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Cours 1ère Lycée Georges Imbert, Sarre-Union (67) Caroline PETITHOMME

Le Malade Imaginaire Explication Linéaire n° 1 acte I scène 5, vers 211 à 270 pages
32 à 35.

Introduction :
Dans son ultime pièce de théâtre, Le Malade Imaginaire, qu’il jouait pour la quatrième fois
au moment où son agonie a commencé juste avant de rendre l’âme, Molière dénonce
comme dans de nombreuses pièces les mariages arrangés, l’absence d’instruction des
femmes, l’avarice mais aussi la médecine. Dans cette scène Molière dépeint et dénonce
les mariages arrangés avec humour et subtilité. Il se moque des parents qui imposent à
leur(s) enfants un(e) conjoint(e). Situation inimaginable de nos jours (du moins en France)
qu’il espérait contribuer à faire disparaître grâce à ses pièces. N’oublions pas que lui-
même a été rejeté et déshérité par son père, qui voulait lui imposer une profession dont il
ne voulait et qui n’acceptait pas que son fils fasse du théâtre sa carrière… Comment
Molière tourne t-il en ridicule les mariages arrangés et la condition des femmes à l’époque
dans cette scène ?

I)Promise et (faussement) docile. (vers 211-224)


Au tout début de l’extrait Angélique est d’une docilité affligeante (mais on comprend
rapidement qu’elle n’est pas stupide, juste maline ET respectueuse… Elle porte
parfaitement son prénom (et ce jusqu’à la fin lorsqu’elle croit son père mort et décide
qu’elle ne peut donc épouser celui qu’elle aime).
« C’est à moi, mon père, de suivre aveuglément toutes vos volontés ». (vers 213-214)
(tournure emphatique)
« Ah ! Mon père, que je vous suis obligée de toutes vos bontés. » (vers 221-222) (l’adjectif
Rappelons que juste avant elle avait déclamé : « Je dois faire, mon père, tout ce qui vous
plaira de m’ordonner ». (vers 209-210) (la présence du pronom COI « m’ » renforce
l’acceptation, la soumission, ce qui vous plaira de m’ordonner est plus fort que ce qui vous
plaira d’ordonner…)
L’utilisation dans les répliques d’Angélique de l’adjectif toutes, de l’adverbe tout et du
présent de vérité générale font d’Angélique une fille on ne peut plus obéissante...
On pourrait dans un premier temps croire qu’elle est soumise, mais en réalité elle a trois
bonnes raisons d’être heureuse :
1)Elle aime sincèrement faire plaisir à son père comme on le verra dans le reste de la
pièce. D’ailleurs son père est heureux de sa réaction : « Je suis bien aise d’avoir une fille
si docile. La chose est donc conclue. Je vous ai promise. » (vers 211-212) (si = adverbe
d’intensité très forte, elle n’est à ses yeux pas assez ou plutôt docile, docile ou même très
docile mais « si docile ». Et en qualifiant de « chose » le mariage, Argan prend des
distances avec, comme s’il n’avait aucune responsabilité...
2)Elle échappe au convent. Sort peu enviable, mais auxquelles de nombreuses jeunes
filles ont été contraintes à l’époque. « Ma femme, votre belle-mère avait envie que je vous
fasse religieuse, et votre petite sœur Louison aussi » (vers 215-216). En réalité cette
situation arrangerait bien la belle-mère (Béline) car ses belles-filles si elles sont religieuses
ne peuvent hériter de leur père, d’où les répliques de Toinette la servante qui protège
Angélique comme si elle était sa fille : « La bonne tête a ses raisons. » (vers 218) et « En
vérité je vous suis bon gré de cela, et voilà l’action la plus sage que vous ayez faite de
votre vie. » (vers 223-224).
La volonté de la belle-mère est du passé (verbes à l’imparfait : (« avait » (vers 215),
« voulait » (vers 219). Les actions du père qui modifie la vie de sa fille en transformant le
passé, pour un présent bien différent sont quant à elle au passé composé « ai promise »
(vers 212), « ai emporté » (vers 220).
3)Certes, son père a arrangé son mariage, elle est maintenant promise (fiancée), mais elle
croit que c’est celui qu’elle aime Cléante qu’elle doit épouser…
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Notons ici le « et je vous ai promise ». Par ces mots, par cette phrase, cette formule à
valeur performative le sort d’Angélique se retrouve scellé. Elle est maintenant fiancée, il
est attendu d’elle qu’elle épouse le promis choisi par son père. Cette situation est
renforcée par un « ma parole est donnée » (vers 220) qui achève de conclure cette
alliance. Par cette phrase, pas de retour en arrière possible. Ces mots sont également
performatifs.
Notons qu’Argante et Angélique se vouvoient.

II)Le quiproquo. (vers 225-261)


Mais une fois les fiançailles annoncées, l’engagement entériné, la discussion tourne, tout
naturellement autour… du promis !
Ce dernier est : « un grand jeune garçon bien fait. » (vers 236), « De belle taille » (vers
238),« Agréable de sa personne. » (vers 240), « De bonne physionomie. » (vers 242)
« Sage, et bien né » (vers 244), « Fort honnête » (vers 246)… Bref le portait est flatteur,
vendeur. Mais la réalité est bien plus complexe…
Si Angélique acquiesce de manière très concise à tout ce que dit son père à l’aide de
locution adverbiales ou d’adverbes et d’adjectifs (« Sans doute » (vers 239),
« Assurément. » (vers 241), « Très bonne. » (vers 243), « Tout à fait » (vers 245) et la
formule superlative « Le plus honnête du monde. » (vers 247)), c’est qu’elle a déjà
rencontré (ou du moins, elle le croit) son futur époux, qu’elle est heureuse et n’a rien à
ajouter. « Puisque votre consentement m’autorise à vous ouvrir mon cœur, je ne feindrai
point de vous dire que le hasard nous a fait connaître il y a six jours, et que la demande
qu’on vous a faite est en effet de l’inclination que, dès cette première vue, nous avons
prise l’un pour l’autre. » (vers 229-233). La franchise d’Angélique, son courage sont
transmis par son « je ne feindrai pas ».
Son père quant à lui n’a jamais croisé celui qui doit devenir son futur gendre et qu’il a
choisi pour époux de sa fille… « Je n’ai point encore vu la personne ; mais on m ‘a dit que
j’en serais content, et toi aussi » (vers 225-226). Notons que c’est la seule occurrence où
Argan tutoie sa fille. Il est tellement heureux, soulagé, satisfait d’elle et des fiançailles...
Mais ni l’un ni l’autre n’a jamais nommé le promis en question… Et les prochaines
affirmations d’Argan vont semer le doute chez sa fille…
Répliques d’Argan : Réactions d’Angélique :
« Qui parle bien latin et grec. » (vers 248) « C’est ce que je ne sais pas. » (vers 249)
Une négation lourde de sens...
« Et qui sera reçu médecin dans trois « Lui, mon père ? » (vers 251)
jours. » (vers 250) Interrogation exprimant son étonnement...
« Oui, est-ce qu’il ne te l’a pas dit ? » (vers « Non vraiment. Qui vous l’a dit à vous ? »
252) Au tour d’Argan d’être surpris… En (vers 253) On peut ressentir le doute et
effet ce n’est pas un mince détail... l’inquiétude grandir du côté d’Angélique...
« Monsieur Purgon ! » (vers 254) (Le nom « Est-ce que Monsieur Purgon le
de Monsieur Purgon, le médecin, n’est pas connaît ? » (vers 255) Angélique est de plus
un hasard, il fait référence à la purge. C’est en plus perdue, et prouve qu’elle est
un élément comique.) maline, elle se méfie de possibles ragots.
« La belle demande ! Il faut bien qu’il le « Cléante, neveu de Monsieur Purgon ? »
connaisse, puisque c’est son neveu. » (vers (vers 258) Angélique comprend de moins
256-257) Le ton est ici gentiment moqueur, en moins la situation...
ironique. Argan énonce ce fait comme si
c’était une évidence… (L’exclamation « La
belle demande est hyperbolique ! Cela
donne un effet théâtral et un ton dramatique
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et comique.
Les deux répliques suivantes, une interrogation suivie d’une affirmation d’Argan et la
réponse d’Angélique mettent fin à cette situation idyllique…
«Argan - Quel Cléante ? Nous parlons de celui pour qui l’on t’a demandée en mariage ?
Angélique – Hé ! oui. » (vers 259-261) Si Cléante est celui dont parlait Angélique tout ce
temps, ce n’est clairement pas le cas d’Argan qui n’a visiblement jamais entendu parlé
d’un Cléante et ce n’est définitivement pas à lui qu’il a accordé, via son oncle, la main de
sa fille mais a un parfait inconnu pour tous les deux…

III)Le malentendu dissipé. (vers 262-270)


Argan explique alors la situation à sa fille :
« Hé bien, c’est le neveu de Monsieur Purgon, qui est le fils de son beau-frère le docteur
Diafoirus ; et ce fils s’appelle Thomas Diafoirus, et non pas Cléante ; et non avons conclu
ce mariage-là ce matin, ce gendre prétendu doit m’être apporté par son père ? » (vers
262-267)
Cette révélation est explosive. Le fiancé s’appelle en réalité Thomas Diafoirus. Ce nom est
composé de « Dia » qui en grec signifie « qui excelle » et de foirus qui fait référence à
foireux signifiant … « qui a la colique ». Donc le promis de cette pauvre Angélique maîtrise
l’art d’avoir la colique… Après l’oncle et la purge… Ces références scatologiques qui
faisaient rire à l’époque sont un héritage de la farce du Moyen-Âge.
Rien étonnant alors qu’Angélique défaille… « Qu’est-ce ? Vous voilà bien ébaubie ? »
(=émotionnée) (vers 267-268) Argan n’a visiblement pas compris pourquoi le nom de
Cléante était sorti et cela est ironique, comique...
Angélique va encore une fois faire preuve de courage et d’honnêteté en répondant :
« C’est, mon père, que je connais que vous avez parlé d’une personne, et que j’ai entendu
une autre. » (vers 270) Elle avoue ainsi en aimer un autre que son fiancé...

Conclusion :
Il est important de noter que Toinette la servante va mettre immédiatement Argan face à
son erreur et ses responsabilités de père et prendre la défense dès la fin de cette scène.
On découvre alors qu’Argan veut absolument que sa fille épouse un médecin, ou un fils de
médecin afin d’avoir toujours un docteur proche de lui comme il est hypocondriaque… La
raison de ce mariage arrangée est donc en plus d’être révoltante, ridicule et risible.
Comme dans toute comédie tout ce finira bien et comme dans le Médecin Volant, ou Les
Fourberies de Scapin par exemple, les jeunes héros de la pièce épouseront celui ou celle
qu’ils aiment… Rappelons aussi que les rôles d’Argan, d’Angélique, de Toinette, de
Thomas Diafoirus , de Cléante et de Béline sont typiques de la comédie. Des stéréotypes
plus vrais que nature malgré les exagérations théâtrales pour une formule qui fonctionne
toujours !

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