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Ce type de crime comporte deux grands éléments, continue l'ONU. L'élément contextuel,
d'abord : l'acte doit avoir lieu dans un contexte de conflit armé international ou non. Ensuite,
l'élément psychologique : l'intention et la connaissance de la personne incriminée par
rapport son acte doivent être pris en compte.
Les notions similaires au crime de guerre
Ruse de guerre et perfidie
Le droit des conflits armés n'interdit pas la ruse ou la diversion. Il est licite de
chercher à induire l'ennemi en erreur, par exemple en utilisant des leurres qu'il
attaquera inutilement ou en cherchant à lui faire croire à une offensive ailleurs et à un
autre moment que celui auquel elle aura vraiment lieu. En revanche, s'abriter
faussement derrière le droit des conflits armés est qualifié de « perfidie » et constitue
un crime de guerre. Faire croire à une reddition pour attaquer ensuite ou abriter des
combattants derrière l'emblème de la Croix-rouge sont des perfidies.
Crime contre l’humanité et génocide
L'article 7 du statut de Rome définit le crime contre l'humanité comme un acte "commis
dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population
civile et en connaissance de cette attaque".
Les crimes contre l'humanité peuvent être dirigés contre toute population civile, sans
distinction, note l'ONU – à l'inverse du génocide, défini par l'article 6 du statut de Rome, qui
est un acte commis dans "l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national,
ethnique, racial ou religieux". La CPI est le seul tribunal permanent chargé
de sanctionner les crimes contre l’humanité, en dehors des juridictions pénales
nationales pour les États qui ont placé le crime contre l’humanité dans leur droit
pénal.
Autre distinction : il n'est pas nécessaire de prouver l’existence d’une intention spécifique
dans un crime contre l'humanité. Il peut être perpétré hors conflit armé, à la différence des
crimes de guerre. Ainsi, l'esclavage, l'apartheid, l'esclavage sexuel ou la stérilisation forcée
sont considérés comme des crimes contre l'humanité.
À savoir que le statut de Rome mentionne une quatrième catégorie de crime : le crime
d'agression, soit "l’emploi par un État de la force armée contre la souveraineté, l’intégrité
territoriale ou l’indépendance politique d’un autre État, ou de toute autre manière
incompatible avec la Charte des Nations Unies".
https://www.geo.fr/geopolitique/quest-ce-quun-crime-de-guerre-208773
https://fr.wikipedia.org/wiki/Crime_de_guerre
Les juridictions compétentes
Les tribunaux nationaux ont généralement le devoir de juger les auteurs de crimes
de guerre. Néanmoins, cela peut se révéler impossible durant ou après le conflit.
D’autres institutions sont compétentes dans ce type d’affaires, à savoir les tribunaux
internationaux, mixtes et hybrides, et la Cour pénale internationale.
Aux termes des Conventions de Genève, les auteurs de crimes de guerre doivent
également être jugés dans d’autres pays que ceux où ces agissements ont été
commis, en application du principe de compétence universelle.
L’histoire de la CPI
Le 17 juillet 1998, 120 États ont adopté à Rome le Statut – le Statut de Rome de la Cour
pénale internationale – instituant la Cour pénale internationale (CPI). Pour la première fois
dans l’histoire de l’humanité, des États ont décidé d’accepter la compétence d’une cour
pénale internationale permanente, chargée de poursuivre les crimes les plus graves
commis sur leur territoire ou par leurs ressortissants, à compter de l’entrée en vigueur du
Statut de Rome, le 1er juillet 2002.
La Cour pénale internationale ne remplace pas les tribunaux nationaux. Le Statut de Rome
rappelle que chaque État a le devoir d’exercer sa compétence pénale vis-à-vis des
responsables de crimes internationaux. La Cour ne peut intervenir que dans le cas où un
État est dans l’incapacité ou n’a pas la volonté de mener véritablement à bien des enquêtes
et de traduire en justice les auteurs de crimes.
La finalité première de la Cour est d’aider à mettre un terme à l’impunité des auteurs des
crimes les plus graves touchant l’ensemble de la communauté internationale, et de
contribuer ainsi à leur prévention.
Une opinion publique bien informée peut contribuer à garantir durablement le respect de la
justice internationale ainsi que sa mise en œuvre. Le présent guide vise à favoriser une
meilleure compréhension de la CPI en répondant aux questions les plus fréquemment
posées à son propos.
La Cour pénale internationale a son siège à La Haye, aux Pays-Bas. Le Statut de Rome
prévoit que la Cour peut siéger ailleurs si les juges l’estiment souhaitable. La Cour a créé
également des bureaux dans les zones où elle mène des enquêtes.
La Cour pénale internationale est une entité indépendante, créée pour juger des crimes
relevant de sa compétence, sans avoir besoin d’un mandat spécial de l’Organisation des
Nations Unies. Le 4 octobre 2004, la CPI et l’ONU ont conclu un accord régissant leurs
relations institutionnelles.
La Cour pénale internationale poursuit des individus, non des groupes ou des États. Tout
individu qui serait responsable de crimes de la compétence de la Cour peut se retrouver
devant la CPI. La politique pénale du Bureau du Procureur consiste par ailleurs à se
concentrer sur les individus qui portent la plus lourde responsabilité dans les crimes, au
regard des preuves collectées, et sans tenir compte de leur éventuelle qualité officielle.
Aucun individu ne saurait être à l’abri de poursuites en raison des fonctions qu’il exerce ou
du poste qu’il occupait au moment où les crimes concernés ont été commis. Agir en qualité
de chef d’État ou de gouvernement, de ministre ou de parlementaire n’exonère pas de la
responsabilité pénale devant la CPI. Dans certaines circonstances, une personne en
position d’autorité peut même être tenue responsable des crimes commis par les personnes
qui travaillent sous sa direction ou ses ordres.
La CPI est une institution judiciaire dont le mandat est exclusivement judiciaire. Elle n’est
pas soumise à un contrôle politique.
Les juges sont des personnes jouissant d’une haute considération morale, connues pour
leur impartialité et leur intégrité et réunissant les conditions requises dans leurs États
respectifs pour l’exercice des plus hautes fonctions judiciaires. Tous ont une grande
expérience, pertinente au regard de l’activité judiciaire de la Cour. Les juges sont élus par
l’Assemblée des États parties sur la base de leur compétence reconnue en droit pénal et en
procédure pénale ou dans des domaines pertinents du droit international, tels que le droit
international humanitaire et les droits de l’Homme. Ils doivent avoir une connaissance
approfondie de certaines questions spécifiques, comme les violences exercées contre les
femmes ou les enfants. L’élection des juges tient compte de la nécessité d’assurer la
représentation des principaux systèmes juridiques du monde, une représentation équitable
des hommes et des femmes et une répartition géographique équitable. Les juges veillent à
l’équité des procès et à la bonne administration de la justice.
Composées soit d’un juge, soit de trois juges chacune, les Chambres préliminaires se
prononcent sur des questions qui se posent avant que ne commence la phase du procès.
Une Chambre préliminaire a pour mission en premier lieu de contrôler comment le Bureau
du Procureur exerce ses pouvoirs en matière d’enquêtes et de poursuites, de garantir les
droits des suspects, des victimes et des témoins durant la phase d’enquête et de veiller à
l’intégrité de la procédure. Les Chambres préliminaires statuent ensuite sur la délivrance
des mandats d’arrêt ou de citations à comparaître à la demande du Bureau du Procureur et
sur la confirmation des charges pesant sur une personne soupçonnée d’avoir commis des
crimes. Elles peuvent aussi statuer sur la recevabilité des situations et des affaires, et sur la
participation des victimes au stade de la procédure préliminaire.
Tout État partie au Statut de Rome peut demander au Procureur d’ouvrir une
enquête. Un État qui n’est pas partie au Statut peut aussi accepter la compétence de
la Cour pour des crimes commis sur son territoire ou par l’un de ses ressortissants et
demander au Procureur de mener une enquête. Le Conseil de sécurité des Nations
Unies peut également renvoyer une situation devant la Cour
Le Bureau du Procureur peut ouvrir une enquête proprio motu (de sa propre
initiative) lorsqu’il dispose d’informations fiables sur des crimes mettant en cause des
ressortissants d’un État partie ou d’un État qui a accepté la compétence de la Cour,
ou des actes commis sur le territoire d’un de ces États, et s’il conclut qu’il existe une
base raisonnable pour ouvrir une enquête. Ces informations peuvent provenir de
particuliers, d’organisations intergouvernementales ou non gouvernementales ou de
toute autre source fiable. Le Procureur doit cependant recevoir l’autorisation des
juges de la Chambre préliminaire avant d’entamer proprio motu une enquête.
Lorsque des mandats d’arrêt ont été émis, des individus arrêtés et que les charges
ont été confirmées par une Chambre préliminaire, la Présidence constitue une
Chambre de première instance, composée de trois juges, afin de juger l’affaire. Une
Chambre de première instance a pour fonction principale de veiller à ce que le
procès soit conduit de façon équitable et avec diligence, dans le plein respect des
droits de l’accusé et en tenant dûment compte de la nécessité d’assurer la protection
des victimes et des témoins. Elle statue également sur la participation des victimes
au stade du procès. La Chambre de première instance détermine si la personne
accusée est innocente ou coupable des chefs d’accusation et peut prononcer, si
cette dernière est jugée coupable, soit une peine d’emprisonnement qui ne peut
excéder trente ans soit une peine d’emprisonnement à perpétuité. Des sanctions
d’ordre financier peuvent également être imposées. Ainsi la Chambre de première
instance peut-elle ordonner à une personne condamnée de réparer le préjudice subi
par les victimes, notamment sous la forme d’une indemnisation, d’une restitution ou
d’une réhabilitation.
Les difficultés
https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/les-inquietantes-faiblesses-de-la-
justice-internationale-1008917
Des moyens limités : ses moyens budgétaires comme politiques sont limités. A preuve,
les Etats-Unis peuvent sans problème faire obstacle à la justice internationale quand elle
souhaite poursuivre des militaires et des agents américains suspectés de tortures et de
crimes lors de la guerre en Afghanistan, un pays qui a adhéré en 2003 à la CPI
Une justice expéditive : L'autre faiblesse de la justice internationale tient à la nature même
des conflits. Après l'invasion de l'Irak par les troupes anglo-américaines en 2003, le procès
de Saddam Hussein, laissé à une juridiction locale, a été bâclé pour aboutir à une mise à
mort rapide par pendaison en 2006, sans que la lumière soit faite sur les accusations de
crimes notamment contre les Kurdes irakiens et la communauté chiite
https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/manifestations-en-ukraine/guerre-en-ukraine-
quatre-questions-sur-le-proces-de-vadim-chichimarine-le-premier-soldat-russe-juge-a-kiev-
pour-crime-de-guerre_5144947.html
Depuis le début du conflit, le 24 février, de nombreuses ONG, des civils mais aussi des
Etats se mobilisent pour rassembler des preuves des exactions russes, afin que les
responsables soient jugés rapidement. Ils sont accusés de multiples crimes de guerre dans
les territoires occupés en Ukraine, notamment dans la banlieue de Kiev, d'où les troupes se
sont retirées fin mars.
Si plusieurs enquêtes ont déjà été ouvertes par des juridictions internationales, comme la
Cour pénale internationale (CPI) et le Conseil des droits de l'homme de l'ONU, des
juridictions nationales ukrainiennes enquêtent également. Le président ukrainien,
Volodymyr Zelensky, avait annoncé début avril qu'un "mécanisme spécial" allait être créé
pour "enquêter sur tous les crimes des occupants dans [le] pays et les
poursuivre". "Jamais on n'a eu, en temps de guerre, autant d'enquêtes en même
temps", analyse sur franceinfo Reed Brody, membre de la Commission internationale de
juristes, spécialiste de la défense des droits de l'Homme.
Comme le souligne Le Parisien, le crime dont Vadim Chichimarine est accusé est le
premier parmi une liste de 11 846 autres recensés par Kiev. Selon le parquet ukrainien, il a
été commis le 28 février, quatre jours après le début des combats.
Malgré son jeune âge, Vadim Chichimarine, originaire d'Irkoutsk en Sibérie, était
commandant d'unité dans une division de chars basée dans la région de Moscou. Il est
accusé d'avoir tiré avec une kalachnikov sur un civil de 62 ans ;non armé, depuis la fenêtre
d'une voiture dans laquelle il circulait, le 28 février. Selon le parquet ukrainien, le soldat se
déplaçait avec quatre autres militaires après l'attaque de leur convoi. Ils avaient volé une
voiture près du village de Choupakhivka, dans la région de Soumy, dans le nord-est du
pays.
La victime – qui n'a pas été identifiée – circulait à bicyclette sur le bord de la route non loin
de son domicile et est morte sur le coup. "L'un des militaires a ordonné à l'accusé de tuer le
civil afin qu'il ne les dénonce pas", a précisé le bureau de la procureure générale, Iryna
Venediktova.
Les autorités ukrainiennes avaient annoncé l'arrestation de Vadim Chichimarine début mai
sans donner de détail, tout en publiant une vidéo dans laquelle il disait être venu combattre
en Ukraine pour "soutenir financièrement sa mère". Concernant les accusations à son
encontre, il expliquait : "J'ai reçu l'ordre de tirer, je lui ai tiré dessus une fois. Il est tombé et
nous avons continué notre route."
Le soldat a beau avoir agi, selon ses dires, sur les ordres d'un supérieur hiérarchique, il
encourt la prison à perpétuité pour crime de guerre et meurtre avec préméditation. "Il
comprend les accusations portées contre lui", a déclaré à l'AFP son avocat, Viktor
Ovsiannikov, sans révéler sa stratégie de défense. Selon les autorités ukrainiennes, il
coopère avec les enquêteurs et reconnaît les faits.
Ce procès, qui devrait être rapidement suivi par plusieurs autres, a valeur de test pour le
système judiciaire ukrainien. Le dossier est difficile, reconnaît l'avocat de Vadim
Chichimarine. "On n'a jamais eu un tel chef d'inculpation en Ukraine, on n'a pas de
précédents, de verdict", a-t-il souligné. "Mais on va y arriver", a ajouté Viktor Ovsiannikov,
en assurant n'avoir constaté "aucune violation des droits" de l'accusé par les autorités.
Comment éviter de faire de ce procès un outil de propagande et préserver l'impartialité de la
justice ? "L'Ukraine veut opposer aux armes le droit, la loi (…) Si l'Ukraine veut utiliser
l'arme du droit, il faut qu'elle soit utilisée vraiment à perfection", analyse sur franceinfo le
spécialiste Reed Brody.
"Il faut que ce procès se déroule de manière juste, exemplaire, transparente. C'est l'un des
procès les plus importants, car il va donner une idée de comment peut fonctionner la justice
ukrainienne en ce moment."
sur franceinfo
Reed Body s'étonne toutefois que Kiev ait choisi "le cas d'un petit soldat" pour mener ce
premier procès. "Il a reconnu des faits. Mais les faits sont qu'il a reçu des ordres. Ce n'est
pas un cas évident. Quelle était son obligation ?" poursuit-il.
La procureure générale a également souligné, dans une série de messages sur Twitter,
l'enjeu du dossier pour son pays. "Nous avons ouvert plus de 11 000 enquêtes pour
crimes de guerre et arrêté 40 suspects", a rappelé Iryna Venediktova. En attendant qu'ils
arrivent devant les tribunaux, "avec ce premier procès, nous envoyons un signal clair :
aucun bourreau, aucune personne ayant ordonné ou aidé à commettre des crimes en
Ukraine n'échappera à la justice."
L’enquête de la CPI en Ukraine
Depuis le début de la guerre en Ukraine, des images et témoignages plus violents les uns
que les autres circulent sur internet et dans les médias. Dans certains cas, comme après le
massacre de Boutcha, des allégations de crime de guerre ont été formulées.
Dans le cas de violations de droits humains et du droit de la guerre (fixés par la convention
de Genève), la Cour pénale internationale peut diligenter une enquête pour avérer des
crimes et poursuivre les coupables.
Le procureur de la CPI a ouvert le 3 mars 2022 une enquête sur des allégations de crimes
de guerre et de crimes contre l’humanité en Ukraine, après avoir reçu le feu vert de près de
40 États parties.
Le recueil de preuves
Une fois saisie, la Cour pénale internationale dépêche sur place une équipe d’enquêteurs,
comme elle l’a annoncé ce mardi 17 mai. Sur place, les experts en question recueillent les
témoignages d’habitants ou de soldats sur place.
Ces données sont ensuite croisées avec toute autre ressource à disposition. Un travail
balistique est réalisé sur place, pour déterminer les armements utilisés, l’analyse d’images
diffusées sur internet peut également orienter les enquêteurs, tout comme les prises de
vues satellites ou l’état des corps retrouvés. Aucun moyen technique n’est écarté pour faire
la lumière sur ce qui s’est produit.
Lire aussi : Guerre en Ukraine. Des soldats russes filmés en train de tuer des civils
ukrainiens désarmés
La difficulté majeure d’une telle enquête de la CPI n’est pas le recueil des preuves, qui plus
est à l’ère des réseaux sociaux et de l’instantané, mais les poursuites judiciaires ensuite.
Si un crime est avéré par la Cour, tous les responsables doivent être identifiés : exécutants
mais surtout chaîne de commandement. Et là, le travail se corse : « La preuve ultime, ce
sont les ordres écrits, expliquait à Ouest-France l’avocate Clémence Bectarte,
coordinatrice du groupe d’action judiciaire de la Fédération internationale des droits de
l’Homme. Mais on peut penser que Vladimir Poutine n’a pas signé un ordre d’aller
exécuter des gens à Boutcha ou de violer des femmes. »
Toutefois, l’intentionnalité du crime peut être prouvée par déduction, selon l’avocate : « La
manière dont une opération militaire est ordonnée et conduite peut constituer des
crimes de guerre. Par l’emploi de certaines armes, le siège de villes et
l’empêchement des évacuations humanitaires… »
Une fois les criminels identifiés, des mandats d’arrêt internationaux peuvent être émis pour
tenter de les intercepter. Les États ayant signé le Statut de Rome (qui fonde la CPI) ont
l’obligation juridique de coopérer pleinement avec la CPI et de livrer les coupables. La
Russie n’ayant pas signé ce Statut, n’a pas l’obligation de le faire.
En principe donc, même Vladimir Poutine pourrait être poursuivi pour des crimes de guerre,
contre l’humanité ou pour génocide. En réalité, la non-coopération de l’État russe risque de
compliquer la chose.
Avec l’Ukraine, neuf autres pays en Europe ont ouvert des enquêtes, et enfin la CPI. Mais
tout cela nécessite du temps, même si l’existence de crimes ne laisse plus de doute, à
Marioupol, Kharkiv, Kherson, mais encore faut-il en recueillir les preuves, faire des
expertises médico-légales, recueillir des témoignages, déterminer qui sont les auteurs,
remonter la chaîne de commandement… Tout cela prend du temps.
Bonus
https://www.lemonde.fr/international/article/2022/03/29/guerre-en-ukraine-toute-la-difficulte-
sera-de-pouvoir-juger-les-responsables-ceux-qui-planifient-et-
ordonnent_6119679_3210.html
Seb : La CPI ne peut juger que des personnes ou peut-elle aussi juger une armée ou
un Etat ?
Non, la CPI ne peut pas juger une armée ou un Etat, seulement des personnes.
La CPI ne peut juger le crime d’agression que si les deux Etats concernés ont ratifié son
traité. Ni l’Ukraine ni la Russie ne l’ont fait. S’ajoutent aussi beaucoup d’autres conditions,
qui rendent de toute façon très difficile pour cette cour le jugement de tels crimes. Mais dans
le cas de la guerre en Ukraine elle n’est, tout simplement, pas compétente.
La CPI a ouvert son enquête le 2 mars. Il faudra du temps avant de voir les premiers
résultats. Les textes ne fixent aucune limite temporelle. Mais il ne faut pas s’attendre à un
rapport, qui établirait, de façon générale, l’existence ou non de crimes de guerre. Ce n’est
pas le rôle de cette cour, mais plutôt d’institutions, comme, par exemple, le Haut-
Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme.
Le premier acte de la CPI sera d’émettre des mandats d’arrêt contre des responsables, que
ce soient des officiers présents en Ukraine ou les donneurs d’ordre à Moscou. Ces mandats
d’arrêt pourront éventuellement, dans un premier temps, être placés sous scellés. Entre-
temps, il est possible, et cela s’est déjà vu les semaines passées, que le procureur rappelle
aux belligérants leurs obligations de respect du droit international.
Guillaume : Ne serait-ce pas utile de rappeler que les Etats-Unis (entre autres) ne
reconnaissent pas la CPI ?
Oui, nous le rappelons souvent. Ni les Etats-Unis, ni la Russie, ni la Chine, etc. n’ont
reconnu la CPI. L’administration Trump avait effectivement émis des sanctions contre la
procureure, notamment parce qu’elle avait ouvert une enquête sur les crimes commis en
Afghanistan, et qu’une partie visait les forces américaines et aussi la CIA, concernant les
prisons secrètes en Europe. Joe Biden a, depuis, levé ces sanctions. Mais les Etats-Unis
ont toujours bataillé contre cette cour, dès sa création, en 1998. La politique des Etats-Unis
vis-à-vis de la CPI est de coopérer avec elle lorsque cela sert leurs intérêts. Washington a
ainsi permis l’arrestation de suspects et leur transfèrement à La Haye. Il faudra voir si,
concernant l’Ukraine, les Etats-Unis coopèrent aussi avec la CPI. Le département d’Etat
américain a, pour l’instant, fait savoir qu’il coopérait avec la procureure d’Ukraine.
La CPI protège les Etats qui ont ratifié son traité. L’Ukraine ne l’a pas ratifié mais elle lui a
donné compétence en 2015 pour se protéger d’éventuels crimes commis sur son propre
territoire. Le fait que la Russie, les Etats-Unis et d’autres s’y opposent n’enlève pas sa
compétence sur leurs ressortissants, dès lors qu’ils commettent des crimes sur un territoire
« protégé ». Quand on voit la vigueur avec laquelle ils dénoncent la CPI lorsqu’elle va à leur
encontre, on peut supposer qu’elle les embarrasse passablement.