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Le Divorce Des Nomes - Abulafia PDF
Le Divorce Des Nomes - Abulafia PDF
PRESENTATION
Guet ha-shémoth, le divorce des noms, est le premier traité écrit par Abraham
Aboulafia, en 1271, à l'âge de 31 ans, alors qu'il se trouvait à Barcelone afin d'y
étudier les nombreux commentaires du Séfer Yétsirah et, en particulier, celui du
mystique allemand, Eléazar de Worms, dont l'influence accrût sa propension au
mysticisme. C'est à partir de cette période qu'Abraham Aboulafia fut sujet à des
visions, qui détermineront la suite de ses écrits et de ses expériences. Cet
appel mystique le poussera à quitter Barcelone pour aller s'installer à Patras1,
en Grèce, où il rédigera son premier livre prophétique, le Séfer ha-yashar.
Le manuscrit du Guet ha-shémoth, conservé (MS Oxford-BL 1658) comporte
quelques manques, les pages contenant les explications de six dénominations
ayant disparu. Toutefois, le copiste du manuscrit signale que cette partie avait
déjà disparu à son époque.
Dès ce premier traité, Abraham Aboulafia met en avant son intérêt pour les
combinaisons de lettres et leurs vocalisations, ainsi que pour les soixante-
douze noms constituant le Shém ha-meforash. Il représente une pensée
kabbalistique qui tente, librement, de réconcilier kabbalistes et philosophes. Sa
conception de Dieu va dans le sens de l'idée kabbalistique de l'Ein-Sofet de
celle du retrait divin : « Sache aujourd'hui que ton Dieu n'est pas contenu en un
lieu, il n'est ni dans l'espace, ni dans le temps et ne peut être appréhendé ».
Le but d'Abraham Aboulafia en rédigeant cet ouvrage, est de contribuer à
distinction des noms divins incertains et de mettre en garde ceux qui les
utilisent, d'où le titre du livre : Divorce des Noms. Il écrit : « Guet (divorce), en
raison de la nécessité de supprimer toutes choses dont les intentions ne sont
pas déterminées ». Il propose également une présentation du système
cosmologique des douze sphères célestes, représentant pour lui la réalité du
ressenti, ainsi que les relations qu'entretiennent le macrocosme et le
microcosme. Pour lui, la perception de ces relations se fait par le perçu, le
conçu et le reçu, que l'on peut appréhender en trois niveaux de conscience par
l'intellect, l'intelligeant et l'intelligé. Ces notions sont chères à Abraham
Aboulafia qui y fera régulièrement allusion dans son œuvre, notamment dans
son Sheva netivoth ha-Torah2.
Abraham Aboulafia ne cache pas son admiration pour Maïmonide (Rambam),
auteur du Guide des Perplexes (Moréh ha-nekouvim), ainsi que pour ses
traducteurs provençaux : Samuel Ibn Tibbon et Jacob Anatoli, de Lunel. C'est à
Capoue qu'il se consacra avec passion à l'étude du Guide de Maïmonide, sous
la tutelle du philosophe et médecin Hillel Ben Éliézer ben Samuel de Vérone.
Malgré sa grande estime pour Maïmonide, qu'il cite souvent, il ne fut jamais
entièrement satisfait par la philosophie de celui-ci, et par de nombreux autres
1
Située au nord de la péninsule du Péloponnèse. Principal port de voyageurs sur le golfe de
Patras à destination des îles Ioniennes, Abraham Aboulafia a résidé aussi à Corfou.
2
Cet ouvrage a été publié en français en 1985, aux Editions de l'Eclat, sous le titre : L'Épitre
des sept voies, traduit par Jean-Christophe Attias.
aspects du savoir qu'il avait acquis. C'est pourquoi il retourna en Catalogne, à
Barcelone, pour y étudier le Séfer Yétsirah. Toutefois sa conception de la
nature de la prophétie est en accord avec celle de Maïmonide.
Les voyages entre l'Espagne et l'Italie passaient, pour les juifs, obligatoirement
par Lunel et Posquières (Vauvert). Ces villes de Petite Camargue, berceau de
la Kabbale, étaient le point d'orgue des voyages des adeptes de la Kabbale3.
D'autant plus qu'Abraham Aboulafia ayant grandi à Tudèle, fut nourri des récits
du grand voyageur, Benjamin de Tudèle, qui avait noté ces étapes essentielles
dans son ouvrage. Le fait est que le parcours méditerranéen d'Abraham
Aboulafia suit assez précisément celui de Benjamin de Tudèle.
Il est fort probable que, lors de ses visites à Lunel et Posquières (Vauvert),
Abraham Aboulafia ait rencontré les disciples de ces deux maîtres
maïmonidiens et, sans doute, l'astronome Jacob ben Machir ibn Tibbon, qui
dans la controverse entre maïmonidiens et anti-maimonidiens défendit la
science contre les attaques d'Abba Mari de Lunel.
Il est également vraisemblable qu'Aboulafia ait eu des contacts avec les
disciples de l'école d'Isaac l'aveugle, de Posquières. En effet, dans Guet ha-
shémoth, ainsi que dans quelques autres de ses ouvrages, Abraham Aboulafia
mentionne les baâléi iyyoun, les maîtres de la méditation, membres du fameux
cercle ésotérique initiatique provençal, auteurs du Séfer ha-iyyoun et
supposément du Séfer ha-bahir. L'enseignement du cercle Iyyoun a fortement
influencé les pratiques d'Abraham Aboulafia, qu'il peut très bien avoir étudié et
pratiqué avec les membres du cercle de son époque. Dans ce cas, on pourrait
aller jusqu'à envisager qu'Abraham Aboulafia fut le dernier maître de ce cercle
ésotérique de contemplatifs.
3
Voir Lunel, la Kabbale et l'Étoile, Madeleine Ribot-Vinas, 2008, Ed. Lahy.
CHAPITRE I
Ouvre mes yeux, et je verrai les merveilles
qui sont dans ta loi.
(Psaumes 119:18)
La Torah de ta bouche est meilleure pour moi
que des milliers de pièces d'or et d'argent.
(Psaumes 119:72)4
L'auteur dit - Puisque les avis des humains divergent considérablement lorsqu'il
s'agit de la véracité de la réalité du ressenti et de l'intellect, à cause de
l'ignorance essentiellement due à la nature humaine, externe et médiane, par
des méprises de la pensée concernant les paroles prophétiques, cachées ou
révélées, qui en témoignent en faveur de tous et qui éveillent ceux qui sont
endormis dans la poussière « dans des maisons d'argile dont le fondement est
dans la poussière » (job 4:i9).
Le Nom m'a éveillé pour examiner et clarifier leurs racines, dont les principes
sont connus de tout érudit, à l'intérieur des mots et des noms qui s'y trouvent.
Car ces principes sont absolument nécessaires et salutaires pour toute
personne aspirant (kavanah) au Savoir (dâath) et à la perfection de son âme
(néfésh) humaine, par la connaissance et la crainte de Dieu. Et je le conjure de
me permettre d'accomplir mon dessein, de m'enseigner et de me guider par le
chemin le plus court et le plus direct vers mon but, dans la vérité, pour la gloire
de Son Grand Nom béni.
Je prends conscience des raisons qui motivent en moi cette recherche, et qui
ne devraient pas être. J'ai vu, en vérité, que le plus grand obstacle est mon
manque de connaissance de la véritable Hokhmah (sagesse), ainsi que la
déficience de mon intellect dans les sujets divins, qui constituent la vraie
Kabbalah. J'ai également repéré d'autres obstacles d'ordres physiques, qui ne
sont pas mémorisés dans les traités de vérité par leurs auteurs, concernant des
paroles d'Elohim vivant des mondes.
Par conséquent, j'ai estimé, à l'aide de ma connaissance, quel était l'obstacle le
plus important susceptible de s'opposer à ma motivation pour rédiger un livre
traitant des principes de la vérité, et j'ai constaté que le bénéfice d'un tel travail
allait au-delà de toute raison me rendant la vérité accessible. Ceci, parce que
l'ignorance qui me freine ne dépend pas de ma volonté, alors que le bénéfice
du livre va bien au-delà, dans la mesure où il découle de ma volonté. J'ai donc
décidé d'informer chaque maskil de mes lacunes intellectuelles, de l'utilité de
traiter ces questions et de ne le faire que dans les grandes lignes. Car les
détails me dépassent et me sont hors de portée. Si quelques détails sont
mentionnés, dûs au laisser-aller de ma langue désireuse d'expliquer quelque
chose, autant que mes connaissances le permettent et que cela soit
indispensable pour expliquer certains principes, que le maskil ne m'en tienne
pas rigueur. Parce que ces questions sont très importantes et que ma
connaissance en est faible. Cependant, quand je mentionnerai quelque chose
des racines de la véritable Kabbalah, je le dirai par allusion en un lieu où il
convient de la cacher car je ne révélerai pas le secret. Que celui qui peut
entendre, entende et que celui qui doit s'abstenir, s'abstienne. Je commencerai
la discussion par la réalité du ressenti.
Je dirai tout d'abord que de la sphère du zodiaque à la Terre, il y a douze
sphères concentriques, le corps de la Terre inclus, et qu'il n'y a ni espace vide
entre-elles ni corps. Au-dessus de toutes, une seule sphère les entoure, les
Les initiales de ces deux versets forment le mot guet [ eg ], divorce, ou plus précisément, le
4
document prenant acte d'une séparation. La particularité des lettres guimel [g] et teith [ e], de ce
nom, est qu'elles ne sont jamais côte à côte dans la Torah.
contient et dirige leur mouvement. Ces douze sphères, contenues dans la
supérieure, sont appelées « réalité du ressenti » [wgrvmh tvayxm], parce qu'elles
sont physiques. Car toute chose physique peut être ressentie, bien qu'en réalité
trois sphères ne soient pas perçues par l'oeil. Ce sont la plus élevée de toutes
et les deux éléments supérieurs, qui pour nous sont le feu et l'air. Elles sont
dites ressenties, parce qu'il a été déterminé qu'elles sont nécessairement
physiques. Les autres sphères célestes sont aussi invisibles à l'œil, si ce n'est
par leurs astres. Car le fait qu'elles paraissent bleues à nos yeux est dû aux
couleurs de l'air, car les sphères sont transparentes et invisibles.
De plus, il y a des dimensions supérieures, au-delà du degré du ressenti, qui
sont toutes les dimensions intellectuelles. Assurément, l'homme possède des
dimensions ressenties et intellectuelles, car le petit Adam fut créé dans la
ressemblance du macrocosme. Par conséquent, il s'appelle également
microcosme, alors que la totalité de la réalité s'appelle macrocosme et « grand
Adam ». Alors qu'Adam est appelé microcosme et « petit Adam ». La dimension
du ressenti chez l'homme est l'ensemble de son corps, la dimension
intellectuelle est la néfésh et ses facultés, bien que le ressenti en fasse aussi
partie. De même que la vérité concernant les dimensions intellectuelles
accompagnant le physique est cachée à la plupart des humains, comme le
ressenti et l'intellect dans le microcosme et le macrocosme révélés et cachés,
de même de grands sujets ésotériques sont cachés et révélés dans les paroles
prophétiques. Ceux qui sont révélés sont bénéfiques à tous, alors que les
cachés ne sont profitables qu'à ceux à qui le Nom Yhwh a fait un signe. Et
lorsque quelqu'un réalise les secrets de la Torah, il peut percevoir à travers eux
les dimensions intellectuelles par le Nom Yhwh, ainsi que les intellects séparés
et les intelligences dans son monde, qui sont leurs âmes et leurs puissances.
Sache que le monde est divisé en trois parties. La partie supérieure, qui
contient tout, s'appelle par conséquent « essence intellectuelle » et inclut
l'intellect, l'intelligeant et l'intelligé. La partie intermédiaire contient seulement
l'intelligeant et l'intelligé dans son essence, car elle n'a pas l'intellect de la
première. Il manque ce degré, qui est le plus important, parce qu'il y a matière
et forme. La partie inférieure est élémentaire, car il y manque les deux degrés :
intellect et intelligeant, parce qu'elle est aussi composée de matière et de
forme. De plus, son niveau est extrêmement bas, comparativement au degré
intermédiaire5. En effet, seul l'homme dans le monde de l'intellect réalisé dans
le monde ici-bas, peut retourner dans la forme du monde supérieur : Intellect,
intelligeant et intelligé, dans l'image de son Créateur :
« Car à l'image de Elohim, il a fait l'homme » (Genèse 9:6). L'essence du
Créateur, béni soit-II, est la conception de toute existence et c'est pourquoi ont
l'appelle « intellect » (Sékel). Cependant, son degré est de loin supérieur à
toute essence intellectuelle, et, parce qu'il se conçoit, il est aussi intelligeant. Il
s'appelle intelligé parce que quiconque se conçoit avec son intellect est
Ce concept des trois degrés : intellect, intelligeant et intelligé [ lykwmv lkw lkwvmv], revient
5
très régulièrement dans la littérature d'Abraham Aboulafia, principalement dans: Haye olam
haba, Imré shéfér, Or hasékél, Séfer hahéshék et Sheva nétivoth haTorah, où l'on peut lire : «
Le cœur correspond à l'intellect, la langue à l'intelligeant et l'écriture à l'intelligé. Le monde
inférieur est intelligé, le monde intermédiaire intelligeant et le monde supérieure intellect. Ainsi,
le monde supérieur est intellect, intelligeant et intelligé, le monde intermédiaire est intelligeant et
intelligé, tandis que l'inférieur est seulement intelligé». Pour Aboulafia, le littéraliste est au
niveau de « intelligé » (mouskal), le philosophe à celui de « intelligeant » (ou de l'intellection,
maskil) et le kabbaliste à celui de « intellect » (sékhel). Ainsi, pour lui, le kabbaliste englobe
mouskal, maskil et sékhel (Gan naoul 49 a-b). Pour Aboulafia, l'unité de sékhel, maskïl et
mouskal, est le secret de la circoncision, ouvrant l'accès au savoir divin, image divine selon
laquelle Adam fut créé, par l'expérience mystique d'états modifiés de conscience : « Le secret
de la circoncision renvoie à l'homme humble incluant les trois aspects : tout d'abord il est ce qui
est intelligé (mouskal), au milieu il est intelligeant (maskil) , et à la fin il est intellect (sékhel) »
(Sitré Torah 134b). Abraham Aboulafia suit la pensée de Maïmonide.
intelligible. Intelligeant et intelligé sont indifférenciés aussi longtemps que
l'intellect est réel, alors que si c'est potentiellement ils sont différenciés, et le
Créateur, béni soit-Il, ne conçoit jamais dans la potentialité mais toujours dans
la réalité. La compréhension de ceci est considérable pour quelqu'un qui ne
peut comprendre les qualités de l'intellect de sa propre essence. C'est pourquoi
le Créateur, béni soit-Il, s'appelle intellect, intelligeant et intelligé (sékel, maskil
et mouskal). Lorsque tu connaîtras son secret, tu connaîtras tous les êtres
supérieurs et inférieurs, par l'intellect et la Kabbalah.
Sache que cela s'applique à chaque intelligeant actif, et qu'il n'y a aucun
intelligeant (maskil) dans le monde. Mais les créatures sont d'essence
intellectuelle ou d'essence intelligente ne concevant pas toujours le réel, à
l'exception de l'homme qui est une essence intelligente à l'origine de son
existence. Néanmoins, il ne faut pas imaginer que les essences conçues dans
la réalité sont du même niveau qu'Ha-Shém, béni soit-Il, qui possède également
cette qualité, comme nous l'avons vu, car il se suffit à Lui-même et tout n'est
possible que par Lui. Elles ne peuvent donc pas lui ressembler ou partager
quoique ce soit avec Lui, si ce n'est de façon équivoque. Et lorsque l'intellect de
l'homme est réalisé, bien qu'il s'agisse de la Merkavah inférieure, c'est aussi
une « essence intellectuelle » : intellect, intelligeant, intelligé.
Sache qu'il s'agit là d'un concept important et caché parmi les sages, et je n'ai
pas l'intention d'interpréter tout ceci maintenant, car toutes ces choses sont
bien connues des experts qui ont trouvé grâce (Hén6) aux yeux d'Elohim et de
l'homme.
6
[Nc], que l'on traduit par « grâce », est en fait l'acronyme mystique de Hokhmat ha-nitsar
Hén
[rtsynh tmkc], Sagesse cachée, l'ésotérisme.
CHAPITRE II
Je pense que les quelques mentions que je ferai concernant divers sujets
kabbalistiques sont intellectuellement correctes et seront approuvées par
nombre de maîtres du Savoir. Si, toutefois, quelqu'un n'était pas d'accord, c'est
parce qu'il se croit sage à ses yeux, alors que s'il était kabbaliste il s'en
réjouirait certainement. Un kabbaliste accompli doit au moins connaître les cinq
choses mentionnées dans le Séfer Yetsirah, attribué à Abraham, notre Père,
qui l'a reçu de Shém et de Êvér. Sache que cela est incomparable.
Les cinq choses mentionnées sont appelées Tsérouf ha-otiyoth (combinaisons
des lettres) de façon générique. Il s'agit de : haqiqah (gravure), hatsivah
(découpe), siqoul (pesage), hamirah7 (substitution), tsérouf (combinaison). Car
c'est ainsi qu'elles sont mentionnées dans le Séfer Yetsirah: «gravées, taillées,
pesées, Substituées, Combinées » (Séfer Yetsirah 5:3).
Voici leur signification générale :
Haqiqah (gravure), l'écriture du rédacteur de la législation (houqaq).
Hatsivah (découpe), l'arrangement (tiqoun) des lettres et leur séparation
permettant que chacune d'elles puisse être distinguée et comprise.
Siqoul (pesage), leur considération pour les apprêter, et déterminer leurs poids
numériques (guématrioth) et leurs comptes (keshbonoth).
Hamirah (substitution), la substitution d'une lettre par d'autres, sa Temourah et
la mutation avec d'autres, comme avec les lettres8 i"hca et leurs semblables. Il
y a une Temourah pour chaque lettre. Exécuter ceci demande une grande
sagacité, afin de ne pas trop ajouter ou trop soustraire.
Tsérouf (combinaison) des lettres, consiste à combiner une lettre avec d'autres,
sans exécuter une hamirah, comme : 9 d"ma M"da a"dm d"am a"md. C'est aussi
une sagesse glorieuse.
Il s'agit de méthodes permettant de révéler les secrets de la Torah et aucuns
autres. Lorsqu'un maskil a reçu ce grand secret des cinq méthodes, je sais qu'il
apprécie davantage les secrets de la Kabbalah, qui lui permettent de connaître
les noms communs, incertains, métaphoriques, conventionnels, synonymes, et
les noms qui sont uniques pour Dieu et ses actes. Ainsi que le Nom glorieux,
terrible, unifié, explicite (Shém ha-Meforash - Nom explicite), supérieur à tous
les noms et qui conduit à l'unification absolue, sans équivoque. Il est connu que
le monde se nomme par un nom composé faisant allusion à trois choses
distinctes, et c'est un nom divin contenant le nom du Créateur, béni soit-Il, les
noms des anges et aussi les noms des guides mineurs de la terre. Parce qu'il
était composé, les êtres créés ne pouvaient perdurer jusqu'à ce qu'ils aient
été associés avec un nom n'ayant pas de connexité dans le monde, mais
faisant référence uniquement à l'essence unifiée sans aucune autre
imbrication. Il s'agit encore là d'un grand secret des énergies des lettres guidant
la Merkavah. Elle se partage en deux noms, un par un, et un sur un. Ceci n'est
pas en relation avec les Noms de l'essence (shémoth haétsém), que les
cieux nous en préservent, mais pour signaler sa maîtrise sur la création,
avec l'image de la Merkavah partagée en deux : ressenti et intelligé, comme
nous l'avons dit. Elle fait référence à deux mondes : ce Monde-Ci et le Monde à
Venir, un cavalier sur les deux et un gouverneur en haut et en bas. C'est le
Nom unifié en deux lettres, unifié en trois lettres et unifié en quatre lettres, et
c'est très connu.
Y ['y], YH [h''y ] YHV [v"hy], YHVH [h"vhy ], qui est un nom complet simple. Et, par
ce qu'il contient, tu comprendras ce qui est devant toi : Yod [d"vy ], Hé [a"h], Vav
7
Aussi appelée Temourah [hrvmt].
8
Aléf et Âyin sont mutables, tout comme Hé et Heith.
9
II s'agit des six combinaisons des trois lettres du nom Adam.
[ v"v], Hé [a"h]. Puisqu'en fin de compte (haheshbon) il y a neuf lettres, tu peux
maintenant comprendre le secret « en qui vit le Nom » (shébo haï hashém)10, si
tu es un des vrais maîtres de la Kabbalah, ne dévie pas vers un culte comme :
« Les orgueilleux et ceux qui se détournent vers l'illusion» (Psaumes 40:5). Car
ce sont des secrets supérieurs, qu'il ne faudrait étudier, hormis par leurs
intitulés, qu'avec des personnes avisées, craignant Ha-Shém : « Le secret de
Yhwh est pour ceux qui le craignent, pour leur faire connaître son alliance »
(Psaumes 25:14). Lorsque tu entends quelque chose au sujet de certains
noms, et que tu ne sais pas quelles sont leurs vertus, tiens-t'en éloigné jusqu'à
ce que tu les aies compris, ou entendus d'un kabbaliste. Mais un kabbaliste ne
t'indiquera ces propriétés que succinctement, profite-en et évoque-les
seulement pour sanctifier Ha-Shém. Ne laisse pas les mots d'Ha-Shém dans ta
bouche, sauf si c'est utile pour ton cœur, et tes actions te rapprocheront de
Dieu et ne t'en écarteront pas, si tu suis ses chemins.
« Le compte » (haheshbon), Nvbwch, a une valeur de 671, identique à celle de << en qui vit le
10
11
Samuel ben Yéhoudah ibn Tibbon, plus couramment appelé Samuel Ibn Tibbon, était
médecin et philosophe. Il est né à Lunel en 1150 et mort à Marseille en 1230. Il est célèbre par
ses traductions de l'arabe à l'hébreu. Le livre cité ici par Abraham Aboulafia est le Biour
mehamïlloth hazaroth, qu'il rédigea en 1213 sur le bateau qui le ramenait d'Alexandrie. Il s'agit
d'une explication des termes philosophiques du Guide des perplexes de Maïmonide, dont il fut
le traducteur.
Moréh ha-nevoulfim [Mykvbnh hrvm], du Rambam (Maïmonide).
12
13 1
Ibn Tibbon traduisait à partir de l'arabe, et Abraham Aboulafia semblait mal à l'aise avec
cette langue
14
Abraham Aboulafia a l'habitude de désigner Maïmonide (Rambam), par le Rav, ou le Rav du
Guide, c'est-à-dire du Guide des Perplexes (Moréh ha-nevoukim [Mykvbnh hrvm ])
15
II s'agit de Jacob Anatoli (Jacob ben Abba mari ben Simon), né à Marseille en 1194 et mort
du nom conjoint pour lequel il n'y a aucune définition, il est variable bien que le
nom reste le même, comme avec le nom âyin. Tandis qu'avec le synonyme, la
définition demeure la même, alors que le nom change, comme pour yayin (vin)
et hémér (vin), les deux sont du raisin fermenté. Après m'être remémoré ces
noms selon divers commentateurs, je me souviendrai davantage d'autres noms
et d'autres sujets, afin que tu comprennes par eux la véracité de mes
commentaires.
en 1256. Comme ibn Tibbon, dont il est proche, il a traduit les textes arabes, dont la première
traduction d'Averroès. Il est l'auteur d'un traité intitulé : Melaméd ha-Talmidim.
CHAPITRE IV
Je dirai tout d'abord que le maskil ne devrait croire qu'en ces trois choses : Le
perçu (mourgash), le conçu (mouskal) et le reçu (meqoubal). Car le bon sens
se trouve en eux et ne nécessite donc pas de définition particulière. Ces trois
nous suffisent par leur signification :
Le perçu (mourgash), est quelque chose qui se réalise par les cinq sens, qui
sont : la vue, l'ouïe, l'odorat, le goût et le toucher.
Le conçu (mouskal), est quelque chose que l'intellect reçoit et connaît dès lors
qu'on le lui démontre par les calculs (hesbonoth), les cycles du temps
(téqoufoth), les «équivalences numériques (guématrioth).
Et le reçu (meqoubal), est quelque chose au sujet duquel il est dit : « J'ai reçu
ceci et cela de celui-ci et de celui-là ». Il est connu que ce qui est ressenti
(perçu) ne nécessite aucune preuve, car lorsqu'un homme voit la lumière, il ne
demande pas la preuve qu'il s'agit bien de lumière. Si pour des concepts
fondamentaux, tels que l'un de ces deux, il n'est pas besoin de preuve, alors le
reçu (meqoubal) n'exige aucune preuve, car il suffit au récipiendaire de dire : «
Ainsi, j'ai reçu ».
Les autres concepts ne seront pas acceptés à moins d'être prouvés, soit par un
signe, soit par une observation directe du signe, de façon rationnelle. Mais tout
ce que nous avons dit au sujet des perceptions concerne seulement les
concepts. Et quand un homme croit en ces trois choses, il peut légitimement
prétendre croire et dire : « Je crois en la Kabbalah (réception) ». Il ne connaîtra
pas de détracteurs, à moins que ceux-ci n'acceptent pas la vérité ; mais ils
représentent une infime minorité.
Je dis maintenant que ma seule intention dans ce livre est d'éclairer les maîtres
des Noms sur les erreurs qu'ils peuvent rencontrer, et de les avertir de ne pas
les croire, tant qu'ils n'en connaissent pas le fondement. Et d'éprouver leur foi
par les Noms véritables qui éveillent chaque conscience endormie. Si je réussis
avec eux, je rendrai grâce à Dieu de m'avoir permis d'écrire la vérité et d'avoir
écarté le mensonge de mon livre dédicacé à la Gloire du Nom Yhwh.
Parce que j'ai enlevé les noms erronés ne faisant pas partie de la véritable
Sagesse, j'ai intitulé ce livre « Divorce des Noms », dont la signification est
issue de deux versets, que je cite au début de cet ouvrage : Gal éinaï... (Ouvre
mes yeux) et Tov li torath pik... (La Torah de ta bouche est meilleure pour moi).
J'ai encore un secret incomparable concernant ce nom, avec le guimel et le
teith16, que tu entendras ci-après, si Dieu le veut. C'est aussi le secret de l'acte
de divorce, que le mari écrit à sa femme, en 12 lignes, pas plus pas moins, pour
la répudier. De plus, un des Noms supérieurs est Zéh (ceci)17, c'est cela pour
qu'il est écrit : « Ceci (zéh) est mon nom éternellement » (Exode 3:15), « C'est
(zéh) mon Dieu » (Exode 15:2), etc. J'ai échangé un zéh avec un zéh, car leur
valeur est égale à 12.
Je dis qu'un érudit qui dispose de Noms dont il ne connaît pas les qualités ne
doit pas les détruire, mais les conserver. Car ils peuvent posséder des qualités
qu'il ignore et qu'il découvrira plus tard. Cette précision contre la destruction
d'un nom parmi les noms, vient de ma croyance dans le fait que celui qui détruit
un nom, parmi les Noms sacrés, sera puni en haut. Par conséquent, mieux vaut
tenir ceci et ne pas retirer ta main de cela. Car je recommande seulement de ne
pas les croire sans sagesse et de connaître leur authenticité. Et je t'éveille à
ceci, afin que tu ne gaspilles pas tes jours à t'interroger sur des choses futiles et
sans aucune valeur, au lieu de cela, cours sans cesse après la vérité et tu la
trouveras. Elle sera avec toi et toi avec elle.
16
Guimel et teith, sont les deux lettres permettant d'écrire, guét, le divorce.
Zéh [hz ], ceci, à une guématria de 12, identique à celle de guét [eg ], divorce. Dans la
17
Kabbale, zéh est un qualificatif qui désigne le juste. Voir le Séfer ha-Zohar T. I, 60a.
Ne pense pas que c'est grâce au concept des Noms véritables et des secrets
que ton intention te permettra d'accéder, par leur connaissance, au plus haut
degré de la réalité perceptuelle, ainsi que de perfectionner le corps, comme le
ferait une personne naïve. Tu dois pourchasser la connaissance et non
chercher les Noms par égard pour la vérité, car ceci n'est pas la vérité, mais
plutôt l'inverse. Il est erroné de procéder ainsi et ce n'est pas le chemin des
maskilim. En effet, la quête de la vérité doit pousser à découvrir son essence.
Car les raisons qui bloquent la connaissance, chez la plupart des gens, tiennent
du fait qu'ils recherchent des choses dont leur existence ne dépend pas et
parce qu'ils pensent que ceux qui connaissent ces choses peuvent en mourir,
devenir fou, ou que quelque chose de néfaste leur arrivera. Ils ne comprennent
pas que l'homme vit par la connaissance vraie et meurt lorsqu'elle s'éloigne.
Chaque homme est forcé par la Torah et par l'intellect de rechercher la vérité, et
de l'accepter même si elle vient de livres, car la vérité ne se distingue pas
d'après celui qui la dit, mais par sa propre nature. Ainsi, la vérité est ce qui doit
être essentiellement cru.
Il ne faut pas me blâmer si j'utilise parfois le mot « vérité » et ses dérivés au
masculin et parfois au féminin, car je ne suivrai pas la règle grammaticale pour
ce mot, mais je l'utiliserai en fonction de la situation, comme tous les mots
pouvant être compris de deux manières. Je ne puis te décrire les noms
concernant le ressenti et l'intelligible, tant que je n'aurai pas décrit la structure
du monde dans son ensemble. Ensuite, je te montrerai tout ce que cela
implique. Les noms de toutes ces choses, des catégories supérieures, et
certains de leurs détails, ne pouvant être connus par le seul moyen de la
prophétie, qui fut écartée de nous à cause de nos péchés. Ce qu'il nous en
reste est juste un petit fragment de que nous avons reçu du Rav, dont une
partie est consignée dans la Torah écrite, une partie dans le Torah orale,
quelques autres clairsemés dans les livres de Kabbalah récemment écrits et
d'autres dans les livres des philosophes. Nous les avons compilés afin de
profiter de quelques propos et de grands concepts, autant que cela est possible
et avec l'aide de Dieu. Car il est dans notre intention de permettre au lecteur de
saisir certains des noms de la Sagesse ésotérique. Ainsi, afin de parfaire l'âme
humaine et de la guider sur le droit chemin, nousdevons mentionner tout
d'abord la totalité de l'existence et de ses qualités, car la vérité dérive de cela.
C'est à notre façon de l'aimer et de la craindre, que l'âme et le corps peuvent
en tirer profit. Nous devons l'aimer en raison de la supériorité des actions du
Créateur, béni soit-Il, et nous devons la craindre à travers ses attributs. Car
il est connu qu'il n'est pas possible qu'un amoureux n'ait jamais vu sa bien-
aimée, son amour doit être complet et ne pas dépendre de n'importe quoi.
Tu as là, la structure avec laquelle les maîtres de la méditation ont découvert
des merveilles avec des preuves irréfutables. Et parce qu'ils ont largement
diffusé leurs preuves, je n'ai pas à les écrire mais seulement à mentionner la
façon dont l'intellect les imagine et comment l'intellect les exprime dans la
réalité. Je t'informerai également de ce que dit la Kabbalah sur ce sujet, de
façon différente.
CHAPITRE V
Je te décrirai toutes les sphères, l'une après l'autre, jusqu'à ce que tu puisses
en parler avec aisance, et les dessiner instantanément en ton cœur, car ceci a
de grands avantages, comme l'ont expliqué les maîtres de la Méditation18, en
démontrant comment toutes les parties se connectent. Et je te les dessine :
18
Ici, Abraham Aboulafia fait référence à un influent cercle initiatique de kabbalistes
e e
contemplatifs des XII et XIII siècles, appelés Maîtres de la Méditation (ou spéculation), bâalei
ha-iyyoun [Nvyih ylib], dont les activités s'étendirent sur une centaine d'années, de Lunel à
Barcelone. Ce cercle fut dirigé par un certain rabbi Hamaï, disciple d'Isaac l'Aveugle, mentionné
dans le Séfér ha-Bahir, texte attribué à ce cercle. Ce même cercle a rédigé un important
ouvrage, le Séfér ha-iyyoun, sur l'existence et l'unité de Dieu, suivie d'une prière mystique dans
le style de celle des Hékhaloth de Rabbi Nehounya ha ben-Qanah, organisées selon les treize
Attributs de miséricordes. Les kabbalistes du cercle Iyyoun furent les premiers à révéler le nom
divin Éhvi [yvha], source originelle de tous les autres noms. Par ce nom, fut scellée la terre. Le
livre du cercle commence ainsi : « Le Séfér ha- îyyoun du grand Maître Rav Hamaï, chef de
ceux qui parlent de l'objet des Séfiroth cachées, et il a dévoilé en lui l'essentiel de toute réalité
de la Gloire cachée, dont nulle créature ne peut comprendre la réalité et la nature, et tout cela
d'une façon véridique, tel que le Kavod caché est dans l'unité sans distinctions, dans la
perfection de laquelle s'unissent le supérieur et l'inférieur (Ararita et Éhvi). Ce Kavod est le
fondement de tout ce qui est caché et le manifesté, et il sort de lui tout ce qui est émané de la
merveilleuse unité.... » Dans la littérature du cercle îyyoun on trouve de nombreux passages
renvoyant très clairement au fait que les noms mystiques de Dieu sont des condensations de la
lumière des Séfiroth. Ces noms sont aussi des lumières intellectuelles, ce qui fait preuve d'une
vision néo-platonicienne. Il y a une continuité de la pensée du Cercle Iyyoun dans l'œuvre
d'Abraham Aboulafia, qui cite souvent le Séfér ha-iyyoun et mentionne le Nom Éhvi.
pur que la plus élevée d'entre elles. En effet, elle est aussi matière et forme, elle
entoure tout et met tout en mouvement. Elle s'appelle Raqiâ et Aravoth19. Il n'y
a pas de corps hors d'elle, ni en elle, aucune planète et aucune constellation. À
son sujet le Séfer Yétsirah déclare : « La sphère est dans l'année comme un roi
dans l'État », car elle règne. Parce que si elle se déplace, elle n'est évidemment
pas divine, car le divin est au-dessus d'elle et ne se déplace pas, mais
enclenche tout mouvement, car il est prouvé qu'il n'est ni un corps ni une force
dans un corps. Mais nous en discuterons davantage ci-dessous, avec l'aide de
Dieu, car ce n'est pas le lieu pour cela. Les corps de toutes les sphères sont à
l'intérieur de cette sphère enveloppante, dont première, selon notre convention,
est dans une échelle allant du haut vers le bas. Et si nous utilisons l'échelle
inverse, du bas vers le haut, nous dirons ce que nous savons à ce sujet, et
nous ferons ce que Jacob, notre père, a réalisé en partie en lui. Bien que nous
puissions constater qu'Ézéchiel la décrive de haut en bas, il n'y a aucun
problème, car chaque contemplatif la décrit telle qu'elle lui est montrée, que ce
soit en rêve ou lors d'une vision.
Je dis que la terre est solide comme une sphère remplie et que sa véritable
essence et sa substance sont uniquement la terre, bien que nous sachions,
qu'en fait, elle soit composée de quatre éléments, mais nous devons seulement
l'interpréter selon sa forme essentielle. L'eau recouvre les deux hémisphères
selon une opinion et un hémisphère selon un autre, un hémisphère n'étant pas
recouvert d'eau afin de permettre la vie. L'autre partie, qui fut de l'eau, a été
transformée en air qui est plus léger que l'eau. Afin de s'élever jusqu'à l'endroit
où l'eau devient à nouveau de l'eau, car c'est toujours l'élément eau, pour afin
retomber. Telle la vapeur qui s'élève, comme il est écrit : « Une vapeur montait
de la terre et arrosait toute la surface du sol » (Genèse 2:6). À la surface de la
terre et au-delà, l'air entoure l'eau. Et il y a quelque chose que je dois te dire ici,
à la suite de ce que nous venons de dire.
Toutefois, cela mérite d'être caché, les informations que nous avons données
ci-dessus sont suffisantes, et nous laisseront cela à ceux qui en connaissent les
tenants et les aboutissants. Le feu entoure l'air de tous côtés, et ce sont les
quatre éléments, qui sont une matière unique. Ainsi, la sphère de la Lune
entoure la sphère du feu, la sphère de Mercure entoure la sphère de la Lune, la
sphère de Vénus entoure la sphère de Mercure, la sphère du Soleil entoure la
sphère de Vénus, la sphère de Mars entoure la sphère du Soleil, la sphère de
Jupiter entoure la sphère de Mars, la sphère de Saturne entoure la sphère de
Jupiter. Ce sont les sept sphères, et les sept planètes que nous venons de
mentionner sont leurs planètes. Au-dessus d'elles se trouve la sphère des
étoiles fixes, dans laquelle se placent les douze signes, et elle entoure la
sphère de saturne. Il s'agit surtout de la sphère la plus élevée, qui entoure les
sphères zodiacales. C'est la première de toutes, comme nous l'avons dit, par
rapport aux êtres supérieurs, mais la dernière par rapport à nous, qui habitons
la poussière.
19
Raqiâ est le second des sept firmaments, et son nom signifie littéralement firmament, mais
aussi souple, malléable et ce qui est étendu. Dans le Traité des Palais, le Raqiâ est décrit ainsi :
« Le souffle qui l'habite est appelé Splendeur (Zohar), car il ne se mélange à aucune autre
couleur, c'est la substance qui ne se modifie jamais. ». Aravoth est le septième firmament, le
plus haut de tous, son nom désigne le plaisir, l'agrément, sa racine àrav bri décrit le mélange,
le coucher du soleil. On associe ce firmament au verset : « Chantez à Dieu, célébrez son nom !
Frayez le chemin à celui qui chevauche (rakav) dans Aravoth ! Yhwh est son nom : réjouissez-
vous devant lui ! » (Ps. 68:5). Dans le Traité des Palais, Aravoth est décrit ainsi : « Ce Palais ne
comporte aucune forme déterminée, tout y est occulté ». »
CHAPITRE VI
Sache aujourd'hui que ton Dieu n'est pas contenu en un lieu, il n'est ni dans
l'espace, ni dans le temps et ne peut être appréhendé. Car il est UN, au-delà
de toute investigation, aucune recherche n'est possible en lui. Il n'a pas de
corps. Il est la Cause de toutes les causes, il est UN unifié, car son Nom est
unique. Il produit des prodiges si merveilleux que personne ne peut les nier.
Ce Nom se divise en UN, il est UN, et même quand il est divisé les parties
se résument à UN24. Car le Nom de quatre lettres vaut 2625, dont chaque
partie divisée vaut 13, valeur du mot éhad, UN. Rien ne manque, car il ne
peut contenir ni trop ni pas assez, ni changer ce qu'il est, car il est unifié par
ses middoth (attributs), bien qu'il ait beaucoup de Noms et de middoth
différents. Il les unifie tous et tous sont unifiés en lui. Il est à l'origine du
commencement, car il débute le calcul, il est UN comme l'est son Nom
mémorisé en toutes choses. Et le début n'a pas d'origine, puisque tout a été
créé à partir de rien. En ce qui concerne la limite d'investigation, si
quelqu'un venait à investiguer dans ses effets, l'investigation aboutirait au
début du premier effet, au point d'où tout ce qui existe en ce bas monde tire
sa cause supérieure, du fondement premier : des Trente-deux Voies de la
Aléf, dont la valeur est 1, est la première lettre du mot éhad (un) [dca].
20
23
Ce qui suit est une note en marge, qu'Abraham Aboulafia mentionne hors contexte.
Il y a là une allusion au Nom Ararita [atyrara], du Cercle provençal Iyyoun, qui est une
24
abréviation pour :dca vtrvmt vdvcyy wvr vtvdca wvr dca « Un principe unique, principe
intime, qui retourne à Un ». Ararita est le nom des plans célestes unifiés.
Les quatre lettres du Tétragramme Yhwh [hvhy] ont une valeur de 26.
25
Sagesse (Hokhmah), de la formation et de l'existence de tout intellect, sans
corps physique, mais en conscience pure. Son observation est seulement
possible par le « va-et-vient »26, ce qui signifie que lorsqu'ils s'élèvent pour
recevoir le Shéfâ27 d'en haut, ils reculent immédiatement, en revenant à
l'envers, et se retournent pour s'élever, puis reviennent, pour continuer à se
déplacer de cette façon jusqu'à ce qu'ils reçoivent le Shéfâ brakoth (Flux de
bénédictions) : « Et ces hayoth allaient et venaient avec l'aspect de la
foudre » (Ézéchiel 1:14). La foudre signifie qu'ils revêtent une image en
fonction de leurs actes, et quand ils opèrent, ils s'habillent des formes
adaptées aux actes qu'ils produisent, pour le bien ou l'inverse. Et cette
forme dont ils sont revêtus est invisible pour les yeux humains, excepté
pour ceux qui ont une âme pure, comme les hassidim et les fils des
prophètes. Les chevaux de feu sont des formes propres à l'intellect, comme
il est écrit : « Et des chevaux de feu et ils les séparèrent l'un de Vautre» (II
Rois 2:11), parfois vers le Jugement (Din), parfois vers la Miséricorde
(Rahamim), comme les rouhoth (souffles, esprits), qui parfois deviennent
souffles missionnés. Avec « un son, doux et subtil » (I Rois 19:12),
ce qui signifie qu'ils ne sont pas perçus et qu'ils sont créés comme des
anges de Miséricorde (Rahamim) en temps de bon vouloir (ratson), alors
qu'en temps de fureur ce sont des anges de Jugement (Din).
Le nom Hod28 est attribué au Vilon29. Ce sont les sept firmaments
psychiques, un au-dessus de l'autre, en qui deux sections différentes ont été
sanctifiées, afin d'accomplir les êtres inférieurs, chacun à sa façon. Quelque
chose fut fabriqué de rien et rien de quelque chose, et du possible accomplit
fut fabriqué le Tohu, qui est la matière première nommée informe (hiyouli).
Ce Tohu est à l'origine de deux sortes de matière : Céleste, qui est simple,
et terrestre, qui est assemblée. Et, comme je l'ai expliqué, le supérieur est
simple et supporte les sphères, alors que l'inférieur est complexe et gravite
en bas dans les quatre cercles du feu, de l'air, de l'eau et de la terre. Un
cercle fut apprêté autour des sphères, semblables à des feuillets, que sont
les sept planètes qui illuminent le monde. Elles sont immuables et leurs
sphères persistent invariablement, jusqu'à ce que tout retourne à sa
substance originale, comme il est écrit : « Car les deux s'évanouiront
comme la fumée » (isaïe 51:6), à la fin des six mille ans.
[...]30 II ... [...] sphères sous les sphères, ce sont la nature du monde des
sphères et du monde des éléments. Elles s'établissent l'une à l'intérieur des
autres sphères, comme les strates d'un oignon en couches successives. Elles
sont vides et le domaine de la sphère est issu de la Terre qui est semblable à
Ratso vashov [bvwv avxr], va-et-vient, est une expression tirée du Livre d'Ézéchiel (1:14). Cette
26
expression revient régulièrement dans l'œuvre d'Aboulafia, car elle est l'un des fondements de ses
techniques de méditation. Dans son Sitré Torah, il écrit: «L'intention en ce qui concerne l'envol est la
révélation et l'occultation (guilouï vekissouï) à la manière de l'oiseau qui est vu et qui ensuite disparaît.
Dans le secret de l'éclair, le mouvement bouge rapidement dans la révélation et l'occultation comme c'est
sa nature de révélation et d'occultation. C'est le mouvement de va-et-vient (Ratso vashov), ainsi qu'il est
dit : « Et les vivantes allaient et venaient, semblables à l'éclair » (Ez. 1:14). L'homme est créé pour
contempler les êtres divins sous cette forme, ainsi qu'il est dit dans le Sefer Yétsirah des dix Séfiroth
belimah que leur « apparence était semblable à l'éclair ».
27
Shéfâ est le flux et l'abondance d'énergie divine.
28
Hod, qui signifie gloire, renommée, est le nom de la huitième Séfirah
29
Vilon est le premier des sept firmaments, son nom signifie le voile ou le rideau.
30
Ici, le manuscrit est abîmé et il manque une partie du texte.
un amas. La neuvième sphère est appelée « sphère environnante », elle
entoure le tout et tourne de l'est vers l'ouest. Et sa course d'est en ouest
annule le mouvement des autres sphères qui tournent de l'ouest vers l'est,
ainsi elles tournent aussi de l'est à l'ouest comme la neuvième sphère qui les
conduit. En elle fut gravée la huitième pour les signes [du zodiaque]. La
huitième sphère est la sphère qui fixe les 12 signes [du zodiaque], ce sont
12 signes en quatre groupes. Car les signes sont divisés en quatre : Trois
avec la force de l'air, trois avec la force de l'eau, trois avec la force de la
terre, trois avec la force du feu, elles sont à l'origine du froid, du chaud, du
sec et de l'humide. La sphère zodiacale est fixée par deux verrous ; un à
l'extrême sud et l'autre à l'extrême nord. Toutes les étoiles tournent dans
cette huitième sphère au-delà des sphères et des planètes, chaque planète
ayant une sphère, et elles influencent le monde et renouvellent les cieux.
Ces sept planètes sont responsables du fœtus qui se développe dans l'utérus
de sa mère, chacune opérant un premier jour du mois. Durant sept mois, le
fœtus acquiert toutes ses fonctions, par conséquent sa forme est complète
en sept mois, donc, s'il naît, il survit. Et les deux derniers [mois], qui sont
Saturne et Jupiter, sont alors répétés. Si le fœtus naît durant le neuvième
mois, il vivra. Mais s'il naît le huitième mois, durant lequel la force de
Saturne est active, alors il mourra et sera appelé huitième né, qui est un
mort-né. Ces sept planètes ont autorité sur la totalité du monde inférieur, et
la planète qui apparaît au début du jour ou au début de la nuit, est surtout
active pendant cette période. « Il a ciselé la lumière », signifie qu'il a voulu
que les sphères contiennent un objet brillant afin d'illuminer le monde. «
Des luminaires en haut », il a placé deux luminaires dans les sphères, un
pour briller le jour et un pour briller la nuit.
Le soleil tourne autour de la sphère zodiacale en un an, soit 360 degrés, un
peu moins d'un degré par jour, et il voyage de treize degrés chaque jour.
Parfois ils concentrent la lumière pour briller, et parfois ils retiennent leur
lumière dans un faible rayon, comme en début de mois, durant les éclipses,
ou en d'autres cas. Ils organisent les saisons, la croissance des arbres et des
plantes, ainsi que le mûrissement des fruits. Ils provoquent également
nombre de merveilles et de prodiges, comme il est écrit : « Et je ferai des
prodiges dans les cieux et sur la terre ; du sang, du feu, et des colonnes de
fumée » (Joël 2:30), semailles et récolte, comme il est écrit : « Les semailles
et la moisson, et le froid et le chaud, et l'été et l'hiver» (Genèse 8:22), la
mesure du jour et de la nuit, comme il est écrit : « Et pour les jours »
(Genèse 1:14), la fin du cycle des saisons : « Et pour les années » (idem),
pour signifier que le cycle de six jours est accompli. Le cycle lunaire est
proche de trente jours. Il y a quatre saisons, lorsque le soleil entre dans : le
signe du Bélier, le signe du Cancer, le signe de la Balance et le signe du
Capricorne. « Et pour les naissances », qui sont les naissances de la lune.
Nos maîtres, de mémoire bénie, ont dit : « La lune n'est pas renouvelée en
moins de 29 jours et demi, deux tiers d'une heure et 72 parties » (Talmud,
Rosh haShanah, 25). Tous les 19 ans les cycles solaires et lunaires se
rencontrent. Et des portes de l'abîme, il est dit : « Que les eaux qui sont au-
dessous des cieux se rassemblent en un lieu » (Genèse 1:9), et elles se
tiennent dans l'abîme, comme il est écrit : « Qui a découpé des canaux aux
torrents de pluie » (Job 38:25). Le liant fondamental du Din est la matière
informe de la terre, qui est au-dessous des sphères, à partir desquelles les
quatre cercles soutenant le monde sont faits. Ce sont les cercles
élémentaires qui forment le froid, le chaud, le sec et l'humide. Les quatre
cercles séparés ont été liés et se sont mêlées jusqu'à ce que chaque cercle
ait été changé sous l'influence des autres. Parmi eux, deux sont lourds et
descendent, ce sont l'eau et la terre ; et deux sont légers, ce sont le feu et
l'air, ils s'élèvent en raison de leur légèreté et de leur finesse. Je n'en ai pas
trouvé davantage à ce sujet, c'était l'introduction du commentaire de la
Torah du rabbi Tèédaqah Halévi de la ville de Gaza, et c'était une
explication hors contexte. [Fin de la note en marge.]
À présent, mon fils, après avoir clarifié la forme du monde ressenti, nous
parlerons brièvement de ce que nous savons de celle de l'intellect. Aristote
disait que, pour lui, le Shéfâ qui s'épanche de Dieu est la cause de tout et
qu'il s'écoule d'un intellect unique séparé, effet direct de Dieu. Je dirai qu'il
anime le mouvement de la sphère environnante, d'où découlent encore huit
intellects séparés, et chacun met en mouvement l'une des sphères
mentionnées, jusqu'à la sphère de la lune. Il existe un intellect unique qui
anime tout ce qui se trouve sous la sphère lunaire, qui, selon la
connaissance des philosophes, s'appelle Intellect agent (sékel ha-poël). Nos
maîtres, de mémoire bénie, l'ont appelé Ishim32, et c'est ainsi que le Rav
l'interprète dans le Guide. Il écrit que ce sont des anges resplendissant qui
parlent aux prophètes, et c'est pourquoi ils sont appelés Ishim. Nous
possédons, par la Kabbalah, des secrets profonds et merveilleux à ce sujet.
Nous te les indiquerons, autant que cela se peut. J'ai déjà dit à chaque
maskil, que tout ce que l'on dit, ou croit, par Kabbalah ne nécessite aucune
preuve. Car ce qui nécessite d'être prouvé, est uniquement quelque chose
que l'intellect ne peut accepter d'emblée. Ce qui a été reçu exige beaucoup
de contemplation avec concentration, et dès que l'on comprend, on ne peut
pas le prouver, c'est ce que nous appelons reçu (meqoubal). Nous nous
débarrassons du besoin de preuve, car ce n'est pas possible. Lorsqu'il est
possible de le prouver, alors nous l'appelons intelligé (mouskal). Il est
connu que l'intelligé et supérieur au reçu, car le conçu, une fois prouvé, ne
prête pas à controverse et ne peut plus être falsifié, alors l'intellect doit le
croire. Toutefois nous n'appelons pas cela « croyance », mais plutôt
connaissance, car c'est la « connaissance » vraie qui le rend supérieur.
Quelque chose de reçu peut toujours être dénaturé et il est toujours possible
d'affirmer que ce qui est « reçu » est une erreur de ton enseignant en
Kabbalah. Par conséquent, un homme ne sait pas vraiment ce qu'il ne peut
pas prouver. Ainsi, nous appelons « reçu » quelque chose que nous croyons
parce que nous l'avons reçu, même si cela ne peut être prouvé, nous en
avons la conviction au lieu d'en avoir la connaissance. Comme dans le cas
du renouvellement (des mois), que nous avons reçu, ainsi que nous l'avons
expliqué ci-dessus. Parce que c'est impossible, les philosophes nous mettent
au défi d'apporter une preuve du renouvellement, qui est en contradiction
avec leur méprise, selon laquelle le monde est ancien et ne se renouvelle
pas. Nous-mêmes, qui croyons que le monde se renouvelle, ne pouvons pas
prouver avec certitude que le monde se renouvelle. Donc, nous conservons
cette foi en nos cœurs, au lieu de la connaissance selon laquelle il se
renouvelle.
Cela est valable pour tout ce qui est reçu et qui va à l'encontre de notre
vraie Torah. Ainsi, ce qui est reçu s'élève au même niveau que la croyance,
et, dans une certaine mesure, lui est même supérieur, pour des sujets
32
Le terme signifie personnalités ou individus, dans l'humain c'est l'expression de la « petite
personnalité» , l'égo. Le nom Ishim désigne aussi une catégorie d'anges.
spécifiques reçus que l'intellect serait incapable de concevoir, si ce n'est par
le biais de la prophétie. Ce qui est impossible, car il n'y a, pour cela, aucune
preuve supérieure à une autre preuve. Toutefois, parce que l'intellect est
faible par nature, ces sujets ont été transmis sous forme d'histoires et de
récits, qui, nous le savons, ne mentent pas. Comme il est dit : « Et aussi, la
sûre Confiance d'Israël ne ment point et ne se repent pas, car il n'est pas un
homme pour se repentir » (I Samuel 15:29). Les foules affirment sans
preuve que Dieu est Un, comme on le sait. Il existe nombre de preuves de
ce fait, mais l'esprit des foules est trop faible pour le concevoir. Par
conséquent, cela est présenté en tant que question kabbalistique, ce qui est
suffisant pour eux.
De même, la Kabbalah orale par la prophétie du prophète est suffisante
pour ceux qui l'entendent de lui ou qui la lisent dans son livre. Car les livres
des enseignants révèlent la connaissance de leurs auteurs et témoignent
également à quel cercle il appartient parmi tous les cercles d'initiés, car ils
sont divisés en fonction de leur niveau de connaissance. Certains écrivent à
l'aide de la prophétie, d'autres par la Rouah ha-qodésh, quelques-uns par la
croyance, certains seulement à l'aide de la pensée, et d'autres par leur
imagination. Les motivations les poussant à écrire sont également
différentes. Certains écrivent sous l'impulsion de la Néfésh, et rien d'autre,
cette intention est la plus noble de toutes les intentions. Il y a ceux qui
convoitent un bénéfice matériel, et ceux qui recherchent le pouvoir et les
honneurs ; ceux qui dégradent les propos des autres par jalousie et rancœur,
afin de reprendre leurs collègues et démontrer qu'ils sont plus intelligents
que les autres auteurs. Ceci est une vile intention et ce trait ne se trouve pas
chez celui qui a un intellect sain. Et si la nature venait à l'y pousser, il
devrait s'en préserver par son intelligence, calmement dans un premier
temps, jusqu'à ce que son intellect l'emporte sur sa nature, qui est le
yetsér ha-raâ (mauvais penchant). Toutefois, si son intention est de corriger
les propos d'un autre, contenant des erreurs ou si quelque chose aurait
échappé à l'auteur en raison de ses lacunes intellectuelles au sujet de ce
qu'il a écrit, son intention est leshém shamayim (au nom des cieux) ; Afin
de supprimer l'erreur et de se rapprocher de la vérité, démontrer la
profondeur de son travail, avec le respect nécessaire entre maskilim. Il
devra indiquer les endroits où se trouvent les erreurs dans les textes qu'il
possède. J'affirme que cela est une grande mitsvah, afin de préserver les
autres des difficultés qu'il a rencontrées. J'applique cette même règle à mon
propre travail. Puisse l'auteur qui me corrigera être béni, et que Le Nom
Yhwh, béni soit-Il, m'en soit témoin, car Lui seul connaît mes intentions,
car ce que j'ai écrit ci-dessus au sujet de la fabrication de faux noms, cela a
été mon intention. Je me suis justifié et j'ai dit qu'ils ne doivent pas être
détruits, car ils pourraient contenir un sujet inconnu de l'auteur de ce texte,
ce qui signifie que certains possèdent ces noms, mais pas l'auteur. Après
avoir mentionné le ressenti et l'intelligé globalement, je vais écrire sur le
corps et l'âme en général et ensuite, je mentionnerai les noms qui
s'appliquent à tous, comme j'ai commencé à le faire. Je vais les rendre aussi
clairs que je le peux pour le Maskil qui est un kabbaliste capable d'en
comprendre l'intérêt, pour son plus grand plaisir, et avec l'aide de Dieu.
Je dis que toutes sortes d'assemblages se trouvent dans l'homme, car il est
l'ultime assemblage, puisque créé en dernier. Il a été créé à l'intention de sa
Néfésh (âme), et la raison d'être du corps doit être de l'aider et de l'assister,
de même que la femme est une aide pour son mari. Comme il est écrit : « Je
lui ferai une aide qui lui corresponde » (Genèse 2:18). Que nos maîtres, de
mémoire bénie, ont interprété : « S'il est digne c'est une aide, s'il est
indigne c'est une entrave ». Le corps est initialement composé des quatre
éléments, dont il reçoit sa matière et sa forme lorsqu'il est une semence. Le
corps mute lentement de sa première existence, pour recevoir la forme du
végétal, puis de l'animal et enfin du parlant, puis la forme de l'intellect. Il
mute maintes fois jusqu'à ce qu'il émerge de la potentialité à la pleine
réalisation, qui est la dveqouth (adhésion) avec les êtres supérieurs. Les 248
organes du corps sont tous nécessaires, afin de produire tout ce qui permet
de passer de la potentialité à l'acte. Il est bien connu que chaque œuvre
humaine, suivant les chemins de dieu, est issue de la puissance de l'intellect
connectée à l'essence de la Néfésh. Alors que toutes celles qui suivent
d'autres voies, c'est-à-dire autres que celle de Dieu, sont issues de la
puissance naturelle créée, qui est trompeuse. C'est le yétser ha-râa, le
Satan, l'Ange de la mort et le serpent primordial. Car on sait que nos
maîtres, de mémoire bénie, ont dit : « Quand la femme fut créée, le satan
fut créé avec elle »33 (Talmud - Beréshith rabba 6:17) ; et l'on connaît le
secret de l'homme et de la femme, que je t'ai mentionné ci-dessus. Il existe
dans tous ses actes, même s'ils découlent de la nature, et il n'est pas
possible d'y échapper, car ils ont été conçus afin de concevoir la vérité et le
bien de Dieu. Par exemple, la bouche est naturelle à l'homme, comme elle
est pour d'autres animaux. Son rôle est de demander de la nourriture,
manger et boire, afin de conserver le corps en bonne santé et de profiter de
cette nourriture et rendre grâce à son Créateur, en parfaite santé. Et pas
uniquement par gourmandise ni pour que son corps soit uniquement en
bonne santé. Indubitablement, ce type d'action est véritablement Leshém
shamayim, car l'intention fait pencher le cœur vers la miséricorde. Si ses
actes, ou ses paroles, contiennent des choses qui auraient dû être rejetées,
ils viennent à la place de ce qui aurait pu bénéficier de l'intention
concernée, telle une impérieuse nécessité, cela ne signifie rien. Car il est
indigne du Maskil d'examiner n'importe quel acte en particulier, à moins
d'un besoin d'extrême exactitude, afin d'y trouver le mérite là où il pourrait
éventuellement être découvert.
Puisque je m'appuie sur le Guide du Rav, ainsi que sur son interprétation
d'Avoth, je m'abstiendrai de développer davantage ce sujet, ce qu'il a dit est
amplement suffisant. Et s'il s'avérait que ce qu'il a dit soit insuffisant, alors,
il est inutile de préciser que ce que je dirai ne suffira jamais, puisque je
m'appuie sur lui. Et je crois que ce qu'il a voulu dire, lorsqu'il a interprété la
Masketa, n'a pas échappé au Maskil, qui vont dans le sens des conclusions
du Guide. Après avoir rappelé la globalité de l'homme dans la réalité de son
corps, de son âme, de ses actes et ce qui en dérive, il est nécessaire d'établir
le but de son existence, afin qu'il puisse revenir vivant parmi les vivants
33
Dans l'esprit Abraham Aboulafia, ceci ne signifie pas que la femme est satan, mais qu'avec la femme
sont apparues la dualité et la différentiation, entre le bien et le mal, le jour et la nuit, etc.
lors de la résurrection des morts et vivre dans le Olam ha-Ba (Monde à
venir), sans limite. Je vais maintenant évoquer tous les Noms que connais,
concernant les secrets de la Torah, qui aident l'âme à croire en la vérité et à
écarter le mensonge qui n'a pas d'existence. Car le mensonge n'est rien
d'autre qu'un manque de vérité. La vérité soutient le monde en permanence
et existe par elle-même. C'était la motivation de nos Maîtres, de mémoire
bénie, lorsqu'ils ont dit : « Le monde repose sur trois choses : Din
(Jugement), Éméth (Vérité) et Mishpat (Equité) ; comme il est écrit : «
Prononcez la vérité et un jugement de paix dans vos portes » (Zacharie
8:16) » (Aboth 1:17).
Il est connu que ces trois choses sont toutes tributaires de la vérité, ainsi
qu'il est écrit : « Prononcez des jugements de vérité » (Zacharie 7:9) et : «
Des paroles de paix et de vérité » (Esther 9:30). Ce qui signifie que les
paroles de paix sont vraies et que la paix coexistera toujours avec la vérité,
lorsque la vérité sera connue de tous côtés. Toutefois, si un seul des côtés
venait à manquer, la vérité disparaîtrait, et avec elle la paix. Car elle résulte
de la vérité, qui en est la cause, et ne peut se trouver sans elle. Ne sois pas
perturbé par ce que disent nos Maîtres, de mémoire bénie, à savoir qu'il est
acceptable de mentir pour le bien de la paix, car ce mensonge n'est rien
d'autre que de la vérité dans le langage du cœur. En effet, si une personne a
compris qu'elle a menti afin de pacifier son cœur, elle ne ment pas en son
for intérieur, ce n'est donc pas un mensonge, mais c'est la vérité et la paix
en soi. On trouve la preuve que le monde dépend de la vérité dans
l'alphabet, car la tête, le milieu et la fin forment la vérité (éméth)34. Et le
reste des lettres en dépend, car toutes les lettres correspondent à la réalité et
y font allusion. Les lettres restantes sont des nombres, comme le nombre de
serviteurs, et leur signe est : « Voici, à Yhwh, ton Dieu, appartiennent les
cieux, et les cieux des deux » (Deutéronome 10:14). Mis à part les
kefoulim35, car les pshoutim36 sont sous le signe de : « Voilà, tu aimes la
vérité [ N"h t"ma] dans le cœur » (Psaumes 51:8). Avec les kefoulim le
compte est shlémouth (perfection) et le compte des lettres finales37. Avec
les vingt-deux lettres on a la valeur de malkouth (royauté)38. Ensuite, on
prend shlémouth et l'on met la vérité de côté, elle reste de l'autre côté pour
la valeur de : « Toute la Merkavah est une et vraie »39. Sache que le secret
34
Émeth [tma], la vérité est formé de la première lettre, aléf, de la treizième au milieu, mém, et de la
dernière, Tav.
Ce sont les douze lettres simples : qxisnlye czvh . La somme des valeurs de 12 lettres est égale à
36
[Mylvpk], plus 19, nombre de lettres restant une fois les trois lettres de éméth retirées. Ce nombre peut
aussi s'obtenir en additionnant 496, valeur de t"ma N"h, plus 280, somme des cinq lettres finales
[XPNMK].
Malkouth [ tvklm], royauté, à une valeur de 496, identique à celle de t"ma N"h . Mais le compte
38
mentionné est plus complexe. La valeur totale des 22 lettres est égale à 1495, qui s'écrit : h"xt"a et la
valeur de ces quatre lettres est égale à 496.
39
« Toute la Merkavah est une et vraie » [t"ma d"ca h"bkrmh l"k ]. Cette phrase à une valeur de
de éhad (Un) a été expliqué ci-dessus. On peut constater que la valeur de
malkouth, une fois la vérité de côté, est « tout est vérité »40. Avec le compte
des finales et éméth mis d'un côté, on obtient : « À l'origine de toute vérité
»41. Et c'est le secret de tout le réel, car sa réalité est la vérité qui a déjà été
réalisée de tous côtés, à partir du Shéfâ véritable, qui est appelé par un Nom
identique à celui de son maître. C'est Métatron, Prince de la Face (Sar
hapanim)42, et les lettres témoignent du « Prince des armées »43, « dans le
mouvement de la sphère »44. Dans quelle sphère ? dans la sphère qui
accomplit la Création, celle qui est supérieure et qui contient tout. Son
mouvement témoigne de son Créateur, car le compte continue après 999,
car mille (éléf) ramène à aléf dont le nombre est un. Et le mouvement se
répète dans un cercle aboutissant à 999. Ceci est valable pour les 945, mais
c'est la même chose pour toutes les lettres, il y a trois 9. À l'image des trois
mondes, et ce sont 27, dont le secret est le plateau du droit (kéf zakouth) 46.
Il y a trois merkavoth dans les vingt-deux lettres47, comme dans l'ensemble
de l'image intermédiaire, et l'on peut constater que, par leur calcul, elles
témoignent de la vérité, car elles vivent de façons très significatives de
chaque côté. Car la Merkavah supérieure est simplement: AB-GaD [d"g
b"a]. Si l'on ôte le aléf, de éméth (vérité), il reste béguéd [d"gb] (vêtement).
La Merkavah médiane est m"lky (yod, kaf, laméd, mém). Si l'on ôte le mém,
de éméth (vérité), il reste keli [y"lk] (réceptacle). Ensuite, avec la Merkavah
inférieure, qui est t"wrq (qof, reish, shin, tav). Si l'on ôte le tav, de éméth
(vérité), il reste shéqér [r"qw] (mensonge). Ainsi, lorsque tu ôtes la vérité
(éméth), il reste un vêtement, un réceptacle et un mensonge. Et la vérité
reste seule en son essence. Connais ce beau secret, car c'est le
commencement des chemins de El, qui sont les sentiers de la Kabbalah. Et
ce faisant, je l'ai décrit pour toi au début de mon propos.
étendues des cinq lettres finales de 3500, ce nombre s'écrit : "qt"g. La valeur de ces trois lettres est 503.
Ainsi, 496+503 = 999
« Métatron Sar hapanim [M"ynphr"w N"v"vreem] a une guématria de 999
42
(plateau de la balance), représente aussi la modération. Expression tirée du Séfer Yetsirah (2:1) : «fondées
sur le plateau du droit et sur le plateau du devoir ».
47
Ce sont les trois lettres : aléf, mém, tav de éméth. Mais cela peut aussi faire allusion aux trois groupes :
mères, doubles et simples.
CHAPITRE VIII
Beshkmalo [v"lmkwb] est l'acronyme de la prière : Mlvil vtvklm dvbk Mw Kvrb div. Cette
48
Ici, ôvèd [d"bi], esclave, serviteur, est formé des lettres permettant d'écrire 72, b"y, et 4, 'd . Ôvéd est
57
Les deux premières lettres de chaque mot de l'expression « sénah delah pnei » [ynp hld hns],
61
Si l'on associe les quatre dernières lettres de Ofanim [Mynpva], soit : DMS, avec les trois dernières
66
lettres de Hayoth [tvyc], soit : tvy, on obtient pnémiyouth [tvymynp], l'intériorité. De plus, ofan, la roue,
fait allusion aux roues des combinaisons (tséroufim) de lettres.
Arelim [Mylara] est lu ici éréh élim [Myla hara], élim désigne les puissances célestes, mais aussi
67
les divinités et les dieux. Ainsi, aréh élim, peut se traduire : je verrai les dieux.
68
Abraham Aboulafia reprend ici le concept talmudique, selon lequel le Hashmal de la vision d'Ezéchiel
est constitué avec les deux premières lettres de hashoth (mutisme) [tvwc] et de maleloth (parlant)
[tvllm], pour signifier: silence parlant. Ce silence parlant est un chuchotement, malhash [wclm],
tsérouf de hashmal.
Chuchotements, melahashim [Mywclm], est un tsérouf des lettres de Hasmalim [Mylmwc].
69
les personnalités (ishim) des êtres humains. Ils sont nommés par analogie et
non par leurs propres personnalités, car leur niveau est au delà, c'est un
niveau à la limite des intellects séparés. Ils font épancher la vie qui les
transcende, afin de ramener l'âme humaine à l'éternité. L'un soutient l'autre.
Cela est lié au premier secret : « Le dixième, sera sanctifié à Yhwh »
(lévitique 27:32).
Après t'avoir parlé des noms des anges en général, je te ferai connaître les
noms inférieurs en général, en fonction de leur nature, autant que je le
peux, avec l'aide de Dieu.
Sache que le nom sphère s'applique à tout ce qui est rond et circulaire, car
les sphères sont des cercles devant et derrière, messager de feu et d'eau. Il
est dit : « Mâle et femelle, telle paix sera la paix ».
Note du copiste : À partir d'ici, le texte est défectueux, puisse Ha-Shém me
rendre digne de les retrouver et de les recopier. Il manque deux pages70.
[...] et vraiment, lorsque la néfesh se sépare du corps, son niveau est de loin
supérieur à la sphère matérielle, et elle est dissimulée sous le Trône de
Gloire, qui la transcende. J'ai porté à ta connaissance le secret du Sar
Tsévaoth, par le biais de la Kabbalah.
Il est dit que le septième, Adonaï, est issu du pardon et de la miséricorde, et
je pense que c'est parce qu'il désigne la seigneurie (adnouth), et un bon
seigneur est miséricordieux pour ses serviteurs. Toutefois, et tu connais
déjà mon avis, il désigne le Juste. On sait que le Juste est celui du Shéfâ de
tsédaqah, comme je te l'ai dit au sujet de l'unification qui indique la
tsédaqah dans le secret du Grand Monde. C'est pourquoi on l'appelle
Tsadiq (Juste) pour le décrire, car elle est attirée par lui en permanence. Et
je t'ai fait connaître également d'autres choses à ce sujet.
On dit que le huitième [nom] est l'unification, que nos Maîtres, de mémoire
bénie, ont interprété par « les kohanim à Yom Kippour ». C'est celui que
l'on ne peut entendre, excepté dans le Temple, et même lorsque le Grand-
Prêtre commençait à l'évoquer, tous répondaient par Beshkmalo [l'"?a3»a]71
à haute voix, de sorte à ne pas entendre explicitement les dix évocations
durant Yom Kippour dans le Temple. Mais pourquoi ce Nom en particulier,
et en ce jour spécifique? Pourquoi dix fois ? Pourquoi dans le Temple ? Et
pourquoi le Grand-Prêtre? Toutes ces questions contiennent des merveilles
et des secrets hautement sacrés de la Kabbalah. Et je t'ai fait connaître tout
ce que je détenais.
On dit du neuvième, qui est Qadosh (saint), qu'il est le secret de l'audition
de la bouche des Sérafim et des Kerouvim, comme il est écrit: «Et l'un
criait à l'autre » (isaïe 6:3)72. Néanmoins, cela ne nous a pas été révélé par
nos Maîtres, de mémoire bénie, qui n'ont pas dit qu'il était interdit de
l'effacer, tout comme le dixième : Mélékh (Roi). Ils les ont appelés «
dénominations » (kinouïm) et sont comme les autres lettres saintes qu'il est
permis d'effacer, telles que Rahoum et Hanoun (Miséricordieux et
Clément), Naman (fidèle), Tsadiq (Juste), et d'autres, qui sont des
70
II semble manquer l'explication des six premières dénominations.
71
Voir note Erreur ! Signet non défini ...
72
« Et l'un criait à l'autre, et disait : Qadosh ! Qadosh ! Qadosh !, Yhwh Tsévaoth; toute la terre est
remplie de sa gloire ! »
descriptions et des dénominations (kinouïm) qui en résultent. Le secret que
nous en avons reçu, et qui est sacré, réside, comme le mentionne le Séfer
Yétsirah (2:5): «dans 231 portes...» signalées par AM'Sh et d'autre part
signalées par « 231 »73 appuyées sur l'alphabet. Son secret est l'addition des
Hayoth ha-Qodésh supérieurs à tout, dont le signe est beréshith
(Commencement). Ne lis pas beréshith, mais bara shith (créa six)74. Par le
tsérouf, cela devient : berosh Téi (dans la tête de Téi), Tei, qui en Grec
désigne Elohim, avec la dentale T et la voyelle éi75. Son secret est différent
en d'autres langues, toutes les langues sont contenues dans la langue
commune, qui est la Langue sacrée, constituée de vingt-deux lettres et cinq
voyelles, ainsi que nous le verrons plus loin, avec l'aide de Dieu, sans quoi
il ne pourrait y avoir aucun discours ni aucun écrit ou modulation des
lettres sacrées, de la Langue sacrée : qof-daléth-vav-shin, Téi en Grec, soit
tav-yod76. Santo ou Santho77 en langue étrangère; shin, noun, tav, vav, ou
teith, vav. De même, si l'on évoque les soixante-dix langues, les lettres
seront toujours celles de la Langue sacrée, il en va de même pour toutes,
hormis que cette langue est apprêtée pour ceux qui savent, et non pour ceux
qui ne connaissent pas le Nom. C'est une question merveilleuse, car elle
contient un grand secret que l'on connaît par le verset : « Et toute la terre
avait une seule langue et les mêmes paroles » (Genèse 11:1), englobant
tout, y compris les languages de la terre entière. On le sait également par un
verset concernant le Messie : « Alors je donnerai aux peuples des lèvres
pures, afin qu'ils invoquent tous le Nom de Yhwh, Pour le servir d'un
commun accord » (Sophonie 3:9). Nous savons que les soixante-dix
[languages] sont contenus dans la Langue sacrée (Lashon ha-Qodésh),
ainsi que nous l'avons dit.
Il est dit du dixième, Mélékh (Roi), qu'il indique les questions
existentielles, car il est le Roi des Rois des Rois, béni soit-Il. Après avoir
mentionné pour toi l'interprétation des dix Noms, comme le Gaon, de
mémoire bénie, en a parlé, j'évoquerai le Nom de 12, le Nom de 14, le Nom
de 42 et le Nom de 72, puis les Noms des anges qui le servent, béni soit-Il,
comme exposé par le Rav dans le Guide. Ils sont dix et sont hiérarchisés :
Externes, intermédiaires et intérieurs. Ce sont : Hayoth ha-Qodésh, Ofanim,
Arélim, Hashmalim, Sérafim, Malakim, Élim, Bnei Élim, Kerouvim et
Ishim. Tu sais déjà que ces Noms sont des pluriels, afin d'indiquer qu'aucun
d'eux n'est unique dans l'unification, comme l'est son Créateur, mais tous
sont composés, même s'ils dirigent et contrôlent ce qui est en-dessous
AM'Sh [w"ma] sont les trois lettres mères : aléf, mém, shin. L'association de chacune des 22 lettres
73
avec les 21 autres, soit 462 combinaisons, c'est-à-dire 2 x 231. Ainsi, la roue du Séfer Yétsirah se signale
par 231 combinaisons dans un sens et 231 dans l'autre
Bara shith [tyw arb] signifie : Il créa 6, en araméen. Ce thème est exposé dans le premier tome du
74
Séfer ha-Zohar.
75
Elohim correspond à Théos, ici Abraham Aboulafia fait allusion aux deux premières lettres (Thé).
Tav et yod [yt], les deux dernières lettres de beréshith, qu'Abraham Aboulafia associe au Téi grec, ont
76
une valeur de 410, identique à la valeur des quatre lettres de qadosh [wvdq], sacré.
77
venw ou vtnw. Abraham Aboulafia veut peut-être mentionner « santo », saint, en italien. Pour avoir
séjourné en Grèce et en Italie, ce grand voyageur maîtrisait les langues de ces pays, au point de les utiliser
dans ces jeux mots et de nombres.
d'eux.78 Le Rav, de mémoire bénie, a dit que Hayoth ha-Qodésh est un
Nom issu de la vitalité et de la sainteté, il semble donc que leurs Noms
soient en relations avec leurs effets, et que parfois ils portent directement le
Nom de l'effet, comme Raphael pour la médecine, Gabriel pour la vigueur
(guevourah) et la sexualité, par la racine gavra, et Samael pour le Nord,
c'est-à-dire le yetsér ha-râa. Ainsi, lorsque la plupart d'entre-eux se
manifestent, leurs effets sont immédiatement compris grâce à leurs Noms.
Parfois leurs Noms reposent sur la guématria, la notariqa ou le tsérouf des
lettres. Comme pour Shaddaï qui a la guématria de Metatron, et par
(taureau) qui a la guématria de sandalfon. L'un est le cavalier et l'autre la
monture. Sache-le, car c'est un grand secret, et il y en a beaucoup d'autres
comme celui-ci, tels que Sandalfon : « Au Sinaï apparût mon visage »,
Metatron est le gardien (noter), Hashmal est le silence parlant, secret de
Grizim et Êvel ; qui est une notariqa de Hokhmah, Shalom, Malkouth,
Levoush, etc. En correspondance avec Tsévaoth par tsérouf de : « Il est un
signe dans l'armée », etc.
78
Note du traducteur : À partir d'ici Abraham Aboulafia reprend mot pour mot ce qu'il a dit dans le
chapitre IX. L'auteur veut peut-être terminer ce chapitre par un récapitulatif, ou bien il s'agit d'une erreur
de copie.
CHAPITRE XI
Les paroles de nos Sages, de mémoire bénie, t'éclaireront sur tous les sujets
de la Kabbalah. Analyse tout ce que j'ai évoqué, ainsi que ce que je n'ai pas
mentionné, car tout converge vers un même lieu. Sois également éclairé par
les structures des mots, même si ce ne sont pas des noms essentiels ou des
noms épithètes, car ils contiennent de merveilleux secrets. Sois aussi éclairé
par les noms des humains énumérés dans la Torah, car la majorité de ceux
qui sont trouvés dans les Écritures sont explicites, comme : Adam de «
adamah », Eve « mère de tout vivant », Caïn « acquis », Séth « Elohim m'a
donné semence » (Genèse 4:25), Noé « nous réconforte », Abraham « père
d'une multitude », Isaac « il a ri », Jacob du talon, Ésaù « a fait », Édom «
sur le rouge », Ruben « a vu », Shiméon « a entendu », Lévi « a prêté »,
Yehoudah « je rends grâce », Issakar « ma récompense », Zevoulon « me
nourrira », Dan « me jugera », Néftali « j'ai vaincu », Gad « le bonheur
vient », Ashér « a été confirmé », Joseph « assembler », Benjamin « fils de
ma droite », Moïse « tiré de », Gershom « étranger », Éliézer « mon aide ».
Analyse-les, car ils sont remplis de pierres précieuses contenant de
précieux secrets. Ce sont les paroles de la Kabbalah, et toutes les saveurs
de la Torah sont dans la Kabbalah, pour la connaissance véritable du
monde, et à aucune autre fin, comme dans le cas de ceux qui écrivent les
Noms pour l'amour ou par la haine, ou d'autres folies sans odeur ni saveur.
Je t'ai déjà fait connaître toute la vérité de la réalité du ressenti et du conçu,
ainsi que sur la nature humaine interne et externe, et les sentiers cachés et
révélés de la prophétie, qui dépendent des lettres, des mots et des nombres.
J'en ai évoqué tous les aspects. La Torah est au centre, l'Arbre de Vie,
comme il est écrit : « Et l'arbre de vie au milieu du jardin, et l'arbre de la
connaissance du bien et du mal » (Genèse 2:9).
À présent, je vais t'éclairer globalement, en guise de conclusion. Sache qu'il
y a trois Nafshoth inférieures, alors qu'il y a neuf Nafshoth supérieures, ce
qui en tout fait « Guét » [e"g] 79. Les supérieures dépendent des sphères, de
la sphère de la Lune à la sphère environnante. Les inférieures sont le
végétatif, le perceptif et le parlant. Tu sais déjà que toute chose a été créée
pour le bien d'une autre, telle que la Néfesh végétative humaine, qui a existé
avant la Néfésh perceptive, afin de recevoir cette dernière. De même, la
Néfésh perceptive, précède la Néfésh du parlant ; et la Néfésh du parlant
précède quelque chose d'autre : l'intellect. En lui, se trouvent les neufs
Nafshoth dans les sphères, par qui l'intellect peut être compris. De même
que l'intellect se trouve dans les êtres créés afin de permettre la
compréhension du Créateur, béni soit-Il. C'est pourquoi le Maskil
accomplit doit se dévêtir du vêtement des trois Nafshoth mentionnées
ci-dessus, et de se vêtir de sa forme intellectuelle qu'il aura découverte,
afin d'être agréé par son Créateur, béni soit-Il, dans la mesure où il le
79
Guét, le divorce, est constitué de guimel, 3, et de teith, 9.
pourra. Il ne devra pas supporter plus qu'il ne le peut, car l'excès revient à
ne rien avoir. Car il est connu que la forme de la Néfésh est
l'intellect et que le corps à la forme de la Néfésh. De même, toutes les
lettres sont comme les corps et tous les points-voyelles sont comme
la Néfésh, et ce sont cinq voyelles : qamats, tséré, holam, hiriq, shourouq.
Leur signe est notariqoun ou légvoulothiah (à ses frontières)80. Et le
signe de leur compte est : « la fin des merveilles », selon cette
forme : a, i, o, ou, é. Aucune parole n'est possible sans eux et aucun
discours ne peut s'articuler sans eux. Ils contiennent trois mondes :
Supérieur, intermédiaire et inférieur. De la même façon le discours se
divise en trois : la voix, le souffle et la parole. C'est pourquoi nos
Maîtres, de mémoire bénie, ont dit : « Un point, un espace des lettres est
comme la Néshamah parmi les créatures », et dans Yéroushalmi, ils ont dit:
« Un point dans les lettres d'un mot de la Torah est comme la Néshamah
parmi les hommes », ce qui signifie qu'un point-voyelle entre les lettres est
comme la Néshamah dans les créatures. Considère que leur parole :
«Comme les neshamoth dans les corps » n'est pas le but final, mais ce qui
vient après elles.
Ceci est compréhensible, car la Binah peut être perçue dans l'intellect par la
Néfésh. Il n'y a aucun intérêt, vérité et perfection dans le corps et dans la
Néfésh si l'intellect n'existe pas. Tout comme il n'y a aucun intérêt, vérité et
perfection dans les lettres et les voyelles sans la compréhension de leur
signification. Et l'on sait que si la Néfésh ne revêt pas la forme de l'intellect,
il n'y a pas de complétude avec le Créateur, béni soit-Il. L'existence n'est
pas bonne sans connaissance, comme il est dit dans l'Écriture : « De même,
le manque de connaissance (dâath) dans Néfésh n'est pas bon » (Proverbes
19:2). Et dans le cas opposé, c'est-à-dire quand l'intellect existe dans la
Néfésh, alors qu'elle est encore dans le corps : « Mieux vaut pour moi la
Torah de ta bouche, que mille objets d'or et d'argent » (Psaumes 119:72)81,
c'est-à-dire qu'il est meilleur pour moi de découvrir la Torah donnée par ta
bouche, qui est le Sékel (intellect), plutôt qu'avec la meilleure Néfésh ou le
meilleur corps. La Néfésh étant symbolisée par l'or et le corps par l'argent.
Sache que tout cela illustre la connaissance que je t'ai transmise au sujet des
Noms, sans laquelle ces matières sont incompréhensibles. Je t'ai expliqué,
par exemple, la raison pour laquelle j'ai intitulé ce livre : Guét (divorce), en
raison de la nécessité de supprimer toutes choses dont les intentions ne sont
pas déterminées. Médite ce que j'ai dit, à savoir que l'homme doit avoir
pour but la réalisation des paroles du prophète, qui est dissimulé et occulté
à l'intérieur de ce qui compose les mots et les Noms, à partir d'eux jusqu'à
l'aboutissement de la connaissance omnipotente, qui est la Connaissance du
Nom; son amour et sa crainte. Dieu, à travers son Nom, nous trouvera alors
dignes d'accéder aux secrets de sa Torah parfaite et mystérieuse, de sorte
Les deux mots contiennent les cinq voyelles, notariqoun : Nvqyrevn , et légvoulothiah : hytvlnbgl .
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82
Le mot pour « grâce » est Hén [Nc], abréviation pour ésotérique pour signaler la Sagesse cachée.
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