair que ce
régime avait nettement augmenté les comportements autres que marcher sur les tables et parler
tout haut. A l’occasion, il arrivait même qu’Evan soit assis sur sa chaise, un comportement qui n’était
jamais apparu auparavant.

A partir de là, nous sommes passés du renforcement de tout comportement non perturbateur au
renforcement du fait de rester assis sur sa chaise, c’est-à-dire d’une composante du comportement
opposé positif que nous souhaitions développer. Chaque fois qu’Evan était sur sa chaise, même s’il
ne prêtait aucune attention et ne travaillait pas, l’enseignante félicitait ce comportement
spécifiquement. Si en plus il était concentré sur son travail, elle ajoutait des compliments
supplémentaires.

Les progrès furent lents (l’enseignante avait tout de même une classe entière dont elle devait
s’occuper), cela prit quelques semaines, mais nous sommes parvenus au point où Evan passait la
plupart de son temps sur sa chaise, et où son comportement le plus perturbateur, celui de marcher

1
Extrait de Kazdin, A. E., & Rotella, C. (2013). The Everyday Parenting Toolkit : The Kazdin Method for Easy,
Step-by-Step, Lasting Change for You and Your Child. Houghton Mifflin Harcourt.
Traduit par Franck Ramus avec l’aimable autorisation d’Alan Kazdin.
sur les tables, avait complètement disparu. En prime, son habitude de parler à voix haute sans
demander son tour de parole disparut d’elle-même. Apparemment, son habitude de parler allait de
pair avec celle de marcher sur les tables, et lorsque nous avons fait disparaître cette dernière, la
première a disparu avec.

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