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 9-001-B-77

Gastro-entérite virale : épidémiologie


et classification
L. Gan, C. Matray, M. Desjardin, C. Bayama, P. Rey

Résumé : La gastro-entérite aiguë est une des premières causes de diarrhée aiguë, dont l’origine virale
est la plus fréquente. La gastro-entérite virale (GEV) représente un problème de santé publique majeur à
l’échelle mondiale, tant par sa fréquence que par son impact médico-économique. Sa morbimortalité est
non négligeable, notamment dans les pays en voie de développement où elle est la deuxième cause de
mortalité, essentiellement chez les enfants de moins de 5 ans. Cette mortalité tend à diminuer depuis une
dizaine d’années grâce à la mise en place de programmes de lutte dédiés et notamment à l’avènement de
programmes de vaccination. En France, l’incidence des GEV est estimée à 21 millions d’épisodes par an,
dont 3 millions nécessitent un recours à une consultation chez un médecin généraliste. La transmission
des GEV se fait par voie orofécale, directe ou indirecte. La plupart des virus étant non enveloppés, leur
naturelle résistance dans le milieu extérieur favorise leur dissémination. Quatre virus sont principalement
incriminés dans les GEV. Les rotavirus sont les plus fréquents et infectent surtout les enfants en bas âge. Les
calicivirus, moins fréquents, affectent toutes les tranches d’âge. Les astrovirus sont plus rares et infectent
principalement les enfants, les personnes âgées et les patients immunodéprimés. Les adénovirus sont rares
et infectent surtout les enfants. D’autres virus sont cités (picornavirus, coronavirus et picobirnavirus) sans
que leur rôle pathogène dans les GEV ne puisse être définitivement affirmé. La présentation clinique des
GEV est assez uniforme, les calicivirus étant les plus pourvoyeurs de vomissements.
© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Gastro-entérite aiguë ; Épidémiologie ; Rotavirus ; Norovirus ; Astrovirus ; Adénovirus

Plan L’épidémiologie des gastro-entérites virales (GEV), aussi nom-


mées gastro-entérites aiguës virales du fait d’une présentation
■ Introduction 1 clinique communément aiguë, est difficile à préciser à l’échelle
mondiale. Le diagnostic de certitude est en effet rarement établi
■ Épidémiologie 2 et les épidémies de GEV ont une présentation et des caractéris-
Gastro-entérites virales dans le monde 2 tiques très hétérogènes selon le niveau de développement des pays
Gastro-entérites virales en France 2 dans lesquels elles surviennent. En 2016, l’Organisation mon-
Gastro-entérites virales nosocomiales 3 diale de la santé (OMS) estimait que les maladies diarrhéiques,
■ Classification virale 3 au sein desquelles les GEV sont les plus fréquentes, représentaient
Rotavirus 3 la neuvième cause de mortalité dans le monde et la deuxième
Calicivirus 5 dans les pays en voie de développement où leur impact médico-
Astrovirus 5 économique est majeur [2] . En France, les GEV représentent
Adénovirus 6 également une des premières causes de diarrhée aiguë, principa-
Autres virus 6 lement en période épidémique hivernale [3, 4] . Bien que faisant
■ Conclusion 6 l’objet d’une surveillance rapprochée depuis 1984 via le réseau
« Sentinelles », l’incidence des GEV reste sous-estimée en partie par
l’absence de recours systématique à une évaluation médicale. En
France, les formes graves sont plutôt rares mais les GEV génèrent
tout de même tous les ans environ 1,5 à 3 millions de consul-
 Introduction tations chez les médecins généralistes [4] . L’impact économique
des épidémies de GEV est loin d’être négligeable, ce qui motive
La gastro-entérite aiguë est définie par l’apparition brutale d’une d’autant la recherche scientifique, notamment sur le plan virolo-
diarrhée établie par l’exonération de plus de trois selles molles gique et thérapeutique [5] .
ou liquides par 24 heures associées ou non à des vomissements Dans cet article, seules l’épidémiologie et la classification des
depuis 24 heures. Parmi les nombreux agents étiologiques mis virus responsables des GEV sont abordées, le diagnostic et la prise
en cause (virus, bactéries, parasites ou autres agents non infec- en charge thérapeutique de ces infections virales étant présentés
tieux), les virus sont les plus fréquemment impliqués (Fig. 1) [1] . dans un autre article de ce traité (9-001-B-79).

EMC - Gastro-entérologie 1
Volume 37 > n◦ 1 > janvier 2020
http://dx.doi.org/10.1016/S1155-1968(19)77822-5
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Figure 1. Distribution des agents étiologiques de gastro-


entérites aiguës dans le monde (d’après [1] ). ECEp :
Escherichia coli entéropathogène.
A. Pays en voie de développement.
B. Pays développés.

Rotavirus ECEP
Adénovirus Parasites Rotavirus Astrovirus
Calicivirus Bactéries Adénovirus Bactéries
Astrovirus Autres Calicivirus Autres
A B

 Épidémiologie médico-économique est aussi perceptible dans les pays dévelop-


pés. Aux États-Unis, les GEV font l’objet d’une surveillance plus
récente depuis 2009, établie par le National Outbreak Reporting
Les GEV sont très fréquentes et associées à une morbimortalité
System (NORS) qui fusionne plusieurs systèmes de surveillance
importante, notamment dans les pays en voie de développement.
préexistants. Au cours des deux premières années de surveillance,
Si quatre principaux virus sont identifiés comme agents des GEV
4376 épidémies de gastro-entérites ont été déclarées, dont 68 %
(rotavirus, calicivirus, astrovirus et adénovirus), d’autres virus ont
étaient des GEV à norovirus, l’agent le plus fréquemment en cause
un rôle pathogène incertain (picornavirus, coronavirus et picobir-
aux États-Unis [11] . La vaccination contre le rotavirus, recomman-
navirus) [5] . La transmission virale se fait par voie orofécale, soit
dée en 2006 et 2008 respectivement par le vaccin pentavalent puis
par contact direct avec un malade infecté ou avec un porteur sain
le vaccin monovalent, a conduit à une couverture vaccinale esti-
témoignant d’une transmission interhumaine très efficace, soit
mée à 70–75 % en 2015 [12] . L’efficacité sur les hospitalisations et
par contact indirect avec un objet souillé par les selles d’un malade
les consultations aux urgences était respectivement de 84 % et
infecté, soit enfin par ingestion d’aliments contaminés. Les don-
83 %. Cette efficacité s’est traduite par une diminution des coûts
nées épidémiologiques concernant les GEV ne manquent pas,
économiques engendrés par les GEV à rotavirus et a bénéficié de
grâce en particulier à la mise en place de réseaux de surveillance
façon indirecte aux groupes d’enfants non vaccinés. L’efficacité
dédiés, tandis que les travaux les plus récents se concentrent
de cette vaccination est une fois encore fonction du niveau de
actuellement sur l’impact des vaccinations, tout particulièrement
développement des pays visés par des programmes de vaccination
contre le rotavirus.
spécifiques. Dans un travail publié en 2017, l’efficacité moyenne
de cette vaccination était de 80 à 90 % dans la prévention des
infections sévères à rotavirus dans des pays développés, contre
Gastro-entérites virales dans le monde seulement 40 à 60 % dans les pays en voie de développement
La diarrhée aiguë représente une priorité mondiale en termes où le rotavirus est responsable de plus de 200 000 décès par an
de morbimortalité et de coût économique, principalement chez chez les enfants de moins de 5 ans [13] . Cette moindre efficacité
les enfants en bas âge. Les impacts sont néanmoins différents pourrait être expliquée par plusieurs mécanismes : plus grande
entre les pays en voie de développement et les pays industriali- fréquence de la malnutrition et de carences électrolytiques et
sés. Les GEV représentent la deuxième cause de mortalité dans vitaminiques qui altèrent le bon fonctionnement de la réponse
les pays en voie de développement, juste derrière les décès liés à immune postvaccinale ; variabilité du microbiote ; anomalies de
des infections respiratoires basses, alors qu’à l’échelle mondiale l’intestin grêle regroupées sous le terme d’entéropathie environ-
elles n’apparaissent qu’en neuvième position loin derrière les nementale et variabilités génétiques.
affections cardiovasculaires et bronchopulmonaires chroniques
qui occupent respectivement les première et deuxième places [2] . Gastro-entérites virales en France
L’OMS en a fait une de ses priorités, notamment avec la mise
en route en 2013 d’un plan d’action mondial intégré pour pré- En France, plusieurs réseaux et modalités permettent de suivre
venir et combattre la pneumonie et la diarrhée qui sont, l’une les épidémies de GEV : réseau Sentinelles (données transmises
et l’autre, deux des maladies les plus meurtrières, en particulier par les médecins généralistes et les pédiatres libéraux), réseau
chez les enfants de moins de 5 ans [6] . Dans une revue de lit- Oscour (données issues des services d’urgence) et déclaration épi-
térature publiée par l’OMS en 2003 [7] , les enfants de moins de démiologique des cas groupés en cas de toxi-infection alimentaire
5 ans vivant en pays en voie de développement présentent 3,2 épi- collective. Une étude rétrospective menée de mai 2009 à avril
sodes de diarrhée par an en moyenne, avec une mortalité annuelle 2010 a permis d’estimer l’incidence des GEV à 21 millions de
de 4,9 pour 1000 enfants. La diarrhée est au total responsable cas par an en France, soit un taux de 0,33 cas par personne et
de 21 % des décès de l’enfant de moins de 5 ans (toutes causes par an, plus important chez les enfants de moins de 5 ans [14] .
confondues), soit 2,5 millions de décès annuels. Les causes de diar- Les GEV motivent 1,5 à 3 millions de consultations par an chez
rhée aiguë sont principalement virales, avec comme chef de file un médecin généraliste, principalement en période hivernale où
le rotavirus [8] . Ce virus est responsable de 180 à 450 000 décès leur incidence est maximale [4] . Une récente étude rétrospective
par an dans le monde chez les enfants de moins de 5 ans, dont publiée en 2017 par Rivière et al. a compilé les données des réseaux
90 % se concentrent dans les pays en voie de développement. Sentinelles et Oscour à celles de la Caisse nationale d’assurance
Plus récemment en 2008, l’OMS a publié des chiffres de morta- maladie colligées durant 25 ans de 1991 à 2015 [15] . En période
lité globalement similaires, 78 % des décès étant concentrés en hivernale, l’incidence hebdomadaire moyenne de consultations
Afrique et en Asie du Sud-Est, avec au total 73 % des décès concen- pour GEV était de 173 cas pour 100 000 habitants (variant entre
trés dans 15 pays [9] . Les programmes de vaccination contre le 95 à 257 pour 100 000) chez les généralistes et de 2,4 % (variant
rotavirus contribuent à modifier les caractéristiques épidémiolo- de 1,9 à 3,5 %) dans les services d’urgence. Dans tous les groupes
giques des endémies de GEV. Il est en effet observé une diminution d’âge et de façon homogène sur le territoire national, l’incidence
significative de l’incidence des infections et de leur sévérité dans de la GEV a presque doublé pendant les 20 premières années de
tous les pays ayant mis en place ces programmes [10] . L’impact surveillance pour finalement diminuer progressivement à partir

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de 2008 à 2009. Plusieurs hypothèses ont été discutées pour expli-


quer cette moindre fréquence, dont l’impact de la vaccination
contre les rotavirus, des hivers plus doux ainsi que la diminution
de la natalité en France, sans qu’aucune de ces hypothèses n’ait
pu être confirmée.

Gastro-entérites virales nosocomiales


À l’instar des GEV communautaires, les norovirus et les
rotavirus sont les principaux agents pathogènes des épidémies
nosocomiales. Le rotavirus est l’agent le plus fréquemment en
cause dans les épidémies survenant dans les services de pédia-
trie [16–18] , alors que le norovirus semble plus impliqué dans
les épidémies survenant dans des structures prenant en charge
des adultes ou des personnes âgées [19–21] . L’impact de ces
épidémies nosocomiales est multiple, à la fois financier mais
aussi logistique en limitant l’offre de soins des structures tou-
chées qui sont contraintes de fermer des lits pour circonscrire
l’épidémie et dont le personnel peut également contracter une
GEV nosocomiale (GEVN). Une étude prospective multicentrique
menée en Angleterre entre 2002 et 2003 a ainsi estimé que les
GEVN, dont 63 % étaient dues au norovirus, avaient infecté
2154 patients et 1360 personnels soignants au sein de 227 ser-
vices d’hospitalisation, soit 1,33 épidémie nosocomiale par service
et par an [22] . Le coût approximatif lié à la fermeture des lits et à
l’absentéisme du personnel soignant atteignait un million de dol-
lars américains pour 1000 lits d’hospitalisation. Les symptômes
des GEVN à norovirus étaient différents suivant la population
exposée. Les patients hospitalisés présentaient moins de vomisse-
ments, plus de diarrhée et une durée d’évolution plus prolongée Figure 2. Particules de rotavirus en microscopie électronique en colo-
(3 j versus 2 j, p < 0,001), tandis que la présentation clinique chez ration négative × 198 000. Collection du professeur M. Castets, service
les personnels soignants était superposable à celle habituellement de microscopie électronique (Professeur P. Rabin, CHU de Poitiers)
rencontrée dans les épidémies communautaires [20] . En milieu hos- (d’après [28] ).
pitalier, les co-infections ne sont pas rares, mettant en jeu soit
plusieurs virus, soit une association virobactérienne, particulière-
ment une co-infection par Clostridium difficile [22–24] . Tous les virus
décrits dans les épidémies communautaires peuvent être égale-
ment retrouvés dans les épidémies nosocomiales, de manière plus
anecdotique [17, 25] . Une étude monocentrique canadienne menée
entre 2004 et 2005 soulignait l’implication prédominante du toro-
virus dans les GEVN d’un hôpital de Toronto, identifié dans 67 %
des 133 cas [26] .

 Classification virale
Les principales caractéristiques épidémiocliniques des virus res-
ponsables de GEV sont présentées dans le Tableau 1.

Rotavirus
Caractéristiques virologiques
Les rotavirus sont des virus non enveloppés appartenant à la
famille des Reoviridae dont ils partagent les principales caractéris-
tiques : absence d’enveloppe, taille comprise entre 60 et 80 nm,
double capside icosaédrique, génome à acide ribonucléique (ARN)
bicaténaire, ARN polymérase-ARN-dépendante virionique et mul-
tiplication intracytoplasmique [27] . Leur capside icosaédrique en
forme de roue est à l’origine de leur appellation (Fig. 2). Ils sont
très résistants à l’inactivation physique. Le génome des rotavi-
rus comporte 11 segments d’ARN bicaténaire codant six protéines
structurales (VP 1 à 3 constituant le core du virus autour du
génome ; VP4 et VP7 formant la capside externe ; VP6 la cap-
side interne) et cinq protéines non structurales (NSP) (Fig. 3). Sept Figure 3. Organisation génomique et structures des rotavirus
sérotypes nommés de A à G sont définis à partir des déterminants (d’après [28] ). ARN : acide ribonucléique ; db : double brin.
antigéniques de la capside VP6 mais seuls les groupes A à C ont
été identifiés dans les cas de gastro-entérites chez l’homme. VP7
est la protéine la plus immunogène de la capside et représente mécanismes : réarrangements génomiques, mutations ponctuelles
l’antigène majeur de neutralisation à l’origine de 14 sérotypes du secondaires aux erreurs de l’ARN polymérase et responsables de
groupe G. VP4 est une hémagglutinine modulant la virulence et glissements antigéniques parfois en cause dans l’apparition de
est à l’origine de 13 sérotypes. Les rotavirus présentent une très nouvelles épidémies, et réassortiments génétiques entre génomes
grande diversité génétique et antigénique expliquée par plusieurs de différentes espèces. Cinq combinaisons génétiques, dont la

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Tableau 1.
Caractéristiques épidémiocliniques des quatre principaux virus responsables de gastro-entérites.
Famille Genre Fréquence (%) Cible digestive Incubation Durée des symptômes Population cible
Reoviridae Rotavirus > 50 Entérocyte 48 heures 1–7 jours Enfants ++
Caliciviridae Norovirus 8–14 Entérocyte 15–50 heures 1–3 jours Tous âges
Sapovirus Collectivités
Astroviridae Astrovirus 2–8 Entérocyte 1–4 jours 1–4 jours Enfants
Patients âgés
Patients immunodéprimés
Adénoviridae Adénovirus 2–6 Entérocyte 4–5 jours 8–12 jours Enfants

Figure 4. Mécanismes de la diarrhée induite


par les rotavirus (d’après [28] ). SGLT1 : cotrans-
porteur sodium-glucose 1 ; NO : monoxyde
d’azote ; PLC : phospholipase C ; IP3 : inositol
trisphosphate ; NSP4 : nonstructural protein 4.

souche G1P [8] est la plus commune [29] , sont responsables à elles cryptes, soit à une inhibition de l’absorption intestinale des enté-
seules de près de 90 % des infections à rotavirus chez l’homme. rocytes des villosités par un mécanisme endotoxinique lié à NSP4
et à l’activation du système nerveux entérique. Une diarrhée
Physiopathologie hydrique constitue le quatrième mécanisme par augmentation de
la perméabilité intestinale via l’ouverture des jonctions serrées.
Le rotavirus se fixe au niveau d’un récepteur de la mem-
brane apicale des entérocytes des villosités matures de l’intestin
grêle puis est internalisé par un phénomène d’endocytose
Manifestations cliniques
calcium-dépendant. L’infection à rotavirus entraîne une diarrhée Les rotavirus sont les principaux agents infectieux à l’origine
multifactorielle médiée par quatre mécanismes : malabsorp- de GEV et de diarrhée avec déshydratation sévère chez le jeune
tif, hyperosmotique, hypersécrétoire et hydrique [28, 30] (Fig. 4). enfant. La période d’incubation est brève (moins de 48 h) et les
La diarrhée par malabsorption est secondaire à l’altération des premiers symptômes apparaissent entre un et quatre jours après
fonctions absorptives entérocytaires. La diminution de l’activité l’exposition. L’excrétion du virus dans les selles est plus prolon-
des enzymes entérocytaires et notamment des disaccharidases gée, pouvant parfois précéder les signes cliniques et durer ensuite
entraîne une maldigestion des sucres qui s’accumulent dans la jusqu’à dix jours après leur disparition [14] . Si les gastro-entérites
lumière intestinale dont le contenu devient hyperosmolaire et à rotavirus peuvent concerner toutes les tranches d’âge, elles
conduit à une diarrhée osmotique. La composante sécrétoire est sont néanmoins plus fréquentes et souvent plus sévères chez les
liée à une augmentation de la sécrétion de chlore intestinal secon- enfants (6 mois à 2 ans). La présentation clinique la plus habituelle
daire soit à une hypersécrétion au niveau des entérocytes des est une diarrhée fécale parfois associée à des vomissements, des

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ARN génomique (7,6 kb)


ORF1 ORF4 ORF3
5’ VPg 3’
ORF2

ARN Réinitiation
subgénomique ribosomale
Traduction 5’ VPg 3’

Polyprotéine
Facteur de virulence du
NS1/2 NS3 NS4 NS5 NS6 NS7 VP1 VP2 + VF1
MNV (16kDa)
Protéolyse Protéine Protéine mineure
N-term NTPase p22 VPg Pro Pol (RdRp)
(38 kDa) (39 kDa) (22 kDa) (14 kDa) (19 kDa) (57 kDa)
majeure de capside (22 kDa)
de capside
(57 kDa)
N S P1 P2 P1
Domaines

Interne Externe

90 dimères
Domaine P2 (VP1180)

Domaine P1

Domaine S
Terminaison-N

Figure 5. Organisation génomique et structure des norovirus (d’après [31] ). ARN : acide ribonucléique ; ORF : open reading frame ; MNV : murine norovirus ;
NTPase : nucléoside triphosphatase.

douleurs abdominales et une hyperthermie modérée [28] . Certaines transitoire des graisses, du D-xylose et du lactose ainsi qu’une
gastro-entérites peuvent rester asymptomatiques, notamment altération des enzymes de la bordure en brosse [31] .
chez le nouveau-né qui bénéficie d’une immunité passive acquise
par les anticorps maternels et l’allaitement [14] . Manifestations cliniques
Toutes les tranches d’âges sont concernées, avec des épidé-
Calicivirus mies survenant le plus souvent en collectivités. L’incubation est
courte (15 à 50 h), variable en contexte épidémique ou non.
Caractéristiques virologiques L’excrétion fécale des calicivirus est relativement prolongée, attei-
Les calicivirus appartiennent à la famille des Caliciviridae, dont gnant jusqu’à 2 à 3 semaines en moyenne. Les symptômes
les caractéristiques structurales sont proches de celles des rota- persistent 1 à 3 jours, dominés par les vomissements dans plus de
virus [31] . Ces virus ne possèdent pas d’enveloppe, comportent 50 % des cas, d’où son appellation de winter vomiting disease ou gas-
la même capside de forme icosaédrique mais sont en revanche tric flu. Ils peuvent être associés à une diarrhée fécale, des douleurs
plus petits (27 à 35 nm). Leur génome est constitué d’un ARN abdominales et une hyperthermie modérée. Norovirus et sapovi-
simple brin de polarité positive polyadénylé en 3 d’environ rus ont la même présentation clinique, bien que les vomissements
7500 bases dont l’organisation est très variable en fonction des semblent plus fréquents au cours des infections à norovirus [35] .
cadres ouverts de lecture (open reading frame [ORF]) (Fig. 5).
ORF 1 code un précurseur de NSP (hélicase, protéase, polymé-
rase), ORF 2 code la protéine majeure de capside VP1, et ORF Astrovirus
3 code une protéine mineure VP2. Les calicivirus présentent Caractéristiques virologiques
de grandes variabilités génétique et antigénique qui permettent
d’individualiser les norovirus (ou virus Norwalk) et les sapovirus. Les astrovirus appartiennent à la famille des Astroviridae, dont
Les mécanismes de cette variabilité génétique sont principalement le nom est inspiré par une figure caractéristique en « étoile » à cinq
représentés par des phénomènes de recombinaison à l’origine de ou six branches en microscopie électronique. Deux genres ont été
nouveaux virus ou de nouveaux variants au sein d’un même géno- récemment distingués : les mamastrovirus comprenant les astro-
type. Plus accessoirement, des accumulations de mutations et de virus pathogènes pour l’homme et les mammifères en général, et
sélections de variants aboutissent à des dérives génétiques. Les les avastrovirus pathogènes chez les oiseaux [36] . Au sein du genre
norovirus comportent ainsi cinq génogroupes dont trois corres- mamastrovirus, 19 sérotypes ont été identifiés (initialement huit
pondent à des souches humaines (I, II et IV) et au sein desquels sérotypes étaient connus, le I étant le plus fréquemment en cause
se distinguent 26 génotypes (respectivement 8, 17 et 1 géno- dans les gastro-entérites humaines), contre trois sérotypes pour les
types pour les génogroupes I, II et IV) [32, 33] . Les sapovirus sont avastrovirus. Ce sont tous des virus de petite taille (30 nm), non
divisés en cinq génogroupes dont quatre sont pathogènes pour enveloppés et comportant une capside icosaédrique. Leur génome
l’homme (I, II, IV et V, le génogroupe III infectant le porc) est de type ARN simple brin de polarité positive, comprenant 6800
et comportent huit génotypes. Un autre cadre ouvert ORF est à 7200 bases. Cet ARN contient trois cadres de lecture ouverts
décrit pour les sapovirus, dont la fonction est encore impré- codant chacun pour des éléments spécifiques du virion : ORF 1a
cise et pourrait jouer un rôle dans l’induction de la synthèse et 1b pour des NSP, ORF 2 pour VP90 qui après clivage forme la
protéique [34] . protéine de capside.

Physiopathologie Physiopathologie
Les cellules cibles de l’infection par calicivirus sont les entéro- La physiopathologie des infections à astrovirus est moins bien
cytes matures de l’intestin grêle, principalement au sommet des connue. Le virus cible les entérocytes en provoquant des altéra-
villosités qui se raccourcissent et entraînent une malabsorption tions de leur épithélium principalement au sommet des villosités

EMC - Gastro-entérologie 5
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conduisant à une diarrhée osmotique, en sus de modifications Autres virus


architecturales des jonctions serrées provoquant une augmenta-
tion de la perméabilité de la barrière intestinale [37, 38] . Si l’implication des quatre précédents virus dans les GEV est
avérée, il est beaucoup plus difficile de l’établir pour d’autres virus
plus rares que sont notamment les picornavirus, les coronavirus
Manifestations cliniques
et les picobirnavirus. En effet, ils présentent une excrétion fécale
La période d’incubation dure en moyenne quatre jours, au prolongée y compris pour les infections à tropisme extradigestif
décours de laquelle s’installent les symptômes usuels à savoir ou les infections asymptomatiques, rendant la causalité entre la
diarrhée fécale parfois associée à des douleurs abdominales, des détection dans les selles des virus et la présence d’une GEV plus
vomissements et de la fièvre. À noter que les vomissements sont délicate à établir. Par ailleurs, les co-infections ne sont pas rares,
moins fréquents que dans les infections à calicivirus et à rotavi- compliquant de fait l’interprétation des analyses virologiques [41] .
rus. La phase symptomatique dure 1 à 4 jours et l’excrétion fécale
du virus plus de deux semaines après l’apparition des signes cli- Picornavirus
niques. La GEV à astrovirus est rare chez les adultes sains mais des Les picornavirus appartiennent à la famille des Picornaviridae
épidémies ont été décrites au sein des populations à risque que (« pico » pour petit et « rna » pour ribonucleic acid) qui intègrent
sont les personnes âgées et les patients immunodéprimés [37, 39] . les plus petits virus actuellement connus [42] . Leur capside icosa-
Chez ces derniers, et notamment chez les enfants immunodépri- édrique n’excède pas 30 nm de diamètre. Dans cette très grande
més, des formes systémiques ont été décrites avec un tropisme famille, il est dorénavant distingué des virus détectés chez les ani-
essentiellement neurologique (méningites et encéphalites). maux et les humains que sont les picornavirus ou entérovirus
humains (poliovirus et entérovirus A, B, C et D), les parechovi-
rus, les hépatovirus (dont le chef de file est le virus de l’hépatite
Adénovirus A), les cardiovirus et les kobivirus, ainsi que des virus unique-
Caractéristiques virologiques ment détectés chez les humains de type salivirus et cosavirus. Leur
génome est composé d’un ARN simple brin de polarité positive,
Les adénovirus appartiennent à la famille des Adenoviridae qui associé à une protéine (VPg) liée de façon covalente. Cet ARN
comporte cinq genres dont celui des mastadenovirus incluant les peut directement agir comme un ARN messager et devenir infec-
virus pathogènes pour l’homme et les mammifères, les quatre tieux pour les cellules cibles. Parmi les kobuvirus, le virus Aichi
autres genres étant les aviadénovirus, atadénovirus, siadénovi- est à part puisqu’il ne présente aucune communauté antigénique
rus et ichtadénovirus [38, 40] . Deux systèmes de classification sont avec les picornavirus et qu’il ressemble aux astrovirus en micro-
connus : soit issus des anciennes méthodes diagnostiques par neu- scopie électronique. Les picornavirus se multiplient au niveau de
tralisation antigénique et hémagglutination (adénovirus 1 à 52), la porte d’entrée (oto-rhino-laryngologique, respiratoire ou autre
soit par séquençage génomique (adénovirus 52 à 68). Sept séro- muqueuse) et dans l’intestin grêle avec une excrétion importante
genres humains (A à G) sont connus, chacun ayant un tropisme et prolongée dans les selles. Les entérovirus de type coxsachie B
spécifique : digestif (adénovirus A et F), respiratoire (B1, C et E), et échovirus, et les parechovirus sont rarement en cause dans les
rénal (B2) et oculaire (D). Ils regroupent 68 sérotypes dont les adé- GEV de même que les virus Aichi. Dans deux études cas-témoins,
novirus 40/41 (sérogenre F) sont plus fréquemment en cause dans aucun lien n’était établi entre la présence de virus Aichi dans les
les gastro-entérites humaines, plus rarement les adénovirus 31, 12 selles de patients diarrhéiques et la GEV du fait d’une très faible
et 18 (genre A) et exceptionnellement les adénovirus 1, 2, 5 et 6 prévalence estimée à 0,5 % [43] et 1,8 % [44] .
(genre C). À l’instar des virus précédemment décrits, ils sont non
enveloppés et présentent la même capside icosaédrique dont la Coronavirus
taille est en revanche plus grande (diamètre de 70 à 90 nm) et
est composée de 252 capsomères (240 hexons et 12 pentons). Le Les virus de la famille des coronavirus ont comme particularité
génome est un acide désoxyribonucléique (ADN) bicaténaire de d’être tous très différents morphologiquement sauf par leur « cou-
26 à 48 000 paires de bases, associé à une protéine liée de façon ronne » dont ils tirent leur nom et qui est en réalité l’extrémité
covalente à l’extrémité 5 . Il code une protéine non structurale distale de l’enveloppe virale. Ce sont donc des virus enveloppés,
(cystéine protéase) et 11 protéines structurales parmi lesquelles de taille et de forme variables. Leur génome, fait d’un ARN simple
les protéines II, VI, VIII et IX forment les hexons (jouant un rôle brin de polarité positive de 27 à 33 000 paires de bases, code 3 à 4
dans la stabilité et l’assemblage des virions) ; les protéines III et IIIa protéines structurales et 3 à 10 NSP. Au sein des coronavirus, deux
forment les pentons (pénétration cellulaire) et la protéine IV qui sous-familles sont identifiées : les torovirus (120 à 140 nm) décrits
correspond à une fibre saillante vers l’extérieur (hémagglutinine dans les diarrhées aiguës ou persistantes des enfants et dans des
jouant un rôle dans la liaison aux récepteurs viraux). épidémies nosocomiales [45] , et les coronavirus (80 à 220 nm) dont
le rôle pathogène est plus controversé [38, 46] .

Physiopathologie Picobirnavirus
Les mécanismes responsables de la diarrhée dans les gastro- Ce sont des petits virus non enveloppés de petite taille (30 à
entérites à adénovirus sont globalement similaires à ceux de la 40 nm) avec toujours la même capside icosaédrique. Leur génome
diarrhée des autres GEV précédemment décrites, à savoir une est composé de deux segments d’ARN bicaténaire (d’où leur nom
atteinte préférentielle des entérocytes du sommet des villosi- de pico bi-RNA virus). Ils ont été décrits à plusieurs reprises dans
tés intestinales entraînant leur atrophie, compensée par une des cas de diarrhées d’enfants et d’adultes, immunodéprimés ou
hypertrophie des cryptes, aboutissant à une diarrhée par malab- non, mais leur grande diversité génétique retrouvée au sein de
sorption [38] . mêmes épidémies ne plaide pas en faveur de leur causalité dans
les GEV [45, 47] .
Manifestations cliniques
La période d’incubation est d’environ 4 à 5 jours avec une excré-
tion fécale de l’ordre de deux semaines [38, 40] . La diarrhée fécale est
 Conclusion
au premier plan des signes cliniques pouvant durer jusqu’à huit Les GEV constituent un problème de santé publique majeur à
jours environ. Les vomissements apparaissent plus tardivement, l’échelle mondiale et sont responsables d’une lourde morbimor-
pendant moins de 48 heures la plupart du temps. S’y associent par- talité, en particulier dans les pays en voie de développement,
fois une hyperthermie modérée et des signes respiratoires. La GEV ainsi que d’un impact médico-économique sans frontière. Les
à adénovirus touche plus particulièrement les enfants de moins de virus responsables des GEV, dominés par les rotavirus, les noro-
2 ans (bien qu’avant l’âge de 6 mois ils bénéficient d’une immu- virus, les astrovirus et les adénovirus, hautement contagieux et
nité passive liée aux anticorps maternels), et, à l’inverse des autres stables dans l’environnement, se transmettent aisément par voie
GEV, les épidémies n’ont pas de rythme saisonnier. indirecte ou directe manuportée selon un mode féco-oral. Ces

6 EMC - Gastro-entérologie
Gastro-entérite virale : épidémiologie et classification  9-001-B-77

modalités de transmission rendent compte de profils d’infections [12] Pindyck T, Tate JE, Parashar UD. A decade of experience with rotavirus
épidémiques habituellement communautaires mais également vaccination in the United States - vaccine uptake, effectiveness, and
nosocomiales imposant une prévention basée avant tout sur des impact. Expert Rev Vaccines 2018;17:593–606.
mesures d’hygiène élémentaires. Le recours à une politique vacci- [13] Desselberger U. Differences of rotavirus vaccine effectiveness by coun-
nale antivirale, variable suivant les situations épidémiocliniques, try: likely causes and contributing factors. Pathogens 2017;6:65.
peut compléter l’arsenal des mesures préventives. [14] Van Cauteren D, De Valk H, Vaux S, Le Strat Y, Vaillant V. Burden
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dans le monde et l’étiologie virale est la plus fréquente. gastroenteritis in a pediatric unit, in 2014–2015. J Med Virol 2017;89:
• Quatre principaux virus sont responsables des GEV : 1768–74.
rotavirus, calicivirus (norovirus), astrovirus et adénovirus. [17] Cunliffe NA, Booth JA, Elliot C, Lowe SJ, Sopwith W, Kitchin N, et al.
• La transmission interhumaine des GEV est directe ou Healthcare-associated viral gastroenteritis among children in a large
indirecte, incluant le péril fécal. pediatric hospital, United Kingdom. Emerg Infect Dis 2010;16:55–62.
• La période épidémique est hivernale dans les pays déve- [18] Gleizes O, Desselberger U, Tatochenko V, Rodrigo C, Salman N, Mez-
loppés, liée majoritairement aux norovirus. ner Z, et al. Nosocomial rotavirus infection in european countries: a
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• Des épidémies nosocomiales sont liées principalement
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aux norovirus et aux rotavirus. [19] Polage CR, Cohen SH, Solnick JV. Nosocomial diarrhea: evaluation
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asymptomatiques de virus. [20] Lopman BA, Reacher MH, Vipond IB, Sarangi J, Brown DW. Clinical
• La résistance dans l’environnement des virus res- manifestation of norovirus gastroenteritis in health care settings. Clin
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L. Gan, Interne des hôpitaux des Armées.


C. Matray, Chef de clinique des hôpitaux des Armées.
M. Desjardin, Praticien certifié des hôpitaux des Armées.
C. Bayama, Interne des hôpitaux des Armées.
P. Rey, Professeur agrégé du Val-de-Grâce, chef du service de pathologie digestive (phirey2@gmail.com).
Service de pathologie digestive, Hôpital d’instruction des Armées-Sainte-Anne, BCRM Toulon, BP 600, 83800 Toulon cedex 9, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Gan L, Matray C, Desjardin M, Bayama C, Rey P. Gastro-entérite virale : épidémiologie et classification.
EMC - Gastro-entérologie 2020;37(1):1-8 [Article 9-001-B-77].

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8 EMC - Gastro-entérologie
 9-001-B-79

Gastroentérite virale : diagnostic


et traitement
L. Gan, C. Matray, M. Desjardin, C. Bayama, P. Rey

Résumé : La gastroentérite virale (GEV) est un problème mondial de santé publique et représente un
coût médico-socio-économique important dans les pays en voie de développement. Le diagnostic est
clinique en période épidémique mais peut être précisé par des techniques d’identification virales telles que
la microscopie électronique, les tests de détection antigéniques ou la biologie moléculaire. L’évaluation
clinique initiale doit s’attacher à rechercher des signes de déshydratation, principale complication des
GEV. Les traitements sont symptomatiques, axés en premier lieu sur une hydratation par des solutés de
réhydratation orale, et plus rarement par une hydratation parentérale. L’indication des antidiarrhéiques
et des antiémétiques est plus limitée. La place des probiotiques est encore incertaine bien que leur usage ne
présente pas ou peu d’effets secondaires. Les mesures de prévention sont fondamentales et passent avant
tout par des mesures d’hygiène et la vaccination antirotavirus, qui n’est cependant pas recommandée
en France.
© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Gastroentérite virale ; Diagnostic ; Traitement ; Prévention

Plan enfants, personnes âgées, dénutris). Elles sont une des cibles des
programmes de lutte à l’échelle mondiale avec un objectif fixé
■ Introduction 1 par l’OMS de mettre fin aux décès infantiles évitables secondaires
aux diarrhées et pneumonies d’ici 2025 [2] . Les GEV représentent
■ Diagnostic 1 un problème de santé publique majeur en France, à raison de
Diagnostic clinique 1 21 millions de cas par an conduisant pour 3 millions de cas à
Diagnostic de gravité biologique et différentiel 2 une consultation chez le médecin généraliste en période épidé-
Diagnostic virologique 2 mique hivernale [3] . Quatre virus principaux sont impliqués dans
■ Traitement 3 les GEV : rotavirus, calicivirus (norovirus), astrovirus et adénovi-
Réhydratation 4 rus.
Mesures diététiques 4 L’objectif de cet article est de préciser les modalités du diagnostic
Traitements symptomatiques 4 et la prise en charge thérapeutique active et préventive des GEV.
Autres traitements 5 L’épidémiologie et la classification des virus responsables des GEV
■ Prévention 6 sont détaillées dans une autre revue (9-001-B-77).
Mesures d’hygiène 6
Vaccination 6
■ Conclusion 7  Diagnostic
Diagnostic clinique
 Introduction Le diagnostic positif de GEV est avant tout clinique. L’histoire
naturelle de la maladie et l’anamnèse peuvent aider à présa-
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit une diar- ger de l’origine virale d’une gastroentérite aiguë, voire parfois
rhée aiguë comme l’émission de plus de deux selles molles à à préciser le type de virus en cause. Sont ainsi en faveur d’une
liquides par jour depuis moins de deux semaines [1] . Une exo- étiologie virale l’installation rapide des symptômes après une
nération trop fréquente pour l’individu ou un poids de selles courte période d’incubation, une diarrhée aqueuse associée le
dépassant plus de 300 g par jour sont également des définitions plus souvent à des vomissements et parfois à une hyperthermie
acceptées bien que peu utilisées en pratique clinique. Une diar- modérée, des douleurs abdominales, des céphalées et des myal-
rhée aiguë évolue en moyenne jusqu’à dix jours, durée plus ou gies, et une durée d’évolution habituellement courte n’excédant
moins prolongée en fonction de son étiologie. Elle est le plus pas quelques jours [4] . La présence de vomissements au premier
souvent le symptôme d’une affection digestive d’origine infec- plan, parfois même sans diarrhée synchrone, est plutôt évocatrice
tieuse avec une prédominance pour les étiologies virales, et plus d’une gastroentérite à norovirus (ou virus Norwalk), communé-
rarement celui d’une étiologie non infectieuse (toxique, aller- ment appelée winter vomiting disease ou gastric flu [5, 6] . Dans une
gique, inflammatoire, etc.). Les gastroentérites virales (GEV) sont étude prospective conduite aux États-Unis en 2012, la présenta-
donc une des premières causes de diarrhée aiguë, dont la gra- tion clinique ne différait cependant pas significativement selon
vité est variable, fonction des zones épidémiques ou endémiques l’étiologie virale ou bactérienne, les symptômes les plus fréquents
où elles surviennent et du terrain sous-jacent (immunodéprimés, étant les nausées (93 %), la diarrhée (89 %), les vomissements

EMC - Gastro-entérologie 1
Volume 37 > n◦ 1 > janvier 2020
http://dx.doi.org/10.1016/S1155-1968(19)88662-5
9-001-B-79  Gastroentérite virale : diagnostic et traitement

(81 %) et les douleurs abdominales (76 %) [3, 7] . De façon plus avec détermination de la clairance de la créatinine permettent de
anecdotique et variable selon les études, 10 à 36 % des patients rechercher des troubles ioniques et une insuffisance rénale aiguë
présentaient des signes oto-rhino-laryngologiques et respiratoires associés. Chez l’enfant, ces examens sont moins informatifs que le
parmi lesquels figuraient une rhinorrhée, une toux et un mal de dosage des bicarbonates sériques qui, lorsqu’ils sont normaux, tra-
gorge [3, 7] . L’examen clinique standard, peu spécifique, montre duisent une déshydratation de moins de 5 % [13] . Les dosages des
une hyperthermie modérée (38,3 à 38,9 ◦ C) dans 50 % des cas et protéines de l’inflammation telles que la protéine C réactive (CRP)
une sensibilité diffuse à la palpation abdominale [8] . et la procalcitonine (PCT) n’ont pas fait leur preuve pour différen-
L’examen clinique est surtout fondamental pour identifier les cier les GEV des gastroentérites bactériennes [14, 19] . Le diagnostic
formes graves et éliminer d’éventuels diagnostics différentiels. Les microbiologique de certitude n’est pas non plus nécessaire en
formes graves sont rares, de prévalence variable en fonction des pratique clinique courante pour affirmer une GEV. Une copro-
études. Leur fréquence est cependant probablement sous-estimée, culture, la recherche de toxines A et B de Clostridium difficile et
car difficile à évaluer en l’absence d’une déclaration obligatoire. un examen parasitologique des selles doivent en revanche être
Dans l’étude américaine précédemment citée, il était retrouvé réalisés en fonction des signes d’appel précédemment évoqués et
moins de 10 % de formes graves [7] . En France en 2008, les en cas de doute diagnostique pour éliminer les autres causes de
infections intestinales toutes causes confondues ont occasionné gastroentérites [18] .
1317 décès, soit une mortalité de 3,4 pour 100 000, prédominante
chez les enfants et les personnes âgées [9] . La principale compli-
cation des GEV est la déshydratation dont la traduction clinique
Diagnostic virologique
combine une sensation de soif, une tachycardie, une hypotension, Le recours au diagnostic virologique, bien que technique-
une sécheresse des muqueuses, une perte pondérale et des troubles ment disponible, n’est pas obligatoire pour le diagnostic de
de la vigilance en cas de déficit hydrique sévère. Ces formes GEV qui est habituellement conforté par le contexte clinique.
graves justifient une intervention médicale sans délai, voire une Ses principales indications concernent, à l’échelon collectif,
hospitalisation. L’évaluation de la déshydratation peut être plus la caractérisation d’une situation épidémiologique (épidémie,
délicate chez les enfants notamment en bas âge. Des scores plus contexte nosocomial, suivi de circulation de souches virales) et, à
ou moins simples peuvent être utilisés. Le Clinical Dehydratation l’échelon individuel, la confirmation d’un diagnostic étiologique
Scale (CDS) évalue la déshydratation par la cotation (0 à 2 points) non cliniquement patent (atypies cliniques, durée prolongée,
de quatre items : état général, yeux, muqueuses et larmes [10] . Le immunodépression). Plusieurs techniques directes et indirectes
score de Vesikari modifié est plus axé sur la sévérité de la GEV (0 à concourent à obtenir un diagnostic virologique (Tableau 1)
3 points pour les items suivants : durée en heures de la diarrhée, (Fig. 1). Les techniques directes sont les techniques de référence.
nombre maximal de selles par jour, durée en heures des vomisse- Elles permettent de détecter l’infection virale par la mise en
ments, nombre maximal de vomissements par jour, température culture, d’identifier les virions ou des éléments les composant
maximale, traitement entrepris et consultation programmée) [11] . par microscopie électronique, et de détecter des antigènes ou
Un des moyens simples d’apprécier le degré de déshydratation des acides nucléiques. Les techniques indirectes reposent sur un
chez les enfants reste l’évaluation de la perte de poids récente diagnostic sérologique et ne sont pas indiquées en pratique cli-
qui semble être fiable, bien que le poids préinfectieux soit rare- nique courante [20] . Le choix des techniques est adapté au type de
ment disponible [12] . Les dernières recommandations des sociétés virus.
européennes de gastroentérologie et d’infectiologie pédiatriques Pour les rotavirus, la microscopie électronique est la méthode
s’accordent sur la nécessité de consulter si l’enfant est âgé de de référence puisqu’elle permet la mise en évidence rapide de leur
moins de 2 mois (ou 6 mois) et en cas de comorbidités associées caractéristique morphologique en « roue » avec une spécificité de
(immunodépression, dénutrition, maladie inflammatoire chro- 100 % et une sensibilité de 80 à 90 %, sans pouvoir distinguer les
nique de l’intestin, etc.), ou en cas de prolongation des signes sérogroupes. Toutefois, cette méthode nécessite un certain niveau
cliniques [13, 14] . Par ailleurs, plusieurs études ont rapporté des cas d’expertise et l’utilisation d’un matériel coûteux. Les techniques
de co-infections dans les GEV, responsables de formes plus sévères de détection antigénique par anticorps monoclonaux dirigés
et/ou prolongées [15, 16] . contre la protéine de groupe VP6 sont les plus accessibles. Trois
Les diagnostics différentiels de GEV doivent notamment être méthodes sont possibles : les tests d’agglutination latex ne sont
évoqués en cas de syndrome dysentérique avec de fortes dou- plus recommandés en raison de leurs moindres sensibilité et spéci-
leurs avant chaque selle, peu abondante, mêlée ou réduite à des ficité ; les tests immunoenzymatiques par méthode enzyme-linked
glaires et/ou du sang, du ténesme et des faux besoins, ou d’une immunosorbent assay (Elisa) bénéficient d’une sensibilité et d’une
symptomatologie prolongée. Plusieurs éléments d’interrogatoire spécificité de 95 % ; et les tests immunochromatographiques qui,
doivent également être précisés, parmi lesquels les notions d’une outre une sensibilité et une spécificité de 95 %, offrent l’avantage
hospitalisation récente, d’une antibiothérapie dans les jours ou d’un résultat très rapide (15 min) mais dont l’interprétation reste
semaines précédents, d’un voyage, ou de pratiques à risque accru subjective [20, 21] . Enfin, les techniques de biologie moléculaire sont
de transmission de maladies liées au péril fécal (incluant des pra- utilisées en premier lieu à visée épidémiologique, et reposent prin-
tiques sexuelles anales ou oroanales). Les principaux diagnostics cipalement sur l’amplification génique par transcription inverse
différentiels des GEV sont les gastroentérites infectieuses bacté- (RT-PCR) qui permet de détecter le génome viral dans les selles et
riennes (salmonellose, shigellose, campylobactériose, entérocolite de caractériser les génotypes [21] .
à Escherichia coli, infection à Clostridium difficile, yersiniose, Pour les calicivirus, le diagnostic positif a longtemps reposé
infection à vibrions, etc.) ou parasitaires (amibiase, cryptospo- sur les critères de Kaplan en période épidémique, critères
ridiose, cyclosporose, giardiase) ainsi que d’autres causes de exclusivement cliniques et non biologiques (courte incubation,
diarrhée non infectieuse (maladies inflammatoires chroniques symptômes à type de vomissement et/ou diarrhée avec signes
de l’intestin, colite ischémique, entérocolite médicamenteuse, d’accompagnement, durée brève, fort taux d’attaque et examens
etc.) [17, 18] . L’évocation de ces diagnostics justifie la réalisation bactériologiques négatifs) [5] . Pour le diagnostic virologique d’une
d’examens complémentaires biologiques et/ou d’imagerie diges- infection à calicivirus, l’examen direct en microscopie électro-
tive le cas échéant (Fig. 1). nique est la méthode de référence mais présente, par opposition
aux rotavirus, une très faible sensibilité. L’isolement par culture
virale est impossible. Les techniques de détection antigénique
Diagnostic de gravité biologique n’existent que pour les norovirus, manquent de sensibilité et de
et différentiel spécificité, et ne sont donc pas recommandées [22] , bien que de
nouveaux anticorps testés semblent donner des résultats encou-
Aucun examen biologique n’est recommandé en routine pour le rageants [23, 24] . Les techniques de biologie moléculaire sont donc
diagnostic d’une GEV. Le recours à des explorations biologiques les techniques de choix [5, 25] . La grande variabilité génomique des
est en revanche licite en présence de signes de sévérité et pour calicivirus complique le choix des séquences à amplifier. Plusieurs
étayer un diagnostic différentiel si nécessaire. En cas de déshydra- séquences semblent conservées au niveau de l’acide ribonucléique
tation chez l’adulte, un ionogramme sanguin et une créatininémie (ARN) polymérase, faisant d’elles des cibles privilégiées pour la

2 EMC - Gastro-entérologie
Gastroentérite virale : diagnostic et traitement  9-001-B-79

Suspicion de gastroentérite virale

Évaluation initiale
Terrain : âge, comorbidités, grossesse
Clinique : symptômes, durée, intensité Critères d’alerte
Gravité : déshydratation Diarrhée sanglante
Contexte particulier
Antibiothérapie, voyage, affection digestive, etc.
Diagnostic compatible Non Symptômes persistants

Oui
Diagnostic différentiel à envisager
Coproculture
Toxines de Clostridium difficile
Examens complémentaires Examen parasitologique des selles
Imagerie digestive

Diagnostic positif Microscopie électronique : tous virus mais non accessible partout
Diagnostic de gravité
Oui si intérêt Détection antigénique : rotavirus +++, astrovirus +++, adénovirus +++
Oui si forme sévère
épidémiologique Détection du génome viral (PCR, RT-PCR) : calicivirus +++, autres virus

Biologie
Ionogramme sérique
Clairance de la
créatinine

Figure 1. Arbre décisionnel. Démarche diagnostique d’une gastroentérite virale. PCR : polymerase chain reaction ; RT-PCR : reverse transcriptase-PCR.

Tableau 1.
Méthodes de diagnostic virologique des gastroentérites virales (modifié d’après [20] ).
Microscopie électronique Culture virale Détection antigénique Détection d’acides nucléiques
Virus détectés Nombreux Nombreux sauf calicivirus Nombreux Très nombreux y compris
nouveaux pathogènes
Délai de détection 24 heures 5 à 10 jours 30 minutes 2 à 6 heures
Niveau d’expertise Expert Expert Faible Expert
Sensibilité Bonne pour des Bonne Bonne (enfants ++) Très bonne
concentrations > 106 /ml de selles

RT-PCR [5] . Pour les norovirus, des techniques de PCR en temps des différents virus pouvant être responsables de gastroentérites
réel sont également disponibles, ciblant les régions open reading aiguës [31, 32] , parfois même combinés avec un screening bacté-
frame (ORF) 1 et ORF 2 [26] . riologique et parasitologique [33] . L’identification d’un virus doit
Pour les astrovirus, la microscopie électronique est également la cependant être toujours corrélée avec la clinique et la période épi-
technique de référence historique mais pose le même problème de démique, car elle ne suffit pas à affirmer à elle seule l’étiologie de
manque de sensibilité et la nécessité d’un haut niveau d’expertise la gastroentérite en cause du fait en particulier d’une excrétion
pour qualifier les résultats. La culture virale est également dif- fécale parfois prolongée qui peut faire errer le diagnostic.
ficile et n’est pas réalisée en pratique courante. Les techniques
de détection antigéniques sont les plus utilisées (Elisa surtout) et
permettent aussi de déterminer les sérotypes des astrovirus. Les  Traitement
techniques moléculaires sont également très développées, essen-
tiellement par RT-PCR, dont les résultats varient en fonction des Dans la plupart des cas, la GEV est rapidement et spontané-
amorces choisies (ORF 2, région 3 non codante ou même ORF ment résolutive. Les indications d’une hospitalisation sont rares
1a) [27, 28] . et les traitements symptomatiques peuvent être suffisants mais ne
Pour les adénovirus, la technique de choix est la détec- sont pas obligatoires. Aucun régime n’a réellement fait la preuve
tion antigénique, plus ou moins précise pour l’identification de son efficacité, chez les enfants comme chez les adultes. À
des sérotypes [29, 30] . Des techniques sont basées sur l’utilisation l’heure actuelle, aucun traitement antiviral spécifique n’existe. Les
d’un anticorps monoclonal ciblant un des épitopes d’un hexon mesures préventives, généralement simples et efficaces, sont fon-
commun à tous les types d’adénovirus, ce qui permet de faire damentales pour éviter la transmission interhumaine et endiguer
un diagnostic de débrouillage, pouvant ensuite être affiné par les épidémies.
l’utilisation d’anticorps monoclonaux spécifiques en fonction des En pratique, le traitement des GEV est en règle générale ambu-
types d’adénovirus recherchés. La culture virale est longue et latoire. Une prise en charge hospitalière peut être indiquée en
fastidieuse, encore plus difficile pour les adénovirus à tropisme fonction du terrain du patient (âge, comorbidités, grossesse),
digestif. Les techniques de biologie moléculaire ont également de la présence de signes de gravité (déshydratation sévère) ou
leur place. de symptômes présageant l’impossibilité d’une prise orale des
L’avènement de tests de biologie moléculaire ciblant plu- solutés de réhydratation ou des traitements si indiqués (vomisse-
sieurs virus permet maintenant d’obtenir un screening rapide ments incoercibles, iléus), et enfin en cas de présentation clinique

EMC - Gastro-entérologie 3
9-001-B-79  Gastroentérite virale : diagnostic et traitement

évocatrice d’une autre cause de gastroentérite (douleur abdomi- laitiers, etc., sans qu’aucun n’ait fait preuve de son efficacité [44, 45] .
nale majeure, syndrome dysentérique exacerbé, durée prolongée Le bon sens fait finalement préconiser une alimentation adaptée
supérieure à 7 j, etc.) [34, 35] . à la tolérance digestive. Chez les enfants déshydratés, la réalimen-
tation précoce est de règle, parfois précédée d’une réhydratation
Réhydratation exclusive première durant quelques heures [13] .

Le maintien d’un état d’hydratation normal est l’objectif prin-


cipal de la prise en charge thérapeutique des GEV. La voie orale
Traitements symptomatiques
doit être privilégiée au maximum, ce d’autant que de nombreuses Le recours aux traitements symptomatiques, antidiarrhéiques
études n’ont pas montré la supériorité de la voie parentérale qui et/ou anti-émétiques, fait débat et n’est le plus souvent pas recom-
est de surcroît associée à un surrisque thrombotique estimé à mandé. En effet, leurs effets secondaires et leur coût en dissuadent
2,5 % [36] . Si la voie parentérale est rendue nécessaire pour le l’utilisation, d’autant plus que les GEV évoluent généralement sur
traitement d’une déshydratation sévère, un retentissement bio- une courte durée.
logique ou une intolérance aux traitements per os, les solutés Plusieurs traitements antidiarrhéiques, dont les mécanismes
de remplissage à pouvoir d’expansion faible de type cristalloïde d’action sont différents, sont disponibles sur le marché : lopéra-
(sérum salé isotonique et Ringer Lactate) sont des options effi- mide, racécadotril et diosmectite. Le lopéramide est un agoniste
caces [13, 35, 37] . La voie orale est la voie de choix, chez les enfants opioïde qui se lie au niveau des récepteurs périphériques,
comme chez les adultes. Cette réhydratation se déroule en deux notamment digestifs, et combine un effet antisécrétoire et anti-
phases : une première phase « d’attaque » qui vise à corriger les péristaltique. Il est contre-indiqué chez les enfants de moins de
pertes liquidiennes liées à la diarrhée et aux vomissements, puis 2 ans et est déconseillé chez les adultes de plus de 65 ans car
une seconde phase « d’entretien » qui vise à maintenir une nor- plus à risque de favoriser un iléus iatrogène. De façon générale,
movolémie par un équilibre entrées-sorties. Des algorithmes de le recours au lopéramide n’est pas recommandé dans le traite-
réhydratation sont proposés pour la prise en charge des GEV avec ment de la diarrhée liée aux GEV [13, 34, 37] . Le racécadotril est
quelques variations en fonction des différentes recommandations un inhibiteur d’enképhalinases produisant un effet antisécrétoire
des sociétés savantes. Un exemple de modalités de réhydratation digestif. Son efficacité a été démontrée dans une méta-analyse
et d’alimentation en fonction du degré de déshydratation chez publiée en 2011 qui évaluait l’efficacité des SRO et du racécado-
l’enfant atteint de GEV est présenté dans la Figure 2. L’hydratation tril versus SRO et placebo dans la gastroentérite [46] . La proportion
entérale à l’aide d’une sonde nasogastrique peut être envisagée de patients guéris était plus élevée dans les groupes racécadotril
en cas d’intolérance orale, avant la mise en place d’un proto- que dans le groupe placebo (hazard ratio [HR] = 2,04, inter-
cole parentéral, avec des débits usuels de 30 à 50 ml/kg en 3 à valle de confiance [IC] à 95 % [1,85–2,32], p < 0,001). Chez les
6 heures ou sur 24 heures, mais nécessite une parfaite coopéra- patients hospitalisés, le rapport de la production moyenne de
tion des équipes soignantes [14] . Des solutés de réhydratation orale selles par le racécadotril versus placebo était de 0,59 (p < 0,001).
(SRO) sont disponibles sous formes commerciales prêtes à l’emploi Pour les malades ambulatoires, le rapport du nombre moyen de
et sont intégrés dans la liste des médicaments essentiels éditée par selles diarrhéiques par le racécadotril versus placebo était de 0,63
l’OMS. L’utilisation de SRO hypo-osmolaires (200 à 310 mOsm/l) (p < 0,001). Le racécadotril peut donc être envisagé dans le cadre
semble plus adaptée que celle des SRO standards lorsque les gas- de la prise en charge des GEV, d’autant plus qu’il n’engendre
troentérites surviennent dans des pays industrialisés. Ces SRO pas ou peu d’effets secondaires [14, 47] . La diosmectite est un
hypo-osmolaires permettent une diminution des vomissements silicilate d’aluminium et de magnésium qui agit comme une bar-
et du volume de la diarrhée, avec une diminution significative du rière de protection (pansement) pour la muqueuse digestive. Un
recours à la voie intraveineuse [38] . En France, la Haute Autorité de essai contrôlé randomisé multicentrique a confirmé son effica-
santé (HAS) a publié un rapport sur les SRO en 2002, établi à partir cité chez les adultes et une bonne tolérance [48] . En intention
des recommandations de la Société européenne de gastroentérolo- de traiter, le délai médian de récupération était de 53,8 heures
gie et de nutrition pédiatrique (ESPGHAN), de l’OMS et des Fonds [3,7–167,3] avec la diosmectite (n = 166) contre 69,0 heures
des nations unies pour l’enfance (Unicef), fixant la composition (2,2–165,2) sous placebo (n = 163 ; p = 0,029). L’efficacité était
des SRO avec des seuils précis de sodium, potassium et d’agents également affirmée chez les enfants [49] . Les données de plu-
alcalinisants, pour une osmolarité cible entre 200 et 270 mOsm/l sieurs études poolées dans ce travail montraient une production
(Tableau 2) [39] . À défaut de disposer de solutés prêts à l’emploi, des moyenne de selles chez les enfants de 94,5 ± 74,4 g/kg de poids
solutés de réhydratation « maison » peuvent être fabriqués chez corporel dans le groupe diosmectite versus 104,1 ± 94,2 g/kg dans
soi de façon simple avec des recettes simples qui peuvent différer le groupe placebo (p = 0,002), avec une évolution écourtée de la
suivant le statut économique du pays et sous réserve d’un risque diarrhée.
d’erreur lors de la recomposition du soluté. Par exemple, dans les Les traitements anti-émétiques sont contestés car coûteux et
pays industrialisés, le soluté peut être reconstitué en mélangeant pourvoyeurs de nombreux effets secondaires alors que les vomis-
1 l d’eau avec une demi-cuillère à café de bicarbonate de sodium, sements des GEV sont le plus souvent transitoires et brefs.
une demi-cuillère à café de sel et quatre cuillères à café de sucre, Toutefois, les vomissements incoercibles peuvent conduire à une
et dans les pays en voie de développement, en mélangeant six hospitalisation et faire préférer temporairement une réhydrata-
cuillères à café de sucre et une demi-cuillère à café de sel dans tion parentérale. L’efficacité des anti-émétiques les plus anciens
750 ml d’eau [40, 41] . comme la dompéridone et le métoclopramide (dérivés de neu-
Si la prise des SRO n’est pas possible, plusieurs études ont mon- roleptiques) ou même la dexaméthasone (corticoïde) n’a pas été
tré chez les enfants que la prise d’une autre boisson, pourvu qu’elle établie [14, 50] alors que l’administration précoce d’ondansétron
ne soit pas trop sucrée, comme le jus de pomme dilué associé semble prometteuse. L’ondansétron appartient à la famille des
aux « boissons préférées », diminue le taux d’échec du traite- antagonistes sélectifs de récepteurs 5HT3 de la sérotonine qui
ment per os dans les pays industrialisés et ne modifie pas le taux inhibent le réflexe émétique au niveau central et périphérique.
d’hospitalisation secondaire [42] . Les boissons sucrées doivent en Plusieurs études ont démontré une amélioration significative
revanche être évitées car hyperosmolaires et risquant d’aggraver la et rapide des vomissements, un moindre taux d’hospitalisation
diarrhée osmotique, comme par exemple le Coca-Cola® pourtant secondaire et de recours à des traitements par voie parentérale, et
fermement ancré dans les pratiques populaires en cas de gas- peu d’effets secondaires au premier rang desquels se situent des
troentérite. Chez l’adulte, boissons sportives et bouillons peuvent céphalées, des bouffées de chaleur et une constipation [14, 50–53] .
suffire en cas de déshydratation légère, mais les SRO semblent plus Son coût est néanmoins conséquent et doit être mis en balance
efficaces en cas de déshydratation plus importante [43] . avec le service médical rendu. Ainsi, une étude coût/efficacité
menée aux États-Unis et au Canada a montré que l’administration
d’ondansétron aux urgences pourrait faire économiser plus de
Mesures diététiques 60 millions de dollars américains par an en évitant plus de
De nombreux régimes sont conseillés en cas de GEV, de type 7000 hospitalisations et presque 30 000 poses de voies veineuses
banana, rice, apple sauce, toast (BRAT), sans résidus, sans produits pour hydratation parentérale [48] . L’ondansétron, indiqué pour les

4 EMC - Gastro-entérologie
Gastroentérite virale : diagnostic et traitement  9-001-B-79

Figure 2. Arbre décisionnel. Modalités de réhydratation et d’alimentation en fonction du degré de déshydratation chez l’enfant atteint de gastroentérite
virale (d’après [21] ).

Tableau 2.
Recommandations pour la composition des solutés de réhydratation orale selon la Haute Autorité de santé (HAS) en 2002 (modifié d’après [39] ).
Sodium Na 50–60 mmol/l Soit 2,6 g de sel (NaCl)/l
Potassium K 20–25 mmol/l Soit 1,5 g de chlorure de potassium (KCl)/l
Présence d’un seul agent alcalinisant
Citrates C6 H5 O7 8–12 mmol/l Soit 2,9 g de citrate de sodium déshydraté (C6 H5 Na 3 O7 2 H2 O)/l
Bicarbonates HCO3 24–36 mmol/l Soit 3 g de bicarbonate de sodium (NaHCO3 )/l
Glucides Soit 13,5 g de glucose anhydre (C6 H12 O6 )/l
Osmolarité 200–270 mOsm/l

nausées et vomissements induits par les traitements cytotoxiques enfants de moins de 6 mois. Cette supplémentation est associée à
et en postopératoire, n’a cependant pas d’autorisation de mise sur une diminution de la durée de la diarrhée et à une moindre sévé-
le marché (AMM) dans cette indication en France. rité, principalement chez les enfants de plus de 6 mois [54, 55] . Dans
les pays industrialisés, la carence en zinc étant moins fréquente, le
bénéfice d’une supplémentation systématique dans les gastroen-
Autres traitements térites n’est pas établi [56] . La supplémentation en zinc n’a pas été
L’intérêt d’une supplémentation en zinc a été essentiellement étudiée chez l’adulte et ne fait pas partie des recommandations
abordé dans la population pédiatrique. Le déficit en zinc est fré- actuelles dans la prise en charge des GEV.
quent dans les pays en voie de développement et est aggravé par la Les probiotiques suscitent beaucoup d’intérêt mais leur méca-
diarrhée qui augmente les pertes digestives de cet oligoélément. Sa nisme d’action est encore relativement mal connu. Ils pourraient
carence est responsable de symptômes parfois plus sévères et pro- avoir une action de modulation sur la réponse immune de
longés. Les recommandations de l’OMS et de l’Unicef préconisent l’hôte ou interagir directement avec les micro-organismes patho-
une supplémentation en zinc à la dose de 20 mg par jour pendant gènes [57] . Les probiotiques ont fait l’objet de nombreux essais
10 à 14 jours en cas de diarrhée aiguë ou 10 mg par jour pour les cliniques depuis plusieurs années, sans montrer d’efficacité versus

EMC - Gastro-entérologie 5
9-001-B-79  Gastroentérite virale : diagnostic et traitement

placebo. Récemment, un essai prospectif randomisé a comparé le nombre de gastroentérites asymptomatiques avec une excrétion
Lactobacillus rhamnosus GG au placebo chez des enfants âgés de de virus non détectée dont il est difficile de reconnaître la pathogé-
3 mois à 4 ans ayant consulté aux urgences pour une gastroen- nicité et surtout le potentiel infectant, et sur lequel aucune action
térite. Après cinq jours de traitement, aucune différence n’a été de prévention n’est possible. En cas de GEV chez les enfants en
observée entre les deux groupes en termes de sévérité, de durée ou bas âge non encore continents, il est recommandé aux parents
d’intensité des symptômes, d’absentéisme et de contage [58] . Un de se laver les mains au savon après chaque changement de
second essai multicentrique a comparé l’utilisation du L. rham- couche ou en cas de contact avec des vomissures, et de ne pas
nosus associé au Lactobacillus helveticus versus placebo chez changer les couches sur les surfaces servant également à la cui-
827 enfants au Canada, avec les mêmes résultats [59] . Certaines sine [70, 73] . L’enfant peut retourner en collectivité après un délai
études montrent en revanche une efficacité statistiquement signi- de 48 heures à partir de la dernière selle liquide ou du dernier
ficative avec une réduction des symptômes après un jour [60] . Les vomissement [74, 75] . De façon pragmatique, les activités en pis-
rares effets secondaires conduisent à une prescription fréquente de cine sont à éviter en cas de diarrhée et les recommandations
probiotiques malgré la littérature et des recommandations parfois de l’Académie américaine de pédiatrie ou du consensus Natio-
discordantes. L’efficacité des probiotiques est souche- et dose- nal Institute for Health and Care Excellence (NICE) s’accordent
dépendante, avec des études mettant en exergue l’efficacité de à dire qu’une éviction de bains en piscine pendant 1 à 2 semaines
L. rhamnosus et de Saccharomyces boulardii, principalement pour après l’épisode digestif est souhaitable, surtout pour les enfants
les GEV à rotavirus [14, 61, 62] . Si les probiotiques peuvent être uti- incomplètement continents [76, 77] . En cas de prise en charge de
lisés sans être formellement indiqués dans les pays développés, GEV en milieu hospitalier, il est possible de regrouper dans une
leur utilisation n’est cependant pas recommandée dans les pays même chambre les patients présentant des symptômes similaires
en voie de développement. ou, en cas d’identification, une infection au même virus patho-
Le sous-salicylate de bismuth est un dérivé de l’acide salicylique gène [78] . Un rapport du groupe de travail sur la GEV des services
qui possède une action anti-inflammatoire et antimicrobienne de laboratoire de santé publique en Angleterre a émis les recom-
potentielle. Son utilisation très ancienne depuis les années 1900 mandations suivantes pour les épidémies nosocomiales : limiter
a été essentiellement évaluée dans les pays en voie de développe- au maximum les effectifs soignants, précautions entériques avec
ment où ses bienfaits ont été confirmés. Cependant, le manque de port de gants non stériles et d’un tablier, lavage des mains à
données récentes et notamment le manque d’information quant l’eau et au savon après chaque retrait de gants, exclusion de
à la potentielle survenue d’un syndrome de Reye conduisent à tout personnel symptomatique jusqu’à 48 heures après la dispa-
ne pas recommander son utilisation en pratique. Par ailleurs, plu- rition des signes cliniques, fermeture du service (pas de nouvelles
sieurs effets secondaires sont à signaler dont la coloration noire de admissions) jusqu’à 72 heures après le dernier cas et les derniers
la langue et des hémorragies digestives. Ainsi, l’utilisation du sous- symptômes, éviter les transferts de patients, limiter les visites et
salicylate de bismuth n’est pas recommandée dans le traitement insister sur les mesures d’isolement auprès des visiteurs, nettoyer
symptomatique des GEV [63] . rapidement les vomissures, nettoyage rapproché du service et des
Le nitazoxanide est un acétate de N-salicylamide dérivé des surfaces à risque (toilettes, salle de bain) et nettoyage complet à
nitro-imidazolés et partage avec eux de nombreuses caractéris- l’eau et au savon des chambres avant réouverture [79] .
tiques. Il possède un spectre antibactérien large, notamment anti-
anaérobie, mais également antiparasitaire contre les helminthes
et les protozoaires [64] . Plus récemment, son spectre d’action a Vaccination
été élargi à de très nombreux virus, y compris les rotavirus [65] .
Les vaccinations contre les virus responsables de GEV concer-
Plusieurs essais cliniques randomisés ont montré une diminu-
nent principalement le rotavirus et le norovirus.
tion significative de la durée des symptômes après trois jours de
traitement par nitazoxanide, avec une bonne tolérance [66–68] . Ce
traitement n’est cependant disponible en France pour les GEV que
Rotavirus
dans le cadre d’une autorisation temporaire d’utilisation (ATU) Les dernières recommandations de l’OMS stipulent que les
nominative uniquement pour les infections à norovirus. vaccins antirotavirus devraient être intégrés dans tous les pro-
grammes nationaux de vaccination et considérés prioritaires, en
particulier dans les pays ayant des taux de mortalité par gastroen-
 Prévention térite à rotavirus élevés. Cette vaccination antirotavirus devrait
s’intégrer dans une stratégie globale de lutte contre les affections
Mesures d’hygiène diarrhéiques [80] .
Deux vaccins sont actuellement disponibles en France et dans
Le mode de transmission orofécale des virus conditionne le monde : le Rotarix® qui est un vaccin monovalent humain et le
les mesures de prévention qui reposent essentiellement sur de RotaTeq® qui est un vaccin pentavalent réassorti bovin-humain.
simples mesures d’hygiène. Ces mesures sont d’autant plus impor- Ces vaccins sont administrés par voie orale selon un schéma à
tantes que les virus en cause dans les GEV sont le plus souvent deux doses pour le Rotarix® et trois doses pour le RotaTeq® : pre-
non enveloppés et très résistants dans les milieux extérieurs. Les mière dose à 6 semaines de vie mais possible jusqu’à 12 semaines,
mains constituent le vecteur le plus important de la transmission deuxième dose quatre semaines après la première et troisième
interhumaine, même si le lien de causalité est en réalité relative- dose pour le RotaTeq® , quatre semaines plus tard. Les données
ment difficile à prouver dans des essais expérimentaux. La mise sur l’efficacité de cette vaccination ne manquent pas, estimée à
en défaut des techniques d’identification virales et l’impossibilité 70 % dans la prévention de la survenue d’un épisode infectieux
d’exclure d’autres vecteurs de transmission constituent en effet lors de la première année de vaccination et 80 % pour les infec-
des facteurs limitants. De la même façon, la contamination de sur- tions sévères et les hospitalisations [81] . Cette efficacité pourrait
faces ayant été en contact avec des mains souillées peut elle-même persister 2 à 3 ans après la vaccination d’après les données d’une
être à l’origine de transmissions secondaires indirectes [69] . Plu- étude finlandaise [82] . Malgré tout, la vaccination antirotavirus
sieurs études ont montré que des mesures simples comme le lavage soulève plusieurs interrogations. En 2010, des séquences d’acide
des mains à l’eau et au savon permettaient de réduire le risque de désoxyribonucléique de circovirus porcins ont été mises en évi-
survenue d’une diarrhée aiguë de 42 à 44 % en moyenne [70, 71] . dence dans les vaccins antirotavirus, cependant, le circovirus ne
L’OMS a publié des recommandations précises sur l’hygiène des semble pas être pathogène pour l’homme. Le Comité consultatif
mains en centre de soins, préconisant un lavage des mains à l’eau mondial de la sécurité vaccinale a finalement conclu à l’innocuité
et au savon en présence de mains visiblement souillées ou de du vaccin antirotavirus avec un rapport bénéfice-risque en faveur
solutions hydroalcooliques, solutions cependant moins efficaces de la vaccination [83] . D’autre part, plusieurs études ont montré
contre les norovirus [72] . La désinfection des surfaces potentiel- un surrisque d’invagination intestinale aiguë (IIA) postvaccinale,
lement contaminées doit également être régulièrement réalisée, majoré au cours de la première semaine après la vaccination
notamment en collectivité où le risque de transmission secondaire avec un risque ratio entre 5,4 et 5,5 selon le vaccin. Le risque
est majoré. Malgré toutes les précautions, il existe un très grand d’IIA diminue après la seconde administration [84] . Ce risque d’IIA

6 EMC - Gastro-entérologie
Gastroentérite virale : diagnostic et traitement  9-001-B-79

avait déjà motivé le retrait du marché d’une première généra- impossible, il faut avoir recours à la synthèse de petites particules
tion de vaccin, le RotaShield® , et avait été pris en compte dans appelées virus-like-particles (VLP). Par ailleurs, la très grande varia-
le design des essais cliniques conduits pour les vaccins Rotarix® bilité génétique des calicivirus est un frein au développement d’un
et RotaTeq® . Cependant, aucun surrisque d’IIA n’avait été mis vaccin car les séquences conservées sont rares entre les différents
en évidence dans les essais de phase III menés dans le monde génotypes. Cependant, le génotype II.4 est le plus souvent incri-
et qui ont inclus des effectifs importants. Les cas d’IIA ont été miné dans les GEV à norovirus (70 % environ). Plusieurs vaccins
signalés après la mise sur le marché, avec un surrisque estimé sont à l’étude : un vaccin bivalent pour les génotypes I et II par voie
à 1–6 cas pour 100 000 enfants [85, 86] . Le vaccin antirotavirus injectable et un vaccin monovalent pour le génotype I par voie
est contre-indiqué en cas d’antécédent de réaction allergique lors orale [89] . Un essai de phase I a montré des résultats encourageants
d’une précédente administration et en cas de déficit immunitaire après vaccination par des VLP bivalentes [90] .
sévère. Des précautions d’emploi sont émises en cas d’antécédent
d’IIA ou de malformation intestinale, en cas d’affection gastro-
intestinale chronique ou de maladie aiguë sévère. La vaccination
doit être différée en cas de gastroentérite en cours ou en cas
 Conclusion
d’hyperthermie [80] . Les GEV sont un problème de santé publique à l’échelle
Les recommandations concernant la vaccination antirotavi- mondiale qui justifie la mise en place de stratégies de lutte essen-
rus sont établies en fonction du contexte épidémio-économique. tiellement ciblées sur les pays en voie de développement où son
Dans les pays industrialisés, où l’accès aux soins est aisé, le impact médico-socio-économique est nettement plus lourd. Le
rotavirus sévit par épidémies hivernales. Les pays en voie de diagnostic est clinique en période épidémique mais des moyens
développement, confrontés à un fond d’endémie permanente sur diagnostiques existent, principalement à visée épidémiologique.
lequel se greffent des épisodes épidémiques, concentrent 90 % Le traitement est symptomatique, basé en premier lieu sur la réhy-
des décès dus au rotavirus et connaissent des accès aux soins plus dratation au moyen des SRO. La prévention repose sur des mesures
contraints. D’après une méta-analyse publiée en 2012, l’efficacité d’hygiène simples et sur des stratégies de vaccination lorsque
®
des vaccins Rotarix et RotaTeq® serait meilleure dans les pays à celles-ci sont disponibles et validées par les politiques de santé
plus faible taux de mortalité que dans les pays à fort taux de léta- nationales.
lité, incluant les pays en voie de développement [81] . Cependant,
cette moindre efficacité relative n’est pas synonyme de moins
bonne rentabilité puisque l’incidence et la sévérité des rotaviroses Déclaration de liens d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens
y sont plus fréquentes [87] . d’intérêts en relation avec cet article.
En France, le poids médicoéconomique des épidémies de GEV à
rotavirus est moindre que dans les pays en voie de développement.
La recommandation d’une vaccination antirotavirus de 2013 à
2015 n’a pas ensuite été reconduite après avis du Haut Conseil  Références
pour la santé publique qui estimait le service médical rendu insuf-
fisant et le risque d’IIA trop important, d’autant que certaines IIA [1] Pariente A. Diarrhée aiguë. EMC - Traité de Médecine AKOS
2018;13(1):1–4 [Article 1-0380].
ont évolué défavorablement et parfois conduit à des décès [88] .
[2] Organisation mondiale de la santé (OMS). Santé de la mère, du
nouveau-né, de l’enfant et de l’adolescent. Mettre fin aux décès évi-
Norovirus tables d’enfants par pneumonie et diarrhée d’ici 2025. Accessible
La mise au point d’un vaccin antinorovirus est plus compliquée à www.who.int/maternal child adolescent/documents/global action
que pour le rotavirus. En effet, la culture virale des calicivirus étant plan pneumonia diarrhoea/fr/.
[3] Van Cauteren D, De Valk H, Vaux S, Le Strat Y, Vaillant V. Burden
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• Le diagnostic des GEV est avant tout clinique en période [5] Kaplan JE, Feldman R, Campbell DS, Lookabaugh C, Gary GW. The
frequency of a Norwalk-like pattern of illness in outbreaks of acute
épidémique. gastroenteritis. Am J Public Health 1982;72:1329–32.
• Le recours au diagnostic microbiologique (détection [6] de Rougemont A, Belliot G. Norovirus. EMC - Biologie médicale
antigénique, biologie moléculaire, microscopie électro- 2017;12(2):1–12 [Article 90-55-0068-A].
nique) est en pratique utilisé à visée épidémiologique. [7] Bresee JS, Marcus R, Venezia RA, Keene WE, Morse D, Thanassi
• La recherche d’une déshydratation conditionne les M, et al. The etiology of severe acute gastroenteritis among adults
modalités de la prise en charge thérapeutique. visiting emergency departments in the United States. J Infect Dis
• La réhydratation par voie orale est la pierre angulaire 2012;205:1374–81.
[8] Division of viral diseases, National center for immunization and res-
du traitement symptomatique, la voie intraveineuse étant piratory diseases, Centers for disease control and prevention. Updated
réservée aux échecs de la réhydratation orale et aux situa- norovirus outbreak management and disease prevention guidelines.
tions clinicobiologiques graves. Morb Mortal Wkly Rep Recomm Rep 2011;60:1–18.
• Parmi les traitements antidiarrhéiques, cependant non [9] Ministère des Solidarités et de la Santé. L’état de santé de la population
indispensables, le racécadotril et la diosmectite sont les en France. Rapport 2011. Mise à jour 01.02.12. Accessible à https://
plus éprouvés. drees.solidarites-sante.gouv.fr/etudes-et-statistiques/publications/
• Parmi les anti-émétiques, l’ondansétron est celui dont le recueils-ouvrages-et-rapports/recueils-annuels/l-etat-de-sante-de-la-
population/article/l-etat-de-sante-de-la-population-en-france-rapport-
bénéfice-risque est le plus probant. 2011.
• L’utilisation des probiotiques, sans être déconseillée, [10] Goldman RD, Friedman JN, Parkin PC. Validation of the clinical
n’est en pratique pas recommandée. dehydration scale for children with acute gastroenteritis. Pediatrics
• Les mesures d’hygiène simples au premier rang des- 2008;122:545–9.
quelles se placent le lavage des mains à l’eau et au savon et [11] Schnadower D, Tarr PI, Gorelick MH, O’Connell K, Roskind CG,
l’isolement entérique, sont les plus efficaces pour prévenir Powell EC, et al. Validation of the modified Vesikari score in chil-
dren with gastroenteritis in 5 U.S. Emergency Departments. J Pediatr
la dissémination des GEV. Gastroenterol Nutr 2013;57:514–9.
• Les indications de la vaccination répondent à des poli- [12] Pruvost I, Dubos F, Chazard E, Hue V, Duhamel A, Martinot A. The
tiques vaccinales nationales. value of body weight measurement to assess dehydration in children.
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à www.nice.org.uk/guidance/cg84. controlled double-blind clinical trial. J Infect Dis 2018;217:597–607.

L. Gan, Interne des hôpitaux des Armées.


C. Matray, Chef de clinique des hôpitaux des Armées.
M. Desjardin, Praticien certifié des hôpitaux des Armées.
C. Bayama, Interne des hôpitaux des Armées.
P. Rey, Professeur agrégé du Val de Grâce, chef du service de pathologie digestive (phirey2@gmail.com).
Service de pathologie digestive, Hôpital d’instruction des Armées Sainte Anne, BCRM Toulon, BP 600, 83800 Toulon cedex 9, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Gan L, Matray C, Desjardin M, Bayama C, Rey P. Gastroentérite virale : diagnostic et traitement.
EMC - Gastro-entérologie 2020;37(1):1-9 [Article 9-001-B-79].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

EMC - Gastro-entérologie 9
 9-060-A-10

Tuberculose abdominale
I. Diallo, T. Omar Soko, A. Rajack Ndiaye, F. Klotz

Résumé : La tuberculose est une maladie microbienne, contagieuse, due au complexe Mycobacterium
tuberculosis. L’atteinte abdominale, qui est au troisième rang des tuberculoses extrapulmonaires après
les localisations ganglionnaire et pleurale, est polymorphe. Elle peut toucher le péritoine, le tube digestif,
les ganglions et les organes pleins abdominaux. Elle s’observe à tous les âges mais prédomine entre
15 et 40 ans. Les facteurs favorisants sont le VIH (virus de l’immunodéficience humaine), le diabète, la
transplantation d’organe, l’immunodépression d’origine iatrogène, l’alcoolisme, la toxicomanie, la pau-
vreté. La transmission se fait par voie hématogène, exogène, endogène, lymphatique ou par contiguïté.
La tuberculose intestinale comprend quatre formes : ulcéreuse, hypertrophique, ulcérohypertrophique et
fibreuse, avec des manifestations variables en fonction de la localisation. La tuberculose péritonéale est
souvent à type d’ascite fébrile avec altération de l’état général. La tuberculose hépatique est plutôt de
découverte anatomopathologique, l’atteinte splénique se manifeste par une pancytopénie tandis que
la localisation pancréatique simule une tumeur de la glande. Le diagnostic repose classiquement sur la
mise en évidence de M. tuberculosis ou d’un granulome épithélio-giganto-cellulaire avec une nécrose
caséeuse sur les prélèvements ou sur l’isolement du germe à la culture. Le dosage de l’adénosine désa-
minase dans le liquide d’ascite et les nouvelles technologies de biologie moléculaire peuvent faciliter le
diagnostic. Le traitement est médical, codifié, associatif et conservateur. Il dure six mois et repose sur
une quadrithérapie pendant deux mois (rifampicine, isoniazide, pyrazinamide, éthambutol), suivie d’une
bithérapie pendant quatre mois (rifampicine, isoniazide). Des germes multirésistants ou ultrarésistants
sont de plus en plus rapportés, d’où l’importance d’une bonne observance thérapeutique. Le traitement
endoscopique ou chirurgical est réservé aux complications et aux séquelles.
© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Tuberculose ; Péritoine ; Tube digestif ; Foie ; Pancréas ; Rate

Plan ■ Tuberculose des organes pleins abdominaux 7


Tuberculose hépatique 7
■ Introduction 1 Tuberculose splénique 8
Tuberculose pancréatique 8
■ Épidémiologie 2
■ Diagnostic 8
■ Physiopathologie 2 Biologie non spécifique 8
■ Anatomie pathologique 2 Histologie 9
■ Tuberculose péritonéale 3 Culture 9
Manifestations cliniques 3 Apport des nouveaux tests diagnostiques dans la tuberculose
Imagerie de la tuberculose péritonéale 3 abdominale 9
Étude du liquide d’ascite 4 ■ Traitement 9
Dosage de l’adénosine désaminase dans le liquide d’ascite 4 Principes de base et règles générales du traitement médical 9
Place de la biopsie péritonéale percutanée 4 Traitement chirurgical et endoscopique 10
Place de la laparoscopie 4 Évolution et surveillance 10
Diagnostic différentiel de la tuberculose péritonéale 5 Prévention 10
■ Tuberculose du tube digestif 5 ■ Conclusion 10
Œsophage 5
Estomac 5
Duodénum 6
Intestin grêle 6  Introduction
Localisation iléocæcale 6
Tuberculose colorectale 6 La tuberculose se définit comme une maladie microbienne,
Diagnostic de la tuberculose du tractus digestif 7 contagieuse, due à une infection par Mycobacterium tuberculosis,

EMC - Gastro-entérologie 1
Volume 37 > n◦ 1 > janvier 2020
http://dx.doi.org/10.1016/S1155-1968(19)92375-3
9-060-A-10  Tuberculose abdominale

également appelé bacille de Koch. Décrite depuis plusieurs siècles, Rathi et al. en Inde, la séroprévalence du VIH était significati-
elle demeure un véritable problème de santé publique, même si vement plus élevée chez les patients présentant une tuberculose
l’Organisation mondiale de la santé (OMS) rapporte une baisse de abdominale que chez ceux ayant une localisation pulmonaire uni-
la mortalité liée à cette maladie [1] . La localisation pulmonaire est quement (16,6 % versus 6,9 %) [10] . Cependant, il existe des séries
la plus fréquente (environ 70 % des cas), mais la tuberculose peut de tuberculose abdominale rapportant des taux très faibles, voire
intéresser tous les organes. La première description d’une pro- nuls, de séropositivité au VIH. Dans une série de 233 patients
bable localisation intestinale de la tuberculose a été faite en 1643, atteints de tuberculose abdominale au Pakistan, aucun cas de VIH
lorsque l’autopsie de Louis XIII trouvait une lésion ulcérée intes- n’a été noté [11] et, au Sénégal, seul un patient sur 61 était séro-
tinale associée à une large caverne au niveau pulmonaire [2] . La positif [12] . La consommation d’alcool est également un facteur
tuberculose abdominale peut être associée à une tuberculose pul- favorisant. L’incidence de la tuberculose en cas de transplanta-
monaire ou survenir seule en dehors de ce contexte. Elle comporte tion d’organe, du fait des agents immonosuppresseurs utilisés, est
plusieurs entités : l’atteinte péritonéale, celle du tractus gastro- de 0,35 à 2,3 % [6] . La dialyse péritonéale favoriserait également la
intestinal, l’atteinte des viscères pleins (foie, pancréas et rate) et la survenue d’une tuberculose abdominale, notamment péritonéale.
localisation ganglionnaire. Elle est caractérisée par une diversité Dans une série de 790 patients dialysés, 14 patients ont développé
clinique et paraclinique, pouvant simuler de nombreuses affec- une tuberculose péritonéale [13] .
tions, et seul un degré de suspicion élevé en fonction du contexte Au cours de la tuberculose abdominale, la localisation périto-
peut guider vers le diagnostic. Sont traitées ici uniquement les néale est la plus fréquente, touchant environ 58 % des patients,
trois premières entités. et la tuberculose intestinale environ 40 % des cas [14] .

 Épidémiologie  Physiopathologie
La tuberculose est une maladie contagieuse, endémoépidé-
La tuberculose constitue une véritable pandémie. Selon l’OMS,
mique à transmission essentiellement interhumaine due au
10,4 millions de cas de tuberculose ont été rapportés en 2016, avec
complexe M. tuberculosis, incluant Mycobacterium tuberculosis
0,4 million de co-infections VIH (virus de l’immunodéficience
hominis, Mycobacterium bovis, Mycobacterium africanum et Myco-
humaine)/tuberculose, et 1,7 million de décès, dont plus de 95 %
bacterium avium. Au cours de la tuberculose abdominale,
dans les pays à revenus faibles ou intermédiaires [1] . Cependant,
l’insémination peut se faire par plusieurs voies :
l’incidence a globalement diminué depuis 2000, d’environ 1,5 %
• la voie hématogène : c’est le mode de contamination le plus
par an, enregistrant une baisse de 18 % entre 2000 et 2016 [3] .
fréquent à partir de n’importe quel foyer primitif. Elle est à
Ainsi, le taux d’incidence mondiale de la tuberculose décroît len-
l’origine des localisations dans les différents organes abdomi-
tement avec 133 cas pour 100 000 personnes en 2017, après avoir
naux et le péritoine ;
atteint un record de 142 pour 100 000 en 2004 [4] . En revanche,
• la voie endogène : elle est secondaire à la déglutition de cra-
la tuberculose multirésistante demeure un problème de santé
chats bacillifères provenant des voies aériennes supérieures,
publique et une menace pour la sécurité sanitaire. L’OMS estime
chez un patient ayant une tuberculose pulmonaire active. La
à 600 000 le nombre de nouveaux cas présentant une résistance
couche muqueuse est ainsi directement infectée avec la for-
à la rifampicine, dont 490 000 sont des cas de tuberculose mul-
mation de tubercules épithéloïdes dans le tissu lymphoïde de
tirésistante, soit une incidence de 7,4 pour 100 000 habitants [1] .
la sous-muqueuse. Une ulcération de la muqueuse sus-jascente
Mettre un terme à l’épidémie de tuberculose d’ici à 2030 fait partie
apparaît au bout de deux à quatre semaines, du fait de la nécrose
des cibles de santé indiquées dans les objectifs de développement
caséeuse. Elle peut ensuite pénétrer dans les couches plus pro-
durable adoptés en 2015.
fondes, atteindre les ganglions lymphatiques adjacents et le
La tuberculose abdominale est le plus souvent associée à une
péritoine [15] . Rarement, ces bacilles peuvent pénétrer dans la
localisation pulmonaire et sa fréquence est liée à la sévérité de
circulation porte ou dans l’artère hépatique et contaminer les
celle-ci, allant de 1 à 25 % selon que l’atteinte est minime, modérée
organes solides comme le foie, le pancréas et la rate ;
ou sévère. L’autopsie des patients atteints de tuberculose pulmo-
• la voie exogène : elle est caractérisée par une contamination
naire trouvait 55 à 90 % de localisation intestinale avant l’ère
par absorption directe de produits laitiers infectés par M. bovis.
des antituberculeux [2] . Actuellement, la prévalence de la tubercu-
Elle est devenue rare du fait de l’amélioration des conditions
lose abdominale est variable en fonction des zones géographiques
d’hygiène ;
et des conditions socioéconomiques. En effet, dans une série de
• la voie lymphatique : elle entraîne une atteinte abdominale par
2219 tuberculoses extrapulmonaires en Inde, la localisation abdo-
voie rétrograde à partir des ganglions mésentériques. La rup-
minale venait en troisième position avec 11 % des cas, derrière les
ture d’une adénopathie est également source de tuberculose
formes ganglionnaire et pleurale [5] , alors qu’elle n’était que de
péritonéale ;
1,6 % dans une série japonaise et de 4,2 % au Canada [6] .
• la contamination par contiguïté : elle assure une propagation
La tuberculose abdominale peut être observée à tous les âges
directe vers le péritoine à partir de foyers adjacents infectés, tels
de la vie. Cependant elle est plus fréquente chez le sujet adulte
que les trompes de Fallope ou les annexes, ou à partir d’un abcès
jeune entre 15 et 40 ans. Dans une série de 256 cas de tubercu-
du psoas secondaire à une spondylodiscite tuberculeuse [15] ;
lose abdominale en Tanzanie, 53,5 % des patients avaient moins
• à partir de la bile : à partir des granulomes tuberculeux du foie,
de 30 ans [7] . La prévalence selon le sexe est identique chez les
les germes peuvent passer au niveau du tube digestif et entraîner
hommes et les femmes [3] , mais des études au Népal et en France
une tuberculose intestinale.
rapportent une discrète prédominance féminine au cours de la
Au cours de la tuberculose gastro-intestinale, la région iléocæ-
tuberculose extrapulmonaire [8, 9] , et dans les séries indiennes et
cale est la plus fréquemment atteinte avec 64 % des cas, du fait
tanzanienne les hommes étaient prédominants [2, 3, 7] .
d’une stase à ce niveau, de l’augmentation de l’absorption des élec-
Les facteurs favorisant la survenue d’une tuberculose abdo-
trolytes, d’un ralentissement de l’activité de la digestion et d’une
minale sont le VIH, le diabète, la transplantation d’organe,
abondance en tissu lymphoïde [2] .
l’immunodépression d’origine iatrogène, l’alcoolisme, la toxico-
manie et la pauvreté. En effet, avec l’avènement du VIH/sida
(syndrome d’immunodéficience acquise), on a constaté une résur-
gence de la tuberculose. La tuberculose constitue une cause  Anatomie pathologique
importante de décès chez les patients vivant avec le VIH (PVVIH),
atteignant un tiers des décès en Afrique et dans le Sud-Est asia- La présentation sur le plan anatomopathologique diffère selon
tique. Le risque de développer une tuberculose lorsqu’on est la localisation. Ainsi, au cours de la tuberculose gastro-intestinale,
porteur du VIH est multiplié par 30, ce qui augmente le risque quatre formes macroscopiques sont décrites [2, 16] :
de développer une tuberculose abdominale [6] . Cette localisation • la forme ulcéreuse : il s’agit de pertes de substances uniques ou
est plus fréquente et plus sévère chez les PVVIH. Dans l’étude de multiples, peu profondes, atteignant rarement la musculeuse,

2 EMC - Gastro-entérologie
Tuberculose abdominale  9-060-A-10

séparées par des zones de muqueuse saine, à contours irréguliers


et à bords décollés, et dont le fond présente un aspect purulent
avec des grumeaux caséeux. Ces ulcérations correspondent à
des lésions assez récentes et évolutives. Ces ulcères ont parfois
un aspect annulaire typique de la tuberculose. Une sténose des
artérioles est également observée, contribuant à une ischémie
intervenant dans la survenue de l’ulcère ;
• la forme hypertrophique : elle traduit une inflammation chro- *
nique réalisant un aspect pseudotumoral. Elle est le plus
souvent observée au niveau de la région cæcale et iléocæ-
cale, ou au niveau du tube digestif haut. Elle est secondaire à
*
l’hyperplasie scléreuse ou sclérolipomateuse ;
• la forme ulcérohypertrophique : elle associe les deux formes
*
décrites précédemment ;
• la forme sténosante : rencontrée surtout sur l’intestin grêle, les
sténoses sont en général annulaires et peu étendues. Elles sont
la conséquence de la sclérose réactionnelle tuberculeuse.
La tuberculose péritonéale peut se présenter sous trois formes : Figure 1. Épaississement trilamellaire du grand omentum à
une forme ascitique, une forme enkystée et une forme fibroadhé- l’échographie (astérisques) (cliché du Docteur A. Mbengue, Hôpital
sive [3] . Le péritoine est le siège de nodules blanc-jaunâtre. Il principal de Dakar).
est épaissi, et hyperhémié, perdant son aspect brillant. Le grand
omentum est également épaissi. Au niveau des organes pleins,
l’atteinte est micronodulaire, nodulaire ou abcédée.
avaient un abdomen distendu « blindé » sans ascite entrant dans
le cadre du type « sec », fibroadhésif [17] .
 Tuberculose péritonéale D’autres formes cliniques peuvent être révélatrices. C’est le
cas de la forme pseudochirurgicale qui peut simuler parfaite-
ment une péritonite aiguë, un syndrome appendiculaire, une
La tuberculose péritonéale est la forme abdominale la plus occlusion intestinale ou un tableau clinique de cholécystite. Les
fréquente. Elle représente 1 à 6,1 % des tuberculoses extrapul- formes dites pseudotumorales sont caractérisées par la présence
monaires [14] et environ 50 % des localisations abdominales. Il à l’examen physique de masses abdominales d’allure nodulaire
s’agit de la première étiologie des ascites dans les pays en voie souvent témoins de granulations péritonéales volumineuses ou
de développement. Dans l’étude dakaroise publiée par Fall [12] , d’agglutination des anses. Enfin, il existe les formes paucisympto-
la tuberculose péritonéale représentait 0,1 % des hospitalisations matiques ou asymptomatiques qui sont plus rares. Le diagnostic
dans les services médicaux et 2,4 % de l’ensemble des cas de de tuberculose péritonéale n’est pas toujours aisé car il existe des
tuberculose recensés dans la même période. Elle est plus rare signes cliniques souvent insidieux et trompeurs. Il doit donc être
en Europe où elle s’observe surtout chez les immunodéprimés évoqué devant toute ascite isolée, fébrile ou non.
et dans les communautés d’immigrés. Chez le cirrhotique, une
tuberculose doit être systématiquement recherchée devant une
ascite exsudative lymphocytaire. La tuberculose péritonéale est Imagerie de la tuberculose péritonéale
souvent secondaire à une rupture d’un ganglion mésentérique,
mais peut aussi survenir par contamination intestinale ou géni- La radiographie standard de l’abdomen sans préparation n’est
tale. La maladie est souvent rapportée chez des sujets jeunes entre pas déterminante. Elle met éventuellement en évidence un aspect
35 et 45 ans [17] . La prédominance féminine est observée dans la distendu de l’abdomen. La radiographie du thorax de face peut
plupart des études africaines [18] . Dans les pays occidentaux, la pré- montrer des lésions compatibles avec une tuberculose pulmo-
dominance masculine serait liée au fort contingent de travailleurs naire, ce qui renforce le diagnostic.
immigrés, pour lesquels la tuberculose péritonéale serait plus fré- L’échographie abdominale a l’avantage de la pratique facile et
quente que dans la population autochtone [19] . Il existe un lien du caractère non invasif. Elle retrouve plusieurs signes qui peuvent
étroit entre la tuberculose péritonéale et l’infection au VIH [19–21] . s’associer de façon variable. Elle trouve une ascite dans 30 à 100 %
Le taux de séropositivité le plus élevé (79 %) est rapporté par Sawa- des cas [23] , libre ou cloisonnée, parfois de faible abondance non
dogo au Burkina Faso [20] . Cependant, en France, Thoreau a mis détectée par la clinique. De multiples brins de fibrine peuvent
en évidence 14,8 % de séropositivité pour le VIH dans sa série [19] également être trouvés par l’échographie, avec des septa dans
et, au Sénégal, il n’y avait qu’un seul patient séropositif dans la 30 à 100 % des cas [24] . Un épaississement péritonéal régulier ou
série de Fall [12] . Une consommation d’alcool avec une hépatopa- irrégulier, d’aspect trilamellaire parfois (Fig. 1), associé à des micro-
thie alcoolique peut être retrouvée chez 62 % des patients dans les nodules de moins de 5 mm mieux visualisés en cas d’ascite, ou à
pays occidentaux [22] , alors que dans les pays en développement des « gâteaux péritonéaux », est très évocateur de tuberculose péri-
elle n’est présente que dans moins de 13 % des cas [17] . tonéale [24] . Peuvent aussi s’y associer un épaississement omental,
des adhérences et des adénopathies assez suggestives même si ces
images ne sont pas spécifiques de la tuberculose [24] . Elle permet
Manifestations cliniques d’exclure une hépatopathie chronique sous-jacente, ou une autre
pathologie maligne évidente abdominale ou pelvienne. Elle per-
La tuberculose péritonéale peut se manifester suivant trois met également de réaliser, dans certains cas, des biopsies guidées
formes : une forme productive avec une ascite d’abondance à l’aiguille fine.
variable, une forme dite fibroadhésive ou sèche avec un épais- Le scanner abdominal montre un liquide d’ascite de densité
sissement péritonéal associé à des granulations et des adhérences, variable, reflétant la richesse en protéines et en cellules du fluide,
et une forme tumorale réalisant des masses associées à une ascite associé ou non à un épaississement péritonéal régulier dans la
cloisonnée [14] . La douleur abdominale et la fièvre sont rapportées majorité des cas (76 %). L’atteinte mésentérique est fréquente et
respectivement dans 31 à 94 % des cas et 45 à 100 % des cas [17, 23] . peut être mise en évidence au scanner dans les stades précoces de
Elles sont associées à d’autres signes généraux à type d’anorexie la maladie dans 98 % des cas, sous forme d’une atteinte légère à
non sélective, d’amaigrissement. Une diarrhée peut être présente type de stries, d’œdème ou d’épaississement de la graisse ou sous
dans 4,7 à 20 % des cas [14, 17] . L’examen physique met en évidence forme d’une atteinte diffuse plus intense à type d’infiltration des
une ascite dans 73 à 100 % des cas [2, 17, 23] . Elle est volontiers de feuillets mésentériques [25] . Elle peut noter parfois de gros nodules
moyenne abondance et plus rarement de faible voire de grande donnant un aspect en « gâteau » et des adhérences. Le scanner
abondance. Dans la méta-analyse de Sanai, 5 à 13 % des patients peut trouver également un épaississement omental diffus dans

EMC - Gastro-entérologie 3
9-060-A-10  Tuberculose abdominale

Figure 2. Épaississement péritonéal régulier (A,


flèches), et infiltrations nodulaires péritonéales
(B, flèches) (clichés du Docteur A. Mbengue,
Hôpital principal de Dakar).

A B

80 % des cas (Fig. 2) et un enchevêtrement des anses intesti- teristic) pour le diagnostic de tuberculose péritonéale était de 0,98
nales donnant un aspect de masse [25] . L’imagerie par résonance et 0,976, avec une sensibilité identique de 93 %, et une spécificité
magnétique (IRM) abdominale, comparée au scanner, n’apporte de 96 % et de 94 % [28, 29] .
pas d’argument supplémentaire dans le diagnostic de la tubercu- La valeur seuil utilisée pour le diagnostic de tuberculose péri-
lose péritonéale. tonéale est variable selon les études. Une valeur de 30 UI/l est
généralement admise comme seuil de positivité. En effet, lorsque
l’activité de l’ADA est supérieure ou égale à 30 UI/l, la sensibilité
Étude du liquide d’ascite varie entre 83 et 100 % et la spécificité entre 92 et 100 % [2, 27] .
Chez les patients ayant une cirrhose associée, une valeur seuil de
La ponction du liquide d’ascite ramène un liquide jaune citrin. 27 UI/l est très discriminante avec une sensibilité de 100 % et une
Son analyse peut apporter des éléments d’orientation importants spécificité de 93,3 % [30] . En revanche, en cas de co-infection avec
et doit être réalisée de manière systématique. La numération le VIH, le taux d’ADA perd toute sa valeur car il peut être normal
des éléments nucléés dans le liquide d’ascite trouve un taux de même en cas de tuberculose péritonéale avérée, du fait de la faible
globules blancs entre 400 et 4000/mm3 , à prédominance lym- réponse immunitaire.
phocytaire. Un taux élevé de neutrophiles peut être retrouvé à un
stade précoce de la maladie [2] . Le taux de protides est supérieur à
30 g/l et le gradient d’albumine inférieur à 11 g/l. Le dosage du lac- Place de la biopsie péritonéale percutanée
tate déshydrogénase dans le liquide d’ascite peut être d’un apport
diagnostique important. C’est un test sensible pour un taux supé- La biopsie péritonéale percutanée est une méthode peu inva-
rieur à 90 UI/l, mais sa faible spécificité (14 %) limite l’intérêt de sive, sûre et peu coûteuse, réalisée avec une anesthésie locale,
son utilisation en pratique courante [17, 19] . Ainsi, il faut penser à la pouvant être particulièrement utile dans les pays à ressources limi-
tuberculose devant toute ascite lymphocytaire exsudative, surtout tées. Avec le développement de l’imagerie, le repérage des lésions
en milieu tropical. péritonéales est devenu plus facile et permet de réaliser des biop-
La recherche du bacille de Koch dans le liquide d’ascite à sies percutanées ciblées pouvant être d’un grand apport pour le
l’examen direct est très souvent décevante, sa sensibilité étant diagnostic de la tuberculose péritonéale. Cette exploration, facile
évaluée entre 0 et 6 % [26] . La culture sur milieu spécifique a à réaliser, permet d’éviter le recours à la laparoscopie avec ses pos-
une meilleure sensibilité avec un taux de positivité pouvant sibilités de complications. Il s’agit d’un examen performant pour
atteindre 35 % [23] et une rentabilité pouvant être augmentée le diagnostic des lésions péritonéales avec une sensibilité de 92
par la culture d’une importante quantité de liquide. Cependant, à 99 % et une spécificité de 86 à 100 % [31] . Dans une série de
la culture nécessite, avec les méthodes traditionnelles, des délais 19 patients, Vardareli rapporte un diagnostic de tuberculose péri-
allant de quatre à huit semaines, ce qui retarde le diagnostic [17] . tonéale chez 18 patients (95 %) à partir de biopsies péritonéales
L’utilisation du système de radiométrie BACTECTM a permis de percutanées guidées par l’échographie chez 11 patients, et par le
réduire ce délai à deux semaines. scanner chez huit patients, sans complication notée [32] .
Une variante de cette biopsie est l’utilisation de
l’échoendoscopie. Elle est déjà utilisée pour la biopsie-aspiration
Dosage de l’adénosine désaminase de ganglions médiastinaux ou abdominaux, et peut être utile en
cas de tuberculose. Kocaman a rapporté le cas de trois patients
dans le liquide d’ascite ayant une suspicion de tuberculose péritonéale et dont le diagnos-
L’adénosine désaminase (ADA) est une enzyme qui dégrade tic a été posé grâce à une biopsie-aspiration à l’aiguille fine sous
la purine et catalyse la désamination de l’adénosine de manière échoendoscopie par voie transgastrique [33] . Elle peut également
irréversible en inosine, et celle de la déoxyadénosine en déoxyi- être utile chez le patient ayant une cirrhose décompensée chez
nosine avec libération de l’ammoniaque dans le milieu. Elle est lequel une biopsie percutanée ne peut être réalisée. Daswani
largement retrouvée dans les lymphocytes T, les monocytes et les rapporte le cas de cinq patients présentant une cirrhose décom-
macrophages activés lors d’un processus d’immunité à médiation pensée et un épaississement péritonéal à l’imagerie, chez qui la
cellulaire. Son augmentation est liée à la stimulation des lympho- biopsie péritonéale sous échoendoscopie a permis de trouver
cytes T par M. tuberculosis. un granulome tuberculoïde dans tous les cas avec présence de
Il s’agit d’un test non invasif et peu coûteux, qui pourrait bacilles acido-alcoolo-résistants (BAAR) chez deux patients [34] .
être une alternative aux examens diagnostiques invasifs particu-
lièrement dans les pays à forte endémicité [19, 27] . La mesure de Place de la laparoscopie (Fig. 3)
l’activité de l’adénosine désaminase dans le liquide d’ascite a une
bonne valeur diagnostique. Dans deux méta-analyses incluant La laparoscopie est la méthode diagnostique la plus efficace de la
respectivement 16 études et 1574 personnes, et 17 études et tuberculose péritonéale. Elle est actuellement réalisée par cœlio-
1797 personnes, l’aire sous la courbe ROC (receiver operating charac- chirurgie dans les centres équipés. La cœlioscopie avec biopsie

4 EMC - Gastro-entérologie
Tuberculose abdominale  9-060-A-10

Figure 3. Adhérences (A) et nodules périto-


néaux (B) à la cœlioscopie (clichés du Docteur
I. Sall, Hôpital principal de Dakar).

A B

permet de poser le diagnostic de tuberculose péritonéale dans 85 façon égale dans les deux sexes et à tous les âges de la vie. Sa
à 90 % des cas [23] . Elle permet de mettre en évidence trois types présentation est protéiforme.
de lésions : un épaississement péritonéal associé à des granula- Le diagnostic d’une tuberculose gastro-intestinale constitue
tions qui sont typiques, surélevées, de tailles uniformes, en « tête un véritable challenge. En effet, les signes cliniques sont sou-
d’épingle », ou en « grain de mil », blanchâtres, translucides et vent vagues et non spécifiques, et dépendent de la localisation.
entourées d’un halo inflammatoire, et à une ascite dans 61 % Cette tuberculose peut être révélée par une complication à
des cas, un épaississement péritonéal avec des adhérences et une type d’hémorragie, de perforation ou de sténose, ou peut être
ascite dans 21 % des cas, et un aspect fibroadhésif avec un péri- totalement asymptomatique. L’absence de spécificité des signes
toine très épaissi avec des nodules jaunâtres et des adhérences cliniques justifie le recours aux examens, en particulier radiolo-
donnant un aspect de « fromage » [35] . Selon une méta-analyse de giques et endoscopiques, pour asseoir le diagnostic et faire un
11 études regroupant 402 patients, la sensibilité diagnostique de bilan lésionnel initial avant un traitement antibacillaire.
la laparoscopie au cours de la tuberculose péritonéale est de 93 %
et la spécificité de 98 % [17] . L’aspect laparoscopique seul permet
de poser le diagnostic dans 95 % des cas [2] . Des complications Œsophage
à type d’infection, de perforation ou d’hémorragie sont possibles
Décrite pour la première fois au cours d’une autopsie par
mais rares (moins de 3 %), nécessitant souvent une conversion en
Denonvilliers en 1837, la tuberculose œsophagienne est rare,
laparatomie.
représentant 0,2 à 1 % des tuberculoses abdominales [6, 15, 16] . Elle
Cette laparoscopie permet de faire une ponction du liquide
est souvent secondaire à une extension directe médiastinale ou
d’ascite, mais également la réalisation des biopsies de granulations
pulmonaire, avec comme siège préférentiel le tiers moyen dans
péritonéales pour un examen anatomopathologique qui met en
62,5 % des cas [6] . Plusieurs facteurs contribuent à cette rareté. Les
évidence les granulomes épithéloïdes et gigantocellulaires avec
mouvements péristaltiques entraînant une vidange du contenu
une nécrose caséeuse centrale pathognomonique de la tubercu-
de l’œsophage vers l’estomac, la présence de mucus et de salive
lose. Elle permet également d’inspecter la cavité abdominale, de
tapissant la muqueuse et son épithélium squameux sont autant
voir le foie et la rate, et d’effectuer éventuellement une biopsie.
de facteurs qui protègent cet organe [39] .
Sur le plan clinique, une dysphagie ou une odynophagie sont
Diagnostic différentiel de la tuberculose les symptômes les plus fréquents survenant dans 85 à 100 %
des cas, suivies d’une douleur rétrosternale, en plus des signes
péritonéale d’imprégnation tuberculeuse. La survenue d’une toux au moment
Il doit se faire avec les autres causes d’ascite, notamment inflam- des repas doit faire suspecter une fistule œsotrachéale ou œso-
matoire, mais surtout avec la carcinose péritonéale. Le tableau phagomédiastinale présente dans 13 à 50 % des cas [40, 41] . Une
clinique dans le contexte de zone d’endémie facilite l’orientation hématémèse isolée ou associée aux autres signes est également
diagnostique. L’ascite dans la carcinose péritonéale est souvent rapportée [42, 43] .
sérohématique, avec parfois des cellules néoplasiques au frottis. Sur le plan endoscopique, la lésion est le plus souvent une ulcé-
La recherche de l’ADA est négative. Sur le scanner, le signe le plus ration sténosante ou non, et parfois une lésion bourgeonnante.
discriminatif est l’épaississement péritonéal qui est lisse et régulier L’échoendoscopie peut être très utile en cas de tuberculose œso-
dans la tuberculose abdominale, et irrégulier et nodulaire en cas phagienne, permettant d’explorer la paroi en profondeur et le
de carcinose [36] . D’autres éléments tels que la présence de fibrine médiastin, et de guider des biopsies à l’aiguille fine. Cependant, il
dans l’ascite, le type d’anomalie épiploïque (épaississement sous existe un risque de fistule médiastinoœsophagienne [6] .
forme de tache versus forme nodulaire ou à type de « gâteau »), la Le transit baryté œsogastrique peut retrouver un aspect en
taille des ganglions et leur localisation (< 1 cm et de localisation niche ou une compression extrinsèque par une adénopathie, ou
péripancréatique dans la péritonite tuberculeuse ; ≥ 1 cm et des une fistulisation au niveau du médiastin ou d’une bronche. Le
anomalies des contours hépatique ou splénique, plus fréquem- scanner thoracique montre un épaississement de la paroi œsopha-
ment visualisées dans la carcinomatose péritonéale) peuvent être gienne mais permet aussi d’étudier les structures adjacentes, ce qui
significatifs pour faire la différence entre tuberculose et carcinose oriente le diagnostic. Dans une série de 23 patients présentant
péritonéale [37] . une tuberculose œsophagienne, la radiographie du thorax était
anormale chez 15 patients avec des lésions à type d’adénopathies
hilaires ou médiastinales, une miliaire pulmonaire, une pleurésie.
 Tuberculose du tube digestif Le scanner thoracique montrait en plus des adénopathies médias-
tinales dans 14 cas sur 15, avec un centre hypodense évocateur de
tuberculose dans 12 cas, et un épaississement de la paroi œsopha-
L’atteinte intestinale est au deuxième rang en termes de fré-
gienne dans cinq cas [40] .
quence de la tuberculose digestive. Celle-ci peut être isolée
ou associée à une localisation pulmonaire. Actuellement, on
estime que 20 % des patients immunocompétents présentant Estomac
une tuberculose intestinale primitive ont également une atteinte
pulmonaire en évolution ; à l’inverse, un quart des patients La tuberculose gastrique est habituellement associée à une
présentant une tuberculose pulmonaire aurait également une tuberculose pulmonaire ou survient lors d’une immunodépres-
tuberculose digestive [38] . La tuberculose intestinale s’observe de sion profonde. La localisation gastrique isolée est relativement

EMC - Gastro-entérologie 5
9-060-A-10  Tuberculose abdominale

rare (0,4 à 2 % des cas de tuberculose abdominale [15] ), du fait de rehaussement témoigne d’une fibrose cicatricielle ancienne [49] .
de l’acidité au niveau de l’estomac, de la pauvreté en tissus lym- L’atteinte multifocale est la plus fréquente. Dans une série de
phoïdes et de la rapidité de la vidange gastrique [2] . 265 patients présentant une tuberculose du grêle, dont 174 sans
Les signes cliniques ne sont pas spécifiques et se résument le plus atteinte de la valvule iléocæcale, la lésion la plus fréquente était la
souvent en un inconfort digestif associé à un amaigrissement et à présence de rétrécissement dans 62,7 % des cas, qui étaient courts,
une fièvre. Les autres signes cliniques rapportés sont une douleur concentriques et réguliers, uniques ou multiples, prédominant
épigastrique d’allure ulcéreuse, une hématémèse ou des signes de dans le jéjunum [51] . Les autres signes radiologiques étaient des
sténose. Dans une série indienne, 61 % des patients présentait adhérences (21,8 %), des ulcérations (9,1 %) et un épaississement
une sténose antropylorique et 26 % une hémorragie digestive [44] . diffus des parois (6,4 %) [51] .
La perforation est rare. L’examen clinique trouve exceptionnelle- L’entéro-IRM est un examen actuellement très performant. Elle
ment une masse épigastrique. En endoscopie, les lésions sont le peut montrer un épaississement pariétal dans environ 60 % des
plus souvent localisées au niveau de la région antropylorique. Il cas, parfois circonférentiel et régulier, prédominant au niveau
s’agit de lésions ulcérées uniques ou multiples, superficielles, sans de l’iléon dans 91 % des cas, avec des adénopathies dans 89 %
atteinte de la musculeuse, siégeant le plus souvent au niveau de la des cas [52] . La vidéocapsule endoscopique après vérification de
petite courbure gastrique, ou d’une lésion bourgeonnante entraî- l’absence de sténose peut être utile pour faire le diagnostic diffé-
nant une sténose digestive. L’échoendoscopie est un excellent rentiel entre une tuberculose du grêle et une maladie de Crohn, en
examen pour caractériser la lésion et guider une biopsie- aspira- montrant une atteinte plus fréquente de la valvule iléocæcale, des
tion. ulcères du grêle plus vastes et d’aspect aphtoïde [53] . Le diagnostic
Le scanner abdominal peut montrer un épaississement de la histologique est possible par la chirurgie avec résection grêlique.
paroi gastrique associé à des adénopathies satellites [6] . Le diag-
nostic différentiel se fait avec un adénocarcinome gastrique, un
lymphome ou une tumeur stromale. Localisation iléocæcale
La tuberculose iléocæcale est la forme de prédilection de la
Duodénum tuberculose gastro-intestinale, avec 64 % des cas [54] . Le tableau
clinique peut être aigu ou chronique, associant des douleurs abdo-
À l’image de la localisation gastrique, la tuberculose duodé- minales à type de colique, des borborygmes, des vomissements,
nale primitive isolée est rare. Elle représente 2 à 2,5 % des une diarrhée, un syndrome de Koenig, le tout dans un contexte
tuberculoses abdominales [15] . Dans une série de 805 patients de fièvre et d’amaigrissement. Une masse de la fosse iliaque droite
atteints de tuberculose gastro-intestinale, Nagi et al. rapportaient peut être présente à l’examen. L’iléocoloscopie peut trouver plu-
32 cas de localisation duodénale (4 %) [45] . Le troisième duodé- sieurs lésions de la valvule et de la région iléocæcale qui peuvent
num est le site le plus fréquemment atteint. L’origine peut être être diversement associées : des ulcérations, des nodules, des ponts
extrinsèque à partir de ganglions abdominaux, intrinsèque ou les muqueux, une hypertrophie pseudotumorale de la valvule, une
deux. La symptomatologie clinique est dominée par les signes béance ou une sténose de la valvule [15] . La valvule iléocæcale est
d’obstruction et la dyspepsie. Dans deux séries indiennes de 32 et déformée dans 40 à 55 % des cas [2] , avec un aspect en « bouche
30 cas, 84,3 % et 73 % des patients avaient un syndrome obstruc- de poisson » [6] . Le scanner abdominal peut montrer un épaissis-
tif haut, et 15,6 % et 27 % une dyspepsie [2] . Les autres signes sont sement circonférentiel du cæcum dépassant parfois 3 cm, avec un
rares en rapport avec une hématémèse, une perforation, une fistu- épaississement de l’iléon terminal et la présence d’adénopathies
lisation ou un ictère par compression de la voie biliaire principale. mésentériques satellites dont l’aspect nécrotique au centre est très
L’endoscopie digestive trouve une lésion ulcéreuse, bourgeon- évocateur [15] . L’épaississement est typiquement asymétrique au
nante ou ulcérobourgeonnante. Celle-ci peut se compliquer de niveau de la valvule iléocæcale et de la paroi du cæcum qui semble
fistule ou de sténose. Le scanner abdominal montre un rétrécis- exophytique et engloutissant l’iléon terminal [15] .
sement de la lumière, un épaississement pariétal du duodénum Le diagnostic différentiel se fait avec une tumeur pour laquelle
et des adénopathies satellites pouvant être compressives. Le diag- l’histologie permet d’établir le diagnostic, mais surtout avec la
nostic différentiel se fait avec une lésion tumorale ou un ulcère maladie de Crohn, notamment dans sa localisation iléocæcale.
peptique. La tuberculose intestinale et la maladie de Crohn entraînent une
atteinte inflammatoire chronique de la paroi digestive, avec une
obstruction luminale et une cicatrisation fibreuse sténosante, d’où
Intestin grêle leurs similarités sur le plan clinique, endoscopique et radiolo-
gique. En plus, le traitement immunosuppresseur de la maladie
L’intestin grêle est une localisation fréquente de la tuberculose
de Crohn est délétère pour la tuberculose qu’elle peut exacerber.
abdominale. L’iléon est trois fois plus fréquemment atteint que le
Par ailleurs, la maladie de Crohn, qui était rare dans les pays émer-
jéjunum du fait de la région iléocæcale mais une atteinte isolée de
gents où les cas de tuberculose sont plus fréquents, est de plus en
l’iléon est retrouvée dans un tiers des cas [6] . Les manifestations cli-
plus rapportée. Plusieurs critères sont suggérés mais restent déce-
niques sont vagues et liées le plus souvent aux complications. La
vants, le diagnostic n’étant réellement posé que par la découverte
sténose est la complication la plus fréquente, trouvée dans 44 %
de la présence de BAAR (Tableau 1). Lors de la coloscopie, une
des cas [46] . Elle est souvent multiple avec trois régions ou plus
étude a trouvé que le seul aspect endoscopique statistiquement
atteintes dans 28 % des cas [6] . L’examen trouve un abdomen dis-
significatif était l’aspect aphtoïde des ulcérations qui est plus fré-
tendu avec des signes d’hyperpéristaltisme. La perforation est la
quent au cours de la maladie de Crohn que lors de la tuberculose,
deuxième complication la plus fréquente. Elle survient dans 25
soit 66,7 % versus 22,2 % [55] . Les nouvelles techniques de biologie
à 32 % des cas, avec une mortalité proche de 30 % [6] . Il faut y
moléculaire peuvent être très utiles en facilitant la recherche de
penser surtout chez un patient ayant une tuberculose pulmonaire
BAAR.
qui présente brutalement un tableau de douleur abdominale aiguë
ou des signes de péritonite. Une hémorragie digestive massive par
saignement des ulcérations est exceptionnelle. La malabsorption Tuberculose colorectale
et la fistulisation sont rares. Dans deux séries indiennes totalisant
283 cas de tuberculose intestinale confirmée, seul un patient avait L’atteinte isolée du côlon est rapportée dans 10,8 % des
présenté une fistule [47, 48] . cas de tuberculose abdominale, et est plus fréquente en cas
Le transit baryté de l’intestin grêle montre des ulcères et un d’immunodépression profonde et de VIH au stade de sida [15] .
épaississement de la paroi, et parfois des sténoses courtes circon- L’atteinte du cæcum est la plus fréquente. Le côlon sigmoïde et
férentielles. Le scanner abdominal, ou, mieux, l’entéroscanner, le rectum sont moins souvent concernés [6] . Une atteinte de plu-
montre une atteinte focale, multifocale ou segmentaire sous sieurs segments coliques est possible dans 28 à 44 % des cas [54] . Les
forme d’épaississement pariétal concentrique symétrique ou asy- signes cliniques sont non spécifiques, à type de douleur abdomi-
métrique, avec un rehaussement homogène discret à modéré avec nale, de diarrhée, de constipation, de fièvre et d’amaigrissement.
ou sans rétrécissement de la lumière intestinale [49, 50] . L’absence L’hématochézie est le signe le plus fréquent (88 %) en cas

6 EMC - Gastro-entérologie
Tuberculose abdominale  9-060-A-10

Tableau 1.
Différences entre tuberculose iléocolique et maladie de Crohn.
Caractéristiques Tuberculose iléocolique Maladie de Crohn
Cliniques Évolution courte Évolution longue
Fièvre Diarrhée chronique
Ascite Rectorragies
Notion de contage tuberculeux Lésions anopérinéales (abcès, fistules)
Atteinte pulmonaire parfois associée Perforation intestinale
Endoscopiques Ulcères superficiels, irréguliers, transverses Ulcérations longitudinales ou aphtoïdes
Atteinte de la valvule iléocæcale Aspect en pavé
Ponts muqueux
Valvule iléocæcale ulcérée ou sténosée
Pseudopolypes
Radiologiques Épaississement pariétal asymétrique Signe du peigne
Ganglions péricæcaux Épaississement pariétal symétrique
Ganglions mésentériques supracentimétriques Ganglions mésentériques infracentimétriques
avec nécrose centrale parfois ou calcifications
Ascite
Histopathologiques Granulomes sous-muqueux confluents Granulome sans nécrose
Nécrose caséeuse parfois
Présence de BAAR
Évolution sous traitement Cicatrisation des ulcères sous traitement Récidive après résection
antituberculeux

BAAR : bacilles acido-alcoolo-résistants.

d’atteinte rectale [56] . Le toucher rectal peut trouver une sténose direct et à la culture. L’échoendoscopie peut guider les biopsies
annulaire parfois non franchissable. Des signes de malabsorption dans les atteintes du tube digestif haut et du rectum, des locali-
digestive peuvent être retrouvés dans 20 % des cas [57] . sations rares de la tuberculose digestive. Les biopsies doivent être
Le signe endoscopique le plus fréquent est la présence d’ulcères nombreuses et profondes pour améliorer la sensibilité de l’examen
linéaires ou irréguliers, transversaux ou circonférentiels et recou- car le granulome tuberculeux siège le plus souvent au niveau
verts d’exsudats blanc ou jaune terne [15] . L’endoscopie peut de la sous-muqueuse. La présence d’un granulome avec nécrose
également trouver plusieurs petits nodules rougeâtres associés à caséeuse ou de BAAR à l’histologie, bien que très spécifique de
un érythème modéré et à une friabilité de la muqueuse environ- la tuberculose, est peu sensible dans le diagnostic de la tubercu-
nante [6] . Des lésions cicatricielles à type de pseudopolypes, des lose intestinale, et la culture n’améliore celle-ci que très peu. Dans
sténoses annulaires de longueur variable ou une lésion bourgeon- une série de 225 patients avec une tuberculose intestinale, un gra-
nante pseudotumorale sont également décrites. Dans une revue nulome caséeux ou la présence de BAAR n’était trouvé que dans
de plusieurs études décrivant une tuberculose colique, Rathi et al. 23,1 % des cas ; la culture n’améliore ce taux qu’à 38,7 % [58] .
rapportent les lésions trouvées à la coloscopie à type d’ulcères dans L’utilisation de la PCR (polymerase chain reaction), de
47 à 92 % des cas, des lésions nodulaires dans 42 à 88 % des cas, l’interféron-␥ et d’autres outils peut être très utile pour le
une déformation de la valvule iléocæcale dans 42 à 55 % des cas, diagnostic.
une sténose colique dans 14 à 27 % des cas, des lésions polypoïdes
dans 4,7 à 14 % des cas, des bandes fibreuses dans 7 à 8 % des cas
et une lésion ulcérobourgeonnante simulant une lésion maligne
dans 14 à 20 % des cas [2] .  Tuberculose des organes pleins
L’imagerie à un stade précoce est non spécifique et montre abdominaux
des signes de spasme. À un stade tardif, des lésions de sténose,
d’épaississement pariétal ou de lésions polypoïdes sont retrouvées. Tuberculose hépatique
Le diagnostic différentiel se fait avec une maladie de Crohn et un
adénocarcinome colique. Des complications à type de sténose (15 Le foie est atteint dans plus de 80 % des cas au cours de la
à 60 % des cas), d’hémorragie, de perforation ou de formation de tuberculose [59] . En revanche, l’atteinte hépatique isolée est une
fistules sont possibles [6] , nécessitant souvent une prise en charge localisation rare de la tuberculose abdominale. Les formes pri-
chirurgicale. mitives sont rares du fait du manque d’oxygène au niveau du
foie, ce qui n’est pas favorable au développement des mycobacté-
ries [60] . La contamination du foie peut se faire par dissémination
Diagnostic de la tuberculose du tractus hématogène à partir de l’artère hépatique, avec un foie morpho-
digestif logiquement normal, et réaliser une tuberculose miliaire qui est
la forme la plus fréquente ou une forme micronodulaire. Elle
Le diagnostic doit être évoqué en zone d’endémie devant toute peut se faire aussi à partir de la circulation porte, entraînant des
symptomatologie abdominale. L’imagerie trouve des signes non formes macronodulaires, pseudotumorales ou abcédées, souvent
spécifiques et rarement pathognomoniques de la tuberculose. associées à une localisation intestinale [61] .
Elle est évocatrice en cas de forte suspicion clinique et lorsqu’il Le tableau clinique associe le plus souvent une hépatoméga-
existe d’autres localisations extra-abdominales. Dans ces situa- lie et/ou une splénomégalie fébrile avec une douleur sourde de
tions, certains signes tels que les ulcérations, les nodules, les l’hypocondre droit, un ictère et une altération de l’état général [62] .
lésions pseudotumorales, une déformation de la région iléoco- Exceptionnellement, une ascite peut être associée. Sur le plan
lique, des rétrécissements et des fistules, même s’ils ne sont biologique, il existe un syndrome inflammatoire avec une per-
pas spécifiques, peuvent suggérer une tuberculose intestinale. La turbation des explorations fonctionnelles hépatiques entraînant
présence d’adénopathies nécrotiques au scanner est également le plus souvent une cholestase et parfois une cytolyse [62] .
fortement évocatrice. À l’imagerie, les lésions ne sont pas spécifiques. Dans la forme
L’endoscopie reste l’examen idéal, permettant de visualiser les micronodulaire, les lésions sont hypoéchogènes à l’échographie,
lésions et de réaliser de multiples biopsies en vue d’un examen his- hypodenses et punctiformes au scanner, de taille inférieure à
tologique à la recherche d’un granulome ou de BAAR à l’examen 2 mm, disséminées dans le foie. Dans les formes macronodulaires,

EMC - Gastro-entérologie 7
9-060-A-10  Tuberculose abdominale

Tuberculose pancréatique
L’atteinte isolée du pancréas au cours de la tuberculose est rare,
et le diagnostic relève souvent d’une surprise à l’histologie, à la
suite d’une biopsie ou d’une chirurgie pour une suspicion de
tumeur pancréatique. Cette rareté de la tuberculose pancréatique
est expliquée selon certains auteurs par le fait que les enzymes pan-
créatiques seraient à l’origine d’une résistance à l’envahissement
par M. tuberculosis [71] . Cependant, des cas sont de plus en plus rap-
portés, probablement du fait de l’amélioration des performances
A B de l’imagerie, mais également du fait de la possibilité d’obtenir
des prélèvements pancréatiques par cytoponction. La tuberculose
Figure 4. Multiples nodules hépatiques et spléniques hypodenses au pancréatique est habituellement concomitante d’une tuberculose
scanner (A) et hypo-intenses en T1 à l’imagerie par résonance magnétique miliaire, ou d’une autre localisation tuberculeuse.
(B) (clichés du Docteur I. Diallo, Hôpital principal de Dakar). Il s’agit souvent d’une maladie de l’homme avec une moyenne
d’âge entre 36 et 56 ans [72] . La symptomatologie clinique de la
tuberculose pancréatique est peu spécifique. Elle est caractérisée
l’échographie montre une ou plusieurs masses d’échostructure et par des douleurs abdominales (28,6 à 100 %), une fièvre ves-
de taille variables, le plus souvent hypoéchogènes. Au scanner, les péronocturne (40 %), un amaigrissement et une anorexie (33 à
lésions de début sont isodenses, deviennent hypodenses (Fig. 4A) 100 %), ou un ictère de type rétentionnel (plus de 75 % des cas)
et finissent par se calcifier. L’injection de produit de contraste secondaire à une compression de la voie biliaire principale [72] .
entraîne un rehaussement annulaire [63, 64] . À l’IRM, l’aspect le plus Des complications à type d’hémorragie, de syndrome occlusif,
évocateur est celui d’une lésion hyperintense en périphérie, de d’abcès, de poussées récidivantes de pancréatite aiguës ou de dia-
moindre intensité au centre sur les séquences pondérées en T2, bète sont également rapportées. Une sérologie rétrovirale positive
et qui se rehausse en périphérie après injection de contraste, et est rapportée dans environ 50 % des cas [72] .
hypo-intense en T1 (Fig. 4B) [63] . On recherche des localisations L’échographie abdominale montre une masse pancréatique
spléniques souvent associées [62] , sous forme de lésions régu- hypoéchogène parfois entourée par une capsule épaisse et
lières hypoéchogènes/hypodenses, ou irrégulières anéchogènes hyperéchogène, ou un pancréas hypertrophié [72] . Des lésions
(abcès) ou calcifiées. La présence et la persistance d’une choles- associées à type d’ascite de nodules hépatiques ou spléniques,
tase clinique et biologique doivent faire suspecter une cholangite ou d’épaississement péritonéal peuvent orienter le diagnos-
associée [62] . L’atteinte des voies biliaires peut se manifester par tic. La tomodensitométrie peut mettre en évidence une masse
des sténoses associées à des dilatations canalaires ou par une sté- hypodense, parfois multikystique siégeant le plus souvent au
nose longue et lisse [65] . Le diagnostic différentiel se fait avec des niveau de la tête du pancréas (83 %) [71] . Cette masse pancréa-
localisations secondaires d’un carcinome, des affections lympho- tique peut s’accompagner de calcifications ou d’adénopathies
prolifératives et les autres granulomatoses. La biopsie hépatique parfois volumineuses péripancréatiques hypodenses, très évoca-
permet de poser le diagnostic. trices [72] . L’IRM montre des lésions pancréatiques hypo-intenses
en T1 et hyperintenses en T2, entourées d’un anneau prenant
le contraste après injection [73] . L’échoendoscopie montre une
Tuberculose splénique lésion hypoéchogène avec parfois des zones anéchogènes, des
adénopathies péripancréatiques, et permet de guider une biopsie-
La tuberculose splénique entre le plus souvent dans le contexte aspiration [74, 75] . Le recours à la laparotomie est actuellement
d’une atteinte multifocale. Sa prévalence dans les pièces de splé- exceptionnel. Le diagnostic repose sur une forte suspicion, la
nectomie est de 4 à 12 % [66] . L’atteinte isolée est extrêmement rare preuve d’une tuberculose sur une autre localisation concomitante,
chez les immunocompétents, et plus fréquente chez les séroposi- ou la mise en évidence de BAAR ou de granulomes sur un prélè-
tifs au VIH, utilisant notamment des drogues intraveineuses [67] . vement pancréatique guidé par échographie, scanner ou surtout
Elle est souvent associée à une atteinte hépatique [62] . La tuber- échoendoscopie. Le diagnostic différentiel doit se faire avec une
culose splénique est plus fréquente chez les hommes avec un âge tumeur kystique du pancréas, une pancréatite auto-immune [72] et
moyen de 19 à 53 ans [68] . La contamination peut se faire par toutes les tumeurs du pancréas en général.
voie sanguine, rarement par voie lymphatique, le plus souvent
à partir d’une localisation intestinale, ou par contiguïté [67] . Le
tableau clinique est varié. Il s’agit le plus souvent d’une fièvre  Diagnostic
isolée au long cours, ou d’un tableau associant une splénoméga-
lie indolore à la phase d’état, une asthénie physique, une fièvre La tuberculose abdominale est une maladie infectieuse. Son
et souvent une altération de l’état général. Une hépatoméga- diagnostic repose essentiellement sur la mise en évidence du
lie peut également être retrouvée en cas d’atteinte hépatique bacille de Koch à l’examen direct ou par culture à partir de
concomitante. À l’hémogramme, des signes d’hypersplénisme différents types de prélèvements (liquide d’ascite, tubage gas-
présents dans 35 % des cas [68] peuvent être décrits dans cette trique, pièces biopsiques, pièces opératoires), ou la présence d’un
forme, associant une anémie, une leucopénie, voire une throm- granulome avec une nécrose caséeuse. De nouvelles techniques
bopénie. permettent d’avoir une orientation étiologique forte ou de mettre
L’imagerie avec l’échographie ou le scanner peut montrer des en évidence rapidement le germe par amplification génique.
lésions nodulaires hypoéchogènes ou hypodenses qui se rehausse
en périphérie après injection du produit de contraste, un abcès
ou la présence de calcifications spléniques. À l’IRM, les aspects
Biologie non spécifique
dépendent du stade évolutif de la maladie avec des lésions hypo-, Les anomalies biologiques orientent le diagnostic, même si elles
iso-, et hyperintenses en T1 et en T2, irrégulières avec un rehaus- sont pour la plupart non spécifiques. Elles peuvent trouver une
sement périphérique et une nécrose centrale [69] . Ces lésions étant anémie discrète à modérée, une accélération de la vitesse de sédi-
non spécifiques, une biopsie est nécessaire pour le diagnostic mentation ou une élévation de la CRP (protéine C réactive) dans
dans le cas des atteintes isolées de la rate. Cependant, celle-ci se 50 à 80 % des cas. Il n’y a pas d’hyperleucocytose, mais une leuco-
complique très souvent d’hémorragie, d’où l’intérêt de la réali- pénie peut être notée. Une hypoalbuminémie peut être trouvée.
ser en pratiquant une minilaparoscopie pour pouvoir contrôler le Les transaminases sont normales et une augmentation des phos-
saignement [70] . Cependant, une splénectomie permet également phatases alcalines est trouvée en cas de tuberculose hépatique.
de poser le diagnostic et de réaliser un traitement en association L’examen bactériologique des crachats ou du liquide d’aspiration
avec les antituberculeux. Le diagnostic différentiel se fait avec une gastrique peut révéler la présence de BAAR dans 20 % des cas,
splénomégalie d’origine tumorale. témoignant d’une tuberculose pulmonaire associée.

8 EMC - Gastro-entérologie
Tuberculose abdominale  9-060-A-10

Histologie cellules « sensibilisées », lorsqu’elles sont à nouveau stimulées par


les antigènes de M. tuberculosis, est détectée par des méthodes Elisa
L’histologie des différents prélèvements trouve un granulome (enzyme-linked immunosorbent assay) ou ELISPOT.
inflammatoire pathognomonique de la tuberculose, fait de cel- Ces tests sont utilisés le plus souvent pour le diagnostic d’une
lules de Langhans, de macrophages et de lymphocytes, avec en son tuberculose latente, mais aussi pour celui de la maladie évolutive.
centre parfois une nécrose caséeuse. Des BAAR sont rarement mis Ils sont de plus en plus utilisés dans la tuberculose intestinale pour
en évidence dans ce tissu. Lorsqu’un prélèvement à visée histolo- faire le diagnostic différentiel avec la maladie de Crohn. Dans une
gique est possible, il permet d’orienter le diagnostic dans environ méta-analyse de huit études, la sensibilité, la spécificité, la valeur
90 % des cas en montrant le granulome qui, dans la majorité prédictive positive et la valeur prédictive négative pour le diagnos-
des cas, est sans nécrose caséeuse. Dans une série tanzanienne de tic de la tuberculose intestinale étaient respectivement de 81 %
256 patients, 221 (86,3 %) ont eu un examen histopathologique (IC 95 % : 75–86 %), 85 % (IC 95 % : 81–89 %), 78 % (IC 95 % :
sur une pièce de biopsie ou de pièce opératoire et un granulome 72–83 %), et 87 % (IC 95 % : 84–91 %) avec une aire sous la courbe
sans nécrose caséeuse était présent chez 138 patients (53,9 %), ou ROC à 0,92 [85] . Chez les patients ayant une tuberculose intestinale
avec une nécrose caséeuse centrale dans 56 cas (21,9 %), et une mais avec un test d’interféron-␥ négatif, le jeune âge, l’existence
inflammation non spécifique était trouvée dans 27 cas (10,5 %) [7] . d’une diarrhée et un taux de CRP élevé étaient associés en analyse
La présence de BAAR n’est retrouvée que dans environ 5 % des cas multivariée à ce résultat [86] . Au cours de la tuberculose péritonéale,
à l’examen direct au cours de la tuberculose du tube digestif [76] . la recherche d’interféron-␥ dans le liquide d’ascite peut contribuer
En revanche, ses performances semblent être meilleures dans la au diagnostic. Dans une méta-analyse de six études, la sensibilité
tuberculose des organes pleins. Dans la tuberculose hépatique, et la spécificité du dosage de l’interféron-␥ dans le liquide d’ascite
l’examen histologique trouve un granulome gigantoépithéloïde pour le diagnostic de la tuberculose péritonéale étaient respecti-
dans 80 à 100 % des cas, avec une nécrose caséeuse dans 30 à vement de 93 % (IC 95 % : 87–97 %) et 99 % (IC 95 % :97–100 %),
83 % des cas ou la présence de BAAR dans 59 % des cas [64] , et dans avec une aire sous la courbe ROC à 0,97 [87] .
la localisation pancréatique un granulome était trouvé dans 57 à
100 % des cas, avec une nécrose caséeuse dans 37 à 100 % des cas, Tests d’amplification des acides nucléiques :
ainsi que la présence de BAAR dans 6 à 64 % des prélèvements [72] .
GeneXpert MTB/RIF®
Culture GeneXpert MTB/RIF® est un test automatisé d’amplification
d’acides nucléiques, capable de détecter la présence de M. tuber-
La culture doit être réalisée dans tous les cas, à la recherche de culosis mais également de tester sa résistance à la rifampicine.
M. tuberculosis. En plus de poser le diagnostic, elle permet égale- Il est recommandé par l’OMS pour le diagnostic de la tubercu-
ment de réaliser un antibiogramme à la recherche de résistance. La lose pulmonaire ou extrapulmonaire, pour celui de la tuberculose
méthode classique de culture sur milieu de Loweinstein-Jensen est chez l’enfant et pour la recherche de résistance à la rifampicine.
longue, ne permettant d’avoir les résultats qu’au bout de deux à six Dans une méta-analyse de 12 études avec 699 prélèvements tis-
semaines, avec une faible sensibilité. Elle n’est positive que dans sulaires excluant les ganglions, la sensibilité pour le diagnostic
25 à 36 % des cas de tuberculose intestinale et peut passer à 50 %, de M. tuberculosis comparativement à la culture était de 81,2 %
voire 76 %, avec le milieu de culture BACTECTM mycobacterial (IC 95 % : 67,7–89,9 %) et la spécificité de 98,1 % (IC 95 % :
growth indicator tube (MGIT) [77, 78] . Au cours de la tuberculose péri- 87,0–99,8 %) [88] . En revanche, au cours de la tuberculose abdo-
®
tonéale, la culture du liquide d’ascite n’est positive que dans 22 à minale, l’utilisation du GeneXpert n’a pas montré d’aussi bons
35 % des cas [23, 79] . Actuellement, les milieux liquides BACTECTM ®
résultats. Dans une étude testant Xpert MTB/RIF dans la tubercu-
MGIT 960 permettent d’améliorer les performances de la culture, lose péritonéale, sur 67 prélèvements de liquide d’ascite, seuls 12
à la recherche de M. tuberculosis. étaient positifs (17,9 %) [89] , et, dans son utilisation sur des biopsies
péritonéales, 4 prélèvements sur 21 étaient positifs, témoignant
Apport des nouveaux tests diagnostiques d’une sensibilité de 19 %, avec une spécificité de 100 %, une valeur
prédictive positive de 100 % et une valeur prédictive négative de
dans la tuberculose abdominale 29 % [90] . Par ailleurs, dans une série de 37 patients ayant une tuber-
Tests PCR culose intestinale, seuls trois patients avaient un test positif avec le
GeneXpert® , avec ainsi une sensibilité de 8,1 %, une spécificité de
L’amplification génique par PCR du complexe M. tuberculosis 100 %, une valeur prédictive positive de 100 % et une valeur pré-
directement dans les prélèvements diagnostiques peut avoir un dictive négative de 64,2 % [91] . Ainsi, dans la tuberculose abdomi-
apport dans la tuberculose abdominale, et permettre de raccour- nale, le GeneXpert® est très spécifique et peut aider au diagnostic,
cir les délais de diagnostic. Cependant, ses performances sont mais son apport est limité du fait de sa faible sensibilité.
variables selon la littérature, en fonction du brin utilisé. Dans la
tuberculose péritonéale, la sensibilité varie entre 62,2 et 75,7 %,
la spécificité à 100 % a une valeur prédictive positive de 100 %
et une valeur prédictive négative entre 67,6 et 84,7 % [80] . Dans
 Traitement
la tuberculose intestinale, le test PCR M. tuberculosis était positif Le traitement de la maladie tuberculeuse est actuellement bien
dans 21,6 %, 67,9 % et 71 % dans trois études avec respectivement codifié. Les recommandations thérapeutiques sont les mêmes
60, 53 et 69 patients [81–83] . Dans une méta-analyse de neuf études quel que soit le site de la maladie, même si la durée peut varier
évaluant la performance des tests PCR à M. tuberculosis pour faire selon les organes atteints ou le terrain. Si elle est correctement
le diagnostic entre une tuberculose intestinale et une maladie de traitée, la tuberculose due à des souches sensibles aux médica-
Crohn, la sensibilité de ces tests pour le diagnostic de tubercu- ments est pratiquement toujours curable. Cependant, la survenue
lose était de 47 % (intervalle de confiance [IC] 95 % : 42–51 %) de multirésistances rend la prise en charge plus complexe car
avec une spécificité de 95 % (IC 95 % : 0,93–0,97) [84] . Dans la les autres médicaments sont difficilement accessibles, peu effi-
tuberculose pancréatique, les tests PCR étaient positifs dans 43 caces et induisent beaucoup d’effets indésirables. Par ailleurs, des
à 80 % des cas [72] . Ainsi, du fait de sa faible sensibilité, un test complications liées au siège de la tuberculose peuvent être obser-
négatif n’élimine pas le diagnostic. L’utilisation du nouveau test vées sur le mode aigu ou à la fin du traitement sous forme de
multiplex PCR augmente la rentabilité diagnostique. séquelles et nécessitent souvent une prise en charge endoscopique
ou chirurgicale.
Tests à interféron-␥ (IFN-␥) (Quantiféron® ,
ELISPOT [« enzyme-linked immunospot »]-TB® )
Principes de base et règles générales
Il s’agit de tests fondés sur la réponse immunitaire lors d’une
infection tuberculeuse qui consiste à la libération d’interféron-␥
du traitement médical
par les cellules T mémoire qui ont précédemment été en contact M. tuberculosis est un bacille à développement extracellulaire
avec des antigènes de M. tuberculosis. La libération d’IFN-␥ par les et intracellulaire. Il faut donc prescrire des antibiotiques actifs

EMC - Gastro-entérologie 9
9-060-A-10  Tuberculose abdominale

sur ces deux contingents de bacilles. Le traitement repose sur sténose mineure. Il est réservé aux sténoses courtes et accessibles
l’association de l’isoniazide (R, 5 mg/kg/j), de la rifampicine (H, à l’endoscopie, entraînant une occlusion subaiguë.
10 mg/kg/j), de l’éthambutol (E, 20 mg/kg/j) et de la pyrazina- Dans les cas de tuberculose hépatobiliaire ou pancréatique, le
mide (Z, 30 mg/kg/j). Le succès du traitement dépend aussi de la traitement chirurgical résulte souvent d’une erreur diagnostique
compliance du patient, d’où une éducation sanitaire du malade devant une lésion simulant une tumeur maligne résécable, et le
et de sa famille indispensable [18] . Le traitement doit être prolongé diagnostic est redressé sur la pièce opératoire dans 80 % des cas [98] .
suffisamment longtemps pour agir sur les bactéries à croissance Au cours de la tuberculose splénique isolée, la splénectomie per-
espacée ou intermittente. Certains auteurs proposent un traite- met souvent de poser le diagnostic, réalisant dans le même temps
ment de six ou neuf mois. Dans la revue de la base de données un traitement, mais elle doit être suivie d’un traitement antitu-
de la Cochrane incluant six études et 328 patients comparant berculeux.
une durée de traitement de six et de neuf mois chez les patients
traités pour une tuberculose péritonéale ou intestinale, sans co-
infection avec le VIH, il n’y avait pas de différences entre les deux Évolution et surveillance
protocoles [92] . Ainsi, un traitement à base de RHEZ pendant six La surveillance de l’efficacité du traitement au cours de la
mois (2RHEZ/4RH), est suffisant dans la tuberculose abdominale, tuberculose abdominale reste un challenge, notamment pour la
permet de limiter les effets secondaires et d’avoir une meilleure localisation au niveau du tractus digestif. En effet, malgré une
compliance au traitement. Chez les patients infectés par le VIH, bonne efficacité du traitement, des signes peuvent persister en
le traitement antituberculeux est débuté avant le traitement anti- rapport avec des lésions séquellaires, entraînant un prolongement
rétroviral, sauf si le patient était déjà sous traitement. injustifié du traitement. L’évolution est évaluée sur le plan cli-
Du fait de la toxicité des antituberculeux, les patients doivent nique avec la disparition de la fièvre, des douleurs abdominales,
bénéficier d’un bilan préthérapeutique. L’hépatotoxicité étant la de l’ascite et la prise de poids. L’imagerie permet de confirmer
complication la plus fréquente, il est important de réaliser des la disparition de l’ascite, mais également des lésions nodulaires
explorations fonctionnelles hépatiques complètes, ainsi qu’une hépatiques, spléniques ou pancréatiques.
sérologie des hépatites virales B et C, surtout en zone d’endémie, et Dans la tuberculose du tube digestif, l’imagerie permet d’évaluer
une sérologie rétrovirale. D’autres examens sont réalisés en fonc- l’évolution des sténoses et des épaississements de la paroi diges-
tion du contexte (hémogramme, créatininémie, uricémie, examen tive. Un contrôle endoscopique pour évaluer la cicatrisation des
ophtalmologique, test de grossesse). Une surveillance des trans- lésions est une excellente méthode pour juger de l’efficacité du
aminases d’abord hebdomadaire le premier mois, puis mensuelle, traitement et peut être réalisé au bout de deux à trois mois [14] .
doit être effectuée. Par ailleurs, le contrôle endoscopique permet également de dif-
Actuellement, il est de plus en plus rapporté de cas de tuber- férencier les lésions de maladie de Crohn de la tuberculose en
culose à bacilles multirésistants (MDR) ou ultrarésistants (XDR) cas de doute diagnostique [99] . Cependant, si les patients sont
définies par la résistance au moins à la rifampicine, à l’isoniazide, asymptomatiques, il n’est pas nécessaire de réaliser une endosco-
à un antituberculeux injectable et une fluoroquinolone. Selon pie digestive de surveillance [100] .
l’OMS, il y avait 601 000 nouveaux cas de tuberculose MDR
en 2017 dont 6,2 % de tuberculose XDR, avec des disparités
régionales [4] . Les localisations extrapulmonaires de la tubercu- Prévention
lose n’échappent pas à ce phénomène de résistance, avec 19 % de La prévention de la tuberculose abdominale repose sur la lutte
tuberculose MDR et 0,5 % de tuberculose XDR [93] . globale contre la tuberculose. En 2014, l’OMS a adopté une straté-
Dans une série de 30 patients atteints de tuberculose abdomi- gie visant à mettre fin à l’épidémie mondiale de tuberculose en
nale à Taïwan, les auteurs rapportaient une prévalence de 13 % réduisant le nombre de décès de 95 % et l’incidence de 90 %
de tuberculose MDR [94] . Dans deux séries de 74 et 43 patients entre 2015 et 2035, et en faisant de telle sorte que plus aucune
atteints de tuberculose intestinale, respectivement en Corée et en famille ne supporte les coûts catastrophiques liés à la tubercu-
Inde, une résistance à au moins un antituberculeux était rapportée lose. Cette stratégie repose sur les soins et prévention intégrés,
dans 17,6 % et 23,2 % des cas, et une résistance de type MDR dans centrés sur le patient, avec un diagnostic précoce de la tubercu-
2,7 % et 13,9 % des cas, mais il n’y avait pas de cas de tubercu- lose (y compris des tests universels de pharmacosensibilité), mais
lose XDR [95, 96] . L’observance thérapeutique est importante pour également sur le dépistage systématique des sujets contacts et des
prévenir la survenue de ces cas de résistance. Un traitement de groupes à haut risque, le traitement de tous les malades de la tuber-
deuxième ligne est nécessaire dans ces cas de résistance. culose, y compris la tuberculose pharmacorésistante, le soutien
aux patients, les activités de collaboration VIH/tuberculose et la
prise en charge des comorbidités, et le traitement préventif des
Traitement chirurgical et endoscopique personnes à haut risque et la vaccination contre la tuberculose [1] .

La chirurgie est surtout réservée à la tuberculose intestinale,


en cas de doute diagnostique et dans les formes compliquées,
ou en cas d’absence de réponse au traitement médical. Ces
 Conclusion
complications peuvent se présenter sous forme de perforations, La tuberculose abdominale est une pathologie fréquente,
d’abcédation, de fistulisation, d’hémorragie massive ou de sténose notamment dans les pays en développement. Son expression cli-
complète. Cette dernière est la complication la plus fréquente. nique est polymorphe mais il faut savoir y penser devant un
Elle peut être unique ou multiple, et se majorer lors du traitement contexte épidémiologique et clinique évocateur. Le diagnostic
médical du fait de la cicatrisation fibreuse. Dans une série indienne repose sur l’imagerie et l’endoscopie qui permettent de réaliser des
de 106 patients ayant une sténose digestive d’origine tubercu- prélèvements à la recherche du bacille de Koch ou d’un granulome
leuse, seuls 23,6 % avaient une résolution à la fin du traitement tuberculoïde. L’isolement du germe peut être difficile, le diagnos-
médical, indiquant ainsi un traitement chirurgical [97] . Le traite- tic se faisant alors sur la base d’un faisceau d’arguments cliniques
ment chirurgical doit rester le plus conservateur possible. Il peut et paracliniques. Actuellement, de nouveaux tests fondés sur la
s’agir de résections, de dérivations ou de stricturoplasties pour biologie moléculaire permettent d’avoir rapidement une orien-
éviter les résections importantes et délétères. Lors d’un tableau tation. Un traitement antituberculeux de six mois est efficace,
subaigu (notamment un tableau subocclusif), un traitement anti- souvent suffisant pour la cicatrisation des lésions muqueuses,
tuberculeux préopératoire (environ 2 à 4 semaines) permet de l’assèchement de l’ascite et le nettoyage des lésions des organes
diminuer le taux de complications postopératoires (fistules). Le pleins. Cependant, les séquelles peuvent nécessiter un traitement
traitement chirurgical peut parfois être réalisé devant un tableau endoscopique ou chirurgical.
aigu dans 20 à 40 % des cas mais, du fait de la malnutrition,
de l’hypoprotidémie et de l’anémie souvent associés, la mortalité
est élevée, pouvant atteindre 24 % [98] . Le traitement endosco- Déclaration de liens d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens
pique par dilatation au ballonnet est une alternative en cas de d’intérêts en relation avec cet article.

10 EMC - Gastro-entérologie
Tuberculose abdominale  9-060-A-10

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12 EMC - Gastro-entérologie
Tuberculose abdominale  9-060-A-10

I. Diallo, Spécialiste des Hôpitaux des Armées.


Service de pathologie digestive, Hôpital principal de Dakar, BP 3006, Dakar, Sénégal.
T. Omar Soko, Spécialiste des Hôpitaux des Armées.
Service d’imagerie médicale, Hôpital principal de Dakar, BP 3006, Dakar, Sénégal.
A. Rajack Ndiaye, Professeur de médecine agrégé.
Service de médecine interne, Hôpital principal de Dakar, BP 3006, Dakar, Sénégal.
F. Klotz, Professeur à l’école du Val de Grâce, Paris France (fklotz2008@yahoo.fr).
BP 1948, Dakar, Sénégal.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Diallo I, Omar Soko T, Rajack Ndiaye A, Klotz F. Tuberculose abdominale. EMC - Gastro-entérologie
2020;37(1):1-13 [Article 9-060-A-10].

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EMC - Gastro-entérologie 13
 9-089-C-15

Amylose digestive (foie exclu)


N. Poté, G. Goujon

Résumé : Les amyloses constituent un groupe hétérogène de maladies rares caractérisées par le dépôt
extracellulaire de protéines amyloïdes sous forme de fibrilles insolubles. L’atteinte digestive, le plus souvent
observée dans le cadre des amyloses systémiques, est relativement fréquente mais souvent asymptoma-
tique. Les manifestations cliniques sont le plus souvent non spécifiques, incluant douleurs abdominales,
dysphagie, troubles moteurs, diarrhées, hémorragies et pseudotumeurs. L’examen endoscopique est la
plupart du temps normal, ou montre des lésions peu spécifiques (granulations, érosions, ulcérations,
pseudotumeurs, etc.). L’étude anatomopathologique d’une biopsie affirme le diagnostic d’amylose et
permet le typage des dépôts amyloïdes qui oriente le bilan étiologique. Le bilan d’extension de l’amylose
est systématique en cas de diagnostic initial de la maladie et doit rechercher en premier lieu une atteinte
cardiaque et/ou rénale qui détermine le pronostic. Le traitement spécifique a pour but de diminuer le taux
plasmatique de la protéine amyloïde impliquée. Les traitements symptomatiques comprennent la prise
en charge des hémorragies digestives, de la diarrhée, de la dénutrition et des troubles moteurs.
© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Amylose ; Tube digestif ; Amylose AL ; Amylose AA ; Amylose ATTR ; Amylose A␤2M

Plan plus fréquemment intéressés sont le rein et le cœur, détermi-


nant le pronostic de la maladie. L’atteinte digestive, survenant
■ Introduction 1 très majoritairement dans le cadre des amyloses systémiques (AL,
AA, ATTR et A␤2M), est variable en fonction du stade de la mala-
■ Généralités sur l’amylose 1 die et du type de précurseur, l’amylose AL étant le plus souvent
Physiopathologie 1 impliquée [2] . Dans cette revue sont introduites dans un premier
Classification et nomenclature 1 temps quelques généralités sur l’amylose. Les caractéristiques des
Constituants des dépôts amyloïdes 2 principales amyloses systémiques impliquées dans l’atteinte diges-
Diagnostic positif d’amylose 2 tive sont par la suite exposées. Enfin, les manifestations digestives
Typage des dépôts amyloïdes 2 des amyloses systémiques sont détaillées, ainsi que leur prise en
■ Généralités sur les amyloses systémiques 2 charge diagnostique et thérapeutique.
Amylose AL 2
Amylose AA 2
Amylose A␤2M
Amylose ATTR
3
3  Généralités sur l’amylose
■ Manifestations digestives des amyloses systémiques 3 Physiopathologie
Introduction 3
Physiopathologie 4 L’amylose est due à une anomalie du repliement d’une pro-
Aspects cliniques et endoscopiques 4 téine précurseur, survenant au cours de sa biosynthèse [1] . Cette
■ Examens complémentaires 5 anomalie est responsable de la conversion de la structure de la
Diagnostic positif d’amylose et typage des dépôts 5 protéine native en une structure secondaire principalement faite
Bilan étiologique de l’amylose 6 de feuillets plissés ␤ antiparallèles. Ces structures vont s’assembler
Bilan d’extension de l’amylose 6 pour constituer des fibrilles amyloïdes formant des dépôts inso-
lubles qui vont s’accumuler dans l’espace extracellulaire.
■ Traitement 6
Les mécanismes des dommages tissulaires liés à l’amylose sont
Traitement spécifique de l’amylose 6
encore débattus. Le dépôt de grandes quantités de fibrilles non
Traitement symptomatique des manifestations digestives 7
résorbables peut modifier l’architecture tissulaire et peut par
■ Pronostic 7 conséquence altérer la fonction de l’organe. Il est également sug-
géré que certains dépôts amyloïdes ont un effet cytotoxique direct,
comme dans l’amylose AL [3] .
 Introduction
Classification et nomenclature
Les amyloses constituent un groupe hétérogène de maladies
rares, héréditaires ou acquises, systémiques ou localisées, carac- La classification des amyloses est établie à partir de la protéine
térisées par le dépôt dans les espaces extracellulaires de protéines amyloïde précurseur. La protéine amyloïde fibrillaire est dési-
amyloïdes sous forme de fibrilles insolubles [1] . Les organes les gnée par « protéine A », suivie d’un suffixe correspondant à une

EMC - Gastro-entérologie 1
Volume 37 > n◦ 1 > janvier 2020
http://dx.doi.org/10.1016/S1155-1968(19)65432-5
9-089-C-15  Amylose digestive (foie exclu)

MM

SM
A B C D
Figure 1. Aspects histopathologiques de l’atteinte gastrique d’une amylose AA.
A, B. Coloration hématéine-éosine-safran d’une biopsie de la paroi gastrique (fundus), montrant des dépôts amyloïdes
au niveau de la paroi des vaisseaux de la sous-muqueuse, sous forme d’une substance hyaline éosinophile (flèches)
(A : ×3,4 ; B : ×16). M : muqueuse ; MM : musculaire muqueuse ; SM : sous-muqueuse.
C. Coloration au rouge Congo, colorant en rouge vif les dépôts amyloïdes (×20).
D. Examen en lumière polarisée montrant une biréfringence jaune-vert caractéristique des dépôts amyloïdes (×20).
E. Immunomarquage avec l’anticorps anti-SAA (serum amyloid A) montrant une forte positivité des dépôts (×40).
E

abréviation de la protéine précurseur. À ce jour, 36 protéines pré- congelé permet d’obtenir de meilleurs résultats [8] . Ainsi, en cas
curseurs ont été identifiées [4] . Les protéines amyloïdes les plus de forte suspicion clinique d’amylose, un prélèvement supplé-
fréquentes sont les chaînes légères d’immunoglobuline (amy- mentaire pour congélation doit donc être envisagé afin de réaliser
lose AL, L pour Light chain immunoglobulin) et la Serum amyloid l’étude en immunofluorescence. Cependant, il a été démontré
A (SAA) (amylose AA), représentant à elles deux environ 90 % des que l’immunohistochimie permettait la classification de la plupart
amyloses systémiques [5] . des amyloses systémiques [9] . En cas de négativité de ces immu-
nomarquages de première intention, de résultat difficilement
interprétable ou non contributif, il est recommandé d’adresser le
Constituants des dépôts amyloïdes prélèvement à un laboratoire d’anatomie pathologique référent
• Composant variable (90 % des dépôts amyloïdes) : il s’agit de disposant d’un large panel d’anticorps ciblant d’autres précurseurs
la protéine amyloïde précurseur. amyloïdes [8] .
• Composants constants :
◦ SAP (serum amyloid protein) : il s’agit d’une glycoprotéine
plasmatique appartenant à la famille des pentraxines. Elle  Généralités sur les amyloses
se fixe aux dépôts amyloïdes indépendamment de la nature
de la protéine impliquée. Cette propriété est utilisée dans
systémiques
l’imagerie des dépôts amyloïdes à l’aide de l’isotope marqué
du SAP [6] . La SAP est protégée contre la protéolyse et rend
Amylose AL
ainsi les agrégats amyloïdes résistants à la dégradation, L’amylose AL, avec environ un cas pour 100 000 habitants/an
◦ protéoglycanes : il s’agit de glycoprotéines de la matrice dans les pays occidentaux [6] , est la plus fréquente des amy-
extracellulaire fréquemment associées aux dépôts amyloïdes. loses systémiques. La protéine précurseur correspond dans plus
de 90 % des cas à une chaîne légère d’immunoglobuline (␬ ou
Diagnostic positif d’amylose ␭) monoclonale, soit intacte, soit fragmentée, produite par une
population clonale de plasmocytes médullaires (le plus souvent
La mise en évidence de dépôt amyloïdes en microscopie optique dans le cadre d’un myélome ou d’une gammapathie monoclo-
(ou en microscopie électronique) sur prélèvement histologique est nale de signification indéterminée) [10] . La chaîne légère ␭ est
toujours actuellement le seul moyen permettant d’établir le diag- plus souvent impliquée que la chaîne ␬ (ratio 2/1). Il faut cepen-
nostic positif d’amylose [7] . Sur une coupe histologique colorée dant souligner que toutes les chaînes légères d’immunoglobulines
à l’hématéine-éosine-safran, l’examen microscopique montre des produites par un clone plasmocytaire ne sont pas amyloïdo-
dépôts tissulaires hyalins amorphes éosinophiles extracellulaires géniques car seulement 1 % des patients atteints de myélome
souvent situés dans la paroi des vaisseaux ou en périvasculaire développent une amylose au cours de la maladie [11] . De la même
(Fig. 1A, B). La coloration au rouge Congo, considérée comme le manière, l’évolution d’une amylose AL vers un myélome sympto-
gold standard de la détection des dépôts amyloïdes [8] , colore ces matique est rare, survenant dans moins de 1 % des cas dans une
dépôts en rouge (Fig. 1C), et l’examen en lumière polarisée avec étude rétrospective portant sur 1596 patients [12] . Plus rarement,
cette même coloration met en évidence une biréfringence de ces l’hémopathie sous-jacente peut être une maladie de Waldenström
dépôts avec une coloration jaune-vert caractéristique (Fig. 1D). ou un lymphome non hodgkinien B. Cliniquement, les atteintes
cardiaques et rénales sont les plus fréquentes, présentes chez envi-
ron 75 % des patients au diagnostic [13] . L’atteinte cardiaque peut
Typage des dépôts amyloïdes évoluer vers une cardiomyopathie restrictive [14] . L’atteinte rénale
Une fois le diagnostic d’amylose confirmé par l’étude en micro- est le plus souvent révélée par une protéinurie de type néphro-
scopie optique, il est nécessaire de caractériser la nature de la tique, évoluant à terme vers l’insuffisance rénale [13] . L’amylose AL
protéine amyloïde. Les techniques les plus couramment utilisées est l’amylose systémique la plus fréquemment impliquée dans
font appel à l’immunohistochimie et à l’immunofluorescence. l’atteinte du tractus digestif, représentant de 66 [15] à 83 % [16]
L’étude immunohistochimique sur tissu fixé en formol et des cas.
inclus en paraffine est la technique la plus fréquemment utili-
sée en routine pour le typage des dépôts amyloïdes. Cette étude Amylose AA
doit, dans un premier temps, rechercher les deux protéines les
plus fréquemment impliquées dans l’amylose (chaînes légères L’amylose AA, souvent appelée « amylose secondaire », a pour
d’immunoglobulines et SAA). Si la mise en évidence de la protéine précurseur une protéine sérique de l’inflammation synthétisée par
SAA par immunohistochimie est le plus souvent d’interprétation l’hépatocyte, la protéine SAA, dont la production est stimulée
aisée (Fig. 1E), celle des chaînes légères d’immunoglobulines par diverses cytokines pro-inflammatoires [17] . Les étiologies les
est beaucoup plus aléatoire et souvent non contributive du fait plus fréquentes d’amylose AA sont les maladies inflammatoires
d’un manque de sensibilité et de spécificité des anticorps uti- chroniques (polyarthrite rhumatoïde, spondylarthrite ankylo-
lisés. L’étude en immunofluorescence sur coupes de tissu frais sante, maladie de Crohn, maladie de Behçet, etc.), les infections

2 EMC - Gastro-entérologie
Amylose digestive (foie exclu)  9-089-C-15

Tableau 1.
Principales caractéristiques des amyloses systémiques et leur traitement.
Type d’amylose Protéine précurseur Physiopathologie Principales Fréquence au cours de Traitement spécifique
manifestations cliniques l’atteinte digestive
AL Chaîne légère Production par un clone Atteinte cardiaque 66 [1] à 83 % [2] Associations Melphalan,
d’immunoglobuline plasmocytaire (myélome, (cardiomyopathie dexaméthasone,
GMSI, maladie de restrictive) cyclophosphamide
Waldenstrom, etc.) Atteinte rénale Bortézomib, greffe
(protéinurie) autologue de cellules
souches selon le risque
évolutif
AA Serum amyloid A Production par les hépatocytes Atteinte rénale 11 % [1] Traitement de la maladie
lors d’un syndrome (protéinurie) inflammatoire chronique
inflammatoire chronique
A␤2M ␤2 microglobuline Accumulation chez les Syndrome du canal ? Transplantation rénale
patients dyalisés rénaux carpien, arthropathie
amyloïde
ATTR Transthyrétine Amylose héréditaire : Héréditaire : 8 [2] à 16 % [1] Héréditaire :
(TTR) mutation de la TTR polyneuropathie transplantation hépatique
Amylose sénile : Sénile : atteinte cardiaque
physiopathologie inconnue

GMSI : gammapathie monoclonale de signification indéterminée.

Tableau 2.
Principales manifestations digestives au cours des amyloses systémiques [15, 16] .
Symptômes/signes cliniques Aspects endoscopiques
Cavité buccale Macroglossie, xérostomie, glossodynie, dysgeusie –
Œsophage Pyrosis, dysphagie Granulations, érosions, ulcérations
Estomac Gastroparésie, douleurs épigastriques, hémorragies Érosions, ulcérations, pseudotumeurs
Intestin grêle Diarrhée, malabsorption, pseudo-obstruction intestinale, hémorragie, Granulations, érosions, protrusions polypoïdes,
perforation ulcères, épaississement des valvules conniventes
Côlon et rectum Douleurs abdominales, diarrhée, constipation, pseudo-obstruction, Granulations, ulcérations, pseudotumeurs
hémorragie

chroniques (tuberculose, bronchectasies, toxicomanie intra- L’amylose sénile est associée au vieillissement et est caractérisée
veineuse, ostéomyélite, etc.) et les néoplasies (carcinomes, par le dépôt tissulaire de la protéine TTR sauvage [24] . La manifesta-
lymphomes) [18] . La manifestation clinique la plus fréquente est tion clinique de premier plan est l’atteinte cardiaque, d’évolution
une atteinte rénale, plus de 97 % des patients avec amylose AA le plus souvent lente. L’atteinte digestive est rare, évaluée à 5 %
présentant une dysfonction rénale avec protéinurie [13] . Dans une de l’ensemble des amyloses systémiques [16] . Les dépôts sont prin-
série rétrospective de 542 patients suivis pour amylose systémique cipalement de localisation grêlique ou colique et la maladie est le
avec atteinte digestive histologiquement prouvée, l’amylose AA plus souvent asymptomatique, découverte de façon fortuite sur
représentait la troisième cause derrière les amyloses AL et ATTR, des biopsies digestives réalisées pour d’autres indications.
avec une incidence évaluée à 11 % [15] . Le Tableau 1 résume les principales caractéristiques des amy-
loses systémiques et leur traitement spécifique.
Amylose A␤2M
La ␤2 microglobuline (␤2M) est une protéine non glycosylée  Manifestations digestives
présente dans toutes les cellules de l’organisme, et métabolisée par
le rein. L’amylose A␤2M survient chez des patients greffés rénaux des amyloses systémiques
sous hémodialyse au long cours (à partir de 15 ans de dialyse) et
touche préférentiellement les os et les articulations [19] . La pre- Introduction
mière manifestation clinique est un syndrome du canal carpien, Les manifestations digestives au cours de l’amylose sont varia-
qui est habituellement suivi par une arthropathie amyloïde [20] . bles et dépendent du degré d’infiltration de l’organe par les dépôts
L’atteinte digestive est rare, le saignement occulte étant le symp- amyloïdes. Dans une série rétrospective de 2334 patients suivis
tôme digestif le plus fréquemment observé [21] . pour amylose de tous types, seuls 3 % des patients présentaient
une atteinte digestive histologiquement prouvée [16] . Dans une
Amylose ATTR autre série rétrospective plus récente de 583 patients suivis pour
amylose, 17 % des patients présentaient des symptômes gastro-
Il existe deux formes d’amylose ATTR : l’amylose systémique intestinaux mais seuls 45 % des patients biopsiés présentaient des
héréditaire et l’amylose sénile. dépôts amyloïdes à l’examen histologique [25] .
L’amylose héréditaire est une maladie génétique rare de trans- Bien que des manifestations cliniques apparaissent plus
mission autosomique dominante [22] . La protéine précurseur est fréquentes dans certains types d’amyloses, telles que la macro-
la transthyrétine, dérivée de la mutation du gène TTR, plus d’une glossie dans l’amylose AL, les symptômes, signes cliniques et
centaine de mutations étant recensées. Sa synthèse est assurée aspects endoscopiques sont le plus souvent peu spécifiques
par le foie. La manifestation clinique la plus fréquente est une (Tableau 2) [26, 27] . Enfin, il est également important de préciser
polyneuropathie, dénommée « polyneuropathie amyloïdosique que l’aspect endoscopique est souvent normal malgré la présence
familiale ». Les atteintes digestives sont plus rares, évaluées de de dépôts amyloïdes à l’examen anatomopathologique, dans 45
3 [16] à 16 % [15] de l’ensemble des amyloses systémiques, et se à 77 % des cas en fonction du segment [27] . Ainsi, certains auteurs
manifestent principalement par des hémorragies [23] . recommandent la réalisation de biopsies systématiques en cas de

EMC - Gastro-entérologie 3
9-089-C-15  Amylose digestive (foie exclu)

forte suspicion d’amylose même en l’absence d’anomalies endo- dans 5 % des cas, ulcéré dans 3 % des cas ou friabilité muqueuse
scopiques [27] . Après un bref rappel de physiopathologie, sont dans 3 % des cas ; la recherche de dépôts amyloïdes par biopsies
détaillés différents aspects cliniques et endoscopiques observables est positive dans 51 à 72 % des cas [40] .
dans les différents segments du tube digestif au cours des amyloses
systémiques.
Estomac
L’atteinte gastrique au cours de l’amylose est surtout la consé-
Physiopathologie quence de l’atteinte du système nerveux autononome (SNA) et
se traduit par un syndrome dyspeptique en rapport avec une
Les manifestations digestives découlent de la localisation et de
gastroparésie, qui peut être de sévérité variable. La gastroparé-
la distribution des dépôts amyloïdes :
sie symptomatique est fréquente dans l’amylose héréditaire, où
• les dépôts vasculaires, principalement observés au niveau de la
les retards à la vidange gastrique sont constants et parfois sévères
paroi des vaisseaux de la sous-muqueuse, sont responsables des
mais a également été décrite dans d’autres formes d’amylose [41, 42] .
manifestations hémorragiques et ischémiques ;
Plus rarement, l’atteinte gastrique se traduit par des dou-
• les dépôts prédominants au niveau du chorion sont respon-
leurs épigastriques secondaires à des ulcérations ou par des
sables de diarrhées par malabsorption ;
complications à type d’hémorragies ou de syndromes occlusifs [43] .
• les dépôts au niveau du système nerveux autonome peuvent
Alors que l’atteinte symptomatique semble assez fréquente dans
être responsables des troubles moteurs dysautonomiques.
l’amylose AA, elle paraît plus rare au cours de l’amylose AL,
comme le montre une série de 769 patients porteurs d’amylose AL,
Aspects cliniques et endoscopiques dans laquelle 8 % des patients présentaient une atteinte gastrique
documentée par biopsies et seulement 1 % étaient sympto-
Cavité buccale matiques [44, 45] . Pourtant, une étude rétrospective portant sur
La macroglossie représente la manifestation la plus fréquente. 79 patients présentant une amylose gastrique prouvée histolo-
Elle est observée chez 10 à 20 % des patients atteints d’amylose AL giquement a montré que l’amylose AL était de loin la forme la
et est pathognomonique de ce type d’amylose [28, 29] . Dans la moi- plus répandue touchant l’estomac, représentant deux tiers des cas
tié des cas, il existe une malnutrition secondaire à la dysphagie dans cette cohorte [46] . Fait important, l’endoscopie était normale
liée à la perte d’élasticité de la langue, ainsi qu’une dysarthrie, chez un tiers des patients de l’étude, ce qui suggère de réaliser une
des troubles de mastication et une limitation de l’occlusion buc- biopsie même en l’absence de signes endoscopiques, afin de ne
cale [30] . Ces signes cliniques résultent du dépôt extracellulaire pas méconnaître une atteinte gastrique [46] .
progressif de substance amyloïde dans les muscles suprahyoïdiens. Les lésions endoscopiques observées sont majoritairement des
Dans les stades avancés, l’élargissement progressif de la langue érosions et des ulcérations, mais aussi des formes pseudotumo-
peut entraîner un syndrome d’apnée du sommeil, voire un blo- rales, parfois hémorragiques [47, 48] .
cage de l’oropharynx pouvant confiner à l’obstruction des voies
respiratoires supérieures et imposer à l’extrême une trachéoto- Intestin grêle
mie [30] . Lorsque les glandes salivaires et lacrymales sont infiltrées
par la substance amyloïde, une xérostomie et une xérophtalmie L’intestin grêle est la portion du tube digestif le plus souvent
peuvent être présentes, avec une présentation clinique semblable atteint dans les amyloses systémiques [49] .
au syndrome de Sjögren [31] . Les dépôts amyloïdes sont à l’origine [50] :
Les autres manifestations cliniques comprennent une • d’une diarrhée, qui est le symptôme le plus fréquent. Celle-ci est
glossodynie, une dysgueusie, des hémorragies (liées à de mécanisme complexe : atteinte du SNA, malabsorption, colo-
l’hypervascularisation de la langue), des paresthésies, des nisation bactérienne chronique du grêle (CBCG), entéropathie
lésions bulleuses, des ulcères, des vésicules et du purpura oral, exsudative ;
ainsi que des tuméfactions osseuses et des factures mandibulaires • de troubles de la motricité (pseudo-obstructions intestinales
pathologiques [32, 33] . chronique [POIC] ou aiguë [POIA]) ;
• d’hémorragies ou de perforations.
Une revue de 19 patients atteints d’amylose systémique a révélé
Œsophage que la majorité souffrait de diarrhée et de stéatorrhée entraînant
La dysphagie et les symptômes liés au reflux gastroœsopha- une perte de poids, qui était associée à un moins bon pronos-
gien sont les manifestations cliniques les plus fréquentes. Elles tic [51] . La diarrhée est souvent sévère et peut s’associer à des
sont secondaires à des troubles de la motricité œsophagienne. phénomènes dysautonomiques, comme un réflexe gastrocolique
Dans certains cas, des hématémèses et des épisodes d’impaction exagéré, des sueurs postprandiales, voire à une hypotension et à
alimentaire ont été rapportés [34, 35] . Des tableaux cliniques pseu- des syncopes lors de la défécation. La prévalence de ces troubles
doachalasiques ont été décrits, responsables de complications varie de 90 % au cours de l’amylose héréditaire [52] à 45 % dans
graves comme des pneumopathies récidivantes chez les sujets l’amylose AL [34] , à quelques patients au cours de l’amylose AA [53]
âgés [36] . et de l’amylose A␤2M [54] . La réduction de la motricité digestive
Au cours de l’amylose AL, les deux tiers des malades por- peut provoquer une CBCG [55, 56] et une déconjugaison des acides
teurs d’anomalies manométriques sont symptomatiques, mais biliaires [57] , conduisant à une diarrhée avec stéatorrhée dans 4 %
une étude a montré qu’un trouble précis de la motricité n’est des cas au cours de l’amylose AL et dans presque tous les cas au
pas individualisé dans la plupart des cas : il s’agit souvent de cours de l’amylose héréditaire.
contractions simultanées et diminuées en amplitude après une Dans certains cas, la diarrhée peut être due à une réduction de
déglutition humide ou d’absence de relaxation du sphincter infé- l’absorption épithéliale du sodium, du potassium et de l’eau en
rieur de l’œsophage [37] . L’ensemble des données manométriques réponse à la dénervation sympathique de la muqueuse intestinale,
montre que la protéine amyloïde est distribuée au hasard dans en dehors de toute stéatorrhée, malabsorption des sels biliaires ou
le nerf vague, les plexus myentériques, les vasa nervosa ou les pseudo-obstruction avec pullulation microbienne. La destruction
muscles lisses et striés de l’œsophage. Cette répartition arbitraire du système nerveux sympathique provoque en effet un hyperpé-
explique l’aspect le plus souvent aspécifique des troubles de la ristaltisme et un transit intestinal rapide [58] . Au cours de l’amylose
motricité œsophagienne. Ces données sont concordantes avec les héréditaire, la diarrhée peut ne pas être contrôlée par l’utilisation
constatations histologiques observées au niveau du nerf vague d’antibiotiques ou de ralentisseurs du transit, la destruction du
dans les cas d’amylose familiale [38] . Il est à noter que les troubles système nerveux contenant les récepteurs de ces derniers médica-
symptomatiques de la motricité œsophagienne sont inhabituels ments pouvant expliquer leur absence d’efficacité [59, 60] . Le recours
au cours de l’amylose AA [39] . à l’octréotide ou la réalisation d’une entérostomie sont parfois
La présentation endoscopique est variée, avec toutefois une nécessaires [61] . Le pronostic des amyloses héréditaires est donc
muqueuse le plus souvent normale malgré la présence de dépôts étroitement dépendant de la survenue précoce de troubles gastro-
amyloïdes : aspect finement granuleux dans 16 % des cas, érosif intestinaux et d’une dénutrition [62] .

4 EMC - Gastro-entérologie
Amylose digestive (foie exclu)  9-089-C-15

Les pseudo-obstructions intestinales sont plutôt chroniques au patient sur cinq [53] . L’amylose AA est également volontiers respon-
cours des amyloses AL [63] et des amyloses A␤2M, et plutôt aiguës sable d’une atteinte gastrique, d’une diarrhée fréquente et d’une
au cours des amyloses AA [64] . La nature de la protéine déter- POIA de pronostic incertain [64, 69] .
mine par conséquent la présentation clinique, l’évolution et le Au cours de l’amylose héréditaire, l’atteinte du SNA est respon-
pronostic de la maladie. L’association d’une POIA à une hémor- sable d’une stase gastrique et intestinale, suivie d’une diarrhée
ragie digestive doit alerter le clinicien quant à l’existence d’une sévère et irréversible, parallèlement à la progression de la mala-
amylose [65] . die [41] .
Les hémorragies surviennent moins souvent au cours des amy- Les dépôts de l’amylose A␤2M se font au niveau des parois
loses AA mais, comme au cours des amyloses AL, elles peuvent être artériolaires et musculaires du tube digestif chez les patients hémo-
secondaires à des ulcérations diffuses pouvant mimer une maladie dialysés [20] et sont responsables d’une atteinte colique et de rares
chronique inflammatoire intestinale. POIC. Des études autopsiques ont montré la présence de dépôts
Les autres manifestations intestinales incluent des épisodes dans la paroi des vaisseaux sanguins sous la forme de nodules
subocclusifs à répétition [66] , des formes pseudotumorales sous-endothéliaux bombant dans la lumière vasculaire à l’origine
localisées ou amyloïdomes [67] , des perforations aiguës et d’une ischémie et de perforation intestinale du grêle [77] .
des entéropathies exsudatives, avec ou sans lymphangiecta-
sies [68] . L’hypoalbuminémie, fréquemment observée au cours
de l’amylose systémique, est plus souvent liée à un syndrome
Maladies inflammatoires chroniques de l’intestin
néphrotique ou à une réduction de la synthèse d’albumine [53] et amylose AA
qu’à une atteinte du grêle avec malabsorption. L’atrophie vil- Les maladies inflammatoires de l’intestin (MICI) peuvent de
lositaire n’est pas habituelle, même si un aspect endoscopique façon rare se compliquer d’une amylose de type AA, dont la
semblable à celui de la maladie cœliaque a pu être décrit au cours prévalence globale dans cette population est de 0,53 % [78] . La
de l’amylose AL [63] . maladie de Crohn est la quatrième cause d’amylose secondaire
Au cours des amyloses systémiques, les lésions endoscopiques après les arthropathies inflammatoires chroniques, les infections
sont plus fréquentes au niveau du jéjunum qu’au niveau des autres chroniques et la fièvre méditerranéenne familiale [18] . La rectoco-
segments du tube digestif [40, 69] . Dans une série de 30 patients lite hémorragique est beaucoup moins fréquemment impliquée
avec amylose grêlique, des granulations blanchâtres étaient notées (10 à 15 fois moins) [78] . Le phénotype de la MICI le plus souvent
dans 60 % des cas, des érosions ou une friabilité muqueuse dans associé à l’amylose est le sexe masculin, un comportement fistuli-
43 % des cas, un épaississement des valvules conniventes dans sant, des manifestations extra-intestinales, une maladie périanale,
20 % des cas, des protrusions polypoïdes jaune pâle de 4 à 10 mm une localisation anatomique iléocolique et le développement
dans 17 % des cas et des ulcères superficiels dans 10 % des d’une protéinurie et d’une insuffisance rénale [78] .
cas [69] . De façon intéressante, la rentabilité des biopsies est élevée Aux premiers stades de l’amylose compliquant une MICI, les
dans l’intestin grêle, des dépôts amyloïdes étant observés dans symptômes sont souvent non spécifiques et comprennent une
96 à 100 % des biopsies duodénales et 93 % des biopsies jéju- faiblesse, une perte de poids ou des maux de tête [78] . Cepen-
nales [40, 69, 70] . dant, à mesure que la maladie progresse à un stade avancé, les
signes et symptômes évoluent en fonction de l’organe impli-
Côlon et rectum qué [78, 79] . Plus précisément, l’atteinte rénale est fréquente au
cours de l’amylose AA associée aux MICI, et se manifeste généra-
L’atteinte colique de l’amylose entraîne des symptômes varia- lement par une protéinurie néphrotique. À mesure que la maladie
bles, la plupart en lien avec des troubles de la motilité, comme des progresse, une insuffisance rénale peut également survenir [78] .
douleurs abdominales plus ou moins intenses, une diarrhée, une Il existe une diminution significative du taux de mortalité
constipation pouvant aller jusqu’à l’inertie colique ou la pseudo- de l’amylose secondaire liée aux MICI, bien qu’il soit encore
obstruction. Il a aussi été décrit des rectorragies et des cas de plus élevé par rapport aux MICI qui ne sont pas compliquées
perforation [71, 72] . Les hémorragies sont probablement secondaires par une amylose secondaire [78] . Il est généralement admis que
aux lésions ischémiques survenant sur une paroi digestive rigidi- l’émergence de traitements plus efficaces de la MICI, tels les
fiée par l’infiltration amyloïde et favorisées par les troubles de la anti-TNF (anti-tumor necrosis factor) qui sont utilisés plus préco-
coagulation comme les déficit en facteurs IX et/ou X [73] . cement pour réduire la production de la protéine précurseur, a
Dans l’amylose AA, les cas de pseudo-obstruction sont offert la meilleure chance de réduire le risque d’amylose chez ces
généralement de présentation aiguë ou subaiguë et évoluent patients [80, 81] . En outre, les dosages de la protéinurie et de la pro-
spontanément favorablement. Cette capacité d’amélioration des téine SAA sont utiles pour évaluer la réponse au traitement, et
symptômes semble être liée dans cette population à l’implication servent également de facteurs pronostiques [78] .
du plexus myentérique, dont la fonction peut potentiellement
être remplacée par d’autres neurones entériques voisins. En
revanche, on observe une évolution plus chronique et souvent
irréversible chez les patients atteints d’amylose AL, proba-  Examens complémentaires
blement car l’infiltration se situe dans l’appareil musculaire
lisse [64] . Diagnostic positif d’amylose et typage
Les lésions endoscopiques sont semblables à celles décrites au des dépôts
niveau du tractus digestif supérieur et les biopsies sont positives
dans plus de 80 % des cas [70] . Des formes pseudotumorales par Le diagnostic de certitude d’amylose repose sur l’examen ana-
épaississement des plis secondaire à l’infiltration amyloïde, non tomopathologique. La biopsie d’un organe atteint permet de
discernables endoscopiquement de tumeurs malignes, ont été confirmer le diagnostic d’amylose et de typer les dépôts amy-
décrites dans le côlon et le rectum [74, 75] . loïdes. Dans la mesure du possible, l’anatomopathologiste doit
être informé de la suspicion d’amylose afin de permettre une pré-
Manifestations digestives spécifiques à chaque paration optimale des prélèvements (congélation d’une partie des
prélèvements pour typage par immunofluorescence) et de réaliser
type d’amylose une coloration du rouge Congo qui permet de mettre en évi-
L’amylose AL est caractérisée par une macroglossie qui est dence les dépôts amyloïdes. En effet, ces derniers peuvent être
pathognomonique, une atteinte de la motricité œsophagienne, parfois très discrets et focaux, et passer inaperçus lors de l’examen
une diarrhée par neuropathie ou par CBCG et une POIC. La décou- microscopique avec coloration standard.
verte endoscopique d’hématomes sous-muqueux au cours d’une La distribution des dépôts amyloïdes le long du tube digestif est
hémorragie digestive chez un patient porteur d’une gammapathie variable, ainsi que le rendement des biopsies. De façon intéres-
monoclonale, doit faire évoquer le diagnostic [76] . sante, une étude suggère que le taux de positivité des biopsies est le
L’atteinte digestive dans l’amylose AA se manifeste sous la forme plus élevé dans le duodénum et le rectum, quel que soit le nombre
d’un syndrome de malabsorption et de troubles moteurs chez un de biopsies réalisées ou la présence d’anomalies endoscopiques [27] .

EMC - Gastro-entérologie 5
9-089-C-15  Amylose digestive (foie exclu)

Bilan d’extension de l’amylose


Les explorations complémentaires doivent systématiquement
rechercher une atteinte viscérale extradigestive associée, en pre-
mier lieu cardiaque et rénale.
Ainsi, le Centre national de référence de l’amylose AL recom-
mande le bilan suivant :
• bilan cardiaque : troponine et BNP (brain natriuretic peptide)
ou NT-pro-BNP, échographie cardiaque avec mesure du septum
interventriculaire en diastole, électrocardiogramme (ECG), ±
imagerie par résonance magnétique cardiaque, ± holter ECG
(si atteinte cardiaque) ;
• bilan rénal : créatininémie, urée sanguine, protidémie, albumi-
némie, ionogramme sanguin, protéinurie des 24 heures, bande
urinaire, échographie rénale ;
• autres examens : radiographie pulmonaire, échographie abdo-
minale avec mesure du foie et de la rate, bilan de coagulation
avec dosage du facteur X, ferritinémie (recherche de saigne-
ments digestifs), TSH (thyroid-stimulating hormone), LDH (lactate
deshydrogénase), uricémie.
Figure 2. Granulations duodénales blanchâtres de 1 à 3 mm au cours La scintigraphie à la SAP radiomarquée à l’iode 123 permet de
de l’amylose AA. visualiser, dans l’ensemble de l’organisme, les dépôts amyloïdes,
quel que soit leur type [6] . L’intensité de la fixation est proportion-
nelle à la quantité de masse amyloïde présente dans les tissus.
À l’inverse, le taux de positivité des biopsies dans l’estomac est le Sa sensibilité varie de 90 % pour l’amylose AA à 100 % pour
plus faible. Il est à noter qu’il n’existe pas de recommandations l’amylose AL. L’évaluation de la fixation à 24 heures fait augmen-
précises sur le nombre de prélèvements à réaliser. ter la sensibilité à 100 % [82] . Cependant, cet examen est disponible
La distribution des dépôts amyloïdes au sein de la paroi diges- uniquement dans quelques centres experts.
tive est également variable. Ainsi, une étude rétrospective portant
sur une série de 542 patients suivis pour amylose systémique
avec atteinte digestive histologiquement prouvée a montré que
les dépôts AL se distribuaient préférentiellement au sein de la
 Traitement
muqueuse, de la musculaire muqueuse et de la sous-muqueuse Traitement spécifique de l’amylose
(interstitium et parois vasculaires), et les dépôts AA et ATTR au
niveau des parois vasculaires de la sous-muqueuse [15] . Ces don- L’objectif thérapeutique est de réduire le taux plasmatique de
nées suggèrent que le risque de faux négatif est élevé en cas de la protéine amyloïde impliquée. En effet, il existe un équilibre
biopsie trop superficielle. entre la production et l’élimination des dépôts par l’organisme.
La coloration au rouge Congo marque les dépôts et montre Les dépôts tissulaires amyloïdes peuvent donc régresser en cas de
une biréfringence jaune-vert caractéristique en lumière polarisée, diminution du taux plasmatique de la protéine.
faisant le diagnostic d’amylose (Fig. 2). Le typage des dépôts amy-
loïdes (cf. supra) sera adapté au contexte clinique, recherchant en Amylose AL
première intention une amylose AL et AA.
Comme lors de toute biopsie de la paroi digestive, il existe un Avant toute décision thérapeutique, il faut préciser le ou les
risque hémorragique qui peut être majoré au cours de l’amylose en organes atteints, ainsi que le pronostic lié à la maladie hémato-
raison de l’atteinte des parois vasculaires qui sont fragilisées. Ainsi, logique sous-jacente. L’objectif est de réduire le taux plasmatique
certains auteurs recommandent de réaliser le strict minimum de des chaînes légères libres d’immunoglobuline. Si cet objectif est
prélèvements afin de minimiser le risque hémorragique [27] . atteint, les dépôts amyloïdes peuvent disparaître en trois mois
(foie) à plusieurs années (cœur) [83] . Par ailleurs, les chaînes légères
libres circulantes ayant une toxicité propre, la diminution de leur
concentration permet de diminuer la toxicité directe, notamment
Bilan étiologique de l’amylose cardiaque.
Depuis l’émergence de nouveaux protocoles de chimiothérapie
En cas de diagnostic initial d’amylose sur une biopsie diges-
dans le myélome, le pronostic de l’amylose AL s’est amélioré de
tive, les explorations complémentaires viseront dans un premier
manière significative. Le schéma thérapeutique actuel est strati-
temps à identifier la maladie causale. Ce bilan étiologique est
fié selon le risque évolutif de la maladie [14] . Les patients à faible
guidé par le typage de la protéine amyloïde par l’anatomopatholo-
risque, définis notamment par une atteinte minimale d’organes,
giste.
sont des candidats potentiels à une chimiothérapie d’induction,
En cas de diagnostic d’amylose AL, il faut rechercher de façon
telle que le melphalan, suivie d’une greffe autologue de cellules
systématique une hémopathie B produisant la protéine, le plus
souches [84] . Les patients à risque intermédiaire sont pour la plu-
souvent un myélome ou une GMSI (gammapathie monoclonale
part traités au moyen d’une combinaison de melphalan par voie
de signification indéterminée). Le Centre national de référence de
orale et de dexaméthasone avec addition de cyclophosphamide et
l’amylose AL recommande ainsi le bilan suivant :
de thalidomide [85, 86] . Une nouvelle classe de médicaments pour
• dosage des chaînes légères libres circulantes (indispensable au
le myélome, les inhibiteurs du protéasome, comme le bortézomib,
suivi) ;
semble être très efficace pour cibler les plasmocytes des patients
• électrophorèse des protides sériques et urinaires ;
atteints d’amylose AL [87] . Le bortézomib est utilisé en monothéra-
• immunofixation des protides sériques et urinaires ;
pie ou en association avec la dexaméthasone en traitement initial
• dosage pondéral des immunoglobulines ;
et après une rechute [88] . L’association du bortézomib au cyclo-
• myélogramme ± biopsie ostéomédullaire ;
phosphamide et à la dexaméthasone donne des taux de réponse
• recherche d’une cytogénétique défavorable (délétion 17p ou
très élevés, supérieurs à 90 % chez les patients prétraités, dont
t(4;14)) si myélome.
60 % ont obtenu une réponse complète [89] .
En cas de diagnostic d’amylose AA, le bilan étiologique
recherche en premier lieu une maladie inflammatoire chronique.
Enfin, en cas de diagnostic d’amylose ATTR chez un patient Amylose AA
jeune, une enquête familiale doit être conduite afin de rechercher Le traitement est celui de la maladie inflammatoire, infectieuse
une amylose héréditaire. ou néoplasique sous-jacente. Le premier objectif est de réduire la

6 EMC - Gastro-entérologie
Amylose digestive (foie exclu)  9-089-C-15

SAA plasmatique en dessous du seuil de 10 mg/l. Le deuxième Prise en charge de la dénutrition


objectif est de préserver les fonctions des différents organes. La dénutrition est associée à un moins bon pronostic, justi-
Le choix du traitement dépend de la nature de la maladie fiant une évaluation précoce de l’état nutritionnel et des mesures
sous-jacente. En particulier, les thérapies ciblées telles que les inhi- diététiques systématiques précoces dès le diagnostic posé. Des
biteurs du TNF-␣ ont un impact favorable chez les patients atteints compléments caloriques oraux et une correction des carences
de polyarthrite rhumatoïde [90] . La colchicine, par son action répa- en vitamines et en oligoéléments sont généralement suffisants
ratrice sur les microtubules du macrophage dans la formation des dans la plupart des cas mais le recours à une nutrition enté-
fibrilles amyloïdes, n’a cependant pas sa place dans le traitement rale peut s’avérer indispensable. La nutrition parentérale totale
des amyloses AA « inflammatoires », en dehors de la fièvre médi- n’est pas souhaitable au cours de l’amylose AL, en raison du
terranéenne familiale [91] . Il a été montré que le tocilizumab, un contexte d’immunodépression (myélome, chimiothérapie) et du
anticorps monoclonal dirigé contre l’interleukine 6, permettait risque infectieux qui en découle.
également d’obtenir des réponses cliniques et biologiques favo-
rables, indépendamment de la maladie sous-jacente [92] .
Traitements endoscopiques et chirurgicaux
Amylose ATTR La dilatation pneumatique peut améliorer la dysphagie dans
Il peut être proposé un traitement spécifique pour l’amylose les tableaux cliniques pseudoachalasiques [39] . La gastrostomie de
ATTR héréditaire. En effet, la transthyrétine étant produite décharge peut être discutée en cas de gastroparésie réfractaire [99] ,
exclusivement dans les hépatocytes, la principale approche thé- tout comme l’entérostomie en cas de diarrhée réfractaire, mais
rapeutique des formes sévères est la transplantation hépatique. celle-ci est maintenant très rarement pratiquée depuis l’utilisation
Ainsi, dans le cas des patients avec une mutation V30M du gène de l’octréotide [96] . Dans le cas des macroglossies symptomatiques,
TTR, le taux de survie global à cinq ans après une greffe de foie la résection partielle de langue en cas d’obstruction de la filière
orthotopique est de 100 % [22] . respiratoire peut être dangereuse en raison du risque d’hémorragie
Les nouveaux traitements comprennent un stabilisant de la et de troubles importants de la cicatrisation, faisant généralement
transthyrétine, le diflunisal, qui maintient sa structure soluble préférer la réalisation d’une trachéotomie [100] .
normale afin d’inhiber son mauvais repliement [93] . Récemment,
un essai de phase 3 testant le patisiran (acide ribonucléique inter-
férant) portant sur 225 patients avec amylose héréditaire a montré  Pronostic
des résultats prometteurs [94] .
Le pronostic dépend du type d’amylose, ainsi que du degré
Amylose A␤2M d’atteinte des organes. Cependant, il a été montré qu’en cas
L’amylose A␤2M peut être prévenue par l’utilisation de filtres d’amylose digestive symptomatique, il existait un surrisque
d’hémodialyse permettant d’éliminer les précurseurs fibrillaires. d’atteinte cardiaque quel que soit le type d’amylose [25] .
La transplantation rénale réduit les concentrations plasmatiques L’amylose AL est généralement associée à un moins bon pro-
de ␤2 microglobuline, s’accompagne d’une amélioration rapide nostic. En l’absence de traitement spécifique, la survie est estimée
des symptômes ostéoarticulaires et donne de bons résultats avec entre trois et six mois, essentiellement liée à l’atteinte cardiaque
une survie médiane du greffon de six ans [95] . qui est la cause de décès dans 60 % des cas [101] . Une cohorte
prospective de 137 patients atteints d’amylose AL a montré une
survie médiane de 15,84 mois pour les patients sans atteinte
Traitement symptomatique gastro-intestinale et de 7,95 mois pour ceux avec atteinte gastro-
intestinale, avec une significativité seulement observée en analyse
des manifestations digestives univariée [102] .
Complications hémorragiques Concernant l’amylose AA, une étude prospective portant sur
374 patients a évalué son histoire naturelle [18] . Dans cette étude,
Les hémorragies digestives au cours de l’amylose ont parfois le pronostic était globalement meilleur que celui de l’amylose AL,
un caractère multifocal, pouvant entraîner des difficultés théra- avec une survie médiane égale à 133 mois. L’atteinte rénale était
peutiques. En dehors des méthodes d’hémostase endoscopique la principale manifestation de l’amylose AA et conditionnait le
classiques, le traitement repose sur l’angiographie sélective en pronostic. La mortalité, la charge globale en dépôts amyloïdes et
vue d’une embolisation des sites hémorragiques de localisation le pronostic rénal étaient corrélés de façon significative au taux
parfois difficile [59, 96] . Il est primordial de maintenir de façon plasmatique de SAA (normale < 4 mg/l). De façon intéressante,
stricte l’équilibre hémodynamique des patients qui, instables, les dépôts amyloïdes régressaient chez 60 % des patients ayant
nécessitent une intervention chirurgicale d’hémostase, notam- un taux médian de SAA inférieur à 10 mg/l. Les facteurs de mau-
ment pour préserver la fonction rénale [96] . vais pronostic étaient l’âge avancé, une hypoalbuminémie, une
insuffisance rénale sévère lors du diagnostic et l’importance de
Gastroparésie et troubles de la motricité l’élévation du taux sérique de la protéine SAA durant le suivi :
Le traitement médical de la gastroparésie est souvent peu cette élévation constituait le facteur de risque le plus déterminant
efficace [34] . Les traitements endoscopiques (myotomie peren- pour la survenue d’une insuffisance rénale et le décès. De façon
doscopique ou G-POEM, pacemaker gastrique) ont été très peu intéressante, le risque relatif de progression vers une insuffisance
évalués mais pourraient être prometteurs [97] . Les troubles de la rénale terminale était par ailleurs quatre fois plus important chez
motricité digestive des amyloses héréditaires s’améliorent dans les patients porteurs d’une maladie de Crohn ou chez les patients
l’année suivant la transplantation hépatique [98] . porteurs d’un sepsis chronique, alors qu’il était deux fois plus
important quand il existait une atteinte hépatique. Les auteurs
expliquaient cette fréquence accrue au cours de la maladie de
Diarrhée chronique Crohn par un recours fréquent à la chirurgie ou par l’utilisation
Le traitement de la diarrhée chronique est souvent difficile. d’agents immunosuppresseurs.
Chez certains patients, des explorations simples conduisent à Enfin, les complications digestives peuvent être la cause de
un traitement adapté : régime sans lactose, recherche et trai- décès dans 6 à 10 % des cas au cours des amyloses AL et AA,
tement d’une colonisation chronique bactérienne du grêle ou notamment en cas d’hémorragie digestive, de perforation ou de
d’une malabsorption des sels biliaires [96] . En absence de colonisa- dénutrition sévère. Une étude a mis en évidence une corrélation
tion bactérienne chronique du grêle, certains auteurs proposent entre l’intensité de l’infiltration de substance amyloïde obser-
l’utilisation continue d’érythromycine à la dose minimale effi- vée sur des biopsies gastriques et duodénales, et une moindre
cace [96] . En cas de diarrhée réfractaire au traitement, l’octréotide survie [103] . L’atteinte digestive représente également un facteur
à la posologie de 50 à 100 ␮g par voie sous-cutanée peut réduire prédictif de moindre efficacité thérapeutique de l’association
la diarrhée et l’hypotension orthostatique associée [61] . melphalan-prednisone au cours de l’amylose AL [104] .

EMC - Gastro-entérologie 7
9-089-C-15  Amylose digestive (foie exclu)

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• L’amylose digestive s’observe le plus souvent dans le 2012;119:488–93.
[10] Zhou P, Comenzo RL, Olshen AB, Bonvini E, Koenig S, Maslak PG, et al.
cadre des amyloses systémiques. CD32B is highly expressed on clonal plasma cells from patients with
• L’amylose AL est l’amylose systémique la plus souvent systemic light-chain amyloidosis and provides a target for monoclonal
impliquée dans l’atteinte digestive, représentant de 66 à antibody-based therapy. Blood 2008;111:3403–6.
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N. Poté (nicolas.pote@aphp.fr).
Département de pathologie, Hôpital Bichat, AP–HP, 46, rue Henri-Huchard, 75877 Paris, France.
G. Goujon.
Service d’hépato-gastro-entérologie, Hôpital Bichat, AP–HP, 46, rue Henri-Huchard, 75877 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Poté N, Goujon G. Amylose digestive (foie exclu). EMC - Gastro-entérologie 2020;37(1):1-10 [Article
9-089-C-15].

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décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

10 EMC - Gastro-entérologie
 9-205-A-30

Cancers de l’œsophage (III). Prise


en charge thérapeutique
B. Menahem, G. Lebreton, A. Alves

Il existe plusieurs options thérapeutiques du traitement du cancer de l’œsophage qui dépendent du


stade tumor, node, metastasis (TNM) préopératoire. Le traitement du cancer de l’œsophage superfi-
ciel est avant tout endoscopique, et ce quel que soit le type histologique. Deux types de gestes sont
réalisés à l’heure actuelle : la résection endoscopique muqueuse et la dissection sous-muqueuse. Cette
prise en charge est validée pour les tumeurs Tis, T1 (m1-m3), T1sm1 de moins de 2 cm. Le traitement
du cancer invasif de l’œsophage peut se révéler palliatif ou curatif. Le traitement palliatif repose sur
un traitement symptomatique (la dysphagie) à l’aide d’endoprothèse métallique, de radiothérapie, de
chimiothérapie ou de combinaison de ces traitements. Le traitement curatif chirurgical repose sur une
exérèse de l’œsophage avec un curage ganglionnaire dépendant de la localisation tumorale avec un
seuil ganglionnaire de 15 ganglions minimum à atteindre. L’œsophagectomie peut se faire par deux
voies (abdominal et thoracique) ou trois voies (ajout d’un abord cervical) pour les localisations du tiers
supérieur de l’œsophage (sus-carénaire). La chirurgie de rattrapage peut se faire en cas de récidive après
radio-chimiothérapie exclusive chez les patients porteurs d’un carcinome épidermoïde de l’œsophage.
La chimiothérapie est désormais le plus souvent périopératoire et à base de 5-fluorouracile (5-FU)-sels
de platine en montrant un avantage significatif sur la survie. La radiothérapie exclusive n’a désormais
comme indication qu’un traitement symptomatique palliatif. L’association radio-chimiothérapie est uti-
lisée le plus souvent en néoadjuvant dans les cancers localement avancés (T3-T4 N0-N+), en particulier
les carcinomes épidermoïdes. Elle est aussi utilisée comme traitement exclusif des patients non opérables
ou avec des comorbidités majeures ou en adjuvant chez les patients opérés avec des marges envahies.
© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Cancer de l’œsophage ; Chirurgie ; Radio-chimiothérapie

Plan musculaire muqueuse et de 11 à 54 % en cas d’envahissement de


la sous-muqueuse, que ce soit sm1 (≤ 200 ␮m) ou sm2 ou au-delà.
■ Traitement du cancer superficiel 1 En cas de lésions superficielles, quelle que soit l’histologie, le
Traitement du cancer superficiel dans les carcinomes épidermoïdes 1 traitement endoscopique est le traitement de choix [1] . Il existe
Traitement du cancer superficiel dans les adénocarcinomes 2 à l’heure actuelle deux types de geste endoscopique : la résec-
tion endoscopique muqueuse et la dissection sous-muqueuse [2] .
■ Traitement du cancer invasif 2 Ce dernier traitement endoscopique est réservé à des patients
Prise en charge palliative 2 très sélectionnés [3] . L’efficacité et la survie sont identiques au
Traitement chirurgical curatif 2 traitement chirurgical au prix d’une morbi-mortalité significati-
Place de la chimiothérapie et/ou de la radiothérapie 4 vement réduite [4] . Ces critères sont à prendre en compte tout
Comment choisir ? 6 comme l’expérience de l’endoscopiste, l’état général du patient
Perspectives et questions non résolues 6 et l’accessibilité de la lésion. La mucosectomie endoscopique est
validée dans les tumeurs superficielles Tis, T1 (m1-m3) et T1sm1,
à condition que la lésion ne soit pas ulcérée et que son diamètre
mesure moins de 2 cm. Certains critères sont acceptés comme
 Traitement du cancer superficiel la profondeur de l’infiltration de la sous-muqueuse (≤ 500 ␮m),
l’absence d’infiltration lymphovasculaire, l’absence de faible dif-
Traitement du cancer superficiel férenciation et l’absence de cellules en bague à chaton [5] .
dans les carcinomes épidermoïdes L’avantage de la dissection sous-muqueuse comparée à la
résection est de pouvoir effectuer une résection plus profonde
Il existe certains cancers de l’œsophage dit « superficiels ». Le et monobloc, mais au prix d’une intervention plus longue et
degré d’envahissement ganglionnaire est corrélé à la profondeur d’une majoration des complications (saignement, perforation).
pariétale de l’atteinte œsophagienne ; quasi nul en cas d’atteinte En effet, cette technique est assez complexe compte tenu de
intraépithéliale ; le risque est de 8 à 15 % en cas d’atteinte de la l’étroitesse du tube, de la finesse de la paroi œsophagienne sans

EMC - Gastro-entérologie 1
Volume 37 > n◦ 1 > janvier 2020
http://dx.doi.org/10.1016/S1155-1968(19)63037-3
9-205-A-30  Cancers de l’œsophage (III). Prise en charge thérapeutique

adventice et des mouvements cardiorespiratoires. Selon la revue  Traitement du cancer invasif


japonaise multicentrique la plus récente dans le carcinome épi-
dermoïde (CE) [6] , ayant inclus 368 dissections sous-muqueuses Prise en charge palliative
chez 307 patients dans 11 centres, les résections en monobloc et
complètes étaient respectivement de 96,7 et 84,5 % entraînant Traitement symptomatique de la dysphagie
comme complications, des perforations, hémorragies et sténoses La dysphagie représente le symptôme le plus fréquent du
dans 5,2 %, 0 % et 7,1 % des cas respectivement. Toutes ces cancer de l’œsophage (70 %). Supprimer ou diminuer la dys-
complications ont été traitées par voie endoscopique. phagie équivaut à améliorer la qualité de vie. Plusieurs stratégies
L’analyse de la littérature retrouve des résections en monobloc thérapeutiques en situation palliative permettent d’obtenir ces
dans 83 à 100 %, des résections R0 dans 78 à 100 % des cas et résultats : l’endoprothèse métallique, la radiothérapie (RT), la
une récidive locale dans 0 à 6 %. Selon les recommandations de la chimiothérapie (CT), voire l’association de plusieurs de ces traite-
Société européenne de gastroentérologie, la résection muqueuse ments. S’il existe plusieurs essais randomisés, aucun n’a démontré
est privilégiée si elle est faisable en monobloc pour les lésions de de supériorité, raison pour laquelle une méta-analyse récente a
moins de 20 mm ; sinon la dissection sous-muqueuse doit être été publiée sur le sujet [16] . Au final, sept essais randomisés ont
préférée. Deux études ont comparé les résultats de ces deux tech- été sélectionnés incluant 732 patients avec trois comparaisons
niques confirmant la place limitée de la résection muqueuse pour distinctes : endoprothèse seule versus endoprothèse plus RT ou
de petites lésions au mieux inférieures à 15 mm [7] . RCT ; brachythérapie versus stent plus brachythérapie ; et stent
Cette technique de résection locale endoscopique a été décrite seul versus brachythérapie seule. Cette méta-analyse suggère que
après radio-chimiothérapie (RCT) exclusive pour CE en cas de per- le stent seul améliore la dysphagie et réduit le nombre de perfo-
sistance de lésion néoplasique ou de récidive locale [8] . Parmi les rations par rapport à la brachythérapie seule. En revanche, elle
72 patients inclus, 38 % ont développé une récidive. À trois ans, entraîne plus d’hémorragies et de fistules. Par rapport au stent
les survies globale et sans récidive étaient respectivement de 61,2 seul, la combinaison du stent et de la RT ou de la CT ou RCT
et 48,9 %. Les deux facteurs de risque indépendants de survie sans améliore significativement la dysphagie. Cette amélioration est
récidive étaient la maladie résiduelle à la fin de la RCT exclusive et surtout observée dans le sous-groupe de patients qui vivent plus
l’absence d’envahissement de la sous-muqueuse. Les auteurs sug- de trois mois. Cette combinaison améliore significativement la
gèrent que, chez des patients sélectionnés, l’exérèse endoscopique survie globale et la qualité de vie. En revanche, elle entraîne plus
après RCT exclusive est une alternative thérapeutique. d’hémorragies, de douleurs, de fistules mais moins de migration,
de pneumopathie et de resténose.
Traitement du cancer superficiel
dans les adénocarcinomes Traitement chirurgical curatif
En cas d’adénocarcinomes (ADK), le risque d’envahissement Principes généraux
ganglionnaire varie entre 15 et 25 % en cas d’atteinte de la sous-
Le but de la chirurgie est de réaliser une résection complète (R0).
muqueuse ; ce risque serait plus élevé en cas de CE [7] . Selon
La chirurgie R0 se définit comme une résection sans persistance de
Nagakawa et al., la survie à cinq ans serait moindre après résection
lésions résiduelles microscopiques (R1) ou macroscopiques (R2).
endoscopique d’un CE versus ADK superficiel (75,9 versus 88,9 % ;
Elle nécessite l’obtention de critères objectifs de radicalité :
non significatif [ns]) [9] . Le risque d’envahissement ganglionnaire
• latéralement : l’absence d’envahissement aux marges de la
est nul lorsque la musculaire muqueuse n’est pas franchie. À tumeur, ou d’une distance de plus de 1 mm entre le bord externe
l’inverse, lorsque la sous-muqueuse est envahie, le risque est cor- de la tumeur et l’adventice. La différence de survie à cinq ans
rélé à la profondeur de l’atteinte (1–3 % en cas de tumeur sm1 et est clairement différente entre les malades ayant pu bénéficier
10–30 % en cas de tumeur sm2-sm3) [10, 11] . d’une clairance incomplète versus une clairance complète (une
Pour ce qui est de l’ADK de l’œsophage et de la jonction œsogas- survie à cinq ans est comprise entre 43 et 49 % en cas de résec-
trique, l’incidence de l’envahissement ganglionnaire est de 1,3 % tion R0, alors qu’elle n’est que de 0 à 11 % en cas de résection
en cas d’atteinte muqueuse et passe à 22 % en cas d’invasion sous- R1 et inférieure à 4 % en cas de résection R2) [3] ;
muqueuse [1] . Selon la plus grande revue de la littérature ayant • aux extrémités : les recoupes supérieures et inférieures doivent
inclus 1350 patients avec un ADK intramuqueux, 26 avaient un être indemnes de tout envahissement néoplasique. Les marges
envahissement ganglionnaire (1,93 %) [12] . Selon une revue de la de sécurité recommandées sont de 8 à 10 cm au-dessus du pôle
littérature et méta-analyse de six études rétrospectives [13] , 20 % supérieur de la tumeur [17] et de 5 cm au-dessous côté esto-
des ADK seraient plus profonds que prévus. Le taux de résec- mac [18] . La prédiction de l’exérèse complète R0 s’apprécie sur
tion monobloc et R0 dans cette localisation œsogastrique serait le scanner avec l’extension ou non aux organes de voisinage
de 87 et 74,6 % respectivement, les auteurs recommandant une (trachée, aorte). Il s’agit toutefois d’une appréciation soumise
marge de 1 cm. Toutefois, aucune récidive locale et/ou à dis- à l’expérience du radiologue et à l’expertise du chirurgien. En
tance n’était observée parmi les 269 patients R0, à l’inverse des cas de désaxation au transit œso-gastro-duodénal ou de non-
69 patients dont 3,3 % ont développé une récidive locale et 2,2 % réponse à la RCT préopératoire si celle-ci est réalisée, la chirurgie
des métastases. En termes de complications, cette méta-analyse ne peut être complète [19] . L’écho-endoscopie laisse présager une
rapportait 3,4 % d’hémorragie, 2,5 % de perforation et 6,9 % de chirurgie R0 dans 90 % des cas des lésions classées us T1, T2 [20] .
sténose. La tomographie par émission de positons (TEP) va permettre
Enfin, la localisation de la jonction œsogastrique serait pré- probablement à l’avenir de prédire les possibilités de la chirurgie
dictive de moins de résection en bloc en raison de difficultés R0.
techniques comme le suggère une méta-analyse [13] . Cette
technique est particulièrement limitée en cas de lésions circon-
férentielle et/ou étendue en raison du risque de sténose [14] . Quel curage ganglionnaire ?
En cas d’analyse histologique défavorable (lésion plus profonde Le curage ganglionnaire est un principe essentiel de la chirurgie
T1sm2-sm3), le risque d’envahissement ganglionnaire conduit du cancer de l’œsophage en raison d’un risque élevé d’extension
à proposer une œsophagectomie ou une RCT chez les patients lymphatique. La double origine embryologique de l’œsophage,
refusant l’opération ou étant non opérables [3] . Selon une étude la lymphophilie de ces cancers (extension vers le haut et vers
allemande rétrospective avec score de propension [15] , 81 ayant le bas via le riche réseau sous-muqueux), l’absence de séreuse,
eu une œsophagectomie ont été comparés à 81 patients opérés expliquent la diversité des sites potentiels d’envahissement
après une exérèse endoscopique. Si les résultats opératoires à court ganglionnaire et la difficulté des choix techniques. Le curage
terme étaient comparables, la survie sans récidive à cinq ans était ganglionnaire est recommandé. En théorie, il peut être limité à
significativement plus faible dans le groupe endoscopie première l’abdomen (curage un champ), s’étendre à l’abdomen et au tho-
(85 versus 98 % ; p < 0,005) et le risque de récidive significative- rax (curage deux champs), ou s’accompagner d’un curage cervical
ment plus élevé (12 versus 1,2 % ; p = 0,015). (curage trois champs). Selon les recommandations de la Société

2 EMC - Gastro-entérologie
Cancers de l’œsophage (III). Prise en charge thérapeutique  9-205-A-30

française de chirurgie digestive (SFCD) et l’Association de chi- • pT0 : pas de signe de tumeur primitive ;
rurgie hépato-bilio-pancréatique et transplantation (ACHBT) [21] , • pTis : carcinome in situ ;
l’utilité du curage cervical n’est pas démontrée pour les cancers • pT1 : tumeur envahissant la muqueuse ou la sous-muqueuse ;
sous-carénaires [22] . Il doit, en revanche, être réalisé pour les can- • pT1a : tumeur envahissant la muqueuse ou la musculaire
cers de localisation thoracique supérieure et cervicale et en cas muqueuse ;
d’envahissement suspecté sur les examens préopératoires, quelle • pT1b : tumeur envahissant la sous-muqueuse ;
que soit la localisation du cancer [23] . Les partisans de l’extension • T2 : tumeur envahissant la musculeuse ;
au cou du curage ganglionnaire font état d’une survie respective- • pT3 : tumeur envahissant l’adventice ;
ment de 24 et 25 % à cinq ans pour les cancers avec adénopathies • pT4 : tumeur envahissant les structures adjacentes ;
cervicales envahies [24] . Ce curage cervical s’accompagne d’une • pT4a : tumeur résécable envahissant la plèvre, le péricarde ou
morbidité plus importante (notamment en termes de paralysie le diaphragme ;
du nerf récurrent et du nerf phrénique). • pT4b : tumeur non résécable envahissant les autres structures
Comme le suggère une étude de cohorte néerlandaise récente de voisinage telles que l’aorte, les corps vertébraux, la trachée ;
ayant inclus 2698 œsophagectomies réalisées entre 2005 et 2014, • pN : adénopathies régionales ;
le nombre de ganglions individualisés sur le curage est un fac- • pNx : ganglions non évalués ;
teur prédictif de survie avec un seuil à 15 ganglions examinés [25] . • pN0 : pas de signe d’atteinte des ganglions lymphatiques régio-
Le nombre de ganglions envahis est également un facteur pro- naux ;
nostique avec un seuil à quatre ganglions envahis [25] . Au final, • pN1 : une ou deux adénopathies ;
le curage ganglionnaire est recommandé dans la chirurgie du • pN2 : trois à six adénopathies ;
cancer de l’œsophage à visée curative. Pour les cancers du tiers • pN 3 : sept adénopathies ou plus.
moyen-tiers inférieur, un curage deux champs abdominal et Cette nouvelle classification tient compte des modes de diffu-
thoracique est recommandé ; le curage cervical étant proposé sions lymphophiles des cancers de l’œsophage. Ainsi les ganglions
pour les cancers du tiers supérieur. Le pronostic étant corrélé au cervicaux et cœliaques ne sont plus considérés comme méta-
nombre de ganglions analysés, il est recommandé de prélever statiques mais comme des adénopathies régionales au même
au moins 23 ganglions (thorax et abdomen) [26–28] . Toutefois, ce titre que les adénopathies intrathoraciques. Seules les adénopa-
nombre peut être inférieur, notamment chez les patients ayant thies sus-claviculaires et lomboaortiques sont considérées comme
eu une RCT néoadjuvante [29, 30] . Le curage trois champs est métastatiques. Enfin, les cancers de la jonction-œsogastrique, quel
néanmoins recommandé pour les tumeurs du tiers supérieur de que soit le type de Siewert, doivent être classifiés selon cette
l’œsophage. classification TNM de l’œsophage (source Thésaurus national de
cancérologie digestive [TNCD]).
Quelle voie d’abord ? Tumeurs situées en dessous de la veine azygos et type I
Voie d’abord pour les carcinomes épidermoïdes de Siewert. En résumé, l’œsophagectomie transthoracique par
voie abdominale et thoracique droite de Lewis-Santy avec curage
Les modalités d’obtention de la chirurgie complète
ganglionnaire deux champs abdominal et thoracique est recom-
comprennent la résection extensive « en bloc » par voie trans-
mandée pour les cancers intrathoraciques dont le pôle supérieur
thoracique et la résection limitée par voie trans-hiatale [31, 32] . La
est en dessous du milieu de la crosse de l’aorte ou de la veine
résection en bloc permet de réaliser un curage ganglionnaire deux
azygos ou encore de la carène pour certains, c’est-à-dire envi-
champs. La voie trans-hiatale ne permet une résection complète
ron à 25 ou 27 cm des arcades dentaires. Pour les tumeurs de
que des lésions du tiers inférieur et du cardia.
l’œsophage thoracique sous-carénaire et de la jonction œsogas-
Particularités des adénocarcinomes trique de type I de Siewert, l’œsophagectomie transthoracique
Une étude randomisée de l’équipe d’Amsterdam a comparé ces en bloc avec un curage deux champs étendus est recommandée.
deux voies d’abord chez 220 patients atteints d’un ADK du tiers L’œsophagectomie trans-hiatale avec curage deux champs abdo-
inférieur de l’œsophage et de la jonction œsogastrique. La résec- minal et médiastinal inférieur constitue une alternative en cas
tion R0 était respectivement de 72 et 71 % (ns) mais le nombre de contre-indication à la thoracotomie ou de risque opératoire
de ganglions était significativement plus important après chi- élevé.
rurgie transthoracique (31 versus 16 ; p < 0,001), confirmant Tumeurs situées en sus-carénaire. Pour les tumeurs de
l’étendue du curage ganglionnaire médiastinal postérieur. Si la l’œsophage sus-carénaire, un abord trois voies est recom-
mortalité était comparable entre les deux voies d’abord (2 versus mandé avec, dans ce cas, un temps thoracique droit premier ;
4 % ; ns), la morbidité postopératoire respiratoire était significa- l’anastomose étant reportée au cou pour minimiser les risques
tivement augmentée après chirurgie transthoracique (57 versus d’envahissement de la tranche œsophagienne.
27 % ; p < 0,001). En termes de fistule anastomotique, la préva- Tumeurs de type II de Siewert. Pour les tumeurs de type II
lence était comparable (14 versus 16 % ; ns). Les résultats à long de Siewert, deux gestes sont possibles : la gastrectomie totale avec
terme montraient un bénéfice non significatif de la voie transtho- œsophagectomie partielle, ou l’intervention de Lewis-Santy.
racique pour la survie globale (39 versus 29 % ; ns) et la survie Tumeurs de type III de Siewert. Pour les tumeurs de type III,
dans récidive (39 versus 27 % ; ns) [33] . À cinq ans, la voie trans- une œsogastrectomie totale avec curage similaire à celui du cancer
thoracique permettait un gain de survie de 14 % pour les ADK du de l’estomac est recommandée [3] .
tiers inférieur de l’œsophage [34] . Cette technique permet dans les Reconstruction et remise en continuité. En termes de
centres experts d’obtenir un taux de résection R0 compris entre reconstruction, la plastie gastrique est la référence. Le rempla-
75 et 94 %. Dans une méta-analyse n’ayant inclus que des ADK cement œsophagien est de principe effectué par l’estomac, plus
de la jonction œsogastrique, la voie transthoracique était associée volontiers placé dans le lit médiastinal postérieur. Les modalités
à une augmentation significative des complications respiratoires de modelage de la plastie et le type d’anastomoses mécanique
et de la durée d’hospitalisation sans impact sur la survie à long et manuelle varient selon les équipes. Toutefois, une prépara-
terme [35] . tion colique mécanique préopératoire est recommandée afin de
pouvoir utiliser, le cas échéant, le côlon, en cas de nécrose per-
Synthèse de la prise en charge chirurgicale des carcinomes opératoire de la plastie gastrique. Enfin, en cas d’atteinte de la
épidermoïdes et adénocarcinomes bouche œsophagienne, l’œsophagectomie totale avec pharyngo-
C’est le mode de diffusion lymphatique qui va avoir une inci- laryngectomie totale circulaire réalisée dans un centre expert est
dence thérapeutique. En effet, la référence de classification chez recommandée, notamment en cas de persistance et/ou de récidive
les patients opérés est la classification postopératoire tumor-node- après RCT exclusive.
metastasis (pTNM) de l’Union internationale contre le cancer Examen de la pièce opératoire. La pièce d’œsophagectomie
(UICC) révisée en 2009. Cette classification comporte les items doit être examinée en salle d’opération par le chirurgien afin
suivants : d’évaluer la qualité de l’exérèse chirurgicale. Cet examen peropé-
• pT : tumeur primitive ; ratoire comprend la mesure des marges supérieure et inférieure, la
• pTx : tumeur non évaluable ; qualité du tissu cellulo-ganglionnaire péritumoral.

EMC - Gastro-entérologie 3
9-205-A-30  Cancers de l’œsophage (III). Prise en charge thérapeutique

Place de la laparoscopie classification de Dindo-Clavien, 17,2 % des patients avaient des


complications graves (≥ IIIb). Certaines études ont observé un
Résultats généraux de morbi-mortalité
impact carcinologique pronostique négatif de la fistule anasto-
Introduite dès les années 1990, la chirurgie mini-invasive est motique [49, 52] .
en plein essor. La gastrolyse par voie laparoscopique a été, à ce
jour, la plus étudiée et publiée. Les premiers résultats montrent
une diminution des pertes sanguines, des complications respira-
Place de la chirurgie de rattrapage
toires et du nombre de jours d’hospitalisation [36, 37] . À ce jour, La chirurgie de rattrapage est indiquée en cas de persistance ou
deux études randomisées multicentriques ont été publiées, l’une de récidive néoplasique après RCT exclusive. Il s’agit des mêmes
sous forme d’articles [38] , l’autre sous forme d’abstract [39] . Dans modalités chirurgicales, mais sa réalisation est plus complexe en
ces deux études (TIME et MIRO), la laparoscopie était significati- raison de tissus irradiés et fibreux. Une revue récente de la lit-
vement associée à une réduction des complications pulmonaires térature [53] ayant inclus dix études a comparé les résultats de la
postopératoires. chirurgie de rattrapage (n = 563) à la chirurgie réalisée après RCT
La centralisation de cette chirurgie associée à la réhabilitation néoadjuvante (n = 1343).
accélérée a permis de diminuer significativement la morbi-
Résultats de morbi-mortalité de la chirurgie de rattrapage
mortalité [39–42] .
Après un suivi compris entre 60 et 72 mois, aucune différence
Résultats oncologiques significative n’était observée en termes de résection R0, de morta-
D’autres études ont rapporté des résultats carcinologiques post- lité postopératoire, de complications pulmonaires et de survie.
opératoires comparables en termes de résection R0, nombre de En revanche, la chirurgie de rattrapage était significativement
ganglions et marges, que ce soit sans [43] ou après RCT néoad- associée à une augmentation de la morbidité globale (odds ratio
juvante [44] . Selon une étude comparative nationale avec score de [OR] : 1,30) et du taux de fistule anastomotique (OR : 1,88).
propension, la laparoscopie serait significativement associée à une À ce jour, il s’agit de la plus large méta-analyse publiée. Tou-
diminution de 40 % de la mortalité postopératoire au 30e jour en tefois, une des limites de cette étude est l’absence de données
analyse multivariée. En revanche, un âge supérieur à 60 ans, la précises concernant l’indication de la chirurgie de rattrapage, à
dénutrition et les comorbidités cardiaques sont des facteurs de savoir la persistance d’un résidu tumoral ou la récidive à distance
risque indépendants de mortalité postopératoire [45] . Le bénéfice du traitement exclusif. Selon une étude française multicentrique
de l’approche thoracoscopique reste à démontrer, même si des récente [54] , ayant inclus 308 patients avec une chirurgie de
résultats suggèrent son intérêt sur les suites opératoires [38, 43] . rattrapage, la mortalité hospitalière était de 8,4 % et la mor-
Dans l’étude de Markar et al. [46] ayant comparé la chirurgie à bidité de 34,7 %. Les deux facteurs de risque indépendants de
la RCT pour les tumeurs T2-N0 de l’œsophage, la RCT n’apportait complications postopératoires étaient le CE (OR : 1,89) et la RT
aucun bénéfice et la chirurgie seule était recommandée, même si supérieure ou égale à 55 Gy (OR : 1,96). En analyse de sous-
50 % des patients avaient un envahissement ganglionnaire sur la groupes, la RT supérieure ou égale à 55 Gy (n = 54) augmentait
pièce opératoire dans cette étude nationale multicentrique. Dans significativement la mortalité, la morbidité et les fistules anasto-
cette étude, le stade T2-N0 représentait 12 % des patients (n = 355). motiques. Dans cette étude, la survie médiane était de 25,9 mois
Cette étude confirme les résultats de l’essai randomisé de la Fon- avec des survies respectives à trois et cinq ans de 43 et 34 %. Les
dation française de cancérologie digestive (FFCD) 9901 [47] . Malgré facteurs de risque de décès précoce étaient la RT supérieure ou
tout, les résultats en termes de survie étaient comparables avec ou égale à 55 Gy (OR : 1,80), les complications postopératoires (OR :
sans RCT néoadjuvante. 1,64), le stade III (OR : 2,10) et la résection R1/R2 (OR : 2,03–4,55).
En résumé, en cas de chirurgie de rattrapage, notamment pour
Résultats de la chirurgie récidive, la morbidité est augmentée (de 27 à 77 %, en rapport avec
une augmentation du taux de fistule anastomotique et de nécrose
Résultats de mortalité postopératoire de la plastie gastrique) [55, 56] . L’un des principaux facteurs serait
La mortalité hospitalière est inférieure à 10 % en population la dose de RT supérieure ou égale à 55 Gy. Raison pour laquelle
générale et inférieure à 5 % dans les centres spécialisés. Selon une certaines équipes ont proposé de privilégier la coloplastie, voire
étude nationale [48] , les résultats opératoires seraient corrélés au l’interposition d’une épiplooplastie [57] .
volume de résections réalisées. Ainsi les mortalités respectives à
30 et 90 jours seraient diminuées de 70 % entre les centres à petit
(< 20 patients/an) et haut (≥ 60 patients/an) volumes (5,7 versus Place de la chimiothérapie
1,7 % et 10,2 versus 3,6 % respectivement), et ce quelles que soient et/ou de la radiothérapie
les comorbidités du patient [48] .
Même si la chirurgie demeure le traitement de référence, les
Résultats de morbidité globale résultats de la chirurgie seule dans les cancers localement évolués
En France, nous disposons d’une base de données multicen- de l’œsophage et de la jonction œsogastrique demeurent déce-
triques (French Esogastric Tumours [FREGAT]) ayant inclus, de vants : 23 à 34 % de survie à cinq ans. Tous stades confondus, la
2000 à 2010, 2944 patients opérés d’un cancer de l’œsophage survie à cinq ans après chirurgie seule d’un cancer de l’œsophage
dans 30 centres [49] . Parmi 2439 patients non décédés et avec une ou de la jonction œsogastrique est comprise entre 33 et 41 % [58] .
résection R0, la morbidité globale était de 51,9 % (n = 1266). Les Compte tenu de ces résultats et de la morbi-mortalité non négli-
complications les plus fréquentes étaient les complications respi- geable de la chirurgie, de nombreuses équipes ont évalué l’intérêt
ratoires (34,5 %), cardiovasculaires (9,6 %), les infections du site d’un traitement néoadjuvant et/ou périopératoire à l’aide de CT
opératoire (10,3 %), le chylothorax (2,3 %) et les réinterventions et de RT dans les stades résécables localement évolués.
(12,2 %). Ces complications étaient corrélées au volume opéra-
toire de chaque centre. Ces résultats sont illustrés par cette étude
Place de la chimiothérapie
récente de cohorte danoise [50] . Dans cette étude, ayant inclus 1728
œsophagectomies de 2004 à 2013, la centralisation de la prise Principes généraux de la chimiothérapie dans le cancer
en charge s’est accompagnée d’une diminution significative de de l’œsophage
la mortalité (4,5 versus 1,7 %) mais également d’une diminution Celle-ci peut être réalisée en néoadjuvant, en adjuvant, ou enca-
du taux de fistule anastomotique (14,8 versus 7,6 %). Selon une drer le geste opératoire. Une première méta-analyse publiée en
étude multicentrique internationale [51] , ayant inclus 2704 opé- 2007 avait montré un bénéfice de la CT néoadjuvante dans les CE
rés de l’œsophage entre 2015 et 2016, la morbidité globale après et les ADK [59] . Ces résultats ont été actualisés en 2011 [60] . La plu-
œsophagectomie touche 59 % des patients et 56,7 % présentaient part des protocoles utilisés associaient du 5-fluorouracile (5-FU)
plus d’une complication. Les complications les plus fréquentes aux sels de platine, les plus récents associant aussi du paclitaxel.
incluaient les pneumopathies (14,6 %), les troubles du rythme Dans cette méta-analyse, dix études ont été incluses comparant
(14,5 %), les fistules anastomotiques (11,4 %), le chylothorax la CT plus chirurgie à la chirurgie seule (n = 2062 patients) dont
(4,7 %) et la paralysie récurentielle dans 4,2 % des cas. Selon la neuf étaient randomisées. Que ce soit pour les ADK ou les CE, la CT

4 EMC - Gastro-entérologie
Cancers de l’œsophage (III). Prise en charge thérapeutique  9-205-A-30

néoadjuvante augmentait la survie par rapport à la chirurgie seule. après RCT (49 versus 24 mois ; p = 0,003). L’écart de survie était
Dans une autre méta-analyse, la CT néoadjuvante n’augmentait ni surtout marqué dans le sous-groupe des SCC (60 versus 30 % à cinq
la mortalité, ni la morbidité postopératoire par rapport à la chirur- ans ; p = 0,008). Cependant, l’intérêt de la RCT néoadjuvante pour
gie seule [61] . Enfin, une revue de la Cochrane [62] ayant inclus dix les tumeurs de stades I et II minoritaires (25 %) n’était pas établi
études, soit 2122 patients, confirme les bénéfices de la CT néoad- dans ce travail. À l’inverse, dans l’essai FFCD 9901 qui n’incluait
juvante par rapport à la chirurgie seule en termes de résection R0 que les stades I et II, la RCT (5-FU plus cisplatine) n’apportait
et de survie globale. En revanche, dans le sous-groupe des CE, une aucun avantage en termes de survie, mais il entraînait une majo-
méta-analyse récente n’ayant inclus que des essais randomisés [63] ration non significative de la mortalité postopératoire (11 versus
rapporte la supériorité de la RCT sur la CT néoadjuvante en termes 3 %) [47] . Cependant, dans le bras RCT, il y avait 36 % de pT0N0M0
de survie. et le taux de récidive locorégionale était deux fois plus faible (15
versus 29 %). Une méta-analyse récente de Feng et al. [71] a inclus
Chimiothérapie périopératoire dans l’adénocarcinome
22 essais randomisés comparant la RCT plus chirurgie à la chirur-
La CT périopératoire à base de 5-FU–cisplatine a démontré un gie seule. Parmi ces 22 essais, la survie à un, trois et cinq ans était
avantage significatif en survie globale dans les ADK du bas œso- évaluée chez 20, 19 et 15 essais respectivement. Parmi ces essais,
phage, de la jonction œsogastrique et de l’estomac dans l’essai cinq n’incluaient que des ADK et 12 n’incluaient que des CE. S’il
randomisé FFCD-Fédération nationale des Centres de lutte contre n’existait pas de différence à un an, la RCT augmentait significa-
le cancer (FNCLCC) 9703 [64] , rappelant les bénéfices de l’essai du tivement la survie à trois et cinq ans (44 versus 30 % et 36 versus
Medical Research Council Adjuvant Gastric Infusional Chemothe- 24 %, respectivement). De plus, l’adjonction de RCT augmentait
rapy (MAGIC) dans les cancers gastriques [65] . À cinq ans, la survie significativement le taux de résection R0 (OR : 2,76) et diminuait
globale était augmentée de 12 à 13 %. Toutefois, la majorité des la récidive locale (OR : 0,49) et à distance (OR : 0,76). Par analyse
patients avait une localisation gastrique de leur cancer. Ce schéma de type histologique, on retrouvait l’effet significativement béné-
de CT périopératoire a été récemment modifié suite aux premiers fique de la RCT à trois et cinq ans, que ce soit pour l’ADK (OR :
résultats de l’essai randomisé 5-FU, leucovorine, oxaliplatine et 1,77 et 1,92) ou pour le SCC (OR : 1,57 et 1,69). En résumé, la RCT
docétaxel 4 (FLOT4) [66] . Les auteurs ont comparé deux sché- augmente les résultats à moyen et à long termes de la chirurgie
mas de CT périopératoires (celles de l’essai MAGIC versus quatre du cancer de l’œsophage, que ce soit en analyse traditionnelle ou
cycles avant et après celle de FLOT) dans les ADK de l’estomac et cumulée.
de la jonction œsogastrique. Parmi les 300 premiers patients, la
réponse histologique complète sur pièce opératoire était pratique- Comparaison de la chimiothérapie
ment 2,5 fois plus fréquente avec ce nouveau schéma de CT (16 avec la radio-chimiothérapie
versus 6 % ; p = 0,02). À la connaissance des auteurs, seuls trois essais randomisés ont
comparé la CT à la RCT néoadjuvante. Dans l’étude allemande [72] ,
Chimiothérapie adjuvante
119 patients avec un ADK localement évolué de la jonction œso-
La place de la CT adjuvante est actuellement controversée gastrique ont été inclus. Si le taux de résection R0 était similaire,
dans le cancer de l’œsophage, en particulier chez les patients N+ la réponse complète histologique (10,2 versus 2 % ; p = 0,03) et
à l’issue de la chirurgie malgré un traitement néoadjuvant par la survie globale à trois ans (47,7 versus 27,7 % ; ns) étaient en
RCT [67, 68] . Une étude de cohorte nationale a récemment éva- faveur de la RCT. Toutefois, la mortalité était plus élevée, bien
lué les résultats de ce schéma chez 300 patients, soit moins de que non significative (10,2 versus 3,8 % ; ns). Dans l’essai rando-
10 % de l’ensemble des patients. Si la CT adjuvante n’apportait misé de Burmeister et al., ayant inclus 75 patients, la survie était
pas de bénéfice dans le sous-groupe de patients pT0N0 et pT + N0, comparable mais la RCT permettait d’augmenter non seulement
la CT adjuvante diminuait le risque de décès de 30 % des la réponse complète (31 versus 8 % ; p = 0,01) mais également le
patients pTN+ et/ou ayant un ADK. Enfin, parmi les patients sortis taux de résection R0 (100 versus 89 % ; p = 0,04) [73] . Le dernier
avant le dixième jour postopératoire et non réadmis, le béné- essai publié par Klevebro et al. [74] a observé avec un résultat non
fice atteignait 40 % chez les patients pTN+ et ceux ayant un significatif une augmentation du taux de réponse complète avec
ADK.
la RCT, du taux de résection R0 mais sans effet sur la survie. À
Enfin, dans les stades métastatiques, elle est indiquée chez les
l’inverse, la morbidité postopératoire était significativement aug-
patients en bon état général. La médiane de survie varie entre 8
mentée. Selon la dernière méta-analyse [75] , ayant inclus huit essais
et 12 mois.
randomisés, soit 1274 patients (606 avec un CE et 617 avec un
ADK), la réponse complète était significativement plus fréquente
Place de la radiothérapie après RCT versus CT (OR : 4,63) tout comme le taux de résec-
La RT exclusive sans CT conserve très peu d’indications. Elle tion R0 (OR : 1,18). À l’inverse, aucune augmentation de survie
peut être discutée chez des patients trop fragiles pour être opé- globale et/ou sans récidive n’était observée entre les deux sché-
rés et pour supporter la RCT ou, à titre palliatif, pour diminuer la mas, à l’inverse de la mortalité opératoire plus élevée après RCT.
dysphagie, y compris en cas de métastases. En effet, depuis l’essai Enfin, la méta-analyse de Montagnani et al. [76] a la particularité
randomisé publié en 1992 [69] , l’association de 5-FU–cisplatine de n’avoir inclus que des SCC et montre que l’adjonction d’une
plus 50 Gy a démontré sa supériorité à la RT seule (64 Gy) en RCT à la chirurgie permet d’augmenter la survie et de diminuer
termes de survie médiane (12,5 versus 8,9 mois) et de survie à le risque de décès de 27 %. La chirurgie est habituellement réa-
cinq ans (26 versus 0 %). lisée deux à huit semaines après la fin de la RT, même si aucun
délai optimal n’a été défini. Aucune des quatre études publiées
Place de la radio-chimiothérapie n’a permis de montrer un effet bénéfique de la chirurgie retar-
dée [58] . Le délai de plus de huit semaines de la chirurgie après RCT
Principes généraux de la radio-chimiothérapie ne semble pas affecter la morbidité postopératoire et le pronostic
Elle a été évaluée en néo- et en adjuvant. La place et les moda- oncologique [77] .
lités de la RCT ont été particulièrement soulignées dans l’essai
néerlandais CROSS [70] , le plus grand essai randomisé confortant Synthèse de la prise en charge thérapeutique des cancers
l’intérêt de la RCT néoadjuvante pour les stades III (78 % de pT3 de l’œsophage résécables
et 75 % de N) sans augmentation de la morbi-mortalité opéra- En résumé, la trithérapie associant RT + CT + chirurgie est
toire (parmi les patients inclus, un quart avait un squamous cell actuellement la stratégie thérapeutique pour les cancers loca-
carcinoma [SCC] et trois quarts un ADK du tiers inférieur et de lement évolués de l’œsophage résécables (T3/T4 N0/N+) chez
la jonction œsogastrique). La RCT associant 41,4 Gy sur cinq des patients opérables, en particulier des CE [23] . Ce schéma
semaines à paclitaxel et carboplatine était significativement asso- est actuellement débattu pour les ADK de la jonction œsogas-
ciée à une augmentation de la résection R0 (92 versus 69 %) et trique. En effet, la CT périopératoire serait préférentiellement
29 % avaient une réponse complète pT0N0 [70] . Dans cette étude, proposée dans les ADK de la jonction œsogastrique, en parti-
la survie médiane était de 48,6 mois et la survie à cinq ans de 47 % culier dans les tumeurs localement évoluées résécables avec des
respectivement. La médiane de survie était multipliée par deux marges saines, un nombre de ganglions suspects d’être envahis,

EMC - Gastro-entérologie 5
9-205-A-30  Cancers de l’œsophage (III). Prise en charge thérapeutique

Figure 1. Arbre décisionnel. Can-


uT1-T2 uT1-T2 N+, uT3 N0 Ut3- N+, uT4 qqs N cers opérables. RCT : radio-chimio-
Stade IA-IB Stade IIA-IIB Stade III thérapie ; CT : chimiothérapie ; RLR :
récidives locorégionales ; CI : cancer
invasif.

Épidermoïde Adénocarcinome

Œsophagectomie Options : • RCT première, • CT pré- ou périopératoire


Options : • RCT préopératoire chirurgie de recours • RCT préopératoire
• RCT seule si CI/refus • CT préopératoire si persistance
• CT postopératoire • RCT seule si CI/refus tumorale ou Option :
si N+ • Chirurgie seule RLR opérable RCT première, chirurgie de
• RCT préopératoire recours si persistance
tumorale ou RLR opérable

d’autres suspects d’être envahis à distance de la tumeur faisant Comment choisir ?


suspecter des micrométastases et chez les patients âgés avec des
comorbidités. À l’inverse, on propose une RCT pour les tumeurs Des algorithmes, issus du TNCD, sont proposés (Fig. 1, 2).
T4, pour lesquelles il y a un risque de résection R1, pour les
tumeurs peu différenciées, et pour les tumeurs développées sur des Perspectives et questions non résolues
hernies hiatales larges. Il apparaît très clairement que la prise en
charge des CE et des ADK requiert un avis spécifique et des moda- Que proposer en cas de tumeur T3N0M0 ?
lités différentes. La RCT exclusive étant une option très attractive
Les études récentes suggèrent qu’il n’existe pas de bénéfice à
dans le cadre des CE.
réaliser un traitement néoadjuvant en cas de tumeur T2N0M0 [46] .
Issue du registre national français FREGAT [82] , une étude com-
Radio-chimiothérapie exclusive parative a récemment suggéré que le traitement néoadjuvant
augmenterait la survie des patients (T3N0M0) opérés par rapport
Cette modalité thérapeutique est devenue le traitement stan- à la chirurgie seule, en raison d’un envahissement ganglionnaire
dard des cancers de l’œsophage évolués inopérables ou des lésions sur la pièce opératoire significativement plus faible (42,9 versus
moins étendues chez les patients atteints de comorbidités ren- 64,2 % ; p < 0,001). Ainsi, quel que soit le type de traitement
dant la solution chirurgicale difficile à envisager. Secondairement, néoadjuvant ou le type histologique, les survies médianes glo-
plusieurs équipes ont étudié la possibilité de se dispenser de la bale et sans récidive étaient significativement plus élevées (38,4
chirurgie pour les cancers évolués opérables. Deux essais rando- versus 27,9 mois ; p = 0,007 et 31,6 versus 27,5 mois ; p = 0,04
misés multicentriques de phase III ont comparé la RCT exclusive respectivement). Il n’existait pas de surmorbidité postopératoire
à la RCT néoadjuvante suivie d’une chirurgie. Dans l’essai alle- de ce traitement néoadjuvant. Cette étude illustre la complexité
mand [72] , ayant inclus 172 patients avec un CE, les auteurs à classer une population hétérogène de tumeur T3N0M0, tantôt
n’observaient pas de différence de survie que ce soit à deux et dans les stades précoces stade I-II, tantôt selon les études dans
à dix ans. En revanche, la chirurgie augmentait significativement les stades évolués IIA-III. Ainsi si le TNCD recommande la chirur-
la mortalité liée au traitement (12,8 versus 3,5 % ; p = 0,03). Dans gie d’emblée en cas de tumeur T3N0M0, l’European Society for
le second essai français [78] , ayant inclus 444 patients, majoritaire- Medical Oncology (ESMO) recommande un traitement néoadju-
ment des CE, il n’existait pas de différence de survie. Les auteurs vant. Cette discordance peut être expliquée par la prévalence de
retrouvaient dans le groupe chirurgie une surmortalité à trois mois ganglions envahis dans ce stade pouvant atteindre sur les pièces
(9,3 % vs 0,8 %). Enfin, selon une méta-analyse de la Cochrane [79] , opératoires 65 à 75 % des cas.
la RCT exclusive paraît équivalente à la chirurgie sur les résultats à
court et long termes, uniquement dans le sous-groupe des patients
Que faire en cas de réponse complète après
avec un CE.
radio-chimiothérapie ?
Selon le TNCD, la réponse complète à la RCT est définie par la
Radio-chimiothérapie adjuvante disparition ou quasi-disparition en endoscopie de toute tumeur
En cas de marges chirurgicales envahies, la RCT postopératoire a endoluminale avec plus de quatre biopsies négatives ; absence de
été proposée chez des patients n’ayant pas eu de traitement néoad- progression de masse visible ou d’épaississement de la paroi œso-
juvant. À partir d’une étude de cohorte nationale ayant inclus phagienne à la tomodensitométrie (TDM) ; absence de fixation
3490 patients opérés d’un cancer de l’œsophage stades I-II, 209 significative au TEP-scan (standardized uptake value [SUV] ≤ 3) [83] .
(5,8 %) présentaient des marges envahies à l’examen anatomo- Toutefois, la certitude d’une réponse complète, par la clinique ou
pathologique. Parmi ces 209 patients, 67 (32 %) ont reçu RCT l’imagerie, est difficile à affirmer. De plus, la réponse peut être
postopératoire ; les 68 % autres patients étant significativement complète sur la tumeur et non complète sur les ganglions. Lorsque
plus âgés ou avaient moins d’envahissement ganglionnaire. La le malade est opérable, le choix entre abstention puis surveillance
médiane de survie était significativement augmentée après traite- et chirurgie est difficile car il n’y a que peu de données disponibles
ment adjuvant (32,2 versus 16,9 mois ; p = 0,008). Cette étude dans la littérature précisant la survie à cinq ans de ces groupes de
suggère que la RCT adjuvante dans les stades I-II avec marges malades et aucune étude randomisée. À l’heure actuelle, aucune
envahies apporte un bénéfice en termes de survie [80] . recommandation n’existe en cas de réponse clinique complète [84] .
Selon une méta-analyse [81] ayant inclus neuf études comparant Cette conduite à tenir doit avoir lieu au cas par cas dans une
les résultats de l’œsophagectomie première (majoritairement des ambiance multidisciplinaire, en fonction de l’âge, des comorbi-
CE) avec et sans RCT adjuvante (n = 1650), la RCT permettrait dités, de l’expertise du centre et du choix du patient. Une étude
d’améliorer le pronostic des patients N+. Cette étude montre que cas-témoin a été réalisée en intention de traiter comparant la chi-
la RCT adjuvante n’a aucun effet sur la population générale. En rurgie à la surveillance en cas de réponse complète [85] . Plus d’un
revanche, parmi le sous-groupe de patients N+, la RCT adjuvante malade sur quatre avait un CE (84 %). Dans le groupe chirurgie,
augmente significativement la survie globale à trois et cinq ans la mortalité « était de 4,2 % et 34,7 % avait un résidu tumoral sur
tout en diminuant le risque de récidive locale (20 versus 36,2 %). la pièce ; seul 3,4 % du groupe surveillance a eu une chirurgie de

6 EMC - Gastro-entérologie
Cancers de l’œsophage (III). Prise en charge thérapeutique  9-205-A-30

Figure 2. Arbre décisionnel. Can-


Métastases cers non opérables. OMS : Orga-
nisation mondiale de la santé ;
RCT : radio-chimiothérapie ; CT :
Non Oui chimiothérapie.

Envahissement
État général
trachéo-bronchique

Non Oui OMS 0-2 OMS 3-4

Fistule Dysphagie

Non Oui
Importante Peu importante

RCT exclusive Options : Prothèse


• CT puis RCT couverte ±
• Traitement trachéo- CT ± RT CT et Traitement
endoscopique bronchique traitement endoscopique
Option : endoscopique et soins
jéjunostomie ± RT palliatifs

“ Points essentiels
• Le traitement du cancer superficiel de l’œsophage repose sur deux techniques principales : la résection endoscopique muqueuse
et la dissection sous-muqueuse et a comme indications les lésions superficielles classées Tis, T1 (m1-m3) et T1sm1.
• Le traitement palliatif du cancer de l’œsophage repose sur le traitement symptomatique de la dysphagie à l’aide de moyens
médicaux (endoprothèse, radiothérapie, chimiothérapie).
• Le traitement du cancer de l’œsophage repose sur un staging initial et de réévaluation précise afin de guider le bon geste chirurgical.
• Le traitement chirurgical curatif repose sur une résection R0 avec des marges de 8 à 10 cm au-dessus du pôle supérieur de la
tumeur et de 5 cm au-dessous du pôle inférieur de la tumeur.
• Le curage ganglionnaire est systématique en raison du caractère lymphophile de ces cancers et adapté à la localisation tumorale
avec un seuil de 15 ganglions minimum réséqués.
• L’œsophagectomie transthoracique par voies abdominale et thoracique de Lewis-Santy avec curage ganglionnaire deux champs
(abdominal et thoracique) est recommandée pour les cancers de l’œsophage dont le pôle supérieur est sous la veine azygos. Pour les
cancers du tiers supérieurs, sus-carénaires, un abord cervical est recommandé. Pour les ADK de la jonction œsogastrique, les Siewert
I ont un Lewis-Santy, les Siewert II un Lewis-Santy ou une gastrectomie totale avec œsophagectomie partielle et les Siewert III une
œsogastrectomie totale avec un curage de type gastrique.

rattrapage. La survie globale (31 versus 83 mois ; p = 0,001) et la  Références


récidive (50,8 versus 32,7 % ; p = 0,021) étaient en faveur de la
chirurgie. Afin de répondre à cette question, il faut attendre les [1] Nagami Y, Ominami M, Otani K. Endoscopic submucosal dissec-
résultats de l’étude ESOSTRATE randomisée comparant ces deux tion for adenocarcinomas of the esophagogastric junction. Digestion
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GAT [87] a rapporté que la chirurgie était significativement associée current options? J Visc Surg 2012;149:e23–33.
à un taux de résection R1/R2 plus élevée (21,3 versus 10,9 % ; [4] Pech O, May A, Rabenstein T. Endoscopic resection of early oesopha-
p < 0,001), une mortalité postopératoire plus élevée (14 versus geal cancer. Gut 2007;56:1625–34.
7 % ; p = 0,003) et une augmentation de la morbidité (68,4 versus [5] Boys JA, Worrell SG, Chandrasoma P, Vallone JG, Maru DM, Zhang
56,4 % ; p = 0,006). À cinq ans, la survie globale et la survie sans L, et al. Can the risk of lymph node metastases be gauged in
récidive étaient significativement diminuées (28,8 versus 50,5 % ; endoscopically resected submucosal esophageal adenocarcinomas? A
p = 0,003 et 32,2 versus 42,5 % ; p = 0,002). multi-center study. J Gastrointest Surg 2016;20:6–12.
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EMC - Gastro-entérologie 7
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EMC - Gastro-entérologie 9
9-205-A-30  Cancers de l’œsophage (III). Prise en charge thérapeutique

B. Menahem (menahem-b@chu-caen.fr).
Service de chirurgie digestive, CHU de Caen, avenue de la Côte-de-Nacre, 14033 Caen cedex, France.
Normandie Université, UNICAEN, Inserm, ANTICIPE, esplanade de la Paix, 14000 Caen, France.
G. Lebreton.
Service de chirurgie digestive, CHU de Caen, avenue de la Côte-de-Nacre, 14033 Caen cedex, France.
A. Alves.
Service de chirurgie digestive, CHU de Caen, avenue de la Côte-de-Nacre, 14033 Caen cedex, France.
Normandie Université, UNICAEN, Inserm, ANTICIPE, esplanade de la Paix, 14000 Caen, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Menahem B, Lebreton G, Alves A. Cancers de l’œsophage (III). Prise en charge thérapeutique.
EMC - Gastro-entérologie 2020;37(1):1-10 [Article 9-205-A-30].

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