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FICHE 1

« Je chante des héros dont Esope est le père » écrivait La Fontaine dans le premier recueil de ses
Fables. Cette affirmation permet de mieux apprécier le texte intitulé « Les Deux Coqs » dont le sujet
est précisément inspiré d'Esope. Le fabuliste y narre une querelle de basse-cour en faisant référence
à la mythologie antique. Il paraît ainsi renouer avec les origines de la fable qui se voulait, jadis, un
récit légendaire.

Le combat qui oppose les deux coqs est cependant l'objet d'une narration parodique et burlesque
dont le fabuliste nous invite à tirer une leçon.

I. Un récit Burlesque

1. Une transposition parodique

Dès les premiers vers du texte, La Fontaine fait référence à L'Iliade d'Homère en comparant le conflit
des deux Coqs à la guerre de Troie ; les volatiles de la fable se livrent, en effet, un combat sans merci
pour une Poule, comme jadis le roi grec Ménélas et le Troyen Pâris s'affrontèrent pour la belle
Hélène ! Cette transposition d'un épisode de la mythologie grecque est évidemment parodique. La
fable de La Fontaine ne s'apparente à l'épopée, genre poétique destiné à célébrer les exploits des
héros et des dieux, que pour railler les vaines prétentions des gallinacés qu'elle met en scène. Le
burlesque consiste ainsi à transformer l'épopée antique en une vulgaire querelle de poulailler.

2. Un style héroï-comique

La Fontaine recourt ironiquement au style élevé de la poésie épique pour ridiculiser les personnages
qu'il met en scène. Le champ lexical de la lutte (« guerre » v. 2 ; « querelle envenimée » v. 4 ; «
combats » v. 6 ; « victoires » v. 20), les allusions à la mythologie (v. 1 à 10) ou l'apostrophe au dieu
Amour (« amour, tu perdis Troie », v. 3) confèrent au combat de deux Coqs une grandeur insolite et
cocasse.

Le fabuliste pousse l' ironie jusqu'au pastiche, (imitation de la manière d'écrire d'un auteur). En
qualifiant la Poule de la fable d' Hélène au beau plumage (v. 9) le poète recourt, en effet, à l'épithète
homérique, expression désignant un être par sa principale qualité (« Ulysse le divin », « Achille aux
pieds légers »). Ce faisant, il tourne en dérision le style héroïque de l'épopée et donne à son récit une
tonalité burlesque.

3. Une esthétique de la gaïeté

En mêlant, comme il le fait, un sujet des plus communs au registre élevé de la mythologie, La
Fontaine pratique ce que l'on pourrait nommer une esthétique de la gaieté . Nulle gravité dans
l'évocation du combat fratricide des deux Coqs ou dans l'intervention fatidique du Vautour (v. 23),
mais une légèreté, une espièglerie, un goût certain de l'incongruité et de la moquerie joyeuse. Ce
sont elles qui expliquent la vivacité avec laquelle l'histoire des deux Coqs est narrée ou le jeu de mots
qui accompagne, au vers 26, l'évocation du second triomphateur venu « faire le coquet [...] autour de
la Poule ». Ce terme, issu du substantif « coq » , déprécie la virilité du séducteur en suggérant par le
jeu du diminutif "et", qu'il n'est qu'un petit coq.
Selon La Fontaine, la gaieté n'est pas simplement « ce qui excite le rire ». Elle est davantage, on le
voit, « l'air agréable » que l'on donne à un sujet sérieux lorsque l'on souhaite inviter le lecteur à la
réflexion.

II. La portée de la Fable


1. La dureté des rapports de domination

L'histoire narrée dans cette fable démontre que la discorde règne sur le monde.
L'état de paix évoqué dans le premier hémistiche du vers 1( « Deux Coqs vivaient en paix ») est aussi
fragile qu'éphémère, puisque la seule apparition d'une Poule suffit à allumer la guerre (v. 2). La
soudaineté avec laquelle la bonne entente des deux Coqs est rompue, souligne combien la vie en
société, que symbolise l'univers clos de la basse- cour, est sujette aux conflits et aux rapports de
force. L'évocation d'une simple querelle de volatiles est, pour La Fontaine, l'occasion de dénoncer la
« jalouse rage » (v.18) des hommes. De toutes les passions qui gouvernent le monde, la convoitise
est celle qui génère le plus de troubles.

2. La libre jeu de la fortune

La moralité de la fable (v. 29 à 32) laisse entendre que les puissants de ce monde, représentés par le
Coq victorieux, ne sont à l'abri d'aucun renversement de situation. La « Fortune », puissance qui
préside à la destinée des hommes sans logique apparente, peut briser à tout moment les situations
les mieux établies. Les multiples péripéties que comporte cette fable en témoignent : la soudaineté
de ces revirements est d'emblée suggérée par la présence d'un verbe au passé simple (« une Poule
survint » v. 1) et l'emploi du présentatif « Et voilà » (v. 2).

Le coup de théâtre sur lequel se clôt le récit (le Coq victorieux périt sous l'ongle du Vautour, v. 23)
bouleverse la hiérarchie établie par le combat des Coqs en faisant, contre toute attente, du vaincu un
second vainqueur. Cet ultime retournement de situation, né des caprices de la Fortune, peut être
perçu comme une sorte d'ironie du sort. Cette dernière participe de l'esthétique de la gaieté à
l'oeuvre dans les Fables.

3. L'inconstance généralisée

On ne peut lire ce texte sans avoir le sentiment que le sort (v. 31) frappe d'une manière totalement
aléatoire. En ce monde, semble dire La Fontaine, rien n'est jamais définitivement acquis, rien n'est
immuable ; le gain fût-ce celui d'une bataille est toujours provisoire. « La Fortune » est inconstante,
et c'est cette inconstance qui domine le monde.

Les brusques changements d'attitudes qu'opèrent les personnages de la fable en témoignent : le


petit Coq, vaincu et larmoyant (v. 12), s'enorgueillit lorsque son rival périt (v. 23) passant ainsi sans
transition, de la honte à la gloire. Plus d'une « Hélène au beau plumage » se montre, de même,
volage en amour. Après s'être offerte au vainqueur du combat (v. 10), la Poule se tourne vers le
vaincu venu « faire le coquet » : sa frivolité n'est qu'un reflet de l'inconstance universelle
FICHE 2

L'argumentation Jean de La Fontaine

I Le récit est héroïcomique (= burlesque).

II La leçon est complexe et montre explicitement la toute puissance du hasard.

I Le récit est héroïcomique (= burlesque).

Une fable est un apologue càd un discours argumentatif qui cherche à plaire pour expliquer une
morale explicite/implicite.

Les coqs sont ici des allégories des hommes et de leurs comportements. Cette fable est un renvoi
direct à Achille et aux héros de la Guerre de Troie qui se sont battus pour la Belle Hélène. La guerre
de Troie est un récit épique mais ici la situation est tournée au ridicule : le registre est donc
héroïcomique: les grands héros de la Guerre de Troie sont ici transformés en volailles et la Guerre de
Troie est un querelle de basse-cour. Achille et Hector sont allés à la guerre pour essayer de s'enrichir
mais dans la légende tout ceci est transformé.

A La parodie de l'épopée (+rappel de la légende)

La légende : la Belle Hélène a été enlevée par Pâris le troyen. Ménélas, le mari d'Hélène, va voir un
autre roi nommé Agamemnon (frère de Ménélas, marié à la sœur d'Hélène : Clytemnestre) afin de
faire une alliance de tous les rois grecs contre Pâris. C'est un mythe fondateur. (Achille → héros de
l'Iliade ; Ulysse → héros de l'Odyssée. La querelle de basse-cour : Les combats glorieux de l'Iliade
deviennent des combats de basse-cour. Rappel direct avec « Hélène au beau plumage » v9, « Amour
tu perdit Troie » v3, « le Xanthe » v5 qui est la vallée d'un fleuve, qui coule à côté de Troie, dans
laquelle il y a eut beaucoup de combats. LE sang aurait coulé dans la rivière qui en serait devenue
toute rouge. Le lieu du combat devient une basse-cour, il y a donc une réduction de l'espace.

B La guerre racontée par le fabuliste

La mise en place est rapide. En étudiant l'emploi des temps on voit dès v1 un passage de l'imparfait
de durée au passé simple. Il y a un effet de rupture qui montre le passage brutal de la paix à la
guerre. « Et voila » est la conséquence de l'intervention d'un tiers. C'est une tournure orale qui
permet d'accélérer le récit et de passer directement aux conséquences. On retrouve le même
procédé v24 qui montre la fin du combat et le retournement de situation. Le récit est très rapide. v22
« Adieu » montre la rapidité et l'oralité du récit.

L'héroïsme est ici ridiculisé, dévalorisé & l'orgueil du héros càd du 1er coq est puni par un vautour. Le
coq est la figure allégorique du mâle dominant v21-23. Les efforts pour se préparer au combat ont
été inutiles. C'est le vautour qui décide de la situation. Les coqs sont des hommes : se battre les
flancs v16. Il y a, à ce vers, un mélange de traits qui concerne les animaux et les humains. Au 17e,
cette expression signifiait être essoufflé. Vers 26*27, rimes amusantes : « coquet » et « caquet » qui
crée un transfert de l'homme au coq. Le 1er coq est un héros fragile et provisoire, et, les 2ème coq
est un héros caricaturé & dégradé transformé en vainqueur uniquement grâce à l'intervention du
vautour.

II La leçon est complexe et montre explicitement la toute puissance du hasard.

A La morale est explicitement exposée


v29→32 mais il faut faire des distinctions. Les 4 vers n'ont pas la même portée. Le v30 est ≠et renvoie
à la Guerre de Troie & à la ruse qui aurait permis au Grecs de gagner. Les hommes sont soumis dans
leur vie aux aléas de la fortune mot synonyme de hasard. Or dans la fable fortune est écrit avec une
MAJ comme si LF renvoyait à la déesse de l'antiquité représentée par une roue.

B Autres leçons implicites que l'on peut trier du récit

• L'inconstance féminine en Amour au 17e : de nombreux auteurs étaient misogynes. LF


n'aimait pas sa femme. Napoléon est le + grand misogyne de l'histoire.

• L'histoire se répète mais les hommes sont incapables d'en tirer les leçons qui leur
permettraient de vivre en paix et heureux. Cet exemple historique n'a pas été utile. Il ne faut
pas être orgueilleux et insolent. Il faut savoir rester modeste dans ses victoires. Ulysse ne
peut s'empêcher de crier son nom au cyclope après sa ruse.

C Le pessimisme de La Fontaine en ce qui concerne la condition humaine

Il semble décourager tous ceux qui veulent faire des efforts car tous les efforts des hommes
paraissent dérisoires et inutiles face au sort. Face au hasard tout effort est réduit à néant.

Ccl C'est une parodie pleine de références à l'épopée homérique (Guerre de Troie, l'Iliade &
l'Odyssée). Ces références astucieuses nécessitent de bien connaitre la légende qui serait à l'origine
de la guerre de Troie. On retrouve dans ce texte une équivalence entre le monde animal et le monde
des humains pour dévaloriser l'orgueil et la vanité des individus masculins. La figure du combattant
et de l'amoureux couvert de gloire est issue de la tradition médiévale avec le chevalier qui accomplit
des exploits pour plaire à sa Dame. Cette figure est ridiculisée dans ce texte et même dévirilisée : le
coq devient coquet. Sous des aspects plaisants le récit livre une vision pessimiste du monde: chez les
hommes comme chez les animaux ne règne non pas la paix mais la guerre. Enfin, l'homme est soumis
au hasard et peut à tout moment être victime de la fortune. L'homme est-il libre de ses choix ? Est-il
responsable des conséquences de ses actions ?
FICHE 3

« Les deux Coqs » est une fable de La Fontaine, qui s'est inspiré d'Esope, lequel a
écrit Les deux coqs et l'aigle :

LES DEUX COQS ET L’AIGLE

Deux coqs se battaient pour des poules ; l’un mit l’autre en fuite. Alors le vaincu se retira
dans un fourré où il se cacha, et le vainqueur s’élevant en l’air se percha sur un mur élevé et
se mit à chanter à plein gosier. Aussitôt un aigle fondant sur lui l’enleva ; et le coq caché
dans l’ombre couvrit dès lors les poules tout à son aise.

Cette fable montre que le Seigneur se range contre les orgueilleux et donne la grâce aux
humbles.

Fables, Société d’édition « Les Belles Lettres », 1927

La Fontaine reprend la fable à son compte en remplaçant l'aigle par un vautour


tandis que son titre appelle à se concentrer sur les deux coqs plutôt que sur le
troisième volatile.

Il faut rappeler que, la censure étant de mise sous Louis XIV, Jean de la Fontaine
développe à travers ses Fables, qui mettent en scène des animaux plutôt que des
hommes, une critique de la société. Ce genre littéraire appartient au sous-genre de
l’apologue, c'est-à-dire un court récit illustrant une morale. L’apologue répond ainsi à
deux objectifs : plaire et instruire. A ce sujet, La Fontaine écrit lui-même, en préface
de ses Fables :

Une morale nue apporte de l’ennui :

Le conte fait passer le précepte avec lui.

Cette fable se présente en deux parties, avec la rupture que nous plaçons au vers
19, sans compter la morale qui conclut en appelant à l'humilité dans la victoire et à la
prudence face à la fortune.

Problématique

De fait, comment La Fontaine argumente-il en faveur de sa morale ?

Annonce du plan

Nous verrons dans un premier temps que la fable s'ouvre sur le mode héroï-comique
pour répondre aux intérêts de l'auteur. Dans un second temps, nous étudierons la
rupture marquée par l'irruption du vautour, c'est-à-dire le coup du sort. Dans un
troisième temps, nous analyserons la morale pour extraire le sens métaphorique de
la fable.

Jean de la Fontaine
Développement
Une entrée en scène sur le mode héroï-comique

Il faut d'abord dire que le registre épique est fait pour susciter l'admiration du lecteur.
Il repose sur les procédés suivants :

La Fontaine narre ainsi toute la première partie de son récit (jusqu'au vers 18) à
l'aide du registre épique, pour parler d'un sujet aussi trivial qu'une bataille dans un
poulailler. Cette incohérence entre la forme (registre épique) et le fond (bataille dans
un poulailler) fait rentrer le début de l'histoire dans le registre héroï-comique, c'est-à-
dire le traitement d'un sujet « bas » avec un style élevé.

Le récit se déroule donc dans un poulailler, et fait intervenir deux coqs. L'allégorie est
claire : c'est celle du mâle fort et séducteur – analyse renforcée par l'apparition d'une
« poule », c'est-à-dire d'une femme (on pourra penser au surnom vulgaire « poulette
»).

L'apparition de cette poule est d'ailleurs l'élément déclencheur qui justifie le récit,
avec l'utilisation du passé simple « survint » (au vers 1) qui souligne la brutalité de
l'événement, lequel perturbe la « paix » (vers 1) précédente. Cette rupture est
également marquée par l'hémistiche, formellement identifiée par le point-virgule,
puisque, par ce procédé, non seulement la venue de la poule perturbe la situation (le
fond), mais également la phrase (la forme).

Le vers 2 lance les hostilités avec une formule laconique qui suggère, de plus, la
fatalité de la « guerre » avec « Et voilà », comme si c'était une logique qui ne pouvait
pas être questionnée outre-mesure. Par ailleurs, le mot « guerre » sert à La Fontaine
pour rentrer dans le registre épique.

Cette entrée dans l'épopée est accentuée par le parallèle débuté au vers suivant
avec la guerre de Troie, contée par Homère dans L'Iliade et opposant les Troyens
aux Grecs, à cause de l'enlèvement d'Hélène par Paris.

L'apostrophe "Amour", qui est en même temps une personnification, sert encore à
rendre le propos sérieux, par le côté tragique qu'il revêt – tandis que nous parlons
d'un coq et d'une poule ! Ce vers 3, par ailleurs, suit la même structure que le vers 1,
avec un hémistiche. Néanmoins, il s'y fait un enjambement (entre « que vient / Cette
querelle envenimée ») pour que le récit gagne en souffle lyrique, en accord avec les
procédés stylistiques propres à l'épopée.

Ce souffle gagne encore plus de poids avec l'alexandrin du vers 5 :

Où du sang des Dieux même on vit le Xanthe teint.

L'alexandrin rend l'effet d'une amplification, d'une grandiloquence qui doit


accompagner tout récit héroïque.

De manière générale, nous pouvons relever tous les termes de cette première partie
qui ont trait au champ lexical de l'épopée : « guerre » au vers 2, « perdis » au vers 3,
« querelle » au vers 4, « sang » au vers 5, « Dieux » au vers 5, « combat » au vers 6,
« vainqueur » et « vaincu » au vers 10, « défaite » au vers 13, « courage » au vers
15, « aiguisait » et « battait » au vers 16, « contre » au vers 16, « s'armait » et « rage
» au vers 17.

La fable est donc bien remplie de ce vocabulaire propre à l'affrontement, au combat,


si caractéristique de l'élan épique. Mais rappelons-le une nouvelle fois : tout cela ne
parle que d'une basse-cour ; La Fontaine use donc du registre épique avec ironie
pour tourner en ridicule les personnages qu'il met en scène, la futilité de leur
querelle.

Mais on peut que souligner l'événement historique qui lui sert de parallèle, et qui
revient au vers 9 avec :

Plus d'une Hélène au beau plumage

a lui aussi pour origine une querelle amoureuse. De là, l'ironie est-elle pour les coqs
ou pour la vraie société humaine ? La Fontaine entretient de fait le mélange, car, au
milieu du champ lexical de l'épopée, l'auteur ne cesse de rappeler l'objet de son
présent discours :

• Champ lexical de la basse-cour : « coqs » au vers 1 et 6, « crête » au vers 8, «


plumage » au vers 9, « bec » au vers 16
• Allitération du /k/ qui fait penser au caquètement de la poule, à la profusion des
bêtes, leur frénésie animale : « querelle » au vers 4, « Coqs » et « combat » au
vers 6, « crête », « spectacle » et « accourut » au vers 8.

Cela a pour vocation de montrer une espèce de futilité, nous le rappelons. Il en est
ainsi des vers 9 et 10 qui montrent que la victoire rabat vers le vainqueur « Plus
d'une Hélène » : c'est la superficialité des élans humains, qui sont dénoncés. Et le
vaincu, victime des déterminants de la société, disparaît bien vite, rapidité suggérée
par le rythme du vers 10 fait d'un hémistiche :

Fut le prix du vainqueur ; le vaincu disparut.

Commence alors un nouveau mouvement dans la fable, qui se concentre sur le


vaincu et sa honte. En effet, du vers 11 au vers 15, on lit les lamentations du coq
perdant, avec l'explicitation de sa jalousie personnelle sur le mode lyrique.
Il y a ensuite une intervention du narrateur aux vers 13-14, avec la répétition du mot
« amour » – c'est-à-dire qu'il insiste sur la cause du malheur – puis « possédait à ses
yeux » : là, le narrateur s'en départit. De fait, c'est l'esquisse de la morale : le
narrateur identifie les causes, qu'il semble tenir pour futiles.

Le registre épique reprend au vers 16 avec l'imparfait (« aiguisait », « battait ») qui


souligne la répétition, l'habitude, l'effort ; le tout mis en scène grâce à des sonorités
cassantes, belliqueuses : « aiguisait » avec /g/, « battait » avec /b/ et /t/ et « flancs »
avec /f/ ; on peut également souligner le rythme de la phrase tout en énumération qui
laisse à penser à un entraînement sans répit du coq vaincu, lequel semble herculéen
lorsqu'il s'exerce « contre les vents » – c'est qu'il souhaite se soulever contre les
éléments et la nature.

Ces deux octosyllabes annoncent, par la rupture des rythmes d'alexandrins


précédents, la deuxième partie de la fable. Alors que monte l'intensité de
l'entraînement, La Fontaine brise l'élan par un hémistiche marqué d'un point sec au
vers 19 : c'est l'apparition de la Fortune.

Intervention du sort

A la suite de cette rupture, La Fontaine explique pourquoi l'entraînement se révéla


inutile, sur un récit de cinq vers :

Il n'en eut pas besoin. Son vainqueur sur les toits


S'alla percher, et chanter sa victoire.
Un Vautour entendit sa voix :
Adieu les amours et la gloire.
Tout cet orgueil périt sous l'ongle du Vautour.

Tout cela est raconté au passé simple, comme pour souligner la rapidité de la mort
du coq pourtant vainqueur, pourtant fort – et cette rapidité est également celle du sort
(on pense à l'expression « coup du sort »).

Le deuxième coq est monté sur les toits pour pérorer : autrement dit, il fait le beau, le
plus haut possible, il fanfaronne. Cela attire l'attention du Vautour – écrit avec une
majuscule -, lequel représente le sort (sort qui est explicité par l'utilisation du mot «
fatal » un peu plus loin, au vers 24).

Le vers 22, par son aspect laconique, se veut également représenter la fatalité
absurde et inéluctable, contre laquelle l'on ne peut rien ; le « Adieu » est également
là pour signifier l'éternité et la cécité du jugement.

Mais ce vers 22 veut aussi faire référence à ce qui s'est passé avant, comme une
leçon à apprendre a posteriori. En effet, les termes « amour » et « gloire » sont déjà
utilisés au vers 12. Les deux ensembles forment un chiasme, puisque les termes
sont inversés.

Mais, tandis que pour le coq perdant, La Fontaine utilise des pronoms possessifs, ils
sont usités avec un déterminant défini pour le coq décédé, ce qui a vocation à
généraliser. La Fontaine nous dit, entre les lignes : à quoi servent donc ces choses-là
dans la mort ? Il en souligne la futilité au vers suivant :

Tout cet orgueil périt sous l'ongle du Vautour.

où « tout cet orgueil » reprend la fanfaronnade du coq ainsi que « les amours et la
gloire ». En une seule phrase, en un seul ongle, tout cela a disparu ! Il faut
également souligner l'utilisation de l'alexandrin qui suggère la plainte, la lassitude,
l'inanité.

La Fontaine engage la fin de son récit par un « enfin » ; il y raconte le retour au


poulailler pour le coq perdant, qui se retrouve entouré des poules qu'il rêvait. Le
lecteur notera le retour du son /k/ : « coquet » au vers 26, « quel » et « caquet » au
vers 27, « car » au vers 28, qui signifie encore la multitude des poules béates,
comme l'allitération en /f/ du vers 28 qui suggère la multitude ; et annonce le mot
décisif qui introduit la morale : la Fortune.

Au vers 27, on lit l'utilisation de la première personne du singulier. C'est là une


intervention du fabuliste, qui « laisse à penser » : c'est de fait une invitation à penser
pour le lecteur, c'est-à-dire que le fabuliste souhaite l'appropriation de la fable par le
lecteur. Appropriation à double sens : il laisse imaginer l'histoire, mais aussi, il laisse
mûrir la morale, qui vient.

La portée de la fable

La fable se conclut ainsi sur une morale en quatre vers avec trois alexandrins et un
dernier octosyllabe.

L'identification explicite est faite du « Vautour » comme « La Fortune », puisque c'est


le Vautour qui est responsable de ce coup d'ongle qui est compris dans "ces coups"
dont parle La Fontaine.

L'auteur généralise son histoire avec l'adjectif « tout » : « tout vainqueur insolent » ,
puis responsabilise les Hommes avec pronom personnel "nous" :

Défions nous du sort, et prenons garde à nous

Avec, à souligner, la diérèse sur « défions » qui fait insister sur ce terme.

La Fontaine nous dit donc qu'il faut élargir la fable à la société des hommes. Il s'agit
ainsi de la penser dans l'environnement sociétal.

L'histoire veut nous montrer la dureté des rapports de domination. L'état de paix
décrit dans le vers 1 est très fragile, car c'est la seule apparition de la poule qui
déclenche la guerre (on rappellera l'utilisation du passé simple qui marque la brutalité
de l'événement).

Par l'évocation d'une querelle de coqs, La Fontaine dénonce la « jalouse rage » (vers
18) des hommes. C'est la convoitise qui provoque les saccages – comme l'a montré
l'histoire de Troie, à laquelle on revient grâce au dernier vers :
Après le gain d'une bataille.

Puisque les Troyens eux-mêmes ont gagné la bataille, mais finiront par périr.

En outre, au-delà du seul danger des hommes en société, la Fortune vient s'en mêler
: un vainqueur, aussi fort qu'il soit, n'est pas à l'abri du sort (on ré-insiste sur
l'utilisation des passés simples).

Car cette fable est profondément marqué par l'inconstance, comme veut le montrer
la diversité de la métrique des vers. Rien n'est immuable et tout peut changer,
comme le soulignent les brusques changements d'attitudes opérés par les
personnages : le petit coq, larmoyant et perdant au vers 12, redevient heureux à la
mort de son rival, sans transition (vers 23).

Conclusion

Par l'héroï-comique, La Fontaine dépeint la société des hommes. Il fait appel à un


mythe fondateur de l'humanité pour parler des hommes, sous des dessous
d'animalité.

Le comique lui sert à souligner la futilité des querelles – tout part d'une femme, qui
est souvent représentée, dans la Bible comme source des maux.

Ouverture

Topos fréquent chez La Fontaine et qui pourrait être analysée sur une analyse
comparative de différentes fables. On en voudra pour preuve la fable « Le Lion et le
Moucheron » qui finit ainsi :

Qu'aux grands périls, tel a pu se soustraire,

Qui périt pour la moindre affaire.

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