LE CHEVAL BARBE
DANS SON DESTIN FRANCO-ALGÉRIEN
(1542-1914)
par
Blandine HUSSER
diplômée de master, élève de l’École normale supérieure de Paris
INTRODUCTION
SOURCES
PREMIÈRE PARTIE
LE BARBE, ANIMAL ENTRE DEUX RIVES (1542-1847)
CHAPITRE PREMIER
L’HÉRITAGE :
DES FEUX DE LA RENAISSANCE AUX EXPÉRIENCES NAPOLÉONIENNES
CHAPITRE II
LA RENCONTRE :
L’EXPÉDITION D’ALGER ET LA GUERRE DE CONQUÊTE
CHAPITRE III
LA DÉCOUVERTE :
NOUVEAU CHEVAL, NOUVEAU MONDE
DEUXIÈME PARTIE
LE BARBE A-T-IL DISPARU AU XIXe SIÈCLE ? (1847-1914)
CHAPITRE PREMIER
LE COMBAT :
LE BARBE MILITAIRE, PARADIGME DE LA RACE
CHAPITRE II
LA COLONIE :
LE BARBE CIVIL, L’AUTRE VERSANT IGNORÉ ?
Le Barbe civil est le grand oublié des politiques d’élevage comme du modèle type
prôné par le standard du stud-book de la race barbe, ouvert en 1886. Cheval léger
de selle, il se retrouve en décalage perpétuel avec les nouvelles exigences des
activités coloniales agricoles, industrielles et de transport qui se sont presque
immédiatement alignées sur le fonctionnement de la métropole. Le cas des
diligences algériennes, les célèbres pataches, importées de France, permet de
réaliser une étude comparative très parlante des capacités des chevaux algériens
et français pour une même tâche et un matériel identique. Les chevaux de trait
français restent totalement incapables de s’acclimater en Algérie, de même que
les grands chevaux de chasse normands ou de course anglais ; par conséquent,
on modifie des Barbes avec des chevaux lourds pour créer des demi-sang à desti-
nation de l’attelage, on les croise avec des Arabes pour fournir un cheval de selle
plus élégant, ou avec des pur-sang pour obtenir des produits plus compétitifs
dans des courses pourtant réservées aux chevaux algériens de souche.
En parallèle de ces modifications débridées et de ces croisements souvent
synonymes d’échecs, d’autant plus difficiles à retracer que beaucoup sont clan-
destins pour des questions de papiers d’identification et de primes à l’élevage, le
cheval barbe « d’avant 1830 » est de plus en plus mis à l’honneur. Paradoxalement,
au moment où il est sans cesse transformé davantage, il fait l’objet de nom-
breuses recherches à visée scientifique et historique. De grands débats cherchent
à replacer le cheval contemporain dans la droite lignée des découvertes archéolo-
giques rupestres et romaines en Algérie et en Tunisie. La virulente controverse
qui entoure l’absence ou non chez le Barbe d’une sixième vertèbre lombaire est
d’une violence qui ne s’explique que par le fait que les savants d’alors pensent
détenir enfin la solution à l’épineuse question du cheval primitif en résolvant
ce problème. Enfin, les indéniables capacités cognitives du cheval algérien ainsi
que sa grande proximité avec l’homme amènent à des réflexions souvent solides
sur l’intelligence du cheval et ses facultés d’apprentissage, dont le Barbe est,
avec l’Arabe, le paradigme absolu.
CONCLUSION
une profonde remise en cause des archétypes anciens. Bien au contraire, la défi-
nition du Barbe s’est encore appauvrie. Elle exclut désormais une grande partie
de la population chevaline de l’Algérie, qui ne correspond pas au standard d’un
stud-book bien trop restrictif par son fonctionnement et ses critères. De même,
le statut des individus obtenus par des croisements plus ou moins heureux avec
des équidés occidentaux reste flou.
Or au tournant du xxe siècle, à un moment où l’on hésite encore à considérer
ces chevaux comme des Barbes améliorés ou comme de nouvelles races à part
entière, se produit une véritable « fossilisation » de la situation, sous l’effet
conjugué de la volonté de protéger rétroactivement le « Barbe pur », menacé par
ces croisements, et de la mécanisation croissante, qui rend notamment inutiles
les réflexions sur un cheval barbe plus apte au trait. Les essais se ralentissent,
puis s’arrêtent : l’indépendance en 1962 fige dans l’ambre cette situation. En
l’absence de sélection générale en vue d’une pratique fonctionnelle ou sportive
donnée, cet état de fait s’est prolongé jusqu’à aujourd’hui, où il est sans conteste
possible de qualifier le Barbe d’anachronisme vivant.
En l’espace de quatre siècles, la notion de Barbe s’est donc de fait littérale-
ment fossilisée à mi-chemin entre deux conceptions de la race, figée dans une
apparente intemporalité, alors même que l’animal qui porte ce nom a évolué
sans discontinuer, que ce soit au niveau de son corps, de son mental ou de ses
usages. Ici réside la véritable beauté du paradoxe. Ce cas inédit permet d’étudier
en profondeur et avec un maximum de lisibilité la transformation des animaux
domestiques et de travail au xixe siècle. Mais il permet également d’aborder leurs
évolutions sur le temps long, sur le plan morphologique et – ce qui est inédit –
sur le plan du comportement à l’échelle des individus.
ANNEXES