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perdu la vie, tandis que des enfants n’ont jamais rien Bien sûr, l’énergie utilisée et le temps passé à imaginer
connu d’autre que cet environnement hostile dans ces plans auraient pu être mis à profit pour élaborer
lequel on les a forcés à grandir. des politiques d’accueil dignes ou créer de véritables
«85% des réfugiés et des demandeurs d’asile souffrent voies sûres et légales, comme le préconisent des
d’anxiété, de dépression ou d’autres problèmes chercheurs, afin de limiter les risques que prennent
de santé mentale entraînant des taux alarmants les exilé·es sur leur parcours migratoire.
d’automutilation, y compris chez les plus jeunes», Il semble que la stratégie adoptée par le gouvernement
ajoutait Rossella Pagliuchi-Lor, représentante au britannique soit tout autre: répondre aux tendances les
Royaume-Uni de l’agence des Nations unies pour les plus extrêmes d’une part de l'opinion publique imbibée
réfugiés (HCR), qui s’est opposée à l’accord liant le de haine et dissuader les exilé·es de tenter la traversée
Royaume-Uni au Rwanda. Israël aurait aussi, rappelle pour rejoindre le Royaume-Uni– ce qui ne réduira
Amnesty International, concocté un plan similaire, probablement pas le nombre de départs par la mer, ni
désormais avorté, avec le Rwanda. le niveau de détresse qui pousse les personnes sur les
voies de la migration.
Sans doute aussi ce plan pourrait renforcer la légitimité
d’un Boris Johnson fragilisé par les affaires liées au
«Partygate» et un récent vote de défiance, déclenché
par des membres de son parti, plus divisé que
jamais. Sans doute, enfin, ce nouveau mécanisme doit
permettre de réduire le coût de prise en charge des
Des manifestants devant le centre de rétention situé près de l'aéroport
de Gatwick, à Londres, le 12 juin 2022. © Photo Niklas Halle’n / AFP demandeuses et demandeurs d’asile présents sur le
Voilà le modèle que s’acharne à vouloir suivre territoire britannique, mais aussi s’assurer que celles et
le Royaume-Uni, quand le droit international et ceux qui n’obtiennent pas de protection ne restent pas
la Convention de Genève lui imposent pourtant sur place une fois déboutés. Peu importe, le message
d’examiner les demandes d’asile sur son territoire. En de fermeté et de dissuasion est passé.
2020 et en 2021, il se voyait déjà «parquer», selon des Mais à quel prix? Des personnes vulnérables, et
médias britanniques, les migrant·es dans des centres souvent traumatisées par ce qu’elles ont fui, seront
«offshores» en Papouasie-Nouvelle-Guinée, sur les envoyées contre leur gré dans un pays dont le système
îles de l’Ascension et de Sainte-Hélène (en plein d’asile est déjà remis en cause et où les droits humains
Atlantique Sud) ou encore dans des centres «flottants» sont bafoués; et ce après avoir traversé les frontières,
à bord de ferries hors d’usage en mer. pris le risque de mourir en mer, avoir été maltraitées
Pire, Downing Street avait envisagé l’installation de ou refoulées aux portes de l’Europe, puis à Calais,
«machines à vagues» dans la Manche, pour repousser où toute une mécanique fait de la vie des migrant·es
les migrant·es approchant des côtes britanniques, un enfer, à coups de tentes lacérées ou confisquées,
au risque de mettre leur vie en danger. Une d’expulsions de campements quasi quotidiennes ou de
pratique s’apparentant à des techniques de refoulement mauvais traitements infligés par les forces de l’ordre.
(également appelées «push-back»), là aussi contraire Ce sont d’ailleurs ces mêmes conditions de vie
au droit international. Tous ces projets délirants indignes qui poussent les personnes à fuir la
avaient finalement été abandonnés compte tenu de France, en plus de la barrière de la langue ou des
leur complexité, jusqu’à ce fameux plan signé avec le attaches familiales existantes au Royaume-Uni, et qui
Rwanda, le 14avril, d’un montant de 120millions de conduisent aux drames que l’on connaît, comme celui
livres (144millions d’euros). du naufrage survenu au large de Calais le 24novembre
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2021, qui avait causé la mort de 27 personnes se soucie encore des vies que l’on s’attelle à détruire
venues d’Afghanistan, du Kurdistan irakien, d’Iran, depuis tant d’années? On a beau chercher en France,
d’Éthiopie ou de Somalie. ni Emmanuel Macron ni son ministre de l’intérieur
Passé l’émoi, les membres du gouvernement français Gérald Darmanin ne se sont exprimés sur le sujet.
s’étaient contentés de pointer la responsabilité des Seule la société civile britannique s’est mobilisée dans
passeurs, sans remise en question aucune de leur la rue – à Londres, Manchester ou Gatwick (aéroport);
politique migratoire, souvent qualifiée de politique de devant le Home Office, aussi, pour signifier sa colère
«non-accueil». à Priti Patel, une ministre elle-même fille de réfugiés
Le désastre se déroule sous nos yeux. Dans un silence politiques, qui a visiblement décidé de refermer la
quasi général. Après tout, qui se soucie encore des vies porte derrière elle, et pour rappeler aux migrants qu’ils
que l’on s’attelle à détruire ? sont les «bienvenus». L’Église anglicane, de même
que la famille royale et le prince Charles, qui a qualifié
Pour les demandeurs d’asile du Royaume-Uni, c’est
le plan décidé par le gouvernement «d’épouvantable»,
désormais pleinement assumé: leurs vies valent moins
s’est opposée à ce nouveau mécanisme.
que les autres. La guerre en Ukraine et les mouvements
de population qu’elle a entraînés (plus de 6millions Pour le bureau d’Amnesty International à Londres,
de personnes ont fui le pays) en ont été l’illustration cette mesure signe un «abandon clair et honteux de
magistrale quand, du jour au lendemain, les pays la responsabilité du Royaume-Uni envers les réfugiés
européens se sont découvert des capacités d’accueil en vertu de la Convention sur les réfugiés». «Le
insoupçonnées (tant mieux pour les Ukrainien·nes), gouvernement britannique est tellement éloigné de la
légitimant par là même une forme de discrimination réalité et manque tellement d’humanité qu’il détruit
à l’égard des autres exilés, souvent non blancs et non non seulement le système d’asile, mais aussi la vie
imprégnés de la «culture judéo-chrétienne», qui ont eu des gens, dénonce son directeur, Sacha Deshmukh.
l’idée folle de naître du «mauvais côté» de la planète. Nous exhortons vivement le gouvernement à repenser
ce plan désastreux. » L’histoire se souviendra de ce
Si l’Europe est parfois capable du meilleur, elle montre
virage à droite toute pris par le Royaume-Uni.
aujourd’hui l’un de ses pires visages, reprenant des
idées d’extrême droite dignes d’une Marine Le Pen ou Boite noire
d’un Éric Zemmour, visant à tenir toujours davantage Cet article a été mis à jour mercredi 15 juin à 7h30
à distance les migrant·es. Le désastre se déroule sous avec le sursis de la CEDH.
nos yeux, dans un silence quasi général. Après tout, qui
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