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Le Cid

Pierre Corneille

Livret pédagogique
correspondant au livre de l’élève n° 2
NOUVELLE ÉDITION 2021

établi par Véronique Le Quintrec,


agrégée de Lettres modernes,
professeur en collège
Sommaire – 2

S O M M A I R E

R É PONS E S AUX QUE S T I ONS ................................................................................. 3


Le monologue de théâtre (pp. 24 à 27) ................................................................................................................................................. 3
La mort du Comte : récit et plaidoyer (pp. 54 à 56) ............................................................................................................................... 5
Le conflit intérieur de Chimène (pp. 64 à 66) ........................................................................................................................................ 7
Du duel au duo amoureux (pp. 78 à 81) .............................................................................................................................................. 10
Le récit au théâtre (pp. 98 à 101) ........................................................................................................................................................ 13
Quel dénouement pour la tragi-comédie ? (pp. 126 à 129)................................................................................................................. 16
Retour sur l’œuvre (pp. 130 à 132)...................................................................................................................................................... 19
Réponses aux questions du groupement de textes (pp. 145 à 154) .................................................................................................... 20
Réponses aux questions de lecture d’images (pp. 155-156) ............................................................................................................... 22

P ROPOS I T I ON DE S É QUE NC E DI DAC T I QUE ................................................................. 24

B I BL I OGRAPHI E ET RESSOURCES COMPL ÉMENTAI RES ..................................................... 25

Tous droits de traduction, de représentation et d’adaptation réservés pour tous pays.


© Hachette Livre, 2021.
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Le Cid de Pierre Corneille – 3

R É P O N S E S A U X Q U E S T I O N S

L e m o n o l o g u e d e t h é â t r e
( p p . 2 4 à 2 7 )
u Que s’est-il passé entre-temps ?
u Le père de Chimène est Don Gomès, comte de Gormas, et celui de Rodrigue est Don Diègue.
Rodrigue reformule deux fois dans ses stances (I, 6) cette ironie du sort :
– « En cet affront mon père est l’offensé, / Et l’offenseur le père de Chimène ! » (v. 299-300) ;
– « Puisqu’aujourd’hui mon père est l’offensé, / Si l’offenseur est père de Chimène » (v. 349-350).
v Don Diègue vient de recevoir un soufflet, c’est-à-dire une gifle, de la part du Comte (didascalie,
p. 21). Le Comte s’attendait à être choisi par le roi pour être le gouverneur du jeune prince, mais
c’est Don Diègue qui lui est préféré. Le Comte enrage car Don Diègue a une belle carrière militaire,
mais elle est derrière lui, tandis que lui est encore en activité et combat sans relâche pour son pays.
Avant le soufflet, Don Diègue cherche à apaiser l’orgueil blessé du Comte en proposant le mariage de
Rodrigue et Chimène (v. 166-169), mais le Comte refuse, prétendant que sa fille n’est plus digne
d’un jeune homme dont le père est gouverneur du prince. Après la gifle, l’humiliation de Don
Diègue et la brouille entre les deux familles sont consommées. Il faudra obtenir une réparation par un
duel, et le possible mariage semble définitivement compromis.
w

Aime Est aimé(e) par


Chimène Rodrigue Rodrigue et Don Sanche
Rodrigue Chimène Chimène et l’Infante
L’Infante Rodrigue
Don Sanche Chimène
e
Seul l’amour entre Chimène et Rodrigue est réciproque : ils sont amants, au sens du XVII siècle.
L’Infante et Don Sanche ont des rôles symétriques et ne sont pas aimés en retour : ils sont des
e
personnages d’amoureux, au sens du XVII siècle. Néanmoins, ils vont jouer un rôle dans l’intrigue et,
contrairement à ce que l’on pourrait attendre, un rôle d’adjuvant.

u Avez-vous bien lu ?
x Don Diègue rappelle son brillant passé militaire (« les travaux guerriers », v. 239), au service de son
pays (« qui tant de fois a sauvé cet empire », v. 242) – ce qui a valu des victoires (« tant de lauriers »,
v. 240) et l’admiration générale (« Mon bras qu’avec respect toute l’Espagne admire », v. 241).
On relève le champ lexical de la gloire : « lauriers » (v. 240), « admire » (v. 241), « ma gloire » (v. 245),
« dignité » (v. 247), « honneur » (v. 248), « éclat » (v. 249) « mes exploits » (v. 255), « glorieux instrument »
(v. 255).
y Don Diègue dénonce le « jaloux orgueil » (v. 253) du Comte, qui l’a fait se rendre coupable, envers
lui, d’un « affront insigne » (v. 253).
U Don Diègue est désespéré car tout ce passé glorieux a été réduit à néant par le soufflet du Comte
qui lui fait perdre son honneur (« infamie », v. 238) et il est inquiet car son âge ne lui permet plus de
défendre son honneur ni de se venger lui-même : « ô vieillesse ennemie » (v. 237), qui rend son « corps
tout de glace » (v. 256) ; il est diminué physiquement au point de ne pouvoir se battre (« Mon bras […]
Trahit donc ma querelle et ne fait rien pour moi », v. 241 et 244), et son épée n’est plus, alors, qu’un
« inutile ornement » (v. 256).
u Étudier les thèmes de « l’honneur » et du « déshonneur »
V Le mot « honneur » apparaît aux vers 248 et 252. On remarque qu’aux vers 247 et 248, il forme une
rime sémantique avec « bonheur » : dans Le Cid, il ne saurait y avoir de bonheur sans honneur (on
retrouve cette rime aux vers 395-396, dans la bouche du Comte).
Les mots ou expressions qui désignent le déshonneur de Don Diègue sont : « infamie » (v. 238),
« honte » (v. 250), « affront insigne » (v. 253), « indigne » (v. 254), « le dernier des humains » (v. 259).
Réponses aux questions – 4

L’idée de déshonneur est beaucoup plus présente que celle d’honneur dans le discours du vieil
homme : c’est elle qui est à l’origine de son désespoir et de l’intrigue qui va suivre. C’est pourquoi la
valeur de l’honneur – et son contraire, le déshonneur – est une valeur centrale dans la pièce.
W Don Diègue s’adresse d’abord au « Comte », qu’il apostrophe au vers 251, et ensuite à son épée
(« toi », v. 255, et « Fer », v. 257), qu’il apostrophe également. Le changement de destinataire montre
le cheminement de la pensée de Don Diègue qui envisage d’abord l’origine de l’affront, puis le
moyen de le venger.
X Don Diègue ne peut se venger lui-même car il est trop vieux. Il n’a plus la force de se servir de son
épée : son arme n’est plus que l’« inutile ornement » d’un « corps tout de glace » (v. 256).
at Le vers 260 signifie que Don Diègue va léguer son épée à quelqu’un qui est capable de s’en servir :
on pense naturellement à son fils Rodrigue, qui va devoir venger son père en s’attaquant au père de
celle qu’il aime. Est ainsi annoncé le thème du conflit cornélien entre l’honneur et l’amour.

u Étudier un monologue de théâtre


ak Ce monologue a une importance capitale car il tire les conséquences de ce qui vient de se passer et
annonce la suite : il a donc un rôle de transition.
al Vers 237 à 244 : Don Diègue fait un bilan de son glorieux passé militaire.
Vers 245 à 254 : il mesure les conséquences de l’affront du Comte.
Vers 255 à 260 : il envisage sa vengeance.
am Le monologue, au théâtre, permet d’avoir accès à ce qui serait un point de vue interne dans le récit.
Grâce à lui, nous connaissons les sentiments intimes de Don Diègue : regret du passé, colère contre le
Comte et impuissance à se venger. Ce célèbre monologue est aussi un moment de méditation sur le
temps qui passe (envisagé dans son aspect destructeur) et sur la nécessité de la transmission.
an Don Diègue est victime d’une forme de fatalité paradoxale puisque, en le distinguant, le roi a, sans
le vouloir, provoqué sa chute : « Nouvelle dignité, fatale à mon bonheur ! » (v. 247). Le Comte, par son
geste, a disqualifié injustement Don Diègue : « Malgré le choix du Roi, m’en a su rendre indigne »
(v. 254). D’une manière générale, l’opposition entre le passé glorieux de Don Diègue et son présent
misérable, renforcée par la tournure restrictive « ne… que » aux vers 238 à 240, met en évidence cette
injustice. Il a rendu tant de services à la couronne qu’il ne mérite pas d’être traité comme le Comte l’a
fait.

u Étudier les registres héroïque et oratoire


ao 1-e : « Ô rage ! ô désespoir ! ô vieillesse ennemie ! » – on remarque aussi le rythme ascendant (2/4/6)
qui vient souligner la gradation sémantique.
2-j : « N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ? » – seul sur scène, Don Diègue n’attend
évidemment pas de réponse ; il semble plutôt s’interroger lui-même face à l’injustice de son sort.
3-a : par cette anaphore, Don Diègue insiste sur l’habileté qu’il eut à manier l’épée au service de son
pays. « Mon bras » est aussi une métonymie qui fait résider la valeur d’un noble espagnol de cette
époque essentiellement dans sa valeur guerrière.
4-b : « Œuvre de tant de jours en un jour effacée » – l’antithèse souligne l’injustice du sort de Don
Diègue et, sans doute, la vanité des grandeurs humaines.
5-g : « Précipice élevé d’où tombe mon honneur ! » – la valeur de l’honneur est rendue concrète par une
situation imagée. Il s’agit d’une forme particulière de métaphore (l’allégorie), puisque le comparé est
une idée abstraite.
6-i : « Et mourir sans vengeance, / ou vivre dans la honte » – 2 hémistiches égaux qui contiennent
chacun une conjonction de coordination, un verbe à l’infinitif, une préposition et un nom commun ;
là encore, ce parallélisme est antithétique.
7-c : « Comte », détaché en début de vers, désigne explicitement le destinataire ; c’est une apostrophe.
8-d : « Ton jaloux orgueil par cet affront insigne » – adjectif qualificatif + nom commun / nom commun
+ adjectif qualificatif ; le chiasme, en entrelaçant les mots, peut être une figure du combat,
notamment du duel.
9-h : le fer désigne la matière dont l’épée est faite.
10-f : Don Diègue se considère, de manière hyperbolique, comme « le dernier des humains », car, selon
son système de valeurs, celui qui a perdu son honneur a tout perdu.
Le Cid de Pierre Corneille – 5

ap L’accumulation de ces figures de style fait de Don Diègue un orateur hors pair : son art de manier
les mots est, en quelque sorte, la métaphore de l’habileté à l’épée qu’il n’a plus. Son monologue
brillant à chaque vers d’un nouveau coup d’éclat, le spectateur ne peut être qu’enthousiasmé par tant
de virtuosité.

u Expression orale
aq Pour apprendre facilement des vers, il est nécessaire de les avoir bien compris. Ensuite, les élèves
doivent respecter la ponctuation expressive (points d’interrogation et d’exclamation) et mettre en
relief les figures de style. Il faut aussi revoir avec eux la prononciation des e muets en poésie, ainsi que
les enjambements, pour bien respecter le rythme de l’alexandrin.
Les élèves pourront moduler le ton en fonction de la variété des sentiments éprouvés par Don
Diègue. Enfin, ils peuvent réfléchir à une petite mise en scène et, notamment, à la gestuelle.

u À vos plumes !
ar Il faut que les élèves sachent ce qu’ils veulent faire dire au Comte : il y a plusieurs possibilités, mais
ils doivent tenir compte de ce que l’on sait de sa psychologie (ils peuvent relire, à ce sujet, la scène 1
de l’acte II, ainsi que les vers 573 à 578). Les élèves qui choisissent d’écrire un texte en vers doivent
s’efforcer de construire des vers isométriques : ce n’est pas impossible, mais c’est une contrainte
supplémentaire qui implique qu’ils aient bien compris le fonctionnement des e muets et des diérèses.
Enfin, ils doivent réfléchir aux figures de style qui pourraient correspondre aux idées qu’ils veulent
exprimer. Bref, plus que jamais, il ne faut pas se lancer au hasard, mais faire un brouillon rigoureux.

L a m o r t d u C o m t e : r é c i t e t p l a i d o y e r
( p p . 5 4 à 5 6 )
u Que s’est-il passé entre-temps ?
u Don Diègue a chargé son fils Rodrigue de le venger, puisqu’il n’est plus en état de le faire lui-
même : « […] Venge-moi, venge-toi ; / Montre-toi digne fils d’un père tel que moi. / […] va, cours, vole et
nous venge » (I, 5, v. 287 à 290).
v Il a été difficile à Rodrigue d’accepter cette mission car il doit choisir entre l’honneur qui lui
commande de tuer le Comte pour venger son père et son amour pour Chimène, qui ne voudra et ne
pourra pas épouser l’assassin de son père. Ce conflit de valeurs, qui constitue le dilemme au cœur de
la pièce, est développé dans les stances (ici, la délibération est organisée en dizains) de Rodrigue à la
scène 6 de l’acte I.
w Le duel donne de l’espoir à l’Infante pour deux raisons : d’abord, elle comprend que Rodrigue, en
affrontant le père de Chimène, perd l’amour de celle-ci – ce qui lui laisse le champ libre – ; de plus, si
Rodrigue, qui est inexpérimenté au combat, bat un vaillant guerrier comme le Comte, alors un grand
avenir militaire s’ouvre à lui, qui rehausse sa valeur et le rend digne d’elle (II, 5).
x Le roi Don Fernand redoute un nouveau débarquement des Mores, à qui la marée est favorable :
« […] on a vu dix vaisseaux / De nos vieux ennemis arborer les drapeaux ; / Vers la bouche du fleuve ils ont
osé paraître » (II, 6, v. 607 à 609). Or ce n’est pas le moment. Les deux plus habiles chefs militaires ne
peuvent prendre le commandement des troupes espagnoles : l’un parce qu’il est trop vieux, l’autre
parce qu’il est mort.

u Avez-vous bien lu ?
y Chimène fait le récit du moment où elle a découvert le corps de son père : « Je l’ai trouvé sans vie »
(v. 668 et 674).
U Chimène demande au roi de venger la mort de son père et donc de tuer Rodrigue : « Enfin mon
père est mort, j’en demande vengeance » (v. 689) ; « Vengez-la par une autre, et le sang par le sang » (v. 692).
V L’argument principal de Chimène pour réclamer vengeance au roi est qu’en tuant le Comte,
Rodrigue a gravement affaibli le pouvoir royal : « Immolez, non à moi, mais à votre couronne, / Mais à
votre grandeur, mais à votre personne, / Immolez, dis-je, Sire, au bien de tout l’État […] (v. 693 à 695).
Réponses aux questions – 6

Chimène a l’habileté de remplacer une argumentation personnelle (Rodrigue a non seulement tué
son père, mais attenté à l’honneur de sa famille) par une argumentation politique et, en apparence,
désintéressée.

u Étudier les personnages


W Chimène fait un portrait élogieux de son père qui est la figure du chef de guerre loyal, courageux
et talentueux : « Ce sang qui tant de fois garantit vos murailles, / Ce sang qui tant de fois vous gagna des
batailles » (v. 661-662).
L’anaphore de « Ce sang » insiste à la fois sur la noblesse de l’origine et sur le courage physique d’un
soldat qui n’a jamais hésité à mettre sa vie en danger pour son roi et son pays. On relève donc, dans
cette tirade, un vocabulaire particulièrement laudatif appliqué au Comte : « valeur » (v. 677),
« valeureux » (v. 683), « gloire » (v. 685), « Un si vaillant guerrier » (v. 687), « un homme de son rang »
(v. 691). Ce portrait est le fait d’une fille à la fois émue et offensée.
X Chimène pense que Rodrigue a commis un acte illégal, imprudent et téméraire. Elle qualifie cet
acte d’« attentat » (v. 696), et son auteur par la périphrase « un jeune audacieux » (v. 685) – la diérèse
dans l’adjectif amplifie encore le caractère scandaleux de ce meurtre.
at a) vrai – b) vrai – c) faux – d) vrai – e) vrai – f) vrai.
ak Chimène éprouve de la « douleur » (v. 668), qui se manifeste aussi physiquement : « sans force et sans
couleur » (v. 667), « Mes pleurs et mes soupirs » (v. 670). C’est pourquoi son récit est « funeste » (v. 669).
Elle met en avant sa « misère » (v. 673), c’est-à-dire son état digne de pitié, son bouleversement
(« m’émouvoir », v. 675) et son chagrin (« triste bouche », v. 680). Bien évidemment, le sentiment
qu’elle exprime le plus ouvertement est le désespoir d’une fille qui a perdu son père, mais elle
éprouve aussi de la colère et est déterminée à obtenir réparation.
al Chimène fait avancer l’action car elle ne se contente pas de déplorer la mort de son père, mais
demande également vengeance au roi. Et ce dernier va bien être obligé de prendre une décision au
sujet de Rodrigue : doit-il payer son crime, commis au nom de l’honneur, ou non ? De plus, le roi
s’engage à « servir de père » (v. 672) à la jeune fille : il va donc devoir prendre une décision protectrice
pour Chimène tout en ne sacrifiant pas un talent prometteur pour son armée.

u Étudier le langage théâtral et le registre pathétique


am Le champ lexical de la mort est très fourni dans cette tirade :
– verbes : « ravir » (v. 687), « Immolez » (v. 693 et 695) ;
– noms : « sang » (8 occurrences), « sa plaie » (v. 678), « la mort » (v. 691), « attentat », (v. 696) ;
– adjectif : « mort » (v. 689) ;
– expressions : « sang [qui] coul[e] » (v. 659-660 – l’enjambement accroît l’idée que le sang se répand),
qui est « répandu » (v. 664), « vers[é] » (v. 665), « couvrir la terre [de sang] » (v. 666), « sans vie » (v. 668
et 674), « Son flanc était ouvert » (v. 675), « Se baigne dans [le] sang » (v. 686).
L’omniprésence de l’évocation de la mort, avec une certaine complaisance pour le macabre bien dans
le goût baroque, fonde le registre pathétique du texte.
an Chimène est une jeune fille, une adolescente encore, qui vient d’apprendre la mort de son père et
de découvrir, dans une scène traumatisante, son cadavre. Certes, elle se montre bouleversée, mais
cette émotion est assez rapidement évacuée (« Mes pleurs et mes soupirs vous diront mieux le reste »,
v. 670), au profit d’un discours construit dans les règles de la rhétorique antique, notamment dans la
e
2 tirade :
– v. 673 : exorde en réponse au roi ;
– v. 674 à 680 : reprise de la narration de la mort du Comte au prix d’un appel à la vengeance ;
– v. 681 à 688 : 8 vers de confirmation qui déduisent, pour le roi, les raisons pour lesquelles il faut
punir Rodrigue ;
– v. 689 à 696 : 8 vers de péroraison, particulièrement habiles puisque Chimène appelle le roi à se
venger non pour elle mais pour lui.
On assiste donc à la transformation rapide d’une orpheline sous le choc en une brillante avocate (il
faudrait aussi parler des figures de style qui lui viennent avec une grande facilité, dès l’anaphore initiale
– voir question 15) à la tête bien froide. C’est évidemment peu vraisemblable et c’est là un discours
que seul le théâtre, qui repose sur l’artifice, peut créer.
Le Cid de Pierre Corneille – 7

ao Chimène utilise, en effet, de nombreuses figures de style et, comme tous les personnages de la
pièce, manie avec brio l’art du langage qui est mis ici au service du pathétique :
– hypotypose (v. 659 à 664) : la scène est décrite avec tant de précision dans l’horreur et la violence
qu’il nous semble aussi la voir, comme Chimène ;
– métaphores macabres : « Couler à gros bouillons » (v. 660), « Son sang sur la poussière écrivait mon
devoir » (v. 676), « Se baigne dans leur sang » (v. 686) ;
– anaphore : « Ce sang qui tant de fois » (v. 661 à 663) ;
– allégories : « n’osait verser la guerre » (v. 665), « sa valeur […] / Me parlait par sa plaie » (v. 677-678),
« triste bouche » (v. 680).
Le spectateur doit être saisi d’effroi et d’horreur et, par conséquent, épouser la cause de la jeune fille.
ap La réplique « Mes pleurs et mes soupirs », au vers 670, constitue une didascalie interne : la
comédienne devra non seulement dire mais aussi jouer ce vers. Outre le langage verbal, le théâtre
utilise également le langage du corps. À ces deux langages constitutifs du théâtre, il faudrait ajouter
tout ce qui est véhiculé par la mise en scène, aspect qui n’existe encore que très peu à l’époque de
Corneille.

u Étudier le discours judiciaire


aq Rodrigue : accusé – Palais du roi : tribunal – Assassinat : chef d’accusation – Le roi : juge –
Chimène : avocate – Vers 687 : élément de plaidoyer en faveur du Comte – Le Comte : victime –
Vers 689 : élément de réquisitoire.

u À vos plumes !
ar Dans cet exercice, il s’agit de changer à la fois le genre et le point de vue. Conformément au genre
de l’article de presse, l’élève pourra ajouter des éléments spatio-temporels. Le travail consiste
également à rendre le texte plus sobre en supprimant les figures de style et le pathétique.

u Lire l’image
as La photographie de mise en scène est fidèle à l’extrait car elle met en évidence les deux personnages
impliqués dans notre extrait : le roi, qui écoute le récit et doit juger ; Chimène, qui vient dire et
plaider. Mais ils sont plus nombreux sur scène, comme Don Arias, qui reste en retrait sur la
photographie. Il ne prend pas la parole dans cette scène, et son rôle est celui d’un témoin.
Le roi est reconnaissable par sa couronne et son vêtement pourpre. Son attitude, les bras écartés,
semble montrer son désarroi, mais, en même temps, on peut considérer qu’il ouvre les bras à
Chimène, comme pour la protéger et illustrer ainsi le vers 672.
Chimène, par son vêtement blanc très simple, incarne l’innocence et la pureté ; ses cheveux dénoués
soulignent l’absence d’apprêts, ainsi qu’une sorte d’abandon au désespoir – ce qui est renforcé par sa
posture à terre, à la fois accablée et implorante. Son horizontalité s’oppose à la verticalité du roi et
indique son humilité (au sens étymologique de « proche de la terre ») à son égard : elle vient lui
demander quelque chose, le supplier même.
Don Arias semble impassible ; il n’est qu’un figurant ici et, tout de noir vêtu, à la manière des nobles
espagnols de l’époque, il se fond presque dans le décor. L’heure est grave, en tout cas, et les regards
des deux hommes sont tournés vers Chimène car c’est, en grande partie, elle qui, par son discours,
possède la clé de la suite des événements.

L e c o n f l i t i n t é r i e u r d e C h i m è n e
( p p . 6 4 à 6 6 )
u Que s’est-il passé entre-temps ?
u Don Diègue a demandé au roi qu’il le fasse tuer à la place de son fils, et cela pour trois raisons :
– c’est lui qui a ordonné à ce dernier de le venger, il est donc le seul responsable de la mort du
Comte (« Quand le bras a failli, l’on en punit la tête », v. 722) ;
– il est vieux et inutile (« Immolez donc ce chef que les ans vont ravir », v. 727) ;
– il faut maintenir Rodrigue en vie car il peut être utile à l’État (« Et conservez pour vous le bras qui peut
servir », v. 728).
Réponses aux questions – 8

v Rodrigue s’est rendu chez Chimène pour la voir et lui demander de faire justice elle-même en le
tuant : « Je cherche le trépas après l’avoir donné. / Mon juge est mon amour, mon juge est ma Chimène »
(v. 752-753).
w Don Sanche propose à Chimène, au nom de l’amour qu’il lui porte, de venger lui-même son père
et de se battre en duel contre Rodrigue (v. 777 à 780).

u Avez-vous bien lu ?
x Chimène dit explicitement à Elvire qu’elle aime encore Rodrigue, bien qu’il ait tué son père :
« C’est peu de dire aimer, Elvire : je l’adore » (v. 810).
Ce faisant, elle donne au spectateur, qui l’attendait, la même information : c’est ce qu’on appelle, au
théâtre, « la double énonciation ».
e
y Le paradoxe est formulé au vers 808 de la 2 réplique de Chimène : « Si je poursuis un crime aimant le
criminel ? » Elle reprend la même idée, à la réplique suivante, au vers 812 : « Dedans mon ennemi je
trouve mon amant ». Il paraît, en effet, surprenant, sinon impossible, qu’une jeune fille aime d’amour
l’assassin de son père.
U Ce sont les deux derniers vers de la scène qui résument le projet de Chimène pour résoudre ce
paradoxe : faire condamner et tuer Rodrigue – elle le doit à la mémoire de son père –, puis le
rejoindre dans la mort, car elle ne peut vivre sans lui : « Pour conserver ma gloire et finir mon ennui, / Le
poursuivre, le perdre, et mourir après lui » (v. 847-848).
Finalement, elle se trouve dans la même situation que celle exprimée par Rodrigue dans ses stances
délibératives, et son raisonnement aboutit à la même solution : faire son devoir puis mourir.

u Chimène : une héroïne amoureuse


V Chimène est, maintenant qu’elle a demandé au roi la mort de Rodrigue, libre d’exprimer son
conflit intérieur qui provient des sentiments qu’elle éprouve, malgré tout, pour le jeune homme. Elle
revendique cette liberté comme un soulagement (« Enfin, je me vois libre », v. 793) car elle est
débarrassée de toute « contrainte » (v. 793). Cette liberté nouvelle se traduit par la répétition à trois
re
reprises du verbe pouvoir conjugué à la 1 personne du singulier : « Je puis » (v. 793, 795 et 796).
W Ce relevé est effectué dans les trois premières répliques de Chimène (v. 793 à 824) :

Amour modéré ou débutant Amour fort Amour proche de l’excès


« je ne puis haïr » (v. 806) « aimant » (v. 808), « aimer » « La moitié de ma vie » (v. 800)
« dans mon cœur » (v. 814) et (v. 810) « Je l’adore » (v. 810)
« mon cœur » (v. 818 et 823) « mon amant » (v. 812) « Ma passion » (v. 811)
« Rodrigue m’est bien cher » « flamme » (v. 817)
(v. 822) « mon amour » (v. 819)
En ce qui concerne l’amour modéré, on remarque que c’est surtout la manière de l’exprimer qui est
modérée (litote au v. 806, euphémisme au v. 822) ; en vérité, l’amour de Chimène, obsessionnel
e
comme en témoigne le polyptote mis en évidence dans la 2 colonne, est plus fort que tout,
e
démesuré, puisqu’elle envisage de lui sacrifier sa vie. Au XVII siècle, on condamne la passion
amoureuse et les excès d’une manière générale, car l’idéal humain classique est celui de l’honnêteté,
qui implique juste mesure et modération : tout le reste ne peut mener qu’à la perte. C’est, du reste, ce
re
qui est envisagé pour Chimène et Rodrigue ; cependant, au moment où il écrit la 1 version du Cid,
Corneille n’est pas encore sous l’influence de l’esthétique classique et sa sympathie va à ces jeunes
gens, amants ardents, qu’au bout du compte il sauve.
X Elvire a pour rôle, ici, par de courtes répliques, de conseiller Chimène (« Reposez-vous, Madame »,
v. 803) et de l’amener, par une question (« Pensez-vous le poursuivre ? », v. 825 ; « […] que pensez-vous
donc faire ? », v. 846), une remarque (« Il vous prive d’un père, et vous l’aimez encore », v. 809 ; « Mais
vous aimez Rodrigue, il ne peut vous déplaire », v. 845) ou une injonction (« Quittez, quittez », v. 829 ;
« n’en pressez point », v. 840 ; « Ne vous obstinez point », v. 841), à réagir et à exprimer ses sentiments.
C’est donc elle qui sollicite et suscite la parole de Chimène. Mais la confidente n’est pas seulement
une utilité de théâtre ; Elvire représente aussi, et surtout, la voix commune, celle du bon sens : « Il
vous prive d’un père, et vous l’aimez encore ! » (v. 809). Elle ne comprend pas l’héroïsme de Chimène qui
refuse compromis et solutions faciles, car elle n’est pas de la même trempe qu’elle (c’est le cas de tous
Le Cid de Pierre Corneille – 9

les confidents dans le théâtre de Corneille qui sont imperméables à l’idéal de grandeur de leurs
maîtres ; ils n’appartiennent pas à ces « esprits généreux », c’est-à-dire bien nés, dont Chimène parle au
vers 844) : « Madame, croyez-moi, vous serez excusable » (v. 837) ; « vous avez assez fait » (v. 839) ; « Ne
vous obstinez point en cette humeur étrange » (v. 841). Chimène ne peut entendre les raisons (la raison ?)
d’Elvire : « Toute excuse est honteuse aux esprits généreux » (v. 844).

u Étudier le registre élégiaque


at

Noms communs Adjectifs Verbes


« douleurs » (v. 794) « tristes » (v. 795) « Pleurez, pleurez » (v. 799)
« déplaisirs » (v. 796) « funeste » (v. 801)
« larmes » (v. 834) « cruelle » (v. 825 et 826)
L’exercice est surtout l’occasion d’un repérage grammatical. On remarque que ce lexique de la plainte
re
s’étend sur toute la 1 partie de l’extrait et s’estompe dès lors que la jeune fille envisage la vengeance
et donc l’action. On note aussi le procédé d’amplification qui consiste à mettre au pluriel tous les
noms communs qui expriment cette douleur. On est bien face à une orpheline éplorée, qui veut
partager sa peine avec sa confidente et avec le spectateur. Mais, comme toujours avec Chimène (et les
héros cornéliens en général), ce n’est pas seulement cela : la jeune fille a encore de l’énergie, ne serait-
ce que pour mettre des mots sur ses souffrances, son conflit intérieur et la manière dont elle envisage
de le résoudre.
ak La douleur de Chimène s’exprime aussi physiquement : « mes tristes soupirs » (v. 795), « Pleurez,
pleurez, mes yeux, et fondez-vous en eau ! » (v. 799) ; et, éventuellement, « d’impuissantes larmes »
(v. 834), bien que ces dernières ne renvoient pas explicitement au moment de l’énonciation. Ces
indications impliquent que cela devra être joué, au même titre que les paroles sont dites, par la
comédienne qui incarne Chimène. Il s’agit donc de didascalies internes.

u Étudier le registre tragique


al Chimène n’est pas responsable de ce qui lui arrive. La famille de Rodrigue et la sienne étaient
d’accord pour que les deux jeunes amants se marient. Tout le malheur provient de l’orgueil immense
du Comte qui n’a pas supporté que le roi lui préfère Don Diègue pour être gouverneur de son fils. Le
spectateur comprend bien pourquoi il n’était guère sage de confier l’éducation d’un enfant à un être
aussi impulsif, vaniteux et démesuré que Don Gormas. La jalousie du Comte a entraîné des
conséquences en cascade, de plus en plus graves : d’abord, de colère, il a donné un soufflet à son rival,
lequel a réclamé vengeance au nom du code de l’honneur ; Rodrigue s’est chargé, après des
hésitations, de cette vengeance et a tué, malgré son inexpérience, le Comte, pourtant redoutable aux
armes ; et Chimène a non seulement perdu un père, mais va devoir manœuvrer pour perdre aussi
celui qu’elle aime et se suicider ensuite. Comme dans les tragédies qui se produisent parfois de nos
jours entre jeunes, on voit que l’origine de la catastrophe est minime et que ses conséquences sont
disproportionnées. Chimène se trouve prise au piège du caractère irascible d’un père qui fait, sans y
avoir réfléchi, sur un coup de tête, le « malheur » (v. 804) de sa fille. Don Gormas incarne ici, non sans
une certaine ironie tragique, la figure du Destin.
am Face à « ce coup funeste » (v. 801), Chimène se trouve confrontée à un dilemme, situation
d’hésitation insoluble, qui caractérise tous les héros de Corneille : soit elle écoute son cœur et
pardonne à Rodrigue, mais, dans ce cas, l’honneur de son père n’est pas vengé ; soit elle respecte le
code de l’honneur qui l’oblige à sacrifier Rodrigue pour venger son père. Il est impossible, pour elle,
de trancher entre ces deux valeurs car elles lui sont, en quelque sorte, également naturelles : l’amour,
mais aussi l’honneur qui est consubstantiel « aux esprits généreux » (v. 844) – Rodrigue dit « aux âmes
bien née » (v. 405), ce qui est la même chose.
an Si Chimène est « sans contrainte » (v. 793) pour exprimer ses sentiments, il en va tout autrement
pour le choix qu’elle doit faire : « Et m’oblige à venger » (v. 801), « mon devoir » (v. 820), « où mon
honneur m’oblige » (v. 821), « cruelle poursuite où je me vois forcée ! » (v. 826), « il faut que je me venge »
(v. 842). Elvire, quant à elle, parle de « loi si tyrannique » (v. 830). Pour être fidèle à la mémoire de son
père (v. 832) et, plus encore, à ce qu’elle est (v. 824), Chimène est obligée de choisir l’honneur. Mais
Réponses aux questions – 10

elle prévoit que le triomphe de celui-ci soit de courte durée, puisqu’il doit être suivi de sa propre
mort qui sera la marque définitive de la victoire de l’amour.
ao Elvire reformule simplement la situation de Chimène au vers 809 : « Il vous prive d’un père, et vous
l’aimez encore ! » Mais c’est aussi la confidente qui en fournit la pertinente analyse en prononçant le
mot « tragique » au vers 829.
ap La mort est la seule manière pour Chimène de dépasser ce dilemme car elle ne peut vivre sans être
fidèle à sa « gloire » (v. 842) qui lui commande la mort de Rodrigue, ni sans ce dernier ; c’est
pourquoi « [sa] mort suivra la sienne » (v. 828) et qu’elle devra « mourir après lui » (v. 848).
C’est en cela que réside la générosité (du latin, genus, « la race », « la lignée ») de Chimène,
caractéristique des héros de Corneille : elle doit être fidèle à ce qu’elle doit à son père et, surtout, à ce
qu’elle se doit à elle-même, au point de faire des choix radicaux, difficiles à comprendre pour des
êtres ordinaires.

u À vos plumes !
aq La lettre a longtemps été au programme des classes de collège ; c’est l’occasion, ici, de voir
rapidement, avec les élèves, les codes de la lettre, genre qui n’est plus inscrit au programme, mais qui
peut être utile. C’est aussi la possibilité de mettre en pratique l’objet d’étude « Dire l’amour » et de
vérifier que le texte de Corneille est bien compris.

u Expression orale
ar Un débat doit être organisé et modéré. On pourra demander aux élèves de noter, dans un premier
temps, leurs arguments au brouillon, de façon qu’ils sachent ce qu’ils veulent dire et l’expriment en
faisant des phrases complètes. On pourra demander également à un petit nombre d’entre eux de jouer
le rôle de modérateur, en leur expliquant en quoi cela consiste. Éventuellement, on peut aussi
proposer à d’autres d’être les secrétaires du débat. Les arguments dégagés et notés au tableau pourront
servir de base à un premier travail d’argumentation, dans l’esprit de celui proposé au DNB.

u Lire l’image
as L’enfant représenté sur le tableau de Goya est un jeune noble espagnol ; il appartient donc à la
même classe sociale que Rodrigue et Chimène. La noblesse de sa condition est soulignée par les riches
vêtements (pourpres sur le tableau de Goya, couleur royale) rehaussés de dentelles blanches et dorées
et de nœuds. Malgré cette enfance privilégiée – en témoignent aussi les animaux familiers qui
entourent le jeune garçon comme autant de jouets vivants –, tout dans cette représentation dit la
dignité et la gravité de l’enfant : sa posture très droite, sa prestance, le fait qu’il ne semble pas
s’intéresser à ses animaux. Il est très jeune, mais on comprend qu’il est déjà conscient de qui il est et
de ses devoirs. L’expression du visage est indéchiffrable, mais son air est grave, un peu triste. Peut-être
parce qu’il pose pour le peintre : il paraît figé dans un rôle dont il est prisonnier. Cette idée de la
prison est renforcée par la cage de laquelle ne peuvent s’échapper les oiseaux et par le fil à la patte qui
retient la pie. Ces oiseaux, faits pour la liberté, sont condamnés à un tout autre destin. L’ombre de la
mort rôde, et la menace est proche : les chats guettent dans l’ombre, et l’on sait qu’ils peuvent
facilement tuer les oiseaux – ce qui semble annoncer le destin du petit comte, tout comme
l’inscription que tient la pie dans son bec et qui porte le nom de l’enfant avec sa date de naissance. La
tragédie est inscrite dans cette image. Pour Rodrigue, Chimène ou l’enfant, la première incarnation
du destin est leur classe sociale, à laquelle ils ne peuvent échapper et dont ils doivent respecter les
codes, fût-ce au risque de mortels dangers.

D u d u e l a u d u o a m o u r e u x
( p p . 7 8 à 8 1 )
u Que s’est-il passé entre-temps ?
u Rodrigue se trouve chez Chimène avec elle dans cette scène. C’est l’un des points qui risquent de
e
susciter la médisance, mais qui a aussi choqué, au XVII siècle, ceux qui ont argumenté contre la pièce
(cf. la querelle du Cid).
Le Cid de Pierre Corneille – 11

v Au début de la scène 4, Chimène et Rodrigue ont parlé de l’épée de ce dernier qu’il tient à la
main, encore pleine du sang du père de Chimène, et dont il voudrait que celle-ci se serve pour le tuer
(v. 863-864). La scène s’ouvre donc par une vision d’horreur et par la thématique sanglante du
bourreau et de la victime.
w Rodrigue prononce cette phrase (« Je le ferais encor, si j’avais à le faire », v. 878) au sujet du meurtre
qu’il vient de commettre car il s’agit d’une vengeance au nom de l’honneur. Un jeune noble espagnol
de l’époque ne peut se dérober à ce genre d’obligation.
x Rodrigue explique à Chimène que, s’il n’avait pas fait son devoir, il n’aurait pas été digne d’elle et
elle ne l’aurait plus aimé, de toute manière : « Qu’un homme sans honneur ne te méritait pas » (v. 888),
« Qui m’aima généreux me haïrait infâme » (v. 890). Chimène comprend tout à fait le choix de
Rodrigue, qui, en vérité, n’en avait pas : « Je ne puis te blâmer d’avoir fui l’infamie » (v. 906), « Je ne
t’accuse point » (v. 908), « Je sais ce que l’honneur […] / Demandait » (v. 909-910), « Tu n’as fait le devoir
que d’un homme de bien » (v. 911).

u Avez-vous bien lu ?
y Rodrigue demande à Chimène de le tuer : « [L’honneur] demande ma tête, et je te l’abandonne »
(v. 934) ; « Ta main seule [de ton père] doit prendre la vengeance » (v. 950). Chimène refuse car elle veut
bien réclamer justice, mais non pas se faire justice elle-même : « Va, je suis ta partie, et non pas ton
bourreau » (v. 940) ; de plus, elle refuse une solution suggérée par Rodrigue, elle veut se débrouiller
seule et ne pas être moins héroïque que lui qui n’a consulté que lui-même pour tuer le Comte : « Tu
t’es vengé sans aide, et tu m’en veux donner ! » (v. 952). L’un des enjeux de cette scène, pour Chimène,
est de se montrer l’égale de Rodrigue.
U Chimène demande à Rodrigue de partir car c’est trop douloureux, pour elle, d’avoir sous les yeux
celui qu’elle aime et dont elle doit réclamer la tête : « Va-t’en, ne montre plus à ma douleur extrême / Ce
qu’il faut que je perde, encore que je l’aime » (v. 973-974).
C’est la raison principale de sa demande, mais elle avance aussi le tort qui serait fait à sa réputation si
on le surprenait sortant de chez elle : « La seule occasion qu’aura la médisance, / C’est de savoir qu’ici j’ai
souffert ta présence » (v. 977-978).
V Chimène, à la fin de la scène, promet à Rodrigue de se donner la mort immédiatement si elle
obtient la sienne : « […] je t’engage ma foi / De ne respirer pas un moment après toi » (v. 995-996).

u Étudier le conflit de valeurs


W 1. HONNEUR – 2. CRUEL – 3. DOULEUR – 4. VENGER – 5. HAINE – 6. GLOIRE –
7. GÉNÉROSITÉ – 8. ADORE.
X « Haine » et « adore » expriment des sentiments opposés ; l’effet de ce conflit sur les deux jeunes
gens est la douleur.

u Étudier un couple héroïque


at Rodrigue veut que Chimène le tue elle-même – ce qu’elle refuse : c’est le seul point sur lequel ils
ne sont pas d’accord. Chimène l’emporte, ainsi que Rodrigue l’avoue lui-même aux vers 957 et 958 :
« Rigoureux point d’honneur ! hélas ! quoi que je fasse, / Ne pourrai-je à la fin obtenir cette grâce ? »
ak Le mot générosité vient du mot latin féminin gens, gentis, qui signifie « la race », « la famille » : être
e
généreux, au XVII siècle, c’est être de sang noble et se comporter selon la grandeur attachée à ses
origines, notamment en faisant son devoir et en manifestant du courage. Le sens du mot générosité
aujourd’hui est affaibli et démocratisé, si l’on peut dire, mais on retrouve plus nettement le sens de
l’étymologie latine dans des mots comme gène, génétique ou génération.
al a) Faux – b) Vrai – c) Vrai – d) Vrai (mais elle est soucieuse de sa gloire) – e) Vrai – f) Faux

u Étudier le registre lyrique


am Dans les vers 933 à 962, Rodrigue exprime, à plusieurs reprises, cet amour paradoxal qui ne peut se
résoudre que dans la mort : « Le coup m’en sera doux » (v. 936) ; « Je mourrai trop heureux, mourant d’un
coup si beau » (v. 939) ; « Ton malheureux amant » (v. 961) ; « […] moins de peine / À mourir par ta main
qu’à vivre avec ta haine » (v. 961-962).
Réponses aux questions – 12

Cela fait écho à la manière dont Chimène parlait à Elvire de cet amour dans la scène précédente. Ici,
le paradoxe accroît encore la tension dramatique car l’amour ne s’oppose plus à la haine mais à la
mort. Les deux jeunes gens ne redoutent plus la haine de l’autre mais la mort qui est aussi nécessaire
qu’inutile.
an La célèbre litote employée par Chimène est « Va, je ne te hais point » (v. 963).
La première justification de l’emploi de cette litote est de l’ordre du langage : Chimène rebondit
spontanément sur le mot « haine » que Rodrigue vient de prononcer. La réplique est donc
stichomythique. Mais une seconde justification, plus importante sans doute, est que Chimène a du
mal à avouer clairement, dans un premier temps, à Rodrigue qu’elle l’aime car, une fois encore, il est
paradoxal d’aimer l’assassin de son père. C’est pourquoi elle préfère une formulation indirecte et
négative. Mais cette négation a ouvert une brèche, et, dans la réplique suivante, Chimène, libérée et
sûre d’elle-même, n’hésite plus à prononcer les mots « je t’adore » (v. 972) et « je [t’]aime » (v. 974),
qui viennent reprendre et amplifier la litote initiale. Au moins par le langage, la valeur de l’amour
triomphe de celle de l’honneur.
ao

Rodrigue Chimène
« Ô miracle d’amour » (v. 985) « Ô comble de misères ! » (v. 985)
« Chimène, qui l’eût dit ? » (v. 987) « Rodrigue, qui l’eût cru ? » (v. 987)
« Ah ! regrets superflus ! » (v. 991) « Ah ! mortelles douleurs ! » (v. 991)
L’harmonie entre les deux amants est si totale que non seulement la syntaxe de leurs répliques est
rigoureusement identique, mais encore les deux répliques qui se font écho ne constituent qu’un seul
et même vers, un alexandrin démonté en deux parties égales. Ils parlent vraiment à l’unisson, et cette
manière d’utiliser les vers est également une manière de faire circuler l’amour de l’un à l’autre et,
finalement, de le faire triompher.
ap Dans les vers 985 à 992, toutes les phrases – et elles sont nombreuses car très courtes (sauf aux
vers 989-990) – se terminent soit par un point d’interrogation, soit par un point d’exclamation. Ces
modalités interrogatives et exclamatives sont au service de l’expression de sentiments :
émerveillement, déploration, étonnement. Ce sont donc les modalités de la phrase que l’on retrouve
très souvent dans le registre lyrique.
aq Aux vers 999-1000, la jeune fille, qui a tenu tête à son amant avec courage et panache dans une
situation intenable – une sorte de sommet tragique (c’est aussi la première fois que l’on voit, sur
scène, les amants se parler) –, éprouve le besoin de se relâcher et de s’abandonner à une douleur
moins oratoire, peut-être, mais plus intime : « Ne m’importune plus, laisse-moi soupirer, / Je cherche le
silence et la nuit pour pleurer. » Si elle se permet cet abandon au désespoir devant le tragique de la
situation, c’est parce qu’il est sans témoin.

u À vos plumes !
ar Ils’agit d’imaginer une réplique d’Elvire, qui soit, si possible, une tirade, pour constituer un travail
d’écriture complet. On n’exigera pas un texte en vers, mais on sera sensible au respect de la
personnalité mesurée et pleine de bon sens d’Elvire. Son discours devra être aussi rigoureusement
construit et s’appuyer précisément sur la scène à laquelle elle vient d’assister. Il doit, certes, être
consolateur, mais aussi argumentatif ; pour cela, il s’agit de déterminer clairement quel est le message
qu’Elvire veut faire passer. Peut-être le même qu’à la scène précédente ? Dans ce cas, il faudra le
développer.
u Lire l’image
as La mise en scène met bien en évidence le fait que Rodrigue s’offre à Chimène, avec toute
l’ambiguïté que contient ce terme. Il fait don de sa personne, désarmé, à genoux, bras grands ouverts,
yeux clos. On peut parler d’« attitude christique » : Rodrigue se sacrifie pour sauver l’honneur de
Chimène et pour se sauver lui-même – ce qui est un peu moins christique. Chimène, debout, en
équilibre sur la pointe d’un pied, brandit l’épée que Rodrigue lui a remise et semble prête à
succomber à la tentation de le frapper et, sans doute, de se donner la mort ensuite. Cette épée dans
l’air, menaçant Rodrigue, exprime le sommet de la tension dramatique. Mais Chimène a trop
Le Cid de Pierre Corneille – 13

d’honneur, et sûrement trop d’amour, pour se faire justice elle-même. Cette image est la
photographie d’un instant où tout pourrait basculer, mais les héros y perdraient de leur héroïsme : ils
ont encore un long chemin à parcourir, semé d’épreuves, pour, peut-être, avoir le droit de s’aimer,
mais de s’aimer en vie. Par ailleurs, on note la sensualité de la scène : le vêtement ouvert de Rodrigue
laisse entrevoir un torse musclé, et Chimène semble en tenue de nuit, légèrement vêtue, cheveux
dénoués – ce qui n’est pas invraisemblable, puisque Rodrigue vient la surprendre chez elle. Tandis
que les moucharabiehs du décor rappellent l’influence de l’art mauresque en Andalousie.

L e r é c i t a u t h é â t r e
( p p . 9 8 à 1 0 1 )
u Que s’est-il passé entre-temps ?
u Don Diègue demande à Rodrigue de prendre la tête d’une troupe de 500 hommes pour aller
combattre « [l]es Mores [qui] vont descendre » (v. 1075) et « piller la contrée » (v. 1074). Son ton est
impérieux, comme le montrent les modalités injonctives : « Va marcher à leur tête où l’honneur te
e
demande » (v. 1085) est la première ; elle est suivie de sept autres à la 2 personne du présent de
l’impératif (v. 1087 à 1093).
Don Diègue pense que sa proposition – son ordre, plutôt – va résoudre le problème de Rodrigue qui,
officiellement, a perdu l’amour de Chimène. Il pense que gagner cette bataille est le moyen que le roi
lui pardonne et que Chimène ne puisse plus rien demander au monarque, sans compter que ses
sentiments seront encore renforcés par l’exploit de Rodrigue : « […] force par ta vaillance / Ce monarque
au pardon, et Chimène au silence ; / Si tu l’aimes, apprends que revenir vainqueur, / C’est l’unique moyen de
regagner son cœur » (v. 1093 à 1096).
v Comme Don Diègue l’a prévu, l’amour de Chimène se trouve accru : « On le vante, on le loue, et
mon cœur y consent ! » (v. 1127) ; « Silence, mon amour » (v. 1129). Au point qu’elle invoque les
marques concrètes de son deuil (ses vêtements, par exemple) pour avoir le courage de continuer à
chercher justice : « Contre ma passion soutenez bien ma gloire » (v. 1138).
w Cette victoire vaut à Rodrigue le surnom de « Cid » (qui vient de l’arabe et signifie « seigneur »)
donné par ses ennemis vaincus eux-mêmes : « Mais deux rois tes captifs […] / […] t’ont nommé tous deux
leur Cid en ma présence : / […] Cid en leur langue est autant que seigneur » (v. 1222-1224)
Le mot cid est de la même origine que sidi, titre honorifique qui veut dire « monsieur » en arabe.
x Après l’exploit militaire de Rodrigue, le roi renonce totalement à lui faire payer le meurtre du
Comte. C’est le sens des vers 1253 à 1256 : « J’excuse ta chaleur à venger ton offense ; / Et l’État défendu
me parle en ta défense : / Crois que dorénavant Chimène a beau parler, / Je ne l’écoute plus que pour la
consoler. »

u Avez-vous bien lu ?
y La scène se passe de nuit (« une si belle nuit », v. 1268 ; « Cette obscure clarté qui tombe des étoiles »,
v. 1273 ; « ténèbres », v. 1302) et dans le port de Séville qui est un port fluvial, le seul d’Espagne
(« port », v. 1260, 1276 et 1278 ; « L’onde », v. 1275 ; « la mer mont[e] jusques au port », v. 1276 ; « le
fleuve », v. 1299). Il se situe à 90 km environ de son embouchure dans l’océan Atlantique et subit
l’effet des marées, comme cela est rappelé plusieurs fois. La bataille dure jusqu’à l’aube (« point du
jour », v. 1308) et se déroule pendant 6 heures environ, le temps d’une marée (« Le flux les apporta ; le
reflux les remporte », v. 1318).
U Chronologie de la bataille :
– l’armée de Rodrigue reçoit un renfort de 2 500 soldats (v. 1260) ;
– Rodrigue cache les deux tiers de ses hommes dans les bateaux du port (v. 1263-1264) ;
– Rodrigue ordonne à tous ses hommes de se cacher (v. 1269) ;
– les Mores débarquent dans le port (v. 1281) ;
– tous les soldats cachés à terre se lèvent en criant (v. 1283-1284) ;
– les soldats de Rodrigue sortent en armes des bateaux où ils étaient cachés (v. 1286) ;
– l’armée de Rodrigue massacre les Mores qui n’osent plus combattre (v. 1288) ;
– encouragés par leurs chefs, les Mores combattent (v. 1293) ;
Réponses aux questions – 14

– Rodrigue court donner des ordres à ses soldats (v. 1305) ;


– l’armée de Rodrigue reçoit de nouveau du renfort (v. 1311) ;
– les Mores montent dans leurs bateaux et fuient (v. 1313) ;
– les chefs des Mores se rendent à Rodrigue (v. 1326).
Dans le tableau, les différents moments de la bataille sont présentés dans l’ordre suivant : 4-9-2-8-1-
10-7-12-5-3-6-11.
Trois points semblent remarquables :
– rien n’est laissé au hasard, et Rodrigue se conduit en véritable stratège, malgré son inexpérience ;
– Rodrigue est accompagné d’abord de 500 hommes qui se sont réunis chez Don Diègue pour
défendre sa cause et il reçoit deux fois du renfort – ce qui prouve qu’il appartient au camp des justes
et qu’il a l’adhésion du peuple ;
– les soldats mores abandonnent leurs rois pour s’enfuir – ce qui montre leur lâcheté et leur absence
de sens de l’honneur, en opposition à l’armée espagnole pour qui une éventuelle défaillance ne peut
être que passagère (« Les plus épouvantés reprenaient leur courage ! », v. 1262).

u Rodrigue : un chef de guerre et un héros


V On ne peut diriger ni gagner une telle bataille sans faire preuve de qualités exceptionnelles ; ainsi,
Rodrigue incarne-t-il :
– l’ardeur au combat : « Nous les pressons sur l’eau, nous les pressons sur terre » (v. 1290) ;
– l’audace : « hardiment » (v. 1271) ;
– l’autorité : « Par mon commandement » (v. 1269) ;
– la détermination : « une mâle assurance » (v. 1258) ;
– la modestie : « […] combien d’exploits célèbres / Sont demeurés sans gloire au milieu des ténèbres »
(v. 1301-1302) ;
– la stratégie et la ruse : « Mon stratagème » (v. 1270).

u Étudier un récit au théâtre


W La particularité de ce récit de bataille est d’être principalement raconté au présent de l’indicatif. On
appelle cette utilisation du présent « un présent de narration ». En la racontant au présent, Rodrigue
semble revivre la bataille, dans un effet d’hypotypose, et la rend vivante, au point de donner au
spectateur ou au lecteur l’impression d’y participer.
X Ce qui est rapporté dans le récit n’aurait pas pu être joué sur scène, notamment pour des raisons
techniques, à cause du décor et du nombre de figurants. Par ailleurs, représenter un tel massacre sur
scène aurait été contraire à la bienséance. Cependant, à l’époque baroque à la toute fin de laquelle la
pièce a été écrite, de tels épisodes sanglants étaient très appréciés du public. Ce récit est un exemple
de la place de transition qu’occupe Le Cid dans le théâtre en France : comme dans les tragédies
classiques, qui ne vont pas tarder à faire disparaître la tragi-comédie, le récit a pour fonction de
raconter quelque chose qui ne peut être joué sur scène sous peine de ne plus respecter les règles
d’unité de lieu et de bienséance.
at Chimène fait son entrée à la scène 5 et plaide une nouvelle fois pour que cette victoire de
Rodrigue ne l’acquitte pas du meurtre de son père ; elle réclame un duel dont elle épousera le
vainqueur – ce qui soldera, sur un plan privé, la dette d’honneur. Donc, ce récit ne débouche, en
réalité, sur rien pour Rodrigue : ni récompense ni absolution. Il faut dire qu’il n’apporte aucune
information nouvelle aux personnages qui l’écoutent sur scène. Il ne fait qu’expliciter et théâtraliser ce
qu’ils savent déjà. La reconnaissance du roi et la cérémonie d’adoubement – pourrait-on dire – de
Rodrigue ont eu lieu avant le récit de la bataille, quand le roi a appris la nouvelle de la victoire
miraculeuse et transformé Rodrigue en un autre homme : « Sois désormais le Cid » (v. 1225). C’est la
bataille qui a un rôle initiatique et non son récit. On peut donc penser que le véritable destinataire de
cette célèbre tirade est le public de 1637, friand de batailles racontées à défaut d’être jouées et de
grandes déclamations, comme ce morceau de bravoure, écrit spécialement pour Montdory, considéré
comme le plus grand acteur de son temps.

u Étudier le registre épique


ak Tout dans le récit de la bataille est impressionnant, démesuré : c’est la principale caractéristique du
registre épique de rendre compte d’« exploits » (v. 1301). D’abord, les nombres sont impressionnants :
Le Cid de Pierre Corneille – 15

« cinq cents » (v. 1259), puis rapidement « trois mille » (v. 1260), « dont le nombre augmentait à toute
heure » (v. 1265). Du côté des ennemis, « trente voiles » (v. 1274).
Les sentiments, également, sont très forts du côté de la troupe de Rodrigue : « Les plus épouvantés »
(v. 1262), « Brûlant d’impatience » (v. 1266) ; de même que leurs manifestations : « Poussons jusques au
ciel mille cris éclatants » (v. 1284), auxquels font écho, au moment de battre en retraite, ceux des
Mores : « Poussent jusques aux cieux des cris épouvantables » (v. 1314). Les sentiments de leurs ennemis
ne sont pas moins exacerbés : « L’épouvante les prend » (v. 1287), « leurs terreurs » (v. 1294), « la peur de
mourir » (v. 1312), « leur frayeur est trop forte » (v. 1317). On insiste évidemment sur leur peur, mais ils
ont également une certaine grandeur sans laquelle le combat perdrait de la valeur pour les Espagnols
(« À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire », v. 434) : « Leur courage renaît » (v. 1294), « L’ardeur de
vaincre » (v. 1312). Le carnage est terrible : « Et nous faisons courir des ruisseaux de leur sang » (v. 1291),
« De notre sang au leur font d’horribles mélanges » (v. 1298), « des champs de carnage où triomphe la mort »
(v. 1300), « tous percés de nos coups » (v. 1320). C’est là une vision d’horreur.
Et, comme souvent dans l’épopée, les éléments naturels participent aussi de manière grandiose à la
bataille : un spectaculaire clair-obscur (« Cette obscure clarté qui tombe des étoiles », v. 1273) ; la marée
qui rythme le combat (« L’onde s’enfle dessous », v. 1275) ; « Les Mores et la mer montent jusques au port »
(v. 1276) ; « Le flux les apporta ; le reflux les remporte » (v. 1318). Le décor est un acteur à part entière
de la bataille (« Et la terre, et le fleuve, et leur flotte, et le port », v. 1299) – ce qui rend la scène très
impressionnante.
re
al On relève 14 occurrences du pronom personnel pluriel de 1 personne « nous », auquel il faut
ajouter le pronom indéfini « On » (v. 1277), qui a la même valeur ici. Il y a également des
déterminants possessifs à cette même personne : « notre » (v. 1279, 1298 et 1309) et « nos » (v. 1285 et
1320), et le pronom possessif « Les nôtres » (v. 1285 et 1305). Rodrigue, en bon chef de guerre, veut
montrer qu’il n’a pas agi seul et que sa victoire est celle, collective, de « tous en même temps »
(v. 1283). C’est une manière de rendre hommage à la valeur des soldats et de souligner une solidarité
qui n’aurait pas pu exister sans la reconnaissance unanime de Rodrigue comme chef.
am Même si les Mores se battent bien, cette ardeur est de courte durée et le champ lexical de leur
« frayeur » est fourni. Cependant, leur lâcheté atteint son comble quand, voyant qu’ils ont perdu, ils
abandonnent leurs rois pour sauver leur vie : ils « [f]ont retraite en tumulte, et sans considérer / Si leurs rois
avec eux peuvent se retirer » (v. 1315-1316). Rien de plus opposé au code de l’honneur des Espagnols
qui font passer leur roi avant eux-mêmes.
an « Cette obscure clarté qui tombe des étoiles » (v. 1273) : oxymore.
« Ils abordent sans peur, ils ancrent, ils descendent, / Et courent » (v. 1281) : énumération.
« […] jusques au ciel mille cris éclatants » (v. 1284) : hyperbole.
« Avant que de combattre, ils s’estiment perdus » (v. 1288) : antithèse.
« […] des ruisseaux de leur sang » (v. 1291) : métaphore.

u À vos plumes !
ao Cet exercice peut se faire en classe, en guise de contrôle : il permet de vérifier que le récit de la
bataille est bien compris et que les conjugaisons du passé simple et de l’imparfait sont connues, ainsi
que la valeur de ces temps.

u Expression orale
ap Ce texte peut être l’occasion de revoir ce qu’est un e muet dans un vers. Il y en a beaucoup : on
pourra faire repérer aux élèves ceux qui sont placés avant une consonne ou avant un signe de
ponctuation et qui se prononcent donc. L’autre difficulté est de repérer les liaisons, nombreuses
également. Au moment de la récitation, on sera très attentif au respect de ces deux points.

u Lire l’image
aq Si la photographie du film illustre bien un nombre important de combattants, il n’en reste pas
moins que la bataille a lieu en plein jour dans le film – ce qui est une première différence de taille,
puisque personne n’a l’air de se cacher. De plus, le fleuve est remplacé par la mer et le champ de
bataille semble être davantage une plage qu’un port. Le film a, d’ailleurs, été entièrement tourné à
Peníscola, cité balnéaire espagnole. On remarque que les moyens déployés ici pour rendre la bataille
sont impressionnants : très grand nombre de figurants et costumes historiques somptueux. Bref, la
Réponses aux questions – 16

bataille nocturne de la troupe de Rodrigue a laissé la place à un tableau solaire qui, par ses couleurs et
la présence du sable, n’est pas sans rappeler la corrida.
Pour l’anecdote, dans le scénario du film, Rodrigue est mourant avant la bataille contre les Mores
mais fait jurer à Chimène de l’y faire participer pour ne pas décourager ses hommes : ainsi, c’est le
cadavre de Rodrigue qui est présenté au combat, maintenu par une armature de fer dissimulée dans
ses vêtements – ce qui terrifie l’ennemi, qui le croyait mort, et parfait sa légende.

Q u e l d é n o u e m e n t p o u r l a t r a g i - c o m é d i e ?
( p p . 1 2 6 à 1 2 9 )
u Que s’est-il passé entre-temps ?
u Le roi fait croire à Chimène que Rodrigue n’a pas survécu à la bataille contre les Mores : « Si de nos
ennemis Rodrigue a le dessus, / Il est mort à nos yeux des coups qu’il a reçus » (v. 1339-1340).
Aussitôt, la jeune fille fait un malaise qui ne laisse pas de doute sur ses sentiments véritables, comme le
constate Don Diègue : « Mais voyez qu’elle pâme, et d’un amour parfait, / Dans cette pâmoison, Sire,
admirez l’effet. / Sa douleur a trahi les secrets de son âme, / Et ne vous permet plus de douter de sa flamme »
(v. 1343 à 1346).
v Un duel a lieu ensuite, contre l’avis du roi mais à la demande de Chimène, entre Rodrigue et Don
Sanche, qui s’est proposé pour défendre l’honneur de Chimène. Épouser celle-ci sera la récompense
du vainqueur ; à propos de ce dernier, le roi dit à la jeune fille : « Qui que ce soit des deux, j’en ferai ton
époux » (v. 1464).
w À la scène 5 de l’acte VII, Don Sanche apporte son épée à Chimène, qui ne le laisse pas parler
(« Tu me parles encore, / Exécrable assassin d’un héros que j’adore ? », v. 1713-1714) et croit Rodrigue
mort. Incapable d’honorer la promesse d’épouser le vainqueur du duel, puisque c’est Don Sanche qui
l’a gagné, Chimène demande alors au roi la faveur de se retirer dans un couvent, après avoir laissé sa
fortune à Don Sanche (IV, 6) : « Je lui laisse mon bien ; qu’il me laisse à moi-même ; / Qu’en un cloître
sacré je pleure incessamment, / Jusqu’au dernier soupir, mon père et mon amant » (v. 1738 à 1740).

u Avez-vous bien lu ?
x Rodrigue propose de nouveau à Chimène qu’elle le tue :
– « Je viens tout de nouveau vous apporter ma tête, / Madame ; […] » (v. 1778-1779) ;
– « Ma tête est à vos pieds, vengez-vous par vos mains ; / Vos mains seules ont droit de vaincre un invincible »
(v. 1792-1793).
y a) Faux (« Relève-toi, Rodrigue », v. 1801) – b) Vrai (« Je vous en ai trop dit pour m’en pouvoir dédire. /
Rodrigue a des vertus que je ne puis haïr », v. 1802-1803) – c) Faux (« Pourrez-vous à vos yeux souffrir cet
hyménée ? » dit Chimène au roi, au vers 1806, en espérant le faire revenir sur sa promesse) – d) Faux
(« Et me livrer moi-même au reproche éternel / D’avoir trempé mes mains dans le sang paternel ? », v. 1811-
1812) – e) Vrai (« Et quand un roi commande, on lui doit obéir », v. 1804)
U Le roi ne revient pas sur sa promesse de donner Chimène pour épouse au vainqueur du duel, donc
à Rodrigue, mais accepte un délai qui pourra aller jusqu’à un an, le temps que Chimène fasse son
deuil et Rodrigue de nouvelles conquêtes qui le rendront encore plus digne de sa promise : « Rodrigue
t’a gagnée, et tu dois être à lui. / […] Prends un an, si tu veux, pour essuyer tes larmes. / […] Reviens-en, s’il
se peut, encor plus digne d’elle » (v. 1815 à 1830).

u Rodrigue, héritier du chevalier courtois


V La didascalie interne qui montre la soumission de Rodrigue se trouve au vers 1776 : « Un respect
amoureux me jette à ses genoux. »
re
Le relatif pardon de Chimène apparaît au vers 1801 et répond précisément à la 1 didascalie interne :
nde
« Relève-toi, Rodrigue. […] » (2 didascalie interne).
W Pour Rodrigue, Chimène est la seule personne légitime pour juger de son sort. En cela, il se situe
e
dans la tradition des chevaliers courtois du XII siècle, dont les valeurs ont été perpétuées dans les
romans jusqu’à l’époque de Corneille : il remet sa vie entièrement entre les mains de sa dame comme
auraient pu le faire Lancelot, Tristan ou Yvain. Rodrigue commence par réfuter tout autre jugement :
Le Cid de Pierre Corneille – 17

« Madame ; mon amour n’emploiera point pour moi / Ni la loi du combat, ni le vouloir du Roi » (v. 1779-
1780), et c’est à elle seule qu’il « apport[e s]a tête » (v. 1778). Il insiste en répétant plusieurs fois la
même chose dans trois vers consécutifs ; c’est dire s’il est convaincu par cette idée : « Ma tête est à vos
pieds, vengez-vous par vos mains ; / Vos mains seules ont droit de vaincre un invincible, / Prenez-une vengeance
à tout autre impossible » (v. 1792 à 1794).
X Dans le champ lexical de l’amour, on relève :
– un adjectif : « amoureux » (v. 1776) ;
– un nom commun : « mon amour » (v. 1779) ;
– un verbe au plus-que-parfait de l’indicatif : « avait aimée » (v. 1800).
On remarque que ces trois mots appartiennent non seulement au même champ lexical, mais aussi à la
même famille de mots, puisqu’ils sont formés sur le même radical : on a donc un polyptote, qui est
une figure d’insistance. Au terme de la pièce, les sentiments de Rodrigue n’ont pas changé, et, soumis
à rude épreuve, le jeune guerrier incarne l’amour dans toutes ses variations – ce qui est,
paradoxalement, la marque d’une grande stabilité du sentiment.
at Rodrigue utilise de nombreuses hyperboles pour rappeler qu’il est un héros. En effet, il a déjà
accompli plusieurs exploits en moins de 24 heures : tuer le redoutable Comte en duel, défaire la non
moins redoutable armée des Mores et repousser leur tentative d’invasion, puis, après tant de fatigues,
décider de l’issue du duel avec Don Sanche. Cependant, il est prêt à poursuivre ses exploits pour
parachever la conquête de sa dame. Les hyperboles sont les suivantes : « combattre encor mille et mille
rivaux » (v. 1783) ; « Aux deux bouts de la terre étendre mes travaux » (v. 1784) ; « Forcer moi seul un
camp, mettre en fuite une armée » (v. 1785) ; « Des héros fabuleux passer la renommée ? » (v. 1786) ; « vaincre
un invincible » (v. 1793).
ak Le roi ordonne, néanmoins, à Rodrigue une nouvelle épreuve : aller combattre les Mores sur leur
propre terrain. C’est sa mission pendant l’année de deuil de Chimène : « Rodrigue, cependant, il faut
prendre les armes. / Après avoir vaincu les Mores sur nos bords, / […] Va jusqu’en leur pays leur reporter la
guerre, / Commander mon armée, et ravager leur terre » (v. 1822 à 1826).
C’est la conquête guerrière qui, pour le roi, permet de légitimer la conquête amoureuse : « Et par tes
grands exploits fais-toi si bien priser, / Qu’il lui soit glorieux alors de t’épouser » (v. 1831-1832).
L’idée d’associer la conquête guerrière et la conquête amoureuse n’est pas nouvelle : on la trouve dans
l’Antiquité comme dans les romans de chevalerie.

u Chimène, dame inflexible ?


al Chimène fait part au roi de ses sentiments pour Rodrigue à l’aide d’une litote : « Rodrigue a des
vertus que je ne puis haïr » (v. 1803). Elle utilise cette figure d’atténuation pour la même raison que dans
la scène 4 de l’acte 3 (« Va, je ne te hais point », v. 963), parce que, à force de clamer sur tous les tons
qu’elle ne peut épouser Rodrigue, qu’il doit payer de sa vie la mort de son père, il est de plus en plus
difficilement tenable d’avouer qu’elle l’aime (autrement que sous le coup de l’émotion, alors qu’elle le
croit mort). C’est pourquoi elle a recours à un aveu détourné.
am Selon Chimène, le roi lui présente comme un devoir d’épouser Rodrigue car il s’est rendu
indispensable « à l’État » (v. 1809) – ce qui lui donne tous les droits et mérite une récompense. C’est
ainsi qu’elle utilise le mot dépréciatif « salaire » (v. 1810) pour désigner son rôle dans leur union. Dans
la réplique suivante, le roi recadre la mauvaise foi de Chimène en lui rappelant que ce mariage est ce
qui a été promis au vainqueur du duel (dont l’initiative revient à Chimène) : « Rodrigue t’a gagnée, et
tu dois être à lui » (v. 1815).
an Chimène exprime son désarroi par des modalités interrogatives : son unique réplique comprend
douze vers et trois phrases interrogatives (v. 1806, 1808 et 1812). La jeune fille voit le plan mis en
place par le roi se refermer sur elle, et, privée de la possibilité de douter, elle exprime son angoisse,
quitte à ne pas être tout à fait juste.
ao Chimène n’a pas vraiment changé : elle oppose toujours des résistances à une résolution qui satisfait
tout le monde et elle également, au fond. Alors que la situation est de nouveau celle d’avant le
soufflet du Comte et de ses conséquences (tous sont d’accord pour que ces parfaits amants se marient),
Chimène a encore du mal à accepter que le sang de son père ne soit pas vengé par celui de Rodrigue.
La valeur de l’honneur résiste durablement, chez Chimène, à celle de l’amour, aussi légitime que soit
Réponses aux questions – 18

ce dernier. C’est pourquoi le roi décide d’un délai, d’un « hymen différé » (v. 1819) – ce qui n’était pas
re
le cas dans la 1 version de la pièce en 1637.

u Étudier le dénouement d’une pièce de théâtre


ap Correspondance entre le langage courant et le langage classique :
– bonheur : « heur » (v. 1836) ;
– exploits guerriers : « travaux » (v. 1784), « hauts faits » (v. 1829), « grands exploits » (v. 1831) ;
– mariage : « hyménée » (v. 1806), « hymen » (v. 1819) ;
– mort : « trépas » (v. 1797) ;
– noble : « généreux » (v. 1774) ;
– promesse de mariage : « foi » (v. 1820) ;
– réputation : « gloire » (v. 1797 et 1817).
aq La pièce comprend 12 personnages, dont 10 sont réunis dans le dénouement : manquent le Comte,
e
et pour cause, et le page de l’Infante. Au XVII siècle, on trouvait bon de faire revenir sur scène, pour
le dénouement, le maximum de personnages de la pièce, afin de montrer que chacun souscrivait à la
situation finale, et, surtout, de créer une sorte d’élargissement grandiose qui convient bien au final
d’une pièce spectaculaire et brillante.
ar Corneille fait triompher l’autorité du roi en lui laissant prendre fermement la décision finale, sans se
rendre aux nouvelles demandes de Chimène. En trouvant un compromis, il fait cesser les
atermoiements à l’œuvre dans toute la pièce. Enfin, c’est lui qui a le dernier mot, puisqu’il prononce
l’ultime réplique, qui célèbre son pouvoir et sa sagesse ; on remarquera que le dernier mot de cette
réplique est précisément le mot « roi » : « Laisse faire le temps, ta vaillance et ton roi » (v. 1840).
re
as Dans la 1 version de la pièce, le mariage devait immédiatement succéder aux événements qui
venaient de se dérouler – ce que Chimène avait résumé par les deux vers suivants : « Qu’un même jour
commence et finisse mon deuil, / Mette en mon lit Rodrigue et mon père au cercueil ? » Ces vers avaient
beaucoup choqué, sans doute autant par l’idée que par la trivialité de leur formulation.
Le dénouement différé permet de ménager les sentiments de Chimène, qui aura un an pour faire son
e
deuil et s’accoutumer à l’idée de ce mariage, ainsi que la bienséance : car, si le public du XVII siècle a
du mal à envisager que l’on puisse épouser l’assassin de son père, il est encore plus choqué que tout
cela ait lieu dans la même journée.
bt Plusieurs réponses sont possibles. On peut se satisfaire du fait que Rodrigue ait survécu à tous ses
combats, que Chimène l’aime encore et que le roi promette de les marier. Mais on pourra penser
qu’un an d’attente, de nouveaux risques à courir pour Rodrigue, c’est trop pour deux jeunes gens
dont on sait qu’ils s’aiment et qui l’ont prouvé. Rodrigue reviendra-t-il vivant de cette nouvelle
mission ? Le mariage pourra-t-il avoir lieu ?
Par ailleurs, Chimène semble émettre elle-même un doute sur la possibilité de ce mariage, quand bien
re
même Rodrigue survivrait aux nouvelles épreuves : dans la 1 version de la pièce, elle répugnait à se
marier avec l’assassin de son père le jour même du meurtre ; ici, elle répugne purement et simplement
à l’idée d’un tel mariage et se demande s’il faut « [se] livrer [soi]-même au reproche éternel / D’avoir trempé
[ses] mains dans le sang paternel ? » (v. 1811-1812). Bref, une certaine incertitude plane sur ce
dénouement, incertitude voulue par Corneille, du reste, car elle est au service de la tragédie au
détriment de la tragi-comédie.

u À vos plumes !
bk On ne demandera pas aux élèves que leur dénouement soit vraisemblable et respecte les codes du
e
XVII siècle, mais plutôt de transposer l’histoire à notre époque pour imaginer un autre dénouement.

u Expression orale
bl Pour cet exercice, les élèves pourront s’inspirer des lectures préparatoires de la troupe de la
Comédie-Française, dans le cadre du Théâtre à la table, épisode publié le 6 mars 2021, que l’on trouve
sur Internet : https://www.youtube.com/watch?v=kpFj3Epqb3c.
bm Le travail à la table, qui a été abordé avec la question 22, est un préalable à toute mise en scène. Car
c’est bien l’objet de cette question que d’imaginer une mise en scène qui prolonge la question
précédente. On laissera les élèves donner librement leurs idées et on les orientera vers des recherches
Le Cid de Pierre Corneille – 19

historiques pour les costumes, si nécessaire. C’est aussi l’occasion de leur rappeler tout ce qui permet
de transformer le texte en représentation : le choix des acteurs, la diction, la gestuelle, les costumes, le
décor, la musique, les lumières, éventuellement la danse ou la vidéo…

R e t o u r s u r l ’ œ u v r e
( p p . 1 3 0 à 1 3 2 )
u L’action
u 1-c : l’Infante avoue à Léonor son amour pour Rodrigue (I, 2, v. 82-83) ;
2-b : Don Diègue est choisi pour être gouverneur du fils du roi (I, 3, v. 151 et 154) ;
3-g : le père de Chimène gifle celui de Rodrigue (I, 3, didascalie avant le vers 226) ;
4-e : Rodrigue tue le Comte (II, 7, v. 632 : on apprend la mort du Comte) ;
5-i : Rodrigue se rend chez Chimène pour réclamer qu’elle lui donne la mort (III, 4, v. 850, 853,
854, 857, 863 et 870) ;
6-a : Rodrigue combat contre les Mores (entre l’acte III et l’acte IV, récit à l’acte IV, 3) ;
7-h : le roi annonce à Chimène la mort de Rodrigue au combat (acte IV, 5, v. 1340) ;
8-f : Rodrigue se bat en duel contre Don Sanche (acte V, pendant les quatre premières scènes) ;
9-d : Rodrigue doit repartir combattre les Mores sur leurs propres terres (V, 7, v. 1825).

u Les personnages
v

Le Comte Une fille


Don Sanche La femme aimée mais
indifférente
Elvire La jeune fille que l’on doit
CHIMÈNE EST POUR… éduquer et surveiller
L’Infante L’amie et la rivale
Rodrigue La femme aimée : « Ma
Chimène »
Le roi Une orpheline à protéger
w

Chimène L’amant
Le Comte Un prétendant pour sa fille
Don Diègue Un fils
RODRIGUE EST POUR… Don Sanche Le rival
L’Infante L’homme aimé en secret
Les Mores Le Cid
Le roi Un guerrier héroïque

u Dire l’amour au XVIIe siècle et au théâtre


x Chimène possède de nombreux appâts qui ont fait que Rodrigue s’est épris d’elle. Leurs
sentiments, encore appelés inclination ou liens, sont réciproques ; les jeunes gens sont donc des
amants. À l’inverse, l’Infante ou Don Sanche, qui ne sont pas aimés en retour, ne sont que des
amoureux ; n’étant pas favorisés par le destin, on dit qu’ils sont infortunés. La passion est nommée
par 2 mots appartenant au même champ lexical : feux et flamme. La femme aimée est désignée par
les expressions ce cher objet et mon âme. Rodrigue et Chimène espèrent le mariage, aussi appelé
hymen. À la fin de la pièce, ils engagent leur foi en vue de ce mariage. Mais, avant d’y parvenir, ils
éprouvent des ennuis ou douleurs les conduisant au déplaisir. Bouleversés tout au long de la pièce,
les deux héros expriment leur émotion par des transports. Bref, Chimène et Rodrigue sont
l’illustration d’une amour si parfaite.
Réponses aux questions – 20

u Une notion clé : l’honneur


y a) Rendre hommage : honorer.
b) Respectable : honorable.
c) Qui respecte les règles : honnête.
d) Gains pour un service rendu : honoraires.
e) Qui fait perdre sa réputation : déshonneur.
f) Qui apporte une gloire symbolique : honorifique.

u L’ombre de la mort
U

MEURTRES
Meurtrier(s) Victime(s) Mobile

Rodrigue Le Comte Venger son père, Don


Diègue.

Rodrigue et son armée Les Mores Repousser l’invasion et


le pillage de Séville.

Les Mores Une partie de l’armée de Tenter d’entrer dans la


Rodrigue ville. C’est la guerre.

MENACES DE MORT
Personne menaçante Personne menacée Mobile
Chimène Chimène Désespoir si elle survit à
Rodrigue.

Don Sanche Rodrigue Duel pour venger


l’honneur de Chimène et
obtenir sa main.

Rodrigue Rodrigue Veut que Chimène rende


elle-même justice et le tue.

Don Diègue Don Diègue S’offre en sacrifice à la


place de son fils, plus utile
à l’État que lui, désormais.

On voit que Rodrigue, sans cesse menacé par la mort, y échappe – ce qui est aussi une marque de son
caractère héroïque.

R é p o n s e s a u x q u e s t i o n s d u g r o u p e m e n t d e t e x t e s
( p p . 1 4 5 à 1 5 4 )
On pourra, en préalable, demander aux élèves d’examiner le paratexte de chaque extrait et d’en
déterminer le genre et le siècle.

u Document 1 : Jean de La Fontaine, Fables


A. La Cigale est insouciante, tandis que la Fourmi est travailleuse, économe et prévoyante. L’une
profite de la vie et de ses plaisirs : le « temps chaud », l’art (« ayant chanté », « je chantais »), la liberté
(« Nuit et jour à tout venant »), tandis que La Fontaine garde le silence sur ce qu’a fait la Fourmi
pendant l’été, mais on suppose qu’elle a travaillé et amassé des « grain[s] » pour l’hiver.
Le Cid de Pierre Corneille – 21

Les valeurs qui s’opposent, ici, sont donc l’insouciance et le plaisir de l’instant (une sorte de « Carpe
diem »), d’une part, et la discipline, le travail, l’économie et la prévoyance, d’autre part.
B. La Fontaine suggère que sa sympathie va à la Cigale (à qui il ressemblait dans la vie) plutôt qu’à la
Fourmi, qui se montre égoïste, brutale, sans générosité ni pitié. Son refus d’aider la Cigale est non
seulement ferme, mais aussi ironique : « Hé bien ! dansez maintenant. »

u Document 2 : Marivaux, Le Jeu de l’amour et du hasard


A. Les deux jeunes gens sont partagés entre l’amour (valeur sentimentale) et le fait de se comporter
selon sa classe sociale (valeur sociale, donc). Chacun a bien conscience d’être amoureux, mais, à cause
du stratagème identique qu’ils ont choisi tous les deux séparément, ils croient aimer un domestique
e
alors qu’ils appartiennent à une classe sociale plus élevée. Au XVIII siècle, on doit aimer une personne
de sa classe sociale, et la situation dans laquelle ils s’imaginent être pose vraiment problème.
B. Silvia, déguisée en Lisette, dit à Dorante, déguisé en Bourguignon : « je ne te hais point » – ce qui
est un emprunt à la pièce de Corneille. Comme pour Chimène, mais pour des raisons différentes, cet
amour est difficile à avouer pour Silvia car elle sait qu’elle est une jeune fille « de condition », comme
on disait alors, et que ce serait déroger que d’avouer son amour pour un domestique.
C. Dorante demande à Silvia de le repousser nettement car il est amoureux d’elle, alors qu’il croit
qu’elle est une servante et que son statut social l’en empêche. En entendant de la bouche de la jeune fille
qu’elle l’aime, la tentation est très grande de céder à ses propres sentiments et même peut-être de
e
l’enlever – démarche audacieuse mais courante au XVIII siècle, moins déshonorante pour l’homme que
pour la femme enlevée : c’est une manière de forcer le mariage. C’est pourquoi Dorante veut qu’elle
éloigne toute tentation. Mais Silvia, qui ignore le débat intérieur qui agite le jeune homme, lui confirme
que, s’il n’était pas domestique (ce qu’il n’est pas), elle l’aimerait sans problème. C’est pourquoi, à la fin
de l’extrait, totalement désemparé et déchiré entre deux valeurs qui sont encore, à ce moment de la
pièce, conflictuelles, il dit : « ma raison est perdue ». Elles seront toujours conflictuelles, mais le problème
aura disparu puisque les deux jeunes gens apprendront qu’ils aiment dans leur classe sociale. La
mascarade leur aura permis de mettre à l’épreuve la sincérité de leurs sentiments.

u Document 3 : Victor Hugo, Les Misérables


A. Le locuteur, dans le texte, a deux identités : au moment de l’énonciation, il est M. Madeleine, un
notable respecté, mais, autrefois, il a été prisonnier au bagne, sous sa véritable identité (Jean Valjean).
Or un homme vient d’être arrêté, que l’on croît être Jean Valjean. Cette erreur judiciaire, qu’il est le
seul à pouvoir dénoncer, éloigne de lui pour toujours la peur d’être rattrapé par son passé et
démasqué (« Me voilà sauvé. Tout est fini »).
B. Ici, le conflit intérieur est très intense entre M. Madeleine, qui tient à préserver sa vie bourgeoise
et paisible, durement acquise après dix-neuf ans de bagne (« un peu de bonheur attaché à cette pénitence »),
et Jean Valjean, qui ne peut accepter de mentir par omission, d’accomplir un acte malhonnête et
injuste en faisant condamner un innocent. M. Madeleine défend donc le droit à une deuxième chance
et à des jours sereins, tandis que Jean Valjean rappelle qu’il n’est pas possible de faire condamner un
innocent. On assiste donc au conflit de l’égoïsme et de l’humanisme, de la vérité et du mensonge.
C. Dans cet extrait, le personnage est soumis à la tentation d’une mauvaise action : acheter sa
tranquillité en la payant par une injustice. Il se trouve des excuses pour céder à cette tentation
diabolique : il n’en est pas à l’origine (« C’est la providence qui a tout fait ») ; c’est, sans doute, même un
dessein divin pour qu’il poursuive sa réhabilitation par ses bonnes actions dans la ville qu’il administre
(« Dieu le veut […] pour que je fasse le bien, pour que je sois un jour un grand et encourageant exemple »). Au
début, le personnage cède à cette tentation qui est la voie de la facilité et lui apporte un répit dans
l’instant, mais il sait qu’il sera rattrapé par sa conscience, dévoré par la culpabilité, et qu’il n’aura
jamais la paix intérieure ; c’est pourquoi, après une longue délibération (argumentation dont Hugo
donne une définition : « ce sombre dialogue dans lequel c’était lui qui parlait et lui qui écoutait ») – combat
caractéristique de Victor Hugo entre le Bien et le Mal –, il choisit la voie morale.

u Document 4 : Jean Anouilh, Antigone


A. Antigone veut donner une sépulture à son frère Polynice, déclaré arbitrairement coupable par
Créon et dont le cadavre n’est pas recouvert de terre (ce qui, chez les Anciens, signifiait qu’il ne
Réponses aux questions – 22

pouvait trouver la paix ni le repos après la mort) pour faire un exemple et montrer au peuple que les
choses sont réglées (« Il est roi, il faut qu’il donne l’exemple »). Créon a dit qu’il condamnerait à mort
quiconque essaierait de contredire cette version officielle en enterrant Polynice. Ismène, dans la
dernière réplique, décrit précisément la dramaturgie du supplice qui attend les jeunes filles si elles
désobéissent.
B. Antigone défend la justice morale, le droit à l’imprudence et la nécessité d’être en accord avec soi-
même (« ton regard droit devant toi et te voilà lancée sans écouter personne », lui dit sa sœur). Ismène, même
si elle partage, au fond, le sentiment d’injustice d’Antigone (« j’ai pitié moi aussi de mon frère »), défend,
au mieux, la raison (« je comprends un peu notre oncle »), au pire, la loi du plus fort (« Il est plus fort que
nous […]. Et ils pensent tous comme lui dans la ville »). Antigone soutient une position exigeante et
intransigeante et sait qu’elle choisit la mort (« Bien sûr. […] Lui, il doit nous faire mourir »). Ismène peut
sembler plus médiocre et choisit la vie par manque de courage (« Je ne peux pas, je ne peux pas… » ;
« Je ne veux pas mourir »). Ce qui oppose les deux sœurs est qu’Antigone est prête à mourir pour des
idées, est une héroïne, tandis qu’Ismène est une personne ordinaire, sage, obéissante, disposée au
compromis.
C. Créon défend la paix sociale : il y a eu un début de guerre civile, il faut donc trouver un coupable
et une victime et que les choses soient claires pour le peuple, même s’il y a erreur. La décision de
Créon est éminemment politique. Il est évident que, dans la suite du texte, ce sens (ce bon sens ?)
politique va se heurter à l’idéalisme d’Antigone qui veut être fidèle à elle-même et se dirige vers la
mort, la tête haute, car elle sait que c’est son destin (« C’est comme ça que ç’a été distribué »).

R é p o n s e s a u x q u e s t i o n s d e l e c t u r e d ’ i m a g e s
( p p . 1 5 5 - 1 5 6 )
u Document 1 : Le Cid, mise en scène de Brigitte Jaques-Wajeman, 2006
A. Les deux personnages mis en évidence sont le roi et Chimène, au premier plan. Don Arias est en
retrait sur la droite de l’image : en effet, s’il est présent physiquement dans cette scène, il n’a aucune
réplique. De plus, son visage est sans expression, son corps immobile. Il est vraiment là dans le rôle du
figurant. Il se fond d’autant mieux dans le décor que son costume est noir.
Au contraire, le roi est vêtu d’une couleur vive, et Chimène de blanc – ce qui tranche avec le décor.
Tous deux sont en mouvement, et leurs visages sont expressifs. Chimène attire particulièrement
l’attention par sa position inattendue, dont l’horizontalité est renforcée par la longue traîne de sa robe.
B. La jeune femme demande que justice soit faite et que l’assassin de son père, Rodrigue, soit
exécuté.
C. Chimène est dans une attitude implorante, comme le souligne sa position à terre, c’est-à-dire
humble, au sens étymologique du terme. Son absence d’apprêt, ses cheveux dénoués font d’elle une
jeune fille entièrement dominée par son désespoir et non plus une aristocrate de la Cour, digne en
toute circonstance. Néanmoins, le mouvement de son corps est nettement dirigé vers le roi, les appuis
au sol sont fermes, la tête bien droite – ce qui suggère une certaine détermination. Le roi, quant à lui,
paraît décontenancé et regarde Chimène avec étonnement. Ses bras largement ouverts et tendus vers
elle semblent lui offrir une protection, à moins que, dans un premier temps, il ne souhaite la relever.
Quoi qu’il en soit, paradoxalement, on devine plus de fragilité et moins de stabilité chez le roi, dont
une jambe en arrière est dissimulée par la cape, que chez Chimène.
D. La photographie de mise en scène évoque un tableau par le travail de composition : trois lignes
verticales, à gauche, celle d’un pilier que redouble la silhouette du roi ; à droite, Don Arias, qui, par sa
taille et sa corpulence, forme une autre ligne verticale et massive ; au centre, un rideau qui tombe, lui
aussi, avec un aplomb parfait. Comme prisonnière de ces lignes verticales, qui peuvent évoquer des
barreaux, Chimène est le seul élément d’horizontalité – ce qui souligne sa faiblesse et renforce l’idée
d’« enfermement ». Victime offerte à la raison d’État qui doit remplacer un guerrier par un autre de
même valeur, et raison qui est, avant tout, celle d’un monde d’hommes ?
Le travail de composition est aussi souligné par celui de la couleur : du rouge, du jaune, du blanc et
du noir, employés comme autant d’aplats qui rendent l’image d’autant plus graphique que le décor est
dépouillé. Enfin, l’utilisation du clair-obscur parfait cette évocation très picturale.
Le Cid de Pierre Corneille – 23

u Document 2 : Le Cid, mise en scène de Thomas Le Douarec, 2009


A. La forme arrondie de l’ouverture et surtout les moucharabiehs évoquent l’influence mauresque (ou
arabe) sur l’architecture. On sait que la scène se passe à Séville, ville d’Andalousie, région d’Espagne
proche de l’Afrique du Nord et qui a fait, à de multiples reprises, l’objet d’invasions de la part des
Mores (le texte de Corneille y fait allusion). Ces éléments rappellent que l’ennemi historique a,
autrefois, occupé les lieux.
B. La photographie est extraite de la scène 4 de l’acte III, au moment où Rodrigue demande à
Chimène de le tuer. Dans la pièce de Corneille, l’épée du jeune homme n’est jamais dans les mains de
Chimène qui lui demande, au contraire, de l’éloigner : « Ôte-moi cet objet odieux » (v. 859) ; « Ôte-moi
cet objet, je ne le puis souffrir » (v. 867). On sait que Thomas Le Douarec a pris quelques libertés avec le
texte de Corneille, mais cette mise en scène peut illustrer de manière très spectaculaire les vers 863 et
864, prononcés par Rodrigue : « Plonge-le dans le mien [mon sang], / Et fais-lui perdre ainsi la teinture du
tien. »
C. L’épée est mise en valeur car elle est l’objet sur lequel porte, au début de la scène, le premier
échange des jeunes gens. De plus, cette épée a un rôle très important et intime, puisqu’elle fait, ou
doit faire, un lien sanglant entre Rodrigue et Chimène : elle est l’instrument du meurtre, elle doit être
aussi celui de la vengeance de Chimène, selon le souhait de Rodrigue. Cet échange des sangs, suggéré
dans les vers cités plus haut, est comme une union symbolique et macabre des héros qui ne peuvent la
réaliser vivants. Il faut aussi songer que Chimène a dit à Rodrigue que, s’il mourait, elle se tuerait
immédiatement – avec cette épée ?
L’épée est mise en valeur car elle est tenue à bout de bras par Chimène et se détache nettement sur le
fond blanc. Dirigée fermement vers le torse offert de Rodrigue, elle suggère un fragile point
d’équilibre où la scène peut, à tout instant, basculer dans l’horreur.
D. La sensualité des personnages est soulignée par leurs costumes : la veste ouverte de Rodrigue laisse
entrevoir un torse lisse et musclé ; Chimène est en tenue légère (tenue de nuit, alors que Rodrigue
vient la surprendre chez elle ?), les cheveux dénoués, les pieds nus, tout entière tendue vers Rodrigue
qui s’offre à ses pieds. L’épée entre eux, objet phallique, suggère que, au moins autant que de désir de
mort, c’est de désir érotique qu’il s’agit ici (l’affiche du spectacle est encore plus évocatrice à ce sujet).
Proposition de séquence didactique – 24

P R O P O S I T I O N
D E S É Q U E N C E D I D A C T I Q U E

QUESTIONNAIRES ÉTUDE DE TECHNIQUES LITTÉRAIRES EXPRESSIONS ÉCRITE


LA LANGUE ET ORALE
Séance n° 1 : • Vocabulaire : étude du mot • L’étude d’une famille de mots • Mettre en voix un texte en vers
« Le monologue de honneur • Le monologue de théâtre • Dégager la structure d’un texte
théâtre »
• Les figures de style • Rédiger un monologue
Extrait : scène 4 de l’acte I • La notion de « point de vue »
(pp. 22-23)
Séance n° 2 : « La mort du • Vocabulaire : l’expression des • Dégager un argument • Rédiger un article de presse
Comte : récit et plaidoyer » sentiments. • Identifier le registre pathétique • Réécrire un texte selon des
• Vocabulaire : comment dire la mort ? • Repérer une didascalie interne consignes précises
Extrait : scène 8 de l’acte II
(v. 659 à 696, pp. 50-51) • Temps du récit / temps de • La notion de « vraisemblance » • Analyser une image de mise en
l’énonciation • Étudier le discours judiciaire scène

Séance n° 3 : « Le conflit • Le sens du mot paradoxe • Le champ lexical • Écrire une lettre
intérieur de Chimène » • Le sens du mot dilemme • Étudier le registre élégiaque • Organiser un débat en classe :
• Vocabulaire : dire l’amour • La représentation d’un texte de argumenter
Extrait : scène 3 de l’acte III
(pp. 60 à 63) • Le degré d’intensité d’un mot théâtre • Étudier un tableau.
• Réviser les classes grammaticales : • Le genre et le registre tragiques
nom commun, adjectif qualificatif,
verbe
Séance n° 4 : « Du duel au • Le sens du mot générosité : chercher • Étudier le registre lyrique • Écrire un texte argumentatif
duo amoureux » l’étymologie d’un mot, étudier • Une figure de style : la litote • Étudier une photographie de
l’évolution de son sens • Une modalité de l’échange au mise en scène
Extrait : scène 4 de l’acte III • Étudier la ponctuation expressive
(v. 933 à 1000, pp. 73 à 77) théâtre : la stichomythie

Séance n° 5 : « Le récit au • Étudier le présent de narration (et, • La didascalie initiale (liste des • Reconstituer la chronologie des
théâtre » éventuellement, les autres valeurs du personnages et lieu de l’action) événements
présent) • Étudier les repères spatio- • Écrire un récit au passé en
Extrait : scène 3 de l’acte IV • Étudier les classes grammaticales : temporels utilisant des connecteurs temporels
(v. 1257 à 1329, pp. 94 à 97) pronoms et déterminants • La double énonciation au théâtre • Mettre en voix des vers
• Conjugaison et valeurs d’emploi : • Étudier une tirade • Étudier une image de film
les temps du passé de l’indicatif • Étudier la fonction du récit au
théâtre
• Étudier le registre épique
• Étudier les figures de style
Séance n° 6 : « Quel • Vocabulaire dépréciatif (péjoratif) et • Comparer deux genres : tragédie et • Transposer une situation à une
dénouement pour mélioratif tragi-comédie autre époque et imaginer un autre
la tragi-comédie ? » • Les types de phrases • Les principales règles de la dénouement
• Repérer le langage classique tragédie, dont celle de bienséance • Mettre en scène une scène de
Extrait : scène 7 de l’acte V théâtre
(pp. 123 à 125) • Étudier un dénouement
• Jouer une scène de théâtre

u Le Cid et les programmes


e
Le Cid ne peut guère s’insérer que dans le programme de 4 où il a doublement sa place : à la fois dans
l’objet d’étude intitulé « Confrontation de valeurs » et dans celui intitulé « Dire l’amour ». Il permet,
en outre, d’étudier de nombreux registres.
e
Cependant, le récit de la bataille peut être étudié en 5 pour illustrer le thème « Héros, héroïnes,
héroïsme ».
Le Cid de Pierre Corneille – 25

B I B L I O G R A P H I E E T R E S S O U R C E S
C O M P L É M E N T A I R E S

u Bibliographie
Éditions du théâtre de Corneille
– Œuvres complètes, coffret, textes et illustrations, Bibliothèque des Introuvables, 2008.
– Œuvres complètes, coll. « L’Intégrale », Seuil, 1963. Le texte du Cid est celui de 1660, revu en 1682.
– Œuvres complètes, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », Gallimard, 1980. Le texte est celui de 1837.
Sur Corneille et son œuvre
– P. Bénichou, Morales du Grand Siècle, Gallimard, 1942.
– C. Biet, Moi, Pierre Corneille, coll. « Découvertes Gallimard » n° 484, Gallimard Jeunesse, 2006.
– B. Dort, Pierre Corneille dramaturge, L’Arche, 1957.
– O. Nadal, Le Sentiment de l’amour dans l’œuvre de Pierre Corneille, Gallimard, 1948.
– A. Stegmann, L’Héroïsme cornélien. Genèse et signification, Armand Colin, 1968.
Sur le théâtre au XVIIe siècle et le contexte littéraire
– J. Morel, Histoire de la littérature française de Montaigne à Corneille, Flammarion, 1999.
Sur la conception du théâtre par Corneille
– P. Corneille, Trois Discours sur le poème dramatique, Flammarion, 2021.
Sur Le Cid
– A. Couprie, Pierre Corneille, « Le Cid », PUF, 1989.
Sur l’enseignement du Cid : une bande dessinée
e
– V. Pot, Le Cid en 4 B, coll. « Hors-champs », Boîte à bulles, 2019.

u En DVD
– Le Cid, captation de la mise en scène de Thomas Le Douarec, 2016.
– Le Cid, film d’Anthony Mann, 1961 : avec Charlton Heston (Rodrigue), Sophia Loren (Chimène),
Geneviève Page (l’Infante).

u Sites Internet
– Le Théâtre à la table : lecture de la pièce (version de 1637) par les acteurs de la Comédie-Française,
sous la direction de Denis Podalydès, parue le 6 mars 2021.
https://www.youtube.com/watch?v=kpFj3Epqb3c
– Le Cid, captation de la mise en scène de la pièce par la Compagnie Colette Roumanoff.
https://www.youtube.com/watch?v=bXMAOnCfjaY
– Le Cid, film d’Anthony Mann, cité plus haut.
https : //www.youtube.com/watch ? v=lvG9MnQE6tI

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