Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
(Alinéa de 3 carreaux.) Montesquieu, né dans une famille de petite noblesse, a reçu la meilleure
éducation de son siècle. Avocat de formation, gros propriétaire, il ne s’est pas vraiment intéressé à la
procédure, se livrant à son goût dominant, à savoir la vie intellectuelle et l’écriture. Grand auteur du
siècle des Lumières, il n’a cependant pas participé à l’élaboration de l’Encyclopédie, la mort l’ayant
empêché de finir l’article qu’il lui destinait, et que Voltaire a parachevé. Elu à l’Académie Française, il
a adhéré par la suite, à une loge maçonnique. Toute sa vie, il est resté un gentilhomme provincial,
c’est-à-dire qu’il avait des rapports très simples avec ses paysans auxquels il distribuait son blé en
temps de famine et dont il recueillait les enfants orphelins ou abandonnés. Ses deux œuvres parues
l’une en 1748, l’autre en 1721, De L’Esprit des lois et les Lettres persanes dont est extrait ce
passage, le situent bien dans son siècle. (Première étape de l’introduction : Présentation de
l’auteur, de son siècle, et de son œuvre.)
(Alinéa de 3 carreaux.) Ce roman épistolaire, dont l’auteur est resté plusieurs années anonyme,
ce qui lui a permis de ne pas trop être inquiété par la censure, les premiers temps, a connu un vif
succès dès sa parution. Mais en 1751, le livre est convaincu d’impiété par l’Abbé Gautier qui signale
ses combats philosophiques. Dans cette œuvre, Montesquieu a utilisé son savoir pour rapporter sur
son temps un témoignage lucide. Plusieurs personnages correspondent avec divers destinataires, et
ici, dans la lettre LXXIV, Rica s’adresse à Ibben, domicilié à Smyrne, pour lui donner ses premières
impressions sur la vie à la française. Comment Montesquieu fait-il, à travers une lettre, une vive
critique de la noblesse de son temps ? (Deuxième étape de l’introduction : Présentation de
l’œuvre dont est tiré le passage, situation du passage, idée générale, combinée à la
problématique.)
(Alinéa de 3 carreaux.) Dans une première partie, nous verrons en quoi ce texte est une lettre
argumentative, puis en une deuxième partie, nous analyserons la portée de la critique qu’elle propose.
(Annonce du plan : Annonce du premier axe, annonce du deuxième axe.)
(Saut de 2 lignes, entre l’introduction et le développement.)
DEVELOPPEMENT.
(Alinéa de 3 carreaux.) Ce passage peut-être en effet qualifié de missive argumentative, car
outre les indices de l’épistolarité qui sont fort présents, il esquisse un portrait en filigrane de
l’un des narrateurs, lequel se pose en maître de l’argumentation. (Phrase introductive qui est
placée au début de l’axe, et qui en expose le thème majeur, ainsi que celui du premier
paragraphe, du deuxième paragraphe et du troisième paragraphe.)
Il apparaît que cet extrait appartient au genre de la lettre, par la présence permanente de l’émetteur,
lors du discours ou de la narration, que ce soit à travers son nom dans l’entête : « Usbek », ou grâce
au pronom personnel de la première personne du singulier, aux fonctions de sujet : « Je » (l.6, 8, 10,
13, 14, 15), complément : « Me, m’, moi » (l.1, 6, 13), ou déterminant possessif : « Mon, ma, mes »
(l.1). Mais Usbek ne parle pas dans le vide, il interpelle « Rica » (l.15), qui est le destinataire de la
missive, et tous deux sont réunis dans le domaine de la noblesse, et ce grâce au pronom personnel
de la première personne du pluriel, sous les formes de sujet : « Nous » (l.15, 18, 20, 21, 23, 27, 28),
de complément : « Nous » (l.17, 20, 21, 22), et de déterminant possessif : « Notre, nos » (l.19, 23).
L’emploi de ce pronom, atteste ainsi de l’amitié qui unit les deux hommes, et du haut rang qu’ils ont
tous les deux, même si celui de Rica est moins élevé que celui d’Usbek. (Argument, explication de
l’argument, citations et figures de styles, explications des citations. La reprise de l’argument
se fera à la fin du paragraphe) Les fonctions de la lettre sont aussi fort présentes dans ce passage.
Tout d’abord la fonction référentielle qui sert à donner une information : Si la lettre commence en
quelque sorte in media res, cette dernière apparaît au début du troisième paragraphe, grâce à
l’hyperbole : « Il fallut pourtant marcher » (l.10). Usbek a à peine eu le temps de s’étonner, sa lettre
sera d’autant plus efficace, qu’elle est une réaction immédiate et spontanée d’un homme qui vient de
vivre quelque chose qui l’a révolté. Ensuite, l’épistolier use de la fonction phatique, laquelle a pour rôle
d’ouvrir, de maintenir et de fermer le canal de la communication : « Usbek à Rica, à ***, De Paris, le
10 de la lune de Saphar, 1715 », qui sans être nommément des formules de politesses, peuvent les
représenter. Puis arrive la fonction métalinguistique qui établit et vérifie le code utilisé dans le
message, comme quand Usbek interpelle son ami, par son prénom, « Rica » (l.15) sans lui donner
aucun titre, ce qui est la politesse des amis, ou dans l’entête : « Usbek à Rica, à*** », et la fin de la
lettre : « De Paris, le 10 de la lune de Saphar, 1715 », laquelle ajoute une touche d’orientalisme, très à
la mode au XVIIIème siècle, avec le fait de compter en lunes, comme le soulignent : « Le 10 de la
lune », et le nom arabe du deuxième mois du calendrier lunaire : « Saphar ». Cet orientalisme est
mélangé à une touche de réalisme, avec la mention de la ville de « Paris », et l’année française :
« 1715 », année de la mort de Louis XIV. Ce mélange de réalisme et d’orientalisme permet de
contourner la censure, tout en montrant au lecteur un temps soit peu attentif, que la critique va bien
cibler les années 1715, à savoir le tout début du siècle des Lumières. La fonction expressive ou
émotive qui porte la marque de la subjectivité de l’émetteur est amplement prépondérante dans cette
lettre : Rica fait preuve de subjectivité en jugeant ce qu’il voit, comme le montrent les hyperboles : « Si
fier (l.10), tant de hauteur, si impitoyablement (l.11), tant de flegme, d’une manière si offensante
(l.12) », l’étonnement qu’il éprouve, puisqu’il emploie le verbe « Admirer » (l.13), à savoir considérer
avec surprise, avec étonnement une chose qui est extraordinaire en quelque manière que ce soit, le
jugement négatif qu’il porte sur le noble qu’il a visité, illustré par l’antanaclase sur le verbe :
« Représentais » (l.14, 15), dont la première occurrence cible le métier de comédien, et la deuxième,
qui signifie être semblable, par l’emploi de la périphrase hyperbolique : « Un grand sot » (l.15), et par
la comparaison qu’il effectue entre l’attitude e la noblesse française (l.10 à 13), qui évoque les
portraits de La Bruyère, et la leur, à lui et Rica (l.13 à 29). Enfin, ce passage s’illustre également par la
fonction poétique. En effet cette lettre propose une caricature de la noblesse, par le biais de l’ironie,
servie par des hyperboles : « Si fier (l.10), tant de hauteur, si impitoyablement (l.11), tant de flegme,
d’une manière si offensante (l.12) », et l’antanaclase sur le verbe : « Représentais » (l.14, 15). Elle
transcende donc le réel. Les fonctions de la lettre sont presque toutes respectées. L’apostrophe à
Rica, appelle implicitement une réponse, d’où la présence légère de la fonction conative. Ce texte
relève donc bien de l’épistolarité, et en cela, il permet au lecteur d’appréhender le locuteur en
profondeur. (Phrase de transition entre le premier paragraphe et le deuxième paragraphe. Elle
reprend le thème du premier paragraphe, et annonce celui du deuxième paragraphe.)
(Alinéa de 3 carreaux.) 2°- Un autoportrait en filigrane.
● Usbek se nomme lui-même, dans l’entête : « Usbek à Rica ».
● Son statut :
- Il évoque ses origines persanes, grâce aux :
◦ Périphrases : « A la cour de Perse (l.14), chez nous (l.17) ».
◦ Le champ lexical de l’Orient : « Usbek, Rica (l.15), Perse (l.14), lune de Saphar ».
═► Il est donc étranger, et cela lui permet de poser un regard neuf, parfois naïf sur la société
française, tout en évitant à son créateur, Montesquieu, les affres de la censure.
- Il est noble, comme le prouvent :
◦ La périphrase, complément de lieu : « A la cour de Perse » (l.14).
◦ Il est adulé par le peuple, « Des gens » (l.17), ainsi que le montre l’hyperbole : « Tous
les jours » (l.17).
◦ L’euphémisme : « Au-dessus d’eux » (l.18).
◦ Le champ lexical de la noblesse : « Cour (l.14), au-dessus d’eux (l.18), respecter (l.20),
grandeurs (l.22), cœur (l.23 → Ici courage.), majesté, prince (l.24), remontions, plus
haut (l.27), fierté (l.28) ».
● Son caractère :
- Orgueilleux, comme le prouve le champ lexical de l’orgueil : « Respecter (l.20, 25), cœur
(l.23), fierté (l.28) ».
- Courageux, comme le montre le champ lexical du courage : « Cœur (l.23), soutenir (l.24),
occasions périlleuses, animer, soldats (l.26) », renforcé par l’euphémisme : « Nous
représentions assez bien » (l.28-29), qui exprime sa valeur au combat.
- Croyant, comme le prouve l’apostrophe rhétorique : « A ! bon Dieu ! » (l.13).
- Il prend la dimension d’un sage, en usant d’un présent gnomique : « Au milieu des grandeurs,
qui endurcissent toujours » (l.21-22), qui explique à quel point le pouvoir durcit le cœur de
l’homme et lui ôte toute sensibilité.
- Généreux, bon, comme le soulignent :
Le champ lexical de la générosité et de la bonté : « Bien mauvais naturel (l.16), bienfaits
(l.19), aimables, communiquions (l.21), sensibles (l.22), descendions (l.23) ».
Le fait qu’il soit ami avec quelqu’un de moins noble que lui, au point d’en faire son
confident, puisque c’est à « Rica » qu’est adressée cette lettre.
═► Registre épidictique, tonalités épique, didactique.
CONCLUSION.
En conclusion, nous pouvons dire que cette lettre argumentative permet donc bien à l’auteur
des Lumières de critiquer la noblesse de son temps. Il la présente comme hypocrite, hautaine,
sans aucune bonté naturelle, elle est celle de l’absolutisme, et n’a plus de lien avec celle de la
féodalité, qui, normalement devait ressembler à celle qui est pratiquée en Perse. (Première
étape de la conclusion : Reprise du thème de l’axe I, et du thème de l’axe II, et intérêt de
l’étude.)
Cette noblesse presque utopique, ressemble à la manière dont lui, Montesquieu, s’occupait de ses
gens, avec une grande générosité. (Ouverture.)