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Fission nucléaire

par Francis NETTER


Ancien Élève de l’École Normale Supérieure
Agrégé de Physique. Docteur ès Sciences
Physicien au Centre d’Études Nucléaires de Saclay

1. Généralités................................................................................................. B 3 012 - 2
1.1 Définitions .................................................................................................... — 2
1.2 Voie d’entrée ................................................................................................ — 2
1.3 Énergie d’excitation..................................................................................... — 3
1.4 Fragments et produits de fission................................................................ — 3
2. Éléments de théorie de la fission ........................................................ — 4
2.1 Énergie de fission. Barrière de fission ....................................................... — 4
2.2 Modèle de la goutte liquide ........................................................................ — 4
2.3 Théorie des voies de fission de A. Bohr .................................................... — 5
2.4 Calcul précis de la barrière de fission. Barrière à double
et triple bosses............................................................................................. — 5
2.5 Conséquences du dédoublement de la barrière ....................................... — 6
2.5.1 Isomères de fission............................................................................. — 6
2.5.2 États vibrationnels du deuxième puits ............................................. — 7
2.5.3 Structure intermédiaire dans le mécanisme de la fission............... — 7
2.6 Dynamique de la fission. Du point-selle à la scission .............................. — 7
2.6.1 Inertie. Barrière dynamique de fission.............................................. — 7
2.6.2 Dissipation d’énergie du point-selle à la scission............................ — 7
3. Probabilités de production de la fission ........................................... — 8
3.1 Fission spontanée........................................................................................ — 8
3.2 Photofission ................................................................................................. — 8
3.3 Fission induite par réaction avec des particules chargées énergiques... — 8
3.4 Fission induite par réaction avec des neutrons ........................................ — 9
4. Énergie libérée dans la fission ............................................................. — 11
5. Neutrons produits dans la fission ....................................................... — 12
5.1 Spectre en énergie....................................................................................... — 12
5.2 Neutrons instantanés. Nombre moyen par fission................................... — 12
5.3 Neutrons retardés........................................................................................ — 13
6. Fragments et produits de fission......................................................... — 14
6.1 Poisons ......................................................................................................... — 14
6.2 Distribution des masses des fragments de fission ................................... — 15
6.3 Distribution des charges des fragments de fission .................................. — 15
7. Rayonnements gamma instantanés.................................................... — 16
2 - 1970

Références bibliographiques ......................................................................... — 17

ans l’étude des propriétés de la matière nucléaire, la fission est un processus


D qui occupe une place à part, car elle permet d’accéder à des états de la
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matière qui ne sont habituellement pas atteints dans les réactions nucléaires
ordinaires ; en effet, les conditions d’études sont telles, en général, que l’on
s’éloigne assez peu des caractéristiques de l’état fondamental du noyau : les
excitations collectives ne concernent que de faibles écarts à la forme du noyau

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à l’équilibre, et les excitations particule-trou ne mettent en jeu qu’un petit nombre


de particules (article Physique du noyau de l’atome [AF 3 520] dans le traité
Sciences fondamentales). Dans la fission nucléaire, au contraire, le noyau est
le siège d’une série de fortes oscillations dont l’amplitude devient assez grande
pour que l’élongation atteinte entraîne la rupture du noyau en deux fragments
très déformés, dont les masses sont du même ordre de grandeur, ce qui
s’accompagne de la libération d’une grande quantité d’énergie. Ces conditions
extrêmes ont pendant longtemps conduit à utiliser, pour décrire le processus,
des modèles phénoménologiques. Mais, à présent que l’étude des réactions par
ions lourds a introduit en physique nucléaire des mécanismes adaptés à des
conditions qui se rapprochent beaucoup de celles de la fission, la compréhension
des propriétés de base de la fission nucléaire a progressé de façon décisive.
On s’intéressera particulièrement ici à la fission induite par les neutrons, car
c’est elle qui est mise en œuvre dans les installations d’énergie nucléaire. C’est
donc à dessein que, malgré l’intérêt théorique qu’ils présentent, ne seront pas
développés les aspects de la fission induite par les particules chargées et de la
fission produite aux très grandes énergies.

1. Généralités 1.2 Voie d’entrée

1.1 Définitions Par définition , la fission d’un noyau lourd L est représentée par
la réaction L → F 1 + F 2 + R, où F 1 et F 2 sont les deux fragments
La fission est une réaction nucléaire dont l’intérêt particulier vient de masse moyenne et où R englobe ce qui reste : neutrons émis,
des propriétés spéciales qu’elle présente, mais aussi des applications rayonnement γ immédiat. L’énergie libérée se retrouve essentiel-
qu’il peut en être fait. lement sous la forme d’énergie cinétique des deux fragments.

En général, le noyau L qui subit la fission est le noyau composé


Par définition , la fission nucléaire (désignée par le symbole f) engendré par une réaction initiale. Il y a cependant une exception,
est la coupure d’un noyau lourd en deux noyaux dont l’ordre de c’est le cas de la fission spontanée : observée dès la découverte de
grandeur des masses est la moitié de la masse initiale. Le terme la fission pour les noyaux de thorium et d’uranium, puis pour les
de fission a été emprunté aux biologistes qui l’utilisent pour transuraniens, elle se présente en général comme un processus peu
désigner la coupure en deux d’une cellule. probable, à période longue ; c’est d’ailleurs pourquoi on l’observe
encore sur des noyaux existants ; sinon, elle aurait seulement été
Précisons aussi que le partage en deux noyaux de masse trouvée sur des radioéléments artificiels.
moyenne n’exclut pas cependant la production dans la fission d’un Par exemple, il se produit environ une fission spontanée par heure
troisième noyau, léger celui-là, le plus souvent une particule α. dans un gramme d’uranium 235.
Mais ce mode de fission, dit ternaire, par opposition à la fission
binaire où n’apparaissent que deux fragments, est très rare. La voie d’entrée est particulièrement simple dans le cas de la
photofission. Le noyau initial L 0 est alors porté dans l’état excité L :
Par exemple, pour la fission engendrée par des neutrons lents dans
l’uranium naturel, le rapport de la fréquence du mode ternaire à celle du L0 + γ → L → F1 + F2 + R
mode binaire est d’environ 1/400.
C’est un processus qui ne devient notable que pour des excitations
Le fait que ces particules légères apparaissent de préférence à la suffisamment élevées, soit des rayonnements γ d’une énergie d’au
perpendiculaire de la direction d’émission des deux principaux moins 5 MeV environ.
fragments prouve qu’elles ne sont pas émises par ces fragments La réaction de fission, dans tous les autres cas, est induite par
après leur séparation, mais que leur émission s’effectue au moment une particule de masse au repos non nulle, dotée de plus ou moins
même de la scission en deux, en empruntant une part notable de d’énergie cinétique.
l’énergie de déformation alors disponible. Leur étude est donc
intéressante pour préciser les conditions qui existent à l’instant L’avantage que présentent les neutrons agissant sur le noyau
même de la séparation des fragments, mais nous ne la poursuivrons initial I :
A A+1
pas. Dans la suite, il ne sera question que de la fission binaire. Nous
Z I+n→ Z L → F1 + F2 + R
excluons de même les cas où sont produits trois fragments de masse
comparable, encore plus rares, sauf lorsque la fission est induite par est de n’avoir pas à surmonter la répulsion coulombienne si
des ions de très grande énergie (des ions argon de 400 MeV, par importante dans les noyaux lourds.
exemple).
Il peut donc y avoir fission induite par les neutrons lents . Le noyau
Notons encore qu’il n’a été jusqu’ici fait état que de noyaux émis composé L a une énergie d’excitation à peu près égale à l’énergie
dans la fission. Dans le compte des fragments de fission ne figurent de liaison du neutron additionnel, et sa vie moyenne est de l’ordre
donc pas les neutrons ou les photons libérés lors de ce processus. de 10 –14 s. La réaction est très probable dans les cas où le noyau
Si l’on fait le bilan des particules émises dans une fission, on en composé subissant la fission a un nombre de masse pair et un
trouvera évidemment bien plus de deux.

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nombre de charge pair (c’est un noyau pair-pair ). Tels sont 234 U,


236 U, 240 Pu, 242 Pu, etc., qui subissent la fission lorsque les neutrons
1.4 Fragments et produits de fission
bombardent respectivement les noyaux 233 U, 235 U, 239 Pu, 241 Pu, etc.
Dans le cas, au contraire, des noyaux composés où l’énergie de Le caractère le plus remarquable du couple des fragments F 1 et
liaison du neutron incident est moins forte, donc l’énergie d’exci- F 2 est leur asymétrie. En général, les deux fragments ont des masses
tation apportée par ce dernier plus faible, le taux de fission ne devient et des énergies cinétiques différentes, le fragment léger avec un long
notable que si le neutron a une énergie cinétique importante. Ainsi, parcours et le fragment lourd avec un court parcours.
les noyaux à nombre de masse impair, 233 Th, 239 U, 241 Pu, etc., ne
Exemple : pour la fission de 236 U par l’action d’un neutron sur
présenteront une probabilité appréciable de fission que si la réaction 235 U,le mode de partage le plus fréquent (probabilité de 7 %) est le
sur les noyaux initiaux respectifs 232 Th, 238 U, 240 Pu, etc. est
partage en deux fragments de masses voisines respectivement de 96
provoquée par des neutrons rapides.
et 140.
Si, enfin, le projectile est une particule chargée , la difficulté à
former le noyau composé, du fait de la barrière, coulombienne à La fission tend, au contraire, à devenir symétrique lorsqu’elle est
franchir, explique que la fission est observée seulement lorsque les produite à très haute énergie. La distribution des masses prend
particules incidentes ont au moins 7 à 10 MeV pour des protons et l’allure d’une courbe en cloche autour de l’unique masse la plus
des deutérons, et plusieurs dizaines de MeV pour des particules α. probable, avec une base très écartée, car il apparaît des modes de
Un intérêt spécial est porté à la réaction (d, pf) qui permet, si le proton partage peu probables mais très asymétriques. On constate aussi
sortant emporte assez d’énergie, d’explorer les mêmes noyaux L une importante proportion de fission symétrique pour la fission
fissionnant que par la réaction (n, f), mais en portant L à une énergie induite dans le radium, et ce mode de fission est la règle pour les
d’excitation inférieure à l’énergie de liaison d’un neutron, donc dans noyaux moins lourds.
un état peu excité inaccessible dans la fission par neutrons lents. L’émission de neutrons au cours de la fission ne suffit pas à sup-
Il est vrai cependant que les états de L induits par la réaction (d, p) primer le déséquilibre résultant de l’excès de neutrons que présente
ont un moment cinétique plus grand que ceux induits dans le noyau lourd L par rapport aux noyaux de masse moyenne. Les
l’absorption des neutrons lent et ne leur sont donc pas exactement fragments F 1 et F 2 , trop riches en neutrons, sont donc instables.
comparables.
Par exemple, en négligeant l’émission de quelques neutrons, on peut
95 141
associer dans la fission de 236 U les deux fragments 39 Y et 53 I . Or les
1.3 Énergie d’excitation isotopes stables correspondants sont 89 Y (six neutrons en moins) et
127 I (quatorze neutrons en moins) ; on constate un excès total de vingt
La fission est un processus exoénergétique. C’est donc une impro- neutrons, bien supérieur à ce que dissipe en moyenne l’émission
priété de langage que de parler d’un seuil d’énergie pour la fission, instantanée, soit deux ou trois neutrons.
au sens où il existe, par exemple, un seuil pour la production de
photoneutrons [réaction (γ, n)] en fonction de l’énergie des rayon- Les deux fragments vont donc se désintégrer jusqu’à parvenir à
nements γ. D’ailleurs, dans la fission spontanée, on observe la fission l’état stable. Dans un petit nombre de cas (moins d’un pour mille),
sans aucun apport d’énergie extérieure. Suivant la sensibilité avec certaines étapes sont franchies par émission de neutrons : ce sont
laquelle on détectera le processus de fission, on trouvera un seuil les neutrons retardés, qui se manifestent avec la période caracté-
différent dans la voie d’entrée considérée. ristique de la destruction du noyau dont ils sont issus.
Mais la probabilité de fission de L en fonction de son énergie Mais, dans presque tous les cas, la désintégration a lieu par radio-
d’excitation est croissante, et la pente de la courbe représentative activité β négative (article Physique du noyau de l’atome [AF 3 520]
présente un changement assez brusque qui définit ce seuil au-delà dans le traité Sciences fondamentales), ce qui équivaut chaque fois
duquel le taux de fission devient important et qui est l’analogue de à la transformation d’un neutron en un proton, assurant une
l’énergie d’activation pour une réaction chimique exothermique. approche de la ligne de stabilité des noyaux dans un processus à
masse constante , qui est plus rapide que l’approche à charge
Exemple : 239 Pu présente un seuil de photofission à l’énergie de constante effectuée avec l’émission de neutrons retardés.
rayonnement γ de 5, 31 ± 0,25 MeV, alors que sa période de fission
À chaque masse de fragment de fission correspond donc une
spontanée est de 5,5 × 1015 ans.
chaîne de produits de fission, tous radioactifs sauf celui qui constitue
Cette discontinuité dans la probabilité de fission de L est bien la fin de la chaîne parce qu’il est stable.
définie quelle que soit la voie d’entrée. S’il s’agit de la réaction d’un Par exemple :
A A+1
neutron rapide sur le noyau Z I pour former l’état excité Z L* ou 143 Xe → 143Cs → 143 Ba → 143 La → 143 Ce → 143 Pr → 143 Nd
bien de la photofission provoquée par un rayonnement γ agissant
A+1 T = 0,96 s 1,68 s 20 s 14 min 33 h 13,6 j (stable).
sur le noyau Z L dans son état fondamental, le seuil correspond
toujours à la même énergie d’excitation de L * , ce qui traduit En général, sous cette dénomination de produits de fission , on
l’existence de la barrière de fission (§ 2.1). englobe non seulement toute la chaîne des descendants, mais aussi
le fragment initial.
Lorsque l’énergie d’excitation est très élevée, comme dans la
fission induite par des particules de très grande énergie, des protons L’ensemble des produits de fission, sauf les quelques éléments
de plusieurs centaines de MeV par exemple, il se produit une stables en bout de chaîne, émet des rayonnements β et γ qui sont
évaporation de nucléons, surtout des neutrons, avant la fission ; si mêlés lorsqu’on observe globalement l’émission de rayonnement
bien que l’état d’excitation de L n’est pas, en général, aussi grand consécutive à des fissions. Des opérations de radiochimie
que l’énergie apportée par la particule incidente i pourrait le faire permettent de préciser les diverses composantes de ces
croire. La réaction peut ainsi se décomposer en un processus d’inter- spectres β et γ.
action directe avec émission d’un groupe J de nucléons : Par exemple, dans un échantillon d’uranium bombardé par des
I+i→C+J neutrons, l’émission de rayonnements dus aux produits de fission sera
largement prédominante dès que l’irradiation aura été notable, bien
suivi par l’évaporation d’un certain nombre N de nucléons dans le qu’associée aux rayonnements des autres radionuclides formés par
premier noyau intermédiaire C : capture radiative des neutrons et aux émissions permanentes dues à la
C→L+N radioactivité naturelle : ces dernières reprennent une relative impor-
tance lorsque les radioactivités de périodes courtes sont devenues
L subissant alors la fission. négligeables.

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2. Éléments de théorie La barrière de fission est définie comme l’énergie potentielle


de la fission totale du système nucléaire, exprimée en fonction des divers
paramètres qui décrivent la déformation du noyau. Le processus
de fission est alors représenté par une trajectoire qui conduit au
2.1 Énergie de fission. Barrière de fission point-selle où est franchie la barrière, puis à la scission en
empruntant des vallées de la surface multidimensionnelle de la
barrière. La figure 1 donne une illustration de cette représenta-
La fission nucléaire se manifeste de prime abord comme un
tion dans le cas simplifié de deux paramètres de déformation.
processus très exoénergétique. C’est l’aspect qui a présidé, dès
janvier 1939, à la mise en évidence historique du processus physique
de fission, quelques semaines après que Hahn et Strassmann eurent Si l’on calcule la hauteur Eb de la barrière de fission en fonction
donné la preuve chimique de la coupure du noyau lourd en deux de A, la différence E b – E = E a est l’énergie d’activation mise en jeu
fragments de masse moyenne ; simultanément, à Paris, F. Joliot dans la fission du noyau de masse A. On trouve que E a = 0 pour
collectait les fragments de grande énergie sur une feuille placée en A ≈ 250. Si E a < 0, la fission spontanée a lieu avec une grande pro-
regard d’un échantillon d’uranium irradié par des neutrons, le babilité. Si E a > 0, tant que E a reste assez petite, les effets de tunnel
parcours des fragments démontrant leur grande énergie cinétique, prévus par la mécanique quantique permettent l’apparition de
et O. Frisch, à Copenhague, observait les grandes impulsions fissions spontanées avec une période dépendant de la valeur de E a .
produites par les fragments de fission dans une chambre d’ionisation
contenant de l’uranium, lorsqu’il approchait une source de neutrons.
L’origine de cette énergie libérée, de l’ordre de 200 MeV, se trouve 2.2 Modèle de la goutte liquide
dans la loi même de variation de l’énergie moyenne de liaison par
nucléon en fonction du nombre de masse A (article Physique du Le noyau est représenté par une goutte de matière nucléaire
noyau de l’atome [AF 3 520] dans le traité Sciences fondamentales). incompressible, uniformément chargée, dont le volume constant V
On peut calculer grossièrement cet ordre de grandeur, en sup- est limité par une surface S dont on décrit la déformation par des
posant qu’un noyau de masse 240 subit la fission de façon totalement paramètres s. L’énergie potentielle de la goutte déformée est la
symétrique et en négligeant l’émission d’autres particules que les somme d’un terme coulombien de volume et d’un terme d’énergie
fragments. L’énergie de liaison par nucléon est d’environ 7,6 MeV de surface proportionnel à la surface S . Ces deux termes sont
pour la masse 240, alors qu’elle est en moyenne de 8,5 MeV aux calculés en fonction de Z et A, et l’on parvient à une expression qui
environs de la masse 120. L’énergie libérée est donc : a un maximum lorsque la déformation est telle que le noyau a atteint
le point-selle. L’énergie d’excitation a été entièrement dépensée dans
(2 × 120 × 8,5) – (240 × 7,6) = 216 MeV la déformation. Un calcul simplifié donne l’énergie d’activation en
En fait, cette énergie se manifeste essentiellement sous l’aspect MeV :
de la répulsion électrique des deux fragments. On obtient un ordre
de grandeur de cet effet en considérant la situation à l’instant de 
Z2
E a = 13 A 2/ 3 f --------------
45 A 
la scission du noyau ; soit d ≈ 1,5 × 10 –12 cm la distance mutuelle
des deux fragments, on calcule dans le cas, par exemple, d’une où f (x ) est une fonction décroissante du paramètre x qui caractérise
répartition de charge Z 1 = 54 et Z 2 = 38, l’énergie : le rapport de l’énergie coulombienne à l’énergie de surface pour la
forme sphérique. On a f (1) = 0, c’est-à-dire que pour Z 2 /A > 45, il
E = Z 1 Z 2e 2/d ≈ 200 MeV y a fission spontanée intense. On remarque que pour le domaine
de l’uranium Z 2 /(45A ) ≈ 0,8.
Cette énergie, qui sera récupérée lorsque les deux fragments se
seront beaucoup éloignés, s’exprime à l’aide des relations Le modèle de la goutte liquide s’est avéré incapable de rendre
empiriques liant Z à A, ou encore en utilisant la valeur du rayon compte de nombreux aspects du processus de fission, et il a fallu
nucléaire : recourir à des théories plus élaborées.
R = R 0 A1/3
Considérons, pour simplifier, le cas d’une fission symétrique en
deux fragments de nombre atomique Z /2 et de nombre de masse
A /2 ; l’énergie de répulsion électrostatique s’écrit :

Z 2e 2
E = ----------------------------------------------
-
4 × 2R 0 ( A / 2 ) 1/ 3

lorsque les deux fragments sont assimilés à deux sphères en contact.


On trouve la loi, constatée empiriquement, de la variation de
l’énergie cinétique totale des fragments suivant une fonction linéaire
de Z 2 A–1/ 3 .
Si l’on fait un calcul un peu moins grossier, mais toujours dans
l’hypothèse simplificatrice d’une coupure symétrique en deux
fragments identiques, de l’énergie libérée E en fonction du nombre
de masse A du noyau qui fissionne, en utilisant les formules semi-
empiriques donnant la masse d’un noyau en fonction de Z et A, et
reliant Z à A , on obtient une expression E (A ) qui est nulle pour
A ≈ 83 et positive au-delà de cette valeur. Donc pour A > 83 le
processus est exoénergétique. Mais il ne suffit pas qu’un noyau ait
Figure 1 – Représentation de la barrière de potentiel
une masse assez forte, telle que E (A ) > 0, pour que ce noyau subisse
en fonction de deux paramètres de déformation S 1 et S 2
la fission ; cela exige, de plus, que soit franchie la barrière d’énergie
potentielle qui est maximale pour une certaine déformation du
noyau.

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2.3 Théorie des voies de fission de A. Bohr À l’aide de ce modèle, on parvient notamment à rendre compte :
— de la variation, d’une résonance de neutrons à l’autre, du
rapport des probabilités relatives de la fission par neutron et de la
L’observation des propriétés de la fission induite par des neutrons capture d’un neutron sans fission ;
lents, qui correspond à des énergies d’activation à peu près égales — des corrélations angulaires entre la direction d’incidence de la
à l’énergie de liaison d’un neutron, donc de l’ordre de 6,5 MeV pour particule projectile et les directions d’émission des fragments de
la fission de 236 U par exemple, devrait faire ressortir le très grand fission ;
nombre de degrés de liberté du système nucléaire porté à un niveau — de certaines irrégularités apparaissant, dans la région des
élevé d’excitation et se scindant selon une grande variété de énergies de neutron de 100 keV à 1 MeV, pour les sections efficaces
combinaisons des deux fragments. Or les faits expérimentaux de la fission induite par des neutrons rapides : la section efficace
indiquent des régularités inattendues. C’est qu’en réalité, selon la de fission augmente ou décroît lorsque s’ouvrent respectivement
théorie de A. Bohr, on peut décrire les états excités, dont est une nouvelle voie de fission ou une voie de diffusion inélastique des
susceptible le noyau parvenu au point-selle, comme s’il s’agissait neutrons, qui entrent en compétition.
des premiers états d’excitation d’un noyau stable déformé . À ce On parvient aussi à prévoir l’allure des probabilités de fission
point, la quasi-totalité de l’énergie disponible a été consacrée à la consécutive à une réaction (d, p), par exemple sur les isotopes de
déformation, et le noyau peut être considéré comme froid ; il l’uranium et du plutonium, suivant l’énergie des deutérons incidents,
présente des états collectifs de rotation et de vibration dont seuls mettant ainsi en évidence les propriétés des divers domaines
certains seront accessibles selon les caractéristiques de la voie d’excitation du noyau composé.
d’entrée (article Physique du noyau de l’atome [AF 3 520] dans le
traité Sciences fondamentales). On suppose que l’évolution depuis Il convient cependant de ne pas considérer toutes les corrélations
le point-selle jusqu’à la scission est très rapide, et que les propriétés observées comme interprétées par ce modèle. Ainsi, on a pu montrer
de l’état final sont dominées par les états de transition qui se le rôle que joue la réaction (n, γ f), c’est-à-dire l’émission d’un rayon-
présentent au point-selle. Les voies de sortie de la fission sont nement γ par le noyau composé préalablement à la scission, pour
définies par les états collectifs au point-selle (figure 2). le noyau cible 239 Pu. Si l’on tient compte de cette voie de sortie
particulière, certains effets que l’on avait cru pouvoir attribuer au
Par exemple, dans le cas de la réaction de neutrons s (de moment rôle des voies de sortie correspondant respectivement aux états 0 +
orbital  = 0) sur 239 Pu, noyau cible de spin et parité 1/2+ , les états et 1 + disparaissent.
possibles du noyau composé ont les caractéristiques 0+ ou 1+ . Ainsi, la Mais la théorie de A. Bohr, de même que les formes les plus
voie de sortie 0+ se présente dans la bande fondamentale des niveaux élaborées du modèle de la goutte liquide, laissent inexpliqués bien
de rotation au point-selle (et éventuellement dans la bande quadru- des faits expérimentaux : dans la fission induite dans 235 U par des
polaire édifiée sur une vibration β). Au contraire, la voie de sortie 1+ ne neutrons lents, la théorie de Bohr prédit (à partir du noyau cible (7/2)–
pourra se manifester qu’à une excitation nettement plus élevée (de qui, avec des neutrons s , donne des états résonnants 3 – et 4 – que
l’ordre d’un MeV de plus) où des états à deux particules apparaissent. l’on peut trouver dans les bandes octupolaires K = 0 – , K = 1 – et K = 2 –
Cela se traduit dans la distribution des largeurs de fission dans les au point-selle) un nombre de voies de fission nettement plus grand
résonances (article Physique des neutrons et interaction rayonnements- que l’analyse statistique des largeurs de fission des résonances ne
matière [B 3 010]). le donne ; la décroissance des hauteurs des barrières de fission en
fonction de Z 2 /A , prédite par le modèle de la goutte liquide (§ 2.2),
n’est pas non plus bien vérifiée. Mais surtout des effets entièrement
originaux, comme l’existence d’isomères de fission et l’apparition
de structures intermédiaires dans les sections efficaces de la fission
sous le seuil, n’ont trouvé leur explication que grâce à des progrès
théoriques décisifs qui ont introduit l’influence des couches pour le
calcul des barrières de fission dans des états très déformés.

2.4 Calcul précis de la barrière de fission.


Barrière à double et triple bosses
L’état initial dans la fission nucléaire est en général très bien défini.
C’est le plus souvent un état du noyau composé ; en particulier dans
le cas de la fission induite par des neutrons lents, les techniques
très fines d’étude des résonances permettent de bien connaître les
caractéristiques du niveau de départ. Pour expliquer des détails dans
les courbes de sections efficaces, on ne peut pas se contenter de
l’évaluation grossière de la barrière de fission ; il faut améliorer son
évaluation.
Un calcul fondé sur un modèle microscopique, par la méthode
de Hartree-Fock (article Physique du noyau de l’atome [AF 3 520]
dans le traité Sciences fondamentales), est encore trop difficile en
général, bien qu’entrepris dans certains cas.
La détermination de la barrière de fission est effectuée à présent
Figure 2 – États collectifs de transition au point-selle
en associant à un terme d’énergie potentielle dérivé d’un modèle
pour un noyau pair-pair
macroscopique, le plus souvent celui de la goutte liquide plus ou
moins perfectionné, un second terme qui est une correction
d’énergie liée au modèle en couches (article Physique du noyau de

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l’atome [AF 3 520] dans le traité Sciences fondamentales). Ce second Le premier exemple a été 242 Am de 14 ms de durée de vie, formé
terme est évalué à partir de la densité des niveaux à une particule historiquement dans la réaction 238 U + Ne, mais aussi dans
au voisinage de l’état fondamental déformé. Le premier terme seul 243 Am (n, 2n), qui a permis de mesurer l’énergie d’excitation de
donne une barrière à une seule bosse, mais le second terme présente l’isomère : 2,9 ± 0,4 MeV.
un caractère oscillatoire en fonction de la déformation. Pour les
On connaît actuellement environ 35 isomères de fission, de U à Cf.
noyaux dont le nombre de neutrons est voisin de 146, le second
Dans le cas de l’isomère de fission, de 4 ns de période, de 240 Pu formé
terme prend une valeur fortement négative pour une déformation
par la réaction 238 U (α, 2n), on a pu mettre en évidence la bande
correspondant au maximum du premier terme. Il apparaît donc une
barrière de fission présentant deux bosses séparées par un second de rotation correspondante en détectant les électrons de conversion
puits profond (figure 3). Les valeurs négatives du second terme se précédant la fission ; le grand moment d’inertie de cette bande
manifestent pour des déformations d’autant plus grandes que le montre bien qu’il s’agit d’un état très déformé.
nombre de masse est plus grand. Donc la barrière interne A est plus
haute que la barrière externe B pour les plus lourds des noyaux
fissiles, alors qu’elle est plus basse que B pour les plus légers.
Les calculs les plus raffinés se distinguent par la complexité de
leur description de la déformation du noyau. C’est ainsi que l’on a
pu, par exemple, considérer le système formé par deux sphéroïdes
de volumes inégaux et de déformations différentes raccordés par
un étroit col. De même, on a essayé de mieux représenter l’allure
du processus en calculant le second terme à partir d’un potentiel
de modèle en couches à deux centres.
Une conséquence de l’introduction d’asymétries dans la déforma-
tion se retrouve dans la hauteur des barrières : la barrière interne
est abaissée par une asymétrie des axes de l’ellipsoïde de déforma-
tion, alors que la barrière externe est abaissée par une asymétrie
en masse (figure 4). Ce dernier fait explique l’asymétrie de la dis-
tribution des masses des fragments dans la fission à basse énergie
des actinides, effet bien connu, mais qui était resté inexpliqué bien
que manifestement lié au modèle en couches, comme en témoigne
la fixité du groupe des fragments autour des valeurs Z = 50 et N = 82
pour les divers noyaux, et la structure fine de la distribution en masse
favorisant les fragments à couche saturée de nucléons (figure 15).
Un calcul particulièrement précis de l’énergie potentielle dans la
région du deuxième point-selle, avec un potentiel du modèle en
couches qui s’annule pour de grandes valeurs du rayon, montre que
cette barrière est en réalité, dans certains cas, et notamment pour Figure 3 – Barrière de fission calculée avec la correction
les isotopes pairs du thorium, séparée en deux par un troisième liée aux couches
minimum assez peu marqué correspondant à une distorsion
asymétrique. Ainsi, avec une déformation encore plus grande que
dans le second puits, une nouvelle famille d’états vibrationnels
métastables (dits de classe III) existera dans le troisième puits. C’est
sans doute l’explication de la structure fine observée dans la section
efficace de fission induite par des neutrons rapides d’énergie E n dans
les isotopes 230 Th (autour de E n = 720 keV) et 232 Th (autour de
E n = 1,4 et 1,6 MeV).

2.5 Conséquences du dédoublement


de la barrière
L’existence d’une barrière à deux bosses a pour principale
conséquence la possibilité d’avoir dans le second puits des états
métastables très déformés qui expliquent d’importants faits
expérimentaux.

2.5.1 Isomères de fission


Ce sont des isomères de forme, correspondant à des états très
déformés dans le deuxième puits et qui, pour autant qu’ils aient pu
être formés dans une réaction nucléaire, subiront une fission Figure 4 – Surface d’énergie potentielle
spontanée. La forte barrière interne interdit pour les plus lourds des en fonction de déformations symétrique
noyaux fissiles leur désexcitation par émission de rayonnements γ et asymétrique (octupolaire ici)
vers les états du premier puits, alors que la barrière externe, moins
épaisse à traverser que la double barrière totale, assure à ces états
des périodes de fission spontanée beaucoup plus courtes que pour
l’état fondamental.

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2.5.2 États vibrationnels du deuxième puits 2.6.1 Inertie. Barrière dynamique de fission
Ces états, dits de classe II, présentent une grande déformation. Si l’on calcule le moment d’inertie du système nucléaire fission-
Si l’énergie disponible est à peu près égale à celle qui correspond nant en fonction de la déformation, on obtient une expression de
à l’excitation d’un de ces états, la probabilité de pénétration de la la barrière qui dépend de ce paramètre variable d’inertie. Lorsqu’on
barrière de fission augmente fortement, ce qui se traduit par une considérait cette inertie comme constante, la trajectoire de fission
résonance dans la courbe représentant les variations de la section suivait les valeurs extrémales de la surface de potentiel, on avait une
efficace de fission en fonction de l’énergie. barrière statique . Ici, la trajectoire de fission, déterminée par le
Un bon exemple en est le pic observé pour une énergie de neutrons principe de moindre action, ne passe plus par le point-selle de la
de 720 keV dans la réaction 230 Th (n, f). barrière statique, et l’on franchit une nouvelle barrière, dite barrière
dynamique. Le calcul a été tenté pour la fission spontanée de 240 Pu.
L’étude de ces états de classe II comporte également la mise en On peut, pour ce noyau comme pour d’autres, retrouver les valeurs
évidence, dans les cas où elles ne sont pas trop faibles, de transitions expérimentales des périodes de fission spontanée en adaptant
γ vers les états de classe I, donc en particulier pour les noyaux les convenablement le jeu des paramètres introduits dans la théorie.
moins lourds, car la barrière interne est moins épaisse.

2.6.2 Dissipation d’énergie du point-selle


2.5.3 Structure intermédiaire à la scission
dans le mécanisme de la fission
Une importante quantité d’énergie, de l’ordre de 15 MeV pour la
Les structures observées dans les variations de la section efficace fission par neutrons lents des actinides les moins lourds, est libérée
de fission avec l’énergie des neutrons incidents peuvent être d’une du point-selle à la scission au cours d’un processus si rapide qu’il
autre nature que celles déjà recensées et qui s’expliquent par la est difficile de le supposer adiabatique. Une part peut en être dissipée
considération soit des voies de sortie de fission (§ 2.3), soit des par viscosité de la matière nucléaire (article Physique du noyau de
résonances vibrationnelles (§ 2.5.2). Il s’agit alors du couplage entre l’atome [AF 3 520] dans le traité Sciences fondamentales),
les états du noyau composé de classe I et de classe II. conduisant à une excitation intrinsèque des fragments, au lieu d’être
Cet effet fut observé pour la première fois dans la section efficace entièrement fournie sous forme d’énergie cinétique communiquée
de fission induite par des neutrons de quelques dizaines à quelques aux fragments au moment de la scission.
centaines d’électronvolts dans 237 Np. Là encore, on est en dessous Ainsi, l’énergie cinétique totale des deux fragments de fission est
de seuil, c’est-à-dire à une énergie inférieure à la hauteur de la égale à la somme de l’énergie de Coulomb et de l’énergie cinétique
barrière, et la section efficace de fission est très petite car le initiale qui leur est communiquée dans la descente du point-selle
processus s’effectue par effet tunnel. Les résonances correspondant à la scission. L’énergie d’excitation totale de ces fragments est égale
aux états du noyau composé 238 Np sont connues par la détermina- à la somme de l’énergie d’excitation du système et de l’énergie de
tion de la section efficace totale, qui montre qu’elles sont régulière- déformation de chaque fragment à l’instant de la scission. La
ment distribuées avec un espacement moyen de 0,5 eV. Au contraire, comparaison entre diverses hypothèses sur le taux d’amortissement
les résonances observées dans la fission sont groupées par paquets et les abondants résultats expérimentaux (l’énergie d’excitation des
espacés d’environ 50 eV. L’explication est donnée par le rôle des états fragments étant évaluée à partir des émissions de neutrons prompts
du noyau composé dans le deuxième puits. Lorsque des états du et de rayonnements γ instantanés) est rendue difficile du fait que
noyau composé de classe I (les états de classe I sont ceux observés les énergies mesurées traduisent la situation après la scission et non
dans la section efficace totale) ont le même spin et la même parité au moment même de celle-ci.
qu’un état de classe II et une énergie à peu près identique, leur On constate par exemple, pour des noyaux pairs-pairs fissionnant
probabilité de fission est brutalement accrue, du fait du couplage soit par fission spontanée, soit en tant que noyaux composés formés
établi à travers la barrière interne entre les états de classe I et de par l’absorption de neutrons thermiques, que l’énergie totale des
classe II, et grâce à la grande probabilité de fission de ces derniers fragments est plus grande dans le second cas que dans le premier,
qui n’ont à vaincre que la barrière externe. On a confirmé cette inter- mais d’une quantité inférieure à l’énergie de liaison du neutron
prétation en mesurant, à l’aide de neutrons polarisés et d’une cible incident. C’est donc qu’il n’y a pas amortissement total, mais qu’il
de noyaux 237 Np orientés, les spins de toutes les grandes résonances y a un certain degré d’amortissement. L’énergie dissipée se retrouve
de fission du groupe avoisinant l’énergie de neutron de 40 eV : ils dans l’excitation des fragments, ce que démontre la plus grande
ont été trouvés identiques (J = 3), ce qui détermine le spin, J = 3, valeur mesurée pour le nombre moyen ν de neutrons émis par
de l’état de classe II responsable de cette structure intermédiaire. fission dans le second cas que dans le premier.
Cet effet est assez général et a été mis en évidence, dans la fission Une étude de la fission du noyau 240 Pu, incluant la fission
induite par neutrons, dans d’autres noyaux non fissiles par les spontanée de l’état fondamental, celle de l’isomère (4 ns), la réaction
neutrons lents, tels 234 U, 238 U, 240 Pu. 239 Pu (n, f) avec des neutrons thermiques et la réaction 239 Pu (d, pf),
semble indiquer que différents comportements dynamiques peuvent
se présenter.
2.6 Dynamique de la fission. Un premier comportement, valable notamment pour les deux cas
Du point-selle à la scission de la fission spontanée considérés, ne présente pas d’amortissement
notable. Au contraire, dans la plupart des cas de 239 Pu (d, pf) et pour
239 Pu (n, f), l’amortissement jouerait un rôle important. Cet exemple
La pénétrabilité de la barrière de fission n’est pas déterminée
complètement par le calcul, si soigneux soit-il, de cette barrière. La démontre qu’il serait imprudent d’énoncer des lois générales de la
limitation ne vient pas seulement de la précision actuelle des calculs dynamique de la fission sans explorer le rôle des diverses voies
de barrière effectués à ± 1 MeV près. Il faut aussi connaître le para- d’entrée.
mètre d’inertie du système en cours de déformation. Il faut encore Ces études de dynamique de la fission sont en rapport étroit avec
explorer le passage du point-selle à la scission finale et savoir quel celles des mécanismes des réactions entre ions lourds. Elles sont
est le degré d’amortissement du mode de fission, c’est-à-dire suivant un des aspects de cette macrophysique nucléaire actuellement en
quelle répartition l’énergie disponible se partage entre l’énergie plein développement.
cinétique et les excitations intrinsèques du système. Certaines de
ces excitations intrinsèques ont été envisagées déjà au franchisse-
ment de la barrière, mais elles jouent un rôle important dans la
détermination des propriétés des deux fragments au stade ultime
de leur séparation.

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3. Probabilités de production de rayonnement de freinage. Le tableau suivant donne des valeurs


moyennes du rapport des largeurs de neutron et de fission Γn /Γf
de la fission mesuré avec du rayonnement de freinage d’énergie
maximale 12 MeV. (0)

3.1 Fission spontanée


Noyau 230 Th 232 Th 233 U 234 U 235 U 236 U 238 U 237 Np 239 Pu
fissionnant
Le tableau 1 rassemble des valeurs de périodes de fission
spontanée pour de nombreux éléments. (0) 10 1 4 0,3
Γn /Γf 4,9 1,6 1,6 2,1 1,0
à 12 à 1,6 à 4,9 à 0,4

Tableau 1 – Périodes de fission spontanée


Période Période 3.3 Fission induite par réaction
Isotope (années) Isotope (années) Isotope Période avec des particules chargées énergiques
230 Th b 1,5 × 1017 242 Am 9,5 × 1011 254 Es 60 j
232 Th 1,4 × 1018 243 Am 3,3 × 1013 255 Es 7 × 105 ans Avec des particules chargées de grande énergie, on peut
232 U 8 × 1013 240 Cm 1,9 × 106 246 Fm 1,5 × 105 ans provoquer des réactions de fission dans des noyaux non fissiles par
233 U 1,2 × 1017 242 Cm 7,2 × 106 248 Fm 2 440 ans neutrons lents. La probabilité devient d’autant plus faible que le
234 U 1,6 × 1016 244 Cm 1,4 × 107 250 Fm 15 s noyau est moins lourd (sauf pour 208 Pb qui est un noyau doublement
235 U 1,8 × 1017 246 Cm 2 × 107 252 Fm 10 h saturé). Les figures 5 et 6 donnent des exemples pour les
236 U 2 × 1016 248 Cm 4,6 × 106 254 Fm 10 ans réactions (p, f) et (α, f).
238 U 1016 250 Cm 2 × 104 255 Fm 115 ans
237 Np > 1018 249 Bk 1,65 × 109 256 Fm 0,6 an
236 Pu 3,5 × 109 246 Cf 2,1 × 103 257 Fm 1,2 × 104 ans
238 Pu 4,9 × 1010 248 Cf 4,1 × 104 252 No 3h
239 Pu 5,5 × 1015 249 Cf 1,5 × 109 256 No 120 ans
240 Pu 1,2 × 1011 250 Cf 1,7 × 104 256 Lw ≈ 7,5 s
242 Pu 7 × 1010 252 Cf 85,5 257 Lw ≈ 1 500 s
244 Pu 2,5 × 1010 254 Cf 261 Rf >1j
241 Am 2,3 × 1014 253 Es >1j
b 650 s

On constate que le paramètre Z 2/A ne permet pas de décrire


avec précision les variations de la période de fission spontanée. On
note aussi que, pour les noyaux de nombre de masse impair, la
probabilité de fission spontanée est beaucoup plus faible que la
valeur prédite par extrapolation des données sur les noyaux
pairs-pairs.

3.2 Photofission

Lorsqu’un noyau lourd est excité par l’absorption d’un rayonne-


ment γ, il peut y avoir compétition entre la réémission d’un rayon-
nement γ, ou d’une cascade de rayonnements γ, et l’émission d’un
ou de plusieurs neutrons [réactions (γ, n), (γ, 2n), (γ, 3n), etc.], et la
fission.
La photofission des noyaux pairs-pairs s’interprète de façon
particulièrement simple, car on part d’un noyau cible 0 + , et l’absorp-
tion dipolaire d’un photon donne un noyau excité avec un spin 1
et une parité négative, ce qui permet le passage par un état de transi-
tion 1– de la bande de rotation K = 0 avec asymétrie de masse.
Il est utile de connaître les principaux seuils de photofission. (0)

Noyau 232 Th 233 U 235 U 238 U 239 Pu


Figure 5 – Sections efficaces de fission induite par des protons
Seuil (MeV) 5,40 ± 0,22 5,18 ± 0,27 5,31 ± 0,27 5,08 ± 0,15 5,31 ± 0,25 sur divers noyaux cibles

Les probabilités de photofission mesurées pour les noyaux de


232 Th à 239 Pu sont grossièrement reliées par une relation linéaire
en Z 2/A. Il faut être prudent dans l’emploi des valeurs de largeurs
de fission résultant de mesures effectuées avec un spectre continu

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Figure 6 – Sections efficaces de fission induite


par des particules  sur divers noyaux cibles

3.4 Fission induite par réaction Le tableau 2 rassemble des données relatives non seulement aux
trois principaux noyaux, mais à un grand nombre de transuraniens.
avec des neutrons
La variation des sections efficaces avec l’énergie des neutrons (ou
leur vitesse v ) est, en premiere approximation, décrite par la loi
Le cas le plus remarquable est celui des noyaux à nombre de
σ E = Cte (ou σ v = Cte ) pour les neutrons très lents. Mais, en
masse impair qui, sous l’action des neutrons lents, conduisent
avec une grande probabilité à des processus de fission. Les trois réalité, dès la région thermique, l’influence des résonances, très
plus importants sont 233 U, 235 U et 239Pu correspondant aux denses, se fait sentir. On peut rendre compte des principales
noyaux fissionnant 234 U, 236 U et 240 Pu. résonances par des formules de Breit et Wigner, perfectionnées
parfois par des termes d’interférence. Les mesures des sections
Les valeurs de référence, déterminées avec beaucoup de précision, efficaces de résonance ont été poussées à un très haut degré de
sont les sections efficaces de fission σ f pour les neutrons mono- précision, et l’on trouvera les valeurs des paramètres de centaines
cinétiques dont la vitesse est égale à 2 200 m · s –1 . Dans les applica- de ces résonances soigneusement tabulées [4].
tions aux réacteurs nucléaires, il est commode d’avoir dans la même
table les valeurs des sections efficaces d’absorption σa (comprenant Nous extrayons, sur les figures 7, 8 et 9 des pages du volume II
de l’atlas BNL 325 donnant les sections efficaces de fission
aussi la capture radiative sans fission σa = σf + σc ) et le rapport
α = σc /σf de la section efficace de capture à celle de fission. respectivement de 233 U, 235 U, 239 Pu sous l’action de neutrons
d’énergies comprises entre 10 –3 eV et 30 MeV, certaines courbes
En fait, dès la région thermique se fait sentir l’influence des très moyennes donnant une idée de l’allure des variations avec l’énergie.
nombreuses résonances que les sections efficaces présentent pour
les neutrons en ralentissement et dont la prise en considération est Dans la région des neutrons thermiques, on peut préciser ces
essentielle pour la théorie des réacteurs nucléaires, en particulier en caractères pour les trois principaux noyaux.
utilisant les intégrales de résonance (article Physique des neutrons ■ 233 U + n : la loi en 1/v est sensiblement applicable dans la région
et interaction rayonnements-matière [B 3 010]) de fission : thermique ; une très faible résonance existe à 0,17 eV ; la section
efficace thermique s’explique par une forte résonance négative

If = ∞
0,5
dE
σ f ---------
E
assez lointaine ; de très nombreuses résonances sont observées
au-dessus de 1 eV, dont les quatre premières sont à 1,55 eV, 1,79 eV,
2,17 eV (faible) et 2,29 eV.
et de capture radiative :
■ 235 U + n : la loi en 1 /v n’est pas applicable dans la région

Ic = 
0,5
∞ dE
σ c ---------
E
thermique, mais l’écart reste faible ; une ou deux résonances
négatives, la première très voisine de l’origine, sont nécessaires pour
rendre compte des résultats ; la première résonance positive est à
ou parfois d’absorption : 0,285 eV, suivie d’une autre à 1,135 eV.
■ 239 Pu + n : la loi en 1/v ne s’applique pas du tout, car une réso-
Ia = ∞
0,5
dE
σ a --------- = I f + I c
E
nance très intense existe à 0,296 eV ; elle gouverne la section efficace
thermique, avec la contribution d’une résonance négative proche de
l’origine ; les paramètres de cette résonance à 0,296 eV sont (pour
où E est l’énergie du neutron incident et où l’énergie de départ a l’interprétation, article Physique des neutrons et interaction rayon-
été par convention fixée à 0,5 eV (proche de la coupure d’un écran nements-matière [B 3 010]) J = 1 ; 2g Γn = 0,110 ± 0,005 eV :
de cadmium).
Γ = 99 ± 4 meV ; Γγ = 39 ± 3 meV ; Γf = 60 ± 4 meV

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(0)

Tableau 2 – Caractéristiques de la fission induite par réaction avec des neutrons


Sections efficaces pour les neutrons de 2 200 m · s–1 Intégrales de résonance
f a   c  If Ic  Ia
Noyau cible Période
 
b b b b

233 U 1,553 × 105 ans 531,1 ± 1,3 578,8 ± 2,0 0,089 9 ± 0,004 764 ± 13 140 ± 6
235 U 7,13 × 108 ans 582,2 ± 1,3 680,8 ± 1,3 0,169 ± 0,002 275 ± 5 144 ± 6
239 Pu 2,439 × 104 ans 742,5 ± 3 1 011,3 ± 4,2 0,362 ± 0,004 301 ± 10 200 ± 20
238 Pu 87,8 ans 16,5 ± 0,5 564 ± 20 24 ± 4 141 ± 15
[σc = 547 ± 20]
240 Pu 6 540 ans 0,030 ± 0,045 [σc = 289,5 ± 1,4] 8 013 ± 960
241 Pu 15 ans 1 009 ± 8 1 377 ± 10 0,365 ± 0,009 570 ± 15 162 ± 8
[σc = 368 ± 10]
242 Pu 3,87 × 105 ans < 0,2 18,5 ± 0,4 5 1 130 ± 60
243 Pu 4,96 h 196 ± 16 [σc = 60 ± 30]
202 ± 20 (1)
241 Am 433 ans 3,15 ± 0,10 [σc = 832 ± 20] 21 ± 2  1 275 ± 120
242 Am* (1) 152 ans 6 600 ± 300 8 000 ± 800 1 570 ± 110 7 000 ± 2 000
[σc = 1 400 ± 860]
243 Am 7 370 ans < 0,07 [σc = 79,3 ± 0,2] (2) 1 820 ± 70
244 Am 10,1 h 2 300 ± 300
244 Am*(2) 26 min 1 600 ± 300
243 Cm 28 ans 600 ± 50 825 ± 125 1 860 ± 400 2 345 ± 470 = Ia
244 Cm 17,9 ans 1,2 ± 0,1 [σc = 13,9 ± 1,0] 12,5 ± 2,5 650 ± 50
245 Cm 8 500 ans 2 020 ± 40 [σc = 345 ± 20] 750 ± 50 101 ± 8
(1) 242 Am*
(152 ans) est un état excité de 242 Am. L’état fondamental a une période de 16,02 h et une section efficace de fission pour les neutrons de 2 200 ms–1 :
σf = 2 900 ± 1 000 b. Il est formé par capture radiative d’un neutron dans 241Am avec une section efficace σc = 748 ± 20 b associée à une intégrale de résonance
Ιc = 1 275 ± 120 b, alors que l’intégrale de résonance pour 241Am, Ιc = 202 ± 20 b, est relative à la formation de 242Am* (152 ans) ainsi que la section efficace
σc = 83,8 ± 2,6 b.
(2) La répartition des cas de capture radiative s’effectue suivant σc = 75,2 b pour la formation de 244Am dans l’état excité (26 min) et σc = 4,1 ± 0,2 b pour la formation
de 244 Am dans l’état fondamental (10,1 h).

On note que la seconde résonance positive se présente seulement


à 7,82 eV.
La statistique des résonances fait ressortir les valeurs de l’espace-
ment moyen < D > et des fonctions densités (article Physique des
neutrons et interaction rayonnements-matière [B 3 010]) S0 pour les
neutrons d’onde s (  = 0) et S1 pour les neutrons d’onde p (  = 1).
(0)
233 U +n 235 U +n 239 Pu +n

<D> 0,68 ± 0,06 eV 0,63 ± 0,06 eV 2,3 ± 0,1 eV


104 · S0 1,1 ± 0,2 0,92 ± 0,10 1,3 ± 0,1
104 · S1 ............................ 1,8 ± 0,3 2,3 ± 0,4

On doit aussi noter que le rapport α de la section efficace de capture


sans fission à la section efficace de fission varie beaucoup d’une
Figure 7 – Section efficace de fission de 233 U [4]
résonance à l’autre.
Dans la région des neutrons rapides, au-delà de quelques dizaines
de keV, de nombreux noyaux présentent une section efficace de On trouvera au tableau 3 une liste des valeurs moyennes des
fission appréciable. L’allure générale des variations avec l’énergie sections efficaces de fission induite par des neutrons rapides, prises
des neutrons incidents sur un grand nombre de noyaux est donnée entre les énergies de neutrons de 3 et 5 MeV et rapportées à la section
sur la figure 10. efficace de 235 U (n, f) dont la valeur moyenne dans le même domaine
d’énergie est 1,16 b.

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Figure 8 – Section efficace de fission


de 235 U [4]

Tableau 3 – Valeurs moyennes des sections efficaces


de fission induite par des neutrons rapides (3 à 5 MeV)
 (n, f)  (n, f)
Noyau Noyau
[valeurs rapportées [valeurs rapportées
cible cible
à 235U (n, f)] à 235U (n, f)]

230 Th 0,33 ± 0,07 239 Pu 1,536 ± 0,017


231 Th 0,17 ± 0,03 240 Pu 1,396 ± 0,031
232 Th 0,127 ± 0,03 241 Pu 1,236 ± 0,017
231 Pa 1,22 ± 0,16 242 Pu 1,120 ± 0,019
239 Pu
232 U 1,8 ± 0,3 243 Pu 1,02 ± 0,15
Figure 9 – Section efficace de fission de [4] 233 U 1,467 ± 0,028 244 Pu 0,960 ± 0,018
234 U 1,246 ± 0,013 241 Am 1,762 ± 0,049
236 U 0,780 ± 0,008 242 Am* 1,6 ± 0,2
237 U 0,50 ± 0,08 243 Am 1,527 ± 0,039
238 U 0,483 ± 0,004 243 Cm 1,9 ± 0,3
239 U 0,41 ± 0,06 245 Cm 1,72 ± 0,20
237 Np 1,308 ± 0,020 248 Cm 1,42 ± 0,12
238 Pu 1,86 ± 0,10 252 Cf 2,2 ± 0,3

4. Énergie libérée dans la fission


L’énergie totale libérée dans la fission est principalement
constituée par l’énergie cinétique des deux fragments (§ 2.1 et 2.6.2).
Mais il faut aussi mentionner l’énergie emportée par les neutrons
et les rayonnements γ émis instantanément, ainsi que l’énergie
résultant de la décroissance radioactive des produits de fission
(électrons, photons, neutrons retardés, sans oublier les neutrinos
émis dans les radioactivités β).
L’énergie cinétique moyenne dans la fission provoquée par les
Figure 10 – Variation, pour divers noyaux, neutrons thermiques dans les trois principaux noyaux fissiles,
de la section efficace de fission par neutrons rapides, exprimée en MeV, est de : 169,4 pour 233 U, 168,3 pour 235 U, 175 pour
en fonction de l’énergie de ces neutrons 239 Pu. Cette énergie est de 185,7 MeV dans la fission spontanée
de 252 Cf.
Pour les trois principaux noyaux fissiles, on se reportera aux Si l’on fait le bilan total d’énergie, ont doit ajouter, par exemple
figures 7, 8 et 9. Les sections efficaces de fission vers une énergie pour 235 U + n, environ 6 MeV pour les neutrons instantanés, 7 MeV
de neutrons de 1 MeV sont encore importantes, de l’ordre de 1 b pour les rayonnements γ instantanés, 10 MeV pour la valeur
pour 235 U et 2 b pour 239 Pu. Des déterminations précises permettent moyenne de l’énergie libérée de façon détectable par les produits
de normaliser les mesures à l’aide de neutrons monoénergétiques. de fission au cours de leurs radioactivités successives, 11 MeV pour
les neutrinos.
Exemple : à l’énergie E n = 14,60 ± 0,13 MeV de neutrons produits
par la réaction 3H (d, n) 4He, on a mesuré les sections efficaces de fission On remarque que l’énergie libérée dans la fission est équivalente
pour 235 U : σ f = 2,063 ± 0,039 b, et pour 238 U : σ f = 1,149 ± 0,025 b. à 0,08 % de la masse du noyau initial. Le rendement de la réaction
de fission est donc faible si on l’exprime en termes de masse. L’ordre
(0) de grandeur de ce rendement est le même que celui de certaines
réactions entre noyaux légers, comme par exemple la
réaction D(d, n)3 He.

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5. Neutrons produits
dans la fission
5.1 Spectre en énergie
La répartition en énergie des neutrons prompts est décrite par des
formules semi-empiriques. Par exemple, pour 235 U + n, les résultats
s’accordent bien avec la formule :

N (E ) = exp(– E/0,965) sh 2,29 E


où N (E ) est la probabilité d’avoir un neutron de fission d’énergie E
en MeV.
Cette formule se simplifie en N (E ) ≈ E exp(– 0,775 E ), qui est
applicable pour E  9 MeV (figure 11).
Figure 11 – Représentation des expressions empiriques du spectre
Pour la fission par neutrons de 239 Pu, on constate que l’énergie d’énergie des neutrons de fission dans la fission induite
des neutrons est un peu supérieure à celle observée pour 235 U, et par les neutrons thermiques dans 235 U
l’on adopte la formule approchée N (E ) ≈ E exp(– 0,746 E ).
On peut essayer de traduire ces lois approchées en termes de
températures T caractéristiques de distributions de Maxwell :

N (E ) = E exp(– E /T )
On trouve, pour les neutrons thermiques, les températures
suivantes en MeV : (0)

233 U +n 235 U+n 239 Pu+n


T = 1,307 1,290 1,333

5.2 Neutrons instantanés.


Nombre moyen par fission

Le nombre ν de neutrons émis dans une fission n’est pas une


constante ; il varie même beaucoup en fonction de la répartition en
masse des fragments. En fait, il donne une appréciation de l’état Figure 12 – Rendements de neutrons en fonction de la masse
d’excitation de chacun des deux fragments, confirmée par l’étude des fragments pour quatre types de fission
de l’émission des rayonnements γ en fonction de cette répartition.
On constate que les neutrons sont émis de préférence par les plus
lourds des fragments légers et les plus lourds des fragments lourds.
Ainsi, l’apparente symétrie existant lorsque les deux fragments ont Tableau 4 – Nombre moyen de neutrons émis
même masse cache en fait un processus fondamentalement pour la fission induite par neutrons thermiques
asymétrique (figure 12).
Le nombre moyen ν de neutrons émis dans la fission est mesuré Noyau  Noyau Période 
avec précision pour la fission induite par neutrons thermiques dans
les principaux noyaux et quelques autres (tableau 4). (0)
233 U 2,492 ± 0,008 241 Am 433 ans 3,219 ± 0,038
Il existe aussi de nombreuses mesures de ν en fonction de 235 U 2,418 ± 0,008 242 Am* 152 ans 3,264 ± 0,024
l’énergie des neutrons, mettant en évidence une variation linéaire 239 Pu 2,871 ± 0,006 243 Cm 28 ans 3,430 ± 0,047
en fonction de l’énergie. 238 Pu 2,90 ± 0,03 245 Cm 8,5 × 103 ans 3,832 ± 0,034
Par exemple, pour le noyau composé 240 Pu, on peut partir de la 241 Pu 2,927 ± 0,014
fission spontanée de 240 Pu qui donne une valeur correspondant à
E n ≈ – 6 MeV, soit ν = 2,17, pour aller jusqu’à ν ≈ 5 pour
E n = 14 MeV dans 239 Pu (n, f).

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Pour la fission spontanée, on constate que ν varie à peu près


linéairement avec le nombre de masse. Le tableau 5 regroupe ces Tableau 6 – Neutrons retardés pour la fission
valeurs pour quelques noyaux. (0) par neutrons lents
Rendement absolu (2)
Noyau Période Abondance
Tableau 5 – Nombre moyen de neutrons émis No (1) relative du groupe
cible
pour la fission spontanée (s) (%) total (3)

Noyau Période  Noyau Période 


1 55,72 ± 1,28 0,033 ± 0,003 0,052 ± 0,005

2 22,72 ± 0,71 0,219 ± 0,009 0,346 ± 0,018 
236 Pu 2,85 ans 2,21 ± 0,18 242 Cm 163 j 2,48 ± 0,03 3 6,22 ± 0,23 0,196 ± 0,022 0,310 ± 0,036  0,015 8
238 Pu 87,8 ans 2,24 ± 0,08 244 Cm 17,9 ans 2,690 ± 0,013 235 U
4 2,30 ± 0,09 0,395 ± 0,011 0,624 ± 0,026  ± 0,000 5

240 Pu 6 540 ans 2,17 ± 0,01 252 Cf 2,63 ans 3,74 ± 0,01 5 0,610 ± 0,083 0,115 ± 0,009 0,182 ± 0,015 
242 Pu 3,87 × 105 ans 2,10 ± 0,02 254 Fm 3,24 h 3,96 ± 0,19 6 0,230 ± 0,025 0,042 ± 0,008 0,066 ± 0,008 
244 Pu 8,3 × 107 ans 2,30 ± 0,19
1 54,28 ± 2,34 0,035 ± 0,009 0,021 ± 0,006

2 23,04 ± 1,67 0,298 ± 0,035 0,182 ± 0,023 
3 5,60 ± 0,40 0,211 ± 0,048 0,129 ± 0,030  0,006 1
239 Pu
2,13 ± 0,24 0,326 ± 0,033 0,199 ± 0,022  ± 0,000 3
5.3 Neutrons retardés 4 
5 0,618 ± 0,213 0,086 ± 0,029 0,052 ± 0,018 
6 0,257 ± 0,045 0,044 ± 0,016 0,027 ± 0,010 
Les neutrons retardés sont produits dans certaines décroissances
radioactives des produits de fission. 1 55,00 ± 0,54 0,086 ± 0,003 0,057 ± 0,003

2 20,57 ± 0,38 0,299 ± 0,004 0,197 ± 0,009 
Par exemple , il arrive que la décroissance de 87 Br ou de 137 I
3 5,00 ± 0,21 0,252 ± 0,040 0,166 ± 0,027  0,006 6
s’accompagne de l’émission d’un neutron et conduise ainsi à 86 Kr ou à  ± 0,000 3
136 Xe. On remarque qu’il s’agit, dans ces deux cas, de noyaux à couche
233 U 4 2,13 ± 0,20 0,278 ± 0,020 0,184 ± 0,016 
saturée de neutrons (50 neutrons pour 86 Kr, 82 neutrons pour 136 Xe) 5 0,615 ± 0,242 0,051 ± 0,024 0,034 ± 0,016 
6 0,277 ± 0,047 0,034 ± 0,014 0,022 ± 0,009 
dont la formation est particulièrement probable.
On doit être mis en garde contre l’attribution de la qualité de (1) numéro d’ordre du groupe.
neutrons retardés à des neutrons émis dans des réacteurs nucléaires (2) pour un isotope pur.
comme produits de réactions photonucléaires induites par les rayon- (3) nombre de neutrons retardés par fission.
nements γ de la radioactivité des produits de fission dans certains
matériaux : réaction (γ, n) sur D ou Be.
Le premier groupe est essentiellement lié à 87Br de 55 s de
Les deux méthodes classiques d’étude des neutrons retardés période, le second à 88 Br, 137 I, 141 Cs, 134 Sb, le troisième à 87 Se,
sont : 89 Br, 92 Rb, 93 Rb, 138 I. Les précurseurs des autres groupes sont trop
— l’irradiation infinie ; un échantillon de matériau fissile est irradié nombreux pour être cités.
longuement par les neutrons, puis très rapidement transporté devant Le spectre en énergie de ces neutrons peut être déterminé à
un compteur de neutrons ; l’aide d’irradiations de durée intermédiaire.
— l’irradiation instantanée ; une bouffée intense de neutrons
rapides irradie l’échantillon pendant un temps court devant la plus (0)
courte des périodes de neutrons retardés.
Les tableaux 6, 7 et 8 regroupent un ensemble cohérent de valeurs
des abondances des différents groupes de neutrons retardés dans
trois cas :
— la fission par neutrons lents ;
— la fission par neutrons rapides présentant le spectre d’énergie
des neutrons de fission ;
— la fission spontanée de 252 Cf. (0)

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Tableau 7 – Neutrons retardés pour la fission par neutrons rapides


Rendement absolu (2)
Noyau cible  Période
(neutrons No (1) Abondance relative du groupe
(pureté)
prompts) (s) (%) total (3)

1 54,51 ± 0,94 0,038 ± 0,003 0,063 ± 0,005



2 21,84 ± 0,54 0,213 ± 0,005 0,351 ± 0,011 
235 U 3 6,00 ± 0,17 0,188 ± 0,016 0,310 ± 0,028 
2,56 ± 0,06  0,016 5 ± 0,000 5
(99,9 %) 4 2,23 ± 0,06 0,407 ± 0,007 0,672 ± 0,023 
5 0,496 ± 0,029 0,128 ± 0,008 0,211 ± 0,015 
6 0,179 ± 0,017 0,026 ± 0,003 0,043 ± 0,005 

1 52,38 ± 1,29 0,013 ± 0,001 0,054 ± 0,005



2 21,58 ± 0,39 0,137 ± 0,002 0,564 ± 0,025 
238 U 3 5,00 ± 0,19 0,162 ± 0,020 0,667 ± 0,087 
2,62 ± 0,13  0,041 2 ± 0,001 7
(99,98 %) 4 1,93 ± 0,07 0,388 ± 0,012 1,599 ± 0,081

5 0,490 ± 0,023 0,225 ± 0,013 0,927 ± 0,060 
6 0,172 ± 0,009 0,075 ± 0,005 0,309 ± 0,024 

1 55,11 ± 1,86 0,086 ± 0,003 0,060 ± 0,003



2 20,74 ± 0,86 0,274 ± 0,005 0,192 ± 0,009 
233 U 3 5,30 ± 0,19 0,277 ± 0,035 0,159 ± 0,025 
2,63 ± 0,08  0,007 0 ± 0,000 4
(100 %) 4 2,29 ± 0,18 0,317 ± 0,011 0,222 ± 0,012

5 0,546 ± 0,108 0,073 ± 0,014 0,051 ± 0,010 
6 0,221 ± 0,042 0,023 ± 0,007 0,016 ± 0,005 

1 53,75 ± 0,95 0,038 ± 0,003 0,024 ± 0,002



2 22,29 ± 0,36 0,280 ± 0,004 0,176 ± 0,009 
239 Pu 3 5,19 ± 0,12 0,216 ± 0,018 0,136 ± 0,013 
3,01 ± 0,09  0,006 3 ± 0,000 3
(99,8 %) 4 2,09 ± 0,08 0,328 ± 0,010 0,207 ± 0,012

5 0,549 ± 0,049 0,103 ± 0,009 0,065 ± 0,007 
6 0,216 ± 0,017 0,035 ± 0,005 0,022 ± 0,003 

1 53,56 ± 1,21 0,028 ± 0,003 0,022 ± 0,003



2 22,14 ± 0,38 0,273 ± 0,004 0,238 ± 0,016 
240 Pu 3 5,14 ± 0,42 0,192 ± 0,053 0,162 ± 0,044 
3,42 ± 0,20  0,008 8 ± 0,000 6
(81,5 %) 4 2,08 ± 0,19 0,350 ± 0,020 0,315 ± 0,027

5 0,511 ± 0,077 0,128 ± 0,018 0,119 ± 0,018 
6 0,172 ± 0,033 0,029 ± 0,006 0,024 ± 0,005 

1 56,03 ± 0,95 0,034 ± 0,002 0,169 ± 0,012


2 20,75 ± 0,66 0,150 ± 0,005 0,744 ± 0,037 

232 Th 3 5,74 ± 0,24 0,155 ± 0,021 0,769 ± 0,108 
(100 %)
≈ 2,3 4 2,16 ± 0,08 0,446 ± 0,015 2,212 ± 0,110  0,049 6 ± 0,002 0
5 0,571 ± 0,042 0,172 ± 0,013 0,853 ± 0,073 

6 0,211 ± 0,019 0,043 ± 0,006 0,213 ± 0,031 

(1) numéro d’ordre du groupe.


(2) pour un isotope pur.
(3) nombre de neutrons retardés par fission.

(0)
6. Fragments et produits
Tableau 8 – Neutrons pour la fission spontanée
de 252 Cf de fission
Période 6.1 Poisons
Abondance relative Total (1)
(s)
Un des aspects les plus curieux de l’étude des produits de fission
26,8 ± 1,1 0,31 ± 0,01  est l’apparition, malgré le grand excès de neutrons qu’ils présentent
6,1 ± 1,4 0,22 ± 0,02  en général, de quelques noyaux extrêmement absorbants pour les
2,0 ± 0,3 0,30 ± 0,03  0,008 6 ± 0,001 0
 neutrons et qui jouent le rôle de poisons pour les réacteurs
0,5 ± 0,1 0,17 ± 0,05  nucléaires.
(1) nombre de neutrons retardés par fission.

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Le plus important est 135 Xe, radioélément β – de période 9,17 h,


dont la section efficace de capture radiative pour les neutrons
thermiques est (2,65 ± 0,20) × 106 b et est dominée par l’effet d’une
résonance à 0,084 ± 0,001 eV dont les paramètres sont :
2g Γn = 25,7 ± 0,3 meV
0
2g Γ n = 88,7 ± 1,0 meV
Γγ = 90,7 ± 0,7 meV
On sait que 136 Xe, aboutissement de cette réaction, a une couche
saturée de 82 neutrons.
On rend compte des autres résonances par l’intégrale Ic = 7 634 b.
On doit citer au moins encore pour l’intensité de leur absorption
et leur importante proportion :
— 149 Sm, stable (13,8 % d’abondance naturelle) avec :
σc = 41 000 ± 2 000 b
associée à l’intégrale de résonance Ic = 3 183 b ;
— 151 Sm, de période 93 ans, avec :
σc = 15 000 ± 1 800 b et Ic = 3 300 ± 700 b
— 143 Nd, stable (12,17 % d’abondance naturelle) avec :
σc = 325 ± 10 b et Ic = 140 ± 30 b
Nous ne nous étendrons pas davantage sur les propriétés des
produits de fission qui sont du ressort de la radiochimie (articles
Cinétique chimique générale. Cinétique expérimentale [J 1 100] et
Cinétique chimique générale. Modélisation mécanistique [J 1 110]
dans le traité Génie des procédés).

Figure 13 – Distribution des masses des fragments


pour la fission de 235 U par neutrons thermiques
6.2 Distribution des masses
des fragments de fission

Nous nous bornons à donner l’allure des distributions trouvées


dans la fission induite par neutrons. Les figures 13 et 14 corres-
pondent à la réaction 235 U(n, f) respectivement pour des neutrons
thermiques et pour des neutrons rapides ayant un spectre de fission.
La figure 15 compare les distributions pour les fissions par
neutrons thermiques de 233 U, 235 U, 239 Pu et la fission spontanée
de 252 Cf.
Le tableau 9 donne les paramètres des distributions mesurées
pour un certain nombre de noyaux cibles et diverses énergies de
neutrons.

6.3 Distribution des charges


des fragments de fission

Pour caractériser complètement la répartition des charges dans


une division du noyau fissionnant en fragments correspondant à une
masse finale donnée, il faudrait connaître le rendement indépendant
de chaque isobare de cette chaîne de masse. En fait, on se contente
d’admettre que la distribution des charges a une forme gaussienne,
et l’on détermine la charge la plus probable Zp (A) et la largeur de
la distribution. De plus, compte tenu de la rapidité des décroissances
radioactives β des premiers produits de fission, on ne peut souvent Figure 14 – Distribution des masses des fragments
déterminer que le rendement cumulatif qui additionne les rende- pour la fission de 235 U par neutrons rapides (spectre de fission)
ments indépendants de tous les isobares de plus courte période qui
ont alimenté la production de l’isobare mesuré.

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Figure 15 – Distributions des masses des fragments pour la fission


par neutrons thermiques de 233 U, 235 U et 239 Pu
et la fission spontanée de 252 Cf

(0) Figure 16 – Distribution des écarts à la charge la plus probable

Tableau 9 – Paramètres des distributions des masses


des fragments pour la fission de divers noyaux cibles La largeur de la distribution des charges est quasi constante pour
et trois domaines d’énergie de neutrons divers noyaux, ce qui pourrait laisser croire qu’il existe une seule
courbe universelle de distribution de charges. En fait, il faut plutôt
Rende- poser le postulat de l’égal déplacement de charge : la différence entre
Largeur
Nombre moyen ment pour Rapport la charge la plus probable Z p et la charge Z A de l’isobare le plus
de la
de masse la fission Pic sur stable de la chaîne de masse considérée, soit (Z p – Z A ), est la même
distribution
Noyau à mi-hauteur symé- Vallée pour les fragments léger et lourd associés dans une fission.
u
cible trique de la
distri- La figure 16 montre une représentation des résultats pour la
groupe groupe à mi- au 1/10 bution fission par neutrons thermiques de 233 U, 235 U et 239 Pu et la fission
(%) spontanée de 242 Cm et 252 Cf.
léger lourd hauteur du max

Neutrons thermiques
227 Th
229 Th
89
88
138,5
140
12
12
20
18
0,035
0,017
230
500
7. Rayonnements gamma
233 U
235 U
93,5
95
138
138,5
15
15
23
22
0,015
0,010 5
440
620
instantanés
239 Pu 99,5 137,5 15 25 0,04 150
241 Pu 101 138 15 24 0,029 230 C’est par des rayons γ que se dissipe l’énergie d’excitation
245 Cm 104,5 137,5 13 26,5 0,045 155 résiduelle des fragments primaires, après l’expulsion des neutrons
249 Cf 106 139 16 28 < 0,2 > 30 instantanés. Comme ces fragments ont souvent été formés avec une
forte valeur de moment angulaire, la désexcitation par émission de
Neutrons ayant le spectre de fission neutrons est difficile, et cela favorise la désexcitation par des transi-
232 Th 91 139,5 14 20 0,045 170 tions électromagnétiques. C’est ce qui explique l’énergie émise sous
231 Pa 91 139 13 22 0,07 100 forme de rayonnements γ instantanés pour une fission dépasse
233 U nettement l’énergie moyenne de liaison d’un neutron.
93 138 14 21 0,06 110
235 U 95 138,5 15 23 0,032 205 Le spectre d’énergie de l’émission γ, mesuré pour la fission de 235 U
238 U 97 138,5 16 24 0,04 160 par neutrons thermiques, est donné sur la figure 17. Celui relatif à
237 Np 97 137 14 22 0,04 175 la fission spontanée de 252 Cf est semblable. Pour 235 U (n, f), il y a
239 Pu 100 137,5 15 24,5 0,06 115 7,45 ± 0,3 photons émis par fission, et l’énergie totale correspondant
à tous les photons de 0,14 MeV à 10 MeV est de 7,2 ± 0,3 MeV. Pour
Neutrons de 14 MeV la fission spontanée de 252 Cf, on obtient avec une moindre précision
les valeurs de 10 photons et 8,6 MeV. On voit que l’énergie moyenne
232 Th 91,5 138 13 .. 1,3 5 d’un photon γ est de l’ordre du MeV. La principale difficulté expéri-
235 U 95,5 137 16 .. 1,0 6 mentale rencontrée dans ces mesures est la confusion qui s’établit
238 U 97 137,5 16 .. 0,8 7 avec les rayonnements γ de diffusion inélastique des neutrons
instantanés.

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___________________________________________________________________________________________________________________ FISSION NUCLÉAIRE

Figure 17 – Spectre de rayonnements  immédiats


provenant de la fission induite par les neutrons thermiques dans 235 U

Références
bibliographiques

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Nuclear fission (La fission nucléaire). 422 p.,
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[4] BNL 325. – NNCSG-Brookhaven National
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[5] MICHAUDON (A.). – Neutrons and fission (Les
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internationale sur les interactions des
neutrons avec les noyaux à Lowell (Mass),
États-Unis (1976).

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