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Mémoire de Master 1
Sous la direction de
Francis BEAUCIRE et Xavier DESJARDINS
M a g i s t è r e U r b a n i s m e
A m é n a g e m e n t

LA VILLE-ARCHIPEL,
UN SCHEMA DURABLE ?

Forme urbaine et développement sur le


territoire rennais

Léna LE SCORNET

Septembre 2007
Magistère Urbanisme et Aménagement
Panthéon-Sorbonne

Mémoire de Master 1
Sous la direction de
Francis BEAUCIRE et Xavier DESJARDINS

La ville-archipel, un schéma durable ?


Forme urbaine et développement sur le territoire rennais

Léna LE SCORNET

Septembre 2007

2
REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier Xavier Desjardins et Francis Beaucire pour leurs conseils et leur

aide durant mes recherches. Ce travail n’aurait pas pu aboutir sans leurs éclairages.

Je souhaite également remercier les personnes qui m’ont reçue en entretien pour leur

disponibilité, leur investissement et leur accueil.

Ce travail doit enfin beaucoup à mes proches, à leur patience, leur soutien, et leur

attention précieuse.

3
SOMMAIRE

1. POURQUOI LE POLYCENTRISME ? ........................................10


1.1. Le polycentrisme : un schéma urbain qui défie le temps .................... 10

1.2. Ni villes nouvelles, ni banlieues : le choix d’une organisation en


« villettes » et « ceinture verte » autour de Rennes ................................. 21

CONCLUSION DE LA PARTIE 1. ................................................................... 31

2. QUELLE PORTEE DES SCHEMAS DIRECTEURS


POLYCENTRIQUES SUR LE TERRITOIRE RENNAIS ?.................33
2.1. SDAU 1983 : L’intercommunalité comme condition de concrétisation
des projets. ................................................................................................. 33

2.2. SD 1994 : vers un développement durable du territoire ? .................. 47

CONCLUSION DE LA PARTIE 2. ................................................................... 60

3. NOUVELLES ECHELLES DE REFLEXION : QUELLE DURABILITE


DE « L’AGGLOMERATION ARCHIPEL » ?...................................62
3.1. Un SCoT à l’échelle du Pays de Rennes : est-il déjà trop tard ? .......... 62

3.2. Le choix d’une organisation multi réticulaire autour de Rennes ........ 74

CONCLUSION DE LA PARTIE 3. ................................................................... 86

CONCLUSION GENERALE : ........................................................87

ANNEXES ..................................................................................................... 90

BIBLIOGRAPHIE.......................................................................................... 92

ENTRETIENS................................................................................................ 94

TABLE DES ILLUSTRATIONS ....................................................................... 95

LISTE DES ABREVIATIONS ......................................................................... 96

4
INTRODUCTION

ARCHIPEL, n.m., mer parsemée d’îles ; groupe d’îles1. Etablir un parallèle avec le territoire
consiste à assimiler îles à noyaux urbains, la mer devenant ce qui les sépare. Dès lors, parler
de ville-archipel revient à souligner qu’une ville n’est pas un unique noyau urbain mais un
ensemble de ces entités séparées.
Il n’y a pas de ville en soi. La ville est "par nature" membre d’un réseau, plus grande, plus belle, plus
petite, plus ancienne qu’une autre… Ses membres forment un cerveau collectif, dans lequel chacun a
une compétence partielle qui lui donne sa force, et son incapacité à produire seul sa propre survie.
[VIARD, 1997] Les villes évoquées par Jean Viard sont ces noyaux urbains, ces îles
« membres » d’un système, d’un réseau, qui entretiennent entre elles des liens indispensables
au fonctionnement urbain. Si chaque île est différente, l’idée de ville-archipel vient en
souligner la complémentarité, du moins l’interdépendance pour des thématiques diverses et
à des degrés variés. La « survie » de la ville-archipel en dépend.
La croissance de Rennes est une réalité territoriale qui dépasse les limites communales
rennaises en matière de logement, d’emplois notamment. Et réciproquement, les communes
avoisinantes qui absorbent une partie de cette croissance entretiennent des liens forts avec
Rennes ou d’autres communes, dans la mesure où un noyau urbain unique ne concentre pas
tous les services. Si l’on file la métaphore, Rennes est un continent entouré d’îles formées par
autant de noyaux urbains alentours, séparés par une « mer » de végétation, agricole ou à
caractère plus naturel (bois, forêts, prairies…). En somme, dans la mesure où l’ensemble des
« îles » constitue de l’urbain, on en vient à considérer que la nature fait partie intégrante de la
ville-archipel. On est en présence d’un territoire polarisé autour de Rennes, où les frontières
entre l’urbain et le rural deviennent floues. L’urbain se ruralise, la nature devient urbaine,
tandis que les noyaux urbains restent séparés les uns des autres.
Si l’agglomération rennaise est aujourd’hui une ville-archipel, ce n’est pas un hasard. Une telle
structure urbaine aurait pu se développer spontanément, par exemple si les espaces
interurbains avaient été inconstructibles. Ce n’est pas le cas : on doit la structure actuelle a
une planification ancienne qui a gardé en ligne de mire cette organisation urbaine fondée sur
la pluralité des centres séparés par une « mer » végétale. L’action publique en a permis, plus
ou moins, la concrétisation.

1
Le Robert, dictionnaire historique de la langue française.

5
C’est dans une démarche d’anticipation de la croissance rennaise que le schéma directeur du
District de 1983 fait de Rennes une ville pionnière dans la mise en place, sur son territoire,
d’un schéma urbain polycentrique : on prévoit d’associer entre elles plusieurs villes
existantes, petites et grandes, dans un système métropolitain. Il est préconisé de continuer à
imposer Rennes comme capitale départementale et régionale et d’assurer autour de celle-ci,
et en lien avec elle, le développement de centralités secondaires. Est alors prônée une
structure urbaine en villettes et ceinture verte autour de l’agglomération centrale. Plusieurs
localités sont pressenties pour acquérir le rang de centralité secondaire ou villette, chacune
séparée de la ville-centre et de ses autres homologues par une coupure végétale agricole ou
« naturelle », ladite ceinture verte. On incite le développement de l’existant pour absorber la
croissance urbaine à venir tout en écartant l’hypothèse de la ville nouvelle – catégoriquement
refusée par les élus de l’époque – et en évitant l’émergence d’une « banlieue » rennaise.
Onze années plus tard, un second schéma directeur conserve le choix de cette organisation
urbaine « polycentrique » qui ne subit que peu ou pas d’opposition. On parle désormais en
termes de pôles d’appui pour désigner les centralités secondaires, liées à un secteur d’appui ; la
ceinture verte continue d’être préconisée.

Dans une logique analogue, la fin de l’année 2007 devrait être marquée par l’adoption du
Schéma de COhérence Territoriale (SCoT). Cet outil de planification et d’organisation du
territoire à l’échelle intercommunale, qui remplace le Schéma Directeur depuis la loi SRU
(Solidarité et Renouvellement Urbains) du 13 décembre 2000 (complétée par la loi Urbanisme
et Habitat du 2 juillet 2003), continue de planifier ce que l’on nomme désormais la ville-
archipel. Le projet de planification vise un territoire urbain qui intègre la nature, gage d’une
qualité paysagère et, surtout, d’une qualité de vie. Si les orientations du schéma
d’aménagement ont peu changé par rapport aux précédentes, conservant le
« polycentrisme » et conférant une place particulière au végétal, le périmètre de l’outil
d’aménagement s’est toutefois étendu.
Il correspond désormais à quelques exceptions près au Pays de Rennes, qui inclut l’ancien
District.

Le SCoT vise à mettre en œuvre [un] projet d’aménagement et de développement durable2. Si l’on se
réfère à la définition proposée dans le rapport Brundtland en 1987, le développement durable est

2
Article L.122-1 du Code de l’Urbanisme.

6
un développement qui répond aux besoins du présent, sans compromettre la capacité des générations
futures de répondre aux leurs3. Plus concrètement il est préconisé, afin de se développer de la
sorte, de concilier les aspects économique, social et environnemental : conjuguer le social et
l’économique en vue de se développer équitablement, l’écologique et l’économique pour se
développer de façon viable, et le social et l’écologique dans une optique de développement
vivable. Appliquée à l’aménagement et l’urbanisme, cette logique se traduit dans la loi SRU
par une gestion économe de l’espace indissociable d’une gestion des transports appropriée.

Dans le cas rennais, plusieurs communes n’intègrent pas le SCoT alors qu’elles entretiennent
des liens forts avec le pôle principal ou d’autres communes de l’agglomération. En d’autres
termes, plusieurs communes dont le développement est lié à celui de Rennes n’intègrent pas le
projet de développement durable que constitue le SCoT. Dès lors une interrogation s’impose : ce
projet peut-il être cohérent ?
Par exemple l’aire urbaine, qui se définit par les trajets domicile-travail4, s’étend bien au-delà
des limites du périmètre du SCoT5. Les déplacements ainsi suscités font de la thématique
« transport » un aspect majeur reliant Rennes à d’autres communes de l’agglomération. On
ne peut se limiter au découpage en aire urbaine pour définir les limites territoriales intégrant
les logiques de l’agglomération de Rennes ; on ne peut pas non plus ignorer ce zonage
puisque les trajets domicile-travail ne sont pas négligeables dans la part totale des
déplacements. Dès lors, il est possible de questionner la pertinence du SCoT de
l’agglomération rennaise dans la mesure où son périmètre ne recouvre pas tout le territoire
concerné par ces logiques de déplacement. Comment envisager alors des solutions durables,
notamment en termes de transport ?

Ce type de difficulté posé par le périmètre de l’outil de planification était observable pour
certaines thématiques dans les Schémas Directeurs précédents. Cependant, on ne parlait pas
à l’époque de développement durable du territoire. Les éventuelles incohérences ne peuvent
donc être envisagées selon le prisme du développement actuellement préconisé par la loi. Il y
aurait anachronisme. En revanche, rien n’interdit d’interroger le bien fondé des schémas
urbains successivement prônés. Cela contribuerait à une analyse du SCoT prochainement

3
BRUNDTLAND, 1987, Gro Harlem, Notre avenir à tous (ou Rapport Brundtland)
4
Selon l’INSEE : « Une aire urbaine est un ensemble de communes, d’un seul tenant et sans enclave, constitué
par un pôle urbain, et par des communes rurales ou unités urbaines (couronne périurbaine) dont au moins 40% de
la population résidente ayant un emploi travaille dans le pôle ou dans des communes attirées par celui-ci. »
5
Cf. Annexes, Figure 12.

7
validé, dans la mesure où ce dernier présente de nombreuses continuités avec les schémas
précédents.

Au regard des logiques actuelles de l’agglomération rennaise qui s’étendent au-delà du


périmètre de son SCoT, le schéma de type polycentrique appliqué depuis les années 1980
est-il toujours judicieux et applicable, dans une optique de développement durable ?

Les conclusions de l’analyse n’ont aucun objectif prospectif, il s’agit d’adopter un recul
critique sur le SCoT étudié selon l’angle problématique précédemment exposé. Ce travail
s’inscrit dans la continuité de travaux déjà effectués, et s’appuiera d’ailleurs sur certaines de
leurs conclusions. Dans sa thèse Logiques de l’action publique dans le périurbain rennais – les élus
face à la mobilité6, Marianne Thébert distingue différents itinéraires de développement des
communes du périurbain rennais et procède à une mise en perspective avec l’héritage
routier : on a là de solides éléments d’étude du polycentrisme sous l’angle de la mobilité et
un décryptage des logiques correspondantes. D’autres travaux ont pu se concentrer sur
l’intercommunalité rennaise, mettant en évidence le poids des leviers d’action induits par le
fonctionnement mis en place au fil du temps, mais aussi leurs limites et leurs difficultés.
Cependant le polycentrisme rennais, produit de l’action intercommunale depuis maintenant
plusieurs décennies, n’a jusqu’alors pas été analysé en tant que tel et dans une perspective
historique. Le SCoT prévu pour la fin de l’année est ici déclencheur d’une réflexion et d’une
rétrospective sur le thème de la planification intercommunale rennaise.
L’analyse s’appuiera sur l’étude de la planification depuis les années 1970. En effet, le
Schéma Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme (SDAU) adopté en 1974 prônait déjà ce
que l’on a nommé plus tard « ceinture verte », soit l’un des principaux corollaires du
polycentrisme rennais. Si ce SDAU ne prône pas le polycentrisme, on y trouve néanmoins les
prémisses d’options retenues par la suite.
Le territoire étudié comprendra l’ensemble des communes susceptibles d’entrer dans des
logiques de fonctionnement avec l’agglomération rennaise : le périmètre s’étendra donc au-
delà des limites du SCoT.

6
THEBERT, M. 2005. Logiques de l’action publique dans le périurbain rennais – les élus face à la mobilité,
Thèse de doctorat, Paris, Paris1 Panthéon Sorbonne.

8
D’abord il s’agira de déterminer les raisons qui ont conduit à choisir le polycentrisme. Puis
on s’attellera à comprendre comment il est appliqué depuis son origine. Enfin sa pérennité
sera questionnée, au regard des réalités actuelles et des acquis du passé.

N.B. : On pourra se reporter aux deux figures en annexe pour localiser d’une part les
communes du Pays de Rennes qui seront citées par la suite, et d’autre part les découpages
territoriaux qui seront évoqués (Aire urbaine, Pays de Rennes, etc.)

9
1. Pourquoi le polycentrisme ?

Le polycentrisme évoque avant tout la pluralité des centres urbains sur un territoire donné.
Depuis déjà plusieurs décennies, il fait partie des schémas prônés assez unanimement et
l’objectif actuel de ville « durable » contribue à renforcer sa légitimité. Pourquoi et comment
le polycentrisme s’établit-il en tant que fait territorial ?
On distingue plusieurs types d’organisations polycentriques dont les implications diffèrent
radicalement : selon qu’il est appliqué à l’échelle d’une agglomération, d’une région, d’un
pays, voire au-delà, et qu’il est hiérarchisé ou non, le polycentrisme se traduit par des réalités
incomparables. Les enjeux sont dès lors éminemment différents selon les configurations
polycentriques auxquelles on se réfère. De quel type d’organisation polycentrique relève le
territoire rennais ? Comment cela a-t-il été initié ?

1.1. Le polycentrisme : un schéma urbain qui défie le temps

Si d’un point de vue géographique, le centre peut désigner une fraction de la ville souvent
qualifiée de « cité », il peut aussi renvoyer à une partie plus étendue et plus complexe. Ainsi,
dans une agglomération, la ville principale peut être appelée « centre » dans la mesure où
elle exerce une influence sur sa périphérie, où on peut donc lui conférer des « attributs » de
centralité. [CHOAY, MERLIN, 1988].
Pourquoi le polycentrisme, en tant que pluralité de centres urbains sur un territoire donné,
est-il prôné de manière générale ? On peut proposer deux éléments de réponse : d’une part il
est juste que plusieurs types de configurations polycentriques présentent, en théorie du
moins, plus d’avantages qu’une configuration monocentrique. D’autre part, il est probable
que des amalgames soient effectués, à tort, généralisant les « bienfaits » de différents types
de polycentrismes, dès lors rassemblés sous un concept général vidé de toute signification.
Dans tous les cas, bien plus que l’opposé de la centralité, le polycentrisme en constitue une
alternative. Il ne s’agit pas de prôner l’absence de centres mais précisément la pluralité de
ces entités urbaines « bienfaisantes ». Ce sont en effet les « aménités » de la centralité qui
permettent de justifier l’instauration des schémas polycentriques.

10
1.1.1. Centralité, monocentrisme, polycentrisme

Considérée dans toutes ses significations, la centralité peut apparaître comme la propriété
fondamentale qui donne lieu à l’agglomération urbaine, et par là même au monocentrisme et
au polycentrisme.
Le terme « centralité » a deux acceptions [PUMAIN, 2004]. La première a été formulée par
Christaller en 1933 dans sa « Théorie des lieux centraux » et est dite « centralité urbaine ». On
peut la définir comme la propriété conférée à une ville d’offrir des biens et des services à une
population extérieure, résidant dans une région avoisinant cette ville. A partir de là, on peut
distinguer des niveaux hiérarchisés de centralité, qui se rapportent à des tailles de marché
définies par la rareté des biens et/ou services offerts, et qui se traduisent par une hiérarchie
de la taille des centres et de la dimension de leur aire d’influence. Plus un bien ou un service
est rare, plus on vient de loin pour en bénéficier, l’acheter, plus l’aire d’influence de la ville
pour ce bien ou ce service est donc étendue. En général, plus un centre est grand plus il
concentre des services « rares ». Par la suite, le concept s’est généralisé et a caractérisé tout
lieu d’offre de bien ou de service polarisant une clientèle. Il est parfois aussi employé pour
caractériser la concentration d’emplois polarisant une population active résidente plus
dispersée. La deuxième acception du terme caractérise la position plus ou moins accessible d’un
nœud dans un réseau.
Si l’on continue de se référer à Denise Pumain, ces deux acceptions conduisent souvent à la
même hiérarchisation des centralités car l’exercice de fonctions centrales et la prestation de
services à une clientèle extérieure impliquent une bonne accessibilité7, donc une forte centralité dans
les réseaux de transport. Autrement dit, les deux « types » de centralités conduisent en fait à
des situations spatiales assez analogues puisque dans les deux cas c’est l’accessibilité qui est
un facteur déterminant de localisation.
Et la centralité « s’auto-entretient » puisque l’accumulation de marchés de divers biens et
services dans un même lieu suscite précisément de nouveaux investissements visant à
renforcer l’accessibilité de ce lieu central : on a là une explication de la formation des
agglomérations urbaines. Plus ce lieu croît plus son accessibilité se voit renforcée par rapport
à l’accessibilité des autres centralités d’importance moindre. C’est un « cercle vertueux ». Les

7
L’accessibilité est une mesure théorique. Augmenter l’accessibilité d’un lieu ou d’une ressource, c’est en
accroître les potentialités d’accès en abaissant l’ensemble des barrières de quelque nature qu’elles soient
(temporelles, financières, de confort etc.), susceptibles de restreindre cet accès.

11
économistes décrivent le même phénomène lorsqu’ils expliquent le fait de s’agglomérer par
les « économies d’agglomérations » engendrées.
On peut donc admettre un lien entre urbanisation et centralité. Un lieu s’urbanise parce qu’il
est central et inversement, plus un lieu s’urbanise et est le siège d’activités plus il devient
central. Néanmoins le phénomène a ses limites.
Au-delà d’un certain seuil de croissance, un pôle « unique » s’encombre. En effet, à force
d’urbanisation et de concentration d’activités, il arrive un stade où le « processus de
centralité » ne s’effectue plus réellement. Le lieu continue de s’urbaniser, d’accueillir des
activités, tandis que l’accessibilité trouve ses limites. Les résultantes en sont :
- l’agglomération continue de croître (logements, voire activités) au détriment de son
accessibilité interne (plus une agglomération est grande, plus il faut se déplacer pour aller
d’un point à un autre au sein de cette agglomération, ou d’un point hors de l’agglomération
à un point de l’agglomération).
- la croissance se reporte sur d’autres pôles plus accessibles, d’autres centralités émergent.

La traduction territoriale d’un tel phénomène correspond à l’émergence de centralités


« secondaires » : plusieurs centralités distinctes coexistent et entretiennent des liens. On peut
alors parler de polycentrisme, tendance urbaine que les politiques publiques ignoreront,
accentueront ou contourneront.
A l’opposé, le monocentrisme correspond en théorie à la prédominance d’une centralité
unique. En réalité, les cas de monocentrisme pur sont peu courants dans la mesure où une
centralité fonctionne très rarement isolément de toute autre. En revanche, les configurations
urbaines à « tendance monocentrique » sont plus fréquentes, c'est-à-dire les cas où une
centralité majeure regroupe une large majorité des activités, induisant une dépendance
quasi-totale des centralités hiérarchiquement inférieures vis-à-vis de la centralité la plus
importante.

1.1.2. De la centralité à la « non-ville » – Des évolutions techniques.

Il serait temps d’admettre, sans états d’âme, la disparition de la ville occidentale et de s’interroger sur
ce qui déjà, la remplace, la "non-ville" qui semble devenue le destin des sociétés industrielles avancées
et que j’appellerai "l’urbain" [CHOAY, 1994]. Depuis le début du XIXème siècle, le statut de la
ville a évolué vers celui de « non-ville ». Pour Françoise Choay, la ville européenne est une

12
seule et même entité dont l’unité repose sur ce qu’elle nomme « urbanité », c'est-à-dire ce lien
entre un lieu construit (du bâti associé à une configuration spatiale) avec la capacité du
groupe social qui occupe ce lieu à générer des liens sociaux et conviviaux. Or, depuis plusieurs
décennies, on assisterait à une remise en question du lien précédemment décrit, constitutif
de la ville.

Au fil des progrès techniques, on évolue vers un territoire de plus en plus fongible, même si
la fongibilité totale qui se traduit par des distances totalement gommées reste une utopie.
Transports et télécommunications génèrent une tendance à l’abolition des distances par la
vitesse, et par là même l’abolition d’une partie des contraintes et servitudes spatio-
temporelles. Le territoire devient de plus en plus homogène : ces techniques autorisent des
relations toujours plus distanciées, indépendantes des lieux et des espaces, du moment que
l’on soit relié à ce vaste réseau de transport et de télécommunication. A condition d’être
branché sur ce dispositif, [on dispose] a priori d’une complète liberté d’implantation et [on ne requiert]
ni centralisation, ni concentration. On peut y voir un paradoxe : on a vu que le processus de
centralité était lié à un mouvement d’aller-retour entre localisation d’activités et
investissements pour en augmenter l’accessibilité. Ici, les facteurs d’accessibilité (transports
et télécommunication) en arrivent à dénuer la centralité de son utilité. Et pour cause : à
l’époque où les déplacements étaient lents, on avait davantage intérêt à s’agglomérer afin de
minimiser les distances et la longueur des trajets. C’est la vitesse qui a rendu l’agglomération
moins indispensable au détriment de la « ville », au profit de la « non-ville » et de
« l’urbain », tendant à faire disparaître « l’urbanité ».

Au regard de la nécessité très relative de la centralité dans un contexte où transports et


télécommunications structurent le territoire, il est logique de constater que la ville se diffuse,
mettant à mal la centralité, portant préjudice au fonctionnement urbain lui-même, et faisant
perdre à la ville ce que l’on pourrait appeler son essence : « l’urbanité » [CHOAY, 1994]. Les
propos de Franck Scherrer résument bien la situation : les agglomérations se désagglomèrent, être
urbain ne veut plus dire être en ville, la centralité n’est plus ce qu’elle était [SCHERRER, 2000].
Aujourd’hui, la tendance est à l’expansion de la « non-ville » (ou ville « diffuse » pour
d’autres), avec les inconvénients que cela implique : disparition de l’urbanité, nuisances
générées par les transports… Face à ce processus, que préconiser ?

13
1.1.3. A-centralité ou polycentralité ?

D’après Franck Scherrer, le polycentrisme est à l’œuvre quand l’aménagement ne sait pas où donner
de la tête [WACHTER, 2000]. C’est en général quand l’affirmation d’une centralité unique
apparaît impossible ou que des centralités secondaires ont déjà émergé que le polycentrisme
est préconisé. Est-ce cependant la seule alternative possible à une centralité hypertrophiée ?
Ne pourrait-on pas envisager un mode de fonctionnement urbain tout autre ? Puisque les
progrès techniques en transports et télécommunications sont autant de raisons qui invalident
la nécessité de centralité, ne peut-on pas imaginer un scénario radicalement opposé, où l’a-
centralité permise par la technique, structurerait le territoire ?

Franck Lloyd Wright avait imaginé une telle ville, Broadacre City, qu’il serait d’ailleurs plus
approprié d’appeler « non-ville » compte tenu des caractéristiques qui suivent. Il est question
d’un tissu urbanisé fondé sur le principe de croisements d’axes, sans zonage déterministe.
Mais ni centralité, ni concentration ne constituent cet espace : des autoroutes unifient et
séparent en même temps des séries sans fin d’unités diversifiées : fermes, écoles, usines,
bureaux, habitation, magasin, théâtre, église, etc. Les unités fonctionnelles sont intégrées les
unes aux autres. Broadacre City abrite autant de centres qu'il y a de maisons, seules formes
de centralité. En somme, c'est une ville territoire qui ne peut exister sans les moyens de
transport et de communication comme la voiture, qui devient la condition de la liberté
individuelle.
Mais peut-on raisonnablement envisager une urbanité basée sur la liberté de déplacement et
la maison individuelle dans un contexte actuel ? Incontestablement non. Si la maison
individuelle envahit depuis des années les périphéries des agglomérations, on est bien à
l’heure actuelle dans une optique visant à contraindre l’étalement urbain. La limite réside
dans la sphère des mobilités : la liberté de déplacement sur un espace urbanisé de même
nature que Broadacre City n’est permise que par la motorisation des ménages. Or cela est
incompatible avec les objectifs actuels de développement durable, en termes de coût de la
mobilité, d’énergie consommée et de pollution émise. En cela, il apparaît donc irrecevable de
prôner actuellement l’a-centralité.

Mais avant même que ce concept fasse son apparition, les motifs ne manquaient pas pour
écarter un tel schéma urbain. Certes, l’automobile a été considérée, à juste titre, comme une

14
invention quasi révolutionnaire qui autorisait simultanément vitesse et liberté de
déplacement de façon inédite. Mais rapidement, les « faiseurs de territoire » ont pris
conscience des limites de ce mode de déplacement. Notamment, les implications générées
par la voiture en termes de voirie constituaient un frein majeur à sa généralisation comme
unique, ou presque unique, moyen de transport.
Si l’on se concentre sur le cas rennais dans les années 1970, on trouve une illustration de ces
réserves face au « tout automobile ». Les réticences ne sont pas explicitement formulées dans
le schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de 1974 mais un accent est mis sur la
nécessité de développer les transports en commun. Autrement dit, on ne critique pas
directement la voiture, on choisit même de compléter le réseau de voirie par l’achèvement
d’une rocade et la création de radiales en 2 fois 2 voies, mais on préconise fortement, en
parallèle, des alternatives : on souhaite mettre en place un réseau efficace, voire une ligne en site
propre qui irriguerait le centre de Rennes et les extensions.

Si l’a-centralité eut ses défenseurs, elle apparut donc rapidement irrecevable vis-à-vis de ses
implications en termes de diffusion de l’automobile. La dilution de la centralité au profit de
l’urbain, compte tenu de ses méfaits économiques, environnementaux et sociaux, ne peut
donc constituer une alternative urbaine judicieuse lorsqu’une centralité atteint ses « limites ».
Comment le polycentrisme devient-il alors un moyen de penser l’urbain différemment ?

1.1.4. Penser l’urbain différemment

La centralité constitue l’un des fondements de l’Europe d’aujourd’hui. Elle est un héritage
majeur : pendant plusieurs siècles, les territoires nationaux ont été fortement polarisés, de
même que la société, l’économie ou encore l’armée [PREVELAKIS, 2003] ; de telle sorte qu’il
est impossible de faire abstraction de son poids historique en Europe à l’échelon national,
mais aussi de plus en plus aux échelons inférieurs. Les évolutions politiques ont en effet eu
cet impact sur les territoires : la centralisation a au fil du temps été déclinée à des échelles
moindres, régionale et départementale notamment. Il était et il reste inconcevable en France
d’envisager un développement qui remette en question cette organisation centralisée, et par
là même ces centralités qui structurent le territoire. Le « polycentrisme » apparaît dès lors
comme une hypothèse judicieuse.

15
Au préalable, il convient d’en distinguer deux types radicalement différents :
- un mode de fonctionnement de réseaux de villes ;
- un projet d’aménagement pour les grandes villes, à l’échelle de la région urbaine8,
afin de privilégier les transports en commun dans un contexte où l’accessibilité est au
premier plan des préoccupations.

Le premier type de polycentrisme dit « en réseau » est antihiérarchique ; il correspond à un


réseau de villes d’importance analogue. Cela équivaut à aller vers une synergie et une
complémentarité entre des centres dotés d’un avantage compétitif ou d’une vocation
spécifique : chaque centralité contribue à conférer de la pertinence au réseau. C’est
généralement à l’échelle des régions que l’on rencontre ce type de configurations
[WACHTER, 2000].
Le concept anglo-saxon de Polycentric Urban Region (PUR) renvoie à ce type de
polycentrisme. Pourtant ancien, il est aujourd’hui en vogue, notamment à un niveau
européen. Une PUR, qui concerne une échelle inter-urbaine, se définit comme une région
avec au moins deux villes, historiquement et politiquement séparées, sans hiérarchie entre
ces villes, raisonnablement proches et présentant une interconnexion fonctionnelle. Un
exemple typique est la Randstad Holland [DAVOUDI, 2002]. Littéralement, l’expression
signifie « conurbation de Hollande » en néerlandais.
Celle-ci s’étend sur quatre provinces différentes : Flevoland, Hollande Méridionale, Hollande
Septentrionale et Utrecht et est constituée de quatre villes majeures : Amsterdam, La Haye,
Rotterdam et Utrecht. Conformément à la définition de la PUR, la Randstad Holland est
donc composée de plusieurs villes, dont aucune ne peut revendiquer le privilège d’en être le
centre : chacune est spécifique et il n’existe pas de hiérarchie entre ces villes. Amsterdam est
la capitale et le principal centre culturel et financier du pays ; Rotterdam est la plus grande
ville portuaire, non seulement des Pays-Bas mais du monde ; La Haye est la ville où siège le
gouvernement et Utrecht doit à sa position centrale d’être un nœud ferroviaire majeur et une
importante ville de congrès, de foires, d’expositions. A elles quatre, ces villes organisées en
réseau de rang national légitiment la place des Pays-Bas dans le concert européen des
nations, tandis qu’en France c’est avant tout Paris qui joue ce rôle.

8
Région urbaine : définition large de l’aire d’influence d’une ville importante. (La définition est approximative
car elle ne répond d’aucun critère absolu ou administratif.)

16
Mais ce polycentrisme ne correspond pas à ce qui a pu être esquissé précédemment. Ici, les
centralités n’émergent pas par encombrement d’une autre ; au contraire, elles croissent
indépendamment les unes des autres et c’est un projet politique vantant les mérites de la
complémentarité qui cherche à aboutir à une métropole multicéphale. Rien à voir donc, avec
le processus déjà évoqué. Par la suite, nous écarterons de l’analyse cette organisation urbaine
antihiérarchique et en réseau.

Le polycentrisme rennais, objet de l’étude, correspond au premier type de polycentrisme. La


croissance de la ville de Rennes a en effet suscité l’émergence de nouvelles centralités, que la
planification a tenté d’anticiper et d’orienter. Si cette démarche est ancienne, elle n’est pas
non plus pionnière en la matière.
En France, il faut attendre le SDAURIF, Schéma Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme
de la Région Ile-de-France, publié en 1976, pour voir figurer explicitement l’expression
d’ « organisation urbaine polycentrique » comme parti d’aménagement, orientation qui sera
reprise dans le SDRIF de 1994 (Schéma Directeur de la Région Ile-de-France). Ces documents
sont l’illustration de la quête du modèle anglo-saxon de la « Polycentric Urban Region », que
l’on a déjà évoqué [BAUDELLE, PEYRONI, 2005]. Le premier point du parti général
d’Aménagement du SDAURIF suggère en effet de réaliser un véritable polycentrisme grâce à
de nouveaux centres urbains, et notamment à la réalisation de cinq villes nouvelles sur des
axes préférentiels d’urbanisation. Néanmoins, une notion hiérarchique vient s’additionner au
modèle : ces nouvelles entités urbaines ne sont pas destinées à atteindre la taille de Paris
mais ont une vocation complémentaire de la capitale. Il est prévu que Paris, qui concentre
l’essentiel des pouvoirs de décision et de contrôle politique de la nation, garde son statut de
ville aux fonctions de niveau supérieur – politiques, administratives, économiques et
commerciales. Les villes nouvelles sont censées l’aider à supporter le poids de telles
activités ; on prévoit de placer dans ces nouvelles entités urbaines des pôles d’emplois et de
services pour désengorger la capitale : Ainsi affiné et réaménagé, le "centre" de Paris pourra jouer
les rôles qui lui appartiennent en propre sur les plans international, national et régional.
Le polycentrisme hiérarchisé, tel qu’il a pu être préconisé pour l’agglomération parisienne à
partir de 1976, présente des similitudes avec le polycentrisme préconisé dans le Schéma
Directeur de l’agglomération rennaise de 1983. Dans les deux cas, il s’agit de rompre avec
une logique d’extension toujours plus poussée du centre majeur constituant ces territoires,

17
respectivement Paris et Rennes, au profit de centralités secondaires situées à proximités de ce
que l’on peut appeler la ville-centre.

1.1.5. Ce qui est en jeu à cette échelle de la région urbaine

Le monocentrisme consiste en une concentration des ressources dans une ville historique,
souvent entourée « d’urbain ». Autrement dit, la ville est contenue dans des limites
inférieures à celles de l’espace urbanisé ce qui ne donne pas lieu à une véritable centralité. Le
projet polycentrique vise pour sa part à replacer au cœur du fonctionnement urbain cette
notion de centre. L’enjeu est dès lors de coordonner les pôles entres eux, l’ensemble formant
une région urbaine en général polarisée par un pôle principal. Il est question d’équité
territoriale, d’équité sociale, donc d’accès aux équipements, aux emplois, mais aussi à la
nature.
Il en résulte que l’organisation des transports et des centralités constituent les deux faces
indissociables d’un même projet. Cependant, cela ne dit pas vers quel type d’organisation il
serait judicieux de tendre ; comprendre les processus de consommation d’espace par
l’urbanisation permet d’esquisser une réponse.

C’est tout un système de mobilités qui configure une ville [BEAUCIRE, 2006]. Entre la
deuxième moitié du XIXème siècle et le début du XXème siècle, la vitesse moyenne de
déplacement est passée de 3 à 15 km/h : c’est le temps des villes configurées le long de
réseaux de transports collectifs, constituées d’axes et de pôles. Comme à l’époque on ne sait
pas construire en hauteur, on s’étend géographiquement le long de ces axes. Quand les
progrès techniques offrent la possibilité de gagner de la vitesse, la forme urbaine se
transforme en fonction de cette vitesse supplémentaire : on va habiter plus loin puisque le
prix du sol est moindre, et que l’accès est possible. Il y a en effet en parallèle une demande
de terrain, d’espace, qui se concrétise quand les systèmes de transport deviennent assez
efficaces.
Quand les villes étaient constituées le long de lignes de transports collectifs, on pouvait
parler de villes compactes puisque l’urbanisation était concentrée le long de ces axes. C’est ce
que Pierre Merlin appelle l’effet centralisateur des transports en commun [MERLIN, 1991]. En
effet, dès que l’on s’en éloignait, l’accès à la ville était moins évident. C’est quand
l’automobile a connu son essor que l’on est passé d’une urbanisation compacte à une

18
urbanisation diffuse. En effet, la voiture a donné un « libre accès » à ces zones jusqu’alors
peu accessibles, bien que géographiquement proches de la ville. Dès lors ce moyen de
transport s’assimile pour les ménages à une chance d’assouvir leur désir d’accéder à la
propriété privée, c'est-à-dire au foncier et à l’immobilier, ceci à des prix bien plus modérés
que ceux pratiqués en ville puisque la pression foncière est moindre. Et si cela fonctionne,
c’est grâce à la vitesse, qui permet au budget temps du transport quotidien de rester dans les
limites du raisonnable.
Autrement dit, la voiture favorise un développement aréolaire (ville en « tache d’huile »,
ville diffuse) tandis que le transport en commun favorise un développement d’abord
multipolaire (un pôle se formant au niveau des stations ou gares), puis linéaire le long de
l’axe qu’il constitue (ville en « doigt de gant »).
Quelles conclusions tirer de ces mécanismes de formation urbaine dans une perspective de
développement polycentrique ?

Si l’on prend l’exemple rennais au début des années 1980, l’idée selon laquelle la diffusion
non contrôlée de la ville est néfaste à long terme fait globalement consensus. Avant
l’adoption du schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de l’agglomération de
Rennes de 1983, l’argument principal en faveur du polycentrisme invoque une
consommation d’espace nuisant à l’activité agricole ainsi qu’à la santé écologique du
territoire. L’un des enjeux majeurs du développement polycentrique est alors d’organiser les
mobilités, de façon à limiter la diffusion de la ville en la contenant dans un ensemble de
centralités.
En parallèle est soulevée la problématique de l’équité : il s’agit de rendre accessible au plus
grand nombre les ressources urbaines réparties dans les différentes centralités, mais aussi les
ressources « naturelles ». C’est là qu’entrent en jeu les dimensions économiques et sociales
qui ne sauraient être dissociées du projet urbain polycentrique.

***

Ont été évoquées dans cette première sous-partie les raisons majeures qui, d’une part,
légitiment le choix d’un développement polycentrique à l’échelle d’une région urbaine et qui,
d’autre part, permettent de comprendre pourquoi une telle organisation était et est encore
préconisée. Il convient toutefois de faire remarquer que les explications théoriques données

19
doivent dans tous les cas être mises en perspective avec les réalités territoriales : le
polycentrisme n’est pas un modèle figé que l’on applique indifféremment à des territoires
différents. En effet, il se définit davantage comme un processus que comme une réflexion
conceptuelle achevée. Par ailleurs, les justifications évoquées sont incomplètes : d’une part
celles-ci ont évolué dans le temps et ont notamment trouvé un souffle nouveau avec
l’émergence du concept de développement durable, d’autre part elles sont intrinsèquement
liées au territoire et peuvent donc différer d’un cas à un autre.

Tentons à présent de comprendre les raisons qui ont conduit au choix polycentrique pour le
cas précis du territoire rennais, ainsi que l’évolution éventuelle de ces justifications.
L’examen du SCoT sera l’occasion d’analyser leur pertinence dans le contexte actuel.

20
1.2. Ni villes nouvelles, ni banlieues : le choix d’une organisation
en « villettes » et « ceinture verte » autour de Rennes

En 1976, l’agglomération parisienne opte pour une organisation urbaine polycentrique dans
le cadre du SDAURIF (Schéma Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme de la Région Ile-
de-France). En adoptant un schéma urbain analogue au début des années 1980,
l’agglomération de Rennes fait partie des premières villes de province à engager tel un
processus de développement.
La configuration du territoire s’y prêtait, avec Rennes s’imposant incontestablement comme
pôle principal, entouré de plusieurs petites communes d’importance variable et à des
distances variées. Néanmoins, l’adoption d’un schéma directeur polycentrique ne relevait
pas de l’évidence. La liste des possibles était longue et les divergences de point de vue entre
élus locaux nombreuses ; auxquelles s’ajoutait l’écart entre la volonté étatique (la
décentralisation n’ayant pas encore eu lieu) et les conceptions locales.
Pourquoi et comment en est-on arrivé au schéma polycentrique de 1983 ?

1.2.1. Un contexte rennais se prêtant à un développement polycentrique.

Dans les années 1970, le polycentrisme est dans l’air du temps. Tandis que certaines
agglomérations ont commencé à l’expérimenter, bon nombre de chercheurs contribuent à
enrichir la littérature sur le sujet. A la même époque, le territoire rennais présente des
caractéristiques propices à un tel développement.

C’est bien avant les années 1970 qu’émergent les premiers projets polycentriques. En 1898,
Ebenezer Howard expose son idée de « Garden City », noyaux urbains aux caractéristiques
précises reliés entre eux par voie ferroviaire. En 1920, C.B. Purdom propose une extension du
Grand Londres à l’aide d’une trentaine de satellites située à une distance de 30 à 80 km ;
l’idée est probablement à l’origine des « new town » d’Abercrombie, réalisées autour de
Londres après 1945.
En parallèle, certaines villes se développent de façon polycentrique sans que cela ne soit
nécessairement planifié : on peut prendre l’exemple de Stockholm, construite à l’origine sur
un groupe d’îles. Les quartiers étant naturellement séparés par de petits bras de mer et reliés
par des ponts, la population a toujours fonctionné selon une forme de ségrégation

21
géographique tenant aux aléas du relief physique. « Naturellement », et dans ce
prolongement, les récents développements ont pris la forme de quartiers assez indépendants
les uns des autres, sur la terre ferme. La création d’un réseau métropolitain de chemin de fer,
préalable à l’urbanisation organisée a conduit à un véritable archipel de quartiers ou de villes
nouvelles, satellites de la ville ancienne. Ainsi l’urbanisation s’est développée depuis le
début du siècle sous la forme d’un ensemble de chapelets à partir des stations de métro.
Longtemps considéré comme exemplaire, ce type de développement inspira des théoriciens.
Dans les années 1970, dans un contexte de forte croissance des métropoles françaises, le
polycentrisme retient l’attention et les solutions émises à l’époque tentent de faire la synthèse
des « bonnes » et « mauvaises » idées envisagées jusqu’alors : en 1975 paraît l’ouvrage
Orthopôles, villes en îles [MAGNAN, MATHIEU, 1975] dans lequel les auteurs proposent
d’organiser la ville selon une structure polycentrique hiérarchisée ; en 1976, on adopte l’idée
de créer des villes nouvelles autour de Paris, etc.

C’est dans ce contexte qu’est élaboré le premier SDAU de l’agglomération rennaise, adopté
en 1974. Si l’on se réfère à la partie intitulée « L’état actuel », équivalent du diagnostic du
SCoT, on trouve des caractéristiques territoriales et des prévisions de développement qui
pourraient sembler propices à l’adoption d’un schéma polycentrique.
En effet, l’agglomération est à l’époque très fortement polarisée par Rennes, les communes
environnantes étant très peu développées. La répartition de la population est
particulièrement révélatrice : au recensement de 1972, le nombre de résidents de l’ensemble
du District9 (27 communes) est estimé à 275 000 personnes, dont 210 000 personnes sur la
ville de Rennes, soit plus de 75% de la population totale du District. Les autres communes du
District, peu étendues, sont logiquement séparées par des coupures agro-naturelles.
Cette configuration devient propice à un développement polycentrique dès lors qu’on la
confronte aux prévisions de croissance attribuées à l’agglomération dans les années 1970. En
effet, compte tenu des chiffres annoncés en termes de population, de logements et d’emplois,
une anticipation s’impose.
Les estimations démographiques pour l’aire du SDAU prévoient 361 000 habitants en 1985,
soit une croissance de plus de 30% en 13 ans (ou 6 000 habitants de plus tous les ans) et
587 000 habitants en 2010, soit une croissance de plus de 60% par rapport à 1985 (soit environ
9 000 habitants supplémentaires par an entre 1985 et 2010). Pour loger ces nouveaux

9
District : subdivision administrative territoriale.

22
arrivants, il faut induire la construction annuelle de plusieurs milliers de logements sur le
District (Au début des années 1970, le rythme moyen de construction est de 4 000 logements
par an) et y ajouter la consommation d’espace générée par l’augmentation du nombre
d’emplois.
Il s’agit là d’une forte croissance annoncée. D’après les conclusions de diagnostic du SDAU
de 1974, si on ne l’anticipe pas, on s’expose à des problèmes lourds à moyen terme. En effet,
en l’absence de politiques volontaristes de la part de la collectivité, les tendances actuelles
conduisent à une répartition des logements nouveaux par bourgeonnement périphérique des
agglomérations existantes, dont les trois quarts environ se répartiraient aux frontières de
l’agglomération rennaise proprement dite et un quart autour des diverses localités voisines
de la ville-centre ; les entreprises industrielles iraient s’implanter le long des axes routiers
existants, soit de façon radiale autour de Rennes, les commerces se localiseraient vers les
zones habitées (habitat individuel qui se serait largement développé) et les bureaux
investiraient prioritairement le centre-ville. Enfin, en ce qui concerne la circulation et les
transports, le libre jeu des tendances de développement amènerait la collectivité à la
réalisation au coup par coup d’élargissements et de déviations des axes existants et à
l’amélioration du réseau de transport en commun dans des conditions de fonctionnement
coûteuses. Les problèmes apparaissent clairement dès lors que l’on s’intéresse à la
consommation d’espace induite par un tel développement : d’après les calculs effectués,
basés sur une comparaison avec les ratios des villes américaines (consommation d’espace de
1 000 m² par habitant), ne pas contrôler l’urbanisation de l’agglomération reviendrait à
s’exposer à une disparition quasi-complète de l’espace naturel du District vers l’an 2000.

On peut se permettre de mettre en doute la pertinence des estimations proposées. Est-il


vraiment réaliste de comparer les ratios américains de consommation d’espace avec la
situation rennaise compte tenu des différences majeures qui existent entre les villes
européennes et les villes américaines ? Peut-on vraiment se baser, au début des années 1970,
sur des estimations de population à l’horizon de l’an 2000 ? Mais laissons de côté l’alarmisme
de prévisions invérifiables pour nous concentrer simplement sur l’hypothèse d’une forte
croissance à anticiper, en visant un développement à long terme.
A cette époque, compte tenu de la configuration urbaine précédemment évoquée et de la
croissance annoncée, on peut tout à fait envisager un développement de l’agglomération se

23
traduisant par un report de la croissance de Rennes sur les petites localités du District ; soit
un polycentrisme hiérarchisé polarisé par Rennes.
L’option ne fut cependant pas retenue en 1974.

1.2.2. Le Schéma Directeur de 1974, les villettes écartées au profit d’une


organisation linéaire

Un schéma polycentrique figure bien parmi les hypothèses de développement du SDAU de


1974. Le terme villette, qui sera l’un des concepts phares du SDAU suivant, apparaît même
dans le document. Néanmoins, c’est une organisation linéaire qui est retenue. Dans quelle
mesure cette option, qui n’a donc pas perduré par la suite, était-elle a priori appropriée ?

Trois hypothèses de développement sont évoquées :


- radioconcentrique10 ;
- volontariste (Soit un développement fondé sur la création d’une ville nouvelle unique ;
soit l’hypothèse polycentrique avec villettes.) ;
- linéaire.

La première hypothèse revient à urbaniser par couronnes successives. Celle-ci est


rapidement écartée car elle implique la perte de l’espace naturel proche, elle n’est soi-disant
pas favorable au développement des transports en commun, et surtout cela pose un
problème pour l’assainissement : Le site naturel n’est pas favorable dans toutes les directions à
l’accroissement du système de collecte de traitement et de rejet des eaux usées. Seule la Vilaine en
amont et en aval de Rennes offre de véritable possibilités.
La seconde est écartée sous prétexte d’être irréaliste. Concernant l’hypothèse de la ville
nouvelle unique, on évoque à l’époque la difficulté pour l’adoption d’un lieu d’implantation,
et surtout le fait qu’une telle politique aurait nécessité un blocage du développement de l’ensemble
des unités urbaines. Un développement en villettes, appelées à atteindre les 15 000 à 20 000
habitants, apparaît quant à lui irréaliste sous prétexte qu’il suppose d’une part, une mutation
brutale de certaines agglomérations, devant passer en 2 ou 3 ans d’une population d’environ 1000
habitants à la dimension finale de 15 000 ou 20 000 habitants. D’autre part, une fois ce stade de
développement atteint, un blocage aurait été nécessaire.
La troisième hypothèse est choisie.

10
Les phrases et mots en italique du paragraphe 1.2.2 sont des extraits du SDAU 1974.

24
Il convient à ce stade de faire remarquer la faiblesse de certains des arguments invoqués
pour écarter les autres hypothèses de développement de l’agglomération.
En effet, si l’on retient le souci d’assainissement comme argument principal ayant conduit à
écarter l’hypothèse radioconcentrique, et en admettant au passage que ce schéma n’était pas
favorable aux transports en commun, pourquoi ne pas l’avoir réutilisé par la suite ? Au lieu
de quoi, pour écarter l’hypothèse des villettes, on invoque une « mutation brutale »
nécessitant aux communes en question d’atteindre leur dimension finale en deux ou trois
ans. Mais pourquoi vouloir atteindre de telles proportions si rapidement ? Pourquoi faire
passer une seule agglomération de 1000 à 15 000 habitants en 3 ans (ce qui reviendrait pour
cette commune à absorber plus de 75% de la croissance démographique moyenne prévue
annuellement sur l’ensemble du District entre 1975 et 1985 !) alors qu’un report de la
croissance sur plusieurs localités est tout à fait possible, induisant des mutations urbaines
beaucoup moins brutales ? Le problème de l’assainissement pouvait justifier l’abandon de
l’hypothèse polycentrique, comme ce fut le cas pour le développement radioconcentrique :
pourquoi ne pas l’avoir mis en avant ?

Le développement linéaire est finalement choisi : il permettrait une proximité du tissu urbanisé
et de l’espace naturel, une meilleure adaptation au transport en commun et notamment l’utilisation
possible de certaines lignes du réseau ferré, une souplesse de mise en œuvre et offrirait la possibilité
de satisfaire aux contraintes du site, notamment par urbanisation autour de la Vilaine, seul cours
d’eau utilisable pour l’assainissement. L’agglomération s’étendrait selon un axe sud-ouest nord-
est (vers Bruz au sud-ouest, vers Cesson, Thorigné et Acigné au nord-est11) ; on créerait des
centres secondaires dans chaque direction préférentielle ayant pour double objet de permettre la
modération du développement du centre ville et d’animer les deux nouveaux secteurs d’urbanisation.
En somme, il s’agit d’un développement en un sens « polycentrique », Rennes étant encadrée
par deux centralités secondaires destinées à absorber une large part de la croissance. Ces
deux pôles choisis présentent des similitudes avec les villes nouvelles parisiennes : ce sont
des noyaux urbains préexistants appelés à croître considérablement pour désengorger le pôle
principal. Ils sont cependant très proches de Rennes, quelques kilomètres seulement, alors
que les villes nouvelles parisiennes sont distantes de plusieurs dizaines de kilomètres de

11
Cf. Annexes, Figure 13, pour la localisation des communes.

25
Paris. Seule l’hypothèse radioconcentrique a en fait été réellement écartée, puisqu’au final le
schéma retenu s’apparente à un compromis entre les hypothèses volontariste et linéaire.

Pour Philippe Tourtelier12 il s’agit en fait d’une réponse technique de l’Etat proposée à toute la
France [TOURTELIER, 2007] ; réponse qui trouve sa légitimité dans le fait que la
structuration d’une ligne urbaine par un axe lourd de transport est très efficace d’un point de
vue technique. Ce SDAU révèle d’ailleurs une vision planificatrice et techniciste de
l’aménagement [GIVORD, GUY, 2004] qui concorde bien avec les lignes de conduite
étatiques de l’époque par rapport au territoire, et notamment les orientations préconisées par
la DATAR. Dans un tel contexte centralisé, quoi de plus logique finalement, que l’adoption
d’une volonté étatique ?
On a peut-être là un élément d’explication de la faiblesse de certains arguments envers les
autres hypothèses de développement. On ne s’est vraisemblablement pas attelé à une
véritable discussion visant à faire émerger la meilleure solution : il s’agissait davantage
d’écarter toute hypothèse quelle qu’elle soit, afin de justifier un choix étatique préétabli.
En somme, avant de valider le SDAU, la question n’était pas vraiment de savoir si l’option
linéaire plutôt qu’une autre était appropriée puisque la décision ne résultait pas d’un
véritable choix. Cela relevait davantage de l’obligation. Pour quelle efficacité ?

1.2.3. Une option vivement critiquée – l’évolution du schéma directeur

Selon André Siegfried, il y a dans [la] civilisation [bretonne], des choses imposées du dehors et qui
demeurent extérieures : la discipline sociale, qui reste toujours plaquée et ne devient jamais intérieure
et consentie ; (…) sûrement l’organisation moderne d’un gouvernement centralisé, dont les Bretons
(comme tous les Français du reste, mais un peu plus encore) conçoivent presque toujours les rouages à
contresens [SIEGFRIED, 1913]. Que le SDAU soit imposé de la sorte, qu’il vienne du dehors,
et de surcroît de l’Etat, constituent alors de bien lourds handicaps laissant présager la courte
portée de ce projet.
D’ailleurs, les réserves quant à celui-ci ne tardent pas à émerger. Si l’idée est belle sur le
papier, les oppositions et les incohérences sont nombreuses… Et dès le départ, le projet fait
l’objet d’un faible consensus : les communes de Bruz et de Cesson, appelées à devenir

12
Philippe Tourtelier, présent dans le paysage politique rennais depuis une trentaine d’années, est maire d’une
commune de la communauté d’agglomération, conseiller général d’Ille-et-Vilaine, Président du Pays de Rennes,
et Député.

26
d’importants pôles secondaires, soulignent rapidement n’avoir rien demandé. Seulement
cinq mois après son approbation, juste après l’élection d’Edmond Hervé à la mairie de
Rennes, le SDAU est mis en révision à l’unanimité par le Conseil de District.

Plusieurs facteurs ont contribué à l’échec de la mise en place de ce schéma directeur.


En effet, son contenu était très inadapté et reposait sur des bases erronées. Les prévisions
démographiques, dont découlent absolument toutes les options du projet (logements à
construire, zones d’activité, localisation des réseaux, équipements à créer etc.) [GIVORD,
GUY, 2004], ont été revues à la baisse peu après l’adoption du SDAU, induisant sa nécessaire
actualisation… Puis sont venues les interrogations quant à la légitimité de l’urbanisation de
certains espaces, avec par exemple des ZAD (Zones d’Aménagement Différé) prévues en
pleine zone agricole. Mais surtout, le projet ne prend pas en compte un débordement de la
croissance au-delà du District, dans ce que l’on nomme à l’époque le bourrelet. Celui-ci est
composé de deux couronnes, la première comprenant les 21 communes qui touchent le
District, la seconde 40 communes. Ces 61 communes qui représentent 76 843 habitants en
1975 ont eu un taux moyen de croissance annuel de 2,3% entre 1968 et 1975, semblable à celui
du District pour la même période, alors que ce taux n’était que de 0,56% entre 1962 et 1968
contre 3,22% pour le District. Ce phénomène explique le ralentissement de la croissance du
District du fait de l’étalement de la croissance de l’agglomération rennaise hors de ses
frontières. Cela indique aussi que, pour être cohérente, l’aire d’étude du SDAU devrait
couvrir l’ensemble des communes touchées par le développement de l’agglomération
rennaise [Projet de délibération du Conseil de District, 1978].
De plus, on ne peut que constater l’absence de moyens techniques et financiers suffisants au
niveau du District pour porter les très grosses opérations urbaines prévues au SDAU. Celui-
ci était donc, de toute façon, inapplicable.

La rapide mise en révision du projet n’avait donc rien de très étonnant.

1.2.4. Le Schéma directeur de 1983 : villettes et ceinture verte

Logiquement donc, le SDAU de 1983 n’a relativement rien à voir avec celui de 1974.
Comment le polycentrisme a-t-il été légitimé ? Quelle en a été la traduction territoriale ?

27
Outre le fait d’avoir été l’occasion d’initier une réflexion à l’échelle du District, le SDAU de
1974 a le mérite d’avoir mis en évidence des erreurs à ne pas réitérer. Le projet de 1983, s’il
est différent, a néanmoins pris son prédécesseur comme base de réflexion. En effet, au début
de la réflexion sur le nouveau SDAU (à partir de 1977), les élus ne savent pas forcément ce
qu’ils veulent mais sont certains de ce qu’ils refusent. Unanimement, ils ne souhaitent ni
« villes nouvelles » ni « banlieues » ; ce qui constituera l’un des fondements du nouveau
schéma directeur.

Entre 1977 et 1982 sont déterminés les critères encadrant le futur SDAU :
- une répartition plus équilibrée de la population ;
- son corollaire : l’accroissement de l’autonomie de secteurs géographiques ;
- la conservation de l’identité des bourgs ;
- la prise en compte des milieux agro-naturels ;
- le ralentissement de la consommation d’espace ;
- la reconnaissance de la fragilité du patrimoine naturel ;
C’est la confrontation de ces principes avec l’objectif de planification qui a conduit au choix
d’un développement polycentrique.
Les élus souhaitent une population équilibrée : lors de l’adoption du SDAU de 1983, Michel
Phlipponneau formule très durement son opposition aux préconisations du précédent projet
qui selon lui visait à concentrer sur l’agglomération rennaise, dans les limites artificielles et étroites
du District, l’essentiel du développement régional, aboutissant ainsi à l’image de « Rennes et du désert
breton »13, en référence au livre de J-F. Gravier Paris et le désert français. Le projet de 1983
prône alors de contenir la grande ville dans ses limites ce qui permet une croissance des
bourgs voisins par la constitution de quartiers d’habitat homogènes et équilibrés autour de centres de
vie [CAHIERS DE L’AGENCE, 1981]. Il est prévu que certains bourgs, les villettes, acquièrent
de l’autonomie vis-à-vis de la ville-centre par l’accueil d’équipements et de services d’intérêt
communal, de façon à satisfaire au mieux les besoins quotidiens des habitants de différents
secteurs préétablis du District.
Le corollaire est la conservation de l’identité de chaque bourg par le maintien de coupures
d’urbanisation. La principale coupure, ou ceinture verte, vise à créer un « tampon » entre
Rennes et les bourgs les plus proches de la grande ville. Cela entre dans la perspective d’un
SDAU « vert ». Le rapport de présentation fait en effet état de la fonction écologique de

13
Michel Phlipponneau cité dans [GIVORD, GUY, 2004]

28
l’espace rural et il est prévu, conformément aux principes précédemment évoqués, de
consommer moins d’espace agricole, de reconnaître la fragilité du patrimoine naturel, et
d’intégrer la complexité et l’imbrication des milieux agro-naturels ainsi que des
préoccupations concernant le paysage et la qualité environnementale.
Au passage, on remarquera que les contraintes liées à l’assainissement, auxquelles on
accordait une importance capitale lors des discussions pour le précédent SDAU, sont
absentes – ou presque absentes – du débat…

Ni « villes nouvelles » ni « banlieues » ? En préconisant la ceinture verte, appelée à


contraindre une urbanisation continue à l’intérieur de la future rocade, il est en effet
probable que Rennes se prémunisse contre d’éventuelles banlieues. C’est d’ailleurs ce que
confirme la suite de l’histoire urbaine. Pour ce qui est des villes nouvelles, le constat dépend
de l’acception donnée à l’expression. Les élus de l’époque craignent avant tout l’émergence
ex nihilo de nouvelles villes : c’est souvent leur définition de la « ville nouvelle ». Ils craignent
aussi une mutation brutale de certaines petites communes : les villettes sont un compromis
entre la ville construite ex-nihilo et une croissance forte imposée à de petites localités. En effet,
la multiplicité des villettes conjuguée aux prévisions démographiques laisse prévoir des
mutations finalement modérées des bourgs choisis. On n’est en fait pas si loin du projet des
villes nouvelles parisiennes développé à partir de 1976, à une échelle plus grande…

Par rapport au précédent, on a donc procédé très différemment pour mener à bien le SDAU
de 1983.
- au lieu d’un projet imposé, il s’agit d’un projet concerté entre les élus du District qui
ont d’ailleurs associé les élus des cantons limitrophes ;
- après la décentralisation, les élus du District élargissent leurs réflexions à l’ensemble
du développement local : habitat, économie, environnement, emploi-formation, etc. Il
ne s’agit plus seulement d’organiser l’espace à partir de prévisions démographiques
mais de susciter et de planifier le développement résidentiel et économique.
On peut toutefois remarquer les conditions dans lesquelles s’est élaborée la démarche
prospective. Celle-ci a été effectuée « en interne », par des organismes qui dépendent à la fois
du District et de le Ville de Rennes : à l’époque il s’agit essentiellement de l’AUDIAR,
l’Agence d’Urbanisme du District de l’Agglomération Rennaise. Ne peut-on pas dès lors
questionner l’objectivité des études réalisées ?

29
Malgré une volonté de certains élus d’associer les élus des communes périphériques, le
périmètre du nouveau SDAU reste inchangé par rapport au précédent ; le bourrelet, qui
absorbe une part presque aussi importante de la croissance que le District, n’appartient donc
pas au schéma directeur. Dans la mesure où ce territoire hors District est intégré à l’étude
préalable, on peut admettre que le plan de développement tient compte des logiques qui
s’étendent au-delà de son périmètre, ce qui lui confère une certaine cohérence. En effet, à
l’époque on ne parle pas de développement durable : une fois de telles logiques considérées,
le degré d’exigence quant à l’élaboration d’orientations de développement est moindre.

***

Le SDAU de 1974 a le mérite d’avoir essuyé les plâtres et d’avoir été le support d’une
réflexion. Celui de 1983 en diffère par les modalités de son élaboration, concertée, et son
contenu, beaucoup plus cohérent. Loin d’avoir été imposé, ce type de développement résulte
des conclusions de l’analyse du contexte des années 1980, tant dans son volet
démographique, qu’économique, social ou géographique, lui conférant sa cohérence. La
planification du territoire rennais selon un schéma polycentrique est le résultat d’une
maturation politique : c’est la synthèse de l’état des lieux du territoire, de sa configuration,
des prévisions qui lui sont associées, et de la formulation d’orientations politiques par les
acquis de l’expérience qui a conduit au polycentrisme.
Quelle en a été la concrétisation ?

30
CONCLUSION DE LA PARTIE 1.

Le polycentrisme dont il est question dans l’analyse correspond à la notion de modèle définie

dans l’ouvrage Orthopôles, villes en îles [MAGNAN, MATHIEU, 1975] : ce n’est ni un plan, ni

un objet ou un type déterminé que l’on peut reproduire tel quel (…) pas plus qu’une manière

exemplaire d’être ou de faire. Il ne s’agit pas en effet de proposer la « ville idéale », conçue pour un

monde utopique (…). C’est une réalité urbaine possible, parmi d’autres.

Il s’agit d’une structure, au sens d’un ensemble formé d’éléments tels que chacun dépend des

autres et ne peut être ce qu’il est que par, et dans ses relations avec eux. Ces éléments sont les

villes, ou centralités, dont les « aménités » permettent d’expliquer et de justifier l’instauration

des schémas polycentriques. Toute croissance, au-delà de certaines proportions, est

susceptible de tendre vers un développement polycentrique ; plus un centre est « saturé »,

plus il perd en accessibilité et en attractivité, jusqu’à ce que sa croissance se reporte sur des

centralités secondaires, soit de manière spontanée, soit de manière planifiée.

Le polycentrisme constitue un moyen d’organiser la croissance sur un territoire. L’enjeu est

de configurer le système qui fait une ville, à savoir le système des mobilités, de façon à

limiter la diffusion de la ville en la contenant dans un ensemble de centralités. Cela présente

l’énorme avantage d’être conciliable avec les objectifs du développement durable, ce qui

donne un élément d’explication de la pérennité de ce schéma urbain.

A Rennes, c’est effectivement dans un contexte de forte croissance qu’a été initié le schéma

polycentrique. Il a cependant fallu attendre 1983 avant qu’il ne figure comme parti de

planification, alors que l’idée avait été formulée dès le début des années 1970 : le choix du

polycentrisme, outre le fait de correspondre à un schéma urbain et à un processus de

développement est avant tout un choix politique. Pour le SDAU de 1974, c’est l’option

étatique qui a été imposée. Le projet polycentrique adopté en 1983 résulte quant à lui d’une

maturation et de compromis politiques qui lui ont conféré de la cohérence. Il a été choisi

parce qu’il permettait de mettre en œuvre des grands principes de développement

préalablement fixés par les élus à l’issue d’une réflexion commune nourrie des erreurs du

passé.

31
Rien à voir donc, avec une recette miracle (aux avantages théoriques certains) applicable de

façon indifférenciée : à l’échelle d’une région urbaine telle celle de Rennes, le choix du

polycentrisme s’explique avant tout par un contexte propice (situation territoriale et

prévisions de croissance) conjugué à une dynamique politique forte et concertée.

Reste à mettre en œuvre les objectifs formulés dans les documents de planification. Si l’idée

semble bonne, à quelles conditions peut-on la concrétiser ?

32
2. Quelle portée des schémas directeurs polycentriques
sur le territoire rennais ?

La vocation d’un schéma directeur est de coordonner l’intervention spatialisée des pouvoirs
publics à l’échelle des agglomérations14. On peut penser que la décentralisation, effective
depuis 1982, constitue un élément facilitateur dans la mise en place de politiques publiques
locales efficaces, et donc dans la concrétisation des schémas directeurs : en effet, dans un
contexte décentralisé, les pouvoirs locaux sont plus accentués et les pouvoirs d’agir
spatialement sont plus développés [MOTTE, 1995]. Cependant on peut aussi penser que cet
effacement du rôle de l’Etat rend l’émergence d’une politique d’agglomération délicate,
puisque ce sont avant tout les logiques communales qui sont favorisées. Comment se met en
place, dans ce contexte, une action efficace permettant d’aller jusqu’à la concrétisation des
orientations contenues dans le schéma directeur ? Cet outil peut-il réellement susciter une
coordination spatialisée des pouvoirs publics au niveau du périmètre qu’il recouvre ?

2.1. SDAU 1983 : L’intercommunalité comme condition de


concrétisation des projets.

En 1983, le SDAU est adopté à l’unanimité. Est-ce pour autant, dans ce contexte décentralisé,
une garantie de son application future ? Se mettre d’accord sur un projet constitue une étape,
le réaliser correspond à une seconde phase : de quels outils dispose le District pour rendre
concrets ses projets de développement ? Quels ont été les impacts de ce schéma directeur
polycentrique sur le territoire rennais ?

2.1.1. Dans les années 1980, le District permet-il le respect des


orientations polycentriques du SDAU ?

Le SDAU est censé coordonner la programmation des infrastructures et les différents plans
d’occupation des sols (POS) communaux ; sur le papier, la logique d’emboîtement des procédures
de planification est imparable : enchaînement chronologique, allant du plus prospectif au plus concret,
des documents globaux aux programmations sectorielles, de l’agglomération à la parcelle, des

14
Cf. Définition du schéma directeur dans la loi de 1983.

33
principes de développement au financement et à la réalisation du projet [DESJARDINS, LEROUX,
2006]. En théorie, cette déclinaison est garantie par un rapport juridique entre les documents
mais en pratique, les SDAU se trouvent progressivement invalidés par l’indépendance progressive
de procédures de gestion des droits des sols d’une part (grâce aux POS), et de programmation des
déplacements d’autre part (Finances publiques qui limitent ou favorisent les projets).
Or, l’évolution polycentrique du territoire rennais dépend de la concrétisation de son SDAU.
Elle est par là même conditionnée par une adéquation entre les projets des communes et
ceux du District – organe qui a fait émerger le projet. En effet, des intérêts trop divergents
conduiraient à cette invalidation du SDAU précitée : si les communes ne se retrouvent pas
dans le fonctionnement intercommunal, celui-ci ne saurait fonctionner de façon constructive.
Dissociées du District, il est illusoire de croire que les communes sont individuellement à
mêmes de respecter les objectifs fixés par le SDAU. Bien souvent, elles n’y trouveraient
individuellement aucun intérêt puisqu’un schéma directeur a une logique territoriale et que
l’intérêt communautaire diffère de l’intérêt particulier.
La structure intercommunale rennaise est née de façon assez chaotique, le District n’étant pas
à l’origine souhaité par toutes les communes qui le constituent. Cela laisse présager, du
moins au départ, une dynamique intercommunale peu efficace. Qu’en a-t-il résulté quant au
respect des orientations fixées par le SDAU ?

Il convient de revenir sur les conditions de la naissance du District afin de comprendre les
éventuels impacts que cela a pu susciter.
Jusqu’au milieu des années 1960, la réflexion sur l’urbanisation se caractérise par une
ignorance des communes périphériques : la ville-centre se suffit à elle-même pour absorber
la croissance démographique. C’est à la fin des années 1960 que les élus prennent conscience
des limites physiques du territoire communal [GIVORD, GUY, 2004]. Comme le souligne
quelques années plus tard Michel Phlipponneau, un fonctionnement intercommunal est plus
que nécessaire : Avec ses 5000 hectares, jusqu’en 1960, Rennes demeurait une ville sans banlieue.
Mais à la fin des années 1960, son développement était tel qu’en débordant sur les communes voisines,
il imposait une organisation multicommunale [PHLIPPONNEAU, 1988].
En 1970, le District Urbain de l’Agglomération Rennaise (DUAR) naît donc d’une nécessité,
mais dans la douleur. En effet, alors que la mise en place d’une intercommunalité semble
démontrée, les élus locaux manifestent leur opposition à l’égard d’une structure
d’agglomération trop forte. Trois années plus tôt, suite à l’adoption de la loi instituant les

34
communautés urbaines (CU), le maire de Rennes, Henri Fréville, a proposé aux communes
voisines d’en créer une : cette tentative s’est soldée par un échec retentissant, la majorité des
élus étant catégoriquement contre la mise place d’une telle structure. Depuis cet épisode,
toute action suspectée d’être un pas de plus vers la CU est systématiquement refusée par la
majorité. Or le District apparaît aux élus comme un compromis entre CU et Syndicat
Intercommunal à Vocation Multiple (SIVOM). Dans un contexte où s’impose un
fonctionnement multicommunal, dix communes sont intégrées contre leur gré. A l’époque,
l’intercommunalité n’est donc pas vue d’un très bon œil par de nombreux élus, ce qui ne
permet pas d’être optimiste quant à son efficacité future, et donc quant à la concrétisation du
SDAU polycentrique.

La réticence des communes face à l’intercommunalité n’a donc rien à voir avec les
orientations du SDAU. Au début, c’est parce que la principale crainte des municipalités est la
diminution de leur pouvoir sur leur territoire que le District est très peu puissant. Même si
l’intercommunalité s’est aussi renforcée en dehors de cet organe (SIVU, SIVOM), cette crainte
n’a pas été sans impacts sur le respect du schéma directeur.

2.1.2. Un nécessaire renforcement de l’intercommunalité

Selon Armel Huet, le SDAU [de 1983] n’avait qu’un caractère spatial [HUET, 1995]. Il en résulte
que les conditions de son application relèvent, pour une large part, du respect des périmètres
des zones à urbaniser par les communes. Mais force est de constater que cela laisse à désirer.
Philippe Tourtelier explique que pour tenir [le SDAU], on butait contre l’aspect économique : sans
arrêt, il y avait des demandes de dérogations qui grignotaient la ceinture verte. On accordait ces
urbanisations afin de permettre aux communes demandeuses de se développer… [TOURTELIER,
2007]. A l’époque chaque commune gère sa propre fiscalité et cherche logiquement à se
développer. Attirer les entreprises signifiant « récupérer » de la taxe professionnelle, les
municipalités sont donc nombreuses à faire pression pour obtenir les terrains nécessaires à
leur développement, allant à l’encontre des orientations du SDAU. Ces dérogations étaient
en général accordées puisqu’elles concernaient de petits espaces et étaient bien souvent
légitimes, compte tenu de la situation financière des communes demandeuses. A la longue,
le système a trouvé ses limites. On peut alors voir dans l’intercommunalité l’esquisse d’une

35
solution : une gestion de la fiscalité au niveau du District aurait pu permettre d’éviter ce
problème.
Une seconde limite est constituée par l’obtention de la déviation de la rocade, au nord-est de
Rennes. Le maire de Cesson-Sévigné – commune limitrophe de Rennes – était en effet opposé
à l’idée, présente dans le SDAU, que la future rocade passe entre les deux communes. Il a
réussi à en obtenir la déviation. On voit ici que l’intérêt particulier du maire Cesson-Sévigné
a primé devant l’intérêt communautaire. On peut toutefois supposer que si le District avait
été plus puissant cette autorisation n’aurait pas été donnée.

La ceinture verte a donc été grignotée mais reste un tampon agro-naturel conséquent ; il
apparaît qu’un District et une intercommunalité forts auraient pu permettre d’éviter que ces
orientations spatialisées du SDAU ne soient détournées.
Cependant, d’autres réalisations intercommunales ont constitué des atouts à l’affirmation du
polycentrisme. En effet, à partir de 1980 la gestion des transports est confiée au Syndicat
Intercommunal des Transports de l’Agglomération Rennaise (SITCAR), qui couvre presque
tout le District et donc le périmètre du SDAU. Il en résulte une desserte par bus reliant
Rennes aux communes du District : cela constitue un premier pas dans la gestion des
mobilités et contribue à créer du lien entre Rennes et les autres centralités de son territoire.
C’est un pas de plus vers l’accentuation de la structure polycentrique, au sens où celle-ci a
été définie.

2.1.3. L’enjeu décisif de la fiscalité dans la concrétisation territoriale d’un


schéma directeur

On l’a évoqué, le régime fiscal en application pose des problèmes dans la concrétisation des
principes du SDAU. La modification de la fiscalité au sein du District constitue en fait un
levier majeur : c’est le passage à une fiscalité propre en 1989, puis à la Taxe Professionnelle
Unique (TPU) en 1992 qui renforcent considérablement l’intercommunalité et donnent de
puissants moyens d’organiser l’urbanisation du territoire.

L’année 1989 est marquée par le passage en fiscalité propre : les charges intercommunales
sont réparties entre les contribuables du District et non plus entre les communes. Chacun
contribue en fonction de sa base imposable et non plus en fonction de sa commune

36
d’implantation (entreprises) ou de domiciliation (ménages), ce qui apparaît plus juste. De
plus, le District y trouve un intérêt financier : d’une part, cela lui permet de percevoir une
dotation globale de fonctionnement sans que cela n’affecte celle des communes et d’autre
part, il perçoit un surplus de produit de taxe professionnelle du fait qu’il bénéficie de la
totalité des bases de l’établissement Citroën présent sur la commune de Chartes-de-Bretagne
[GIVORD, GUY, 2004]. Cependant, ce type de fiscalité ne modifie pas les écarts de richesse
fiscale entre les communes du District et elle a, pour plusieurs élus, un goût d’inachevé. Du
fait de la clé de répartition antérieure très solidaire, ce sont, paradoxalement, les
contribuables des communes « riches » qui se retrouvent bénéficiaires du passage en fiscalité
propre.
C’est pourquoi, dès la loi du 6 février 199215, un certain nombre de maires proposent que le
District opte pour la TPU. Ce système fiscal vise principalement à [LAURENT, 2000]:
- faire percevoir la totalité de la taxe professionnelle par le groupement, ici le District, à un
taux progressivement unifié sur l'ensemble du territoire concerné ;
- laisser aux seules communes le produit des trois autres impôts directs locaux (Taxe
d’habitation, taxe sur le foncier bâti, taxe sur le foncier non bâti) ;
- garantir à chaque commune une recette, bloquée en valeur absolue, équivalente au produit de
taxe professionnelle qu'elle percevait l'année précédent la mise en place de la TPU, déduction
faite du produit des trois autres taxes directes16 ainsi que des charges éventuellement
transférées au groupement du fait des nouvelles compétences attribuées à ce dernier;
- permettre aux communes de percevoir, selon la décision du groupement, une "dotation de
solidarité communautaire" calculée selon des critères fixés presque entièrement librement par
le groupement.

Plus concrètement, ces quatre points impliquent une augmentation importante des flux
croisés entre le groupement et les communes, rendant solidaires l'avenir financier de ce
groupement et celui de chacune des communes qui le composent. Toutefois, celles-ci ne sont
pas pour autant privées de leur levier fiscal. Selon les communes, l’importance de ce levier
sera inégale : pour les communes à forte intensité de taxe professionnelle et à valeur locative
logement faible, la part des impôts fonciers revenant à la commune sera nettement inférieure
au produit de la taxe professionnelle transféré au groupement ; la fiscalité directe aura par
conséquent un poids moins important dans les ressources communales, qui seront à la fois

15
Loi sur l’Administration Territoriale de la République.
16
Produit auparavant perçu par le groupement sur le territoire de ladite commune

37
plus stables (grâce à l'attribution de compensation) et moins évolutives (la décision de faire
progresser les taux d'imposition sera donc moins "rentable"). Dans les communes très
résidentielles, la situation inverse se produira. Mais l’important se situe bien moins dans le
pouvoir qu’une commune peut exercer sur sa fiscalité, que dans les implications au niveau
communautaire de l’adoption du système de la TPU.

L’avantage majeur du mécanisme réside dans le fait qu’il conduit à une disparition des
rivalités fiscales entre communes. Le système des compensations annihile les concurrences
pour attirer des entreprises, puisque la taxe professionnelle qui en est issue n’est plus
reversée exclusivement à la commune sur laquelle est localisée l’activité économique.
L’intérêt à fonctionner de façon communautaire s’en trouve immédiatement accentué : le
passage à la TPU correspond donc à un renforcement considérable de l’intercommunalité.
Compte tenu du montant unifié de la taxe professionnelle sur le District, il résulte pour les
entreprises une certaine liberté d’implantation, indépendante de la commune de localisation.
Cela constitue les bases d’une politique concertée quant à la structuration économique du
territoire : on passe d’une logique purement financière (les communes souhaitent que les
entreprises s’installent sur leur territoire parce que cela leur rapporte de l’argent) à une
logique territoriale (on peut envisager l’implantation d’une entreprise en considérant les
logiques du District dans leur ensemble).

Les logiques de l’urbanisation aboutissent à la constitution d’une mosaïque urbaine, d’autant plus
ancrée dans le territoire que c’est le propre d’une mosaïque, elle est scellée (…) par un ciment durable,
celui de la fiscalité locale […] Il faut arriver à penser la ville comme éclatée. [LABORIE, 1997] La
fiscalité locale a indéniablement un rôle décisif dans la fabrication de la ville et dans le lien
entre une commune et son territoire. Dès lors, l’instauration de la TPU peut apparaître
comme un bouleversement de cette mosaïque urbaine : des éléments autrefois scellés tendent à
la fusion. Et d’une mosaïque de communes, on tend vers une mosaïque de groupements
intercommunaux tout autant ancrés dans le territoire. Dans la perspective d’une politique à
l’échelle de l’agglomération, voilà qui laisse présager une concrétisation plus aisée des
projets de structuration économique.
Mais, bien qu’en partie suscité par des failles dans la concrétisation du SDAU de 1983, le
passage à la TPU a eu des effets limités relativement à la traduction territoriale de ce même
schéma directeur – de nombreuses dérogations ayant notamment été accordées avant le

38
changement de fiscalité – ; l’évolution profitera au projet de 1994. Cependant, il convient de
noter les conséquences indirectes de la démarche qui a mené à l’adoption d’un tel système.
On retient souvent la mesure fiscale en oubliant que le dialogue politique généré participe
grandement de la construction d’une intercommunalité efficace et pérenne. On peut
supposer que c’est en réfléchissant de manière concertée à son développement que
l’agglomération rennaise se donne les moyens de viser des projets de plus en plus ambitieux.

2.1.4. Du souci urbanistique à l’exigence de durabilité : une évolution


logique, résultat d’un travail collectif

En effet, outre le fait d’être un moyen pour faire « fonctionner » un territoire,


l’intercommunalité est un terrain fertile pour l’émergence de projets puisque que cela créé
l’occasion de dialogues. Il s’agit de construire ensemble. Par ailleurs, l’agglomération de
Rennes a bien souvent été en avance sur son temps : le District est par exemple le premier
groupement à adopter la TPU ; en 1991, le projet élaboré par des élus du District « Vivre en
intelligence » est basé sur un développement de type durable, avant même que l’expression
ne soit connue (elle existait déjà). Comment cela s’explique-t-il ? Sur quelles bases
l’intercommunalité rennaise s’élabore-t-elle ?

Dans le SDAU de 1983, on fait avant tout de l’urbanisme et non de l’urbanisme durable : la
demande de révision du SDAU en 1989 est prise comme l’occasion d’initier un projet
commun, dans lequel il s’agit de définir vers quel type de développement l’agglomération
souhaite tendre, compte tenu des conclusions qui ont pu être tirées depuis l’adoption du
SDAU de 1983. Lors d’un Conseil de District de 1990, Philippe Tourtelier évoque le lien
décisif entre « développement, qualité de vie et solidarité » et met l’accent sur le fait que ces 3
éléments conjugués suscitent une dynamique : la conception est proche du développement
durable17 et sera reprise dans la stratégie du projet d’agglomération de 1991. En effet, les élus
se sont rapidement concentrés sur les deux valeurs que sont la solidarité et la qualité de vie.
La première, nous l’avons évoqué, est au fil du temps apparue comme une nécessité et
trouve une traduction majeure dans le passage à la TPU (un an après le projet « Vivre en
Intelligence »). Ces deux valeurs, associées à la notion de développement, confèrent un
caractère durable au projet.

39
Mais outre le caractère logique de l’aboutissement à une telle conception, comment expliquer
sa précocité ? Comment expliquer cette aptitude à « être en avance sur son temps » ? Pour
Armel Huet et Anne Derrien, le projet « Vivre en Intelligence » résulte de la construction
commune autour des services municipaux [HUET, DERRIEN, 2002]: la ville se serait
délibérément appuyée sur ses services pour qu’ils articulent leurs réflexions et leurs actions.
A quoi renvoie cette construction commune ?

De la fin des années 1950 au début des années 1970, Rennes se métamorphose : de grands
ensembles urbains sont créés, la population double, la ville devient attractive. Il s’agit d’un
contexte où Rennes accueille toutes sortes de compétences extérieures dans les universités,
les entreprises, les administrations. Si certains ne font que passer, nombreux sont ceux qui
restent. Armel Huet et Anne Derrien évoquent une caractéristique déterminante de cette
population migrante : elle venait d’un univers de ruraux et d’agriculteurs, de commerçants,
d’artisans, d’ouvriers, non seulement pétris de valeurs spirituelles très fortes, (qu’elles soient d’ordre
religieux ou laïques), entretenues par une éducation généralement rigoureuse, mais aussi de valeurs,
ou mieux d’une éthique, afférente à l’exercice de ces métiers dans les conditions de la petite production
où chacun doit assumer son sort et mettre en œuvre des valeurs telles que la responsabilité, l’ardeur et
la constance dans le travail, l’envie ou l’obligation de réussir associée à l’effort et à la patience, la
solidarité de milieu, etc. D’après les auteurs, ce sont toutes ces conditions qui, parmi d’autres,
vont contribuer à faire de la population rennaise une population à la fois active, pragmatique,
conquérante même ; et progressiste c'est-à-dire obligée de s’adapter à son temps pour faire sa propre
histoire (…). [HUET, DERRIEN, 2002].
Les élus du District constituent en fait un échantillon de cette population. Leur façon de
fonctionner les uns avec les autres est conditionnée par ces caractéristiques communes :
pragmatisme, capacités d’adaptation, d’action etc. Philippe Tourtelier confirme cette analyse
lorsqu’il évoque ces Bretons à la démarche pragmatique et qui disent les choses très vite, ce qui va de
pair avec une nécessité de coopérer [TOURTELIER, 2007]. Selon lui, les élus ont globalement une
aptitude à trouver des compromis rapidement, tendant toujours à aller de l’avant. Cela
semble bien se retrouver dans la démarche intercommunale : la coopération et
l’aboutissement priment sur la stagnation.

17
Si l’expression développement durable a déjà été formulée dans le rapport Brundtland en 1987, elle n’est
cependant pas encore utilisée massivement.

40
Cette façon de faire de la politique, qui semble bien se perpétuer, contribue certainement à
expliquer la précocité de certains projets rennais. L’intercommunalité est dans les faits un
terrain d’expression pour ces façons de faire.
La mise en place des projets permet aux acteurs d’élargir leurs capacités d’action en nouant
des alliances avec d’autres acteurs ; les projets sont aussi des cadres dans lesquels se
construisent des règles et des valeurs qui ordonnancent les jeux d’acteurs. Tout cela rend
possible des structurations de coalitions stables dont l’activité est susceptible de se maintenir
dans le temps [DORMOIS, 2005].

2.1.5. Polycentrisme : quelles conséquences territoriales ?

Le schéma directeur de 1994 est l’un des éléments d’application du projet « Vivre en
Intelligence ». Les principes et les objectifs des deux documents se recoupent donc. Sur
quelles bases s’est fondée leur élaboration ? Le bien fondé du polycentrisme n’y est pas mis
en doute : sur quelles évolutions, depuis l’adoption du SDAU de 1983, s’est on basé ?

Le SDAU de 1983, organisé en villettes et ceinture verte, mise sur le développement


complémentaire d’un pôle principal, Rennes, avec des pôles dits d’appui. Ces communes,
situées à moins de 10km de Rennes, sont amenées à supporter une partie de la croissance de
l’agglomération. Le but est d’équiper chaque villette de manière à en faire un pôle d’emplois
et de services : il s’agit de conférer de la centralité à un lieu pour le rendre attractif. Ainsi,
d’une part la « dépendance » des habitants du secteur alentour par rapport à Rennes s’en
trouve diminuée et d’autre part, cela contribue à répartir l’attractivité sur l’agglomération au
lieu que celle-ci ne concerne que Rennes. Les pôles d‘appui sont ainsi amenés à répondre à un
certain nombre d’exigences commerciales, médicales, etc. ; mais Rennes reste accessible pour
les services plus rares (routes, desserte en transports en commun). Le SDAU divise le
territoire selon différentes destinations : certaines zones sont destinées à rester vides – la
ceinture verte – et d’autres sont prévues pour accueillir tantôt des logements, tantôt des
activités économiques etc.
Compte tenu de ce parti d’aménagement, on s’attend donc à voir l’urbanisation se
développer prioritairement autour de ces pôles d’appui, et à constater corollairement sur les
secteurs concernés une augmentation de la population, des emplois et des services.

41
Les études menées suite à l’adoption du SDAU de 1983, et en prévision du nouveau schéma
directeur, font apparaître que les orientations préconisées n’ont été qu’à moitié respectées. La
planification semble avoir eu un faible impact sur les localisations.

D’un point de vue spatial, la polycentralité du territoire rennais semble à première vue
maintenue : la carte de l’urbanisation de l’aire du schéma directeur en 1990 (Cf. Figure 1) fait
état de coupures nettes entre les noyaux urbains et le mitage de l’espace rural est limité. La
croissance s’est-elle pour autant reportée sur les pôles d’appui et leurs alentours ?

En fait, le développement économique s’est fortement concentré sur l’Est de l’agglomération


(Figure 2) ; la population a progressé de façon très importante surtout dans les communes
proches de Rennes, et selon une croissance plus faible dans une large bande autour des
précédentes18 (Figure 3). Selon les études de l’AUDIAR, la croissance de l’emploi a été plus
rapide que celle de la population ; ceci tient à la dispersion croissante des lieux de résidence
de la population travaillant dans l’aire du schéma directeur, renvoyant à la notion de « zone
d’emploi19 » : en fait, une partie importante de la population travaille dans le District mais
réside en dehors. La croissance s’étend donc au-delà des limites du schéma directeur, ce n’est
pas une nouveauté : l’existence du bourrelet était connue avant l’élaboration du SDAU.

On peut émettre l’hypothèse d’un lien entre ce phénomène et l’échec du report de croissance
sur les villettes : la puissance des outils d’aménagement n’a peut-être pas permis de
contrecarrer les grandes tendances en termes de localisation de la croissance. La légitimité
des villettes est-elle pour autant remise en question ? Qu’en conclure quant au périmètre du
prochain schéma directeur ?

18
Introduction du schéma directeur de 1994.
19
Zone d’emploi : espace géographique à l'intérieur duquel la plupart des actifs résident et travaillent. Effectué
conjointement par l'Insee et les services statistiques du Ministère du Travail, ce découpage respecte les limites
régionales, et le plus souvent les limites cantonales (et donc a fortiori départementales). Les déplacements
domicile-travail constituent la variable de base pour la détermination de ce zonage.

42
Figure 1 : Evolution de l'urbanisation dans le bassin de Rennes

Source : AUDIAR

43
Figure 2 : Evolution de l'emploi par commune entre 1982 et 1990 (RGP) dans la zone d’emploi.

Source : SD 94

44
Figure 3 : Evolution de la population par commune de la zone d'emploi de Rennes entre les recensements
de 1982 et 1990.

Source : SD 94

45
On l’a évoqué, Armel Huet souligne le caractère « uniquement spatial » du SDAU de 1983
[HUET, 1995]. Justement, ce projet n’était-il pas trop « spatial » ? Juridiquement, le SDAU
s’impose aux Plans d’Occupation des Sols (POS) que les communes se doivent de respecter.
Cependant, des procédures parallèles relatives à l’occupation du sol et à la programmation
des déplacements tendent à une invalidation de ce SDAU. On peut donc légitimement
douter de l’efficacité des zonages quand elle est dissociée d’une action publique se
surajoutant à l’obligation légale (et qui la cadre). Si des pôles d’appui ont été désignés, d’une
part les moyens de leur concrétisation laissaient à désirer et, d’autre part, les objectifs en
termes d’emplois, de services, de logements etc. ne relevaient pas d’une grande précision.
Moyens et objectifs laissés plus ou moins à l’appréciation des maires, il n’est en fait pas très
étonnant de constater une émergence bien relative des pôles secondaires espérée en 1983.
On distingue davantage une spécialisation des communes selon que celles-ci privilégient une
croissance démographique ou économique. Cette spécialisation est influencée par la
localisation par rapport au réseau routier et à Rennes : les communes s’estimant bien
localisées sur le réseau tendent à devenir des pôles, celles qui s’estiment moins bien
localisées optent pour une vocation plutôt résidentielle [THEBERT, 2006].
L’impact territorial de ce SDAU est en fait inégal : globalement respecté en termes de
consommation d’espace, le pari des villettes n’est toutefois pas acquis. Mais, outre le fait
d’être une tentative d’organisation du territoire, il faut souligner qu’il a été l’occasion de
constructions collectives et par là même de renforcements de l’intercommunalité : ce sont là
deux faces d’un même projet.
Au début des années 1990, on aboutit ainsi à une conception du développement différente de
celle considérée jusqu’alors. Les trois éléments invoqués que sont le développement, la qualité
de vie et la solidarité ne laissent-ils pas présager un développement durable avant l’heure ? Cette
conception, censée constituer un socle à l’élaboration du prochain plan de développement, a-
t-elle conduit à un « schéma directeur durable » ?

46
2.2. SD 1994 : vers un développement durable du territoire ?

Le nouveau schéma directeur accentue l’organisation polycentrique. Le principe des villettes,


bien que modifié, est conservé et l’accent est mis sur l’organisation des transports. Par
ailleurs, le périmètre du projet correspond aux limites du District de 1990, quelque peu
agrandi par rapport au début des années 1980 : une part de la croissance de l’agglomération
s’étend toujours au-delà des limites territoriales du schéma directeur. Dès lors, comment le
choix polycentrique s’articule-t-il avec la conception du développement à laquelle a abouti le
projet « Vivre en Intelligence » ?

2.2.1. Le projet d’agglomération : l’émergence d’une démarche nouvelle

Le projet « Rennes, Vivre en Intelligence » définit les objectifs et les choix stratégiques de
l’agglomération à l’horizon 2000-2010. En effet, avant de se lancer dans une nouvelle révision
du SDAU, les élus souhaitent s’appuyer sur un projet global de développement et par là
même donner de la cohérence aux politiques sectorielles. L’objectif est d’en dégager des
orientations générales propres à élaborer le schéma directeur sur des choix fondés,
conciliables, et largement partagés. Du point de vue des thématiques abordées, c’est un outil
de planification territoriale ; ce n’est cependant pas un plan de développement car le projet
reste un document sans programmation d’une mise en œuvre concrète des orientations
[GIVORD, GUY, 2004].

C’est lors du Conseil de District du 6 juillet 1990 que Philippe Tourtelier évoque la
conception du développement qui guidera par la suite l’élaboration du projet
d’agglomération, puis du schéma directeur : La stratégie peut être appréhendée de façon globale.
La qualité de la vie et la solidarité peuvent être conçues comme des éléments du développement.
Ce sont des objectifs mais aussi des éléments de développement. […] Mais jamais un développement
n’a pu se structurer dans la durée s’il n’y a pas une solidarité. Un développement qui n’est pas
solidaire éclate à terme et aboutit au déchirement du tissu social […] Les trois éléments :
développement, qualité de vie, solidarité sont donc très liés, en ce sens qu’ils sont à la fois des objectifs
mais aussi les facteurs les plus sûrs du développement et qu’ils assurent ainsi une dynamique. Les
trois volets du développement durable – économique, environnemental, social – sont cités et
les enjeux de leur articulation soulignés. La notion de durée renvoie à la pérennité d’un

47
développement structuré : la préoccupation des générations futures est, même
implicitement, absente. Toutefois, il ne semble pas abusif de considérer que la conciliation
effective des trois éléments cités a de faibles chances de compromettre la capacité de ces
générations futures de répondre à leurs besoins. On admettra donc que l’élaboration du
schéma directeur de 1994 est guidée par un objectif de développement durable qui n’en porte
pas le nom : les orientations qui ont suivi répondent-elles de cette conception ?

2.2.2. La transcription des nouveaux objectifs dans le schéma directeur :


une logique polycentrique durable ?

En introduction du nouveau schéma directeur, on trouve quatre dimensions indissociables,


renvoyant à neuf objectifs :
- la qualité de la ville, liée aux objectifs d’amélioration de la qualité de
l’environnement et de réponse aux besoins des habitants ;
- la solidarité : il s’agit de forger les outils d’une "communauté de vie", de prévenir
l’exclusion et d’améliorer le niveau de formation ;
- l’économie intelligente, qui se traduit par des objectifs de renforcement de Rennes-
Atalante et de poursuite de la diversification industrielle et tertiaire ;
- la dimension « Métropole et coopérations » dont les objectifs sont les suivants :
renforcer la coopération intercommunale, améliorer le positionnement de
l’agglomération et entraîner le développement de la région.
L’élément « qualité de vie » évoqué en introduction du projet d’agglomération a été ici
restreint à la notion de qualité de ville, traduisant des aspects environnementaux et sociaux. La
solidarité renvoie avant tout à des objectifs sociaux. L’économie intelligente est quant à elle
vouée à conditionner le développement économique en misant sur la recherche (Rennes
Atalante) et la diversification des activités. La quatrième dimension contient à la fois des
moyens et des objectifs du développement : le renforcement de la coopération
intercommunale permet, nous l’avons vu, d’augmenter la probabilité de concrétisation des
projets intercommunaux. Le positionnement de l’agglomération et son aptitude à être un
moteur pour son territoire constituent davantage des objectifs finaux du projet global de
développement.

48
Si l’on se limite à cette analyse, il ressort que les volets sociaux et économiques du
développement sont bien plus étoffés que l’élément environnemental. Qu’en résulte-t-il
quant à la traduction territoriale de ces quatre dimensions ?

Comparativement au précédent projet, les prescriptions du schéma directeur de 1994


concernent davantage de domaines :
- l’ordonnancement du territoire20 ;
- les espaces à caractère naturel ;
- les espaces urbains ;
- l’organisation des déplacements ;
- l’eau potable, l’assainissement et les zones inondables ;
- les autres contraintes.
Le schéma directeur structure l’agglomération par des espaces bien identifiés – la ville-centre,
les secteurs d’appui et les centres de communes – qui ne sont pas sans rappeler l’organisation en
villettes. L’objectif est de faciliter l’accessibilité aux équipements et aux services en les
répartissant sur le territoire, d’où la notion de secteur d’appui : on souhaite éviter la tendance
forte à la concentration en un seul point. La ville-centre, Rennes, est vouée à devenir un pôle
de niveau supranational : [elle] disposerait d’atouts propres à renforcer sa compétitivité au niveau
des villes de rang européen. Les pôles d’appui sont censés garder une dimension humaine favorable
à la vie sociale et éviter l’engorgement de la ville-centre ; ce sont Acigné, Betton, Bruz, Mordelles,
Pacé et Vern-sur-Seiche. Leur rôle rappelle donc celui des villettes puisqu’une fonction
d’absorption de la croissance de l’agglomération leur est associée. Il est dit que les
équipements et services publics seront organisés de manière cohérente dans les zones
d’influence de ces pôles. Enfin, les centres de communes sont censés être des lieux de vie au
quotidien qui offrent à leurs habitants les services les plus fréquemment recherchés et
accessibles à pied. L’organisation conserve donc bien un caractère polycentrique. Pour Armel
Huet, il s’agit en fait d’éviter un tissu urbain dépourvu des services et des équipements propres à
assurer l’animation, à côté et en dehors d’un centre hypertrophié [HUET, 1995].
La ceinture verte n’est pas remise en question : elle intègre le chapitre préservation des espaces
naturels ; espaces qui sont encore pour l’instant considérés simplement comme des « vides »
d’urbanisation.

20
Les mots et expressions en italique du paragraphe 2.2.2. sont des extraits du schéma directeur de 1994.

49
L’organisation des déplacements tient une place prépondérante dans le schéma directeur.
Elle participe d’ailleurs de l’accentuation du polycentrisme. Concrètement, il s’agit avant
tout d’améliorer les liaisons routières en [organisant] le réseau routier au nord-est, à l’est et au
sud-est et en [préservant] les capacités des voies primaires de l’agglomération. Ces projets
concernent surtout le contournement de l’agglomération et l’entrée dans celle-ci. Il est
d’ailleurs prévu en parallèle une action sur les entrées de ville et sur le paysage. Cela favorise
l’accessibilité de Rennes et contribue à réduire le temps de transport nécessaire pour relier la
ville centre aux communes situées plus à l’est ; c’est une accentuation de l’organisation
polycentrique dans la mesure où la vitesse permise par les infrastructures routières annihile
les distances, justifiant ainsi l’urbanisation de pôles secondaires distincts de Rennes. En
parallèle, il est question de créer les conditions pour favoriser l’émergence rennaise à un
niveau national voire européen, conformément aux ambitions locales : le projet de la
nouvelle ligne TGV Le Mans-Rennes le confirme. Les projets concernant les transports en
commun apparaissent de façon secondaire, bien qu’ils soient conséquents : une ligne de
métro de type VAL (Véhicule Automatique Léger) est notamment prévue dans la ville-
centre.
Il résulte donc de ces objectifs en matière de transport des projets qui visent surtout à
augmenter l’accessibilité de Rennes avec les autres grandes villes et en parallèle à diminuer
les temps de déplacement dans la ville-centre. Un contexte favorable à un développement
supra-régional est ainsi créé. Les pôles avoisinant Rennes sont quant à eux reliés par voie
routière ; du point de vue de l’accessibilité, le polycentrisme rennais est donc amené à être
doté de moyens censés en permettre le fonctionnement.

Ces traductions territoriales du schéma directeur révèlent la prise en compte des éléments
économiques et sociaux : la structuration du territoire et les objectifs d’accentuation de son
accessibilité en témoignent. L’aspect environnemental engoncé dans le concept de qualité de
ville est le moins développé, conformément aux quatre dimensions qui ont conditionné
l’élaboration du schéma directeur ; ce choix de faire de l’automobile – machine polluante – la
condition de l’accessibilité entre les différentes communes en atteste.
Le contenu du schéma directeur, pourtant guidé au départ par des objectifs de
développement durable n’en portant pas le nom, n’est en fait peut-être pas en totale
adéquation avec ceux-ci.

50
2.2.3. Le périmètre du District a-t-il suffi à contenir un pertinent projet de
développement ?

Les schémas directeurs sont institutionnellement pertinents ; l’organe qui les vote est en effet
le même que celui qui décide de leur application : le District. Depuis le projet de 1983, ils
vérifient une cohérence districale appuyée sur une démarche concertée de conception et des
études à une échelle plus large que celle de leur périmètre. Cependant, dans l’optique du
projet d’agglomération de 1991, cette divergence entre le territoire de projet et le territoire
siège de logiques se rapportant à la ville-centre, ne finit-elle pas par poser problème ?

Selon Michel Phlipponneau, le schéma directeur de 1974 visait à concentrer sur l’agglomération
rennaise, dans les limites artificielles et étroites du district, l’essentiel du développement régional,
aboutissant ainsi à l’image de " Rennes et du désert breton ". C’est pourquoi la délibération de
1977 qui met le SDAU en révision porte aussi sur l’association des communes périphériques :
les élus ont bien conscience que la croissance, notamment démographique, a débordé
largement les frontières du District. Parallèlement, dès 1971 et bien avant les lois Pasqua et
Voynet de 1995 et 1999, le Comité d’Etudes et de Liaison des Intérêts Bretons (CELIB)
propose une Bretagne répartie en quinze « Pays », dont la définition repose sur des critères
historiques mais aussi sur les données économiques et sociales les plus récentes :
logiquement, plusieurs élus proposent alors d’étendre la concertation aux communes
concernées. Mais en raison de l’absence de définition précise de cette notion de « pays »,
l’amendement qui propose l’extension de la concertation à ce territoire n’est pas retenu. Seuls
les cantons limitrophes de Liffré, Guichen, Montfort-sur-Meu et Châteaugiron sont
finalement associés. En raison du fait que le bourrelet était intégré à l’étude préalable et en
admettant que le plan de développement tenait compte de ces logiques s’étendant au-delà de
son périmètre, on est parvenu à trouver de la cohérence au schéma directeur de 1983. Le
contexte de l’époque n’envisageant pas de l’urbanisme « durable », le degré d’exigence quant
à l’élaboration d’orientations de développement était en effet moindre.
Dans la perspective du schéma directeur de 1994, l’état d’esprit est différent puisque l’on se
rapproche davantage d’une optique de développement durable : mais là encore, malgré des
volontés d’étendre le périmètre du schéma directeur, celui-ci se limite à nouveau au
périmètre du District.

51
Dans ces conditions, le pari d’un pertinent projet de développement est difficile à relever.
Les conclusions du diagnostic du SCoT offrent un état des lieux du territoire au début des
années 2000 et permettent d’évaluer ce qu’a permis ou ce que n’a pas permis le schéma
directeur de 1994 : l’analyse montre que le projet à l’échelle du District n’a pas favorisé la
mise en place d’un développement solidaire.
Dans les années 1970, on construit surtout en lointaine périphérie de Rennes. Entre 1980 et
1995, la ville devient plus attractive que la campagne et l’urbanisation se concentre sur le
District. Depuis 1995, en raison de la qualité du réseau routier, on observe à l’inverse une
dispersion de l’habitat dans l’aire urbaine. En effet, les efforts opérés en matière de
construction au sein du District ne suffisent pas à contrecarrer l’envolée des prix
immobiliers, lourde de conséquences. Les aspirations individuelles, telles la maison en
accession à la propriété, conjuguées à la raréfaction du foncier à bâtir font que les prix de
l’occasion rattrapent même ceux du neuf. Ces prix élevés diffusent ipso facto l’urbanisation :
en effet, ce marché de plus en plus tendu induit des prix qui ne diminuent qu’avec
l’éloignement de la ville-centre. Il en a résulté une extension conséquente de l’aire urbaine de
Rennes : d’environ 100 communes en 1990, elle en intègre 140 en 1999. La construction de
maisons ainsi galvanisée au-delà des limites du schéma directeur va de pair avec un
étalement moins contrôlé de l’urbanisation, soit une consommation d’espace qui n’est pas
favorable au développement à long terme.
En somme, il y a un risque de déséquilibre sociologique et la cohésion sociale s’en trouve par
là même menacée. En effet, la tendance conduit au scénario suivant : les plus pauvres dans le
parc social ; les ménages aux revenus élevés dans Rennes, en périphérie et dans les
communes limitrophes ; les personnes aux revenus plus modestes de plus en plus loin en
périphérie, voire au-delà des limites de l’aire urbaine de Rennes [AUDIAR, 2006]. On semble
donc s’éloigner de l’objectif social contenu initialement dans le plan de développement de
1994.
La tension du marché immobilier peut aussi conduire à une baisse d’attractivité du territoire,
mettant à mal les objectifs de développement à long terme. S’il devient impossible de se loger
à un prix décent, les individus chercheront un emploi ailleurs ; si l’implantation devient trop
onéreuse, les entreprises ne viendront plus s’installer.
Un schéma directeur s’étendant au-delà des limites du District aurait accordé des marges de
manœuvre plus larges : un contrôle de l’urbanisation sur un territoire plus vaste aurait

52
permis d’influer davantage sur le marché immobilier voire d’envisager une meilleure
répartition de l’activité économique.

Le schéma directeur de 1994 était à l’étroit dans ses limites territoriales et la stratégie mêlant
solidarité et développement n’a pu être vraiment mise en œuvre. Si la situation au début des
années 2000 peut sembler alarmante dans certains domaines, notamment la situation du
logement, cela ne justifie pas d’en imputer la charge au projet de développement. Bien que
cohérent, il ne pouvait comporter les orientations nécessaires à l’encadrement d’une
croissance concernant un territoire bien plus vaste. Il semble dès lors inconcevable
d’envisager le prochain projet de planification au sein de limites si restreintes.

2.2.4. Des objectifs à l’action publique : quelle situation à la veille de


l’élaboration du SCoT ?

Plusieurs innovations par rapport à la mise en œuvre du précédent SDAU sont à souligner.
Pour ce qui est des transports, le District en obtient la compétence en 1992 ce qui a facilité la
concrétisation des objectifs en matière de déplacement. Concernant l’habitat, la situation
tendue des années 1990 a conduit à la mise en place d’outils expérimentaux. Par exemple,
une convention ville-habitat est signée en 1991 ; un nouvel outil financier est mis en place
(« modulation du financement logement ») ; un Programme Local de l’Habitat (PLH) est
adopté en 1995. Il s’agissait de fournir un nombre suffisant de logements pour répondre à la
demande et éviter l’envolée des prix, tout en renforçant simultanément les dispositifs de
solidarité et d’accès au logement. Nous avons vu que l’objectif n’a pas été dûment rempli.
Mais qu’en est-il précisément de la situation du territoire à la veille de l’élaboration du
schéma de cohérence territoriale ?
Les études préalables à l’élaboration du SCoT – sur lesquelles se fonde l’examen auquel nous
allons procéder – se basent sur les définitions territoriales valables au début des années 2000.
On ne parlera donc plus du District mais de Rennes Métropole : celui-ci a en effet été
transformé en Communauté d’Agglomération en 2000 suite à la loi du 12 juillet 1999 relative
au renforcement et à la simplification de l’intercommunalité, dite loi Chevènement. Le Pays
de Rennes naît quant à lui le 18 novembre 1999 suite à la loi LOADDT du 25 juin de la même
année.

53
A la veille de l’élaboration du SCoT, le cœur de métropole (Cf. Figure 4 21) qui regroupe les
communes de Rennes, Cesson-Sévigné, Chantepie, Saint-Jacques de la Lande et Saint-
Grégoire, héberge la majorité de la population du Pays de Rennes.
Le dynamisme démographique observé depuis les années 1970 s’explique pour moitié par
l’excédent naturel, ce qui témoigne de la jeunesse de la population, et pour moitié par le
solde migratoire, attestant de l’attractivité du territoire. Les prévisions démographiques
annoncent 20 000 nouveaux habitants d’ici une vingtaine d’années sur le Pays, induisant un
besoin d’environ 60 000 logements. L’aire urbaine s’étend par ailleurs au-delà des limites du
Pays de Rennes. Les tendances actuelles laissent présager une croissance d’environ 50% de
la population dans le cœur de métropole et 36% sur la couronne d’agglomération (Cf. Figure 4),
où une dizaine de communes approcherait ou dépasserait les 10 000 habitants. La couronne
métropolitaine enregistrerait quant à elle 15% de la croissance. En d’autres termes, il existe une
propension à l’évolution vers un territoire « déséquilibré ».
Cette croissance démographique est portée par celle de l’emploi. De lourdes tendances de
localisation des activités conduisent à une localisation des emplois dans Rennes Métropole :
cela correspond à la logique propre aux entreprises sur laquelle les élus ne disposent que
d’une faible marge de manœuvre.

Si la polycentralité du territoire n’est pas remise en question (notamment grâce au respect


des coupures entre les localités), les orientations polycentriques préconisées dans les
précédents schémas directeurs n’ont eu que peu d’écho. En effet, les pôles d’appui désignés
en 1994 n’ont pas tous acquis le « degré de centralité » espéré ; en revanche, d’autres localités
ont émergé. Si l’on reprend la classification du rapport de présentation du SCoT en « pôle
central » (Rennes), « pôle de secteur » et « pôle d’attractivité locale » (importance
décroissante), force est de constater que les pôles d’appui désignés en 1994 n’ont pas tous
accédés au rang de « pôle de secteur » comme il était prévu : Mordelles et Vern-sur-Seiche ne
sont que des « pôles d’attractivité locale » (Cf. Figure 5).
Selon Philippe Tourtelier, le secteur d’appui du nord-ouest fonctionne assez bien dans la
mesure où Pacé est un pôle deux fois plus gros que toutes les autres communes alentour. Son
leadership n’est donc pas contesté. Cependant on ne peut pas en dire autant des autres
secteurs d’appuis escomptés : Betton souffre de la présence très proche de Saint-Grégoire,
commune du cœur de métropole, qui capte une large part de la croissance au nord de

21
Les figures auxquelles il est fait référence dans ce paragraphe 2.2.4. sont regroupées à la fin de celui-ci.

54
Rennes ; la prédominance d’Acigné est mise à mal par l’importance qu’ont pris les
communes de Noyal-sur-Vilaine, classée « pôle de secteur » et de Thorigné-Fouillard ; Vern-
sur-Seiche est finalement isolée ; une rivalité entre Chartres et Bruz a conduit à l’émergence
de deux « pôles de secteurs » aux spécialités différentes ; enfin, Le Rheu et Mordelles livrent
le même type de bataille, n’accédant qu’au rang de « pôle d’attractivité locale ». La
désignation en pôle d’appui de certaines communes a en fait révélé des susceptibilités
politiques conséquentes [TOURTELIER, 2007] ; et le constat est sans appel : la désignation de
pôles telle qu’elle a été effectuée n’a pas abouti [THOMAS, 2007].

Le projet de VAL inscrit au schéma directeur de 1994 s’est quant à lui concrétisé : le métro a
été inauguré en mars 2002 et il s’en est suivi une réorganisation du réseau de bus. A partir de
la mise en place de ce dispositif, l’offre et la fréquentation des transports en commun dans
l’agglomération ont enregistré un boom : le nombre total de voyages sur le réseau STAR
(réseau de Rennes métropole) a augmenté de plus de 70% entre 2000 et 2005. Outre un bon
réseau de transport en commun dans le cœur de métropole, il convient de remarquer qu’au-
delà, le territoire est bien desservi grâce à une étoile routière et ferroviaire (Cf. Figure 6).
On a d’ailleurs pu observer une hausse de la fréquentation de 33% sur l’étoile ferroviaire
entre 2000 et 2005 ; l’usage reste toutefois minoritaire : Le trafic SNCF périurbain de Rennes est
voisin de 1,8 million de voyageurs en 2005 à comparer aux 57 millions du réseau STAR [AUDIAR,
2006]. Au-delà des limites de Rennes Métropole, les transports en commun restent en effet
minoritaires car souvent peu efficaces et peu rentables. La dispersion de la population ne
facilite pas leur mise en place si bien que la route est principalement empruntée. Le réseau
Illenoo, cars du Conseil Général d’Ille-et-Vilaine, connaît par exemple une fréquentation
avant tout scolaire : les cars sont notamment pénalisés en périphérie par le temps de
parcours nécessaire pour rejoindre Rennes, bien supérieur à la durée du même trajet en
voiture, et par leur faible fréquence imposée par le critère de rentabilité.
Si le pari est difficile à relever, la prise en compte des habitants de la périphérie dans les
politiques de transport apparaît nécessaire, tant leur poids est appelé à s’accroître. On peut
donc admettre que l’un des principaux enjeux du SCoT sera de conjuguer la logique des
transports avec le polycentrisme du territoire rennais et notamment avec le caractère moins
concentré de sa population en périphérie.

55
Outre le fait que l’outil SCoT doive obligatoirement contenir un Plan d’Aménagement et de
Développement Durable (PADD), et donc envisager les aspects économiques et sociaux à
travers le prisme du volet environnemental – conformément au développement durable –,
une attention particulière aux critères d’ordre écologique s’impose. En effet, si la dégradation
de la qualité de l’air est peu sensible dans le pays de Rennes, elle est certaine et risque de ne
pas s’améliorer, compte tenu de l’explosion de l’usage quotidien de l’automobile dont fait état le
rapport de présentation du SCoT. En effet, l’emploi restant concentré autour de Rennes, la
large diffusion de l’habitat a été permise grâce à la voiture. Par ailleurs les études révèlent
des milieux locaux fragilisés, mettant notamment en péril la qualité de l’eau : les enjeux sont
donc considérables.

***

Si le schéma directeur de 1994 ne se base pas purement sur des objectifs de développement
durable, il s’en approche. Les quatre dimensions qualité de ville, solidarité, développement
intelligent et « métropole et coopération » touchent en effet aux trois volets que sont
l’économique, le social et l’environnemental, même si ce dernier est un peu délaissé.
Toutefois, le restreint périmètre du schéma directeur n’a pas facilité la mise en place de la
stratégie visant à tendre vers un tel développement. A la veille de l’élaboration du SCoT, les
conclusions des études de l’AUDIAR tirent la sonnette d’alarme quant à une nécessaire prise
en compte plus aboutie de la question environnementale, et viennent appuyer l’idée selon
laquelle un projet à l’échelle de Rennes Métropole n’aurait pas grande pertinence. Le
prochain plan de développement – le SCoT – devra, pour être conforme à la loi, comporter
un PADD. D’après l’examen qui vient d’être fait, on peut penser que cela constituera
davantage une suite logique qu’un bouleversement dans la façon d’orienter la planification.

56
Figure 4 : Trois périmètres pour une gestion différenciée

Source : SCoT

57
Figure 5 : Polarités urbaines

Source : SCoT

58
Figure 6 : Réseau structurant

Source : SCoT

59
CONCLUSION DE LA PARTIE 2.

La décentralisation, couplée à l’élaboration des schémas directeurs, a été l’occasion de la mise


en place d’une démarche pragmatique de réflexion sur le territoire. Au fil du temps, les
différents organes de planification ont su travailler conjointement et tirer profit des mises en
commun. Plus le District a pris de l’importance, moins les logiques communales
individuelles ont trouvé de cohérence. L’intercommunalité a contribué à la construction
d’une culture commune, qui a notamment profité à la mise en place de la planification. La
démarche concertée qui y est associée fait partie des clés de l’émergence du processus : c’est
ainsi que le polycentrisme a été choisi et que sa mise en oeuvre a été tentée.

La naissance d’une politique d’agglomération a nécessité du temps et la mise en place de


politiques publiques efficaces ne cesse de constituer un défi majeur. Le SDAU de 1983 a mis
en évidence la nécessité d’une action publique se surajoutant à l’obligation légale :
l’intercommunalité, apparue comme un moyen d’une telle mise en place, s’est alors
renforcée. Outre l’ancrage d’une démarche commune, l’adoption de la taxe professionnelle
unique en 1992 constitue peut-être, dans ce domaine, le pas le plus décisif. L’impact du
SDAU de 1983, inégal, – selon que l’on considère le respect des orientations en termes de
consommation d’espace ou la mise en œuvre du polycentrisme – a par ailleurs constitué le
support d’une réflexion. C’est ainsi que l’on a abouti, au début des années 1990, à une
nouvelle façon de concevoir le développement.
La stratégie mise en place par la suite tend indéniablement vers un développement durable
du territoire, avant l’heure. Le schéma directeur de 1994 ne peut toutefois pas être assimilé à
un projet relevant de cette conception : d’une part la place accordée au volet
environnemental n’est pas assez affirmée ; d’autre part, les limites territoriales du projet ne
permettent pas la concrétisation des objectifs de départ. Il n’en reste pas moins que
l’évolution vers un tel type de développement s’en trouve balisée.

Le polycentrisme, adopté en 1983, conservé en 1994, n’apparaît jusqu’alors pas en


contradiction avec les objectifs de durabilité. Ce sont davantage les conditions de sa mise en
œuvre qui suscitent des questionnements. L’organisation polycentrique ne peut être
légitimée qu’à la condition d’une organisation adéquate des transports en permettant le

60
fonctionnement. Or, une telle mise en œuvre ne saurait être efficace si elle est envisagée dans
les limites restreintes de la communauté d’agglomération.
Alors que le SCoT prévoit de maintenir le polycentrisme à travers le prisme du concept de
ville-archipel, le projet de planification laisse-t-il présager une organisation territoriale
durable ?

61
3. Nouvelles échelles de réflexion : quelle durabilité de
« l’agglomération archipel » ?

L’expression d’agglomération archipel renvoie à une évolution de la conception de la ville.


En sonnant le glas d’une vision cloisonnée du territoire où les espaces urbanisés sont des
« pleins » et les espaces agro-naturels des « vides », la ville-archipel propose une
configuration polycentrique du territoire se voulant plus complète et plus pérenne. Le SCoT,
qui recouvre le Pays de Rennes à quelques exceptions près, ambitionne de proposer un plan
de développement durable en associant l’homme, l’entreprise et la nature et invoque une
cohérence durable. L’agglomération rennaise se donne-t-elle les moyens de concrétiser ses
ambitions ?

3.1. Un SCoT à l’échelle du Pays de Rennes : est-il déjà trop


tard ?

On l’a souligné, un document de planification peine à être un support pertinent pour la mise
en place de l’action publique s’il recouvre une aire trop restreinte relativement aux logiques
effectives d’agglomération s’exerçant sur le territoire. Le SCoT constitue une avancée sur ce
point : son périmètre est bien plus large que celui de l’ancien schéma directeur. Toutefois,
cette extension spatiale à l’échelle du Pays, qui trouvait déjà de la pertinence il y a une
dizaine d’années, ne se révèle-t-elle pas trop peu ambitieuse ? En effet, les logiques
d’agglomérations dépassent les frontières du Pays : qu’en résulte-t-il quant à la durabilité du
SCoT ?

3.1.1. Du schéma directeur au SCoT

Si les schémas directeurs et les SCoT ont le point commun d’être des documents de
planifications, ce sont des outils différents. Qu’en résulte-t-il concrètement quant aux
orientations retenues ?

Derrière la rhétorique et l’objectif affiché, le SCOT se distingue moins des précédents schémas
directeurs par les objectifs qui leur sont assignés (même si le discours se fait plus insistant et si le

62
«développement durable» permet de recycler de vieilles idées) que par une recomposition des
ressources qui sont mises à disposition des collectivités locales [DESJARDINS, LEROUX, 2006].
Notamment, de nouvelles opportunités d’articulation entre transports collectifs et urbanisme
intègrent la loi, ce qui modifie les modalités de mise en œuvre du polycentrisme. On
retiendra davantage les innovations concernant l’accroissement des possibilités de discussion
entre les acteurs ainsi que le caractère pérenne conféré à l’établissement public de SCoT. Plus
qu’un bouleversement des marches à suivre, on assiste en fait à des modifications du
fonctionnement de l’outil de planification : qu’en est-il de l’aptitude à faire pencher la
balance dans le sens des orientations qu’il est susceptible de contenir ? Quel est son poids
juridique ?
A la différence des schémas directeurs, le SCoT est opposable au Plan de Déplacement
Urbains (PDU), qui est lui-même opposable au PLU. (Jusqu’à la loi SRU, une simple prise en
considération du PDU par le POS suffisait). Le SCoT semble donc disposer d’un poids
juridique plus important que le schéma directeur. Toutefois, Xavier Desjardins et Bertrand
Leroux font remarquer que ces deux documents de planification ne s’imposent pas aux tiers
mais à l’administration locale, selon un rapport de compatibilité qui laisse une large latitude aux
auteurs des PDU ou des PLU. De quel ordre sont alors ces marges de manœuvre ?
En fait, le législateur propose trois leviers susceptibles d’influer, comme le préconise la loi,
simultanément sur les transports et l’urbanisme : la définition d’un périmètre adapté, une
urbanisation guidée par des transports collectifs renforcés et une limitation du
développement des communes périurbaines. Les auteurs font remarquer un paradoxe : pour
la réalisation des infrastructures, la déclaration d’utilité publique (DUP) entraîne, de droit, la mise en
compatibilité du SCoT. En d’autres termes, ce sont les responsables d’infrastructures qui ont le
dernier mot sur les urbanistes. Cela induit notamment que le développement des
infrastructures routières risque d’échapper aux préconisations du SCoT : cela ne remet-il pas
en question l’aptitude de l’outil de planification à articuler le développement urbain ?
On admettra que le SCoT apporte surtout dans les rencontres dont il créé l’opportunité,
suscitant ainsi des espoirs de concrétisation que les injonctions juridiques ne peuvent
assurer : il offre une scène de discussion organisée (un établissement public, un périmètre, une
rhétorique et des effets juridiques potentiels) dans laquelle des hybridations et des dialogues peuvent
engendrer une nouvelle articulation entre politiques des déplacements et politiques de l'urbanisme.

63
Que résulte-t-il de ces considérations, relativement à la traduction du polycentrisme dans le
SCoT, et sur le territoire ?

3.1.2. De la genèse du Pays au périmètre du SCoT

D’après l’article 25 de la loi LOADDT, lorsqu’un territoire présente une cohésion géographique,
culturelle, économique ou sociale, il peut être reconnu à l’initiative de communes ou de leurs
groupements comme ayant vocation à former un pays. Le Pays de Rennes, né le 18 novembre
1999 sous forme d’association volontaire, comporte 67 communes. La charte de Pays exprime
le projet commun de développement durable du territoire. […] Elle vise à renforcer les solidarités
réciproques entre la ville et l’espace rural. Celle de du Pays de Rennes, élaborée entre 2000 et
2001, a pour objectif d’améliorer la cohérence de l’action autour de 3 enjeux stratégiques qui
concernent l’ensemble du territoire : des pôles de vie durablement équilibrés, une citoyenneté
appuyée sur des identités communautaires fortes, des espaces préservés et pérennes.
D’une certaine manière la charte décline à une échelle plus vaste que Rennes Métropole le
modèle polycentrique des « villettes » et des espaces préservés [GIVORD, GUY, 2004]. Il peut
dès lors apparaître logique que le périmètre du Pays soit devenu, à quelques exceptions près,
celui du SCoT. Lorsque le périmètre d’un schéma de cohérence territoriale recouvre en tout ou partie
celui d’un pays ayant fait l’objet d’une publication par arrêté préfectoral, le projet d’aménagement et
de développement durable du schéma de cohérence territoriale tient compte de la charte de
développement du Pays22. Et conformément à la loi, le SCoT tient compte de la Charte de Pays
qui a été l’occasion de formuler, de façon assez analogue au projet « Vivre en Intelligence »,
le développement que l’on souhaitait mettre en place. Son périmètre ne correspond pas
exactement à celui du Pays de Rennes, notamment en raison de l’impératif de continuité
territoriale fixé par la loi SRU. Trois communes du Pays n’appartiennent pas au SCoT : Le
Verger, Chancé et Servon-sur-Vilaine. La création du syndicat mixte du SCoT du Pays de
Rennes en a été induite.

22
Article L. 122-1 du Code de l’Urbanisme.

64
Figure 7 : Pays de Rennes et périmètre du SCoT

Source : Pays de Rennes

65
L’objectif de la loi est avant tout la mise en cohérence des politiques à l’échelle des aires
urbaines, toujours plus vastes que les structures d’agglomération. Cela se vérifie sur le
territoire rennais puisque l’aire urbaine couvre 140 communes en 1999 contre 36 dans Rennes
Métropole. Toutefois, le périmètre du pays de Rennes ne s’accorde pas avec l’esprit de la loi
SRU en ce sens qu’il ne recouvre pas l’aire urbaine en totalité. Celle-ci comprend une grande
partie du Pays de Brocéliande né en 1995 – donc avant celui de Rennes – et du Pays des
Vallons de Vilaine. Ce dernier a préféré se créer pour ne pas rejoindre le Pays de Rennes, ne
s’y reconnaissant pas et craignant une perte d’ « identité »… [GIVORD, GUY, 2004]. Or la loi
SRU visait à rassembler en un même Pays tout le territoire d’une aire urbaine pour y
organiser la solidarité entre urbains et ruraux dans le cadre d’un projet commun. Philippe
Tourtelier avait demandé au Préfet que les Pays de Brocéliande et des Vallons de Vilaine se
rallient au Pays de Rennes mais la requête n’a pas abouti. Indubitablement, les rapports avec
les établissements publiques de coopération intercommunale (EPCI) périphériques sont
difficiles [THOMAS, 2007]. Des échanges entre techniciens avaient pourtant commencé et
l’Etat avait proposé de faire un inter-SCoT : cela resta au stade des velléités. La Charte du
Pays de Rennes prévoit toutefois la collaboration avec les Pays voisins…

Avant même d’être élaboré, le SCoT du Pays de Rennes a une épine dans le pied : l’un des
trois leviers proposés par le législateur pour influer simultanément sur les transports et
l’urbanisme, et donc sur la mise en place d’un polycentrisme cohérent, est amputé et ses
facultés amoindries. La définition du périmètre n’est en effet pas adaptée, mettant à mal les
deux autres leviers (guider l’urbanisation par des transports collectifs renforcés et limiter le
développement des communes périurbaines).
La situation a comme un goût de déjà vu : dans le cadre du schéma directeur de 1994, c’est la
stratégie mêlant solidarité et développement que mettent à mal des limites restreintes. On
pourrait nier le problème en invoquant que les objectifs du SCoT diffèrent de ceux de 1994…
Certes, mais ils sont plus ambitieux !
A quel point le projet de développement durable est-il étriqué dans son « costume » du Pays
de Rennes ? Est-il si adéquat de vouloir mettre en cohérence des politiques à l’échelle des
aires urbaines, comme le préconise la loi ?

66
3.1.3. Limites du zonage en aire urbaine

[Il faut] considérer l’aire urbaine pour ce qu’elle est : (…) une unité permettant d’appréhender une
part substantielle mais non totale du fonctionnement urbain [THEBERT, 2005]. Il convient de
relativiser la pertinence du choix de l’aire urbaine comme base de définition du périmètre
d’un projet d’aménagement : la loi préconise en fait de fonder le découpage des plans de
développement sur les déplacements domicile-travail alors que le part de ce motif est en
régression dans la part totale des déplacements, tandis que les trajets pour achats, loisirs,
relations personnelles etc. s’accroissent. Pour Jacques Beauchard, il s’agit d’une nouvelle aire
de mobilité qui fait apparaître un bassin de vie aux fonctions dispersées (…) qui conduit chacun à se
dessiner un territoire unique correspondant à la somme de ses allées et venues [BEAUCHARD,
1997]. Autrement dit, l’aire urbaine n’est pas une zone susceptible de renfermer toutes les
logiques se rapportant à un territoire donné ; la réalité est plus complexe, les logiques
d’agglomération plus diffuses et imprévisibles que ce qu’il serait pratique de considérer.

Il n’en reste pas moins que le déplacement pour le motif travail, compte tenu de son
caractère quotidien, a une importance stratégique qui justifie l’usage du critère :
l’implantation des ménages et des entreprises est conditionnée par ce paramètre de la
distance-temps au travail, et ce trajet quotidien conditionne à son tour les autres
déplacements [WIEL, 2002]. Le trajet pour se rendre au travail est l’occasion d’effectuer une
boucle de déplacement au cours de laquelle de petits détours sont éventuellement effectués
pour « rentabiliser » l’usage du moyen de transport.
Le zonage en bassin de vie (INSEE) constitue la plus petite maille territoriale sur laquelle
s’organise la vie quotidienne des habitants. Ceux-ci accèdent dans l’enceinte de ce territoire à
l’essentiel des services, les actifs y ont leur emploi et les élèves leur établissement scolaire
[ROUXEL, 2004]. On pourrait voir dans la notion une alternative à l’aire urbaine en tant que
pertinent périmètre de projet. Toutefois, si le bassin de vie constitue une maille territoriale
fine pour analyser la ruralité, le zonage ne se prête pas au milieu urbain. L’hypothèse est
donc écartée.

De cela il résulte que l’aire urbaine est certainement le territoire de projet le plus pertinent
que l’on puisse suggérer pour un SCoT. Il ressort également que le choix d’un périmètre plus
restreint contrarie grandement l’efficacité d’une politique de canalisation de la

67
périurbanisation, indissociable d’un développement durable du territoire. L’existence de
restrictions à l’urbanisation sur l’aire du SCoT expose dès lors l’agglomération à un effet de
débordement reportant le développement résidentiel sur la couronne suivante, puisque celle-
ci est accessible par l’automobile. Le risque est de voir se reconstituer un bourrelet analogue à
celui précité, ou du moins de constater une sorte d’anarchie urbaine, des mers de
lotissements assouvissant les désirs d’espaces des ménages ; désirs contrecarrés par les
objectifs de durabilité – les limites imposées en termes de consommation d’espace – au sein
du Pays de Rennes.

3.1.4. De la cohérence politique à la cohérence territoriale

Un périmètre de SCoT se rapprochant des limites de l’aire urbaine aurait été conforme aux
vœux du législateur. En 1999, l’aire urbaine de Rennes comportait 140 communes, soit plus
du double que n’en concerne le SCoT. Il est vraisemblable que cela aurait posé des difficultés
en termes de pilotage institutionnel, compromettant la concrétisation des choix
d’aménagement. En effet, bien souvent le fonctionnement des syndicats mixtes induit
l’accord unanime de tous les maires, compliquant l’émergence de réels partis
d’aménagements. De plus, quand l’un des éléments de la boîte à outil SRU est saisi, les deux autres
le sont très difficilement. (…) Les acteurs locaux ont choisi ceux qui les intéressaient le plus, sans
toujours percevoir la contradiction à ne pas les utiliser tous, au détriment d’un développement
durable du territoire [DESJARDINS, LEROUX, 2006]. Pour Fiona Thomas, chargée de projet
du Syndicat Mixte du SCoT du Pays de Rennes, [la pertinence du SCoT] vient du politique, pas
du périmètre. Si des communes avaient été intégrées contre leur gré, cela aurait mené à un
plan de développement vide de sens [THOMAS, 2007].
Est-il illusoire de croire à l’existence d’un pont entre cette cohérence politique d’échelle
restreinte et une cohérence territoriale ?

L’émergence de partenariats avec les EPCI périphériques pourrait conférer de la cohérence


territoriale au projet : les relations entre ceux-ci et le Pays de Rennes étant difficiles, on ne
peut se satisfaire d’éventuels projets communs dont la concrétisation risquerait d’en rester au
stade des supputations. Il convient de chercher une solide garantie ailleurs.

68
Compte tenu du fait que les limites restreintes du SCoT risquent principalement d’induire un
report du développement résidentiel au-delà des limites du territoire de projet, ne peut-on
pas agir de façon à ce que les implantations résidentielles se condensent au sein du Pays de
Rennes ? On l’a vu, l’implantation des activités, qui régit puissamment les déplacements
domicile-travail et par là même une large part des déplacements annexes, est concentrée
autour de Rennes. Les ménages ont donc d’une manière générale intérêt à se localiser à
proximité de la ville-centre. Dès lors, une esquisse de solution consisterait à agir de telle sorte
que les prix du foncier et de l’immobilier soient accessibles aux ménages, et que les
logements proposés puissent correspondre aux attentes d’un certain idéal de réussite sociale.
Le défi est-il relevable ? Sa concrétisation ne saurait se dissocier du fantasme sans une
puissante maîtrise du foncier, et par la même de la construction, ce qui n’est pas partie facile.

Dans un article de 2001, Francis Beaucire met en effet en exergue l’absence de la dimension
foncière dans les trois lois à fortes implications territoriales que sont la loi LOADDT, la loi de
simplification et de modernisation administrative du territoire français (dite loi
Chevènement) et la loi SRU. Il souligne ainsi la difficulté de mettre en place un
développement durable sur le territoire : La restauration de la mixité sociale et la maîtrise de
l’étalement urbain reposent (…) ensemble sur la production d’une alternative attractive en matière de
logement, d’un point de vue géographique – il s’agit du renouvellement de la ville déjà construite –,
d’un point de vue architectural et environnemental, mais surtout d’un point de vue financier. […]
Sans politique foncière, (…) il sera probablement impossible d’offrir aux classes moyennes une
alternative réelle à la dispersion périphérique, alors qu’il s’agit d’un double enjeu pour le
développement durable : cohésion sociale, cohérence spatiale [BEAUCIRE, 2001]. Et pourtant, ces
trois lois signent l’entrée officielle du développement durable en politique et mettent sous les
feux de la rampe la notion de projet : comment la place de choix donnée aux agglomérations
saurait-elle générer des politiques efficaces dans un contexte d’élargissement des périmètres
géographiques de planification, en l’absence de moyens de contrôle du sol ?
Pour l’auteur, l’un des risques, si l’appréhension de cette question est laissée aux seules
collectivités locales sans orientations étatiques explicites, est de voir se réduire les projets de
territoire à des déclarations de bonnes intentions. Un enjeu décisif consisterait bien à sortir les
politiques foncières de l’angle mort des lois.

69
Par la mise en œuvre de son PLH, la communauté d’agglomération de Rennes Métropole
semble avoir trouvé une esquisse de solution pour combler l’absence de dispositions
foncières dans les lois relatives à l’aménagement du territoire d’une part, et pour éviter la
déclaration de bonnes intentions d’autre part. L’accent mis sur le créneau du logement peut-
il permettre de tendre simultanément vers une cohérence politique et vers une cohérence
territoriale s’étendant au-delà des limites du projet de SCoT ?

3.1.5. Un ambitieux PLH pour palier l’insuffisance territoriale du SCoT ?

Officiellement basé sur les orientations d’aménagement contenues dans le schéma directeur
de 1994, le Programme Local de l’Habitat (PLH) 2005-2012 ne s’inscrit pas moins dans le
SCoT bientôt adopté. Celui-ci fait en effet référence au PLH quant il s’agit d’évoquer les
objectifs en matière d’habitat.

Le PLH23 est fondé sur le constat selon lequel Rennes est une agglomération en croissance
mais que depuis quelques années, une insuffisance dans la production de logements se fait
sentir. Le rythme de construction a en effet diminué dernièrement et s’est accompagné d’une
envolée des prix : une absence d’anticipation dans la maîtrise foncière associée à une
augmentation des coûts de construction expliqueraient principalement le phénomène. Il en
résulte à l’heure actuelle des déséquilibres sociaux et territoriaux qui s’amplifient : les
incidences de la situation du logement sur la localisation des ménages mettent la mixité
sociale et générationnelle en danger ; la construction neuve se spécialise dangereusement
dans le logement de standing ou la vente à investisseurs etc.
Face à cette situation, un rythme de construction de 4 500 logements par an sur le territoire
de la communauté d’agglomération a été déterminé nécessaire pour maintenir le cap du
développement et répondre aux besoins quantitatifs. Une démarche sur le thème des formes
urbaines a été initiée en parallèle, afin de réfléchir à la façon la plus optimale de répondre
aux besoins identifiés. Des conférences, des expositions adressées au grand public, des
ateliers fonctionnant comme lieux d’échanges et d’expériences entre élus et techniciens ont
été mis en place. L’appel à projet « 10 maires, 10 projets, un habitat innovant » a eu pour
objectif de favoriser la mise en œuvre d’opérations d’habitat innovantes au regard de
critères tels l’économie d’espace, la qualité urbaine, l’économie de charges de

23
Les affirmations qui suivent concernant le PLH sont tirées du document officiel : [Rennes Métropole, 2005]

70
fonctionnement etc. Le but de cette démarche est de construire mieux, dans une perspective
de développement durable, mais aussi de sensibiliser le public à d’autres formes d’habitat. Il
s’agit de montrer que l’on peut envier un logement qui diffère de la maison pavillonnaire
produite en série, consommatrice d’espace, n’assurant bien souvent aucune intimité, ou étant
mal orientée – il fallait bien réussir à placer la maison en kit sur sa parcelle – voire juchée sur
sa butte, assurant une prise au vent maximale. En somme, cette démarche qualitative vise à
ce que l’on construise des logements suscitant l’envie d’y habiter : basique, mais néanmoins
judicieux.
Les orientations du PLH visent à produire suffisamment, de manière diversifiée pour
répondre aux besoins de populations différentes, en répartissant de façon équilibrée les
logements sur le territoire. La requalification des parcs public et privée est prévue, de façon à
satisfaire tant les personnes handicapées, que les personnes âgées, les étudiants, les jeunes
ménages etc. Le locatif social, le locatif intermédiaire et l’accession aidée feront partie des
catégories de logements prioritaires d’intervention.
Le PLH relève de Rennes Métropole et non du Pays de Rennes ou du Syndicat Mixte du
SCoT. Sur les 37 communes de la communauté d’agglomération sont prévus 4 500 logements
par an ; les objectifs du SCoT affichent 5 000 logements annuels sur 64 communes.
Autrement dit, les 24 communes appartenant au périmètre du SCoT mais pas à Rennes
Métropole sont censées ne supporter la construction que de 500 logements par an : n’est-ce
pas là le signe d’un déséquilibre et donc d’une contradiction avec les orientations de la
Charte de Pays ? Le périmètre du SCoT ne recouvre déjà qu’une partie de l’aire urbaine et
l’on propose un PLH sur un périmètre encore inférieur à celui du SCoT : dans ces conditions,
les objectifs en termes de logement peuvent-ils vraiment permettre l’évitement d’un report
non contrôlé de la construction ? La carte du prix moyen des maisons d’occasion en 2005
(Figure 8) semble indiquer que le marché très tendu (zones rouges et jaunes sur la carte)
concerne avant tout Rennes Métropole, ce qui peut contribuer à légitimer son restreint
périmètre. D’autre part, le SCoT prévoit de nuancer le décalage de peuplement de la
périphérie de Pays en accentuant les efforts sur certaines de ces communes hors Rennes
Métropole pour favoriser leur émergence en tant que pôle de vie.

71
Figure 8 : Prix moyen des maisons d'occasion en 2005 (en euros)

Source : SCoT 2005

La solution de coupler les procédures de planification avec les démarches de contractualisation, afin de
mieux relier les financements de projet aux choix d’aménagement, n’a pas été retenue dans les
textes de loi [DESJARDINS, LEROUX, 2006]. La communauté d’agglomération de Rennes a
en fait mis en place un tel dispositif dans le cadre de son PLH : en effet, celui-ci constitue le
socle commun et communautaire d’un contrat global entre Rennes Métropole et ses partenaires
institutionnels [Rennes Métropole, 2005]. Sa mise en œuvre est à l’initiative de chaque
commune qui accepte de s’engager à contribuer à la réalisation de l’objectif communautaire.
En contrepartie, la communauté d’agglomération contractualise avec les communes qui
l’acceptent sur la base d’objectifs quantitatifs et qualitatifs personnalisés d’une part ;
d’appuis financiers ou d’ingénieries diverses d’autre part.

72
Dans le cadre du SCoT, l’application des objectifs en matière de logement relève de la

responsabilité de chaque EPCI appartenant au Pays de Rennes. Les prescriptions données

diffèrent pour trois zones déterminées. Pour le cœur de métropole, a été calculé un potentiel

par commune, soit un nombre défini d’hectares à urbaniser dans le temps du Scot. Pour la

couronne suivante, l’accent est mis sur la forme de consommation de l’espace et la diversité

de l’habitat. En dernière couronne, on s’est limité à un objectif de densité, les communes

n’étant pas parvenue à un accord [THOMAS, 2007]. Le risque est dès lors que les objectifs

soient très bien respectés dans Rennes Métropole, un peu moins bien au-delà [TOURTELIER,

2007].

Le talon d’Achille de la politique de l’habitat réside donc dans les inégales garanties censées

assurer la réalisation des objectifs dans le périmètre plus large du SCoT : reste à évaluer

l’importance de cette limite. Les objectifs en termes de quantité de logement, dans l’enceinte

de Rennes Métropole et dans l’enceinte du Pays de Rennes suffiront-ils à détendre le

marché ? Si le report du développement au-delà des limites du Pays de Rennes est évité, en

résultera-t-il pour autant un développement durable du territoire ?

***

Il est à ce stade impossible de juger de la durabilité du SCoT du Pays de Rennes. A priori de

périmètre trop restreint par rapport à l’aire urbaine dont on a mis en exergue la relative

pertinence, l’outil ne semble cependant pas dénué de sens. Les risques suscités par un

périmètre inadapté, notamment celui du report de développement résidentiel au-delà des

limites du SCoT, seront vraisemblablement limités si l’on s’en tient à l’analyse de la politique

de l’habitat prévue à l’horizon 2012. Mais que se passera-t-il ensuite ? D’autant que dans une

optique de développement durable, une telle politique de construction de logements ne

saurait trouver de cohérence, dissociée d’une politique des déplacements. Dans quelle

mesure les objectifs d’urbanisation vont-ils de pair avec l’organisation des transports ?

73
3.2. Le choix d’une organisation multi réticulaire autour de
Rennes

Pour Olivier Godard, le développement durable est un concept programmatique, qui affiche un enjeu
plus qu’il n’ordonne une doctrine précise sur laquelle un accord se serait fait. Il rappelle ainsi le
caractère vague de la notion, et la difficulté de la rendre concrète. Les savoirs sur les milieux ou
sur les déterminants du bien-être humain (…) demeurent controversés ; la contrainte écologique n’a
de sens absolu qu’au niveau planétaire ; la soutenabilité du développement dépend à la fois de la
viabilité interne d’un système territorial et de sa viabilité externe (effet sur les systèmes territoriaux
supérieurs) c'est-à-dire que ce qui est bon pour Paris n’est pas nécessairement bon pour la région Ile-
de-France etc. [GODARD, 1996]. Autant d’éléments qui rendent difficile la mise en place d’un
développement durable du territoire. La loi SRU a fixé une marche à suivre, censée
permettre de tendre vers un tel développement : là encore les orientations restent assez
vagues et leur application, on l’a vu, n’est pas forcément assurée.
Dans quelle mesure les orientations d’aménagement retenues sur l’agglomération rennaise
sont-elles durables, compte tenu de leur conformité avec les préconisations de la loi SRU et
de la probabilité de leur concrétisation ? L’organisation des transports permet-elle une
articulation durable entre les différentes forces urbaines ?

3.2.1. Les réseaux de communes, nouvelle figure du polycentrisme

L’organisation polycentrique planifiée initiée en 1983 n’a pas conduit à une homogénéité du
territoire. On distingue au début des années 2000 :
- le cœur de métropole (Rennes, Cesson-Sévigné, Chantepie, Saint-Grégoire, Saint-
Jacques de la Lande) ou ville compacte ;
- les communes appartenant à Rennes Métropole et au périmètre des transports
urbains, bien desservies en transports en commun ;
- des polarités périphériques plus diffuses entourées de petits bourgs.
Le SCoT Prévoit un renforcement du rayonnement urbain du cœur de métropole. Les
communes de la deuxième couronne fonctionneraient actuellement en réseau entres elles et
avec les communes du cœur de métropole grâce notamment à la desserte en transports en
commun. Il est prévu un renforcement de ces réseaux. Au-delà, l’organisation du territoire
est plus traditionnelle et fondée sur des polarités locales. L’objectif du SCoT est d’inscrire ces

74
polarités dans des réseaux de communes afin d’enrichir l’offre urbaine aux habitants. Cela
est censé aller de pair avec une complémentarité des modes de transport (transport collectif,
ferroviaire, liaisons routières express).
Après les pôles d’appui (1983) et les secteurs d’appui (1994), c’est donc au tour des réseaux
de communes d’être préconisés. C’est en somme la suite logique d’un scénario qui a pris le
parti de conserver la trame urbaine polycentrique initiale : à vouloir évoluer vers un
développement durable, on compte sur la mise en réseau pour minimiser l’impact des
déplacements sur le territoire tout en conservant cette qualité de vie que la ville-archipel
permet. Passer ainsi de l’aréolaire au réticulaire équivaut à mener une politique qui additionne
les forces de chaque commune pour bâtir une agglomération solidaire et dynamique pour le bien-être
de chacun [CHAPUIS, 2007]. On se dirige bien vers un système métropolitain.
Cette évolution résulte de la priorité donnée au maintien et à l’évolution de la ville-archipel.
Depuis peu, il existe une réelle prise de conscience de la richesse constituée par les coupures
agro-naturelles séparant les centralités : autrefois considérées davantage comme des vides
d’urbanisation que comme des pleins de quelque chose, on leur confère aujourd’hui le statut
de champs urbains, selon l’expression d’Eric Tocquer24. Cela souligne que la nature fait partie
intégrante de la ville, que la qualité de la ville dépend intrinsèquement de la campagne qui
ne la jouxte pas mais la compose. Où que l’on habite dans la ville-archipel, le rural et l’urbain
sont d’accès rapide, encore faut-il organiser les modalités de leur accessibilité. La difficulté
réside dans l’organisation des liaisons entres les « îles » de la ville-archipel : celles-ci étant
physiquement séparées, plus ou moins bien dotées en équipements, services divers, emplois
etc., et disséminées sur le territoire, le défi est de taille.

Le PADD défend que les communes de la première couronne autour de Rennes fonctionnent
déjà en réseau, qu’il convient d’accentuer cette tendance et de la diffuser aux communes plus
périurbaines. L’affirmation mérite d’être examinée. Ces communes proches de Rennes
fonctionnent en réseau… avec Rennes avant tout. En effet, les liaisons par transport en
commun les relient surtout au pôle principal : lorsqu’un service est absent en première
couronne, le réflexe est d’aller à Rennes, facilement accessible. En admettant qu’il faille
accentuer la mise en réseau des communes, afin de créer des pôles multicéphales et de
minimiser ainsi les déplacements : quelle organisation des transports mettre en place ?

24
Directeur des études et de la programmation, DGST de Rennes Métropole.

75
Dans son étude sur les bourgs-centres de Loire-Atlantique, Valérie Jousseaume montre
comment l’automobile a brouillé l’organisation du territoire. Deux équipements, l’automobile et
le réfrigérateur, libèrent la nécessité de proximité. On croyait le client fidèle, il était surtout
captif. Ainsi le développement de l’automobile a pu conduire à la court-circuitation de
certaines centralités : on est souvent amené à effectuer des boucles de déplacements et à
utiliser les services présents tout au long du trajet, d’autant que l’on travaille de moins en
moins dans sa commune de résidence. Il peut y avoir une garderie dans la commune où l’on
habite mais il peut être plus commode de déposer et de récupérer les enfants à la garderie de
la commune voisine. La complexité des déplacements est aujourd’hui telle que l’organisation
en réseaux de communes apparaît délicate.
La structuration des transports a été pensée dans le SCoT en tenant compte des choix
effectués en termes de répartition de l’habitat et de l’emploi. Cela permet-il de proposer une
solution réaliste ?

3.2.2. Habitat, emploi, transports : des efforts proportionnels

Dans le cadre du SCoT, la priorité a été donnée aux transports en commun ainsi qu’aux
mode de déplacements dits doux (vélo, notamment), en cherchant la complémentarité entre
les différents modes. Dès lors, l’enjeu principal devient : comment conjuguer la logique des
transports en commun, qui implique un poids de population desservie suffisant pour être
viable, avec l’organisation polycentrique du Pays de Rennes ?
La politique de déplacement est très étroitement liée aux précédentes puisqu’il s’agit, à
toutes les échelles, de renforcer conjointement la double fonction de pôle de vie et de pôle
d’échange ; il est prévu une intensification de la densité aux abords des pôles d’échange pour
augmenter la population desservie, de s’appuyer sur des rabattements vers ces pôles, et enfin
de définir à l’échelle du SCoT des axes prioritaires pour la desserte en transports en commun
en fonction des pôles de vie principaux. En somme, il existe un rapport de proportionnalité
entre les efforts effectués en termes de localisation (habitat, emploi), et les efforts de desserte
en transports en commun ; l’ensemble a pour point de départ les pratiques des habitants.

On peut lire dans le SCoT que renforcer la présence des transports collectifs implique une offre de
transports en commun concurrentielle à celle de la voiture ou au moins à un niveau proche. L’idée est

76
de proposer une alternative à l’usage individuel de l’automobile pour se déplacer dans la
ville-archipel. L’objectif repose sur deux conditions :
- d’une part la constitution d’un maillage de transports en commun performants à
l’échelle du territoire, structurés autour d’axes prioritaires connectés aux différents
réseaux de proximité intercommunaux par l’intermédiaire de pôles d’échange ;
- d’autre part une nouvelle approche de la mobilité qui privilégierait la régularité
plutôt que la vitesse et accorderait une vraie priorité aux transports en commun et
aux transports alternatifs à l’usage individuel de la voiture.
Le réseau de voirie serait « optimisé » par hiérarchisation en fonction des différents trafics :
desserte urbaine, transit d’aire urbaine, voirie d’enjeux économiques, etc. Il aurait l’allure
suivante :

Figure 9 : Allure du réseau de transports préconisé dans le SCoT

Source : AUDIAR, 2005

Les angles d’actions ne manquent pas : partage des voiries entre différents modes,
augmentation de la performance des transports en commun en leur donnant la priorité (site
propre, renforcement de l’offre en périphérie, interfaces avec les réseaux de proximité à
partir des pôles d’échange, amélioration de la desserte au-delà des limites de Rennes
Métropole), anticipation du futur rôle structurant des gares, développement des parcs relais

77
pour offrir des possibilités de rabattement automobile au réseau de transports en commun,
promotion des modes doux de déplacement, maîtrise du stationnement etc.
Les résultantes devraient être une diminution de la place accordée à la voiture sur le réseau
viaire, et corollairement une baisse de la vitesse automobile moyenne. On mettra plus de
temps à aller en voiture du point A au point B qu’avant la mise en place des orientations du
SCoT. En somme tout est facilité pour que l’on prenne les transports en commun plutôt que
la voiture et tout est rendu compliqué dès que l’on souhaite se déplacer en voiture pour un
trajet qui pourrait être effectué autrement. L’évolution des comportements vis-à-vis de
l’automobile est-elle pour autant assurée ? Autrement dit, une telle stratégie est-elle adaptée
aux modes de vie actuels et quels sont les intérêts d’un tel système à une échelle très locale ?

3.2.3. La « ville des proximités », corollaire de la ville-archipel ?

Pour Jean-Yves Chapuis, [la ville des proximités] permet de trouver tout ce qu’il faut sur un
territoire pour la vie quotidienne et d’être en relation constante avec le tout pour se mouvoir
librement [CHAPUIS, 2007] et est en ce sens un corollaire de la ville-archipel.

Dans le SCoT, il est dit que le réseau de transport en commun est un levier d’organisation de
la « la ville des proximités ». Le principe invoqué est le suivant : L’aménagement du territoire et
l’organisation du développement permettront d’améliorer l’accès aux services simultanément aux
différents niveaux, en recherchant la proximité à toutes les échelles du territoires : offre urbaine à
l’échelle de la ville-archipel, offre de proximité à l’échelle des réseaux de communes, offre de
voisinage à l’échelle communale [AUDIAR, 2005].
A l’échelle de la ville-archipel, l’objectif est d’aboutir progressivement à une plus grande
densité de population autour des « gares » et du « réseau armature » (couronne
métropolitaine) en articulant l’urbanisation aux potentialités de création ou d’amélioration
de la desserte par transports en commun. Il en va de la performance du réseau. En périphérie
du Pays, cela implique des efforts envers certains pôles qui n’atteignent pas encore la taille
minimum pour qu’une telle desserte soit envisageable.
A l’échelle des réseaux de communes, le rôle d’interface des pôles d’échange serait renforcé
par l’implantation de services chaque fois que possible, afin de renforcer leur attractivité mais
aussi leur fonction de structuration. L’organisation commerciale, outre son impact sur la qualité
résidentielle et sur le degré de mixité fonctionnelle, est vue comme un moyen d’agir sur la

78
régulation des déplacements motorisés : le SCoT prévoit donc d’en maîtriser l’organisation
de manière cohérente.
L’idée sous-jacente semble être de limiter la longueur des boucles de déplacements effectuées
lors du trajet domicile-travail. (Cf. Figure 10). En conjuguant les fonctions de pôle intermodal
et de pôle commercial et de service, on incite à utiliser sa voiture pour aller seulement de son
chez-soi à ce pôle, à partir duquel il est possible de prendre un transport en commun. L’accès
aux services d’un pôle structurant n’étant parfois pas quotidiennement nécessaire, sont
également prévues des dessertes par transports en commun de communes moins
polarisantes.

Figure 10 : Des réseaux de communes construits autour de projets communs (équipements, TC…)

Source : SCoT

79
A un niveau plus local, la qualité de vie des habitants est liée au développement des
commerces de proximité et des équipements au cœur ou en continuité urbaine des bourgs. Le
SCoT se donne pour objectif de penser à long terme leur urbanisation et la forme de leurs tissus
urbains dans le but de favoriser les modes doux pour les déplacements à courte distance vers les
commerces de proximité, équipements et, chaque fois que possible, les zones d’emploi (Cf. Figure11).

Figure 11 : La proximité à l'échelle d'une commune

Source : SCoT

Plus qu’un corollaire de la ville-archipel, la ville des proximités en est une condition sine qua
non, dans une optique de durabilité. En effet, rendre proches les commerces, les services,
voire les emplois de l’habitat, c’est limiter les nécessités en termes de transport, qui se
traduisent à l’heure actuelle par un usage massif de l’automobile. Rendre proche les points
de desserte en transports en commun du lieu d’habitation, c’est offrir une alternative à
l’usage individuel de la voiture. C’est en ce sens que l’on ne peut parler de ville-archipel
durable sans la confondre avec la « ville des proximités ».

L’organisation prônée par le SCoT apparaît optimale. S’il est peu vraisemblable que l’on
puisse se passer de voiture à moyen terme dans la ville-archipel, on a là l’espoir que sa part
dans le total des déplacements effectués diminue.

80
3.2.4. Ville-archipel, ville durable ?

Toutefois, deux épées de Damoclès menacent cet idéal de « ville des proximités » :
- d’une part une incertitude quant à la faisabilité d’une telle organisation de la ville-
archipel en termes de répartition des équipements et de réseaux de transports en
commun ;
- d’autre part une incertitude quant à la propension des individus à délaisser leur
voiture – même si les calculs démontrent par exemple un gain d’argent – au profit
des transports en commun.

Au niveau de la ville-archipel, il apparaît par exemple difficile de « donner du poids » aux


communes de périphérie qui n’ont pas la taille suffisante pour être à l’heure actuelle
desservies par les transports en commun. On peut certes compacter l’urbanisation, compter
sur les estimations de croissance démographique etc. mais il convient d’avoir en tête la
réussite très relative des politiques visant à favoriser la croissance des villettes ou autres
pôles d’appui… quelles garanties de plus a-t-on aujourd’hui de voir ainsi croître ces pôles –
ou ces réseaux de communes –, situés en périphérie du Pays, et donc hors des limites de
Rennes Métropole ?
A l’échelle des réseaux de communes, il apparaît difficile mais pas impossible de maîtriser
un tant soit peu les localisations commerciales. Au niveau plus local, on peut saluer l’idée de
vouloir faire la place belle aux modes doux de déplacement. Toutefois, comment s’assurer
que les aménagements réalisés seront utilisés, du moins tant que l’on aura la possibilité de
faire autrement ? Pourquoi ne pas garer sa voiture avec les warnings quelques minutes en
double file pour aller chercher son pain – et son journal – « puisqu’ "ils" enlèvent des places de
parking sans les remplacer ailleurs » ?!

La principale inconnue concerne peut-être la propension des individus à délaisser ou se


servir de leur voiture. Deux questions sont sous-jacentes : quel temps est-on près à consacrer
à un déplacement compte tenu des économies procurées (argent, énergie) ; et quel prix est-on
près à mettre pour le gain de temps procuré par l’usage de la voiture (malgré une éventuelle
« mauvaise conscience » liée à l’usage de l’automobile dont fait état le diagnostic du SCoT) ?
Si la mise en place d’une stratégie de transport tendant à faire évoluer les comportements est
une initiative à saluer dans une optique de durabilité, son efficacité n’est pas assurée.
L’agglomération de Rennes reste un territoire au sein duquel on se déplace en voiture.

81
[THEBERT, 2007]. Le réseau viaire est très développé et le réflexe qui consiste à prendre son
véhicule plutôt que les transports en commun est ancré. Lorsque l’on habite à plus de 15 km
de Rennes, l’intérêt à prendre le bus ou le car est souvent réel en termes de coût (prix du
billet rapporté au km, comparé au prix moyen du km en voiture) mais pas en termes de
temps ; et rares sont les personnes qui prennent les transports en commun quand cela
n’entame pas trop leur budget de privilégier la voiture. Certes, l’intérêt va changer quand le
réseau de transports en commun aura été renforcé ; reste à savoir dans quelles proportions.
Si certains cars ou bus directs sont susceptibles de relier des communes périphériques à
Rennes presque aussi rapidement que la voiture, il faut aussi prendre en compte le temps de
déplacement dans Rennes que les ruptures de charges contribuent à faire augmenter.
Toutefois, il convient de noter que le système des parking relais fonctionne assez bien
lorsque l’on arrive à Rennes : les gens hésitent de moins en moins à y laisser leur véhicule
pour prendre le métro, contribuant à diminuer le nombre de voiture dans la ville-centre25.
Cela laisse donc « bon espoir » quant à la stratégie du SCoT, sur laquelle se fonde une large
part de la légitimité de la ville-archipel, en tant que schéma durable.

Dans tous les cas, le pari de réfléchir l’organisation territoriale à trois échelles différentes
apparaît judicieux quoique difficile à relever. L’organisation des déplacements dans la ville-
archipel se révèle en effet très complexe et difficilement conciliable avec un développement
durable du territoire. La voiture a permis une structuration éclatée du territoire qui donne
lieu à des déplacements pour lesquels on peine à établir des règles, ceci étant renforcé par
l’évolution des modes de vie.
L’essence de la ville-archipel, comme éparpillement de localités compactes de poids divers
autour de la ville-centre, rend la grande majorité des dessertes en transports en commun
tributaires de la route. Or cars et bus, même en site propre, restent des moyens lents de
déplacement à l’échelle de la région urbaine, comparativement au train et surtout à la voiture
(par la liberté de déplacement qu’elle confère). Or « le temps, c’est de l’argent ! » : il reste
donc à espérer que le proverbe n’annonce pas l’échec de la stratégie proposée.

25
Cf. Etudes de l’AUDIAR.

82
3.2.5. Ce que coûte la qualité de vie inhérente à la ville-archipel.

Les difficultés rencontrées dans l’organisation des déplacements sont en fait le prix à payer
de la qualité de vie que procure la ville-archipel. A l’inverse, une agglomération structurée le
long d’une ou plusieurs lignes de transport lourd répondra davantage aux impératifs
d’économie d’énergie et d’économie d’espace si les gens empruntent le transport en commun
et si l’habitat est dense et compact. Utopie ? Paris s’est développée de la sorte, le long des
lignes de chemin de fer, mais l’accès à l’automobile a favorisé l’urbanisation de l’espace
interstitiel, à une époque où l’on contrôlait mal la « consommation » des terrains. Il en résulte
la situation actuelle où l’habitat diffus pose des problèmes en termes de gestion durable des
déplacements, mais aussi d’accès à la nature depuis la ville (avant la diffusion de l’habitat
grâce à la voiture, la campagne était en moyenne plus « proche » du lieu d’habitation). En
somme, les avantages procurés par les lignes de transport lourds sont en partie annihilés,
notamment en termes de qualité de vie.
L’évolution vers la ville-archipel a permis une transition douce d’un territoire autrefois très
rural, vers un territoire de plus en plus urbain, de moins en moins divisé entre ville et
campagne – puisque celle-ci relève peu à peu de l’urbain. On tente en fait de conserver, dans
un mode de vie de plus en plus urbain, les externalités positives de la ruralité auxquelles les
habitants du Pays de Rennes sont – d’après le diagnostic du SCoT – attachés : espace,
tranquillité résidentielle, mais aussi liberté des déplacements.
La qualité de vie dans l’agglomération archipel reste intrinsèquement liée à la liberté de
déplacements et donc à l’automobile. Cette configuration urbaine, même optimisée par le
meilleur système qui soit de transports en commun sera toujours une scène pour les
déplacements en voiture tant que ceux-ci seront possibles. Les propositions du SCoT sont en
ce sens tout à fait adaptées mais peuvent-elles pour autant révolutionner les quantités
d’énergies consommées pour se déplacer ?
Le ville-archipel n’est pas un schéma durable en soi, au sens où la configuration urbaine
limiterait simultanément la consommation d’espace et les déplacements, tout en préservant
une incomparable qualité de ville, comme on peut parfois essayer de le faire croire en
vantant les mérites de ce polycentrisme. Les partis pris de la qualité de ville et de la
préservation des espaces agro-naturels induisent en contrepartie une gestion la plus efficace
possible des déplacements générés. Le développement durable de la ville-archipel consiste
en ce point délicat.

83
Les partenariats avec les Pays voisins, à quelque niveau que ce soit, se révèlent ici plus que
nécessaires. Si le PLH peut être une façon de contrecarrer la tendance au déversement
résidentiel hors des limites trop restreintes du SCoT, on n’a pas encore trouvé la parade
concernant les déplacements. Le Pays des Vallons de Vilaine, créé en réaction au Projet de
Pays de Rennes auquel l’ensemble de ses communes ne souhaitait pas appartenir [GIVORD,
GUY, 2004], comporte par exemple la commune de Guichen. Celle-ci est incontestablement
liée à la métropole rennaise, notamment en termes d’emplois (trajets domicile-travail). Outre
les grandes marées de lotissements qui marquent années après années le territoire de la
commune et rendent de plus en plus ridicule le petit centre-ville qui, à l’inverse, ne croît plus
– on ne remerciera jamais assez les grandes surfaces de s’être implantées un peu plus loin,
d’autant qu’on est équipé d’une voiture –, la commune risque de se distinguer de plus en
plus des communes du Pays de Rennes en termes d’accessibilité à la ville-centre. En effet la
tendance actuelle est l’usage massif de l’automobile qui ne saurait évoluer vers l’usage des
transports en commun en l’absence de liaisons analogues à celles envisagées dans le SCoT
pour relier les communes de la périphérie du Pays de Rennes. Une commune comme
Guichen appartient à la ville-archipel – même si les élus locaux semblent parfois vouloir
fermer les yeux sur ce point – et est dès lors susceptible de remettre en cause le caractère
durable de l’organisation urbaine polycentrique rennaise. Cette durabilité relève donc aussi
grandement du politique.

On cherche donc parfois à concilier l’inconciliable, du moins à laisser croire que cela est
possible. Au final, cela ne se produit jamais, évidemment. La ville-archipel comportant ce
type d’antinomies, sa durabilité dépend donc de l’issue que prendront les rapports de force
qui la constituent.

84
La ville-archipel n’est pas le schéma urbain le plus « durable » qui pourrait exister dans la
mesure où une urbanisation de ce type induit plus de déplacements individuels que dans
d’autres types d’agglomérations. Ceux-ci sont d’autant plus difficiles à organiser, dans une
optique de diminution de la part de l’automobile dans le total des déplacements effectués,
qu’ils sont d’une grande variété (longueur, horaires, fréquences, destination). Les
orientations du SCoT pour tendre vers un développement durable du territoire sont
adaptées aux réalités mais leur mise en place et leur efficacité sont à mettre à l’épreuve du
réel. La voiture, compte tenu des habitudes des habitants et de la liberté – et vitesse – de
déplacement qu’elle procure a, on peut le craindre, de beaux jours devant elle.

85
CONCLUSION DE LA PARTIE 3.

Les limites de l’outil SCoT ont su être globalement identifiées par l’équipe ayant élaboré celui
du Pays de Rennes. A finalement été choisi un périmètre de projet conforme aux vœux du
législateur vis-à-vis de la correspondance avec la Charte de Pays, et donc avec le Pays de
Rennes, mais pas vis-à-vis de la superposition avec le périmètre de l’aire urbaine. Les
rapports de force politiques ont donné lieu à une cohérence politique plus que territoriale ;
malgré tout, le SCoT vise cette double cohérence.

La première parade consiste en des objectifs importants en termes de logement – dans le


cadre du PLH – susceptibles de limiter le report résidentiel hors des limites du Pays de
Rennes et d’éviter ainsi une sorte d’anarchie urbaine aux frontières du SCoT. Les moyens de
mise en œuvre sont puissants ; ils reposent sur un système de contractualisation.
Le principal défi posé par le développement durable relève en fait de l’organisation des
déplacements. Le principe d’éparpillement des centralités constitutif de la ville-archipel rend
délicate la mise en oeuvre d’un système de transports en commun et modes doux de
déplacement, dans une optique de durabilité. Au sein du Pays, les propositions du SCoT
semblent adaptées même si leur concrétisation repose sur des incertitudes. Mais des
problèmes surviennent au-delà de ce périmètre restreint. D’une part, si la croissance
démographique est en grande partie absorbée au sein de ces limites, elle n’en sera pas pour
autant annulée au-delà ; d’autre part, il convient de ne pas oublier l’étendue de l’aire
urbaine : l’organisation des transports sur ce territoire étendu nécessiterait des partenariats
avec les territoires voisins, ou une gestion à un niveau supérieur (départemental par
exemple). Or les tensions politiques rendent ce type de mises en œuvre aléatoires.

L’organisation des déplacements constitue l’enjeu majeur de la ville-archipel. Sous l’angle du


développement durable, ils en sont le talon d’Achille et corollairement le principal défi ; un
défi double : organisationnel et politique.

86
CONCLUSION GENERALE :

Le polycentrisme est un schéma urbain possible, parmi d’autres. Il s’agit d’un processus de
structuration urbaine dont l’enjeu est de configurer le système des mobilités qui fait la ville,
dans une optique d’organisation de la croissance. Pour le cas rennais, sa concrétisation
résulte de la conjugaison d’un contexte propice avec un choix et une maturation politiques,
conditions sine qua non d’une dynamique forte et concertée.
La planification a permis la formulation des orientations sans en garantir la concrétisation :
l’obligation légale ne suffisant pas, l’intercommunalité s’est peu à peu assimilée à un
ensemble de leviers d’importances variées. Notamment, elle a d’une part créé les conditions
d’une action publique efficace et en a offert des possibilités de cadrage ; d’autre part elle a été
l’occasion de constructions collectives, gages d’efficacité. On lui doit certainement, en partie,
la précocité de quelques initiatives telles l’adoption de la TPU en 1992 (le District a été le
premier groupement à l’adopter), une politique de l’habitat que l’on peut qualifier
d’anticipatoire ainsi que la formulation d’un objectif de développement durable avant que le
concept n’ait le vent en poupe.
Il a fallu plus de temps, en revanche, pour que l’on abandonne la logique consistant à
imposer des choix territoriaux, ou du moins à « trop » dicter la croissance de certains pôles,
ce qui se soldait assez systématiquement par des échecs. La décentralisation est passée par là
et le temps de l’urbanisme autoritaire est bel et bien révolu : on en est finalement revenu des
orientations polycentriques en termes de « pôles d’appui » ou équivalents au profit d’un
pragmatisme de plus en plus prononcé, dont le SCoT constitue une bonne illustration. Il
s’agit a présent d’accompagner la croissance des différentes localités, certes en incitant
certaines localisations, mais surtout en tentant de faire coïncider les niveaux de desserte en
transport avec les différents niveaux d’urbanisation. L’enjeu primordial d’organisation des
mobilités, gage de fonctionnement d’une structure urbaine polycentrique, prend en effet de
plus en plus d’importance dans le contexte actuel de développement durable.

Mais l’examen auquel nous nous sommes livrés autorise à questionner la durabilité de la
structure urbaine rennaise. Comme le schéma directeur de 1994, le périmètre du nouveau
plan de développement est plus restreint que le territoire supportant les logiques de
l’agglomération rennaise : la cohérence politique est indéniable mais on ne peut pas en dire
autant de la cohérence territoriale. Si le risque de report de la population hors des limites du

87
Pays de Rennes est faible compte tenu du puissant levier que constitue le PLH contractualisé,
l’organisation des déplacements conformément aux objectifs du développement durable s’en
trouve mise à mal. Le développement du conséquent système de transports en commun
prévu au sein du Pays de Rennes n’est pas envisagé au-delà de ces limites alors que l’aire
urbaine, qui constitue un territoire de référence en termes de déplacements, est bien plus
large. Si l’on peut espérer une absorption de la croissance au sein du territoire que recouvre
le SCoT, on ne peut faire abstraction des ménages qui logent ailleurs. Des partenariats avec
les territoires voisins seraient nécessaires mais les susceptibilités politiques ne permettent
guère, pour l’instant, d’optimisme sur ce point.
Toutefois, le restreint périmètre du SCoT n’est peut être pas la cause principale des faiblesses
de l’organisation urbaine rennaise. La ville-archipel induit des déplacements complexes
(longueur, horaires, fréquence, destination), « d’îles en îles », qui requièrent une certaine
liberté de déplacement permise par l’usage de la voiture particulière, très utilisée. Si les
orientations du SCoT concernant les déplacements sont a priori pertinentes, il reste à les
mettre à l’épreuve du réel. Le pari effectué qui vise à structurer le territoire par des
transports en commun et ainsi offrir une alternative à l’usage de la voiture particulière est
ambitieux : la grande majorité des dessertes en transports en commun sont tributaires de la
route. Or cars et bus, même en site propre, restent des moyens lents de déplacement à
l’échelle de la région urbaine, comparativement au train et surtout à la voiture. Les habitudes
vont-elles évoluer comme espéré ?
Au-delà de ces limites, le schéma urbain rennais présente l’indéniable qualité, dans le
contexte actuel de ville diffuse, d’être une tentative d’amélioration de la vie périurbaine. Et si
l’on a nuancé la durabilité de la ville-archipel, il faut toutefois reconnaître que celle-ci
s’assimile à un urbanisme de prudence : la croissance de certains pôles permettra un jour
peut-être la mise en place d’une desserte lourde et durable, n’obérant pas les possibilités
d’une plus grande durabilité à long terme.

L’amélioration de la desserte ferroviaire pour relier Rennes à ses couronnes périurbaines et


l’aménagement de gares pourraient constituer un enjeu majeur dans la mesure où le temps
de déplacement est rapide. Mais la gare SNCF de Rennes est déjà presque saturée et ne
pourra accueillir un cadencement réellement meilleur de la desserte T.E.R. [THEBERT, 2005].
L’inter-territorialité (EPCI, département, région, etc.) et l’intermodalité sont bien des leviers à
considérer. Compte tenu des incertitudes politiques et des limites des systèmes de transports

88
en commun tributaires de la route, ne serait-il pas judicieux de réfléchir à un report de
croissance hors de l’agglomération rennaise ?
Rennes reste en effet le pôle central d’une ville-archipel qui continue de se développer, pour
tendre vers ce que certains aiment à nommer « ville-pays », ou mosaïque de villes-archipel
qui finissent par se toucher et ne former qu’un seul ensemble, structuré par des logiques de
flux. Une organisation durable des déplacements dans la ville-pays serait plus que jamais un
casse-tête et d’autant plus tributaire de la voiture particulière (à l’exception éventuelle de
certains pôles). Si le SCoT du Pays de Rennes prône peut-être l’organisation des
déplacements la plus durable possible, elle reste très consommatrice d’énergie : le modèle
polycentrique n’atteint-il pas là ses limites ? Ne vaudrait-il mieux pas repenser l’organisation
urbaine à un autre niveau pour éviter, justement, la formation d’une ville-pays ? Un
polycentrisme en réseau de villes à une échelle plus large (départementale, régionale, voire
au-delà) pourrait constituer l’esquisse d’une solution d’avenir. Il reste à voir si les
déterminants rapports de forces politiques y conduiront.

89
ANNEXES
Figure 12 : Pays et aire urbaine de Rennes dans le département d’Ille-et-Vilaine

Réalisation : Léna Le Scornet

90
Figure 13 : Les communes du Pays de Rennes

91
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VIARD, J. 1994. La société d’archipel ou les territoires du village global, La Tour d’Aigues, l’Aube,
127 p.

Ville de Rennes. 2004. Le Plan local d’urbanisme de Rennes, Un Projet Urbain pour la ville,
Rennes, Ville de Rennes, 216 p.

WACHTER, S. 2000. Repenser le territoire, un dictionnaire critique, La Tour d’Aigues, L’Aube,


288 p.

WIEL, M. 2002. Ville et automobile, Descartes & Cie, Paris, 140 p.

ENTRETIENS

CHAPUIS, J-Y. 2007. Adjoint à l’urbanisme à la mairie de Rennes ; vice-président de la


communauté d’agglomération de Rennes chargé des formes urbaines.

THEBERT, M. 2007. Chargée de recherche LMTV et INRETS (Laboratoire Ville Mobilité


Transport ; Institut National de Recherche sur les Transports et leur Sécurité) .

THOMAS, F. 2007. Chargée de projet du Syndicat Mixte qui élabore, révise et évalue le SCoT
du Pays de Rennes.

TOURTELIER, 2007. Maire de La Chapelle des Fougeretz (commune de la communauté


d’agglomération de Rennes), conseiller général d’Ille-et-Vilaine, Président du Pays de
Rennes, Député, présent dans le paysage politique rennais depuis une trentaine d’années.

94
TABLE DES ILLUSTRATIONS

Figure 1 : Evolution de l'urbanisation dans le bassin de Rennes................................................. 43


Figure 2 : Evolution de l'emploi par commune entre 1982 et 1990 (RGP) dans la zone
d’emploi........................................................................................................................................ 44
Figure 3 : Evolution de la population par commune de la zone d'emploi de Rennes entre les
recensements de 1982 et 1990. ................................................................................................... 45
Figure 4 : Trois périmètres pour une gestion différenciée............................................................ 57
Figure 5 : Polarités urbaines.............................................................................................................. 58
Figure 6 : Réseau structurant ............................................................................................................ 59
Figure 7 : Pays de Rennes et périmètre du SCoT ........................................................................... 65
Figure 8 : Prix moyen des maisons d'occasion en 2005 (en euros) .............................................. 72
Figure 9 : Allure du réseau de transports préconisé dans le SCoT.............................................. 77
Figure 10 : Des réseaux de communes construits autour de projets communs (équipements,
TC…) ............................................................................................................................................. 79
Figure 11 : La proximité à l'échelle d'une commune ..................................................................... 80
Figure 12 : Pays et aire urbaine de Rennes dans le département d’Ille-et-Vilaine.................... 90
Figure 13 : Les communes du Pays de Rennes............................................................................... 91

95
LISTE DES ABREVIATIONS

CA : Communauté d’Agglomération
CELIB : Comité d’Etudes et de Liaison des Intérêts Bretons
CU : Communauté Urbaine
DUAR : District Urbain de l’Agglomération Rennaise
DUP : Déclaration d’Utilité Publique
EPCI : Etablissement Publique de Coopération Intercommunale
PADD : Plan d’Aménagement et de Développement Durable
PLH : Programme Local de l’Habitat
POS : Plans d’Occupation des Sols
SCoT : Schéma de cohérence territoriale
SDAU : Schéma Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme
SITCAR : Syndicat Intercommunal des Transports de l’Agglomération Rennaise
SIVOM : Syndicat Intercommunal à VOcation Multiple
SIVU : Syndicat Intercommunal à VOcation Unique
SRU : Solidarité et Renouvellement Urbains
TC : Transports en Commun
TPU : Taxe Professionnelle Unique
VAL : Véhicule Automatique Léger
ZAD : Zone d’Aménagement Différé

96
TABLE DES MATIERES

1. POURQUOI LE POLYCENTRISME ? ........................................10


1.1. Le polycentrisme : un schéma urbain qui défie le temps .................... 10
1.1.1. Centralité, monocentrisme, polycentrisme ............................................... 11
1.1.2. De la centralité à la « non-ville » – Des évolutions techniques. ................. 12
1.1.3. A-centralité ou polycentralité ?................................................................ 14
1.1.4. Penser l’urbain différemment .................................................................. 15
1.1.5. Ce qui est en jeu à cette échelle de la région urbaine............................... 18

1.2. Ni villes nouvelles, ni banlieues : le choix d’une organisation en


« villettes » et « ceinture verte » autour de Rennes ................................. 21
1.2.1. Un contexte rennais se prêtant à un développement polycentrique. .......... 21
1.2.2. Le Schéma Directeur de 1974, les villettes écartées au profit d’une
organisation linéaire ........................................................................................ 24
1.2.3. Une option vivement critiquée – l’évolution du schéma directeur............... 26
1.2.4. Le Schéma directeur de 1983 : villettes et ceinture verte.......................... 27

CONCLUSION DE LA PARTIE 1. ................................................................... 31

2. QUELLE PORTEE DES SCHEMAS DIRECTEURS


POLYCENTRIQUES SUR LE TERRITOIRE RENNAIS ?.................33
2.1. SDAU 1983 : L’intercommunalité comme condition de concrétisation
des projets. ................................................................................................. 33
2.1.1. Dans les années 1980, le District permet-il le respect des orientations
polycentriques du SDAU ? ................................................................................ 33
2.1.2. Un nécessaire renforcement de l’intercommunalité................................... 35
2.1.3. L’enjeu décisif de la fiscalité dans la concrétisation territoriale d’un schéma
directeur ......................................................................................................... 36
2.1.4. Du souci urbanistique à l’exigence de durabilité : une évolution logique,
résultat d’un travail collectif.............................................................................. 39
2.1.5. Polycentrisme : quelles conséquences territoriales ?................................. 41

2.2. SD 1994 : vers un développement durable du territoire ? .................. 47


2.2.1. Le projet d’agglomération : l’émergence d’une démarche nouvelle ............ 47
2.2.2. La transcription des nouveaux objectifs dans le schéma directeur : une
logique polycentrique durable ? ........................................................................ 48
2.2.3. Le périmètre du District a-t-il suffi à contenir un pertinent projet de
développement ? ............................................................................................. 51
2.2.4. Des objectifs à l’action publique : quelle situation à la veille de l’élaboration
du SCoT ? ....................................................................................................... 53

CONCLUSION DE LA PARTIE 2. ................................................................... 60

97
3. NOUVELLES ECHELLES DE REFLEXION : QUELLE DURABILITE
DE « L’AGGLOMERATION ARCHIPEL » ?...................................62
3.1. Un SCoT à l’échelle du Pays de Rennes : est-il déjà trop tard ? .......... 62
3.1.1. Du schéma directeur au SCoT................................................................. 62
3.1.2. De la genèse du Pays au périmètre du SCoT............................................ 64
3.1.3. Limites du zonage en aire urbaine........................................................... 67
3.1.4. De la cohérence politique à la cohérence territoriale................................. 68
3.1.5. Un ambitieux PLH pour palier l’insuffisance territoriale du SCoT ?.............. 70

3.2. Le choix d’une organisation multi réticulaire autour de Rennes ........ 74


3.2.1. Les réseaux de communes, nouvelle figure du polycentrisme.................... 74
3.2.2. Habitat, emploi, transports : des efforts proportionnels ............................ 76
3.2.3. La « ville des proximités », corollaire de la ville-archipel ?......................... 78
3.2.4. Ville-archipel, ville durable ? ................................................................... 81
3.2.5. Ce que coûte la qualité de vie inhérente à la ville-archipel. ....................... 83

CONCLUSION DE LA PARTIE 3. ................................................................... 86

CONCLUSION GENERALE : ........................................................87

ANNEXES ..................................................................................................... 90

BIBLIOGRAPHIE.......................................................................................... 92

ENTRETIENS................................................................................................ 94

TABLE DES ILLUSTRATIONS ....................................................................... 95

LISTE DES ABREVIATIONS ......................................................................... 96

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