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Dix-huitième Siècle

La querelle des inversions


Marc Dominicy

Abstract
Marc Dominicy : The problem of inversions.
The aim of this article is to describe d'Alembert's approach to the celebrated problem of word order and so-called "inversions". It
shows that his theory rests on four "axioms" which were generally accepted during the 18th Century : (i) words signify ideas ; (ii)
meaning is compositional ; (iii) thought proves to be nonlinear, at least to some extent ; (iv) it is possible to define a "natural"
ordering of ideas, in relation to a syntactic theory. D'Alembert's originality stems from his awareness of the limits of such an
analysis, and from the epistemological background of his grammatical reflections.

Citer ce document / Cite this document :

Dominicy Marc. La querelle des inversions. In: Dix-huitième Siècle, n°16, 1984. D'Alembert. pp. 109-122;

http://www.persee.fr/doc/dhs_0070-6760_1984_num_16_1_1487

Document généré le 24/06/2016


LA QUERELLE DES INVERSIONS

U Éclaircissement sur l'inversion que d'Alembert a ajouté à

fait
Delesalle
taires
essentiellement
bientôt,
Auroux
gique
au
quelques
problème
l'objet
structuré,
fournis
apeu
lignes
n'en
situé
d'aucune
pénétrants
de
par
parlent
mais
cet
de
paraphrastiques
l'inversion
Bakalar,
ses
écrit
étude
sespas
Éléments
réflexions
3.
par
approfondie.
Seul,
ou
Essar,
4.rapport
guère
de
et,
à ne
Scaglione
notre
philosophie
2touchent
nous
à, un
Ulrich
tandis
connaissance,
contexte
espérons
etque
Ricken
pratiquement
Venturi
1 n'a,
les
épistémolo-
leet
commen¬
jusqu'ici,
montrer
Simone
Sylvain
restent
pas

Ici comme dans de nombreux autres cas, l'attitude des


historiens s'explique, au moins en partie, par les traits dominants
du texte considéré. Fidèle à une démarche qui a été fort bien
saisie par Michel Paty 5, d'Alembert se révèle avant tout

soucieuxvolontiers
rigueur
saisissants,
faiblesse d'explorer
demais
la dangereusement
Lettre
définitive
des sur
voiesles
d'un
nouvelles,
sourds
imprécis,
Beauzée,
etsans
qui
muets
ni verser
dans
font
6. le
les
Très
ni
prix
aperçus
dans
et la
vite,

Y Éclaircissement se hisse à un niveau que nous qualifierons de

« métathéorique
ment
philosophie
anodins,
du l'épistémologie
langage
» et rejoint,
qu'elle
pargénérale
sous-tend.
l'analyseded'exemples
notre auteur,
apparem¬
et la

Les limites du présent article nous interdisent de décrire avec


un détail suffisant l'environnement historique et scientifique au
sein duquel les quinze pages de d'Alembert occupent une place
réduite mais originale. Fort heureusement, cet arrière-plan nous
est aujourd'hui bien connu grâce, en particulier, aux synthèses
historiques de Ricken et Scaglione, ainsi qu'aux travaux plus
théoriques d' Auroux et de Swiggers 1 . Nous nous permettrons

aussi Du
dégager
pourtant
que
Beauzéede les
Marsais,
8.
renvoyer
conflictuelle
présupposés
Condillac,
à unde article
communs
l'inversion,
Batteux,
récent
qui
desunissent,

Diderot,
auteurs
nous avons
sur
aussi
d'Alembert
ladifférents
tenté
question
de
et
110 MARC DOMINICY

A notre sens, la doctrine linguistique sur laquelle d'Alembert


fonde sa réflexion se laisse saisir, en gros, à l'aide de quatre
axiomes, que nous numéroterons pour la brièveté de l'exposé.
Dans la mesure du possible, nous citerons des passages extraits
des Éléments, même s'ils ne constituent pas la formulation la plus
complète ou la plus précise de l'axiome examiné.
Axiome I : « Tout discours est composé de mots ; chacun de
ces mots exprime une idée » (p. 246). Cette hypothèse du
langage-traduction (Auroux) oscille entre deux versions, l'une
minimale et l'autre maximale. Selon la version minimale, qui
paraît
subsister
inspirer
à l'intérieur
le passage
du cité,
discours.
l'ambiguïté
Par contre,
lexicale
la ne
version
peut
maximale nie l'existence même de l'ambiguïté lexicale, et recourt
à une théorie des tropes pour rendre compte des contre-exemples
immédiats. De toute manière, la typologie des différentes
« espèces de sens » que l'usage assigne aux mots retentit sur la
sémantique du discours. C'est ainsi que pour d'Alembert, qui
distingue entre « sens propre » (l'éclat de la lumière), « sens par
extension » (l'éclat du son) et « sens figuré » (l'éclat de la vertu),
« le sens propre des mots a un usage fixe, déterminé et unique,
en sorte qu'il n'y a jamais qu'une seule espèce de phrase, où l'on
puisse employer ce sens propre ; au lieu que le sens par extension
et le sens figuré peuvent avoir différentes acceptions, différentes
nuances, se diversifier plus ou moins dans ces nuances et ces
acceptions, et par conséquent entrer dans différentes sortes de
phrases » (p. 238-239).

L'axiome II établit le caractère compositionnel de la


signification qui se trouve attribuée aux phrases, voire aux unités
supérieures du discours. Chez d'Alembert, cet axiome reçoit des
formulations comme : « les idées que les mots expriment sont
renfermées dans une proposition » (p. 237) ; « la phrase Dieu est
bon renferme une masse d'idées » (p. 246). L'emploi du terme
« renfermer », auquel un Éclaircissement précédent est consacré

renfermée
Donnons-nous,
réunion
relation
«
a

(p.être
livre,
+
Si155-156)
la
|3par
renfermée
réunion
=(ou
d'inclusion
là-même,
ydans
d'addition)
renvoie
O pour
de
yadans
et
l'idée
<
une
entre
clairement
commencer,
|3y»),
définie
interprétation
est
A
a idées
de
et
prenfermée
de
<telle
dans
à
l'idée
(rendue
y une
lamanière
l'ensemble
théorie
satisfaisante
(3opération
dans
égale
par y
que
des
«l'idée
des
».)
renfermer
9idées,
associative
idées,
:dey, l'axiome.
alors
etet»
nous
une
est
ou
de
LA QUERELLE DES INVERSIONS 111

Supposons alors que deux mots quelconques a et b expriment


respectivement les idées a et (3 et soient combinés par une
opération associative qui n'exige ni qu'ils soient immédiatement
contigus, ni qu'ils apparaissent dans un ordre déterminé l'un par
rapport
f(a (1 b)à =l'autre.
f(a) +L'axiome
f(b) = ade+ compositionalité
|3. stipule que :
(« L'idée exprimée par la combinaison du mot a et du mot b
égale la réunion de l'idée exprimée par a et de l'idée exprimée
par b »).
Nous instaurons donc, pour chaque discours donné, un rapport
d'homomorphisme entre l'ensemble des (combinaisons de) mots
muni de l'opération de combinaison, et un ensemble d'idées
muni de l'opération de réunion. Il en découle que le discours pris
en considération exprimera lui aussi une idée, qui renfermera les
idées exprimées par ses mots. Notons incidemment qu'il n'y a
pas isomorphisme, puisque deux (combinaisons de) mots peu¬
vent exprimer la même idée ; et cela jusque dans le cas où le
texte en
même mot.
question ne contient jamais plus d'une occurrence du

L'axiome III, qui fait figure de lieu commun à l'époque des


Lumières, s'énonce très souvent en termes métaphoriques (voir
notre article cité en note 8). Dans les Éléments, d'Alembert

choisit
rien
lequel
l'esprit
nos
comme
idées
temps
degré
par
d'Alexandre,
est
rapidité
(p.
de
donné,
restreint
en
langage
discours
je pense
ce
247).
la
idées
au
dire
Alexandre,
àsens
d'attention
les
pensée
nous
des
la
moins
de
on
n'est
dans
qui
possible,
qu'Alexandre
par
Cet
de
se
fois
idées
celui
l'a
qu'une
formules
succèdent
être
ne
plus,
ailleurs
pas
de
axiome,
déjà
lequel
;[...]
certain
et
qui
renfermées
permet
vaincu
totalement
présentes,
et
il
et
son
idée
remarqué,
de
l'énonce],
le
la
la
quef(ax
plus
me
la
qui
fixer
nombre
que
nature
acombinaison
analysabilité
;[...]
a
et
portée.
pas
vaincu
est
directes
de
affirme
paraît
sidans
et
d'observer
est
présente
il
Darius
indépendant
fl
que
des
elles
àde
est
de
...
Darius
Supposons
cause
plus
une
esprits
notre
ces
en
évident
même
H
: se
déterminer
«me
de
an)=
même
relativement
proposition
idées
ou
ilà
de
succèdent,
ou
l'ordre
mots
est
esprit
sont
mon
plus
»
la
moins
que
de
(p.
qui
que
très
rapidité
temps
présentes
esprit.
+...
ax
l'axiome
que
a
237-238),
Darius
cet
peuvent
qu'elles
souvent
j'aie
difficile,
(1
grand
ces
se
+
vraisemblable,
c'est
la
ordre
.à. avec
.S'il
an
présentent
simultanéité
une
un
aàII,
trois
û suivant
=
été
en
avec
plusieurs
suivent
existe
«
la
an
pour
laquelle
[suivant
pensée,
langage
a,
Quand
dont
vaincu
fois.
même
est
idées
alors
une
un
ne
le
Il
à
il
»
112 MARC DOMINICY

ma pensée est analysable relativement à ce langage. Dire, de


plus, qu'elle est simultanée revient à soutenir que a est présente à
mon esprit
discours ax fi
au ...
moment
fl an. même
Nous avons
où je donc
m'apprête
affaireà àproduire
une thèse
le
psycholinguistique qui ne concerne que l'énonciateur (le desti-
nateur), et fait peser des limitations de performance sur l'axiome
II en maintenant d'ordinaire ses conséquences empiriques à
l'intérieur du domaine grammaticalement ou logiquement cir¬
conscrit de la phrase et de la proposition.
L'axiome IV nous amène au thème de l'inversion et se
caractérise par le fait qu'il est explicitement rejeté par l'abbé
Batteux. En gros, ce dernier axiome établit que, pour tout
discours ax fi ... fi an (où, rappelons-le, a1? ... an peuvent se
disposer suivant n'importe quel ordre), il existe une et une seule
relation d'ordre simple strict Rx dans l'ensemble d'idées {ai, ...,
<xn} telle que : (i) si a! exprime ax et a2 exprime a2 et que a1R1a2,
alors aiR2a2 dans la syntaxe du discours a1 fi . . . fl an ; (ii) si ai
exprime 0 etnaturelle
construction a2 exprime
du discours
a2 et queaxaiR,
H . . . fl alors
an ; R2
axR3a2
et R3
dans
étant
la
elles aussi des relations d'ordre simple strict 10. De ces trois

puisqu'il
de)
Dieu
relations,
mots
R3 est
s'agit
: la
ainsi,
bon.
seule
dpau
Pour
laqui
sein
précédence
Batteux,
se
de révèle
la phrase
séquentielle
la aisément
construction
Dieu estinterprétable
entre
bon,
naturelle
Dieu
(combinaisons
R3de
est
bonaiR3,
et
fi

... fi an n'a rien à voir ni avec la syntaxe de a! fi ... fl an, ni avec


l'ordonnancement de {a1? an} par Ri. Selon d'Alembert, nous
allons le voir, Rx dépend de R2 et donc du langage pris en
considération, même si, dans certains cas favorables, on peut
définircontrainte
cette dans {ai, grammaticale.
an} une relation d'ordre simple qui échappe à

L'ensemble de V Éclaircissement s'organise autour du commen¬


dès
tairemaintenant
de quelques
: exemples qu'il nous paraît opportun de citer

(i) Dieu est souverainement parfait ; donc Dieu est bon.


(ii) Dieu est bon.
(iii) Alexandre a vaincu! vainquit Darius.
(iv) (a) Cette femme aime passionnément son mari.
(b) Cette femme aime son mari passionnément.
(v) Fuyez le serpent.

A propos de (i), d'Alembert écrit : « Tout le monde voit que la


masse d'idées renfermée dans cette phrase, Dieu est bon, doit
être placée après la masse d'idées renfermée dans la phrase, Dieu
LA QUERELLE DES INVERSIONS 113

est souverainement parfait ; parce que la seconde de ces phrases


exprime la conséquence de la première, et que dans l'énon-
ciation, le principe doit être présenté avant la conséquence. De
même quand on raconte des faits, ceux qui ont précédé doivent
être énoncés avant ceux qui ont suivi, les faits généraux avant les
exceptions, les faits qui doivent servir de preuve à un raison¬
nement, avant les raisonnements qu'on doit établir sur ces faits,
et ainsi du reste. Cet ordre, que les idées prises en masse doivent
avoir dans l'énonciation, est tellement déterminé, et assujetti à
des règles si invariables, qu'on en a fait l'objet d'une partie de la
logique, appelée méthode » (p. 246-247). Outre qu'il dévoile une
conception non classique du raisonnement et de la méthode 11 , le
passage reproduit montre bien comment les conséquences de
l'axiome II sont atténuées ou éludées de manière à ce que la
problématique dont traite l'axiome IV ne dépasse pas un certain
seuil de complexité. En effet, il ne pourra y avoir inversion qu'au
sein d'une phrase, lorsque la disposition des mots n'est pas
conforme à R3. Sur ce point, d'Alembert se montre beaucoup
moins audacieux que Condillac et, qui plus est, rompt incons¬
ciemment avec l'une des thèses centrales de son épistémologie.
Les exemples (ii) et (iii) font l'objet de deux analyses
complémentaires, que notre auteur annonce en ces termes :
« nous diviserons la question en deux parties. Nous supposerons
d'abord que la langue n'ait aucune espèce de syntaxe, mais
seulement les mots nécessaires pour exprimer chaque idée en
particulier ; nous examinerons ensuite la question relativement à
la construction grammaticale » (p. 247-248). Pour notre part,
nous adopterons une démarche inverse, dans la mesure où les
présupposés syntaxiques ne nous semblent pas avoir été
totalement éliminés de la première analyse.
Soit donc la phrase (iii). Si l'on veut bien admettre que la
forme verbale a vaincu constitue un seul mot (p. 259), (iii)
exprime, en vertu des axiomes I et II, la réunion de trois idées
dont l'axiome III établit qu'elles « sont ou doivent être censées
présentes à la fois à l'esprit de celui qui parle » (p. 247).
Supposons qu'il n'y ait « d'inversion proprement dite que dans le
cas où l'ordre des mots d'une proposition diffère de l'ordre
suivant lequel les idées renfermées dans cette proposition se
présentent à l'esprit de celui qui l'énonce » (p. 237). Il en découle
alors que les « trois idées, d'Alexandre, de vaincu et de Darius »
pourront, « en supposant qu'elles se suivent », apparaître « dans
tel ordre qu'on voudra, par exemple, dans l'un de ceux-ci, tous
également naturels :
114 MARC DOMINICY

Alexandre, vainqueur, de Darius


Darius, vaincu, par Alexandre
La victoire, d' Alexandre, sur Darius
La défaite, de Darius, par Alexandre » (p. 247).
Cette conclusion est curieuse à plusieurs égards. Pour Auroux
(ouvr. cité, p. 83-84), « les quatre propositions dénotent bien le
même fait, mais ont des sens différents ; en affirmant qu'elles
désignent les mêmes idées exposées dans un ordre différent,
l'auteur soutient donc que les mots « victoire » et « défaite »
signifient la même idée. Il s'ensuit que les idées que ces mots
signifient en ce cas ne sont pas leur sens ». A notre avis, cette
remarque, quoique théoriquement correcte, ne tient pas assez
compte des difficultés que peut créer l'absence d'un métalangage
adéquat 12 . Les mots français qui sont séparés par des virgules et

imprimés
contiennent
donc
ordonnancements
idée.
expression
appartenant
ainsi
vaincu
Darius
idées
partir
psychologique,
piège
contraint
concevables.
recourt
Alexandre,
Darius,
La illustrer
la
L'ordre
dont
victoire,
défaite,
d'une
de
a
Darius,
première
tantôt
été
en
aussi
par
l'ordre
de
il toutes
à
vaincu
italiques
est
En
confusion
de
de
une
par
suivant
dénoter
Alexandre,
àsur
àtandis
en
victoire,
manière
question
Darius,
effet,
expression
ne
considérés.
Alexandre,
langue
Darius,
par
des
une
accord
pas
dans
lequel
que
au
Alexandre.
les
inversion
mots,
entre
tantôt
mentionner
intuitive
vainqueur
quelconque
se
moins
vaincu
le
séquences
la
d'Alexandre
avec
dénote,
définit
ils
texte
de
deuxième
langage
et
àsont
une
l'axiome
Darius
en
défaite,
l'équivalence
ne
Ilcité,
purement
entre
en
français,
phrase
deux
rangés
(possible
qui
possède
et
résulte
expriment
dénote,
c'est
suivent
métalangage
autres,
III.
des
(une
permet
et
qu'il
ou
que
ordres
absolue
aucune
Sisimplement
ne
entre
:Alexandre
proposition)
actualisée)
chacun
d'Alembert
l'ordre
est
pouvaient
à achaque
pris
autres,
des
réalité
qui
priori
une
des
six
au
le
a;
à

Jusqu'ici, d'Alembert a prouvé l'évidence, à savoir que


l'axiome III nous interdit de définir l'inversion à partir de l'ordre
dans lequel les idées viendraient à l'énonciateur. Il va maintenant
s'efforcer de montrer que, pour toute langue considérée, les
relations Rj et R3 dépendent de la relation R2, c'est-à-dire de la
syntaxe. Si la dépendance de R3 vis-à-vis de R2 était admise par
tous les auteurs à l'exception de Batteux, il n'en allait pas de
même pour Rx. C'est pourquoi les deux pans de la démonstration
LA QUERELLE DES INVERSIONS 115

sont inégalement novateurs. Contre la théorie fonctionnaliste de


Batteux, d'Alembert reprend, comme Beauzée, un argument
originellement avancé par Diderot (voir notre article cité en note
8). Selon Batteux, si l'idée a est analysable en al5 ..., an
relativement à un langage donné, la construction naturelle de la
phrase a1 Q ... O, an est fonction de l'ordre que l'énonciateur
définit dans {a!, ..., an} à l'intention du destinataire. Dès lors, la
phrase française (v), Fuyez le serpent, exhibe une inversion,
puisque
à fuir avant
celuil'idée
qui recourt
même deà (v)
fuite.
désire
A cela
transmettre
Diderot,l'idée
d'Alembert
de l'objet
et
Beauzée objectent que l'ordonnancement de {a!, ..., an} variera
d'énonciateur à énonciateur ; d'Alembert ajoutant, pour sa part,
que tout ordonnancement peut se refléter dans la construction,
fût-ce au prix de périphrases qui ne font que réintroduire des
mots sous-entendus (p. 255-257).
Afin de définir Rx et R3 à partir de R2, d'Alembert entreprend
ensuite de démontrer que la syntaxe des langues se réduit à un
rapport unique, celui qui lie le « modificatif » au modifié. En
effet, cette relation irréflexive, asymétrique, intransitive et
non-connexe nous permet de définir une relation d'ordre simple
strict R2 dont nous dérivons aisément Rx et R3 (voir notre article
cité en note 8) :

Alexandre
l'ordre
Toute
moins
Alexander
tical,
Alexandre,
chacune
construction,
phrase
du
d'autre
modificatifs
l'idée
supposent
précèdent
Les
Lamoins
et
que
disposition
mots
construction
quant

naturel
la
; de
en
l'on
dépendance
les
une
;nécessairement
vicit
vainquit
ces
sorte
des
cet
doivent
victoire,
mots
àvoudra,
quoique
idée
que
laordre
Darium,
phrases
mots
que
mutuelle
construction
précédents
les
Darius,
qui
complète
être
les
de
elle
qui
Darius
n'est
mots
s'éloignera
les
dans
mots,
est
construction
placés
présente,
les
l'idée
mots
de
et
d'une
donc
point
précèdent,
;expriment,
qui
Darius
la
àces
grammaticale.
mesure
que
en
dans
sont
première,
déterminée
n'en
phrase
déterminé
de
mots,
autant
effet
les
que
placés
fut
un
cet
suppose
qu'on
modificatifs
et
sans
ces
vaincu
tel
Alexandre
doivent
ordre
qu'il
on
par
dans
mots
ordre,
l'idée
par
que
les
est
dira
conséquent
par
est
point
prononce,
l'ordre
ont
le
ces
observer
la
possible,
une
qu'en
yAlexandre
d'Alexandre
rapport
également
nature
vainquit
mots
avec
ajoutent.
nécessairement
inversion,
naturel
ceux
finissant
précédents
un
entre
soient
supposent
des
gramma¬
Darius,
sens
;qui
Voilà
de
idées
bien,
dans
eux.
soit
des
les
ou
au
la

présentée d'abord, et que dans la seconde ce soit l'idée de Darius (p.


253).
Cependant, une telle solution ne se laisse pas appliquer aux
exemples (iv, a) et (iv, b), où, apparemment, [son] mari et
116 MARC DOMINICY

passionnément modifient tous deux aime. D'Alembert précise,


par conséquent,
modificatif du verbe,
que dans
« dans
le second
le premier
il estcas,
modificatif
passionnément
de l'action
est
totale représentée par le verbe et son régime » (p. 255). Ceci
revient à attribuer aux groupes de mots aime passionnément [son]
mari et aime [son] mari passionnément des systèmes de
constituants non
marqués
encadrés
au sens
sontfaible,
« modificatifs
à l'intérieur
» : desquels les

aime passionnément [son] mari aime [son] mari passionnément

aime passionnément lari aime mari passionnément

aime I passionnément

R2 est alors définissable de sorte que les deux constructions


s'avèrent également « naturelles » (pour plus de détails, voir
encore notre article).
Si on compare les pages que nous venons d'évoquer avec les
textes correspondants de Du Marsais, Diderot ou Beauzée, on ne
peut qu'être frappé, croyons-nous, par la hauteur de vue et de
rigueur théorique dont fait preuve d'Alembert. Cependant,
l'enquête ne s'arrête pas au niveau où « la syntaxe des langues est
supposée » ( p. 253). D'Alembert remonte en deçà de cet état
historique, imaginant « que les langues soient fournies de tous les
mots nécessaires pour exprimer soit les idées, soit les liaisons
qu'elles ont entre elles, et qu'elles n'aient encore aucune règle de
syntaxe dépendante de la nature, du rapport et de la liaison des
mots » même
l'ordre (p. 251).
de Ce
Y Éclaircissement
premier stade, (voir
dans plus
l'ordre
haut),
génétique
est illustré
et dans
par

l'exemple
tion d'aucun
(ii), argument
dont l'analyse
syntaxique.
devrait s'effectuer sans l'interven¬

Avant d'en arriver au cœur du problème, il nous faut rappeler,


très brièvement, l'ambiguïté qui marque, depuis la Grammaire
de Port-Royal, l'étude du verbe copule être 13 . Celui-ci est en

et
une
fonction
effet
reste
l'attribut.
fonction
seule
conçu
de la
qui
proposition,
tantôt
associe
En
qui termes
associe
comme
à chaque
tantôt
tandis
plus
à un
chaque
formels,
opérateur
comme
couple
que concept
l'opérateur
constitué
un
l'opérateur
d'assertion
opérateur
propositionnel
de
d'un
liaison
d'assertion
qui
portant
sujet
lie est
le
et
une
sur
sujet
d'un
une
est
et
le
LA QUERELLE DES INVERSIONS 117

attribut un et un seul concept propositionnel. Si ces deux emplois


du verbe être sont explicitement distingués, on obtient donc, dans
un symbolisme transparent : (Dieu, bon) —» Dieu est bon —»
(Dieu est bon) est.

Ceci étant clarifié, revenons à l'exemple (ii). Pour d'Alembert,


« cette proposition ou ce jugement renferme trois idées, qui
doivent être énoncées par des mots différents, l'idée de Dieu,
celle de bonté, et celle de la liaison de ces deux idées entre elles,
liaison que j'exprime par le mot être » (p. 248). Des six ordres (de
mots et d'idées) possibles a priori, deux seulement se révèlent
entièrement « naturels » : Dieu, bonté, être et Dieu, être, bonté.
Ils ont pour double caractéristique que Dieu précède bonté, et
que être ne se trouve jamais en première position (p. 251). L'idée
de Dieu doit précéder l'idée de bonté pour la simple raison que
« la première renferme et rappelle la seconde, parce qu'on ne
peut concevoir Dieu sans le concevoir bon », alors que « la
seconde ne renferme et ne suppose pas la première, parce qu'on
peut concevoir un être bon, sans penser à Dieu » (p. 250). Dès
lors, si je remplace l'idée de bonté par l'idée de toute-puissance
qui renferme, et est renfermée dans, l'idée de Dieu, je retiens
quatre ordres « naturels » : Dieu, toute-puissance, être ; Dieu,
être, toute-puissance; Toute-puissance, Dieu, être et Toute-
puissance, être, Dieu (p. 250). Quant aux ordres Être, Dieu,

bonté
sont
des
qui deux
serait
exclus
(toute-puissance)
idées,
absolument
parceavant
que, que
en
contraire
et y
Être,
d'avoir
recourant,
bonté
à montré
l'ordre
(toute
« onaucune
naturel
puissance),
montrerait
des
» (p.
deux
la
Dieu,
liaison
250).
; ce
ils

Une telle affirmation ne laisse pas de soulever quelques


difficultés. Car on voit mal que « l'idée de liaison » soit
renfermée dans l'idée de Dieu, dans celle de bonté, ou encore
dans la réunion de ces deux idées. D'ailleurs, s'il en allait ainsi, la
proposition ne se distinguerait plus ni du concept propositionnel,
ni du couple constitué par le sujet et l'attribut. A notre avis,
d'Alembert a réintroduit ici des notions syntaxiques qu'il se
promettait pourtant d'éviter. Supposons, en effet, qu'il assigne à
la copule les deux statuts compatibles d'opérateur de liaison et
d'opérateur d'assertion, mais que, pris de nouveau au piège
d'une confusion entre langage et métalangage, il écarte implicite¬
ment la coocurrence de deux verbes être. Il s'ensuit que être
pourra apparaître soit entre le sujet et l'attribut, comme
opérateur de liaison, soit à la position finale, en tant qu'opéra¬
teur d'assertion. Dans ce dernier cas, la copule modifiera le reste
118 MARC DOM1NICY

de la proposition, à l'intérieur d'un système de constituants


marqué au sens faible : Dieu bon est

Ce genre de description, qu'on trouve aussi chez Condillac,


prédit que être ne se placera jamais en début de proposition (voir
notre article, ainsi que l'analyse de (iv, a) et (iv, b) plus haut).
La reconstruction que nous venons d'esquisser éclaire l'une des
thèsesbon
Dieu les est
plus
et Dieu
déroutantes
est bon,ded'Alembert
Y Éclaircissement.
écrit : « Commentant
De ces deux
manières d'énoncer le même jugement, [...] la première manière
ressemble en quelque sorte à la méthode analytique des logiciens
et des géomètres,
autres sur la voie
propre
de les
à faire
découvrir
trouver eux-mêmes
les vérités, et
; à
lamettre
seconde
les
ressemble à la méthode synthétique, principalement destinée à
exposer les découvertes, quand elles sont faites, et qu'on veut se
borner à en instruire les autres » (p. 248-249). Ce passage doit
être rapproché, selon nous, d'un texte où Leibniz, inaugurant
une tradition récemment critiquée par Benoît de Cornulier, met
en parallèle la méthode analytique et la stratégie de réponse à
une question 14 . Si j'énonce la proposition Dieu est bon, mon

interlocuteur
j'énonce
constituant
avant d'avoir
Dieu
Dieu
ne
bon
pris
bon,
pourra
est,
acte
concevra
le même
de
concevoir
moninterlocuteur,
un assertion.
concept
le concept
propositionnel
Si,
confronté
propositionnel
au contraire,
au qu'il
seul

pourra asserter, affirmer par est ou nier par n'est pas (l'assertion
et l'affirmation étant généralement confondues à l'époque, cf.
note 13). Cette manœuvre, qui devance en quelque sorte ma
propre assertion, revient, pour Leibniz, à répondre affirmative¬
ment ou négativement à la question Dieu est-il bon ?
Le moment est venu de résumer les conclusions de Y Éclaircis¬
sement, de manière à en
incohérences. mesurer les prolongements et les

D'Alembert a prouvé que dans « les langues toutes formées et


toutes régulières » (p. 251), la relation R2, fondée sur le seul
rapport de « modificatif » à modifié, permet de définir Rj et R3.
Si on néglige les problèmes soulevés par être, il a également
montré comment, sous des conditions très restrictives,
l'ensemble {ai, ..., an} se révèle ordonnable indépendamment de
toute syntaxe. La comparaison de ces deux développements nous
livre quelques indications précieuses sur la philosophie de
d'Alembert.
LA QUERELLE DES INVERSIONS 119

Pour aborder le premier point, nous partirons du simple


constat que l'assertion est entièrement absente des pages
consacrées à l'exemple (iii). Les expressions grâce auxquelles
d'Alembert tente, maladroitement, de classer les propositions
d'après l'ordre qu'elles assignent aux idées, prennent la forme de
syntagmes nominaux qui expriment chacun un concept proposi-
tionnel. D'autre part, toute allusion à la copule disparaît, même
lorsqu'il est question de « sujet » et d'«attribut » (p. 251). Enfin,
le fait dû,
serait que selon
la grammaire
notre auteur,
française
à une
proscrive
généralisation
la phrase
deDieu
la règle
bon qui
est
s'applique à Alexandre vainquit Darius ; autrement dit, le verbe
substantif être ne se distingue plus, au plan grammatical, des
verbes adjectifs (p. 254).
De même, l'ordre Tout-puissant est Dieu viole les contraintes
de la grammaire française parce que l'adjectif, qui exprime
l'attribut, modifie le substantif sujet et, dès lors, s'accorde avec
lui en genre et en nombre (p. 251-252). L'écart devient ici total
entre l'analyse logique de la proposition et l'analyse syntaxique
de la phrase : « les principes métaphysiques de l'énonciation
n'exigent point que l'attribut soit placé dans tous les cas après le
sujet, ni le verbe entre les deux » (p. 251 ; voir Bakalar, art. cité,
p. 121).
Cependant, la dichotomie qui s'est ainsi instaurée plonge des
racines plus profondes dans l'épistémologie. Réexaminons la
relation qui ordonne les idées antérieurement à toute syntaxe :
l'idée a peut précéder l'idée (3 si, et seulement si, a renferme [3. Il
s'ensuit que les seuls concepts propositionnels ordonnables sont
ceux qui, assertés, fournissent une proposition analytique (la
vérité et l'analycité se confondant à ce niveau). Ceci suggère que
le choix des exemples (ii) et (iii) ne relève pas de l'arbitraire : (ii)
constitue l'illustration même d'une proposition métaphysique
figurant, du moins traditionnellement, au nombre des
« principes » évidents, alors que la phrase (iii) décrit un
événement historique dont la singularité échappe, par nature ou
par accident, à la réduction théorique (p. 42-43). La distance qui
sépare la spéculation logico-grammaticale de l'étude particulière
des langues, consacre ainsi un dualisme dont s'imprègne toute
l'épistémologie de d'Alembert (Paty, p. 162-175). Discipline
rationnelle, la grammaire « découvre souvent par cet esprit
philosophique qui remonte à la source de tout, les raisons du
choix bizarre en apparence qui fait préférer un signe à un autre,
et ne laisse enfin à ce caprice national qu'on appelle usage, que ce
qu'elle ne peut absolument lui ôter » (p. 35). Mais les
120 MARC DOMINICY

« exceptions bizarres qui n'ont d'autres raisons que le caprice des


instituteurs
renvoient bien
» (p.
à une
236) historicité
et le « génie
irrationnelle
des langues
: « ces
» (p.différentes
257-259)

sociétés [...] ont cherché à se distinguer les unes des autres [...]
par les signes particuliers que chacune a imaginés pour que ses
membres communiquassent entre eux. Telle est la source de cette
diversité de langues [...] qui est devenue pour notre malheur un
objet considérable d'étude » (p. 37).
Avant de conclure cet article, nous voudrions évoquer une
question connexe, qui jette un éclairage complémentaire sur la
problématique dont nous venons de traiter. Dans les paragraphes
qu'il consacre à la logique (p. 33-34, 42-43, 152-156), d'Alembert
n'établit aucune différence systématique entre l'inclusion d'une
idée dans une autre, et ce que nous appellerions l'implication
d'une proposition par une autre. En cela, il n'est guère novateur.
Bernard Lamy, qui s'inspire pourtant de Port-Royal, ramène le
raisonnement au jugement (« Dans un jugement, dans un
raisonnement, l'esprit aperçoit un rapport, une liaison, et ensuite
il consent », p. 81), tandis que Leibniz place sur le même pied des
thèses telles que 15 :

l'idée
y
dans
a est
(a << ay)
renfermée
|3(3+<
et
»).
|3[(a
de
(«<
L'idée
l'idée
(3)
dans
+ que
a
((3
laest
<réunion
(3y)]
renfermée
est
(«renfermée
L'idée
de l'idée
dans
que la
que
a
dans
est
réunion
arenfermée
yest
»)• renfermée
de a et
dans
de

A notre avis les causes de ce phénomène ne doivent pas être


recherchées bien loin. Supposons que chaque proposition, ou
plutôt, que chaque concept propositionnel exprime une idée
complexe en vertu de l'axiome II ; ce qui signifie, en vocabulaire
leibnizien, que chaque concept propositionnel est un terme
complexe (voir Ishiguro, p. 19-20, 27). Produire un raisonnement
consiste, dans ce cas, à asserter un concept propositionnel qui est
lui-même analysable en concepts propositionnels.
Revenons alors à l'exemple (ii), qui exprime précisément un
raisonnement. L'ordre « naturel » des phrases Dieu est souverai¬
nement parfait et Dieu est bon se définit à partir de la relation
d'inclusion, puisque la première idée complexe renferme la
seconde. Mais, d'autre part, un axiome III plus libéral pourrait
s'appliquer ici. En effet, la différence entre l'évidence, qui
caractérise d'ordinaire le jugement, et la certitude, qui n'est
garantie que par le raisonnement, reste relative : « U évidence
appartient proprement aux idées dont l'esprit aperçoit la liaison
LA QUERELLE DES INVERSIONS 121

tout d'un coup ; la certitude à celles dont la liaison ne peut être


connue que par le secours d'un certain nombre d'idées
intermédiaires, ou, ce qui est la même chose, aux propositions
dont l'identité avec un principe évident par lui-même, ne peut
être découverte que par un circuit plus ou moins long ; d'où il
s'ensuit que, selon la nature des esprits, ce qui est évident pour
42-43,
l'un peut
voir quelquefois
aussi p. 34, 153,
n'être
156).
queA certain
la limite,
pour
« il n'y
un aautre
aucune
» (p.
de
nos idées qui ne soit simple ; car quelque composé que soit son
objet,
132). Si
l'opération
chaque science
par laquelle
se laisse
nous réduire
le concevons
à des est
raisonnements
unique » (p.
fondés sur quelques axiomes (p. 31-34, 149-152), si ces axiomes
ne sont que « l'expression d'une même idée simple par deux
signes ou mots différents » (p. 31-33, 130-131), le savoir total se
résume peut-être en une idée que nos insuffisances rendent
complexe et dont nous ne retrouvons souvent pas les chaînons (p.
147-148). L'existence de la logique, de la syntaxe et des inversions
confirme alors d'Alembert dans une vision paradoxale, et
presque tragique, de la connaissance humaine 16 .

Université
Marclibre
Dominicy,
de Bruxelles.

NOTES

1. Nous citons d'Alembert d'après le vol. I de ses Œuvres (Paris. 1821 ; réimpression
Slatkine, Genève, 1967).
2. S. Delesalle, « L'évolution de la problématique de l'ordre des mots du 17e au 19e
siècle en France », DRLAV(1980), n° 22/23, p. 235. U. Ricken, Grammaire et philosophie au
siècle des lumières (Lille, 1978), p. 121, 131-132, et les références signalées dans cet ouvrage.
3. H. N. Bakalar, « Language and logic : Diderot and the grammairiens-philosophes »,
Studies on Voltaire (1975), vol. 132, p. 113. D. F. Essar, The language theory, epistemology,
and aesthetics of Jean Lerond d'Alembert, Studies on Voltaire (1976), vol. 159 p. 51-55. A.
Scaglione, The classical theory of composition (Chapel Hill, 1972), p. 263-264. F. Venturi,
Jeunesse de Diderot (Paris, 1939 ; réimpression Slatkine, Genève, 1967), p. 267-269.
4. S. Auroux, La sémiotique des encyclopédistes (Paris, 1979), p. 83-84, 198.
5. M. Paty, Théorie et pratique de la connaissance chez Jean d'Alembert (Strasbourg,
1977), p. 156-157, 367 : « En philosophie comme en mathématique ou en physique,
d'Alembert a faites siennes ou lancé lui-même des idées et des principes dont l'intérêt était
central par rapport aux problèmes qu'il abordait et que dessinait l'espace intellectuel de son
temps : mais même lorsqu'il leur donnait un développement original et important, il le faisait
sans les exploiter, les expliciter à fond, comme intimidé par les conséquences qu'ils ne
manqueraient pas d'entraîner, même sur un plan strictement intellectuel, ou comme freiné
par des conceptions-limites (l'effet de barrière). » Voir aussi R. Grimsley, Jean d'Alembert
(Oxford, 1963),
1970), p.p. 293-295,
63-64. T. L. Hankins, Jean d'Alembert. Science and the enlightenment
122 MARC DOMINICY

6. Nous reviendrons sur les convergences théoriques qui rapprochent Diderot et


d'Alembert. Signalons, dès maintenant, quelques similitudes de détail entre la Lettre et
Y Éclaircissement : un commentaire sur les temps du français, l'exemple serpentem fuge, qui
vient
de J.7.de
Chouillet,
Auroux,
Batteux, ouvr.
dans
l'utilisation
Œuvres
cité, etducomplètes
mot archaïque
articles suivants
(Paris,icelui
: 1978),
« (p.
Grammaire
255-259)
vol. IV, ;etp.voir,
logique
152,
pour
155,
:Diderot,
une
158. théorie
l'éd.
archaïque des relations », Dialogue, XVII, (1978) ; « Dumarsais et le lieu des tropes », dans
K. Koerner, Progress in linguistic historiography (Amsterdam, 1980) ; « Le concept de
détermination : Port-Royal et Beauzée », dans Transactions of the fifth international congress
on the Enlightenment (Oxford, 1981), « Il programma logico dell'illuminismo francese », dans
D. Buzzetti-M. Ferriani, La grammatica del pensiero (Bologne, 1982). P. Swiggers, Les
conceptions linguistiques de l' Encyclopédie (Louvain, 1981), thèse de doctorat, « La
grammaire dans Y Encyclopédie : état actuel des études », Beitrâge zur romanischen
Philologie XX, (1981).
8. M. Dominicy, « Condillac et les grammaires de dépendance », dans J. Sgard,
Condillac et les problèmes du langage (Genève-Paris, 1982), p. 313.
9. Voir les travaux d'Auroux, et les contributions suivantes : L. Couturat, La logique de
Leibniz (Paris, 1901), F. Enriques, Per la storia délia logica (Bologne, 1922), C. I. Lewis, A
survey of symbolic
d'Alembert (Paris, 1926),
logic (Berkeley,
p. 66-68. 1918), M. Muller, Essai sur la philosophie de Jean
connexe.
10. Rappelons qu'une relation d'ordre simple strict est transitive, asymétrique et
11. L'explication détaillée du système des connaissances humaines (p. 103 et tableau)
distingue quatre niveaux : appréhension (idées), jugement (proposition), raisonnement
(induction), méthode (démonstration par analyse ou synthèse) (Paty, ouvr. cité, p. 114). Mais
ces différences
loin) . sont, en réalité, effacées dans l'épistémologie ultime de d'Alembert (voir plus
12. Dans son c.r. d'Auroux (Romanische Forschungen, XCII1, 1981, p. 128), Swiggers
écrit : « D'Alembert ne soutient pas que les mots victoire et défaite signifient la même idée,
mais il veut dire que les syntagmes victoire de A sur B ou défaite de B par A ont le même sens,
signifient la même idée (complexe). » Cette remarque ne tient pas compte de l'usage que fait
notre auteur des virgules et des italiques. Par ailleurs, la théorie des idées ne permet guère de
distinguer l'idée du sens ; voir H. Ishiguro, Leibniz's philosophy of logic and language
(Londres,
13. Voir
1972),
les travaux
p. 23-24.
de Brekle, Durand et Swiggers cités à la p. 332 de notre article sur
Condillac, ainsi que : M. Dominicy, « Beauzée critique de Port-Royal », Études sur le 18e

franzôsische
siècle,
Port-Royal
théorie
183-193,
14.VIII,
du
Leetverbe
»,texte
«(1981),
Sprache
dans
La de
chez
théorie
Stratégies
p.und
Leibniz
Condillac
95. Literatur,
du
P.sediscursives,
Le
verbe
trouve
»,Goffic,
dans
dans
XCI,
dansSgard,
« (Lyon,
la(1981),
L'assertion
les grammaire
Nouveaux
Condillac,
1978),
p. 357.
dans
p.
essais,
dep.la
235.
Port-Royal
257.
grammaire
IV,
J.-C.
Swiggers,
ii, 7.Pariente,
»,Pour
etZeitschrift
la lalogique
ouvr. tradition
« cité,
Surfur
de
p.
la

postérieure, voir B. de Cornulier, « Sur le sens des questions totales et alternatives »,


Langages, 67, (1982), p. 55. Rappelons que d'Alembert, qui ne manque jamais d'invoquer la
distinction entre analyse et synthèse, interprétait le postulat d'Euclide comme une demande
de définition ou de démonstration (voir Hankins, p. 114-117, Muller, p. 57, 74, 87-93,
214-216, Paty, p. 125-126, 181-182, 188, 198, et notre note 11).
15. B. Lamy, Entretiens sur les sciences, éd. de F. Girbal et P. Clair (Paris, 1966), p.
80-81, 96-97 . T. Kotarbinski, Leçons sur l'histoire de la logique (Paris, 1964), p. 134-139. Sur
d'Alembert, voir Muller, p. 68-71.
16. Nos conclusions rejoignent donc, pour l'essentiel, celles de M. Paty, en particulier
p. 75-80, 96-130, 166-167, 181-183, 357-385. Voir aussi Essar, p. 64-70, 137-150, Hankins, p.
51-58,
104-114.73-74,
Sur l'ambiguïté
245-246. que recèle la notion d'axiome chez d'Alembert, voir Muller, p.

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