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Livre:Novalis, À la fin tout devient poésie

Biographie: Friedrich von Hardenberg (1772-1801), Novalis est un pseudonyme


acquis lors de la publication du Pollen. Il dérive du latin “novale”, qui littéralement se
traduit par “défriché” (ce qui a donné “nouveau” dans le vocabulaire français).
Novalis est considéré comme un des pères spirituels du mouvement romantique.
Contemporain de Friedrich Schiller et des frères Schlegel, il suit avec succès un cursus
humaniste et scientifique: il alterne des études de philosophie à des études de sciences
minérales. C’est cette attitude universaliste qui aura une forte influence sur sa pensée
dans la suite, et, comme on verra, c’est par la poésie qu’il se propose de relier ces
deux mondes à l’apparences si divers.

L’ouvrage: A la fin tout devient poésie est un recueil de fragments, impressions et


idées écrites par Novalis en 1799, deux ans avant sa mort par tuberculose. Dans ce
recueil, Novalis nous montre comment notre réalité serait un continuum relié par la
force créatrice de la poésie au lieu d’une mosaïque détachée.

Principe: Plutôt que de se concentrer sur un thème spécifique, l'ambitieuse tentative


de Novalis consiste à réussir à relier chaque aspect de son existence à la poésie en
défiant non seulement le courants objectif de son siècle (où l’on commençait malgré
tout déjà à entendre l'écho des débats romantiques) mais aussi les règles imposées
dans la composition écrite (poésie, romans et surtout théâtre) devenues désormais
excessivement stricte.

Thèmes: Différents thèmes traités à la suite par l'auteur et notamment sa position


(nous aborderons d’abord les thèmes plutôt secondaires avant de nous pencher sur le
thème clé).

-Sciences: les sciences, et en particulier la minéralogie (n'oublions pas qu’il a été


ingénieur dans les mines de sel gemme de Freiberg), la physique et les mathématique,
ont une place relativement importante dans l’oeuvre: trois chapitre sont en effet
appelés “remarque de physique”, “fragment mathématique” et “remarque de
Médecine” et, vu le caractère assez opaque qu’avait cette dernière discipline à
l'époque, nous serons tentés de l'appeler plutôt “remarque de chimie et épistémologie”.
Avant tout Novalis reproche aux physiciens de son temps le fait d'être excessivement
attaché à une vision particulière. En effet, on est vers la fin du 18ème siècle, le siècle
qui plus a vu une singularité de chaque événement, et puis au nom de la simplification
de tel ou tel phénomène négligé tout interaction avec les autres: “chaque phénomène
est partie d’une chaîne incommensurable...chaque partie ne peut pas être comprise
par elle même.". De plus, en s'alignant avec la notion aristotienne de "qualités
occultes”, il écrit “toute les forces sont ce qu’elles sont par distribution en chaîne" .
Dans cette optique, c'est une analyse omnisciente qui est à rechercher: une vision qui
nous permette d’embrasser un phénomène dans son entièreté, en termes d'interaction
et surtout de changement: “Nous cherchons des lois par commodité. La nature a-t-elle
une volonté propre-ou bien aucune? je crois qu'elle a les deux.....Elle est tout pour
chacun” (bien évidemment en restant dans les limites de l’entendement humain), qui
s'aligne avec le dit “idéalisme magique” comme est souvent définie sa pensée.
Cependant, il ne faut pas voir en lui une opposition brutale au développement matériel
et technique, et encore moins, de la raison, au contraire il s’oppose fortement à tout
ceux qui voudraient revendiquer la supériorité de la sphère émotionnelle (ou sensitive)
sur la raison, en effet il affirme , en parlant des sciences naturelles , que toute
proposition cohérente doit être "pratique, technique et réelle": Novalis comprend bien
la dichotomie existante, mais plutôt que l’exacerber, il veut y trouver l'équilibre sous-
jacent à notre existence. C’est par la poésie qu’il pense pouvoir entreprendre cette
recherche.

Poésie: Comme annoncé au début, c’est le thème autour duquel est construite toute
l’oeuvre (pour ne pas dire toute l'existence de novalis): différente de la définition
qu’on se retrouve souvent à utiliser, elle représente avant tout (comme déjà son
étymologie, du grec "Poiêsis", Créer) un acte de création individuelle qui est
profondément liée avec un recherche intime de son intériorité. Elle représente une
expression propre de l’individu et un principe universel: c’est, en fait, par la poésie
que l’Homme arrive à accéder à la réalité de façon plus authentique et à révéler
“l’ordre cachée des chose”, elle est bien “Tout pour chacun”: la métaphore qu’on
pourrait utiliser ici c’est celle d’un entonnoir renversé capable de canaliser le flux
pour après le renvoyer. On retrouve ici ce qui va être un topos des romantiques et des
décadentes, c’est-à-dire une vision panthéistique de l'existence, ici en particulier ce
concept est intrinsèquement lié à la Nature: elle représente le siège de la quête de sens
de Novalis, où la "construction infinie” est plus libre et où le poète peut rechercher sa
véritable expression (on même le définir “panisme” dans le double sense qui porte ce
terme, du grec “pan”: le tout, ou “Pan” était aussi la divinité représentant la nature)
Cette idée se retrouve même dans certains mouvement artistiques du début du XXème
siècle (mouvement expressionniste en Allemagne), comme par exemple le
"mouvement du cavalier bleu" de Kandinsky et Munter. Or le poète pour Novalis est
un être assez varié, il est à la fois un “chanteurs de fables” (la dimension onirique et
fantastique, en particulier, jouent un rôle essentiel) et un voyageur capable de dépasser
la dichotomie entre monde réel et rêve, entre raison et sentiment, entre connu et
inconnu… C'est donc celui capable de trouver l’harmonie de l’univers dans
l’opposition même entre ses élément(une opposition qui historiquement a été quasi
uniquement exacerbé) et qui est capable de pouvoir réaliser une synthèse absolue entre
toute ses instances (cet archétype de poète est représenté,en particulier, par le
protagoniste de son seul roman, resté incomplet, Heinrich von Ofterdingen). Le poème
suivant est le seul qu'on trouve écrit uniquement dans le recueil, il résume bien ce qui
devrait être cet idéal de synthèse énoncé auparavant:

“Lorsque nombres et figures ne seront plus


La clef de toutes créatures,
Lorsque tous ceux qui chantent et s’aiment
En sauront plus que les savants profonds,
Quand le monde retournera à la vie libre
Quand la lumiere et l’ombre s’uniront de nouveau
pour engendrer la vrai clarté
Et lorsque dans les contes et les poésies
On apprendra l'histoire des cosmogonies,
C'est là que s'enfuira devant un mot secret
Le contresens de la réalité”

Pour aller plus loin...


il y a un paragraphe en particulier, c’est dans le paragraphe 113, (inséré, pas par
hasard, à posteriori dans la section appelle “littérature future”) qu'on s'aperçoit de
façon plus direct de l’observation fine de Novalis: il montre en effet d’avoir compris
l'évolution que l’expression scripturale aller prendre: il théorise l’apparition de ce
qu’il définit “récits sans liaisons”; (on pourrait ici penser récits caractéristiques du
théâtre de l’absurde) ou encore “Poème simplement harmonieux…. mais aussi
dépourvu de tout sens et de tous liaison”. Cela nous renvoie par exemple à certains
“avant-garde” du XXème comme l'hermétisme(pour ce qui concerne l'obscurité du
signifiant) ou encore le futurisme(pour ce qui concerne la fragmentation syntactique).

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