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Digitalisation des banques françaises et reprise

économique
Faten Ben Bouheni, Mariama Guéladio Diallo, Chantal Ammi, Mondher Bellalah
Dans La Revue des Sciences de Gestion 2021/5 (N° 311), pages 41 à 53
Éditions Direction et Gestion
ISSN 1160-7742
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Digitalisation des banques françaises


et reprise économique
par Faten Ben Bouheni, Chantal Ammi, Mariama Guéladio Diallo et Mondher Bellalah

Faten BEN BOUHENI Chantal AMMI


Professeur en Finance Professeur en Marketing
IPAG Business School Institut Mines Télécom Business School
France France

DOSSIER – Renouveler la pensée en sciences de gestion


Mariama GUÉLADIO DIALLO Mondher BELLALAH
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Consultante en Gestion des projets et Start-up Professeur en Finance
MBA Banque, Assurance et Finance de Marché, Cy Cergy Paris Université et ISC Paris Business
EBS Business School Paris School
France France

L
a digitalisation bancaire est un phénomène provenant de d’agir, plus avertis, disposent de plus d’informations, peuvent
l’intégration de la technologie dans la vie quotidienne de comparer les prix et bénéficient ainsi d’une plus grande liberté
la banque. Avec le digital, les comportements des clients de choix. C’est ce que nous appelons la « révolution client ».
et des collaborateurs ont considérablement changé. La proxi- Pour développer une banque à proximité avec ses clients, la
mité, la qualité de service, le temps et les prix sont devenus banque se réinvente et repense le facteur distance (distance que
les facteurs clés de succès des banques qui font face à des le client n’est plus prêt à effectuer pour joindre son conseiller
consommateurs de plus en plus exigeants et mieux informés ou sa banque). Ce bouleversement, provoqué par l’apparition
des produits qu’ils achètent. du digital, est présent dans toutes les entreprises et sous toutes
Dans le contexte actuel du Covid-19, les banques se préci- les formes. Compte tenu de ce contexte, nous expliquons les
pitent à accélérer la digitalization de la plupart de leurs facteurs les plus impactants pour les banques et les moyens
opérations. Par exemple T. Groenfeldt (2020) montre comment pour elles d’y faire face ; alors qu’apparaissent de nouveaux
la performance de la banque digitale est liée à son innovation acteurs, comme ceux de la finance digitale et les FinTechs qui,
technologiquement. E. Paulet et H. Mavoori (2019) utilisent en réinventant le parcours client ou en développant des savoir-
le modèle DEA (Data Envelopment Analysis) et l’indice de faire de certaines des activités historiques des banques, les
productivité Malmquist pour mesurer l’efficience des institutions obligent à accélérer leur mutation. Ces mutations concernent
financières et leurs stratégies. Ils montrent que les besoins les banques en ligne, le « mobile Banking », les paiements, les
des clients sont le cœur de la stratégie des banques et que la relations entre banques et clients particuliers, et la révolution
technologie favorise la performance bancaire. numérique qui poussent inévitablement à se demander s’il
existe encore de la place pour les agences bancaires au coin
O. Klein (2015) explique que « les nouvelles technologies de la rue. Ainsi, les nouveaux outils numériques ont altéré
induisent une série de révolutions en chaîne dans notre vie deux paramètres, le facteur temps et le facteur distance. La
quotidienne, comme dans l’entreprise. La première est une relation entre le client et sa banque est devenue immédiate
révolution commerciale qui bouleverse les rapports entre les et l’achat de produits ou de services bancaires se fait mainte-
producteurs, les distributeurs et les clients. Ces derniers voient nant à distance. Le client pousse de moins en moins la porte
leur pouvoir très renforcé puisqu’ils sont aujourd’hui plus libres de son agence bancaire, sauf pour traiter de ses projets de vie

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significatifs. Et c’est bien là, le cœur du réacteur. La réinvention Nakamoto, qui annonce son invention en 2008 et publie un
da la banque est ainsi nécessaire pour sa survie. logiciel open source en 2009. Son unité de compte est le
Selon l’étude réalisée par M. Verdier en 2015, « les consom- « bitcoin », limitée à 21 millions d’unités et divisible jusqu’à la
mateurs britanniques se sont connectés 10,5 millions de fois huitième décimale. Toutes les transactions sont vérifiées par
par jour à des applications de services bancaires en ligne, les nœuds du réseau et enregistrées dans un registre public
utilisant ce canal pour transférer 2,9 Md£ par semaine en réputé infalsifiable appelé « Blockchain ». Selon J.Y. Forel
moyenne ». Le développement des services bancaires en ligne, (2015), « bien que l’utilisation de la carte bancaire ne cesse de
souvent proposés par des entrants non bancaires, a modifié progresser, devenant depuis une dizaine d’années le moyen de
considérablement les interactions concurrentielles dans le paiement privilégié des Français, plus de la moitié du nombre
secteur de la banque de détail. Ainsi, l’entreprise eBay offre de paiements reste encore effectué en espèces, surtout pour
depuis plusieurs années un service de paiement en ligne par les paiements de petits montants du quotidien ».
l’intermédiaire de la plateforme PayPal. Dans le domaine des
prêts, on peut également citer la plateforme Lendix qui met 1. Les grands épisodes des mutations
en relation sur Internet des entreprises cherchant du crédit des banques
avec des prêteurs particuliers et institutionnels.
Historiquement, les banques proposent deux grandes catégo- De plus en plus concurrentiel, le secteur bancaire connaît
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ries de services aux consommateurs : les services associés aux de profondes mutations. Il y a 10 ans, il était difficile d’imaginer
dépôts et les services associés aux prêts. Les services associés emprunter à des taux si faibles, comme il était presque inenvi-
aux dépôts comportent le stockage d’unités monétaires, sageable de penser qu’une banque de proximité pouvait être
les retraits d’espèces, les paiements, les offres de produits menacée par des innovations technologiques telles qu’Internet
d’épargne ainsi que l’accès à de l’information (sur le compte, ou le Smartphone. Ces changements récents nécessitent une
sur les produits disponibles, etc.). Les services associés aux prêts réactivité permanente de la part des banques qui peuvent
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incluent l’information sur les taux d’intérêt, l’intermédiation s’avérer être de réelles opportunités de mutations et de
entre demandeurs de fonds et prêteurs et les assurances. La développement. Simon (2015) définit trois grandes périodes
possibilité d’effectuer ces opérations en ligne a rendu possible de mutations bancaires :
le développement d’une offre de nouveaux services aux a. Les années 1960-1970 avec l’accompagnement de la
consommateurs. Le tableau 1 propose une classification des bancarisation de la société : La transformation des banques
services en ligne innovants proposés par les banques et les est importante durant ces années. Ainsi, entre 1965 et 1980, le
nouveaux entrants. Dans un contexte de défiance accrue des taux de bancarisation est passé de 35 % à 89 %, le nombre de
consommateurs, les banques doivent répondre aux nouvelles guichets a explosé et l’unité de compte du nombre de moyens
exigences de leurs clients, qui expriment une forte attente de paiement est devenue le milliard, contre la centaine de
de proximité (quel que soit le canal utilisé), de praticité, de millions. Par ailleurs, des moyens de paiement nouveaux sont
pertinence et de personnalisation accrues du conseil apporté. apparus, avec les cartes ou encore les avis de prélèvement.
Concernant la praticité ; qui se décline tant en termes d’accueil, Enfin, la gamme de produits offerts s’est considérablement
d’horaires, de canaux de relation avec un conseiller pour, le élargie, tant dans la banque corporate que dans la banque
cas échéant, ne plus avoir à se déplacer, de disponibilité et de détail.
de stabilité de leur interlocuteur ; les clients souhaitent une b. Les années 1980-1995 avec la professionnalisation du
banque plus simple, plus pratique à utiliser et à joindre. Pour marketing bancaire : La bancarisation étant largement engagée,
la pertinence du conseil, les clients sont également deman- il était impératif de vendre plus et mieux à chaque client. Ainsi,
deurs de conseils accrus plus appropriés et exigent une vraie la part des commissions dans le PNB (Produit Net Bancaire) de
personnalisation de la relation, donc, ici encore, une stabilité la banque de détail est passée de 20 % au début des années
de leur conseiller. 1990 à 40 %-50 % aujourd’hui. De plus, le recours massif aux
Les moyens de paiement ont subi des développements innovations technologiques a permis à certains groupes
importants au cours des dernières années. Plusieurs catégories financiers, en se focalisant sur des métiers financiers précis, de
de moyens de paiement existent, à titre d’exemples : les espèces, prendre des parts de marché, concurrençant ainsi les banques
les chèques, les virements, le prélèvement, les cartes bleues généralistes. Enfin, durant cette période apparaît un premier
et les « bitcoins » (monnaie virtuelle qui n’est pas reconnue débat sur la concurrence éventuelle des « non-banques”. Mais
comme monnaie par la banque centrale mais qui est acceptée personne ne pense, bien sûr, à cette époque aux FinTechs.
comme moyen de transaction ou de paiement en ligne). Le c. Les années 1995-2015 avec le changement de paradigme :
« bitcoin » (de l’anglais bit : unité d’information binaire et coin le rêve des banquiers-informaticiens du « tout temps réel »
« pièce de monnaie »)1 est une monnaie cryptographique et (mise à jour immédiate d’une situation dès lors qu’entre une
un système de paiement « pair-à-pair » inventé par Satoshi information quelconque la modifiant) est devenu réalité ;

1. Définition de la block Chain bitcoin d’Amsterdam

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transformant ainsi la qualité et la nature des services rendus. moins coûteux. En dix ans, le secteur bancaire a ainsi connu plus
Toute donnée est disponible instantanément, n’importe où et de changements qu’en 200 ans. Les FinTechs se développent
n’importe quand. Le professionnalisme des équipes techniques dans tous les domaines, de la gestion d’épargne au prêt pour
bancaires a permis les deux passages à l’euro sans incident avec les particuliers, en passant par le financement des entreprises
le big bang de l’ensemble des marchés financiers le 1er janvier ou le paiement en ligne.
1999 et l’introduction de l’euro dans les activités de retail le En France et en Europe, malgré une présence importante
1er janvier 2002, avec pour contrepartie le report de dévelop- des FinTechs, la banque classique garde toujours le rôle d’inter-
pement de quelques années. Il est, en effet, vite apparu trop médiaire financier. Mais le rôle des banquiers à long terme
risqué de saisir l’opportunité du passage à l’euro pour muter peut-il être remis en question ? Selon les études précédentes,
les systèmes informatiques ; d’autant plus qu’entre-temps, on pourrait penser que le rôle des banquiers a tendance à
il y avait le passage à l’an 2000. Il fallait d’abord sécuriser disparaître face à une digitalisation accrue, mais cette dispa-
le passage à l’euro, qui s’avéra être une réussite technique rition dépend des pays, des sociétés et de la confiance que les
incontestable. Enfin, le décalage en Europe aura été important clients ont envers ces stars-up.
entre les possibilités offertes par Internet et leur appropriation Même si les FinTechs semblent a priori concurrencer les
par tous les acteurs. banques, le secteur bancaire traditionnel garde une position
Les banques font ainsi face à des concurrents de plus en très largement dominante sur le marché. Si leur place d’inter-

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plus nombreux tels les FinTechs, les entreprises non bancaires médiaire est remise en cause par ces nouvelles plateformes
qui proposent les mêmes produits que les banques et les qui mettent directement en relation les particuliers entre eux,
GAFA (Google, Amazon, Facebook et Apple), ainsi qu’à une peu de FinTechs concurrencent réellement les banques. En fait,
réglementation de plus en plus pointue et des clients très en elles proposent généralement des services complémentaires
avance sur les informations des produits. à l’offre traditionnelle, qui forcent les banques à innover.
Ces changements ont obligé les banques à des change- En offrant des services complémentaires à ceux des banques,
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ments de certains métiers autour comme le gestionnaire en certaines ont attiré l’attention de grands groupes bancaires ;
Back-Office, le chargé de clientèle particulier, et le Directeur ainsi pour profiter de la technologie utilisée par la start-up
d’agence. américaine Simple, la banque BBVA l’a rachetée pour 117 m$
Notre analyse comparative de la Société Générale et de en mars 2004. De même, en France, BNP Paribas a lancé
BNP Paribas a pour objectif de : début 2015 son projet Innov&Connect, tandis que la Société
– permettre aux banques de s’imprégner de la présence Générale a mis en place des partenariats avec des start-up. La
accrue des concurrents, du besoin de réinvention de leur Banque Populaire a, quant à elle, lancé sa plateforme locale
milieu et pourquoi pas de faire de leurs concurrents des alliés de crowdfunding, Proximea, à Nantes.
et non des ennemis ;
– comprendre d’une manière plus fine les performances 1.2. Le domaine de la « blockchain »
et les faiblesses des deux banques (Société Générale et BNP
Paribas) dans le cadre de leur transformation digitale. La « blockchain » est une technologie de stockage et de
Les enjeux que les banques françaises affrontent sont transmission d’informations, transparentes, sécurisées, et
importants, en particulier avec l’accélération de la digitali- fonctionnant sans organe central de contrôle. Par extension,
sation dans le context de la COVID-19. Elles doivent en effet une « blockchain » constitue une base de données qui contient
conduire de lourds chantiers de transformation ; et ce, alors l’historique de tous les échanges effectués entre ses utilisa-
que la faiblesse des taux d’intérêt continue de peser sur leurs teurs depuis sa création. Cette base de données est sécurisée
marges et les empêche de bénéficier pleinement des conditions et distribuée : elle est partagée par ses différents utilisateurs,
économiques (Poulennec, 2018). sans intermédiaire, ce qui permet à chacun de vérifier la
validité de la chaîne.
1.1. Émergence de la FinTech dans le monde Il existe des « blockchains » publiques, ouvertes à tous, et des
« blockchains » privées, dont l’accès et l’utilisation sont limités
La FinTech qui combine les termes « Finance » et à un certain nombre d’acteurs. Une « blockchain » publique
« Technologie » désigne une start-up innovante qui utilise la peut donc être assimilée à un grand livre comptable public,
technologie pour repenser les services financiers et bancaires. anonyme et infalsifiable. Comme le mentionne le mathéma-
Suite à la crise économique de 2008, de nombreux banquiers ticien J.-P. Delahaye (2015), il faut s’imaginer « un très grand
et traders ont quitté les grands centres financiers de la planète cahier, que tout le monde peut lire librement et gratuitement,
et se sont lancés dans des aventures entrepreneuriales pour sur lequel tout le monde peut écrire, mais qui est impossible
repenser le modèle de la finance grâce à l’innovation techno- à effacer et indestructible ». La première « blockchain » est
logique. apparue en 2008 avec la monnaie numérique « bitcoin »,
Leur objectif est de rendre la finance plus simple et plus développée par un inconnu se présentant sous le pseudonyme
accessible, en proposant des services de meilleure qualité et Satoshi Nakamoto. Elle en est l’architecture sous-jacente.

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Figure 1. « Blockchain »
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Si « blockchain » et « bitcoin » ont été construits ensemble, de confiance » centralisés (métiers de banques, notaires,
aujourd’hui de nombreux acteurs (entreprises, gouverne- cadastre) par des systèmes informatiques distribués. Bien
ments, etc) envisagent l’utilisation de la technologie « block- évidemment, ces promesses ne sont pas exemptes de défis,
chain » pour d’autres cas que la monnaie numérique. Toute qu’ils soient économiques, juridiques, de gouvernance, ou
« blockchain » publique fonctionne nécessairement avec une encore écologiques.
monnaie ou un « token » (jeton) programmable. « Bitcoin » C’est pourquoi certains utilisateurs abordent la technologie
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est un exemple de monnaie programmable. Les transactions « blockchain » sous tous ses angles, sans parti pris, et sans en
effectuées entre les utilisateurs du réseau sont regroupées par occulter ses limites.
blocs. Chaque bloc est validé par les nœuds du réseau appelés
les “mineurs”, selon des techniques qui dépendent du type 2. Étude empirique : digitalisation bancaire
de « blockchain ». Dans la « blockchain » du « bitcoin » cette
technique est appelée le “Proof-of-Work”, preuve de travail, Nous avons effectué une étude quantitative basée sur l’ana-
et consiste en la résolution de problèmes algorithmiques. lyse des rapports annuels et des documents de référence de
Une fois le bloc validé, il est horodaté et ajouté à la chaîne 2016 des deux grands groupes bancaires français : BNP Paribas
de blocs. La transaction est alors visible pour le récepteur ainsi et Société Générale. Ces deux groupes bancaires français ont
que l’ensemble du réseau. adopté deux stratégies uniques envers les FinTechs.
Ce processus prend un certain temps selon la « blockchain »
dont on parle (environ une dizaine de minutes pour « bitcoin », 2.1. Analyse comparative : BNP Paribas
15 secondes pour Ethereum). Le caractère décentralisé de la versus Société Générale
« blockchain », couplé avec sa sécurité et sa transparence,
promet des applications bien plus larges que le domaine Cette étude approfondie est basée sur une analyse compa-
monétaire. On peut classer l’utilisation de la « blockchain » rative des stratégies digitales de BNP Paribas et de la Société
en trois catégories : Générale et des conséquences de cette digitalisation en termes
– les applications pour le transfert d’actifs (utilisation de stratégie, de coûts, de financement, d’investissement et
monétaire, mais pas uniquement : titres, votes, actions, obliga- d’approche envers la clientèle.
tions…) ;
– les applications en tant que registre : elles assurent ainsi 2.1.1. BNP Paribas
une meilleure traçabilité des produits et des actifs ;
– les smart contracts : il s’agit de programmes autonomes Le digital a touché plusieurs activités de la banque notam-
qui exécutent automatiquement les conditions et termes ment :
d’un contrat, sans nécessiter d’intervention humaine une fois
démarrés. Le paiement électronique
Les champs d’exploitation sont immenses, banques,
assurance, santé et industrie pharmaceutique, « supply chain », Dans un contexte marqué par l’essor de l’internet fixe et
de nombreux secteurs (agroalimentaire, luxe, commerce inter- mobile, la multiplication des innovations technologiques, le
national, distribution, vins, aéronautique, automobile…), indus- développement du e-commerce et l’apparition de nouvelles
trie musicale, énergie, immobilier, vote… De façon générale, attentes des consommateurs (en termes de parcours clients
les « blockchains » pourraient remplacer la plupart des « tiers et expérimentations d’utilisations), les solutions de paiement

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électronique sont en plein essor. Ainsi, Paylib, lancé en 2013 Malgré une hausse de ses effectifs à l’international, BNP
par BNP Paribas, Société Générale et la Banque postale, s’est prévoit de supprimer des effectifs au niveau de sa banque
désormais imposé comme le principal portefeuille électronique de financement et d’investissement pour se recentrer sur des
du secteur bancaire en France, notamment depuis l’adhésion postes de « Data scientists ». Ainsi le groupe prévoit jusqu’à
de Crédit Mutuel Arkéa et du Crédit agricole. 675 départs volontaires dans l’hexagone sur trois ans dans tous
Les nouvelles fonctionnalités digitales de Paylib conti- les métiers, soit un peu plus de 10 % des effectifs du pôle BFI,
nuent par ailleurs à se développer, comme le « paiement qui compte 6 000 salariés.
sans contact » déployé à grande échelle fin 2016, après une
expérimentation quelques mois plus tôt. Par ailleurs, BNP
Paribas a multiplié les partenaires et les expérimentations
avec des start-up dans le domaine du paiement.

Offensives de BNP Paribas dans le domaine des paiements


électroniques

Tableau 1. Paiements électroniques de BNP Paribas

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Figures 2. Évolution des effectifs de BNP Paribas 2016

Source : Rapport annuel BNP Paribas 2016.

L’évolution des effectifs de BNP Paribas


Avec 192 418 personnes fin 2016 (cf. Figures 2), les effectifs
totaux de BNP Paribas ont progressé de 1,8 % par rapport à
l’exercice précédent, évolution qui s’explique principalement
par trois facteurs :
1. l’acquisition de la société courtage Sharekhan en Inde ;
2. le rachat de nouvelles activités par la société de location
longue durée de véhicules Aral en Amérique du Sud ; Parallèlement à ce plan de suppression de postes, BNP
3. le développement des activités de banque de financement Paribas va créer 221 postes sur des compétences nouvelles
et d’investissement au Portugal et en Inde. liées notamment au digital et à l’industrialisation des métiers
du marché et de financement sur les marchés, afin de recruter
Par ailleurs, le groupe a poursuivi ses embauches. En 2016, des spécialistes de la « blockchain » ou des « data scientists ».
plus de 20 000 nouveaux collaborateurs ont été recrutés (avec Ces postes pourront être pourvus via des mobilités internes au
61 % sur les marchés domestiques et les autres activités en groupe ou des recrutements externes. La montée en puissance
Europe et 39 % dans le reste du monde) ; mais parallèlement, sur le digital s’accompagne en parallèle d’une réduction de
BNP a enregistré quasiment le même nombre de départs en son réseau. Ainsi, BNP Paribas a déjà supprimé environ 10 %
CDI (retraités, démissions, ruptures conventionnelles, etc.). de ses agences depuis 2012 (Chocron et Drif, 2016), et elle

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resence la fermeture de 500 agences, soit près de 22 % de son Hello Bank tout en opérant sous la marque Consorsbank. Le
reseau, entre 2010 et 2020. Cependant l’effectif salarié de BNP « Pure player » est également présent en Belgique, en Italie et
Paribas ne cesse pas de diminuer, notamment en percentage en Autriche depuis 2015. La banque digitale de BNP Paribas a
d’évolution comme indiqué dans Figures 2. généré environ 10 % des revenus du groupe en provenance des
On remarque que malgré une digitalisation des services particuliers. Totalement dématérialisés, les services d’Hello
de BNP Paribas, on ne constate pas une baisse des effectifs Bank sont disponibles sur smartphone, tablette ou ordinateur.
dans le temps mais bien une hausse, malgré une suppression L’ouverture d’un compte et la signature d’un contrat se font via
importante d’agences. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce la réception d’un code secret en ligne. Cependant, les clients
phénomène : 1) une implication plus importante à l’interna- de la filiale peuvent tout de même s’appuyer sur le réseau
tional, 2) une nette hausse des métiers liés au « data scientist », d’agences physiques du groupe BNP Paribas pour déposer
des acquisitions de plusieurs sociétés en Inde, au Portugal et leurs chèques ou leurs espèces. Les 6 124 automates BNP
en Amérique du Nord, une exploitation d’autres marchés à Paribas permettent également aux clients de Hello Bank de
fort potentiel de croissance comme la banque en assurance retirer des espèces sans frais.
dommages aux particuliers (auto et habitation), un manage-
ment des équipes plus rigoureux. Hello Bank propose la souscription en ligne pour une large
Pour compenser cette rationalisation des agences, BNP gamme de produits financiers, tels les produits exclusifs Hello
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Paribas a sensiblement renforcé ses investissements digitaux Bank : comptes courants, livrets d’épargne, crédits à la consom-
au sein des agences en cherchant à améliorer l’expérience et mation et prêts immobiliers ; une partie de l’offre de produits
le parcours client ou en accroissant l’efficacité commerciale bancaires proposée par BNP Paribas : investissements boursiers,
de ses conseillers. produits d’épargne, d’assurance ou encore prévoyance.
Fin 2016, 77 % des agences étaient équipées d’un dispositif Au cours de la période récente, Hello Bank a multiplié les
de vidéos conférence et 83 % proposaient un accès wifi à partenaires avec des plateformes de « crowdfunding », qui
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leurs clients. lui permettent de proposer de nouvelles solutions d’investis-
Dans 80 % du réseau, les conseillers ont « basculé » sur un sement aux particuliers.
nouveau poste de travail mobile sur tablette. BNP cherche
ainsi à tirer profit des opportunités du digital pour réinventer
le relationnel et orchestrer une proximité « phygitale », en
réponse aux nouvelles attentes des clients.
Ce concept consiste à déployer le digital dans tous les points
d’accueil physiques lorsque cela est possible techniquement.

Figure 4. Portefeuille clientèle Hello Bank.

La stratégie du groupe BNP Paribas envers les FinTechs


Ces dernières années ont été marquées par un renforcement
Figure 3. Réseau de distribution. de la place de BNP Paribas dans l’écosystème des Fintechs qui
Source : Rapport annuel BNP Paribas 2016.
repose sur une exploitation intensive des potentialités offertes
par les nouvelles technologies de l’information. L’objectif est
L’émergence de la banque digitale : Hello Bank de renouveler la promesse de valeur d’un secteur qui demeure
L’introduction de Hello Bank constitue une innovation des très traditionnel dans son approche pour, in fine, proposer de
banques en ligne de BNP Paribas parmi d’autres comme, Cortal nouvelles expériences clients plus modernes.
Consors et La Net Agence. Hello Bank a été lancée en France
en 2013, cette filiale mobile 100 % digitale du groupe BNP Rares sont aujourd’hui les activités bancaires qui n’ont
Paribas est ainsi le cinquième opérateur en termes de nombre pas été touchés par le phénomène Fintech. Des moyens de
de clients dans l’hexagone (après Boursorama Banque, Fortuneo paiement aux solutions de crédit, en passant par la gestion
et Monabanq). Elle totalisait 284 000 clients en France fin 2016, privée, la multitude de nouvelles offres vient bousculer les
et gérait au total un portefeuille de 2,5 millions de clients modèles de la finance traditionnelle. Se positionnant au plus
fin 2016, dont 1,5 million en Allemagne, issus de l’ancienne près des clients finaux, ces nouveaux entrants cherchent à
banque en ligne Cortal consors, qui fait désormais partie de réintermédier la relation client, source de création de valeur.

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Tableau 2. Principaux faits marquants portant sur l’évolution de BNP Paribas auprès des FinTechs

Dates Commentaires
Mars 2016 BNP Paribas accueille 8 Nouvelles Fintechs (sélectionnés parmi 142 dossiers) au sein de l’accélérateur d’inno-
vation de l’atelier de BNP Paribas. Pendant 4 mois, ces start-up intègrent le programme d’Open Innovation et
bénéficient du soutien technique et financier du groupe bancaire pour poursuivre leur développement sur les
problématiques telles que l’amélioration du parcours client et la banque, la conception de nouvelles offres, la
simplification des process internes ou encore l’accélération de la transformation digitale.
Juin 2016 BNP Paribas multiplie les initiatives d’Open Innovation avec les Fintechs. Le groupe lance ainsi une deuxième
saison de BNP Paribas International Hackathon, qui se tient dans 8 villes (San Francisco, Londres, Paris, Bruxelles,
Paris, Varsovie, Istanbul, Berlin et Rome). Une centaine de start-up sont sélectionnées pour travailler sur des
thématiques comme l’amélioration de l’expérience clients dans divers domaines : achat immobilier, biens de
consommation, besoin de trésorerie pour les PME, conseil financier en ligne, etc.
Septembre 2016 Ulule, plateforme de « Crowdfunding » sous forme de dons (permettant à des internautes de financer des projets
créatifs, innovants ou solidaires), réalise une levée de fonds de 5 m€, auprès de fonds d’investissement Citizen
Capital, Maif et BNP Paribas, son mentor historique. Ces fonds permettent à la start-up française d’accélérer
le développement de sa technologie et de poursuivre son expansion internationale, recensant 1,2 million de
membres, Ulule a collecté plus de 60 m€ dédiés au financement de plus de 14 000 projets dans 190 pays.

DOSSIER – Renouveler la pensée en sciences de gestion


Décembre 2016 BNP Paribas réalise un investissement de 1,3 m€ dans la start-up PayCar, qui a développé une nouvelle solution
de paiement sécurisée pour les ventes de véhicules d’occasion, sous la forme d’un chèque de banque digitalisée.
Celle-ci sera intégrée dans une offre globale de financement et d’assurance automobile.
Janvier 2017 BNP Paribas Securities Services, filiale du groupe spécialisé dans le métier titres, prend une participation dans
la start-up Fintech Fortia Financial Solutions, qui s’appuie sur l’intelligence artificielle, le « machine learning » et
le contrôle des processus métier pour permettre au secteur des fonds de respecter des exigences de conformité
croissantes. Elle a ainsi développé Innova, une plateforme nouvelle génération, qui permet aux géants et aux
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investisseurs institutionnels de vérifier la conformité de leurs investissements avec les exigences réglementaires
locales et internationales. La participation financière de BNP Paribas dans Fortia devrait permettre à la FinTech
de financer son développement. Cette dernière bénéficie également de l’expertise et du savoir-faire de BNP
Paribas Securities Services qui envisage de déployer Innova au sein de son activité de banque dépositaire.

Mais la concurrence entre les deux catégories est rarement remettre en cause tout système de transactions, de transfert de
frontale. En pénétrant dans l’écosystème des Fintechs, l’objectif propriété et de certification ; et enfin remettre en cause l’utilité
de BNP Paribas est d’observer au plus près ces nouveaux des autorités centrales, le rôle des plateformes centralisatrices
modèles, d’échanger, de décrypter les nouveaux usages, etc. et in fine celui des tiers de confiance.
Le groupe bancaire, s’est ainsi rapproché de nombreuses
Fintechs, relevant de divers domaines comme les paiements, Le secteur bancaire est très clairement entré dans une
les plateformes de financement participatif, la conformité des logique d’expérimentations de la technologie du registre
investissements, etc. Il intervient dans l’écosystème des start-up distribué sur la base de collaborations diverses et d’expéri-
sur la base de modalités extrêmement variées : technique, mentations de la technologie du registre distribuée sur la base
financier ou commercial. BNP Paribas y joue surtout un rôle de collaborations diverses et variées.
d’accompagnement des Fintechs, par le biais de l’accélérateur
d’innovation de l’Atelier BNP Paribas. Le groupe BNP Paribas s’est ainsi associé à plusieurs consor-
tiums, pour mener des travaux collectifs avec d’autres groupes
Les initiatives du groupe dans le domaine de la « blockchain » bancaires. Des initiatives individuelles se sont également
La technologie « Blockchain », par ses propriétés, porte multipliées. La technologie du registre partagé est synonyme
en elle de nombreuses opportunités de transformation de de nombreuses opportunités : transparence et simplifica-
l’économie, aussi bien dans le domaine privé que public. Si tion des transactions, rapidité et efficacité, décentralisation,
l’objectif initial de la technologie « Bitcoin », était de concevoir programmation, irrévocabilité, sécurité et réduction des coûts.
une application liée à la monnaie, toutes sortes de transactions
sont désormais envisageables. Une étude menée par la banque Santader estime que
l’utilisation de cette technologie dans le domaine de finance
La technologie du registre partagée, et la confiance inhérente pourrait générer entre 15 et 20 Md€ d’économie de coûts par
à son fonctionnement peuvent venir concurrencer tout système an, notamment dans le cadre des infrastructures des paiements,
de transactions, de transfert de propriété, de certification ; du trading, de la mise en conformité, etc.

La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion no 311 – septembre-octobre 2021 – finance 47
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Les différentes initiatives collectives et individuelles de BNP


Paribas sur la « Blockchain »
Tableau 3. Initiatives de BNP Paribas
DOSSIER – Renouveler la pensée en sciences de gestion

Figures 4. Effectifs salariés Société Générale.


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Source : Rapport annuel BNP Paribas, données 2016. Trois plans de suppression d’effectifs sont en cours ; les
suppressions d’effectifs constituant un puissant levier de baisse
des coûts. Une majeure partie des postes supprimés (plan en
2.1.2. Société Générale cours ou à venir) est liée directement à la montée en puissance
Cette tendance de digitalisation a poussé toutes les banques du digital dans la banque, qui donne la possibilité aux clients
vers une modernisation et une adaptation de la technologie, de réaliser eux-mêmes certaines opérations courantes ou
comme la Société Générale. d’améliorer l’efficacité opérationnelle.
Les réductions d’effectifs annoncées au cours de la période
L’évolution des effectifs de Société Générale (plan de récente par la Société Générale s’effectuent toutes sans licen-
suppression) : digitalisation ciement, ni départ contraint ; et reposent sur le non-rempla-
cement des collaborateurs qui quittent le groupe (départs en
Dans un contexte marqué par de fortes contraintes réglemen- retraite, démissions, …) :
taires, des conditions du marché difficiles et face à la nécessité – un recentrage dans la banque de financement et d’investis-
de réduire les coûts, les effectifs de la Société Générale ont sement et dans la gestion d’actifs : SG a annoncé en avril 2016
baissé au cours des dernières années. Le nombre de colla- un plan de suppression de 125 postes en France dans la banque
borateurs est passé de 160 000 en 2011 à 145 700 fin 2015 de financement et d’investissement et dans la gestion d’actifs,
(correspondant à 131 715 effectifs équivalents temps plein). 90 postes dans les activités de marché, 35 postes dans la société
Ces évolutions ont été réparties selon les métiers en 2015. Les de gestion d’actifs Lyxor AM, notamment dans le « middle
effectifs ont baissé de 6,5 % dans la banque de détail et les office » et les fonctions supports ;
services financiers internationaux et de 1,5 % dans la banque – un plan de transformation du réseau en France : Dans
de détail en France. À l’inverse ils ont progressé de 10 % au le cadre de son plan de transformation du réseau en France
sein du pôle de banque de grande clientèle et de solutions annoncé en 2015, le groupe a annoncé 2 000 suppressions de
investisseurs et de 11 % dans les directions centrales, en postes ; réduction directement liée à la fermeture de quelque
lien notamment avec la montée en puissance des équipes 400 agences ;
informatiques. – des restaurations des plateformes de traitement, avec en
Le groupe a par ailleurs limité les recrutements, avec 15 555 mars 2016, l’annonce par la SG d’un projet d’évolution de ses
contrats à durée indéterminée, un nombre en baisse de 5,6 % sur plateformes de traitement des opérations clients (opérations de
un an, et 9 627 contrats à durée déterminée (-1,3 % sur un an). crédit, opérations sur internet, vérifications des dossiers, gestion
Par ailleurs, le nombre de départs de salariés en CDI s’est des successions, etc.). À l’heure actuelle, le groupe compte
élevé à 19 402 en 2016, en progression par rapport à l’année 20 pôles services clients dédiées à la gestion administrative,
précédente. avec un effectif total de 3 250 salariés. Cette restructuration

48 La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion no 311 – septembre-octobre 2021 – finance
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est nécessaire face à la digitalisation croissante de certaines partenariats, des investissements, des POC et des échanges,
opérations dans la banque de détail. et ce, bien au-delà des frontières de l’hexagone. En 2015, la
filiale de Société Générale Boursorama annonçait l’achat
Le digital dans le réseau et la banque en ligne de Fiduceo, spécialiste français des solutions de gestion des
Dans le cadre de son plan 2020 visant la réorganisation de finances personnelles en ligne. L’expertise de cette FinTech a
son réseau, la banque a investi 1,5 milliard d’€ dans la transfor- permis le développement d’un agrégateur de comptes pour
mation numérique des enseignes Société Générale, Crédit du les clients de Boursorama, puis pour ceux du Crédit du Nord
Nord et Boursorama. En 2018, sur les 60 000 à 70 000 ouvertures et de Société Générale. Aujourd’hui, le Groupe ne cesse de
de comptes de particuliers enregistrés chaque année, de 2 à tisser des liens plus forts avec l’écosystème des start-up et
3 % étaient réalisées en ligne. La montée en puissance de la des FinTechs. En France, engagée auprès des professionnels,
banque en ligne figure parmi les priorités du groupe ; et des artisans, commerçants, Société Générale s’associe à Bulb in
efforts sont ainsi déployés pour démarrer l’offre de la banque Town, plateforme de financement participatif avec la volonté
digitale Boursorama. commune de favoriser l’émergence de nouveaux projets, et
Le développement de la banque en ligne passe également d’accompagner l’innovation et l’économie locale. En Afrique, où
par l’amélioration des services proposées sur les numériques, Société Générale figure parmi les trois banques internationales
comme en témoignent les nouvelles fonctionnalités de l’appli- les plus présentes, le Groupe répond aux enjeux de bancarisa-

DOSSIER – Renouveler la pensée en sciences de gestion


cation mobile ou encore le compte twitter du groupe, dédié à tion en développant des solutions de paiement innovantes avec
la relation clientèle, qui garantit une réponse d’un conseiller la FinTech TagPay. En Inde, la Société Générale accélérateur
en moins de 30 minutes. En 2018, le groupe comptait quelque Catalyst ouvre des enjeux business à l’écosystème indien. Des
4 millions de clients utilisant les services bancaires mobiles FinTechs locales collaborent avec les métiers concernés pour
(contre 3,6 en 2014), et 67 millions de connexions aux services apporter une solution prototype en 6 semaines seulement
numériques sont enregistrées par mois. autour des thèmes de l’intelligence artificielle, le « machine
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learning », les big data, la visualisation des données, la trans-
cription audio en texte et l’analyse du sentiment des clients.

– Tagpay en Afrique
Grâce au partenariat conclu avec TagPay, FinTech française
dont Société Générale est actionnaire, le Groupe a lancé YUP,
un nouveau modèle alternatif à la banque traditionnelle en
Afrique. YUP est une solution de « mobile money » qui permet
d’accéder à une gamme complète de services transactionnels
et financiers sans même posséder de compte bancaire. Destiné
à la clientèle bancarisée et non bancarisée, YUP est accessible
à tout détenteur de mobile (smartphone ou téléphone mobile
classique) quel que soit son opérateur téléphonique.
– Smartkarma, plateforme de recherche action privée
Société Générale a signé un accord avec la FinTech
Smartkarma, plateforme en ligne de recherche en investisse-
ments centrée sur les marchés asiatiques. Dans le cadre de cet
accord, Société Générale propose à ses clients institutionnels
un accès à une nouvelle forme de recherche actions ; fournie
par des analystes, des chercheurs, des scientifiques et des
stratégistes reconnus ; au contenu établi sur mesure en fonction
de la demande.
– Financement participatif de proximité avec Tudigo
Société Générale est associée à Tudigo (ex-Bulb in Town),
plateforme de financement participatif (« crowdfunding ») qui
depuis 2012 soutient les entrepreneurs et met l’accent sur les
Figure 5. Réaménagement distribution Société Générale. projets de proximité favorisant le développement du territoire.
Source : Rapport annuel Société Générale, 2016.
Ce partenariat avec Société Générale permet aux porteurs de
projets de trouver une nouvelle réponse à leurs besoins et de
La stratégie du groupe SG envers les Fintechs bénéficier d’un système de financement alternatif et classique
Société Générale a été la première banque en France à la fois. Cette volonté commune s’accompagne d’un concours
à acquérir une FinTech, Fiduceo, et a depuis multiplié des d’appel à projet dédié « Coup d’Envoi ».

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– Connaissance client avec Baseline Telematics experts BNP Paribas. En 2017, le Hackathon était placé sous
Société Générale Insurance collabore depuis deux ans avec le signe de l’amélioration des parcours clients dans la banque.
la start-up canadienne Baseline Telematics spécialisée en Pour renforcer cette dynamique, l’atelier BNP Paribas a
télématique d’assurance. Ce partenariat s’est d’abord mis en lancé en 2016 FinTechCorp, un accélérateur qui connecte les
place dans le cadre du projet STAR DRIVE (application mobile services de la banque et les start-up autour d’enjeux business.
gratuite de coach de conduite) et se poursuit pour aller plus Ce programme de 4 mois permet de répondre à des objectifs
globalement vers la mise à disposition de nouvelles offres stratégiques des métiers du Groupe (recherche de nouvelles
d’assurance automobile de type « Pay How You Drive » pour sources de croissance, optimisation des process) et permet
nos clients. Baseline Telematics propose à Société Générale aux start-up d’atteindre leur taille viable dans les meilleures
Insurance une plateforme sécurisée et de haute disponibilité conditions.
pour collecter, stocker puis valoriser les données élémentaires En avril 2017, BNP Paribas a racheté la néo-banque Compte-
relatives aux trajets réalisés par un assuré avec son véhicule. Nickel, qui propose une offre de services financiers simple et
Les données ainsi collectées au travers d’un téléphone ou d’un 100 % connectée, accessible à tous sans condition de ressources.
objet embarqué dans le véhicule représentent une véritable Une formule idéale pour ceux qui veulent simplement pouvoir
valeur en termes de connaissance client : la conduite, la payer et être payés, sans possibilité de découvert ni de crédit.
fréquence ou le contexte d’utilisation du véhicule. La démarche collaborative de BNP Paribas avec les FinTechs
DOSSIER – Renouveler la pensée en sciences de gestion

est finalement un atout majeur dans leur développement


En juin 2018, la Société Générale a annoncé le renforcement stratégique. Le contact en permanence avec l’expertise des
de son réseau de banques d’affaires dans l’Hexagone avec FinTechs leur permet d’affiner de plus en plus l’offre adressée
la création d’une nouvelle direction pour la France afin de à leurs clients et d’une façon plus fine de gagner une proximité
piloter les banquiers d’affaires et de « coverage » du groupe de consommation.
de la Défense pour ses grands clients entreprises en France. BNP Paribas tente ainsi de se construire une culture digitale
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Avec cette nouvelle organisation et ces recrutements interna- en proposant des services d’accompagnement aux FinTechs,
tionaux, la Société Générale considère faire la différence sur par le biais de son accélérateur de FinTechs lancé en novembre
ses concurrents. « En renforçant notre dispositif avec un point dernier, et en incitant ses collaborateurs à développer des
d’accès dédié pour nos grands clients français, nous sommes initiatives en interne. La banque n’a toutefois pas fait le choix
l’un des rares établissements à délivrer une palette globale d’investir en direct dans des FinTechs.
de services allant du conseil stratégique en M&A aux métiers
de flux et la trésorerie en passant par le financement, l’accès Société Générale
aux marchés de capitaux, la gestion des risques de marché
et les produits de couverture », estime le responsable de ce Pour la Société Générale, il est à noter également une
projet chez Société Générale (Drif, 2018). collaboration avec les FinTechs importante avec le rachat de
Fiduceo (start-up financière). La Société Générale a participé
2.2. BNP Paribas versus Société Générale à l’intégration du digital en faisant le lancement fin 2014 du
programme Digital for All qui a permis une accélération de
Après avoir cerné les stratégies digitales de la Société la transition numérique qui compte près de 60 000 tablettes
Générale et de BNP Paribas, on constate une tendance à la distribuées dans 32 pays, plus de 8 000 points d’accès Wi-Fi
collaboration avec les FinTechs et un impact important sur le installés dans le monde, plus de 45 000 collaborateurs équipés
groupe BNP Paribas et la Société Générale. de l’outil collaboratif Lync, un « SG Store » avec 45 applications
publié et une vingtaine sont en cours de préparation.
2.2.1. Banque et FinTechs : stratégies La stratégie est un peu différente de celle de BNP Paribas,
car non seulement l’objectif de Société Générale est de racheter
des FinTechs mais aussi de les accompagner. L’acte d’achat (ou
BNP Paribas d’associé) n’est pas forcément celui de BNP Paribas.
Dans le cadre de sa stratégie de transformation digitale,
BNP Paribas a mis en place une démarche de co-création avec 2.2.2. Banques et innovation :
les FinTechs. L’objectif est de façonner ensemble la banque technologie de pointe
de demain et de proposer une personnalisation de l’offre pour
chaque consommateur.
Depuis plusieurs années, la BNP Paribas Hackathon BNP Paribas
International du Groupe mobilise des dizaines de FinTechs Dans la poursuite de l’innovation BNP Paribas introduit le WAI
partout dans le monde autour de défis communs. En 2017, (We Are Innovation) de Paris qui propose divers programmes
160 start-up venues de 10 pays ont travaillé ensemble sur d’accélération dédiés aux FinTechs et le PayCar système de
leur vision de l’expérience client du futur, avec l’aide de 500 paiement de voitures d’occasion. Également, LogMote est une

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Figures 8 : Écosystèmes Société Générale.

solution d’authentification par smartphone sur des applications les start-up que pour les métiers, car il est complexe de faire
qui a été validée par les services informatiques de la banque travailler ensemble un grand groupe et une start-up, 4) un
et est déployée sur 500 postes chez BNP Paribas France. rôle au sein de L’Atelier qui permet de lever les freins souvent
Avec KYC3, un prototype a été développé pour la banque culturels et d’aider les FinTechs à se mettre en phase pour
privée en Suisse, et un autre est en cours sur le partage des collaborer concrètement.
données de KYC (Know Your Customer) entre entités du groupe. D’autres structures d’Open Innovation et d’accompagne-
Le bilan de la première saison « We are Innovation » est ment ont vu le jour au sein du groupe comme au Luxembourg,
très positif avec 1) plus de 50 % des projets sont un succès, à Singapour et à Genève. Les offres de certaines ont été
2) un dispositif qui a prouvé la légitimité en tant qu’acteur intégrées dans des applications mises à la disposition des
de l’écosystème start-up, 3) une mise en place d’un cadre clients de la banque privée, comme : MyBioPass, un dispositif
de confiance permettant de créer de la valeur autant pour d’authentification biométrique créé avec la start-up irlandaise

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Daon ; MyAdvisory pour la gestion de portefeuille, enrichie des Les banques font ainsi face à de nouveaux défis, comme
données de CityFalcon, une FinTech agrégeant plus de 200 l’indique Poulennec (2018) qui dresse le panorama suivant :
sources de données financières. – les établissements bancaires doivent faire face à une série
L’idée est d’aller chercher ailleurs ce dont le métier a besoin de nouvelles réglementations liées à la mutation digitale afin
pour répondre à un manque clairement identifié. de protéger leurs utilisateurs2 ;
– les banques sont obligées de continuer à adapter leurs
Société Générale services aux nouvelles habitudes de leurs clients, habitués aux
plateformes Saas (Software as a service) et à la digitalisation
La Société Générale a une démarche différente dans ses des services. Elles ont déjà développé des applications mobiles,
relations aux start-up en allant d’abord à la rencontre de dont certaines sont déjà en ligne, telles que Boursorama chez
l’écosystème, dans des incubateurs, des accélérateurs, des Société Générale, BforBank chez Crédit Agricole ou Hellobank
espaces de « co-working » afin de nouer des liens et de laisser chez BNP Paribas ;
ses collaborateurs tester d’autres méthodes de travail. – les banques font face à un environnement de plus en
La banque vient seulement d’ouvrir Le Plateau, un espace plus concurrentiel. Ainsi, plusieurs FinTechs telles N26 sont en
dédié à des start-up externes et internes dans son complexe train de déployer des offres innovantes de comptes courants,
des Dunes, en région parisienne, où sont désormais installées de moyens de paiement et même de crédit. Par ailleurs, des
DOSSIER – Renouveler la pensée en sciences de gestion

les équipes informatiques de la banque. « Les start-up nous entreprises leaders sur d’autres secteurs économiques telles
inspirent par leur liberté de penser, par leur fraîcheur intel- Orange avec Orange Bank investissent le champ des services
lectuelle, leur réactivité, constate Aymeril Hoang, directeur bancaires sans hésiter à casser les prix. Des banques ont déjà
de l’innovation à la Société Générale. Elles nous montrent commencé à s’adapter comme le Crédit Agricole avec son offre
qu’on peut faire preuve d’agilité intellectuelle, opérationnelle à bas prix Eko ou le Crédit Mutuel-CIC qui a lancé « Avantoo »,
et budgétaire, qu’on peut être créatif ». C’est ainsi qu’ils ont une offre couplant services bancaires et téléphones mobiles ;
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répliqué leur mode d’action en lançant des start-up internes. – la digitalisation conduit non seulement à un investis-
En outre, Step 31 a ainsi été créée par Edouard Marteau sement massive dans la nouvelle technologie et le système
d’Autry, également responsable du projet Digital4All (transfor- d’information mais aussi à une désertion progressive des
mation digitale du groupe). Fondée avec quelques personnes, agences bancaires et à une réorganisation des réseaux. Par
un petit budget et trois mois pour sortir une idée, la start-up a exemple, suite à la fusion de la Société Générale et du Crédit
créé un « chatbot » qui répond aux questions des collaborateurs du Nord en Décembre 2020, il était annoncé la fermeture de
sur leur environnement de travail. Cette start-up innove et 600 agences additionnelles sur le territoire d’ici 2025. BNP
autorise des méthodes de travail inhabituelles mais productives. Paribas a également fermé 500 agences en France, soit près
Cette start-up nommée « Step 31 » travaille désormais sur un de 22 % de son réseau, entre 2010 et 2020. En France, la ferme-
dispositif simplifié de renouvellement de PC. ture des agences bancaires est bien une tendance amorcée
Les deux groupes bancaires, BNP Paribas et la Société avant la pandémie de la COVID-19 qui a accéléré le passage
Générale, ont inventé OpenUp et Start-up Radar respecti- vers la digitalisation. La presse recense une fermeture rapide
vement, comme des plateformes mondiales permettant de des agences bancaires entre 1999 et 2020. Par exemple, La
partager des informations sur les start-up, leurs activités, leurs Tribune (2021) exploite une base de données qui géolocalise
technologies et leurs dirigeants pour aider les collaborateurs l’implantation physique des agences bancaires de l’ensemble
intéressés à trouver plus facilement une équipe qui réponde des enseignes présentes en France entre la période 1999-2018 et
à leurs besoins. constate que 8 363 agences ont été fermées dans 11 enseignes.
Cependant, Le Figaro (2021) reporte une accélération de
La relation entre les FinTechs et les banques semble bénifique fermeture des agences, ainsi 3 700 agences bancaires ont fermé
et complémentaire. Les banques leur permettent de coaliser leurs portes entre 2010 et 2020 dont 2 900 établissements ont
au service de ce qui les réunit « la satisfactition client ». fermé entre 2015 et 2020.
La croissance économique est menée principalement grâce
à une révolution de la digitalisation, de la FinTech, préoccupa- Conclusion
tion centrale de toutes les institutions publiques et privées, et
de l’innovation des nouveaux canaux de financement au-delà La naissance des nouvelles technologies de l’information
des banques classiques. et de la communication a considérablement modifié les

2. Poulennec (2018) : Les banques de détail confrontent « l’entrée en vigueur du cadre européen sur les moyens de paiement (DSP2). Celui-ci instaure des règles
de sécurité plus strictes pour les paiements en ligne. Surtout, il pourrait renforcer la concurrence dans le secteur des services financiers en forçant les banques
à partager avec les fintechs le trésor que constituent les données de leurs clients. Les fintechs espèrent ainsi grignoter des parts de marché aux banques et les
conduire à externaliser auprès d’elles une partie de leurs offres. En mai, les établissements bancaires vont également devoir s’adapter à l’entrée en vigueur d’un
nouveau règlement européen (RGPD) sur les données. Un règlement qui va forcer les institutions à rendre davantage de comptes aux clients lorsqu’elles utilisent
leurs informations personnelles. Et ce, à l’heure où les banques comptent exploiter ces informations de façon de plus en plus intensive pour gagner en efficacité. »

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fonctionnements de nombreux domaines, notamment le Vont-elles converser leur positionnement dans le secteur
secteur bancaire qui a subi des mutations considérables. bancaire en présence de nouveaux concurrents et l’incontour-
La stratégie de la digitalisation que nous appelons commu- nable digitalisation des services bancaires ?
nément le numérique consiste à introduire les technologies
du numérique et de l’internet dans la stratégie externe (vers Références
ses clients) mais aussi la stratégie interne (modifications des Chocron, V et Drif, A. « BNP Paribas supprime plus de 10 % des effectifs de
processus internes). Ce bouleversement a conduit à une totale sa banque d’investissement en France », Les Échos, 2016. Site web : https://
refonte des modes opératoires des banques mais aussi dans www.lesechos.fr/2016/04/bnp-paribas-supprime-plus-de-10-des-effectifs-
de-sa-banque-dinvestissement-en-france-205651
la vision de la relation client. Il s’agit d’une profonde trans-
Delahaye, J.-P. « Logique et calcul », Pour La Science, 1994, 203, 102-107.
formation, tout en ayant une vision d’acquisition d’avantages Drif, A. « Fusions-acquisitions : la Société Générale repart à l’offensive en
compétitifs face à ses concurrents. Le secteur de la banque de France », Les Échos, 2018. Site Web : Https://Www.Lesechos.Fr/Finance-
détail en France comme dans les autres pays européens est Marches/Ma/0301839900321-Fusions-Acquisitions-Societe-Generale-
Repart-A-Loffensive-En-France-2185045.Php#Formulaire_Enrichi::Bouton_
en pleine mutation. Les acteurs du domaine financier doivent Google_Inscription_Article.
renouer avec la rentabilité afin de stabiliser le secteur après Fonrouge, C. « Crowdfunding et diasporas : le financement participatif
les violentes crises qu’il a subies durant ces dernières années. vient-il remettre en cause les acteurs du financement diasporique ? »,
Innovations, 2017, 1, 211-231.
Dans ce secteur où la concurrence est historiquement forte,

DOSSIER – Renouveler la pensée en sciences de gestion


Forel, J.-Y. « Les moyens de paiement, quelle innovation ? », Revue d’Éco-
l’avènement du numérique dans la vie quotidienne des consom- nomie Financière, 2015, 4, 93-104.
mateurs a permis à de nouveaux concurrents de s’immiscer Groenfeldt, T. “Covid-19 Accelerates Banks’ Move to Digitalization”, Forbes,
dans cette bataille. 2020. Site web : https://www.forbes.com/sites/tomgroenfeldt/2020/07/01/
covid-19-accelerates-banks-move-to-digitalization/#c0ca4eb3bace
Le groupe Société Générale et le groupe BNP Paribas ont
Klein, O. « Banque et nouvelles technologies : la nouvelle donne », Revue
opté pour deux stratégies envers les FinTechs. En effet, le D’économie Financière, 2015, 4, 17-22.
premier groupe est prêt à racheter alors que le second préfère La Tribune, « Fermetures des agences bancaires : une tendance amorcée bien
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collaborer, et en contrepartie accompagner les FinTechs avant la Covid, Février 2021. https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/
fermetures-des-agences-bancaires-une-tendance-amorcee-bien-avant-
dans leur développement. En revanche, les deux groupes ont la-covid-876237.html
presque les mêmes stratégies d’innovation en ce qui concerne Lafitte, M. Économie digitale et services financiers, Revue Banque Ed., 2002.
la banque en ligne et les systèmes de digitalisation des moyens Lagayette, P. « Les transformations des systèmes financiers », Revue
de paiement. Enfin, les préconisations évoquées, représentent D’économie Financière, 1987, 30-39.
Le Figaro, « Banques : plus de 3 500 agences ont ferme en France en 10 ans,
des points à améliorer par les institutions, afin de rendre leur juin 2021. https://www.lefigaro.fr/conjoncture/banques-plus-de-3500-
transformation digitale optimale. À l’issue de cette étude, agences-ont-ferme-en-france-en-10-ans-20210609
nous concluons que la Société Générale semble avoir bien pris Pauget, G. « Quelle banque après la crise ? », Le journal de l’école de Paris
du management, 2010, 5, os37-44.
conscience des enjeux qui accompagnent cette évolution en
Paulet, E. et Mavoori, H. “Conventional banks and Fintechs: how digitization
adaptant une stratégie digitale « agressive » comparée à BNP has transformed both models”, Journal of Business Strategy, 2019, 41, 6, 19-29.
Paribas. Néanmoins, elle doit reproduire les mêmes efforts Poulennec, S. « Les cinq défis des banques françaises en 2018 », Les
qu’elle a pu réaliser pour ses clients, en interne. Échos, 2018. Site Web : Https://Www.Lesechos.Fr/Finance-Marches/
Banque-Assurances/0301101634749-Les-Cinq-Defis-Des-Banques-
Ces différentes mutations imposées aux banques mènent Francaises-En-2018-2142660.Php
à poser la question suivante : Quel est l’impact de la mutation Rapport annuel BNP Paribas 2016
technologique des banques françaises sur la croissance écono- Rapport annuel Société Générale 2016
mique ? Roman, B et Tchibozo, A. Transformer la banque. Quelles stratégies à l’ère
Le contexte actuel suscite les interrogations suivantes : digitale ?, 2e éd. Dunod, 2020.
Simon, P. « Nouvelles technologies et services financiers », Revue d’Éco-
Quelles sont les conséquences de tous ces lourds investisse- nomie Financière, 2015, 4, 199-210.
ments imposés aux banques sur le couple rentabilité/risque Verdier, M. « Innovation, concurrence et réglementation pour la fourniture
bancaire ? Est-ce que les banques vont continuer à jouer leur de services bancaires », Revue d’Économie Financière, 2015, 4, 67-80.
rôle traditionnel de moteur de l’économie post Covid-19 ? Xeerfi, Bilans de la Société Générale et du BNP Paribas de l’année 2016.

La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion no 311 – septembre-octobre 2021 – finance 53

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