Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Mesure de La Performance Des Établissements Financières Congo-Gabon
Mesure de La Performance Des Établissements Financières Congo-Gabon
L
a microfinance est devenue une industrie mondialisée
(Michel Lelart, 2007)1. Pour autant, elle ne peut prétendre
avoir atteint sa maturité. Son étonnant dynamisme l’amène
à être confrontée à des enjeux déterminants pour sa stabilité et
son développement. Si l’intérêt de la microfinance est aujourd’hui
reconnu, force est de constater qu’il n’existe que peu d’éléments
sur la mesure de ses effets.
La microfinance, définie comme la fourniture des services
financiers à la frange de la population exclue du système finan-
Joseph NZONGANG cier formel, a la particularité de vouloir accomplir une mission
© Direction et Gestion | Téléchargé le 06/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 197.159.12.202)
mai-août 2011
Dossier
140 La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion n° 249-250 – Finance
2006 ; Fadzlan Sufian, 2006 ; Begona Gutiérrez-Nieto et al., 2007 ; Pour une IMF, l’efficience détermine la manière dont elle alloue ses
Ben Soltane Bassem, 2008). Tous ces travaux se cantonnent à ressources dans le but de fournir la meilleure performance.
mesurer le degré d’efficience des structures étudiées. Pourtant, Les méthodes d’efficience permettent de distinguer l’efficience
la question de l’efficience ne se limite pas aux seuls investis- allocative de l’efficience technique (Robert J. Kopp et W. Erwin
seurs et donateurs, elle est également celle des gestionnaires, Diewert 1982 ; Subal C. Kumbhaker, 1988). Les entreprises, alloca-
Ce que fait et propose l’autre finance – III
opérateurs au jour le jour des IMF. Plus particulièrement, si on tivement efficientes, sont celles qui choisissent les combinaisons
considère le contexte camerounais où la plupart des IMF tend à de facteurs les moins coûteuses et offrent les combinaisons
se regrouper en réseau2, la question de l’efficience de chaque de produits les plus rentables. Les entreprises, techniquement
institution, relativement aux autres, revêt une grande importance. efficientes, sont celles qui parviennent à offrir le maximum de
Cependant, la seule connaissance du niveau d’efficience d’une produits avec le minimum de ressources (Scoth E. Atkinson et
institution ne suffit pas ; le manager a besoin d’un tableau de Christopher Cornwell, 1994). L’efficience technique mesure donc
bord pour améliorer sa gestion. C’est précisément cette problé- la capacité d’une unité à produire le maximum d’output pour
matique que nous tenterons de résoudre dans le cadre de cette un certain niveau d’outputs, ou symétriquement, la capacité à
étude. Notre préoccupation consiste donc à mesurer l’efficience produire un certain niveau d’outputs donné avec le minimum
technique des IMF regroupées en réseau en apportant des d’inputs (Tim Coelli, 1996).
éléments concrets de prise de décisions pour le gestionnaire. Ceci étant, le principe des méthodes d’efficience technique
Pour cela, nous allons combiner deux techniques d’aide à la consiste à comparer les résultats d’une unité productive à ceux
décision (DEA3 et PROMETHEE-GAIA4) dans ce processus de qu’elle obtiendrait si elle adoptait les pratiques des meilleures
prise de décisions. qui se localisent sur la frontière d’efficience. Son efficience est
Pour atteindre notre objectif, ce travail est structuré en trois mesurée en calculant la distance qui la sépare de la frontière.
parties : la première circonscrit la performance en microfinance Cette distance est exprimée au moyen d’un score d’efficience.
par la méthodologie des frontières d’efficience ; la seconde
présente la conduite de l’étude empirique et la troisième expose
les résultats et les recommandations. 2. Méthodologie
Elle se fera en trois étapes : d’abord seront présentés les
1. L’efficience comme mesure de méthodes DEA et PROMETHEE-GAIA, ensuite l’intérêt sera porté
la performance en microfinance sur la source des données et enfin la sélection des variables
sera discutée.
La microfinance est caractérisée par un consensus sur son
objectif qui est la lutte contre la pauvreté. Cependant, il existe
2.1. DEA et PROMETHEE-GAIA :
© Direction et Gestion | Téléchargé le 06/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 197.159.12.202)
mai-août 2011
Dossier
La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion n° 249-250 – Finance 141
efficientes et leur inefficience respective peut être mesurée par de l’efficience. De même, il est possible qu’une variable absente
l’écart entre la frontière et leur positionnement. dans le modèle soit de grande importance pour l’analyse. Ils
La méthode DEA est adaptée pour l’étude de l’efficience de proposent d’analyser toutes les combinaisons possibles et de
différentes unités, particulièrement pour les petits échantillons. calculer ensuite les scores DEA de chaque modèle. Ils suggèrent
Elle analyse chaque unité séparément et mesure son efficience alors l’utilisation de l’Analyse en Composantes Principales (ACP)
mai-août 2011
Dossier
142 La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion n° 249-250 – Finance
Nous allons interpréter les résultats issus du DEA, de la combi- Excès d’inputs Défauts d’outputs
MC2
naison des modèles DEA et PROMETHEE-GAIA et nous ferons Act Em Ch Cr Pro Fem
© Direction et Gestion | Téléchargé le 06/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 197.159.12.202)
mai-août 2011
Dossier
La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion n° 249-250 – Finance 143
Tableau 3 : Buts en termes d’inputs et d’outputs de chaque MC². Source : nos calculs.
optique managériale des IMF. La combinaison des
Buts en termes d’inputs Buts en termes d’outputs approches DEA et PROMETHEE-GAIA permet de
MC2 caractériser les relations existant entre les MC2 et
Act Em Ch Cr Pro Fem
Bab 375 502 748 5 20 200 287 133 464 101 34 455 607 333 les différentes variables.
BMk 1 071 805 827 8 77 096 702 356 571 255 80 284 044 869
mai-août 2011
Dossier
144 La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion n° 249-250 – Finance
angle presque droit entre le critère femme et les deux autres MC2 Scores DEA Benchmarks
critères ce qui signifie que ces critères sont indépendants. Par Bandjoun 77.52 % Dou Muy
exemple, le fait qu’une MC² engrange d’importants produits Bafia-makénéné 75.14 % Dou Muy
d’exploitation ne traduit pas de lien avec le nombre d’adhé- Bangou 73.82 % Dou Muy
sions des femmes. D’autre part, un angle de presque 180 Penka-michel 71.06 % Dou Muy
Ce que fait et propose l’autre finance – III
degrés entre les critères produits et actifs signifie la présence Bandja 67.24 % Dou Muy
de critères conflictuels. Le positionnement des actifs et des Baham 63.70 % Dou Muy
produits d’exploitation signifie que si une MC² est « bonne » sur Ngaoundal 62.03 % Dou Muy
un des deux critères, alors elle serait « mauvaise » sur l’autre. Bayangam 61.16 % Dou Muy
Une MC2 serait « bonne » sur ces deux critères à la fois si elle Batié 47.13 % Dou Muy
pouvait simultanément minimiser ses actifs tout en augmentant Bambalang-bamunka 47.08 % Dou Muy
ses produits d’exploitation.
Le groupe 3 étant voisin du critère « actifs » à minimiser, il Les MC² de référence sont efficientes dans la gestion de leurs
rassemble les MC² qui disposent de modestes actifs ; il s’oppose actifs et dans la participation des femmes. Ici, il convient de
au groupe 4. Prenons le cas des deux extrêmes Bafia_Makénéné remettre en cause le choix du nombre d’adhésions des femmes,
et Bambalang_Bamunka, le premier dispose des actifs de plus comme output mesurant la participation féminine. Il n’est pas
d’un milliard alors que le second n’atteint pas 63 millions FCFA. intéressant sur le plan du management du réseau, car il s’agit
Le groupe 4 représente des institutions qui ont des actifs impor- d’un critère indépendant des autres. Il en serait autrement
tants. La plupart de ces MC² ont des performances moyennes si on utilisait le nombre d’emprunteurs femmes, nombre qui
dans la maximisation des produits d’exploitation et du nombre augmenterait si la MC² disposait d’actifs plus importants. Au
d’adhésions des femmes. Dans ce groupe, on retrouve des MC² niveau de la gestion, on mettrait alors en place des mesures
qui ont des actifs plus élevés (groupe 1) et d’autres ayant des conduisant à une croissance des actifs qui induira une meilleure
actifs de taille moyenne (groupe 2). Cependant, deux MC² se participation des femmes. Il serait important d’enregistrer le
démarquent, Muyuka plus tournée vers des objectifs financiers nombre d’emprunteurs femmes dans le cas des MC² pour pouvoir
et Doumbouo orientée vers des objectifs sociaux. La configura- procéder à une telle analyse.
tion des critères révèle que ces deux objectifs ne s’excluent pas Le tableau 4 donne les caractéristiques communes du reste des
mutuellement. Cela signifie que le positionnement de ces IMF ne MC² : toutes gèrent mal leurs ressources par rapport aux MC²
résulte pas forcément d’une décision de leurs dirigeants, mais de référence. Mais, bien que toutes soient inefficientes, elles
plus, d’un état de fait. Par conséquent, la connaissance de cette ne se ressemblent pas dans leur comportement. C’est le plan
situation peut pousser les managers du réseau à encourager GAIA qui clarifie la situation. Il permet d’identifier les tendances
leurs dirigeants dans la prise en compte de l’aspect négligé. La générales suivantes :
© Direction et Gestion | Téléchargé le 06/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 197.159.12.202)
mai-août 2011
Dossier
La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion n° 249-250 – Finance 145
et peut se retrouver dans tous les seuils d'efficience. Cependant, Afin d’apprécier la pérennité de chacune de ces MC², le DEA a
lorsque ses actifs sont supérieurs à 400 millions FCFA, son été mis à contribution afin d’évaluer leur efficience. C’est ainsi
efficience décline, probablement à cause des ressources impor- que le traitement des données financières et non financières
tantes qui deviennent difficiles à gérer. a permis d’obtenir les scores d’efficience des différentes MC².
Le plan GAIA nous a ainsi permis d'approfondir la compréhension Il ressort que les scores d’efficience sont assez proches. Ces
mai-août 2011
Dossier
146 La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion n° 249-250 – Finance
Kopp Robert J., Diewert W. Erwin, “The decomposition of frontier cost Pedraja-Chaparro Francisco, Salinas-Jimenez Javier, Smith Peter C., “On
deviation into measure of technical and allocative efficiency”. Journal the quality of the DEA model”. The Journal of the Operational Research
of Econometrics, n° 9, 1982, p. 319-322. Society, volume 50, n° 6, 1999, p. 636-644.
Kumbhaker Subal C., « Estimation of input specific technical and allocative Qayyum Abdul, Ahmad Mohamed, Efficiency and sustainability of micro-
inefficiency in stochastic frontier models », Oxford Economics Papers, finance institutions in South Asia. Pakistan Institute of Development
Ce que fait et propose l’autre finance – III
Annexe
Données relatives à chaque MC ²de l’échantillon.
Inputs Outputs
MC2
Actifs Emp Charges Crédits Produits Fem
Bab 375 502 748 5 20 200 287 133 464 101 34 455 607 333
BMk 1 071 805 827 8 77 096 702 356 571 255 80 284 044 869
Baf 136 774 713 5 15 164 973 43 739 175 8 604 928 295
B_r 457 158 397 6 32 415 904 170 369 043 42 233 800 543
© Direction et Gestion | Téléchargé le 06/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 197.159.12.202)
mai-août 2011
Dossier