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1 Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac, Extrait de la tirade des nez (Parcours Molière : Spectacle &

Comédie).

Rappel de la INTRODUCTION :
méthode
Amorce Le héros romantique au XIX° siècle est un être décalé, fracturé ; il peine à trouver sa
place, souffre d’une faille existentielle, se sent incompris, mal-aimé.
C’est le cas de Cyrano de Bergerac qu’un trop grand nez complexe et accable, dans la
pièce d’Edmond Rostand.
Il fait face ici au Vicomte (prétendant de Roxane que Cyrano aime en secret) qui
l’attaque sur son nez. Cyrano réplique avec la célèbre tirade des nez.
Texte à
commenter, Nous montrerons ici en quoi consiste
problématique la dimension spectaculaire de cette tirade.

Annonce du plan Notre étude suivra les deux mouvements du texte :


1. Cyrano met en scène, « spectacularise » sa parole (vers 1/3 puis 4/19)
2. Il conclut la tirade (vers 20/31).

1. Cyrano met en scène, « spectacularise » sa parole (vers 1/3 puis 4/19)


a) Vers 1 à 3 :
Cyrano s’oppose au Vicomte de façon sonore (avec les interjections « Ah ! Oh ! ») : « Ah ! non ! », « Oh !
Dieu ! ».
Condescendant, il déplore le manque de génie du Vicomte : « un peu court, jeune homme ».
Cyrano s’arroge le pouvoir de la parole : « On pouvait dire… bien des choses… / En variant… ».
Il programme sa tirade, puis il va passer de la parole aux actes (« tenez »), faisant preuve d’ « invention »
(le mot est au vers 25).
Le but de Cyrano est de submerger son adversaire par un flux de parole.

b) Vers 4 à 19 :
Cyrano est à la fois metteur en scène qui fixe les consignes de jeu et le comédien qui les interprète.
On peut apprécier ici le génie littéraire de Cyrano, la variété et le renouvellement des tons, des attitudes :
on peut remarquer notamment :

* « amputasse » (5), emploi d’un temps complexe, soutenu et littéraire (le subjonctif imparfait)
* le mot « hanap » (7), mot rare désignant un objet sophistiqué
* la gradation du plus petit au plus grand « roc/pic/cap/péninsule » (8-9), jeu sonore et jeu sur
l’opposition entre des mots brefs et un mot long. La « péninsule » constitue un adynaton (= une hyperbole
impossible à force d’exagération, ridicule à force d’incompatibilité avec le réel).
* associations hétéroclites entre le nez et des objets inattendus : après le hanap, l’écritoire, la boîte à
ciseaux (11), plus loin le navet et le melon (13), ou l’épée (14).
* étrangeté de ce nez en forme d’ « oblongue capsule » (10).
 Ce dernier mot vient d’un jeu sur les rimes : « cap »
(8) et « péninsule » (9) fusionnent pour donner « capsule » (10).
* le parler très littéraire est contrebalancé soudain par le parler paysan pittoresque : Cyrano estropie et
déforme la langue : « queuqu’navet… ou ben… » (12-13). Cyrano rappelle Pierrot dans le Dom Juan de
Molière.
* le nez devient aussi bien arme de guerre que lot d’une loterie (14/16).
2 Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac, Extrait de la tirade des nez (Parcours Molière : Spectacle &
Comédie).

* la parodie enfin poursuit la tirade sur un mode comique (la parodie est un moyen de se moquer),
mais les mots « détruit » et « traître » (19) semblent aussi traduire la souffrance d’un Cyrano complexé,
blessé par un nez insupportable. Il est ici pathétique. Sous le comique de la parodie, la souffrance !

2. Il conclut la tirade (vers 20/31)


Deux mots programment la fin de la tirade : { le connecteur temporel « Enfin » (vers 17)
{ le présentatif « Voilà » (vers 20).
Cyrano de nouveau condescendant interpelle le Vicomte : « mon cher » (20).
Il fait assaut de mépris : le vicomte n’a ni lettres ni esprit (21).
Cyrano l’injurie : « « le plus lamentable » (22), « « sot » (24).

Cyrano poursuit ses jeux littéraires : on relève ici une isotopie (= un champ lexical) du nombrable-du
quantifiable  « un peu » (21)
« jamais un atome » (23)
la négation restrictive « que les trois » (24)
« le quart / De la moitié du commencement d’une » (28-29).
Cyrano annexe (il s’en empare, il s’arroge ce droit, l’exerce pleinement) une dernière fois le pouvoir de la
parole. Il défie : si Valvert avait eu de l’esprit (ce qui n’est pas le cas) Cyrano ne l’aurait pas laissé parler :
vers 33-31.

Rappel de la CONCLUSION :
méthode
Bilan de lecture Cette tirade spectaculaire, imitative par sa longueur de l’appendice nasal de Cyrano,
met en valeur la parole et le génie littéraire de celui qui la prononce. Elle est
proprement le spectacle de la parole.

Ouverture Cette tirade rappelle d’autres morceaux de bravoure du répertoire français :


♥ comme la fameuse tirade de la scène du sac dans Les Fourberies de Scapin de
Molière
♥ ou la tirade de Figaro au début de la comédie Le Barbier de Séville de
Beaumarchais.

GRAMMAIRE

1. Négation
■ adverbes de négation :
Non (1)
Nanain (12) (« nan » = régionalisme pour « non »)
N’en eûtes jamais (23)
Vous n’en eussiez pas (28)
Je ne permets (31)
3 Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac, Extrait de la tirade des nez (Parcours Molière : Spectacle &
Comédie).

■ négation restrictive :
Vous n’avez que les trois (24)

2. Interrogation
Introduite par un pronom interrogatif : Que dis-je, c’est un cap ? (9) = fausse question, sert de reprise.
De quoi sert…. ? / D’écritoire…. à ciseaux ? » (10-11) = partielle
Inversion Sujet+Verbe : C’est-y un nez ? (12) = totale
Voulez-vous le mettre en loterie ? (15) = totale

3. Subordonnées circonstancielles

Deux propositions de condition : 

 si j’avais un tel nez (4)

 Si vous aviez un peu de lettres… (21)

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