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12/10/2008

Vieillissement des aciers

par Marc GRUMBACH


Ingénieur Civil des Mines
Ingénieur à l’Institut de Recherches de la Sidérurgie Française (IRSID)

1. Phénomène de vieillissement et ses effets ...................................... M 235 - 2


2. Description du phénomène ................................................................... — 2
2.1 Vieillissement après trempe ....................................................................... — 2
2.2 Vieillissement après écrouissage ............................................................... — 2
2.3 Conséquences du vieillissement ................................................................ — 3
2.4 Influence des divers paramètres ................................................................ — 4
3. Mécanismes de vieillissement.............................................................. — 5
3.1 Limite d’élasticité des aciers doux ............................................................. — 6
3.2 Solubilité des interstitiels............................................................................ — 6
4. Essais de vieillissement ......................................................................... — 8
4.1 Essais de traction à chaud .......................................................................... — 8
4.2 Essais de ténacité ........................................................................................ — 8
4.3 Mesures physiques...................................................................................... — 10
5. Interactions métallurgiques.................................................................. — 11
5.1 Rôle des interstitiels .................................................................................... — 12
5.2 Rôle des éléments de substitution ............................................................. — 13
5.3 Rôle des éléments formant des nitrures et des carbures......................... — 14
6. Vieillissement des tôles minces .......................................................... — 15
6.1 Palier de limite d’élasticité .......................................................................... — 16
6.2 Suppression du palier par skin pass .......................................................... — 17
6.3 Retour du palier après vieillissement ........................................................ — 17
6.4 Vieillissement des tôles minces ................................................................. — 18
6.5 Influence du cycle thermique (tôles minces)............................................. — 19
6.6 Durcissement à la cuisson (bake hardening) ............................................ — 19
7. Autres produits sidérurgiques ............................................................. — 19
7.1 Généralités ................................................................................................... — 19
7.2 Fil machine et tréfilage................................................................................ — 19
7.3 Aciers soudables : tôles fortes.................................................................... — 19
Références bibliographiques ......................................................................... — 20

e vieillissement est une évolution dans le temps des propriétés des matériaux
L à des températures proches de la température ambiante.
1 - 1993

Or, les métaux et les aciers en particulier sont formés de grains dont la structure
cristalline est très stable et n’est modifiable que par des transformations de phase
à haute température ou par des précipitations de composés en général au-dessus
de 500 oC. De ce fait, les propriétés des aciers n’évoluent normalement pas en
fonction du temps.
Il existe néanmoins un phénomène d’évolution de propriétés à basse tempé-
M 235

rature en relation avec la diffusion d’atomes interstitiels mobiles de carbone et


d’azote sous certaines conditions : c’est ce phénomène que l’on désigne par
vieillissement des aciers.

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1. Phénomène Le refroidissement brutal maintient une certaine quantité de


carbone en sursaturation et, en fonction du temps, les atomes
de vieillissement viendront se rassembler autour des dislocations, mais ce phéno-
mène est suffisamment intense pour qu’il soit suivi de la formation
et ses effets de précipités de carbures de fer qui coalescent, donc d’une diminu-
tion du durcissement : c’est le survieillissement.
Cette diffusion d’interstitiels dans les aciers ferritiques ne se En fait, le vieillissement après trempe n’a pas de rôle pratique
produit qu’après un écart à l’équilibre provenant soit d’un refroidis- important en tant que tel dans les processus industriels mais cette
sement rapide après un cycle thermique dans la ferrite : vieillisse- augmentation du nombre d’atomes pouvant diffuser joue évidem-
ment après trempe, soit après une déformation plastique : ment un rôle dans le vieillissement après écrouissage.
vieillissement après écrouissage.
Dans ces conditions, le retour vers un certain équilibre se traduit
par une évolution des propriétés en fonction du temps. 2.2 Vieillissement après écrouissage
Ce vieillissement, quand il existe pour certaines nuances d’acier
ou après certains cycles thermiques, ne provoque que des modifi-
cations limitées des propriétés (léger durcissement, diminution de L’écrouissage par déformation à froid se traduit par un durcisse-
la ductilité, remontée de la température de transition de la résilience) ment qui est bien représenté sur une courbe de traction par exemple
et des conséquences annexes comme le retour du palier à la limite (figure 2).
d’élasticité et les vermiculures (§ 2).
Les aciers modernes à teneur faible en azote sont quasiment non
vieillissants à température ambiante comme nous le verrons par la
suite, ce qui limite l’apparition du phénomène à des écrouissages
suivis de vieillissements artificiels par chauffage au-dessus de la
température ambiante.
Sans refaire un historique complet, on peut rappeler que les aciers
effervescents, autrefois majoritaires, étaient très sensibles au vieillis-
sement et posaient des problèmes de délais d’utilisation des tôles
minces livrées skin passées ou de tenue en service des tôles fortes,
en particulier pour la résistance à la rupture fragile des constructions
soudées.
La généralisation des aciers à l’oxygène à la place du procédé
Thomas a entraîné une diminution importante de la teneur en azote
et la combinaison bas azote avec le calmage aluminium a éliminé
l’essentiel des problèmes pratiques de vieillissement.
De nouvelles techniques de fabrication comme le recuit continu
des tôles minces ont conduit à mieux contrôler l’intensité du vieillis-
sement de façon à l’utiliser comme phénomène durcissant après
déformation et cuisson de la peinture (bake hardening ). Il subsiste
également un besoin de meilleures connaissances pour certaines Figure 1 – Solubilité du carbone dans la ferrite
utilisations des tôles fortes soudées en raison des traitements
thermiques locaux dus au soudage. Il y a donc encore un intérêt à
bien identifier les paramètres du vieillissement et à distinguer les
effets positifs et négatifs du phénomène qui dépendent du type de
produit et de sa mise en œuvre.

2. Description du phénomène
On distingue les deux modes de vieillissement par la présence ou
non d’écrouissage mais ils ont en commun un certain nombre de
manifestations et de conséquences sur les propriétés mécaniques.
Le terme de vieillissement est réservé à l’évolution dans le temps
entre la température ambiante et 300 oC des propriétés des aciers
ferritiques ou ferrito-perlitiques. Les propriétés concernées sont
physiques : résistivité, frottement interne, pouvoir thermo-
électrique... et mécaniques : limite d’élasticité, résistance, allonge-
ment, résilience...

2.1 Vieillissement après trempe


Ce type de vieillissement correspond à un retour à l’équilibre après
un refroidissement rapide avec mise en solution d’interstitiels dans Figure 2 – Paramètres mesurés lors d’un essai de vieillissement
le domaine ferritique au voisinage de 700 oC, température où la par traction interrompue
solubilité est grande (figure 1).

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Après arrêt de la déformation, décharge et attente, le vieillissement Rm tels qu’ils sont définis conventionnellement, parallèlement
se traduit par un durcissement supplémentaire ; si l’on redéforme l’allongement (à rupture et réparti) diminue, la baisse de ductilité
l’éprouvette, on trouve une nouvelle limite d’écoulement, et l’écart due au vieillissement s’ajoute évidemment à celle provenant de
∆σ traduit l’effet vieillissement : l’écrouissage.
∆σ = σ 2 – σ1 Pour fixer des ordres de grandeur, le durcissement pour un acier
vieillissant vaut de 30 à 50 MPa pour une contrainte de 300 MPa, ce
σ 2 après vieillissement, qui représente 10 à 15 % d’augmentation.
σ1 avant vieillissement. La relation entre le durcissement et la teneur en interstitiels est
Ce phénomène se produit quel que soit le mode de déformation faible car il y a un phénomène de saturation et l’effet se voit surtout
mais il est parfois malaisé de séparer le durcissement dû à l’écrouis- sur la cinétique.
sage de celui dû au vieillissement proprement dit. La baisse de ductilité correspond également à une baisse du
C’est le cas si la déformation est complexe : emboutissage, flexion, coefficient d’écrouissage n (cf. article Écrouissage d’alliages
éprouvette entaillée, etc. Dans ces cas-là, les propriétés mesurées d’aluminium [M 230] dans ce traité).
englobent l’effet de l’écrouissage et du vieillissement ; l’interpréta- Si l’essai postérieur est un essai de rupture fragile, on note une
tion des mesures devient d’autant plus délicate que les aciers fragilisation caractérisée par une remontée de la température de
modernes calmés Al ont un vieillissement nul ou très faible. transition. Cette possibilité de durcissement n’est évidemment
La grandeur mesurée après écrouissage et vieillissement peut être utilisable que si l’on n’est pas gêné par les autres effets, ou alors
reportée en fonction des paramètres de l’opération : par un compromis entre effets positifs et négatifs.
— taux d’écrouissage ;
— température de vieillissement ;
— durée du vieillissement ; 2.3.2 Diminution de la ductilité et de la ténacité
ce qui se traduit par des réseaux de courbes. Cela pose un problème
Comme le montre la figure 3, il y a une diminution d’allongement
de critère général et de comparaison entre différents essais.
qui accompagne tout durcissement : l’allongement réparti est réduit
et l’allongement à rupture également. La réduction n’est pas très
importante : quelques pour-cent mais elle s’ajoute à la baisse due
2.3 Conséquences du vieillissement à l’écrouissage qui a précédé le vieillissement : si on écrouit de 10 %
et que l’on perd 3 % d’allongement, cela fait 13 % de moins ; si
l’allongement réparti était de l’ordre de 15 à 20 %, on se trouve avec
L’effet du vieillissement se traduit par : un métal dont la ductilité est très réduite donc peu formable.
— un durcissement ;
— une diminution de la ductilité ;
— une diminution de la ténacité ;
— l’apparition de vermiculures en relation avec le palier lors de
formages, par exemple dans l’emboutissage des tôles minces.

2.3.1 Durcissement

Il s’agit de la manifestation la plus nette du vieillissement et qui


se quantifie le plus facilement.
Les conséquences pratiques pour une construction ou un objet
sont en général favorables puisque la résistance à la déformation
est augmentée. C’est pourquoi on utilise cette propriété pour certains
produits : vieillissement des tôles minces embouties, pendant la
cuisson de la peinture, vieillissement de certains fils tréfilés notam-
ment les fils de précontrainte.
Le blocage des dislocations par des interstitiels se traduit par un
durcissement ; quel que soit le modèle adopté pour raisonner :
— arrachage des dislocations aux nuages d’atomes ;
— multiplication de nouvelles dislocations ;
il faut une contrainte supplémentaire ∆σ . C’est cet effet qui est la
manifestation la plus nette du vieillissement ; en terme macro-
mécanique, il s’agit d’une nouvelle contrainte d’écoulement ou d’une
limite d’élasticité plus élevée dans tous les modes d’écrouissage :
— écrouissage par traction pure ;
— écrouissage par compression ;
— écrouissage par laminage à froid (laminage ou skin pass ) ;
— écrouissage par tréfilage ;
— écrouissage par formage (emboutissage, extrusion, filage...).
À taux d’écrouissage homogène, l’augmentation de la contrainte
d’écoulement doit être à peu près du même ordre mais cela dépend
de la nature de l’essai postérieur qui n’est pas forcément ou même
rarement colinéaire avec le sens d’écrouissage. Si l’essai postérieur Figure 3 – Vieillissement après trempe à 37 oC
est un essai de traction, il y a augmentation de Re mais aussi de mesuré par les courbes de traction [4]

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Ainsi, on doit éviter le vieillissement pour les mises en œuvre


comportant une succession de déformations, le cas fréquent étant
celui du tréfilage ; dans ce mode de formage, les déformations très
importantes et très localisées dans la filière provoquent un échauf-
fement important. L’augmentation de température qui en résulte
peut conduire à du vieillissement dynamique pendant la déformation
(§ 2.4.5) ou à du vieillissement entre les passes lors du bobinage :
en général des refroidissements énergiques par des bains liquides
ou par des soufflages d’air sur les tambours d’enroulement Figure 4 – Lignes de Lüders : bandes multiples (vermiculures)
permettent de limiter ces effets.

2.4.2 Influence du temps


2.3.3 Vermiculures et autres défauts d’aspects
On peut également représenter le vieillissement en fonction du
Lors du formage des aciers à palier, les petites déformations sont temps pour une température donnée. C’est ce qui est présenté sur
localisées dans des bandes dites de Piobert-Lüders. Ces bandes sont la figure 5 pour un acier carbone-manganèse du type E 36 ou A 52.
inclinées d’environ 45 à 50o par rapport à l’axe de sollicitation. La Cette présentation classique du critère de vieillissement ∆σ / σ en
déformation se traduit par une diminution locale d’épaisseur qui est pourcentage permet de mettre en évidence un certain nombre de
égale à la déformation mesurée par la longueur de palier c’est-à-dire paramètres : la température en premier lieu car le vieillissement est
pouvant atteindre plusieurs pour-cent. Comme la frontière bande d’autant plus rapide que la température est élevée dans le cadre de
déformée-zone non déformée est très abrupte, il y a un effet de relief certaines limites. On voit également l’existence d’un maximum de
extrêmement visible en lumière rasante même après peinture. Ces niveau du palier au bout d’un certain temps ∆σ /σmax , dont la valeur
bandes visibles sur des pièces déformées portent plusieurs noms dépend peu de la température. Cet effet de saturation est très
mais le plus souvent celui de vermiculures. De telles bandes sont important car il rend délicates des comparaisons à temps fixe ou
présentées à titre d’exemple sur la figure 4. des équivalences temps-température : on voit qu’à 100 et 250 oC, des
temps de 30 min ne sont pas sélectifs.
La solution pour éviter ces bandes consiste à effacer le palier par
une petite déformation par laminage dite skin pass mais il faut éviter La courbe à 50 oC est très faiblement croissante au bout de 8 h,
un retour par vieillissement. c’est le signe d’un acier peu vieillissant au voisinage de l’ambiante.

2.4.3 Temps et température combinés


2.4 Influence des divers paramètres
En faisant varier à la fois temps et température, on met en évidence
une certaine équivalence temps-température, le vieillissement étant
L’intensité du phénomène dépend de paramètres liés à l’acier : gouverné par la diffusion des interstitiels, selon une loi de type
composition chimique, état structural, et de paramètres opératoires : Arrhenius.
mode et taux d’écrouissage, température et temps de vieillissement. Mais l’existence d’une saturation du phénomène à chaque
Un point important est celui du mode d’écrouissage : traction, température fait que le calcul de l’équivalence ne s’applique que dans
compression, laminage, pliage, etc. La nécessité de se ramener à certains intervalles (en dehors des problèmes expérimentaux liés,
des méthodes de mesure comparables ne rend pas faciles les par exemple, à des temps très courts où la durée du chauffage doit
comparaisons. La réalisation d’éprouvettes complique le problème être prise en compte).
car l’usinage prend du temps et risque de provoquer des échauffe-
ments accélérant le vieillissement. Quand l’écrouissage
s’accompagne d’un échauffement, il y a possibilité de vieillissement 2.4.4 Influence du taux d’écrouissage
dynamique (vieillissement pendant la déformation) : dans ce cas, la
vitesse de déformation prend une place importante (§ 2.4.5). Dans un premier temps, on se limite à présenter l’influence du
taux de déformation dans l’essai le plus simple : l’essai de traction.
La figure 6 montre que l’intensité absolue du vieillissement ∆ σ
2.4.1 Influence de la température de vieillissement diminue légèrement puis semble sensiblement constante alors que
∆σ
l’intensité relative --------- diminue davantage puisque le niveau de la
Théoriquement, le vieillissement peut se produire dès la tempé- σ
rature ambiante mais cela n’est observable que sur des nuances très contrainte d’écrouissage σ augmente. Suivant les caractéristiques
sensibles avec une grande quantité d’interstitiels ; en pratique, pour étudiées, on sera amené à considérer la valeur absolue ∆ σ ou le
observer des intensités mesurables, il faut effectuer des vieillisse-
∆σ
ments artificiels, par exemple aux alentours de 100 oC. rapport --------- qui dépend du taux d’écrouissage, ce qui permet de
σ
La figure 5 indique la forme du durcissement en fonction de la montrer que le poids relatif du vieillissement diminue aux très forts
température, provoquée sur un acier doux pour un même taux taux d’écrouissage ; par exemple, pour des déformations par
d’écrouissage et une même durée de vieillissement. Les courbes sont laminage de 70 %, on ne perçoit plus l’effet du vieillissement.
décalées vers des temps plus courts quand la température croît, du
moins tant que n’apparaissent pas le survieillissement rapide ou des
modifications de solubilité. Il faut être prudent dans l’extrapolation 2.4.5 Vieillissement dynamique
des équivalences temps-température. Les maxima atteints ne sont et phénomène Portevin-Le Chatelier
pas forcément identiques pour diverses raisons. La mesure peut
donc être perturbée par les difficultés expérimentales : durée de L’écrouissage pour introduire de nouvelles dislocations peut être
préparation des éprouvettes, perturbations dues aux hétérogénéités. réalisé à des températures différentes de l’ambiante en particulier
à chaud : jusqu’au 300 oC, l’écrouissage suit les mêmes règles qu’à
+ 20 oC. À cette gamme de températures correspondent des vitesses
de diffusion des interstitiels assez rapides, en conséquence, en
déformant le métal dans un certain domaine de température et de
vitesse, il y a simultanément écrouissage et blocage par les atomes
diffusant, c’est-à-dire un vieillissement dynamique.

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Figure 5 – Variation de   /  avec le temps


et la température de vieillissement (acier A 52 écroui de 10 %)
Figure 7 – Phénomène Portevin-Le Chatelier mis en évidence
lors d’un essai de traction à chaud d’un acier doux

3. Mécanismes
de vieillissement
Sur le plan qualitatif, le phénomène de vieillissement s’interprète
de façon simple par la diffusion des interstitiels : azote ou carbone.
Pour établir des lois quantitatives, on doit combiner plusieurs
approches :
— l’approche thermodynamique : lois de solubilité et de diffusion;
ces lois déterminent la quantité d’interstitiels actifs, la vitesse de
vieillissement et l’équivalence temps-température ;
— l’approche mécanique faisant intervenir le blocage ou le
freinage des dislocations par les interstitiels ; cette approche doit per-
mettre d’introduire le taux de déformation et d’expliquer l’intensité
du vieillissement mesuré ;
— l’approche phénoménologique pour interpréter les indicateurs
Figure 6 – Influence du taux d’écrouissage sur le vieillissement qui sont les conséquences du vieillissement ; c’est le cas en
particulier pour le retour du palier après skin pass ou la fragilisation.
Dans le cas du vieillissement après trempe, on distingue trois
Ce vieillissement est mis en évidence par une augmentation de étapes :
la résistance lors d’un essai de traction à chaud, de la dureté à chaud
ou par l’évolution d’autres propriétés (baisse de la ductilité et — rassemblement des atomes au voisinage des dislocations
fragilité). préexistantes ou résultant des contraintes de trempe ;
— formation de précipités ;
Ce phénomène est évidemment très sensible à la vitesse de — puis grossissement de ces précipités.
déformation qui laisse plus ou moins de temps pour la diffusion
des interstitiels. Cette description montre déjà certaines difficultés résultant du
nombre de paramètres : quantité d’interstitiels disponibles, nombre
Comme plusieurs paramètres (vitesse, températures, taux de dislocations, température et temps de vieillissement, apparition
d’écrouissage, quantité d’interstitiels) contrôlent le phénomène, le du survieillissement.
durcissement est très sensible et cela rend précieux l’essai de traction
à chaud pour étudier et chiffrer le vieillissement et sa cinétique ainsi La nature des interstitiels joue également un rôle important,
que le nombre d’atomes disponibles ; le phénomène n’est pas stable azote et (ou) carbone, ce qui complique l’interprétation car les deux
et se fait par à-coups qui se traduisent par des oscillations sur l’effort sortes d’atomes ont des solubilités différentes et des vitesses de
de traction et des courbes hachurées : c’est le phénomène diffusion différentes.
Portevin-Le Chatelier (figure 7). La description détaillée du phéno- On constate par exemple que le survieillissement (figure 8) après
mène fait intervenir des paramètres d’essais en plus de la cinétique trempe de l’azote est moins net que celui du carbone en raison de
de diffusion et l’aspect des courbes dépend donc de la machine sa solubilité plus grande et de la faible stabilité des nitrures de fer
d’essai : rigidité de l’ensemble machine-éprouvette et sensibilité des formés à basse température. On peut, pour simplifier, négliger en
capteurs de mesure efforts et allongements. pratique ce type de survieillissement pour l’azote, au moins dans
La description précise met en évidence deux courbes de les aciers industriels. La conséquence est qu’il n’y a pas de traitement
consolidation σ – ε (figure 7), une courbe inférieure correspondant à thermique de précipitation qui permette de réduire l’effet de l’azote
l’écrouissage classique à la température et à la vitesse de l’expé- sur le vieillissement en l’absence d’éléments nitrurigènes autres que
rience, une courbe supérieure qui tient compte du blocage des le fer. On sait, par contre, que des éléments en solution solide comme
dislocations ; l’instabilité du blocage fait passer d’une courbe à le manganèse peuvent former des dipôles qui parviennent à bloquer
l’autre par une consolidation très intense. une partie de l’azote. Cela se traduit par un ralentissement du
vieillissement.

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La théorie du vieillissement après écrouissage repose de la même


façon sur le phénomène de diffusion des interstitiels vers les
dislocations qui sont alors bloquées ; pour redéformer le métal, il
faut augmenter la contrainte, c’est-à-dire débloquer les dislocations
ou, ce qui est plus vraisemblable, en créer de nouvelles. Un tel
schéma permet de bien comprendre le rôle du temps et de la
température et d’autres paramètres comme le taux d’écrouissage,
mais ne permet pas d’établir des lois quantitatives ; il faudrait bien
connaître le nombre de dislocations, le nombre d’atomes mobiles
et la quantité exacte nécessaire au blocage.
La relation déformation – nombre de dislocations connue dans
certains matériaux modèles n’est pas simple pour l’acier où elle
rejoint la théorie de la limite d’élasticité des aciers doux (§ 3.1).
Quant au nombre d’interstitiels mobiles, il résulte de la solubilité
du carbone et de l’azote, mais cette notion même est plus complexe Figure 8 – Variation d’un critère de vieillissement
que ce qui résulte des diagrammes d’équilibre. en fonction de la température
pour un temps de vieillissement constant

3.1 Limite d’élasticité des aciers doux


Comme le vieillissement se traduit par la réapparition du crochet
à la limite d’élasticité et du palier, on pressent qu’il y a un lien très
fort avec la théorie de la limite d’élasticité des aciers doux.
Les phénomènes macroscopiques bien connus de limite supé-
rieure, inférieure et palier avec la propagation des bandes de
Piobert-Lüders sont rappelés sur la figure 9 et sont à rapprocher des
mécanismes microscopiques. Ce lien est basé traditionnellement,
d’après la théorie de Cottrell, sur le blocage des dislocations par les
interstitiels. Cette hypothèse a été modifiée plusieurs fois dans sa
formulation au cours des années mais elle reste une hypothèse de
base de l’effet des interstitiels sur la limite d’élasticité. Comme elle
introduit également le joint de grain comme barrière où viennent
s’empiler les dislocations avant de les franchir, on a le concept
triangulaire de la limite d’élasticité des aciers doux :
dislocations – interstitiels – joints de grain
Ce modèle conduit à la loi de Petch sur l’effet de la taille de grain
sur Re . Le fait qu’il y ait la combinaison taille de grain – quantité
d’interstitiels (et nombre de dislocations) implique qu’il n’y a pas
une relation biunivoque entre Re et la quantité d’interstitiels.
Quand on introduit davantage de dislocations par écrouissage, la Figure 9 – Schéma de la propagation des bandes de Piobert-Lüders
relation va donc changer, le durcissement induit sera différent. dans un acier doux

3.2 Solubilité des interstitiels 3.2.1 Solubilité du carbone

Malgré de grandes similitudes entre la solubilité du carbone et La teneur en carbone qui joue sur le vieillissement est celle qui
celle de l’azote, il existe des différences importantes : par exemple, est en mesure de provoquer la diffusion des atomes de carbone vers
les aciers contiennent le plus souvent un excès important de carbone les dislocations au voisinage de la température ambiante. Cela exclut
par rapport à la solubilité dans la ferrite dès sa formation. Il faut donc évidemment le carbone fixé sous forme de cémentite et de carbures
traiter séparément les quantités de carbone et d’azote solubles. stables ; le diagramme Fe-C (figure 1) donne la courbe d’équilibre
Néanmoins, les sites interstitiels étant les mêmes pour les deux du carbone dans la ferrite.
sortes d’atomes, il n’est pas raisonnable dans les aciers contenant On sait aussi que cette courbe de solubilité du carbone à l’équilibre
à la fois de l’azote et du carbone, ce qui est le cas général, de ne s’applique qu’après des refroidissements lents ; si le refroidis-
considérer les solubilités comme indépendantes. sement au-dessous de 700 oC est rapide, il subsiste du carbone en
La solubilité serait donnée par le diagramme ternaire Fe-C-N, mais sursaturation. Il existe d’autre part des sites privilégiés différents des
celui-ci n’est pas connu avec assez de précision pour être utilisé sites d’insertion classiques : il s’agit des joints de grains et du
pratiquement. voisinage des dislocations.
Nous verrons en effet que la quantité d’interstitiels mobiles On est donc amené à considérer la quantité d’atomes de carbone
dépend de beaucoup d’autres facteurs que la solubilité, une connais- mobiles comme une résultante : nous la désignerons sous le nom
sance précise des lois d’équilibre n’est donc pas indispensable. conventionnel de carbone libre par opposition au carbone fixé par
des éléments carburigènes. Il y a aussi des différences entre des
Les interactions carbone-azote sont à prendre en compte essentiel-
carbures alliés (carbures de niobium, de titane, de vanadium), dont
lement pour interpréter des essais de vieillissement après des cycles
la solubilité n’apparaît que dans l’austénite et les carbures de fer,
thermiques où se succèdent mise en solution et précipitation sélec-
essentiellement la cémentite qui, elle, va se redissoudre suivant la
tive de l’un des deux éléments : dans ces cas-là, des interactions sont
loi d’équilibre en fonction de traitements thermiques.
prévisibles. Dans ce paragraphe, on considérera donc séparément
le carbone et l’azote.

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De toute façon, sans exclure la présence de carbone interstitiel


Solubilité des interstitiels en faible quantité, le rôle de l’azote sera déterminant, ce qui conduit
à ne s’intéresser aux atomes de carbone qu’en l’absence d’azote
Carbone : dans le Fe α, équilibre avec Fe3C : libre. Cela se produit en général quand l’azote est fixé par un élément
nitrurigène comme l’aluminium ou le titane.


40 600
[ C ] = 2,55 exp – --------------------
RT 
oC
3.2.4 Formation de précipités
720 : 200 ppm masse
600 oC : 80 ppm masse
oC Le blocage des dislocations par des rassemblements d’atomes de
20 : 2 ppm masse
carbone ou d’azote désignés parfois par le terme d’atmosphère de
Azote : équilibre avec Fe4N : Cottrell peut également se faire par des précipités très fins.
La photographie de la figure 11 montre aussi une précipitation

34 740
[ N ] = 12,3 exp – -------------------
RT  de carbures de fer sur des dislocations sur une lame mince examinée
au microscope électronique à transmission.
équilibre avec Fe16N2 :
Équations de base du phénomène
 
41 436
T < 250 ° C [ N ] = 330 exp – --------------------- de vieillissement
RT
20 oC : 15 ppm masse
Les énergies d’activation des phénomènes sont exprimées en RT
Q

Diffusion des interstitiels : D = D 0 exp – ---------- 
J/mole. Énergie d’activation Q : carbone 82 873 J/atome
1 J = 0,239 cal.
R constante molaire des gaz 8,314 41 J/ (mol · K). azote 77 850 J/atome
Attraction des interstitiels par les dislocations

π
   ------------
kT 
3.2.2 Solubilité de l’azote 1/ 3 ADt 2/ 3
N ( t ) = 3n 0 ----- -
2
Les diagrammes d’équilibre de l’azote ne sont pas très précis à
basse température car les composés FeN sont très instables. avec N (t ) = nombre d’atomes interstitiels par longueur
unitaire de dislocation arrivant dans un temps t,
La figure 10 représente un tel diagramme.
n0 nombre d’atomes d’interstitiels initial,
De toute façon, la solubilité dans le fer est telle au-dessus de 500 oC
que le plus souvent tout l’azote est en solution à l’équilibre si l’on A, k constantes.
tient compte des teneurs limitées en azote total : de nos jours, une Loi de Cottrell-Petch pour la limite d’élasticité
teneur de 0,015 % est un maximum. À noter que des teneurs supé-
rieures ne sont obtenues qu’en présence d’éléments d’alliage qui R e = σ 0 + kd – 1/ 2
forment souvent des précipités de nitrures.
avec R e (MPa) limite d’élasticité,
σ0 constante dépendant des éléments en solution
3.2.3 Présence simultanée d’azote et de carbone et des précipités et qui caractérise la dureté,
d (mm) taille de grain,
Le diagramme Fe-C-N ne donne pas beaucoup de précisions sur k facteur taille de grain qui vaut de 15 à 22 MPa
la solubilité globale au-dessous de 700 oC. Il est clair que les sites pour les aciers ferritiques.
interstitiels étant les mêmes pour les deux atomes de diamètre très
voisin, il ne peut y avoir simple addition des solubilités.
Il en est de même pour d’autres sites comme au voisinage des
dislocations ou des joints. Étant donné la plus grande solubilité de
l’azote, il semble normal de lui donner une certaine priorité.

Figure 10 – Solubilité de l’azote dans la ferrite


Figure 11 – Carbures de vieillissement sur une dislocation
observés par micrographie électronique en transmission

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4. Essais de vieillissement
La mesure du vieillissement intrinsèque ne se fait pas directement
car il ne s’agit pas d’une propriété en soi, mais de l’évolution de
propriétés.
La mesure va donc dépendre de la propriété mesurée, même si
l’on peut espérer que les variations dans le temps, c’est-à-dire la
cinétique, soient communes à toutes les propriétés.
On distingue deux familles de propriétés :
— les propriétés mécaniques qui sont macroscopiques et qui
correspondent aux propriétés d’emploi des aciers : dureté, limite
d’élasticité, ductilité, ténacité...
— les propriétés physiques qui correspondent à des changements
de la microstructure mesurables par des grandeurs physiques
comme la résistivité, le frottement interne...
Figure 12 – Influence de la vitesse de traction
En fait, il s’agit presque toujours d’une mesure indirecte : la sur les résultats d’essais de traction à chaud
précipitation de carbures ou de nitrures va se traduire par un
appauvrissement de la matrice en éléments en solution C, N qui
jouent beaucoup sur les propriétés physiques.
Le cas du frottement interne est un peu particulier dans la mesure
où il fait intervenir des interactions entre déformations élastiques
et interstitiels, en particulier en mettant en avant des pics d’anélas-
ticité.
Pour les grandeurs mécaniques, il y a deux grandes familles de
mesures : celles qui portent sur le durcissement (essais de dureté,
essais de traction, essais de traction à chaud...) et celles qui portent
sur la ductilité et la ténacité (essais de rupture fragile, essais de
pliage-dépliage, etc.). La façon dont l’écrouissage est réalisé avant
l’essai mécanique de mesure, les sens de prélèvements font qu’il
y a de nombreuses combinaisons d’essais. L’éventail est très grand
pour les essais de rupture fragile puisque l’on peut faire varier le
type d’essai, mais la tendance à utiliser des éprouvettes de résilience
ISO à entaille en V a peu à peu éliminé les variantes à entailles
diverses.
L’essai de traction écroui-vieilli permet d’évaluer plusieurs
propriétés en même temps car il rend possible la mesure d’une
nouvelle limite d’élasticité en absolu ou en relatif, d’une nouvelle
valeur de résistance, de la longueur du palier réapparu, mais aussi
de l’allongement résiduel en tenant compte de ce que l’écrouissage
en a déjà réduit une partie (figure 2).
Le critère augmentation de limite d’élasticité peut se calculer de Figure 13 – Évolution de la traction à chaud
∆σ en fonction de la teneur en azote libre
plusieurs façons : ∆σ en valeur absolue, ou --------- en valeur relative.
σ
On le désigne aussi parfois par aging index.
4.2 Essais de ténacité
4.1 Essais de traction à chaud
Le vieillissement se traduit par une remontée des températures
de transition des essais de rupture fragile. Comme le montre la
Comme le montre le phénomène Portevin-Le Chatelier, certaines figure 14, une partie du décalage est due à l’écrouissage lui-même,
combinaisons température-vitesse de déformation conduisent à un et il y a une remontée éventuelle supplémentaire si le métal est
vieillissement dynamique intense ; la densité des hachures donne vieillissant. Pour des raisons de préparation des éprouvettes, ce qui
une idée de cette intensité mais le durcissement se traduit par une demande du temps, et à cause des risques d’échauffement pendant
forte augmentation de la résistance à la traction dans le domaine l’usinage, la mesure du décalage dû à l’écrouissage seul n’est pas
de températures de 200 à 300 oC. Pour des aciers à forte teneur en facile et on se contente le plus souvent de l’ensemble écrouissage
azote, la résistance peut pratiquement doubler. et vieillissement. Outre les paramètres taux d’écrouissage, temps et
température de vieillissement, le mode d’écrouissage devient très
La figure 12 représente l’évolution de R m en fonction de la
important. On trouve de grandes différences suivant que l’écrouis-
température pour différentes vitesses de déformation. Il est donc
sage est fait en traction, en compression ou en pliage car la mesure
intéressant, en fixant des conditions d’essai reproductibles, de relier
globale de la déformation n’est pas forcément représentative des
ce durcissement à la teneur en interstitiels mobiles. C’est ainsi que
déformations locales. Malgré la grande diversité des essais de
l’on peut définir des critères R 250 – R 20 ou R 200 – R 20 ou R max – R min
rupture fragile, il n’est guère possible de faire des mesures sur de
permettant de chiffrer le vieillissement dynamique. La figure 13
grandes éprouvettes écrouies-vieillies, l’essentiel des essais porte
représente un tel critère de vieillissement en fonction de la teneur
donc sur de petites éprouvettes essentiellement de résilience.
en azote d’aciers extra-doux dont la composition chimique est par
ailleurs constante. Par contre, l’essai de traction par choc permet de bien mettre en
évidence les paramètres.

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Figure 14 – Décalage des températures de transition (Charpy V)


observé par vieillissement après écrouissage

4.2.1 Essai de traction par choc

Pour évaluer la température de transition entre les deux modes Figure 15 – Rupture ductile et rupture fragile
de rupture, on utilise une éprouvette mixte (figure 15) ; la rupture
ductile se fait dans le corps lisse aux températures supérieures à
la température de transition, alors qu’au-dessous de cette tempé-
rature critique la rupture a lieu à fond d’entaille.
L’utilisation d’une machine de rupture ou d’un mouton-pendule
instrumenté permet de connaître les contraintes de rupture. On
obtient ainsi des diagrammes contrainte de rupture-température
représentés sur la figure 16. Comme la contrainte critique de clivage
est supposée constante, ce type de diagramme montre comment
l’augmentation de limite d’élasticité à l’état écroui-vieilli provoque
l’apparition de la rupture fragile pour des températures supérieures,
d’où le décalage de température de transition. La combinaison avec
le décalage dû à la vitesse qui s’ajoute montre une remontée totale
de 160 oC dans l’exemple particulier qui est représenté.

4.2.2 Essais de résilience

Après de nombreuses tentatives pour imposer un certain type


d’essai de résilience : entaille en U de différentes profondeurs,
l’entaille en V s’est généralisée. L’écrouissage est réalisé en général
par compression de l’ébauche d’éprouvette avant entaillage.
Comme il sera précisé au paragraphe 5.3.1, l’emploi généralisé
des tôles fortes en acier calmé Al à grain fin donne des garanties
de non-vieillissement, même après des écrouissages sévères. Des
études sur la sensibilité au vieillissement ne sont justifiées que par
l’effet des traitements à haute température liés aux opérations de
soudage qui sont des traitements locaux.
Figure 16 – Variation de la limite d’élasticité
L’interprétation d’essais écrouissage-vieillissement dans des
avec la température d’essai pour différents états
zones affectées thermiquement du soudage est complexe car il faut
imaginer des séquences de mise en solution suivies d’écrouissage
puis de vieillissement.
Sur ce modèle on peut imaginer d’appliquer un tel test de
pliage-dépliage à d’autres produits mais les paramètres géomé-
4.2.3 Essais de pliage-dépliage triques sont trop nombreux pour relier les résultats à des propriétés
métallurgiques.
Cet essai est pratiqué sur des ronds à béton pour vérifier l’aptitude Par contre, un essai du même genre s’applique à des produits
au formage des crosses nécessaires au montage des armatures. Il formés à froid : il s’agit de l’essai de dépliage dynamique qui a
s’agit d’un essai statique consistant à plier l’échantillon à un angle l’avantage de simuler des conditions sévères de mise en œuvre de
de 90o sur un rayon proportionnel au diamètre du rond puis de faire produits déformés à froid et éventuellement vieillis naturellement
vieillir l’acier dans de l’eau à 100 oC et d’effectuer le dépliage à ou artificiellement.
l’ambiante pour vérifier qu’il y a une certaine ductilité résiduelle. Les
nuances normales sont ductiles mais des aciers très vieillissants
donnent des ruptures fragiles.

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4.2.4 Essai de dépliage dynamique


Cet essai s’applique à des produits pliés à froid dont on veut
connaître la ténacité.
Il consiste à déplier par choc, grâce à un mouton vertical, des
éprouvettes formées d’une tranche de profil à un pli de 30 mm à
40 mm de large. On refroidit l’éprouvette dans des bains liquides,
comme pour des résiliences, et on la porte sous un mouton vertical
qui est déclenché aussitôt.
Quand l’éprouvette est ductile, elle est dépliée à plat sans rupture ;
quand elle est fragile, l’éprouvette ne se déforme pas plastiquement
et se rompt en deux morceaux.
En dépliant plusieurs éprouvettes à diverses températures, on
définit ainsi une température de transition. Cette dernière est sévère
à cause de l’effet de la vitesse. Elle est située à 50 oC au-dessus d’un
essai identique, mais statique (figure 17).
Les températures dépendent des rayons de pliage et de l’épais-
seur.
L’essai peut être effectué à l’état brut de réception, c’est-à-dire
après un certain vieillissement à l’ambiante, ou à l’état vieilli artificiel-
lement à 50, 100 ou 250 oC.
Le vieillissement artificiel à 250 oC durant une demi-heure est à
considérer comme un état fragilisé au maximum au-delà de tout cas
pratique. D’autres méthodes comme le dépôt de soudure permettent
de reproduire des vieillissements artificiels.
Figure 17 – Essai de dépliage dynamique
sur des aciers pliés et vieillis
4.3 Mesures physiques
Il s’agit généralement d’utiliser les mesures de propriétés
sensibles à la présence d’interstitiels mobiles, comme la résistivité
électrique, le traînage magnétique, le PTE (pouvoir thermo-
électrique) et le frottement interne. Ce ne sont donc pas des mesures
de sensibilité au vieillissement mais de la quantité d’interstitiels
libres. Certaines de ces méthodes très sensibles ne permettent pas
de distinguer carbone et azote (résistivité et PTE), sauf évidemment
si l’on fixe l’un des deux métalloïdes sous forme de précipité pour
le sortir du réseau.
Seul le frottement interne, grâce aux pics de résonance, permet
de séparer C et N, mais cela n’est pas sans difficulté. De plus le
frottement interne est sensible à d’autres facteurs.

4.3.1 Résistivité
Plusieurs méthodes ont été utilisées, en général différentielles,
cette grandeur étant en effet sensible à des éléments autres que les
interstitiels : éléments en substitution (Mn, Si, Cu, Ni...), dislocations,
joints de grains...
Figure 18 – Cinétiques de précipitations isothermes d’AIN
à différentes températures
4.3.2 PTE : pouvoir thermoélectrique
changent de site en fonction des distorsions de réseau, d’où un frotte-
Il s’agit d’une méthode basée sur la propriété des couples thermo-
ment interne anélastique. La relation se traduit par une courbe
électriques de créer une force électromotrice. L’appareillage est plus
relaxation-fréquence. Le paramètre mesuré est ξ –1 (inverse du décré-
simple que pour la résistivité, la précision des appareils de mesure
ment logarithmique de la relaxation).
des tensions est suffisante. La méthode se développera sûrement.
La séparation des pics de N et C semble intéressante, mais l’essai
La figure 18 représente une cinétique de précipitation de nitrures
est sensible aux joints de grains, à la texture et aux autres éléments
d’Al mesurée par cette méthode qui s’applique aussi aux carbures.
en solution (Mn en particulier). De ce fait, son emploi s’est raréfié.

4.3.3 Frottement interne 4.3.4 Autres méthodes


Comme il y a une grande richesse d’informations dans cet essai,
il a été très étudié en association avec le vieillissement. La technique On peut citer la relaxation magnétique ou traînage
semble se rapprocher beaucoup des problèmes de vieillissement magnétique [27].
puisqu’on associe déformation et diffusion : les atomes interstitiels

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5. Interactions métallurgiques Pour tous ces cycles, la vitesse de refroidissement finale va


dépendre de l’épaisseur du produit et des systèmes de refroidisse-
ment plus ou moins accéléré : arrosages à l’eau des trains à bandes,
refroidissements accélérés des trains à fils, système de refroidisse-
La tendance au vieillissement après écrouissage des aciers ferri- ment des plaques après quarto, refroidissement des recuits
tiques dépend de leur composition chimique et du cycle thermique continus...
ou thermomécanique qu’ils subissent.
En ce qui concerne la composition chimique, on considère les
Le cycle de fabrication du métal : par exemple la fixation de l’azote effets directs et indirects de la présence de certains éléments.
sous forme de précipités stables par l’aluminium, dépend des
conditions de mise en solution et de précipitation. Il faut d’abord traiter le cas du carbone et de l’azote : en leur
absence (cas du fer pur), on vérifie qu’il n’y a effectivement aucun
Le cycle thermique est également important en l’absence vieillissement. Et, outre que cette élimination totale des deux
d’éléments fixant azote et carbone, car il y a l’effet de la transfor- éléments n’est pas facile industriellement, les compromis désirables
mation γ – α et la précipitation éventuelle au refroidissement ou au sur les propriétés ne sont pas forcément favorables, en particulier
cours de maintien à basse température. le contrôle de la grosseur de grain.
La figure 19 schématise quatre sortes de cycles simplifiés qui Une des solutions utilisées est plutôt la fixation totale sous forme
peuvent d’ailleurs se suivre au cours de la fabrication de nombreux de carbures et de nitrures stables après réduction des teneurs en
produits (tôles minces laminées à chaud, tôles fortes brutes de C et N à leur minimum industriel économique.
laminage, normalisées, trempées revenues, fil machine brut de
laminage, produits longs brut de laminage ou traités). Mais cette solution extrême des aciers dits sans interstitiels n’est
pas la seule et ne convient pas pour tous les usages.
La figure 20 représente les cycles thermiques des tôles minces
Nous examinerons successivement les rôles métallurgiques
laminées à froid et recuites (recuit base ou recuit continu).
suivants :
Pour tous les produits, le cycle a (figure 19) correspond à un — l’influence de la teneur en interstitiels ;
chauffage à haute température provoquant des mises en solution — le rôle des éléments formant des carbures et des nitrures ;
presque totales ; le refroidissement après laminage comporte une — le rôle des autres éléments présents dans l’acier : rôle direct
transformation γ – α et des précipitations éventuelles. Les vitesses et rôle indirect.
de refroidissement après transformation jouent un rôle important.
Pour interpréter l’influence des facteurs métallurgiques, il faut
La variante b (figure 19) ne diffère de a que par un maintien d’abord revenir aux paramètres qui permettent de chiffrer le phéno-
isotherme supplémentaire dans la ferrite qui se produit dans les mène. Comme les exemples des paragraphes précédents, notam-
opérations de bobinage ; les températures de bobinage jouent un ment le paragraphe 4, le montrent, le vieillissement en fonction du
grand rôle pour la précipitation de certains éléments. temps suit le plus souvent une courbe en S avec une phase
Le cycle c (figure 19) comporte, après un des cycles précédents, d’accélération puis de ralentissement avec une asymptote ou un
un chauffage dans le domaine austénitique juste au-dessus du point maximum plat.
de transformation Ac3 , donc sans remise en solution obligatoire de
certains précipités : c’est le cas de la normalisation ou de laminage
avec réchauffage à basse température.
Le cycle d (figure 19) correspond à un revenu ou recuit dans la
ferrite après un des cycles précédents éventuellement suivi de
trempe. Dans la ferrite, il peut y avoir également au chauffage, au
maintien et au refroidissement, des précipitations et des remises
en solution.

Figure 20 – Cycles thermiques de recuit


de tôles minces laminées à froid

Figure 19 – Cycles thermiques ou thermomécaniques des aciers

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Cette forme est évidemment bien conforme au rôle des équations Il s’agit de trois aciers extra-doux de composition quasiment
de diffusion et aux phénomènes de saturation des sites, en particulier identique (au silicium près) et ayant trois teneurs en azote :
des dislocations. • 0,004 % pour l’acier 1 ;
Ainsi, l’interprétation des essais peut se faire de deux façons : • 0,009 % pour l’acier 2 ;
— par les effets à saturation ; • 0,003 %, plus de l’aluminium, pour l’acier 3.
— par les cinétiques elles-mêmes. On constate une nette différence de cinétique sur le vieillissement,
l’acier 2 est déjà vieillissant à 50 oC et atteint la moitié de l’asymptote,
l’acier 1 vieillit à 100 oC pratiquement autant que l’acier 2, ce qui
5.1 Rôle des interstitiels montre que la valeur à saturation ne dépend pas beaucoup de l’azote
total. L’acier 3 ne vieillit sensiblement qu’à 250 oC car les conditions
de son cycle thermique font que l’azote est fixé sous forme de nitrure
La quantité d’interstitiels actifs est évidemment le premier facteur d’aluminium. Il reste un vieillissement dû au carbone. Ces résultats
important du vieillissement. Elle dépend d’abord de la présence des confirment le rôle prépondérant de l’azote sur le vieillissement. Ceci
éléments carbone et azote, puis de leur fixation éventuelle sous est également confirmé par les essais de traction à chaud dont le
forme stable en fonction de la présence d’autres éléments et des 200
cycles thermiques. critère R 20 = R 200 – R 20 montre une extrême sensibilité à la teneur
Dans un premier stade il est nécessaire de mettre en évidence le en azote comme on le voit sur la figure 13.
rôle de cette teneur en interstitiels libres en partant de la teneur
totale. Pour le carbone présent dans la quasi-totalité des aciers, la Il est donc clair que la diminution de teneur en azote ou sa
quantité active dépend fortement du cycle thermique. fixation sous forme de nitrures stables réduit considérablement
Pour l’azote, la quantité totale est l’élément fondamental de son la sensibilité au vieillissement après écrouissage.
rôle en raison de sa solubilité.

5.1.1 Rôle de l’azote 5.1.2 Rôle du carbone

La solubilité maximale du carbone dans la ferrite à 720 oC est de


La figure 21 représente l’effet de l’azote sur un critère de vieillis-
l’ordre de 0,020 % en masse, cette valeur reconnue pour un alliage
sement par traction ∆Re /Re , en fonction de la température de
Fe-C est bien admise pour les aciers au carbone. La valeur décroît
vieillissement.
jusqu’à quelques ppm quand la température baisse au-dessous de
200 oC. La valeur à l’équilibre à + 20 oC serait voisine de 0 mais
cela n’a pas beaucoup d’intérêt car l’équilibre n’est pas atteint en
pratique et il y a forcément un peu de carbone en sursaturation,
ceci quelle que soit la lenteur du refroidissement ou la durée du
maintien à + 20 oC.
En fait, on observe toujours un palier à la limite d’élasticité sur
les aciers doux quel que soit le traitement : preuve qu’il y a quelques
ppm de carbone libre.
Dans les cas de refroidissement relativement rapide, le carbone
n’a pas le temps de précipiter sous forme de carbures, il y a donc
une sursaturation à la température ambiante.
Les essais de vieillissement effectués en fonction de vitesses de
refroidissement variables après mise en solution de carbone à
haute température montrent bien que ce carbone est actif ; il faut
donc distinguer le carbone soluble (sous-entendu à l’équilibre) du
carbone libre c’est-à-dire capable de diffuser, c’est-à-dire tout le
carbone non fixé.
L’interprétation des essais de vieillissement accéléré est donc
délicate dans le cas du carbone car le choix d’une température de
vieillissement, par exemple de 200 oC, ne permet pas de connaître
exactement la quantité de carbone libre : il y aurait en fait du carbone
libre présent avant le chauffage et une possibilité de remise en
solution ou de précipitation selon la teneur d’équilibre et la cinétique.
Ce mécanisme est à mettre au conditionnel car, dans un essai de
vieillissement après écrouissage, l’introduction de dislocations qui
vont piéger des atomes de carbone ne permet plus un raisonne-
ment sur la solubilité intrinsèque.
Cela explique des différences entre le survieillissement avec ou
sans écrouissage. Quand il n’y a pas d’écrouissage les précipités de
carbures de fer grossissent (figure 8), au contraire, avec écrouissage
le carbone reste bloqué autour des dislocations et il n’y a pas de
baisse notable du durcissement.
De même des temps de stockage à l’ambiante de très longue durée
avant écrouissage ne permettent pas de supprimer le vieillissement :
Figure 21 – Augmentation de la limite d’élasticité il y a suffisamment de carbone libre disponible ou il s’en crée par
due au vieillissement en fonction de la température de vieillissement remise en solution à la température de vieillissement.
pour différents aciers

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Cette notion de carbone libre permet aussi d’expliquer les Il semble que les propriétés interactives se traduisent forcément
difficultés d’étalonnage entre essais de vieillissement et mesures par les conditions de transformation : un élément comme le
physiques par frottement interne, résistivité, pouvoir thermo- manganèse abaisse les points de transformation des aciers parce
électrique qui ne prendront pas en compte de la même façon le qu’il change les conditions thermodynamiques de la solubilité
carbone en position interstitielle et les atomes de carbone au (activité du carbone, etc.).
voisinage des dislocations. On constate que l’abaissement des points de transformation, par
L’influence de la teneur en carbone sur un indice de vieillissement exemple pour un changement des conditions de refroidissement
est présentée sur la figure 22. (huile, eau, etc.), conduit toujours à une réduction de la sensibilité
au vieillissement. Un raisonnement qualitatif simple permet de le
justifier : quand on forme de la ferrite à plus basse température en
conditions anisothermes on suit forcément la tendance à la diminu-
5.2 Rôle des éléments de substitution tion de la solubilité démontrée par le diagramme d’équilibre iso-
therme. Il est donc normal que la ferrite formée contienne moins
de carbone et d’azote que la ferrite d’équilibre à plus haute
On vérifie expérimentalement que la plupart des éléments d’addi- température.
tion en solution solide : Mn, Si, Ni, Cu, etc. réduisent la tendance
au vieillissement des aciers. On a pu vérifier cette règle sur de nombreux aciers (aciers doux
par exemple, figure 24), ce qui a permis de tracer le diagramme de
Seul le phosphore a la réputation d’exercer une synergie avec la figure 25 sur lequel on peut calculer un indice de vieillissement
l’azote. en fonction de la teneur en azote et du point de transformation Ar3 .
La figure 23 représente l’influence du manganèse. L’interprétation
du mode d’action peut se faire par des considérations sur les change-
ments microstructuraux ou sur les changements de solubilité des
interstitiels. Par exemple, on cite dans plusieurs publications le fait
que le manganèse peut former des dipôles avec l’azote dans le
réseau de la ferrite.
Les considérations sur la solubilité à l’équilibre ne peuvent être
vérifiées qu’indirectement car les diagrammes à grand nombre
d’éléments : C, N, Mn, Si... n’existent pas.

Figure 23 – Influence des teneurs en manganèse


sur la tendance au vieillissement d’un acier

Figure 24 – Relation entre la température de transformation


Figure 22 – Influence de la teneur en carbone en solution  –  (Ar3) et l’intensité du vieillissement après écrouissage
sur la limite d’élasticité, l’allongement au palier et la résistance
après un écrouissage de 4 % en fonction de la durée du vieillissement

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Figure 26 – Mise en solution dans l’austénite


des principaux carbures, nitrures et carbonitrures
présents dans les aciers non alliés

Figure 25 – Diagramme permettant de calculer un chauffage lent (recuit base) ou rapide (recuit continu, recuit
un indice de vieillissement en fonction de la teneur en azote avant galvanisation), le nitrure d’aluminium précipite en jouant
et de la température de transformation  –  (Ar3) d’ailleurs un rôle important sur la recristallisation et la texture. On
n’observe donc pas de vieillissement dû à l’azote si la teneur en
aluminium est suffisante et si les conditions thermiques sont telles
que la précipitation est complète.
5.3 Rôle des éléments formant
La figure 27 représente l’effet d’une normalisation à 900 oC au
des nitrures et des carbures cours de laquelle le nitrure d’aluminium est précipité, en compa-
raison à l’état brut de laminage refroidi relativement rapidement (NAI
en solution) : le vieillissement mesuré par ∆σ / σ ou par traction à
Une manière efficace de réduire le vieillissement consiste à fixer chaud fortement réduit à 100 o C et qui apparaît à 250 o C est
l’azote et le carbone sous forme de composés stables. C’est déjà le attribuable au carbone.
cas en partie pour le carbone sous forme de cémentite Fe3C mais
l’on a vu qu’il n’est pas possible de fixer ainsi la totalité du carbone
quelle que soit la vitesse de refroidissement. 5.3.2 Cas du niobium
Les éléments carburigènes et (ou) nitrurigènes sont les suivants :
— l’aluminium formant NAI ; Le carbonitrure de niobium est soluble à haute température dans
— le niobium formant un carbonitrure NbCN ; l’austénite mais il précipite au refroidissement plus rapidement que
— le vanadium formant VN ou VC ; le nitrure d’aluminium. De ce fait, la fixation du carbone et de l’azote
— le titane formant TiN et TiC ; est très efficace même si la composition la plus généralement admise
— le bore formant nitrures et carbures. du carbonitrure de niobium fait qu’il ne fixe qu’une faible partie de
La plupart de ces composés sont solubles dans l’austénite à haute l’azote. La figure 27 montre ainsi qu’un acier au Nb brut de laminage
température, plus de 1 150 oC (nitrure d’aluminium, carbonitrure de est nettement moins vieillissant que l’acier sans Nb. À l’état
niobium, carbure de titane). Par contre, les composés du vanadium normalisé la fixation du reste de l’azote par l’aluminium réduit encore
sont solubles au-dessous de 1 000 oC aux teneurs habituelles dans la sensibilité au vieillissement. Cette évolution est présentée d’une
les aciers extra-doux et doux. Seul pratiquement le nitrure de titane manière très comparative sur la figure 28 où l’on voit l’évolution de
formé au moment de la solidification peut être considéré dans l’acier A 37 vieillissant et de l’E 36 brut sans Nb puis avec Nb et enfin
certains cas comme insoluble. La figure 26 représente les courbes normalisé (on n’a pas représenté l’acier au Nb normalisé pour ne
de mise en solution en fonction de la température de certains de pas surcharger en considérant qu’il est très proche de l’E 36
ces composés. Étant donné que les aciers ont toujours, au sortir de normalisé).
la coulée continue ou au cours du laminage, un passage à haute La figure 29 montre l’effet de la fixation de l’azote sur le vieillis-
température (cycle a de la figure 19), on a au départ une certaine sement mesuré par la température de transition Charpy V. Si le
mise en solution puis, suivant les cycles, il y a précipitation au classement des aciers dans l’ordre des teneurs en azote libre : A 37
refroidissement ou lors d’un réchauffage dans l’austénite à basse puis E 36 brut de laminage et E 36 normalisé est le même que dans
température ou dans la ferrite au cours d’un recuit. ∆σ
les mesures de --------- , on voit que les cinétiques en fonction de la
σ
température sont différentes. Cela provient du taux d’écrouissage
5.3.1 Cas de l’aluminium local différent et de la nature du phénomène mesuré.

Le développement des aciers calmés Al coulés en continu tant pour


les tôles fortes et les tôles minces que pour certains produits longs 5.3.3 Cas des autres éléments : V, Ti, B
fait qu’une très forte proportion de nuances contient de l’aluminium.
Étant donné la cinétique de précipitation relativement lente au Ces trois éléments fixent l’azote et le carbone sous des formes
refroidissement, les produits bruts de laminage peuvent conserver différentes, ce qui rend moins schématique leur rôle sur le vieillis-
l’azote et l’aluminium en solution : cela dépend de l’épaisseur du sement : par exemple on admet que la mise en solution des nitrures
produit. de vanadium et des carbures de vanadium ne s’effectue pas dans
La précipitation de NAI peut alors se faire lors d’un traitement de la même gamme de températures dans l’austénite ; cela conduit à
normalisation ou de revenu. Une autre possibilité intervient lors du des échanges VN, NAI quand V et Al sont présents ensemble.
recuit de recristallisation des tôles minces : que ce recuit soit avec

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Figure 29 – Effet de la température de vieillissement


sur la température Charpy V de trois aciers

pas souhaitable ; la formation de carboborures est contrôlée en cas


de bore disponible par la vitesse de refroidissement et modifie les
conditions de transformations γ – α ; en conséquence, les aciers
contenant du vanadium, du titane ou du bore sont en général non
vieillissants.
Figure 27 – Influence de la normalisation sur la tendance
au vieillissement d’un acier A 52 calmé au Si-Al
et contenant du niobium
6. Vieillissement
des tôles minces
La généralisation de la coulée continue, des aciers calmés Al ou
microalliés avec des éléments fixant l’azote, a fait disparaître le
risque de vieillissement après écrouissage dans beaucoup de
produits ; c’est en particulier le cas des tôles minces et des tôles
fortes ou plaques au moins pour le métal de base.
Nous considérons néanmoins le cas des tôles minces dans le
détail pour les trois raisons suivantes :
— ce sont des produits livrés par les usines avec une passe
d’écrouissage, le skin pass, dont le rôle est important pour la mise
en œuvre ;
— l’éventail de nuances s’est beaucoup agrandi avec notamment
l’introduction du recuit continu ;
— il existe un besoin croissant de compromis intéressant les
utilisateurs : basse limite d’élasticité pour le formage et durcisse-
ment pendant la cuisson de la peinture (bake hardening).
Le point singulier qui perturbe les observations et le chiffrage du
vieillissement provient de l’effet de la passe d’écrouissage dite de
skin pass. Il est donc préférable d’étudier d’abord les effets métal-
lurgiques sur une tôle non skin passée écrouie en traction, par
exemple de 10 %, comme cela a été décrit au paragraphe 4. On peut
Figure 28 – Comparaison de la tendance au vieillissement ainsi mettre en évidence le rôle de l’azote et du carbone libre.
en traction de quelques aciers typiques
Néanmoins, en pratique, les utilisateurs sont intéressés par le
vieillissement après skin pass qui est l’état de livraison (figure 30).
De même, l’affinité du titane pour l’azote est telle que la précipita- Comme les facteurs métallurgiques qui jouent sur la longueur du
tion de TiN s’effectue dès la solidification sous forme de TiN quasi- palier, par exemple la teneur en interstitiels, sont les mêmes que
ment insoluble par traitement thermique ultérieur. ceux qui jouent sur le vieillissement, il est difficile d’isoler les
La formation des carbures de titane est par contre très analogue paramètres.
à celle des carbures de Nb, le titane est donc un élément très efficace Nous allons donc considérer successivement les points suivants :
pour fixer les interstitiels. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il est
— la longueur du palier ;
l’élément de base pour la réalisation des aciers sans interstitiels :
— la suppression du palier par skin pass ;
dans ce cas la teneur en titane est calculée pour fixer la totalité de
— le retour du palier ;
l’azote et du carbone.
— le rôle de la composition chimique sur l’ensemble des phéno-
L’action du bore est un peu plus complexe malgré une analogie mènes ;
avec le titane : forte affinité pour l’azote à haute température ; il — le rôle des cycles thermiques, en particulier le recuit ;
remplace l’aluminium quand l’effet affineur de grain de NAI n’est — le vieillissement après peinture (bake hardening ).

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ferritique et les interstitiels en solution : N et (ou) C. L’influence de


la grosseur de grain sur la limite d’élasticité et la longueur du palier
est bien connue.
L’effet de C et N est aussi bien cerné, la preuve étant la disparition
du palier pour les aciers sans interstitiels. Ces aciers, où tout l’azote
et tout le carbone sont fixés sous forme de nitrures et de carbures
stables par du niobium ou du titane, ont des limites d’élasticité
basses, n’ont pas de palier quel que soit le cycle thermique et ne
sont pas sensibles au vieillissement.
En règle générale, les valeurs de Re et de A p vont dépendre à la
fois de la grosseur de grain et de la teneur en interstitiels : des
aciers très chargés en interstitiels, donc très vieillissants, auront
alors des valeurs de Re élevées et des paliers longs, mais on peut
aussi avoir des paliers longs pour des aciers à grains très fins. La
longueur du palier initial n’est donc pas un indice de sensibilité au
vieillissement.
■ Calcul de la longueur du palier
La longueur du palier est liée à la valeur de limite d’élasticité et
à la consolidation, comme l’a montré Jaoul [2]. Cela permet de
montrer la croissance du palier en fonction de la vitesse, de la baisse
de température et de tous les facteurs jouant sur la limite d’élasticité.
Un modèle simple permettant de calculer le palier A p est tiré du
schéma de la figure 9.
Le palier est déterminé par le rattrapage nécessaire de la courbe
de consolidation σ = k ε n (cf. article Essais mécaniques des
matériaux : essais de rupture [M 126] dans le présent traité) d’où
l’égalité :
n
Re = k A p (1)

Re 1/ n
d’où l’on tire Ap =  -------k - 
où l’on peut remplacer k par l’expression en fonction de la
résistance :

 
n n
R m = k -----
e
1/ n
n Re
d’où 
A p = ----- ----------
e Rm  e = 2,718

expression approchée et vérifiée sur un grand nombre de types


d’aciers avec un coefficient de correction :
Re 1/ n
A p = 0,6 n ----------
Rm   (2)

■ Expression du palier en fonction de la taille de grain


On sait que la limite d’élasticité s’exprime en fonction de la taille
de grain par la loi de Petch :
1
– -----
R e = σ 0 + kd 2

Figure 30 – Réapparition du palier après skin pass Il en est de même pour la résistance avec des coefficients
différents :
1
– -----
6.1 Palier de limite d’élasticité R m = σ 0′ + k ′d 2

En introduisant ces grandeurs dans l’équation (2), il vient :


La courbe de traction des aciers doux a la forme présentée à la 1/ n
1
figure 9. Après le crochet de limite d’élasticité, la déformation – -----
concentrée dans des bandes (bandes de Piobert-Lüders) se propage σ 0 + kd 2
A p = 0,6 n ------------------------------------
1
-
d’un bout à l’autre de l’éprouvette. La déformation dans une bande – -----
est égale à la longueur du palier. σ 0′ + k ′d 2

La longueur du palier est liée à la valeur de la limite d’élasticité


et à la consolidation : pour une analyse de base constante, les
facteurs essentiels qui jouent sur Re et A p sont la grosseur de grain

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6.2 Suppression du palier par skin pass

En traction pure on ne peut supprimer le palier qu’en effectuant


une déformation au moins égale à la longueur du palier ; si l’on
interrompt la déformation avant la fin du palier, ou retrouvera le
résidu de palier lors du second essai de traction et ceci qu’il y ait
ou non vieillissement.
Quand on effectue une déformation par laminage, ce qui est le
cas du skin pass, on génère non pas une bande unique ou deux
bandes mais un réseau périodique tel qu’il est représenté en coupe
sur la figure 31. Pour une déformation donnée par skin pass, la tôle
contient des alternances de zones déformées et non déformées. La
présence de ce réseau de bandes de Piobert-Lüders entraîne
plusieurs conséquences : chaque bande provoque une certaine
concentration de contrainte, ce qui abaisse le seuil d’écoulement
local et, lors d’un essai de traction ultérieur, il y aura abaissement
apparent de la limite d’élasticité et suppression d’un bout de palier.
Si l’écartement des bandes ainsi que leur profondeur atteignent
une valeur critique, on a suppression du palier parce que la propa-
Figure 31 – Progression des bandes
gation des bandes se fait à une contrainte inférieure à Re . La défor-
lors d’une déformation par skin pass
mation critique de suppression de palier dépend de plusieurs
paramètres tels que le rayon déformé du cylindre R’, les tractions,
l’épaisseur de la tôle. En général, pour des tôles minces classiques,
cette déformation critique vaut environ le tiers de la longueur du
palier.
À ce stade, la limite d’élasticité a atteint un minimum qui se situe
30 à 50 MPa plus bas que le niveau du palier initial c’est-à-dire Re
(figure 30). Si le taux de skin pass est encore augmenté, la limite
d’élasticité croît.

6.3 Retour du palier après vieillissement

Pour interpréter le phénomène de retour de palier après skin pass


et vieillissement, il faut prendre en compte l’aspect mécanique de
ce retour en même temps que l’aspect métallurgique (effet de la
température, du temps et des éléments actifs).
En effet, le paragraphe 6.2 a montré qu’une tôle skin passée
contient une alternance périodique de zones déformées et de zones
non déformées, or seules les zones déformées vont vieillir, donc
devenir plus dures que les zones non déformées. Une hypothèse
raisonnable à l’échelle microscopique est que la cinétique du vieillis-
sement des zones déformées est identique à ce que serait celle d’une
zone écrouie homogène microscopique. Malgré leur petite taille, de
l’ordre de quelques micromètres, ces zones sont encore très grandes
pour la diffusion des interstitiels vers les dislocations.
La cinétique du vieillissement dans ces bandes déformées a donc
toutes les raisons d’avoir la même cinétique que si la déformation Figure 32 – Influence du taux de vieillissement après la passe
était homogène et valait la déformation de la longueur du palier. d’écrouissage sur la limite d’élasticité et la longueur du palier
Après vieillissement on a donc des zones non écrouies qui vont se
déformer les premières pour une contrainte apparente fonction de
la géométrie, contrainte inférieure au début à la valeur de Re , et ce Dans beaucoup d’études antérieures, la mesure était plutôt
n’est que progressivement que réapparaîtra un morceau du palier qualitative, ce qui fait qu’il y a peu de données précises en fonction
résiduel. des paramètres des tôles : composition chimique, traitement
La figure 32 représente l’évolution de Re et du palier depuis le thermique et conditions de skin pass. La figure 34 représente l’évolu-
recuit, le skin pass et le temps de vieillissement à 27 oC pour un acier tion de la longueur du palier d’un acier vieillissant ayant un palier
très vieillissant. Par conséquent, on a l’impression que le retour de initial de 2,8 % pour trois états :
palier se fait plus lentement que la remontée de la limite d’élasticité. — l’état non vieilli avec la diminution du palier puis sa disparition
vers un allongement de skin pass de 0,7 % ;
La figure 33 montre que la cinétique ne dépend pas du taux de
— l’état vieilli pendant 30 min à 50 oC qui se traduit par la
skin pass, ce qui confirme que les zones déformées sont au même
réapparition d’un palier très court inférieur à 0,2 % ;
niveau d’écrouissage.
— l’état vieilli pendant 30 min à 100 oC avec un palier net.
Étant donné qu’en pratique la limite d’élasticité se fait à partir
Il est important de noter que le palier qui réapparaît est le résidu
d’une référence souvent mal connue car dépendant non seulement
du palier après déduction du taux de skin pass. On constate bien,
du taux de skin pass mais des conditions de ce skin pass, le critère
en effet, que les paliers à l’état écroui vieilli sont toujours nettement
le plus significatif est le retour du palier.

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plus courts que les paliers initiaux : par exemple, pour un palier initial 6.4 Vieillissement des tôles minces
de 3 % et un taux de skin pass de 1 %, il ne peut réapparaître qu’un
palier de 2 % après vieillissement. Cela explique ainsi certaines
dispersions sur les paliers à l’état écroui vieilli car ils accumulent
6.4.1 Aspects métallurgiques
la dispersion sur la longueur du palier initial, la dispersion sur le
Comme l’aspect phénoménologique du vieillissement après skin
taux de skin pass et la dispersion sur le phénomène du vieillissement
pass introduit des paramètres supplémentaires, les relations entre
lui-même.
la composition chimique, la teneur en interstitiels en particulier, et
un indice de vieillissement ne sont pas simples.
Par exemple, en comparant deux tôles minces différentes par leur
teneur en azote, on observe les effets successifs par rapport à un
acier à bas azote :
— différence de limite d’élasticité due à l’azote ;
— augmentation de la longueur du palier donc de la déformation
nécessaire pour supprimer le palier ;
— allongement différent pouvant jouer sur le taux de vieillis-
sement ;
— cinétique de vieillissement différente ;
— valeur différente du traitement de vieillissement réalisé après
déformation si on se place à la suppression du palier ;
— cinétique de vieillissement de fonte ;
— valeur de Re et longueur de palier à l’état vieilli différentes.
Globalement, l’écart dû à l’azote ne peut être considéré comme
proportionnel à sa teneur.

6.4.2 Influence de la teneur en carbone

L’effet de la grosseur de grain sur Re et la longueur de palier est


le facteur déterminant qui joue davantage que la teneur en inter-
stitiels sur le phénomène global.
On voit sur la figure 22 que la longueur de palier n’est pas sensible
à la teneur en carbone libre sauf pour de très basses teneurs. Par
conséquent, la cinétique de réapparition du palier est seule sensible
à la teneur en interstitiels.

6.4.3 Influence de la teneur en azote

La figure 35 montre l’effet de l’azote sur le retour du palier après


skin pass.

Figure 33 – Cinétique de vieillissement à 50 oC après skin pass


(sans traction)

Figure 34 – Vieillissement après skin pass


Figure 35 – Influence de la teneur en azote sur la cinétique
pour un acier dans trois états
de vieillissement à 50 oC après déformation de 7 % par traction

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6.5 Influence du cycle thermique Le durcissement à la cuisson, bake hardening en anglais, est chiffré
par l’augmentation de Re due au vieillissement : il est souvent pris
(tôles minces) après un écrouissage de 2 % du métal skin passé (qui est en fait déjà
écroui le plus souvent de 1 %) mais le taux est variable.
La quantité d’interstitiels dépend de la température de recuit, de La sensibilité des aciers à ce phénomène est tout à fait semblable
la vitesse de refroidissement et d’un traitement éventuel de à un essai de vieillissement et dépend des mêmes paramètres. Si
survieillissement. le vieillissement dû à la cuisson est simulé par 1 h de maintien à
100 oC, on a donc un essai de vieillissement 2 % – 100 oC – 1 h. Il
Il faut distinguer deux types de processus de variation des
ne sera en corrélation avec les autres essais de vieillissement que
interstitiels :
dans les limites décrites dans le paragraphe 4.
— la teneur en azote libre et la précipitation de NAI ;
— la teneur en carbone libre dépendant de la quantité dissoute, Pour les faibles taux d’écrouissage, il faut bien se souvenir que
de la vitesse de refroidissement et du cycle de survieillissement qui la limite d’élasticité après le durcissement de la cuisson permet de
en fait précipiter une grande part. retrouver la limite d’élasticité du métal avant skin pass ; la remontée
de Re à partir de la tôle skin passée dépend donc de la valeur de
Le premier cas permet de vérifier que la formation de NAI tant la limite d’élasticité initiale et des conditions de skin pass, et seule
au recuit base qu’au recuit continu élimine le vieillissement dû à la cinétique du retour du palier dépend de la teneur en interstitiels
l’azote. libres visée.
La figure 35 représente un effet très important de la teneur en
azote après déformation par traction et vieillissement à 50 oC : la
longueur de palier maximale est peu dépendante de l’azote car le
facteur essentiel est la taille de grain. 7. Autres produits
La figure 36 illustre la variation de la teneur en carbone libre qui
est fonction du cycle de survieillissement après recuit continu. On sidérurgiques
constate sur cette figure que la teneur en carbone libre dépend du
temps de survieillissement. Il en sera de même pour la cinétique
du retour du palier.
7.1 Généralités
Le vieillissement est essentiellement significatif dans les aciers
extra-doux, c’est-à-dire ceux qui sont totalement ferritiques. La
6.6 Durcissement à la cuisson perlite est beaucoup moins sensible car la diffusion des interstitiels
ne concerne pas la cémentite.
(bake hardening )
Le vieillissement décroît régulièrement quand on passe aux aciers
plus chargés en carbone ou en éléments d’alliages. Outre les tôles
Il s’agit de profiter du phénomène de vieillissement après écrouis- minces déjà étudiées, les principaux produits concernés sont le fil
sage pour augmenter les caractéristiques de l’acier après formage doux et extra-doux, les aciers soudables dans certaines conditions
afin d’améliorer la résistance à l’indentation. C’est cette résistance et d’autres aciers (ronds à béton, quelques aciers à rail, poutrelles,
qui contrôle les réductions d’épaisseur envisageables pour l’allège- etc.).
ment des véhicules. Le gain de limite d’élasticité par rapport à la
tôle non déformée peut atteindre 100 MPa (moitié par écrouissage,
moitié par vieillissement). 7.2 Fil machine et tréfilage
L’intensité des déformations dans le tréfilage, la vitesse, le faible
rapport surface/volume, le contact limité dans la filière, font que
l’énergie de déformation transformée en chaleur provoque une
élévation de température très importante, nettement supérieure au
formage des tôles minces ou même au laminage à froid (grande sur-
face et fluide lubrifiant refroidissant). De ce fait, le fil tréfilé atteindrait
les zones de température du vieillissement dynamique si des
refroidissements entre passes ne limitaient pas l’échauffement
(§ 2.4.5 et 4.1).
De ce fait, la présence d’azote libre en teneur élevée joue un rôle
important sur les courbes de durcissement et sur les limites de
tréfilabilité.

7.3 Aciers soudables : tôles fortes


Le métal de base des plaques et des tôles fortes est non vieillissant
comme cela a été montré, en raison des additions (Nb, V, Al, Ti),
mais le soudage reporte à haute température certaines zones dites
affectées d’où remise en solution des interstitiels.
Cela conduit à limiter les énergies de soudage ou à fixer l’azote
par de petites additions de titane.
Un autre aspect du contrôle du vieillissement est posé par le
formage des pièces chaudronnées suivi de chauffage, ce qui se
traduit par des normes et codes adaptés (CODAP, code des appareils
Figure 36 – Décroissance de la teneur du carbone en solution solide
à pression).
en fonction du temps de survieillissement après recuit continu

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M 235 − 20 © Techniques de l’Ingénieur, traité Matériaux métalliques

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12/10/2008

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