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Histoire des arts :

Étude comparative de deux tableaux


La rencontre de Manon Des Grieux.
Les deux illustrateurs du XIXème siècle, Eugène Louis Lami, en 1878, et Maurice
Leloir, en 1885, ont parfaitement mesuré l’importance de cette scène de rencontre
dans le roman de Prévost. Mais leur peinture, tant par la représentation du décor
que par l’image du couple, en propose deux interprétations différentes : le
premier évoque davantage un libertinage à venir, le second accorde plus de place
aux contraintes sociales.

Image Intérprétation
L’illustration de Lamy
Les lignes de construction, qui se croisent en
formant une symétrie parfaite, séparent les
deux personnages, en marquant cependant,
par l’inclinaison des diagonales parallèles, le
mouvement de des Grieux vers Manon, qui,
elle, reste immobile. Leurs bustes,
s’inscrivant dans le triangle supérieur,
maintiennent la différence de mouvement.
C’est le premier moment de la rencontre :
« je m’avançai vers la maîtresse de mon
cœur. »
Chez lenoir
Les lignes de construction verticales et
horizontales isolent au centre parfait de
l’image les deux personnages, ainsi
rapprochés sur le fond du cadre, la cour de
l’hôtellerie. les deux visages, ainsi réunis.:La
rencontre a donc progressé : la conversation
est à présent engagée, et Manon ne se
dérobe pas. : « Je lui parlai d’une manière
qui lui fit comprendre mes sentiments. »

Le décor chez Lamy


La présence de quelques arbres à droite, et
surtout du « coche » qui occupe une place
importante dans l’image, met l’accent sur le
monde extérieur, sur le voyage, ce que
confirme d’ailleurs les bagages aux pieds de
Manon. Lamy suggère ainsi les péripéties à
venir et les déplacements.
Chez Lenoir
Le cadre est bien différent, plus urbain, avec les
pavés nettement marqués et les deux bâtiments.
Celui de gauche, plus neutre, peut représenter la
façade de l’hôtellerie ; celui du fond, avec les
fenêtres en ogive et les arcades du premier étage,
qui forme un promenoir, suggère plutôt un
bâtiment religieux, tel ce collège où des Grieux
vient de finir ses études. Le coche, lui, occupe une
place réduite. C’est donc surtout le cadre social,
avec le rôle que va jouer la religion, que Leloir
choisit de mettre en évidence
Les personnages chez Lami La technique de l’aquarelle met en valeur la
Le couple est mis en valeur par le vêtement, élégant beauté gracieuse de l’héroïne par les
pour le chevalier, jeune homme noble, que pour Manon dégradés bleutés de sa robe qu’elle relève
ses volants et ses dentelles. Des Grieux a ôté son bicorne légèrement d’une main pour laisser
pour une large salutation, tandis que la jeune fille, reste apparaître un jupon rose.(geste de séduction)
immobile, plus retenue, plus réservée. La redingote Ces couleurs pastels correspondent à la mode
orangée mêle le rouge et le jaune.Le peintre a donc du début du siècle, en lien avec le courant dit
choisi, pour le chevalier, les couleurs complémentaires au « rococo ». Le ruban noir noué à son cou fait
bleu,=> annoncer le couple à venir. Cette couleur plus ressortir la blancheur de son teint, tandis que
vive illustre bien aussi l’élan de ses sentiments. le la couronne dans ses cheveux, au lieu d’un
vêtement, avec les bas blancs, les souliers à talons, le pesant chapeau, confirme sa jeunesse.
bicorne, le ruban noué et le jabot entraperçu, illustre sa Le peintre lui prête aussi cet « air charmant »
noblesse, de même que sa longue chevelure attachée par qui séduit au premier regard des Grieux.
un ruban. Cela ne peut qu’être évalué par Manon,
d’autant plus que son visage légèrement tourné vers elle
montre tout l’intérêt qu’il lui porte.
Les personnage chez Lenoir.
Les figurants
De la même façon que Lami, Maurice Leloir
fait figurer en arrière-plan les deux
serviteurs en train de décharger les bagages
du coche.
À gauche, un homme bien vêtu, qui, vu sa
gestuelle, semble observer de loin le couple.
Absorbé dans sa réflexion, il peut représenter
Tiberge, l’ami de des Grieux.
Les couleurs, les confondant avec le décor,
effacent ces figurants en laissant la première
place au couple. , au premier plance sur la

toile.
Des Grieux
Tout en le rapprochant de l’héroïne, à
laquelle la gestuelle laisse supposer qu’il
exprime son amour, Leloir lui prête, par son
habillement et sa coiffure, la même noblesse
que Lami. Mais le choix des couleurs fait écho
à celles des vêtements de Manon, comme
pour soutenir le rapprochement des deux
héros
Manon chez Lenoir
En revanche, la représentation de Manon est
très différente de celle de Lami.
Son vêtement est bien moins luxueux,
renvoyant, par l’ampleur plus rigide de la
robe, à une époque antérieure à la Régence.
Cette robe, n’est pas décolletée, et le châle
drapé masque encore davantage le buste de la
jeune fille donc plus d’autérité. La couleur du
châle forme un écho avec celle du capuchon
qui couvre ses cheveux. Enfin, sa gestuelle
avec ses mains réunies pour tenir son petit
nécessaire de voyage, contribue à accentuer
l’impression d’une jeune fille modeste et
pudique, déjà prête à entrer au couvent. Le
peintre a donc voulu, par les couleurs plus
neutres, effacé impression de coquetterie.

POUR CONCLURE

Ces deux illustrations d’une des scènes-clés du roman de Prévost proposent deux
interprétations différentes.

 Celle de Eugène Lami offre l’image, d’une jeune fille coquette presque
libertine déjà, dont le charme attire irrésistiblement le chevalier, car son
attitude suscite le désir, ce qui ne la choque en rien

 Celle de Maurice Leloir renforce, au contraire, l’apparence ingénue d’une


jeune fille, dont la faiblesse est propre à rassurer et à attendrir le jeune
homme.

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