Vous êtes sur la page 1sur 22

Université Sultan Moulay Slimane

Faculté des Lettres et des Sciences Humaines


Beni Mellal

Département de Langue et de Littérature Françaises


Master Sciences du langage
Module : La sémantique cognitive
Semestre III

CADRES SEMANTIQUES

Préparé par : Sous la direction de monsieur le prof:


 Ali EL-HAJIM
 Mustapha JIMMOUH
 Brahim OUMEROUCH

Année universitaire: 2021-2022


Introduction ............................................................................................................. 1
I. Les frames sémantics : (Ali ELHAJIM) ..................................................... 3
1. Cadre épistémologique de la sémantique des cadres : ................................................ 3
2. Qu’est-ce qu’une frame? ............................................................................................ 5
3. Les éléments de cadre-frame : .................................................................................... 6
4. les limites de la théorie des cadres sémantiques : ....................................................... 8
II. Le projet FrameNet (Mutapha JIMMOUH)............................................. 9
1. Rôles ......................................................................................................................... 10
1.1. Relations entre rôles (relations intra-cadres) ............................................................. 11
1.2. Relations inter-cadres ................................................................................................... 11
2. Annotations............................................................................................................... 12
3. Lexique ..................................................................................................................... 12
4. Méthodologie FrameNet ........................................................................................... 14
III. Essai d’application ....................................................................................... 15
1. Passage N1 (ALI) ..................................................................................................... 15
2. Passage N2 (Framenet) : (JIMMOUH) .................................................................... 16
Conclusion............................................................................................................. 18
Références bibliographiques ............................................................................. 20
Introduction

Faire du sens serait l’objectif majeur de tout acte discursif. Pour ce faire,
l’homme recourt aux différents systèmes de signes qu’il a inventés. La
signification existerait donc depuis l’existence de notre espèce. L’abondance de
la littérature traitant de la sémantique révèle alors à quel point le sens était au
centre des préoccupations. Il s’ensuit que la problématique que pose le sens serait
un champ d’investigation, à la fois, attrayant et occulte.
Par ailleurs, il serait absurde de penser que les langues sont faites pour
assurer des fonctions autre que de construire du sens. Les humains seraient en
quête de sens tant en phase de la génération des énoncés qu’en phase de leur
interprétation. La problématique que pose le sens ne pourrait être éludée ni
négligée. Du fait, les chercheurs se sont efforcés à mettre en place des théories
capables de rendre compte des faits sémantiques. La tâche ne pourrait nullement
être ni facile ni aisée. Quelle unité soumettre à l’analyse ? Le mot ? La phrase ?
Le discours (dans le sens le plus large du mot) ?
Lors du présent travail, nous allons nous contenter d’approcher le sens
selon la théorie des frames sémantiques de Fillmore. Cette sémantique, qui se
veut cognitive, s’inscrit dans la linguistique cognitive développée suite aux
critiques adressées à la grammaire générative. Le sens se présenterait comme un
phénomène complexe et compliqué du fait que faire du sens implique la
participation des maintes instances : le locuteur, le récepteur, la langue, la
situation (temps, lieu, référence culturelle). La construction du sens demeure
alors mystérieuse chose qui pourrait justifier la diversité et la multiplicité des
théories et des écoles qui se sont acharnées et qui s’acharnent toujours à rendre
compte de la problématique que pose ledit sens.
Il serait donc adéquat de proposer une problématique qui allait, d’une part,
orienter notre travail, et d’autre part, montrer l’ampleur de la sémantique des
cadres parmi les théories voisines, et surtout revenir sur l’apport de cette théorie
1
dans le champ de la sémantique. Ainsi, à quel point la sémantique des frames
rend-elle compte des faits sémantiques ? Serait-elle purement cognitive ? À
quelle distance se situerait-elle par rapport au formalisme ?
Pour ce faire, nous reviendrons, dans un premier temps, sur les frames
sémantiques en évoquant les principaux concepts qui caractérisent la démarche
de Fillmore ; puis, dans un second, nous reviendrons sur l’un des travaux basés
sur la théorie des cadres sémantiques à savoir le projet FrameNet ; et enfin, nous
allons essayer d’appliquer, autant que faire se peut, cette sémantique sur deux
passages que nous avons choisis.

2
I. Les frames sémantics : (Ali ELHAJIM)
La sémantique des cadres est une théorie linguistique cognitive qui
offre une perspective basée sur l'utilisation sur le sens. La linguistique cognitive
a donné naissance, à l’intérieur du générativisme, à la sémantique générative en
séparant syntaxe et sémantique. En fait, l’expansion et l’élargissement progressif
de la linguistique cognitive, qui dépasse le structuralisme saussurien et le
générativisme chomskyen, redonne à l’objet langue toutes ses dimensions, et
prépare le retour de la sémantique lexicale, de la pragmatique, et bien d’autres
disciplines.

1. Cadre épistémologique de la sémantique des cadres :


Bon nombre des principaux efforts de recherche en traitement du langage
naturel au cours des deux dernières décennies se sont concentrés sur la
conception de systèmes d'extraction d'informations, de réponse aux questions
relatives à l’étude du langage. Le rapprochement des deux pôles disciplinaires,
la linguistique cognitive et domaine de la sémantique, a permis de donner, à
partir d’un ensemble de recherches, une plus grande attention à la sémantique
lexicale, une adoption généralisée de la théorie des prototypes, l’importance des
notions de figure et fond, des structures sémantiques du type frame, etc. C’est à
Charles Fillmore qu’on doit la théorie « des cadres sémantiques » élaborée dans
les années 60-70. Fillmore postule qu’on ne peut comprendre la signification de
bien des mots, de manière optimale, qu’en tenant compte du contexte
événementiel ou situationnel dans lequel ils s’inscrivent.
Les idées centrales sous-jacentes à la Frame Semantics sont résumées par
Fillmore & Atkins (1992) comme suit :
‘’A word’s meaning can be understood only with reference to a structured
background of experience, beliefs, or practices, constituting a kind of
conceptual prerequisite for understanding the meaning. Speakers can be said

3
to know the meaning of the word only by first understanding the background
frames that motivate the concept that the word encodes. Within such an
approach, words or word senses are not related to each other directly, word to
word, but only by way of their links to common background frames and
indications of the manner in which their meanings highlight particular
elements of such frames.’’ (Fillmore & Atkins (1992: 76-77))
Le sens d'un mot ne peut être compris qu'en référence à un arrière-plan
structuré d'expériences, de croyances ou de pratiques, constituant une sorte de
préalable conceptuel à la compréhension du sens. On peut dire que les locuteurs
ne connaissent le sens du mot qu'en comprenant d'abord les cadres d'arrière-plan
qui motivent le concept que le mot encode. Dans une telle approche, les mots ou
les sens des mots ne sont pas directement liés les uns aux autres, mot à mot, mais
uniquement par leurs liens avec des cadres d'arrière-plan communs et des
indications sur la manière dont leurs significations mettent en évidence des
éléments particuliers de ces cadres.

Dans la perspective de la sémantique des cadres, l'accent est mis sur les
continuités entre le langage et l'expérience. Il s’agit, selon Fillmore, d’un
programme de recherches en sémantique empirique et d’un cadre descriptif
offrant une manière particulière de concevoir les significations des mots, ainsi
qu'une manière de caractériser les principes régissant l’assemblage des
significations des éléments d'un texte dans la signification totale du texte. Cela
va de soi pour les définitions terminologiques : pour comprendre la signification
du mot hypoténuse, il faut connaître le concept de triangle rectangle, lequel
exige, à son tour, de connaître les concepts de triangle et d’angle droit. Beaucoup
de ces mots sont interprétés par le biais des cadres conceptuels évoqués dans
l’esprit des interlocuteurs. Chaque cadre conceptuel est caractérisé par des rôles
thématiques, des propriétés, etc. appelés éléments cadres.

4
La sémantique des cadres ou Frame sematics est “a research program in
empirical semantics and a descriptive framework for presenting the results of
such research” (Fillmore (1982: 111)) développé par Fillmore et ses associés au
cours des trois dernières décennies.
Cette approche diffère des autres théories de la signification lexicale en ce
qu'elle s'appuie sur des connaissances communes (les « cadres » sémantiques)
par rapport auxquelles les significations des mots sont interprétées.
En somme, la sémantique des cadres a été appliquée dans plusieurs domaines
de recherche tels que la lexicologie, lexicographie, syntaxe et grammaire en
général, Traduction, and terminologie.

2. Qu’est-ce qu’une frame?


De manière générale, Fillmore pense que chaque cadre de cas caractérise
une petite « scène » abstraite ou « situation », de sorte que pour comprendre la
structure sémantique du verbe, il est nécessaire de comprendre les propriétés de
ces scènes schématisées. La “frame is a cognitive structuring device, parts of
which are indexed by words associated with it and used in the service of
understanding.” De même, le terme « cadre » est entendu comme étant un
système de concepts liés de manière interdépendante dans la mesure où la
compréhension de l'un d'entre eux implique nécessairement la compréhension de
toute la structure dans laquelle il s'inscrit. En effet, lorsque l'un des éléments
d'une telle structure est introduit dans un texte, ou dans une conversation, tous
les autres sont automatiquement sollicités dans l’acte de construction du sens.
L’auteur affirme que : « In particular, I thought of each case frame as
characterizing a small abstract ‘scene’ or ‘situation’, so that to understand the
semantic structure of the verb it was necessary to understand the properties of
such schematized scenes ».
Un mot – plus précisément une unité lexicale (c'est-à-dire un mot dans l'un de
ses sens) – est dit « évoquer » un cadre. Chaque cadre est constitué d'"éléments

5
de cadre" spécifiques ; les « divers participants, accessoires et autres rôles
conceptuels » impliqués dans la représentation schématique d'une situation.
Certaines caractéristiques du cadre peuvent être dérivées :
 Premièrement, différentes perspectives cognitives dans le même cadre
entraîneraient des expressions linguistiques différentes. Les verbes
acheter et payer décrivent l'événement commercial du point de vue de
l'acheteur, tandis que vendre et facturer décrivent la situation du point de
vue du vendeur. Ainsi, les expressions linguistiques seraient différentes
lorsque des perspectives différentes sont adoptées.
 Deuxièmement, les composants d'un cadre sont basiques et stables. Dans
le cadre de l'événement commercial classique, les composants de base et
stables sont l'acheteur, le vendeur, les biens et l'argent, et en conséquence
dans le cadre [DANGER], ils sont la victime, les outils et les lieux.
 Troisièmement, tous les composants qui constituent le réseau de trames
sont étroitement liés. Une fois qu'un composant est mentionné, il activera
l'ensemble du cadre cognitif. Par exemple, le mot acheter dans un cadre
d'événement commercial activerait tout un ensemble d'autres composants
appartenant au même cadre. Les gens saisissent le sens des expressions
linguistiques en grande partie en fonction de l'activation des cadres
cognitifs.
Un Cadre-frame relie ces rôles sémantiques spécifiques à leurs
réalisations syntaxe (fonctions grammaticales et types de phrases), du fait il est
à lier ainsi explicitement les caractéristiques sémantiques et combinatoires des
unités lexicales.

3. Les éléments de cadre-frame :


La sémantique des cadres implique que la construction du lexique est basée
sur des « connaissances d’arrière-plan » (background knowledge). La structure
de ces connaissances est représentée au moyen de « cadres » (frames), définis

6
comme des scénarios conceptuels qui fédèrent les réalisations dans le lexique.
Les participants à la situation prototypique décrite par un cadre (l’acheteur, le
vendeur, les biens et l’argent pour l’exemple du cadre acheter) sont appelés
éléments du cadre, et sont constitutifs de la définition d’un cadre.
La définition d’un cadre implique la découverte de participants appelés éléments
du cadre (frame elements), qui sont définis comme des rôles sémantiques propres
à la situation décrite. En d’autres termes, chaque cadre conceptuel est caractérisé
par des rôles thématiques et des propriétés appelés éléments cadres. Il est à
distinguer à l’intérieur des cadres entre deux types d’éléments, les uns sont
obligatoires, ou encore éléments de cadre centraux: core frame elements, tandis
que les autres sont des participants optionnels, appelés également éléments de
cadre périphériques: non-core frame elements. Ces éléments cadres de la partie
périphérique ne sont pas spécifiques à ce cadre, ils sont communs à toutes sortes
d’autres cadres.
A. Les éléments cadres (Frame Elements FE) obligatoires sont groupés dans la
partie noyau lorsqu’ils sont inhérents à la définition du cadre et ont tendance
à apparaître dans des positions syntaxiques fondamentales étant équivalentes
aux arguments du prédicat tels que : Agent, Patient, Instrument, etc. En gros,
les participants du cadre du type noyau peuvent être indiqués soit dans la
phrase soit déductibles à partir d’un contexte linguistique ou
extralinguistique. L’ensemble d’éléments du cadres du type noyau offrent à
la phrase un caractère satisfaisant sur le plan informationnel. Pour mettre en
exergue ce principe, l’exemple emprunté à Collin F. Baker 2 au sujet du
Scénario de Déplacement est la parfaite illustration :
Les participants obligatoires définissant ce cadre sont : AGENT DU
DEPLACEMENT, ORIGINE, CHEMIN, BUT, DIRECTION et ZONE.
Tous ces éléments se rapportent au schéma définitionnel du déplacement.
Autrement dit, un prédicat et ses arguments doivent indiquer : qui se déplace
et certaines indications relatives au chemin qu’il suit.

7
Pour illustrer, considérez le cadre du vol, qui implique plusieurs verbes
sémantiquement liés tels que voler (steal), arracher (snatch), vol à l’étalage
(shoplift) , pincer (snitch), chiper (pinch), dérober (filch), et voler (thieve) entre
autres.
Le cadre du vol représente un scénario avec différents éléments de cadre qui
peuvent être considérés comme des instances de rôles sémantiques plus larges.
Il est important de donner des définitions précises pour les éléments de
cadre car l'intégralité des éléments de cadre comprend la description du cadre,
qui à son tour représente un agencement schématique du type de situation qui
sous-tend la signification des mots sémantiquement liés. Nous présentons ci-
dessous le cadre de déplacement autonome illustrant la mise en œuvre des
principes de la théorie des cadres sémantiques :
 Définition du cadre : l’agent du déplacement, un être vivant, se meut par
lui-même de manière orientée le long d’un chemin, sans utilisation de
véhicule.
 Unités lexicales :
Verbes : avancer, grimper, marcher, errer, s’acheminer, se diriger, longer,
etc.
Substantifs : chemin, avance, marche, mouvement, agitation, errance, etc.
 Éléments cadres :
Participants obligatoires : AGENT DU DÉPLACEMENT, ORIGINE,
CHEMIN, BUT, DIRECTION, ZONE.
Participants facultatifs : DURÉE, TEMPS, FAÇON, FORME DE
CHEMIN, BUT, VITESSE, DISTANCE, ENDROIT, MOYENS

4. les limites de la théorie des cadres sémantiques :


Si l’approche par cadres conceptuels permet de décrire des événements,
des relations, des états et des entités, comme nous l’avons montré dans ce qui

8
précède, chaque mot n’est pas décrit de la même façon. La description d’un
grand nombre de noms communs peut être structurée avec des cadres
conceptuels ; elle s’applique alors à des grandes classes de noms. Presque tous
les artefacts, par exemple, peuvent être décrits en termes de fonctionnalité, de
fabricant, de matériau ou de procédure de fabrication ainsi, cela va de soi, selon
les propriétés qu’ils partagent avec tous les objets physiques telles la forme, la
structure physique, la couleur, l’origine, etc.
Un certain nombre de cadres conceptuels relatifs à des entités ont été créés
dans le cadre du projet FrameNet ; par exemple, ceux du domaine de
l’architecture (les cadres Bâtiment, Partie d’un bâtiment, Elément architectural,
Relatif à l’architecture) et du domaine de l’habillement (les cadres Tenue
militaire, Vêtement). Mais une forte augmentation du nombre de cadres
conceptuels relatifs à des entités est peu probable dans le cadre du projet
FrameNet car cela alourdirait l’annotation manuelle et nuirait à la validité des
autres ressources.

II. Le projet FrameNet (Mutapha JIMMOUH)


Nous rappelons au passage que la sémantique des cadres trouve ses
origines dans la grammaire du sanskrit avec Pānini. Des régularités sémantiques
sont entretenues entre le cas marqué morpho-syntaxiquement et le prédicat. Ceci
est dit, actuellement, rôles thématiques, cas profonds, relations thématiques,
thêta-rôles. Dans cette optique, le sens est décrit selon une liste de rôles ou
étiquettes suivant les participants dans un événement représenté par un prédicat.
Autrement dit, il existe une certaine correspondance entre arguments
syntaxiques et arguments sémantiques. Les rôles sémantiques sont alors
exploités ouvertement par la sémantique des cadres. Celle-ci est manifestement
employée aussi dans la traduction automatique des langues TAL.

9
FrameNet est un prolongement de la sémantique des cadres de Fillmore.
FrameNet présente un lexique à la fois intelligible par l’homme et par la
machine. Fillmore affirme que le sens de bien de mots est mieux entendu selon
les participants impliqués dans une situation. Le projet FrameNet de Berkeley
construit une base de données lexicales de l'anglais annotées selon leur
utilisation dans des textes réels.
La formation tripartite de ce projet présente ses éléments comme suit :
d’abord, la ressource, une base de situations prototypiques organisées et
structurées, dites cadres (frames), apparentées à des caractérisations
sémantiques des participants, appelées les éléments du cadre (frame elements).
Les cadres sont structurés dans la mesure où des relations telles que l’héritage et
la causalité les associés. La ressource contient aussi un répertoire d’items qui
évoque ces cadres. Quant aux unités lexicales (lexical units), elles assument le
rôle de déclencheurs. Enfin, FrameNet a développé des annotations en frames
pour la langue anglaise.
Les cadres sémantiques et le projet FrameNet seraient nés suite aux
travaux de Fillmore qui s’efforçait à établir une modélisation de la
compréhension des textes. Les sens acquis par les mots de par leur
fonctionnement par les locuteurs dans les communautés linguistiques sont les
concepts organisés et structurés auxquels se réfèrent les cadres (frames). En
outre, les cadres investissent dans les rôles sémantiques en spécialisant les
relations sémantiques existant entre un prédicat et ses arguments.

1. Rôles

Un rôle renvoie à un participant ou une caractéristique de la situation


prototypique représentée par la frame à laquelle fait partie. La spécificité du rôle
serait qu’il est propre à son cadre. Les déclencheurs d’un cadre sont amenés
obligatoirement à assurer le même rôle.

10
Pour chaque rôle, existe une définition informelle, c’est-à-dire en langue
naturelle, du sens qui réside dans le rôle en relation étroite avec son cadre auquel
il appartient. Par ailleurs, il est nécessaire d’assigner à tout rôle le statut de
nucléarité. Cette caractéristique est définie sémantiquement. En effet, comme le
postule Ruppenhofer et al., (2006, p. 19), un rôle noyau est un rôle «
conceptuellement nécessaire tout en rendant le cadre unique et différent des
autres cadres ». Plusieurs propriétés sont à considérer pour définir la nucléarité
d’un rôle : - est noyau tout rôle exprimé obligatoirement,
- est noyau tout rôle non exprimé mais reçoit une interprétation,
- est noyau tout rôle prédit à partir de la forme de sa réalisation.
En somme, « un rôle est noyau pour un déclencheur si et seulement s’il est
sémantiquement obligatoire et sous-catégorisé par ce déclencheur (MARIANNE
DJEMAA, 2017). »

1.1. Relations entre rôles (relations intra-cadres)

Nous avons mentionné supra que les cadres forment un ensemble structuré
interconnecté. C’est le cas aussi des rôles qui entretiennent des relations entre
eux. Celles-ci sont de trois types :
- Ensembles nucléaires: des rôles forment un ensemble nucléaire lorsque la
présence d’un élément remplit la valence sémantique du prédicat.
- Exclusion mutuelle : dans certains cas, l’apparition de deux rôles s’avère
impossible dans un même cadre suite au principe d’exclusion. Les raisons
peuvent être d’ordre syntaxique ou sémantique.
- Nécessité : il se peut qu’au sein d’un cadre, la présence d’un rôle
implique impérativement la présence d’un autre.
1.2. Relations inter-cadres

Les cadres sémantiques dépassent le stade d’avoir des relations sémantiques à


l’intérieur du cadre. Ils existent bel et bien des relations entre les cadres. Selon
Baker (2009), les relations entre cadres définies par FrameNet sont en trois types
11
: les relations de généralisation, les relations de structure évènementielle et les
relations aspectuelles.

2. Annotations

Annotation sets, ou ensembles d’annotations sont des occurrences de cadre


annotées. Il existe deux stratégies pour annoter les cadres.
- Les annotations lexicographiques:
La stratégie lexicographique frame par frame est courante dans les projets
liés à FrameNet. Un cadre est défini avec ses éléments, et des exemples de
phrases contenant des occurrences (désambiguïsées) de ces élémnets sont
choisis pour l'annotation, dans le but de maximiser la gamme de valences
syntaxiques annotées pour un cadre sémantique donné. Chaque phrase
d'exemple contient un seul ensemble d'annotations.
- Les annotations dites full-text:
La stratégie du texte intégral, qui a ensuite été adoptée dans le cadre du projet
Berkeley FrameNet, consiste à annoter toute occurrence de mot de contenu
dans le texte courant. S'il présuppose l'existence d'un noyau de cadres, il
implique nécessairement de définir de nouveaux cadres au fur et à mesure
que des sens non couverts sont rencontrés.

3. Lexique

Tout déclencheur est représenté par une entrée lexicale, établie en se


basant sur l’ensemble des annotations lexicographiques. Celles-ci contiennent
principalement le syntaxique et le sémantique. Une définition simple du
déclencheur figure dans chaque entrée lexicale. Cette définition trouve sa source
dans Concise Oxford Dictionary d’une part, et d’autre part, deux types
d’informations classées dans une liste des rôles et une liste des patrons de
valence.

12
Extrait des annotations lexicographiques du déclencheur kill (verbe) du cadre
KILLING (DJEMAA, 2017, p. 43)

- La liste des réalisations des rôles renvoie pour chaque rôle du cadre
déclenché par l’unité lexicale :
 en colonne centrale : figure le nombre de phrases-modèle du déclencheur
dans lesquelles sont réalisés les rôles. Pour visualiser l’ensemble de ces
phrases annotées, il suffit de cliquer sur ce nombre.
 en colonne de droite : les réalisations syntaxiques possibles, sous forme
de concaténation ( de type de constituant et fonction grammaticale), ainsi
que le nombre d’exemples dans lesquels le rôle est réalisé de cette manière.

13
Entrée lexicale du déclencheur kill (verbe) du cadre KILLING : extrait des réalisations
possibles des rôles

La liste des patrons de valence observés : elle présente les agencements de


rôles réalisés ensemble dans les exemples annotés, ainsi que pour chacun de ces
agencements les combinaisons existantes de réalisations des rôles.

4. Méthodologie FrameNet

La particularité du projet FrameNet serait de prévoir la formation du sens


cadre à cadre, et non item à item comme le font traditionnellement d’autres
disciplines telle que la conception lexicographique. Ceci ferait la force de cette
sémantique du fait que la perception du sens passerait par la mobilisation de
connaissances appartenant à divers domaines et donc à plusieurs cadres
sémantiques.
La génération des ressources dans FrameNet passe par un processus bien
défini comportant plusieurs étapes. D’abord, le projet tente à définir
grossièrement des cadres sous forme d’une définition, une liste de participants
et accessoires, et une liste de déclencheurs. Dans ce stade, le travail sur les corpus
permet de recenser les occurrences, et de les répertorier selon leur appartenance
au même cadre. La délimitation des frames est dictée par l’usage et l’expérience
qui font la base de la sémantique des cadres.
Ensuite, vient une seconde étape qui consiste à établir une définition du
cadre et de ses rôles. En se basant toujours sur les corpus, les annotateurs essaient
14
de définir les principaux patrons syntaxiques associés au déclencheur. Ils ont
ainsi construit bon nombre d’exemples en cadre et en rôles pour légitimer les
réalisations syntaxiques « lexicographiquement pertinentes » de chaque rôle.
Enfin, les annotations sont utilisées pour générer les données visibles. Il
s’agit ici d’obtenir les informations sur les entrées lexicales décrites, ainsi que
d’ajouter à ces entrées lexicales et aux déclencheurs listés dans les cadres une
visualisation des annotations qui leur sont pertinentes.

III. Essai d’application


Lors de cette rubrique, nous allons essayer d’appliquer la sémantique des
cadres. Pour ce faire, nous prévoyons soumettre deux passages à cette théorie.
Le premier passage fera objet de l’analyse en cadres sémantiques, tandis que le
second, sera inspecté et exploré selon FrameNet.

1. Passage N1 (ALI)

A. John a acheté le sandwich de Henry pour trois dollars.


B. Henry a vendu le sandwich à John pour trois dollars.
C. John a payé Henry trois dollars pour le sandwich.
D. Le sandwich coûte trois dollars.
A’. L'acheteur achète des marchandises du vendeur pour de l'argent
B’. Le vendeur vend des biens à l'acheteur contre de l'argent
C’. L'acheteur paie l'argent au vendeur pour les marchandises
D’. Les marchandises coûtent de l'argent

15
Considérez par exemple, les scènes très différentes évoquées par le couple
de phrases suivant :
5a J'ai hâte d'être à nouveau sur le terrain.
5b J'ai hâte d'être à nouveau sur terre.
La phrase (5a) évoque un locuteur qui est dans l’air (dans un avion),
phrase (5b) un locuteur qui est en mer (sur un navire). Ce paradoxe est lié à une
certaine différence entre les mots terre et sol, pourtant, à première vue, terre et
sol dénotent des choses très similaires. Selon la théorie des cadres sémantiques,
la terre est comprise à l'intérieur d’un cadre conceptuel du voyage en mer, et
dans ce cadre, il s'oppose à la mer, tandis que le sol est compris dans le cadre
conceptuel du transport aérien, et dans ce cadre, il s'oppose à l'air. Ainsi, nous
pouvons expliquer quelque chose qui est très difficile d'expliquer en termes ce
que les mots de la phrase signifient en étudiant l'arrière-plan conceptuel sur
lequel le mot pertinent les sens sont défini. Ce contexte conceptuel est ce que
Fillmore appelle un Cadre.

2. Passage N2 (Framenet) : (JIMMOUH)

Extrait d’un article publié sur le site électronique de la MAP (agence marocaine
de presse)
« Rabat - Sa Majesté le Roi Mohammed VI, a ADRESSE samedi soir un Discours
à Son peuple fidèle à l’occasion du 46ème anniversaire de la glorieuse Marche
Verte. »
FR_STATEMENT-MANNER-NOISE: Addressee, Message, Speaker, Topic, Space, Time
https://www.mapnews.ma/fr/discours-messages-sm-le-roi/sm-le-roi-adresse-un-discours-%C3%A0-
la-nation-%C3%A0-loccasion-du-46%C3%A8me le 23/02/2022 à 12H20

- Dans cet énoncé, le verbe « adresser » sert de déclencheur.


- Sa majesté le Roi Mohamed VI : rôle noyau (speaker, sujet).

16
- Un discours : rôle noyau (message, COD).
- à son peuple : rôle noyau (message, COI).
- Samedi soir : rôle sous-catégorisé non indispensable (time, CCT)
- à l’occasion de la marche verte : rôle sous-catégorisé non indispensable
(topic, CCT).
- Rabat : rôle sous-catégorisé non indispensable (time, CCL)

La compréhension de ce passage par le lecteur passe par perception du


verbe « adresser » qui sert de déclencheur. Il constitue le noyau de ce cadre
sémantique appartenant à la communication. Certains arguments, choisis par le
verbe adresser sont obligatoires, tandis que d’autres ne le sont pas. Ce serait
dicter par la valence du verbe déclencheur qui est le noyau.
En effet, le sujet « Sa majesté le Roi Mohamed VI », qui assume la
fonction sujet, serait un rôle noyau. Il ne peut en aucun cas être supprimé. Cette
particularité est partagée par tous les verbes. Le COD « Un discours » serait lui
aussi obligatoire comme argument, du fait que « adresser » exige quelque chose
qui peut être adressée et envoyée. Il en est de même pour le COI « à son peuple »
qui est une instance qui devrait recevoir ce qui est adressé. Grosso modo,
l’existence impérative du COD et du COI est le résultat de la bivalence du verbe
« adresser »
Quant aux autres élément (les circonstanciels), leur emploi œuvre pour
une compréhension parfaite et complète de l’énoncé, mais ne sont pas
obligatoires pour le cadre sémantique.

17
Conclusion

Lors du présent travail, nous avons essayé de présenter la construction du


sens sous l’angle des cadres sémantique qui est une théorie qui relie la
sémantique linguistique à la connaissance encyclopédique développée par
Charles J. Fillmore, et est un développement ultérieur de sa grammaire de cas.
Pour ce faire, nous avons présenté les grands traits de cette sémantique, puis,
nous avons essayé de l’appliquer sur deux passages. Le premier passage était
analysé selon les cadres sémantiques, tandis que le deuxième était soumis à
FramNet qui se veut un projet relevant des cadres sémantiques. Cette dernière a
été créé en 1997 à l'International Computer Science Institute, à Berkeley, en tant
que ressource lexicale pour l'anglais. Il est basé sur Frame Semantics (Fillmore
1982) et s'appuie sur des preuves de corpus annotées. Plusieurs FrameNets ont
maintenant été créés pour d'autres langues telles que l'espagnol, le japonais,
l'allemand, le suédois, le chinois, le coréen, le letton et le portugais brésilien.
La contribution de Fillmore pour la sémantique ne passe pas inaperçue.
Son efficacité pour interpréter les énoncés, et son applicabilité dans le domaine
informatique en font sa force. Mais ce que nous pourrions signaler, c’est que les
travaux ultérieurs en sémantique, surtout la conception traditionnelle qui avait
développé le concept de conditions nécessaires et suffisantes, auraient influé
considérablement les sémantiques contemporaines principalement celles qui
relèvent du paradigme cognitif. Néanmoins, la présence du formalisme reste à
constater. Quoique les écoles contemporaines veuillent se détacher du
formalisme, ce dernier reste une nécessité en vue de présenter des démarches de
travail.
La problématique que pose le sens, la complexité de sa formation et la
multiplicité des facteurs qui interviennent dans son interprétation iront, nous le
pensons du moins, accentuer, sinon maintenir, cette difficulté. Les recherches

18
allaient s’acharner pour en trouver des justifications, et en proposer des solutions
en investissant les progrès scientifiques réalisés par l’homme.

19
Références bibliographiques

 BAKER, Collin ; ELLSWORTH, Michael ; ERK, Katrin. 2007. SemEval-2007 Task 19 :


Frame semantic structure extraction. In Proceedings of the Fourth International Workshop
on Semantic Evaluations SemEval-2007), 99-104, Prague, Czech Republic. Association for
Computational Linguistics.
 Fillmore, C. (1982). « Frame Semantics ». In Linguistics in the Morning
Calm, Seoul: Hanshin Publishing Co., 111-137.
 Fillmore, C, Miriam R. L. petruck, Josef roppenhoFer et Abby wright (2003). «
FrameNet in Action: The Case of Attaching ». International Journal of
Lexicography 16(2), 297-332.
 Fillmore, C. et Collin baker (2010). « A Frames Approach to Semantic Analysis
». In Bernd H. narrog et Heiko narrog (éd.).
 Fillmore, C. J., and Baker, C. F. 2001. Frame semantics for text
understanding. In Proceedings of WordNet and Other Lexical Resources
Workshop. Held in conjunction with the NAACL Annual Meeting.
 RUPPENHOFER, Josef, et al. 2006b. FrameNet II : Extended theory and practice.

20

Vous aimerez peut-être aussi