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PATHOLOGIE DE LA LIGNEE ROUGE

Chap I Introduction

L'anémie est la modification hématologique la plus fréquente en pathologie.


La physiopathologie, éclairée par la connaissance de la physiologie du globule
rouge et de la lignée érythroblastique, permet seule d'organiser une approche
logique du diagnostic.

I. DÉFINITION D'UNE ANÉMIE


Les globules rouges sont mesurés sur trois valeurs de l'hémogramme :
- leur nombre ;
- le taux d'hémoglobine ;
- l'hématocrite.
Ces trois valeurs peuvent évoluer de façon dissociée. Ainsi, lorsque le volume
de chaque globule rouge diminue, leur nombre peut rester stable alors que
l'hématocrite et l'hémoglobine diminuent (Fig. 1 ).

À l’inverse, le nombre des globules rouges peut diminuer et leur volume


augmenter sans qu'il y ait diminution du taux d'hémoglobine ou de l'hématocrite
et il y a alors macrocytose
(Fig. 2).
Ce qui est important pour l'organisme, ce n'est pas le nombre de globules rouges,
mais la quantité d'oxygène qu'ils transportent et par conséquent le taux
d'hémoglobine par unité de volume.
L'anémie se définit donc par la diminution du taux de l'hémoglobine par unité de
volume de sang au-dessous des valeurs physiologiques et non pas par la seule
diminution du nombre des GR
Fig. 1. Le nombre de globules rouges peut rester normal alors que Ht et Hb
diminuent (le volume moyen des GR diminue).
Fig. 2. Le nombre des globules rouges diminue sans que l’hématocrite ni le taux
d'hémoglobine ne baissent (le volume globulaire moyen est augmenté).

On parle d'anémie au-dessous de :


- 15g d’hémoglobine pour 100 mL de sang chez l'homme adulte ;
- 12g d’hémoglobine pour 100 mL de sang chez la femme et l'enfant
;
- 14 g d’hémoglobine pour 100 mL de sang chez le nouveau-né.
Des études épidémiologiques récentes suggèrent que le taux d’hémoglobine
normal pourrait descendre à 11,5 g/dL chez la femme et 12 g/dL chez l'homme
âgé.
Il faut cependant faire une réserve à cette définition :
- l’hémogramme doit refléter ce qui se passe dans l’ensemble de
l'organisme, la diminution du taux d’hémoglobine reflétant effectivement une
diminution du volume globulaire total. En pratique, il n'est donc généralement
pas nécessaire de vérifier le volume globulaire total lorsque le taux
d’hémoglobine a diminué ;
- il faut cependant connaître les circonstances où la diminution du taux
d'hémoglobine peut témoigner d'une hémodilution et non d'une anémie véritable
(Fig 3).
Ce sont :
• la grossesse à partir du 2e trimestre où le volume globulaire et le volume
plasmatique augmentent, mais le volume plasmatique augmente plus vite que le
volume globulaire, d’où « anémie » à l’hémogramme. Cette fausse anémie est
physiologique tant que le taux d'hémoglobine est supérieur à 10,5 g pour 100
mL, à condition que les GR restent normochromes et normocytaire
. les splénomégalies volumineuses où le volume plasmatique augmente de façon
parfois considérable, sans doute par augmentation de la sécrétion d'aldostérone.
La mesure du volume globulaire total est alors nécessaire pour savoir si la baisse
du taux d’hémoglobine témoigne d’une anémie vraie ou d'une hémodilution ;
certaines immunoglobulines monoclonales en particulier les IgM de la maladie
de Waldenstrom, peuvent entraîner une augmentation du volume plasmatique et
une baisse du taux d'hémoglobine, sans anémie vraie
II. ADAPTATION À L'ANÉMIE
L’organisme a deux modes d’adaptation à l’anémie : intra-erythrocytaire et
extra- érythrocytaire.
L'association de ces deux mécanismes explique qu'une anémie quantitativement
sévère (7 g d'hémoglobine), mais installée progressivement, peut être
remarquablement tolérée, chez un sujet dont l’activité physique est réduite (c’est
le cas souvent chez les sujets âgés).
A. Adaptation intra-érythrocytaire
En cas d’anémie (ou toute autre cause d’hypoxie tissulaire), il y a
successivement :
- augmentation de l'activité de la voie principale de la glycolyse ;
- avec augmentation de la production du 2,3 DPG(2,3 diphosphate glycérate)
- il en résulte une diminution de l’affinité de l’hémoglobine pour l’oxygène
et ainsi une meilleure oxygénation tissulaire pour la même saturation de
l'hémoglobine en oxygène.
Cette adaptation est très rapide.
B. Adaptation extra-érythrocytaire
Elle est essentiellement cardiovasculaire :
- par vasoconstriction des zones non nobles (peau, vaisseaux
mésentériques, alors que les organes a nobles » (cœur, cerveau, reins) sont
protégés. La vasoconstriction cutanée contribue à majorer la pâleur liée à la
baisse du taux d'hémoglobine ;
- par augmentation du débit cardiaque lié à l'augmentation du rythme
cardiaque.
III. SYMPTÔMES LIÉS À L'ANÉMIE
Les symptômes de l’anémie sont liés à son degré, à la rapidité d’installation
de la déglobulisation, au terrain sur lequel elle survient.
- Une anémie rapidement installée entraîne une symptomatologie beaucoup
plus dramatique qu'une anémie chronique pour un même degré d'hémoglobine
l’adaptation à l’hypoxie se faisant progressivement. En outre, l’état cardiaque et
respiratoire du malade joue un rôle important dans ses possibilités d'adaptation,
ainsi que l’âge.
- Dans l'anémie chronique, installée lentement, les signes de l'anémie
traduisent grossièrement sa gravité. Ils sont toujours moins marqués au repos.
On observe, quelle que soit la cause de l'anémie, les mêmes symptômes ; ce sont
:

Au début :
- pâleur cutanée et muqueuse ;
- polypnée et tachycardie d'effort ;
- asthénie pour des efforts de moins en moins marqués.
À un stade plus grave :
- polypnée permanente, avec tachycardie ;
- souffle systolique anorganique (cardiaque et gros vaisseaux).

Plus tardivement :
- œdèmes des membres inférieurs ;
- signes d'anoxie cérébrale, céphalées, vertiges, acouphènes, « mouches
volantes ».
À l'extrême :
- le coma anémique (autour de 3 g/100 mL).
Il est important de connaître ces signes communs aux anémies, et les
conséquences de celles-ci sur les parenchymes nobles (myocarde).
L'anémie aiguë, celle notamment des hémorragies abondantes, comporte les
mêmes symptômes, mais souvent beaucoup plus intensément perçus, et il s'y
ajoute une tendance au collapsus et souvent une sensation de soif intense,
surtout en cas d'hémorragie,
IV. MÉCANISMES PHYSIOPATHOLOGIQUES DES ANÉMIES
La baisse du taux d'hémoglobine peut résulter de deux mécanismes
fondamentaux :
1. Une augmentation des pertes à laquelle une augmentation compensatrice
de la production médullaire ne parvient pas à faire face.
- Dans ce cas. les réticulocytes augmentent, témoignant de l'effort de la
moelle qui tend à compenser l’excès de perte.
- Cette augmentation est légèrement retardée par rapport au début de
l'anémie.
- On parle d’anémies « régénératives »
2. Une diminution de la production médullaire.
- La baisse du taux des réticulocytes précède la baisse du taux
d’hémoglobine (Fig 4.a et b).
- On parle d’anémies « arégénératives ».
Fig. 4.a. Anémie par excès de perte : baisse du taux d’hémoglobine, puis
augmentation secondaire de la réticulocytose, puis stabilisation.

Fig. 4.b. Anémie par défaut de production : diminution primitive de la


réticulocytose, puis baisse du taux d'hémoglobine.
V MÉCANISME DES ANÉMIES DUES À UN EXCÈS DE PERTES
(RÉGÉNÉRATIVES)
Elles sont dues à une disparition accélérée des hématies circulantes
En d’autres termes, la masse globulaire perdue chaque jour devient supérieure
au l/l20 du total perdu normalement.
Si la perte est modérée (destruction 2 ou 3 fois supérieure à la normale au
maximum), elle peut être compensée par l'hyperactivité de la moelle osseuse et,
après quelques jours, le taux d'hémoglobine peut revenir à la normale, seule
l'hyper-réticulocytose est détectée sur l'hémogramme (hémorragies ou
hémolyses « compensées »).
Dans la majorité des cas. l'hyperdestruction dépasse les possibilités de
compensation et l'anémie persiste
L'hémorragie et hyperhémolyse sont les deux mécanismes des anémies par excès
de perte.
Les anémies sont en principe :
- toujours normochromes ;
- normocytaires mais aussi fréquemment macrocytaires (dû à la
régénération, ;
- les réticulocytes sont toujours élevés sauf immédiatement (dans les 3-4 j)
après le déclenchement de l’anémie (Fig .4.a).
A. Anémies hémorragiques aiguës
Toute hémorragie abondante et survenant dans un délai court (de l'ordre de
quelques jours) provoque une perte de globules rouges suffisante pour entraîner
une anémie, l'hémorragie peut être externe, d'extériorisation plus ou moin
rapide, ou intracavitaire, ou interstitielle. En général, l'anémie est :
- normochrome et normocytaire (ou macrocytaire si la situation se
prolonge) ;
- régénérative ;
- caractérisée par la normalité de la bilirubine non conjuguée et de
l’haptoglobine.
Cependant, une hémorragie interstitielle ou intracavitaire abondante peut
entraîner dans les jours qui suivent une élévation du taux de la bilirubine non
conjuguée et une baisse de Taux d’ haptoglobine.
Il faut 3 à 7 jours pour que l'hyper-réticulocytose compensatrice devienne
évidente Au début, l'anémie peut donc être a régénérative. Ce délai est parfois
prolongé jusqu'à dix jours, témoignant d'une insuffisance latente de
l'érythropoïèse, généralement due à un certain degré de carence en fer. Ces
retards n'ont toutefois pas beaucoup d'importance pratique, les hémorragies
entraînant ce type d’anémie étant toujours abondantes, aiguës et le plus souvent
évidentes.
B. Anémies hémolytiques
L'hyperhémotyse est le raccourcissement de la durée de vie des globules rouges
au-dessous de 120 jours.
Cette hyperhémolyse peut être mise en évidence directement par la mesure de la
demi-vie des globules rouges marqués au chrome 51
Elle s'apprécie sur la réduction de la demi-vie des hématies ou plus précisément
sur le pourcentage d'hémolyse quotidienne (normalement 1 à 2 %). Cependant,
la preuve de l'hyperhémolyse peut le plus souvent être faite sans cette méthode
longue et coûteuse. par les seuls signes d'hypercatabolisme de l'hémoglobine ou
d'hémolyse intravasculaire II existe en effet deux types d'hyperhémolyse selon
leur siège :
- l'hémolyse intratissulaire qui s’effectue dans les macrophages tissulaires
(comme l'hémolyse physiologique) ;
- l'hémolyse intravasculaire qui se produit dans la circulation sanguine.
L'association de ces deux mécanismes est relativement fréquente.
C. Hémolyse tissulaire et hémolyse intravasculaire
7. L'hémolyse tissulaire
Elle consiste en une exagération du processus normal. Les GR altérés ou
anormaux sont phagocytés par les macrophages, comme le sont, à l'état normal,
les hématies âgées .
Le phénomène est souvent important dans le foie et surtout la rate.
La quantité d’hémoglobine détruite étant élevée, il apparaît un signe majeur
d'hypercatabolisme de l'hémoglobine : l'élévation de la bilirubinémie non
conjuguée
Cependant même dans les cas où l'hémolyse est essentiellement intratissulaire. il
y a libération d’un excès d'hémoglobine dans le plasma et baisse de Taux
haptoglobine (voir ci-dessous).
2. L'hémolyse intravasculaire
Elle peut survenir isolément (étiologies particulières) ou en association avec
l'hémolyse tissulaire lorsque l'hémolyse est massive.
L'hémoglobine libérée se fixe sur l’haptoglobine :
- protéine dont la seule fonction connue est la fixation de l'hémoglobine ;
- le taux normal de 0,5 à 1,5 g/L résulte de l’équilibre entre la production
par les hépatocytes (qui s'élève en cas de syndrome inflammatoire) et la
disparition (accélérée par la liaison avec l'hémoglobine).
Le complexe hémoglobme-haptoglobine est transporté aux cellules
macrophages.
L'haptoglobine est très vite consommée et l’hémoglobine qui ne trouve plus
d'haptoglobine pour la fixer passe alors dans le plasma, puis dans les urines.
En outre, une partie du pigment est fixée sur l’albumine pour donner de la
méthémalbumine qui persistera plusieurs jours. Une autre protéine fixe l’hème,
l'hémopexine.
L'élévation de la bilirubinémie non conjuguée survient dans un second temps,
mais reste souvent très modérée si la principale partie du pigment libéré est
passée dans les urines.
L'hémolyse aiguè intravasculaire comporte un risque grave : un choc avec anurie
secondaire (dans les accidents transfusionnels notamment).
L'hémolyse intravasculaire chronique est une cause de carence martiale (par
perte de fer dans les urines), qui aggrave l'anémie.
La baisse de l'haptoglobine est très sensible, son taux s’effondre pour des
hémolyses modérées. Le dosage d'hémoglobine plasmatique est peu fiable.
Les dosages de méthémalbumine et d'hémopexine ne sont pas de pratique
courante.
Un bon moyen : le dosage des LDH plasmatiques (les LDH érythrocytaires y
sont libérées par l'éclatement intravasculaire du globule rouge), mais l'élévation
des LDH peut avoir d'autres causes.
Ce n'est donc pas un élément de diagnostic !
A retenir
L'association d’un taux normal de bilirubine non conjuguée et d'un taux normal
d'haptoglobine permet d'écarter le diagnostic d'hyperhémolyse.
D Mécanismes des hyperhémolyses
Elles sont liées à des anomalies constitutionnelles ou acquises, et l’origine est
tantôt extra, tantôt intracorpusculaire La raison pour laquelle le CR est détruit
est en règle l'une des suivantes, ou une association (Fig .6 et .7):
- sa forme est anormale d'où moindre plasticité et rétention dans les filtres
que constituent les très petits vaisseaux (notamment les cordons de Billroth dans
la rate). Cette cause sera rencontrée aussi bien dans le cas d'anomalies
constitutionnelles (sphérocytose, ellipto- cytose, drépanocytose) que dans celui
d'anomalies acquises (schizocytose) ;
- sa membrane est anormale la surface altérée est « reconnue » par les
macrophages provoquant la phagocytose. C’est vrai, pour les hématies
recouvertes d'anticorps (hémolyses immunes). mais aussi de celles dans
lesquelles des constituants dégradés font des précipités qui forment de grosses
inclusions au contact de la membrane (corps de Heinz des hémoglobines
instables, de certains déficits
Fig. .6. Exemples de mécanisme final d'hémolyse intravasculaire.

Fig. .7. Exemples de mécanisme final d'hémolyse intratissulaire.


- enzymatiques et d'intoxication par divers oxydants, de l'infestation par le
plasmodium) ;
- le complément se fixe sur le GR et le lyse directement, soit parce qu'un
anticorps apte à fixer le complément est présent à la surface (hémolysine), soit
parce que les GR sont anormalement sensibles au complément, même en
l'absence d'anticorps fixés à leur surface (Marchiafava-Micheli) ;
- la résistance des CR est moindre par anomalie métabolique, notamment
dans les zones de stagnation (rate), cela se voit aussi bien dans des anomalies
enzymatiques (pyruvate-kinase) que dans les sphérocytoses héréditaires ;
- la membrane du globule rouge est rompue par une fracture mécanique
(hémolyse par fragmentation) ou par une agression chimique.
V. MÉCANISME DES ANÉMIES DUES À UN DÉFAUT DE
PRODUCTION (ARÉCÉNÉRATIVES)
Les anémies arégénératives sont toujours dues à un défaut de production par la
moelle.
Les insuffisances quantitatives de l'érythropoïèse sont isolées ou associées à une
atteinte des autres lignées médullaires, réalisant alors une insuffisance
médullaire quantitative globale (hypoplasie et aplasie médullaire .
Les insuffisances de la lignée rouge sont toujours caractérisées par une
diminution du nombre absolu des réticulocytes se traduisant le plus souvent par
la non-augmentation des réticulocytes malgré l'anémie Le défaut de production
des réticulocytes par la moelle peut être dû à deux grands types de mécanismes :
l'absence ou la diminution du nombre des érythroblastes (insuffisance
quantitative pure) ou une anomalie qualitative de la lignée erythroblastique
entraînant la mort dans la moelle d'une partie des érythroblastes (elle est
qualifiée aussi d'érythropoïèse inefficace, d'avor- tement intramédullaire ou de
dysérythropoîèse).
Fig. .8. Mécanisme des insuffisances quantitatives de l'érythropoïèse.

A Les insuffisances purement quantitatives de l'érythropoïèse


Fig. 4.9. Mécanismes des insuffisances qualitatives de l'érythropoïèse.
Les défauts quantitatifs isolés en érythroblastes peuvent être complets, réalisant
alors une anémie anérythroblastique, syndrome rare dont les étiologies sont bien
particulières
Dans d'autres cas, les érythroblastes peuvent être seulement diminués avec une
anémie le plus souvent modérée. On observe ces défauts de production dans les
circonstances suivantes :
- le myxœdème où la diminution de la production semble résulter d'une
adaptation à la diminution des besoins d'oxygène ;
- le panhypopituitarisme par diminution de la sécrétion d'androgènes et
d'hormone de croissance (qui agissent peut-être surtout par le biais d'une
diminution de la sécrétion d’érythropoïétine) ;
- l'anémie de l'insuffisance rénale chronique associe un facteur hémolytique
à un facteur central quantitatif. Le défaut de production des érythroblastes
s’explique surtout par une diminution de la production d'érythropoïétine et
accessoirement l'accumulation de substances toxiques pour les érythroblastes
non éliminées par le rein. Le rôle essentiel du défaut en érythropoïétine est
illustré par la correction de l'anémie par l'injection d'érythropoïétine
recombinante ;
- toute inflammation prolongée où se produit rapidement une diminution
quantitative de l’érythropoïèse dont le mécanisme est complexe .
B. Les insuffisances qualitatives de érythropoïèse
La lignée érythroblastique est anatomiquement présente, voire souvent
hyperplasique, mais l'érythropoïèse est inefficace et les érythroblastes « avortent
‘’ avant d’arriver à maturation ou au stade du réticulocyte. Dans tous les cas,
ceci explique la diminution constante de la réticulocytose.
Ces insuffisances sont dues à des anomalies diverses portant soit sur la synthèse
de l'ADN, soit sur celle de l'hémoglobine
Les anomalies de la synthèse de l'ADN
Elles peuvent être la conséquence :
- d'une chimiothérapie « antimitotique » ;
- de l'absence d'un facteur vitaminique nécessaire à la synthèse de l'ADN
(acide folique ou vitamine B12) ;
- d'une anomalie constitutionnelle du métabolisme nucléaire
(dysérythropoièses congénitales) ;
- d'une dysérythropotèse acquise dans les myélodysplasies, dont le
mécanisme est encore inconnu.
Une forme particulièrement caractéristique d'insuffisance qualitative de
l'érythropoïèse est l'anémie mégaloblastique due à un défaut soit de vitamine
B12, soit d'acide folique .
Quel que soit le mécanisme intime des anomalies de la synthèse de l’ADN. elles
se traduisent par un ralentissement de la maturation nucléaire par rapport à la
maturation cytoplasmique. La concentration optimale en hémoglobine dans
l’érythroblaste est donc atteinte avant les 4 mitoses normales . Il en résulte un
arrêt précoce des mitoses et une macrocytose. La macrocytose sans anémie est.
en règle générale, la première manifestation de ce type de perturbation. L'anémie
apparaît lorsque le trouble devient suffisamment important pour entraîner la
mort intramédullaire d’une proportion importante des érythroblastes. L'anémie
garde alors généralement son caractère macrocytaire, normochrome et
arégénératif.
1. Les anomalies de la synthèse de l'hémoglobine
La microcytose est toujours le premier symptôme des défauts de synthèse
d’hémoglobine.
Elles peuvent être dues à :
- un défaut de fer dans le plasma (hyposidérémie).
- une anomalie de la synthèse de l'hème (rare) ;
- un défaut de synthèse de la globine (essentiellement dans les
thalassémies).
Dans tous les cas, la concentration corpusculaire en hémoglobine normale n’est
pas atteinte au terme du nombre normal de mitoses. Des mitoses
supplémentaires ont lieu, ce qui permet aux érythroblastes d’atteindre une
concentration corpusculaire en hémoglobine normale, ce qui aboutit à une
microcytose. sans toujours empêcher finalement l’hypochromie.
Une anémie apparaît lorsque le défaut de synthèse de l'hémoglobine est tel que
survient un avortement intramédullaire d'une partie des érythroblastes.
- L'hyposidérémie peut être due soit à :
• une diminution du fer des réserves, entraînant secondairement une
diminution du fer plasmatique (carence vraie, ; une rétention du fer dans les
macrophages ralentissant le passage normal dans la circulation, observé
essentiellement dans les syndromes inflammatoires
- Les défauts de synthèse de l'hème se traduisent souvent par l'accumulation
du fer dans les mitochondries réalisant un tableau dit d'ané-mie sidéroblastique .
- Quant aux thalassémies, l'anémie y a généralement des composantes
multiples avec, outre le défaut de synthèse de l’hémoglobine, une hémolyse
intramédullaire due à la précipitation des chaînes libres de globine dans les
érythroblastes, et une hémolyse périphérique due au même mécanisme au niveau
des globules rouges .
Tableau . Principaux mécanismes des anémies.
I. Anémies régénératives (« périphériques ») normocytaires ou
macrocytaires
A. Hémorragies aiguës abondantes
B. Hyperhémolyse
1. D’origine corpusculaire :
a) anomalie des enzymes.
b) anomalie de l'hémoglobine.
c) anomalie de la membrane.
d) Maladie de Marchiafava-Michelli.
2 D'origine extraccxpusculatre :
a) substances toxiques et toxines.
b) parasitisme,
c) agression mécanique,
d) agression immunologique.
C Phase de réparation d'un défaut ( érythropoïèse
a) apport de fadeurs déficitaires (fer. acide folique. vitamine B12,;),
b) levée d'inhibition (traitement dune inflammation),
c) arrêt d'un toxique (alcool, chimiothérapie cytopéniante).
II. Anémies arégénératives («■ centrales »)
A. Aplasies des érythroblastes : typiquement normocytaires
1. Isolée : anémie anérythroblastique, ou érythroblastopénie (défaut partiel
par déficit d'érythropoïétine ou insuffisance hormonale).
2. Dans une insuffisance médullaire globale :
a) envahissement ;
b) aplasie médullaire pure :
- destruction des cellules souches ;
- destruction du tissu de soutien.
B. Anomalie qualitative de l'érythropoïèse
1. Portant sur l’ADN : (typiquement macrocytaires) :
a) carence folique ou B12 ;
b) primitive (dys-myélopoïèse).
2. Portant sur l'hémoglobinogenèse : (typiquement microcytaires) :
a) carence en fer ou rétention dans les macrophages,
b) troubles d'utilisation du fer,
c) thalassémies.
C Causes diverses insuffisances rénales, endocriniennes, inflammatoires.
3. Cinétique d'évolution du volume globulaire moyen
En raison de la durée de vie des globules rouges ( 120 jours en l’absence
d'hyperhémolyse), il faut plusieurs semaines pour que le retentissement d'un
trouble de l'érythropoïèse se traduise par une modification du volume globulaire
moyen.
V. ANÉMIES DE MÉCANISMES MULTIPLES
L'association d'un défaut de production et d'une augmentation des pertes n'est
pas exceptionnelle. Hormis le cas particulier des thalassémies, il s'agit
généralement de l'association de deux causes différentes, par exemple
inflammation et hémolyse, insuffisance rénale et hémolyse, etc L'association
d'une hyposidérémie et d'un défaut de synthèse de l'ADN, observée en
particulier dans les doubles carences en fer et en acide folique, peut donner
naissance à une anémie dite dimorphe à la fois macrocytaire et hypochrome,
généralement arégénérative (très rare).
En resume

• Les caractéristiques physiologiques moyennes des globules rouges (VGM,


réticulocytes) permettent de classer les anémies dans de grandes catégories
physiopathologiques :
- anémies microcytaires, en règle générale arégénératives ;
- anémies non microcytaires régénératives ;
- anémies non microcytaires arégénératives.
• Cette classification, basée sur la physiopathologie, permet ensuite de
disséquer l'étape diagnostique suivante :
- anémie microcytaire, reflet d'un défaut de synthèse de
l'hémoglobinogénèse, pouvant résulter :
• d'un défaut de fer dans le plasma,
• d'un défaut, généralement constitutionnel (thalassémie), de synthèse de la
globine,
• plus rarement, d'une anomalie spécifique de la synthèse de l hème ;
- anémie non microcytaire régénérative, qui peut être due à :
• une hémorragie aiguë (diagnostic clinique),
• une hyperhémolyse (diagnostic sur les dosages de bilirubine non
conjuguée et d'haptoglo- bine),
• une réparation d'arrèt antérieur de l'érythropoïèse ;
- anémie non microcytaire arégénérative qui peut être due à :
• une hémodilution,
• un déficit essentiellement quantitatif de la production des globules rouges
(anémie de ('insuf-fisance rénale, de Thypothyroïdie, premières semaines d'une
inflammation),
• un déficit qualitatif de la synthèse de l’ADN des érythroblastes lui-même
dû soit à un déficit en acide folique ou en vitamine Bl}, à une dysérythropoïèse
acquise primitive, à une dysé- rythropoïèse congénitale, ou encore à un
envahissement médullaire par des cellules malignes

CHAP II ANEMIE MICROCYTAIRE


I. Définition= Diminution de l’hémoglobine circulante (<130g/L chez l’homme
adulte, <120g/L chez la femme) avec diminution du VGM au dessous de 80fL.
Il existe parfois une hypochromie.
L’anémie microcytaire résulte d’une anomalie de synthèse de l’Hb dans les
érythroblastes
- indisponibilité du fer pour l’hémoglobinosynthèse
- anomalie congénitale ou acquise de l’hémoglobinosynthèse
II. Circonstances de découverte
- Bilan systématique
- Signes d’anémie
- Enquête familiale
III. Enquête étiologique
Interrogatoire = âge, ATCD, prise de médicaments, profession, ethnie
IV. Clinique
1. Signes généraux
- pâleur cutanéo-muqueuse
- asthénie
2. Conséquences de l’hypoxémie
- Dyspnée
- Tachycardie,
3. Signes neurologiques (par hypoxémie)
- Céphalées, vertiges
V. Diagnostic biologique
1. Examens à réaliser systématiquement devant une anémiemicrocytaire
a. NFS

Sur sang veineux ou capillaire chez les enfants


- GR
- Hb, Ht, VGM = Ht/GR, TCMH = Hb/GR, CCMH = Hb/Ht
- GB
- Frottis sanguin (après coloration au MGG) :
o Morphologie des GR
o Formule leucocytaire
Attention :
- hémodilution : diminution Hb mais fausse anémie (femme enceinte)
- hémoconcentration : anémie cachée par un taux normal d’Hb (déshydratation)
b. Numération des réticulocytes (en valeur absolue)
Détermine le caractère régénératif ou arégénératif de l’anémie. Souvent,
l’anémie
microcytaire est arégénérative avec un nombre de réticulocytes <80-100G/L.
c. Bilan martial = examen clé
- Dosage du fer sérique (N=10-30µmol/L)
- Dosage de la transferrine (N=2-4g/L) « transporteur »
- Dosage du récepteur soluble de la transferrine (RST)
- Capacité totale de fixation de la transferrine (CTFT) (N=50-70µmol/L)
- Coefficient de saturation de la transferrine (N=20-40%) (CST) =
fer/(transferrine*25)*100
- Ferritine (N=15-200µg/L) réserves
d. Signes biologiques de l’inflammation
- VS (<10mm) CRP (<10mg/L)
- Fibrinogène (6-12µmol/L = 2-4g/L)
- _2 globulines (4-9g/L), _globulines (5-15g/L)
- Electrophorèse de l’hémoglobine
Rq : myélogramme inutile en général
2. Diagnostics et étiologies en fonction des paramètres biologiques
a. Fer sérique diminué
Fer sérique ↓ transferrine ↑, CTFT ↑, CST↓ , ferritine ↓, RST ↑ = carence
martiale
Elle peut être due à :
- défaut d’apport en fer si :
o défaut d’absorption : maladie coeliaque,
o insuffisance d’apport : vieillards, dénutris
o ↑ des besoins en fer : femmes enceintes, enfants
- pertes de sang chroniques et/ou répétées :
o digestives : ulcères, gastrites, cancers, ankylostomoses
o gynécologiques : règles abondantes, métrorragies, cancer du col ou
del’endomètre
o autres : épistaxis répétés, dons de sang répétés.

Fer sérique↓ , transferrine N ou ↓, CTFT↓, ferritine ↑ = anémie


inflammatoire
On observe aussi les signes biologiques de l’inflammation : VS accélérée, Fg ↑,
_2 et _globulines ↑, CRP ↑
Et parfois une hyperplaquettose et une polynucléose
Les étiologies sont nombreuses :
- toutes les infections, surtout chroniques, prolongées ou à répétition
- toutes les maladies inflammatoires : PR, lupus, maladie de Horton
- les affections malignes : cancers, …
L’anémie devient microcytaire au cours d’états inflammatoires sévères et
prolongés. Elle est due à une séquestration du fer dans les macrophages, à
laquelle s’ajoute une ↓ de la sécrétion d’EPO et une ↓ de la durée de vie des
GR.
Carence martiale + anémie inflammatoire :

b. Fer sérique N ou ↑ (bilan martial normal)

thalassémie = trouble de synthèse des chaînes de globine


- Forme majeure (homozygote)
o Anémie microcytaire et hypochrome profonde
o Nombreuses anomalies des GR : cellules cibles, poïkilocytose, annulocytes…
o Electrophorèse de l’Hb : 50 à 95% d’Hb F ; 5 à 45% d’Hb A ; taux d’Hb A2
N
ou ↑

Saturnisme = trouble de synthèse de l’hème par le plomb


- Anémie tardive, souvent modérée, longtemps normocytaire
- Plombémie > 700 µg/L
- Fer sérique et ferritine ↑ souvent
- Hématies à ponctuations basophiles
Anémie sidéroblastique
Résume

Arbre décisionnel

Anémie par carence martiale


- Cause la plus fréquente d'une anémie
- Conséquence d'une anomalie de synthèse de l'hème dans les érythroblastes par
défaut de fer
I. Physiopathologie :
1-diminution des réserves : fer sérique normal
2- diminution du fer sérique circulant et CTF diminué
3- trouble de l'érythropoïèse : anémie hypochrome, microcytaire
II. Circonstance de découverte
Souvent bien tolérée car installation progressive
Syndrome anémique : pâleur , asthénie, dyspnée, hypoxie tissulaire,
céphalées,vertiges, tachycardie
Signes tardifs : fragilité cheveux, ongles, perlèches, stomatite, dysphagie,
gastrite, glossite
Enfants : troubles psychomoteurs
III. Diagnostic biologique : AVANT TRAITEMENT
1. NFS:
- anémie : Hb < 13 g / dl homme
< 12 g/dl femme
- microcytaire : VGM < 80 fl
- hypochrome : TCMH < 27 pg CCMH < 32
- GB normaux
- Plaquettes augmentées
- Frottis : anisocytose, poïkylocytose ; hématies pâles, centre décoloré, hématies

cibles
- Réticulocytes : < 125. 10 9 / L
2. Bilan martial :
- Fer sérique ou sidérémie : abaissé, N : 13-20 µmol / L (attention au troisième
trimestre de grossesse)
- Ferritinémie abaissée (N : 30-200 ug / L homme, 20-100 µg / L femme)
- Ferritine intra-érythrocytaire abaissé (stock)
- Transferrine augmentée
- CTF transferrine augmentée (N : 45-70 µmol / L)
- CS transferrine abaissé (N : 15-40 %)
3. Bilan inflammatoire normal :
Fg, CRP, alpha 2 globine
4. Autres :
- myélogramme inutile
- Groupe sanguin ABO, Rhésus + RAI
IV. Diagnostic étiologique :
1. Interrogatoire :
Médicaments (AVK, aspirine)
2. Examen clinique :
méléna,
3. Carence d'apport :
Nourrisson, grossesse, allaitement, végétarien
4. Trouble de l'absorption du fer :
- Chélateurs de fer : thé,
- Maladie cœliaque, maladie de Crohn, résection iléale, gastrectomie (en général
non isolée)
5. Perte :
- hémorragies digestive : fibroscopie : ulcère gastroduodénal,
- hémorragies génitales : ménorragie, métrorragie, Willebrand, cancer, fibrome
- Autres : dons de sang répétés, ankylostome, anguillulose
V. Diagnostic différentiel
1. Anémie microcytaire hyposidérémique :
Anémie inflammatoire : ferritinémie augmentée, CTF normale
2. Anémie microcytaire non hyposidérémique :
Thalassémie, myélodysplasie, saturnisme, carence en vitamine B6, anémie
sidéroblastique congénitale

Anémie inflammatoire
Les anémies inflammatoires sont fréquentes et peuvent s'observer au cours de
nombreuses pathologies: maladies de système, maladies infectieuses, maladies
néoplasiques. Le traitement d'une anémie inflammatoire est essentiellement
celui de sa cause.
Physiopathologie
Plusieurs facteurs interviennent dans le mécanisme physiopathologique de
l'anémie inflammatoire, qui est liée avant tout à une insuffisance de
l'érythropoïèse résultant de l'inhibition des progéniteurs érythroïdes et d'une
perturbation de la synthèse et de l'action de l'érythropoïétine
Un trouble du métabolisme du fer interviendrait également : lors du
phénomène inflammatoire, les macrophages séquestrent le fer libéré par
l'hémolyse (la coloration de Pérls montrerait dans la moelle des macrophages
riches en hémosidérine, avec absence de sidéroblastes, qui sont des
érythroblastes contenant des grains de fer).

Cette difficulté de mobilisation du fer à partir des réserves entraîne une


diminution de synthèse de l'hémoglobine, d'où une augmentation
réactionnelle du nombre de mitoses responsable d'une microcytose. La
diminution du taux de la transferrine plasmatique; (protéine porteuse du
fer) est liée d'une part à son hypercatabolisme dans le foyer inflammatoire,
d'autre part à la diminution de sa synthèse (les réserves en fer étant pleines, ce
dont témoigne le taux normal ou élevé de ferritine).
Enfin, un raccourcissement modéré de la durée de vie des hématies (c'est-
à-dire une hémolyse) est observé.
Une anémie inflammatoire peut connaître deux phases évolutives :
- L'anémie est initialement normochrome normocytaire arégénérative.
- L'inflammation persistant, l'anémie peut devenir microcytaire et hypochrome.
Diagnostic
Clinique
- L'anémie est souvent cliniquement bien supportée car elle est d'installation
progressive. Le plus souvent, elle n'est pas révélatrice mais découverte dans le
bilan de la maladie causale.
Dans une forme évoluée cependant, elle peut devenir symptomatique :
dyspnée d'effort,
Un syndrome inflammatoire clinique peut dans certaines étiologies être au
premier plan (fièvre, sueurs, altération de l'état général).
- On note les signes propres à la maladie causale.
Biologie
- Anémie de profondeur variable (le plus souvent modérée, entre 9 et 11 g/dL,
arégénérative, normochrome, normocytaire ou dans une forme évoluée un peu
microcytaire (VGM entre 70 et 80 fL)
- Thrombocytose et hyperleucocytose à polynucléaires fréquentes.
- Biologie du syndrome inflammatoire :
. Fer sérique abaissé et capacité totale de fixation (CTF) de la transferrine
normale ou abaissée (donc coefficient de saturation (CS) normal ou pas aussi
diminué que dans une carence en fer) ; ferritinémie souvent élevée.
. Vitesse de sédimentation augmentée, fibrinogénémie augmentée, hypergamma
et hyper -alpha-2-globulinémie, haptoglobinémie élevée, CRP (C réactive
protein) élevée.
Diagnostic étiologique
Diagnostic différentiel
Diagnostic différentiel d'une anémie normochrome normocytaire arégénérative
Diagnostic différentiel d'une anémie microcytaire : deux diagnostics principaux
- Thalassémie : origine géographique, notion familiale, réticulocytose élevée,
électrophorèse de l'hémoglobine, fer sérique normal ou élevé, VS normale.
- Anémie ferriprive : CTF élevée, ferritinémie effondrée, VS normale.
Attention à l'association d'une anémie inflammatoire avec une anémie
d'autre origine : ferriprive (exemples : cancer du colon avec hémorragie
occulte; pathologie
.
Les syndromes thalassémiques
I. Définition :
Groupe d’hémoglobinopathies (héréditaires autosomales récessives)
caractérisées par la diminution ou l’absence de production des chaînes de
globine _ β ou _α normales : la modification du ratio α β _ / _α est
responsable de la physiopathologie.
Cette insuffisance de synthèse d’une chaîne avec excès de l’autre type est
responsable d’une anémie hémolytique, corpusculaire, microcytaire, dont la
sévérité dépend du nombre résiduel de chaînes de globine _ β ou α _
fonctionnelles. La gravité va dépendre du type de chaîne déficiente ou du
caractère homozygote ou hétérozygote du déficit. Les thalassémies peuvent être
séparées en deux catégories majeures en fonction du type de chaînes de globine
atteintes :
les _ α thalassémies s’observent plus fréquemment chez les sujets d’origine
africaine ou asiatique, et les _ B thalassémies sont observées dans les
populations africaines, asiatiques et méditerranéennes. Dans les deux cas, ces
maladies héréditaires peuvent exister à l’état hétérozygote (traits
thalassémiques) ou homozygote (maladie). La répartition géographique
des B -thalassémies se superpose à celle du plasmodium falciparum (l’ α _
thalassémie confère une résistance aux parasites, opérant une sélection
naturelle).
.
II. Techniques générales d’aide au diagnostic
1. Les prélèvements :

Pour la plupart des explorations d’une hémoglobinopathie, un tube de sang


total recueilli sur EDTA suffit. Le diagnostic d’une drépanocytose chez un
nouveau-né peut même être réalisé sur un échantillon d’une centaine de
microlitres de sang.
L’idéal est de travailler sur du sang frais. Le délai de conservation au-delà de
trois ou quatre jours peut faire apparaître des fractions hémoglobiniques
dénaturées qui peuvent poser des problèmes diagnostiques avec certaines
hémoglobines en très petite quantité ; de même, la méthémoglobine, qui
représente moins de 1 % de l’hémoglobine à l’état normal, peut augmenter
dans les prélèvements vieillis
Un tube de sang sur EDTA, pour la numération globulaire et la formule
leucocytaire ainsi que la numération des réticulocytes (sur automate ou après
incubation en présence de bleu de crésyl brillant).
Un prélèvement de sang sur EDTA, ACD ou héparine, ou un hémolysat évite
l’apparition de fractions d’hémoglobines dénaturées.
2 Techniques spécifiques d’exploration des hémoglobinopathies
a/ Techniques électrophorétiques et chromatographiques
a1/ Electrophorèse sur acétate de cellulose à pH alcalin
C’est la technique standard la plus simple à mettre en œuvre. Elle sépare les
différentes hémoglobines en fonction de leur charge et de la position de l’acide
aminé muté dans la molécule.
Elle permet une bonne séparation des différentes fractions hémoglobiniques
normales : A, F, A2 et le dépistage des syndromes thalassémiques.
Cependant il faut doser l’hémoglobine A2 pour confirmer le diagnostic de β-
thalassémie et utiliser un autre système de séparation pour identifier les
hémoglobines anormales.
Un tracé normal n'exclut pas une hémoglobinopathie.
a2/ Electrophorèse sur agar à pH acide
Cette technique complète l’électrophorèse à pH alcalin. La migration d’une
hémoglobine anormale en agar dépend d’abord de la localisation de la mutation
et secondairement du changement de charge et de l’effet del’ion citrate.
En effet, elle permet de séparer les variants ayant la même mobilité que les
hémoglobines A, S ou C sur acétate de cellulose. Elle permet une très bonne
séparation des hémoglobines A et F, ce quin’est pas le cas dans l’électrophorèse
à pH alcalin.
Cependant la mise en évidence de mutants de même mobilité que l’hémoglobine
A n’est pas possible par cette seule technique. De plus, les anomalies
qualitatives observées sur les tracés doivent être précisées par dosage.
3. Bilan classique d’hémolyse :
Bilirubine libre, haptoglobine, fer sérique, LDH.
III. Diagnostic des B_ thalassémies:
1 β-thalassémie homozygote
La forme homozygote habituelle est l’anémie de Cooley.
La maladie apparaît au cours des premiers mois de la vie lorsque s’effectue la
commutation entre hémoglobine fœtale et hémoglobines adultes. Elle se traduit
par un syndrome anémique trèssévère, une hépato-splénomégalie, un retard de
croissance.
Non traitée, la maladie évolue spontanément vers le décès en quelques mois ou
années dans un tableau d’anémie parfois aggravé par des infections
intercurrentes. Cette pathologie nécessite des transfusions sanguines régulières
accompagnées d’un traitement chélateur du fer et généralement d’une
splénectomie en attendant une greffe de moelle.

-thalassémie intermédiaire
La définition de cette entité est purement clinique : elle est caractérisée par une
bonne tolérance à l’anémie sans asthénie. Le retentissement sur l’état général est
le plus souvent modéré.
Cependant la puberté est souvent retardée, mais généralement complète. La
splénomégalie est habituelle dans ces formes de thalassémie ; elle peut évoluer
vers un hypersplénisme et rendre compte des besoins transfusionnelles.

-thalassémie mineure
C’est la forme le plus souvent observée chez les sujets hétérozygotes.
La traduction en est essentiellement hématologique avec une discrète anémie
microcytaire pseudo-polyglobulique. Toutes les complications des

-thalassémies intermédiaires peuvent être


observées mais leur fréquence et leur gravité sont infiniment moindres :
splénomégalie, ulcères de jambes, lithiase vésiculaire.

-thalassémie silencieuse
Il s’agit d’une forme inapparente de β-thalassémie, même sur le plan
hématologique et l’hémoglobine A
Diagnostic biologique des β-thalassémies
Anomalies hématologiques
III. Diagnostic des α _ thalassémies:
Classification clinique des α-thalassémies
Les α-thalassémies s’expriment selon quatre formes cliniques, en fonction du
nombre de gènes défectueux ou absents. En pratique, cette classification doit
être nuancée par la différence d’expression des gènes α1 et α2.
1/ Anasarque fœtal de Bart
Il s’agit de l’absence totale de gène α fonctionnel. Cette anomalie est à l’origine
d’une anémie hémolytique extrêmement sévère durant la vie fœtale, conduisant
à la mort in utero .
2/ Hémoglobinose H
Elle se rencontre le plus souvent chez des patients d’origine asiatique ou
méditerranéenne et exceptionnellement dans la race noire. Elle se présente
comme une anémie hémolytique assez grave, accompagnée de pâleur, d’ictère
cutanéo-muqueux et de splénomégalie ; la survenue d’une lithiase en est une
complication fréquente..
3/ α-thalassémie 1 ou α-thalassémie mineure
Deux gènes sont délétés et seule existe une discrète anémie microcytaire.
4/ α-thalassémie 2 ou α-thalassémie silencieuse
Quand il reste trois gènes normaux, l’α-thalassémie est pratiquement
asymptomatique en dehors de la présence d’hémoglobine Bart
Anomalies hématologiques
La drépanocytose

La drépanocytose (ou hémoglobinose S) est une anémie hémolytique


corpusculaire constitutionnelle liée à une anomalie de structure des chaînes bêta
de la globine. Cette maladie génétique pose un problème de santé publique dans
certains pays, notamment en Afrique.

Physiopathologie

- La maladie est liée à une mutation ponctuelle responsable d'une substitution,


sur la chaîne bêta de la globine, d'un acide glutamique (porteur d'une charge
électrique négative) par une valine (non chargée électriquement) :
l'hémoglobine S qui en résulte ne diffère donc de l'hémoglobine A que par
un acide aminé en position 6 de la chaîne bêta. Les chaînes alpha, normales, se
combinent avec les chaînes bêta S pour former l'hémoglobine S, dont la charge
électrique diffère de celle de l'hémoglobine A : la différence de migration en
électrophorèse permet de les différencier.

- Quand baisse la pression en oxygène, l'hémoglobine S désoxygénée, très peu


soluble, se polymérise avec d'autres molécules d'hémoglobine S et précipite
dans le globule rouge qui se déforme alors en faux ("drépanocyte").

- Ces hématies rigides se bloquent dans les petits vaisseaux et y forment


des agglutinats disséminés qui sont source d'infarctus douloureux et entraînent
une hypoxie d'aval entretenant le phénomène de falciformation. Les hématies
bloquées sont phagocytées par les macrophages, d'où une hémolyse (mais
l'anémie qui en résulte est relativement bien supportée en raison de la
diminution d'affinité de l'hémoglobine pour l'oxygène, qui favorise
l'oxygénation tissulaire). En conséquence, la symptomatologie de la
drépanocytose est à la fois vasculaire (thrombotique) et hémolytique.

- Maladie héréditaire, transmise sur le mode autosomique récessif : seuls


les sujets homozygotes sont malades, car l'hémoglobine A des sujets
hétérozygotes (qui représente plus de 50 de leur hémoglobine) empêche la
falciformation.

- Répartition géographique : sujets noirs (mais des formes existent aussi


dans le bassin méditerranéen et aux Indes).

Drépanocytose homozygote : les deux gènes bêta ont muté


C’est une maladie grave, évoluant à la fois sur un mode chronique et sur un
mode aigu :

Complications aiguës : elles se manifestent dès l'enfance.

- Crises drépanocytaires douloureuses (accidents vaso-occlusifs) d'allure


paroxystique et desurvenue rapide, migratrices, souvent déclenchées par une
infection, une hypoxie (altitude,avion), le froid, la déshydratation.

. Ces crises peuvent toucher tous les territoires : abdominal (douleurs pseudo-
chirurgicales),

ostéo-articulaire, thoracique, splénique, rénal, etc.

. Toute crise douloureuse chez un sujet noir doit faire évoquer une
drépanocytose homozygote.

. Ces crises peuvent poser des problèmes de diagnostic différentiel selon leur
localisation :

ostéomyélite, appendicite, etc.

- Accidents vaso-occlusifs graves : neurologiques (mono ou hémiplégie),


pulmonaires (infarctus responsable d'insuffisance respiratoire), osseuse (nécrose
de hanche), rétinopathies,

etc…

- Infections touchant les malades aspléniques (au terme d'une involution


progressive de la rate par infarctus spléniques successifs) : pneumocoque,
méningocoque.

Méningite, septicémie et ostéomyélite sont les expressions les plus


fréquentes de ces infections.

- Episodes de déglobulisation aiguë :

. D'origine périphérique (hyperhémolyse ou séquestration splénique aiguë).

. D'origine centrale (érythroblastopénie lors d'une primo-infection par le


parvovirus B19 ou carence en folates)

Complications chroniques : les crises drépanocytaires sont souvent


spontanément résolutives,mais la répétition des thromboses et des infarctus
tissulaires multiples aggrave l'état viscéral et induit de graves défaillances
organiques séquellaires. Chez l'enfant, la maladie retentit inconstamment sur
la croissance (retard stature-pondéral), la puberté, la psychologie et la
scolarité. Avec une thérapeutique bien conduite, l'âge adulte est atteint, mais la
mort peut survenir au bout de quelques décennies.

Examen clinique en phase stationnaire (sans complications)

- L'anémie est souvent bien supportée, sans besoin transfusionnel. Un


subictère lié à l’hémolyse est possible.

- Une splénomégalie peut-être retrouvée chez l'enfant; chez l'adulte, pas de


splénomégalie à la suite des infarctus spléniques répétés, mais plutôt une
asplénie.

- L examen clinique est surtout important pour éliminer, lors des crises
drépanocytaires douloureuses, un diagnostic différentiel.

- L'origine ethnique et une notion familiale (les parents, asymptomatiques, sont


porteurs d'un gène sain et d'un gène atteint) sont des éléments importants du
diagnostic

HÉMOGRAMME D'UNE DRÉPANOCYTOSE

- Anémie régénérative, normochrome et parfois macrocytaire (en raison de

l'hyperréticulocytose)

- Hyperleucocytose à polynucléaires et thrombocytose modérées.

- Frottis sanguin : drépanocytes (hématies falciformes), anisocytose,


poikilocytose, polychromatophilie.

- Hémoglobine A2 à un taux normal


- Hémoglobine S majoritaire
- Hémoglobine F à un taux parfois élevé (jusqu'à 20%)
- Hémoglobine A absente (sauf en cas de transfusion récente).
- Les sujets AS ont une résistance au paludisme.
- Hémogramme et frottis sanguins normaux.
- Électrophorèse de l'hémoglobine : bandes d'hémoglobine S (30 à 45) et
d'hémoblobine A (qui reste majoritaire); taux normaux d'hémoglobine A2 et
d'hémoglobine F.
- L'intérêt du dépistage des patients hétérozygotes est le conseil génétique.

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