Le Chêne Et Le Roseau La Fontaine Analyse

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Le chêne et le roseau, La Fontaine : analyse

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Par Amélie Vioux

Voici une analyse de la fable « Le Chêne et le Roseau » de Jean de La Fontaine.

Le Chêne et le Roseau, La Fontaine, introduction :


Les Fables de La Fontaine sont publiées au XVIIe siècle. La Fontaine y met en scène le
plus souvent des animaux anthropomorphes qui illustrent les travers humains que le
fabuliste dénonce de manière ludique, son objectif étant de plaire et instruire.

Dans « Le chêne et le roseau » , il est plutôt exceptionnel de constater que La Fontaine ne


met pas en scène des animaux mais des végétaux, – un chêne et un roseau – qu’il oppose
au moyen d’un dialogue.

Questions possibles à l’oral de français sur « Le chêne et le roseau » :


♦ En quoi la fable « Le chêne et le roseau » est-elle un apologue ?
♦ Qu’est-ce qui fait l’efficacité de cette fable ?
♦ Quelle est la morale de la fable et comment La Fontaine l’amène-t-il ?
♦ En quoi peut-on dire de cette fable qu’elle est singulière?
♦ Que La Fontaine cherche-t-il à critiquer dans « Le chêne et le roseau » ?
♦ Quels procédés déploie La Fontaine pour plaire et instruire son lectorat ?

Annonce du plan :
Dans cette analyse, nous verrons que la fable « Le chêne et le roseau », plaisante pour le
lecteur par sa fantaisie et sa vivacité (I), est en même temps l’occasion pour le fabuliste
d’énoncer une morale implicite à la portée à la fois sociale et autobiographique (II).

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I – Une fable agréable

A – La structure du récit
La fable « Le chêne et le roseau » est construite comme un récit à part entière.

Elle met en scène des végétaux personnifiés, qui s’adressent l’un à l’autre.

Il ne s’agit donc pas d’un récit réaliste, mais merveilleux où les végétaux sont des
personnages qui parlent.

Par ailleurs, le fabuliste adopte la structure typique du récit :

♦ Le dialogue constitue la situation initiale : le Chêne s’adresse au Roseau pour vanter sa


force et plaindre la fragilité du Roseau, qui lui répond.

♦ L’élément perturbateur arrive aux vers 24 à 27 : il s’agit de la tempête.

♦ Les péripéties tiennent en deux vers brefs (v. 28-29) : ce sont les réactions des deux
personnages face à la puissance du vent qui redouble.

♦ Vient ensuite la résolution (v. 29-32) : le vent souffle si fort qu’il déracine le Chêne,
signant le triomphe du Roseau.

B – Un récit vivant
La fable « le chêne et le roseau » présente des rythmes et des rimes variés qui donnent
une certaine vivacité au récit.

Les vers ne sont pas tous de la même longueur : il s’agit donc d’une fable hétérométrique.
Or ces irrégularités mettent en valeur certains vers.

Ainsi, les alexandrins (vers de 12 syllabes) insistent sur la grandeur du Chêne, tel qu’il se
perçoit, et témoignent de son arrogance.

Les vers courts soulignent par contraste l’insignifiance du Roseau dans le discours du
Chêne.

On observe ainsi une opposition entre les octosyllabes qui font référence au Roseau, et les
alexandrins qui décrivent le Chêne, opposition soulignée par l’adverbe « Cependant » :
« “Le moindre vent qui d’aventure ”(octosyllabe)“
Fait rider la face de l’eau, ”(octosyllabe)“
Vous oblige à baisser la tête : ”(octosyllabe) “
Cependant que mon front, au Caucase pareil…” » (alexandrin)
(v. 4-7)

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Les vers courts dans la tirade du Chêne soulignent également son sentiment de toute
puissance.

Par exemple, le vers 9, qui clôt de manière abrupte les deux alexandrins qui le précèdent,
souligne la facilité avec laquelle le Chêne entend résister à la tempête :
« “Cependant que mon front, au Caucase pareil, ”(alexandrin)“
Non content d’arrêter les rayons du soleil, ”(alexandrin)“
Brave l’effort de la tempête.” » (octosyllabe)

Enfin, le contraste entre les vers courts et longs introduit des ruptures rythmiques qui
tendent à dramatiser le récit.

C’est le cas notamment au vers 26, où l’octosyllabe isolé entre des alexandrins accentue
l’effet produit par le superlatif associé à l’adjectif « “terrible” » :
« “Mais attendons la fin. » Comme il disait ces mots,
Du bout de l’horizon accourt avec furie
Le plus terrible des enfants ”(octosyllabe)
“Que ne Nord eût porté jusque-là dans ses flancs”
(v. 24-26).

Cette impression de vivacité est renforcée par le schéma des rimes.

On observe en effet des rimes suivies (« “souvent » / « vent » ; « injuste » / « arbuste »” v.


15-18), des rimes croisées (« “Roseau » / « Nature » / « fardeau » / « aventure” » v. 1-4), et
des rimes embrassées (« “tête » / « pareil » / « soleil » / « tempête” » v. 6-9).

La fable apparaît de ce fait très vivante et agréable pour le lecteur.

C – L’opposition entre le chêne et le roseau

Dans « Le chêne et le roseau », La Fontaine met en scène deux personnages très


contrastés, ce qui contribue à donner de la vivacité au récit.

D’abord, il choisit deux végétaux absolument opposés : le chêne, grand et massif, et le


roseau, petit et fin, à l’allure chétive.

Le champ lexical du corps insiste sur leur personnification : « “tête » (v.6) ; « front » (v.
7) ; « dos” » (v. 23).

Ensuite, le fabuliste accentue la différence entre les deux végétaux en attribuant à chacun
une parole très différente.

Le dialogue est introduit par le Chêne, dont la tirade s’étend sur seize vers, alors que la
réponse du Roseau tient en sept vers.

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La parole du Chêne apparaît donc plus ample que celle du Roseau, d’abord en termes
quantitatifs, puisqu’il est plus bavard, mais également en termes qualitatifs.

En effet, le chêne utilise un langage soutenu et ampoulé.

En témoignent les nombreuses hyperboles et périphrases employées par le Chêne qui,


portées par les alexandrins, apparaissent comme les évocations d’un univers glorieux et
majestueux :
« “Cependant que mon front, au Caucase pareil » (v. 7) ;
« Tout vous est Aquilon, tout me semble Zéphyr » ;
« Sur les humides bords des Royaumes du vent” » (v. 16).

Par contraste, la parole du Roseau reste très pragmatique et s’appuie sur des faits : il n’a
pas besoin de la pitié du Chêne, car il est moins fragile face au vent du fait de sa
souplesse, alors que le chêne n’est pas à l’abri de se voir déraciner un jour.

Si le Roseau utilise des alexandrins, ceux-ci sont néanmoins scindés, grâce à la


ponctuation, en propositions courtes qui tranchent avec les amples alexandrins du
Chêne.

En témoigne le vers 18, où l’alexandrin est divisé entre discours direct et discours
indirect :
“– Votre compassion, lui répondit l’Arbuste,
Part d’un bon naturel ; mais quittez ce souci.” (v. 18-19).

Enfin, l’opposition entre le chêne et le roseau est aussi soulignée par les termes qui les
caractérisent :

♦ «“ Chêne » / « Roseau”» au vers 1 les place sur un pied d’égalité au tout début du récit.
♦ « “L’Arbuste”» qui renvoie au Roseau (v. 18) tend à le diminuer suite à la longue tirade du
Chêne.
♦ Enfin, « “L’Arbre» / « Le Roseau ”» (v. 28) suggère une transformation dans les rapports
de force des deux végétaux, en faisant perdre de sa prestance au Chêne, vulgarisé
(« L’Arbre » ), et annonce le triomphe du Roseau à la fin de la fable.

II – Une morale implicite

A – L’arrogance du Chêne

La Fontaine insiste tout au long de la fable sur l’arrogance du Chêne en employant le


registre épidictique, par lequel le Chêne fait son propre éloge.

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L’arbre se fonde sur la nature pour affirmer comme un état de fait sa différence avec le
Roseau, en insistant sur l’insignifiance de son interlocuteur : « “Vous avez bien sujet
d’accuser la Nature » (v. 2) ; « Encore si vous naissiez à l’abri du feuillage » (v. 11) ; « Mais
vous naissez le plus souvent » (v. 15) ; « La nature envers vous me semble bien injuste” » (v.
17).

Il utilise le champ lexical de l’héroïsme et de la grandeur pour parler de lui, et l’oppose au


champ lexical de la fragilité et de la vulnérabilité pour évoquer le Roseau :
♦ « “Caucase ”» (v. 7) ; « soleil » (v. 8) ; « Brave » (v. 9)
#
♦ « Roitelet » (v. 3) ; « pesant fardeau » (v. 3) ; « souffrir » (v. 13).

Le parallélisme du vers 10 insiste à ce titre sur l’idée que le Roseau est à la merci du
moindre vent alors que le Chêne peut faire face à la tempête :
« “Tout vous est Aquilon, tout me semble Zéphyr” ».

Par ailleurs, le chêne établit un rapport de force hiérarchique avec le roseau.

Il insiste sur la soumission du roseau qui doit « “baisser la tête” » et affirme sa puissance
face au monde, puissance mise en relief par la ponctuation et l’adverbe « “Cependant” » :
♦ « “Vous oblige à baisser la tête : / Cependant que mon front, au Caucase pareil, / Non
content d’arrêter les rayons du soleil, / Brave l’effort de la tempête ” ».

Enfin, pour insister sur sa supériorité, il se montre condescendant à l’égard du Roseau. Il


prétend regretter de ne pouvoir lui offrir sa protection, mais c’est pour mieux se flatter en
affirmant sa puissance protectrice (v.11 à 14).

B – L’habileté du Roseau

Devant l’arrogance du Chêne, le Roseau se montre habile pour affirmer sa propre force.

En évitant tout conflit, il met en avant sa qualité principale de manière subtile : sa flexibilité.

Le roseau se révèle en effet diplomate et répond au Chêne avec égards.

Mais on sent pointer une certaine ironie que souligne la diérèse qui décompose le terme
« “compassion” » au vers 18 (« compassion » se prononce donc en 4 syllabes « com-pa-
ssi-on » et non en 3 syllabes « com-pa-ssion » ).

Le roseau feint d’être reconnaissant à l’égard du Chêne, mais lui répond en fait avec
habileté de manière ironique et tranchante : son discours, pragmatique, composé de
propositions courtes, est direct.

En témoigne par exemple l’injonction simple et efficace : « “mais quittez ce souci” » (v. 19).

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Il affirme sa supériorité face au vent par une affirmation simple : « “Les vents me sont
moins qu’à vous redoutables ”». L’usage du décasyllabe introduit ici une rupture rythmique
qui souligne le caractère tranchant de la réponse.

De même, il fait usage d’une gradation par laquelle il inverse le rapport de force avec le
chêne : « “Je plie, et ne romps pas. Vous avez jusqu’ici” » (v. 21).

Enfin, son discours se termine de manière subtile sur une menace mise en exergue par
l’opposition temporelle entre « “Jusqu’ici” » et « “la fin” » :
« “Vous avez jusqu’ici
Contre leurs coups épouvantables
Résisté sans courber le dos :
Mais attendons la fin”. » (v. 21-24).

C – Une morale sociale et autobiographique

L’opposition entre les deux végétaux permet au fabuliste d’exposer de manière implicite une
morale à la fois sociale et autobiographique.

Le chêne symbolise l’orgueil démesuré, faisant face au Roseau, symbole d’une sagesse
prudente, faisant de son adaptabilité sa force.

Le vent apparaît comme un troisième personnage, crucial parce qu’il arbitre le conflit
entre les deux végétaux : c’est lui qui a le dernier mot, et qui porte donc implicitement la
morale.

En déracinant le chêne, il punit son orgueil, lui rappelant combien il est peu de choses
puisqu’il n’échappe pas à la mortalité. C’est ce que soulignent les deux derniers vers de la
fable, opposant le désir de grandeur à la mort :
« “Et fait si bien qu’il déracine
Celui de qui la tête au Ciel était voisine
Et dont les pieds touchaient à l’Empire des Morts” » (v. 31-32).

On peut lire cette leçon, au-delà d’une dimension simplement morale, dans une perspective
sociale : ce n’est pas parce qu’on appartient à la classe sociale la plus élevée qu’on est
au-dessus de la nature. On n’est, malgré tout, qu’un homme, et il faut savoir rester humble.

Par ailleurs, cette morale peut revêtir un aspect autobiographique pour le fabuliste.

En effet, on peut penser que le Chêne représente Fouquet, ancien protecteur de La


Fontaine, financier du Royaume, emprisonné sur ordre du Roi pour avoir détourné de
l’argent. Louis XIV n’a pas pardonné à ce grand mécène de faire démonstration de sa
puissance et sa splendeur, notamment avec la construction du château de Vaux-le-
Vicomte.

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A ce titre, le vent apparaît comme une figure du Roi Louis XIV, au pouvoir absolu et
implacable que souligne la périphrase « “Le plus terrible des enfants” » (v. 26).

Enfin, on peut penser que le Roseau représente La Fontaine et sa nécessité d’être habile
et adaptable au sein de la cour de Louis XIV afin de demeurer sous la protection du roi
après la disgrâce de Fouquet.

Le Chêne et le Roseau, conclusion :


La fable « Le chêne et le roseau » est un apologue car elle vise à la fois à plaire et
instruire le lecteur.

La Fontaine y met en garde contre l’orgueil, et recommande à son lecteur, à travers la


figure du Roseau, de trouver sa force non dans le conflit direct, mais dans une sagesse
prudente.

Il démontre également le pouvoir des fables, manière pour lui de se faire Roseau, en
critiquant la société dans laquelle il vit de manière détournée, par le biais de la fiction.

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