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mystérieux commanditaire de
l’attaque terroriste
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La rédaction de Mondafrique
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26 août 2020
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En ce 16 janvier 2013, plus de 130 des 800 employés travaillant sur le site
sont des expatriés de près de 30 nationalités différentes. Les autres sont
algériens. Lorsque l’armée algérienne a repris le contrôle de l’usine, le 19
janvier, près de 80 personnes étaient mortes: 40 expatriés, 29 des 32
terroristes et 9 ou 10 Algériens, parmi lesquels au moins un garde.
Une fusillade s’ensuivit entre les assaillants armés et les gendarmes qui
escortaient le bus. Elle dura environ 45 à 60 minutes. Bien que criblé de
balles, le bus ne fut pas pris et aucun de ses passagers ne mourut. A un
certain moment, certains des assaillants, comprenant, peut-être, que le bus
était trop bien défendu, s’éloignèrent et s’introduisirent à l’intérieur de
Tiguentourine, après des échanges de coups de feu avec les trop faibles
forces de sécurité qui défendaient le site. Certains pénétrèrent à l’intérieur de
la Base de Vie (BdV) à l’extrême sud du complexe; d’autres se dirigèrent vers
la zone de production, où se trouvent l’Installation Centrale de Traitement
(CPF) et la Base Industrielle d’Opérations (IBO), trois kilomètres au nord de
la BdV et reliée à celle-ci par une route goudronnée.
Vers 07h00, ou juste avant, alors que les assaillants se trouvaient tous
désormais à l’intérieur de la plateforme, les soldats de la base militaire d’In
Amenas arrivèrent sur place et commencèrent à encercler l’usine, prenant au
piège les 32 terroristes à l’intérieur de son périmètre.
Le siège de quatre jours qui suivit fut un cauchemar pour les otages ainsi que
pour ceux qui essayaient de rester cachés pendant que les terroristes les
traquaient. Lorsque l’armée algérienne reprit le contrôle des lieux, 80
personnes étaient mortes.
John Schindler
Le GIA était une création du DRS; utilisant des méthodes soviétiques
d’infiltration et de provocation, l’agence l’organisa pour discréditer les
extrémistes. La majorité des leaders du GIA était des agents du DRS, qui ont
jeté le groupe dans la fuite en avant des crimes de masse, tactique brutale
qui discrédita le GIA partout en Algérie. Ses opérations majeures furent
l’oeuvre du DRS, y compris la vague d’attentats commis en France en 1995.
Certains des massacres de civils les plus spectaculaires furent commis par
des unités militaires spéciales se faisant passer pour des moujahidine ou par
des unités du GIA contrôlées par le DRS. (R.43)
Le fait que les assaillants d’In Amenas avaient pu traverser sans se faire
repérer l’une des zones militaires les plus sûres d’Algérie, protégée, selon
l’armée algérienne, par environ 7 000 membres des forces armées, était
suspect. Tout aussi suspect était le fait que les autorités algériennes
donnèrent cinq versions différentes en cinq jours du trajet emprunté par les
terroristes. (R.42).
Bouchneb, qui fut tué pendant le siège, était connu de l’auteur pour avoir été
le responsable des enlèvements et du trafic de drogue autour d’Illizi (Djanet),
dans la région du sud-est de l’Algérie et au Fezzan libyen voisin. Il était aussi
connu pour être un visiteur fréquent du camp d’entraînement d’Al Qaida à
Tamouret, géré par le DRS, au sud d’In Amenas.
Lors du siège d’In Amenas, l’armée algérienne avait capturé trois terroristes.
Selon certaines sources, ils auraient été pris à l’intérieur du site; selon
d’autres, ils se seraient échappés mais auraient été rattrapés ultérieurement
par une unité de l’armée à l’extérieur. Leurs noms, probablement faux – –
Derouiche Abdelkader (alias Abou al Barra), Kerroumi Bouziane (alias.
Redouane) et Laaroussi Ederbali – ont été publiés par le quotidien algérien El
Watan, proche du DRS, et ainsi portés à la connaissance des autorités
britanniques et américaines (R.153f.).
Les trois terroristes avouèrent qu’ils avaient été armés par le général
Abdelkader Aït Ouarabi (alias Hassan), commandant le célèbre Groupement
d’Intervention Spécial (GIS), la force de frappe du DRS. (voir IIe partie) et le
Service de coordination opérationnelle et de renseignement antiterroriste
(SCORAT). Cette information fournit au général Gaïd Salah les munitions dont
il avait besoin pour entreprendre le démantèlement du DRS puis la chute et
l’emprisonnement du général Hassan d’abord et du général Mediène, enfin.
(voir IVe partie).
Le pays qui perdit le plus de ressortissants dans l’attaque fut le Japon. Dix
employés de la compagnie japonaise JGC Corp furent tués. Le 5 décembre
2015, près de trois ans après l’attentat, le journal japonais Nikkan-
Gendai affirmait s’être procuré des interceptions audio surprises lors de
l’assaut final des terroristes par l’armée algérienne à l’intérieur du site de
Tiguentourine. Les interceptions, certifiées authentiques, révèlent que les
terroristes croyaient bénéficier d’une certaine protection du commandement
militaire algérien. L’un d’eux, Abdoul Afman, dit ces mots: « L’armée a violé
son serment et nous a déçus! Ils (l’armée algérienne) ont frappé les véhicules
transportant les otages et nos amis, et tout le monde est mort! » Un certain
Abderrahmane crie: « Le gouvernement algérien n’a pas de
parole. » (R.189).
C’est en mars 2016, plus de trois ans après In Amenas, que le dernier clou
sur le cercueil de l’implication du DRS dans l’attentat fut rendu public, quand
Wikileaks publia les emails privés de la Secrétaire d’Etat américaine de
l’époque, Hillary Clinton (R.195). Pendant le siège, madame Clinton reçut
deux emails, les 17 et 19 janvier (2013), de Sidney Blumenthal, l’ancien
conseiller à la Présidence de Bill Clinton que madame Clinton continuait
d’employer à titre privé en tant que Secrétaire d’Etat. Dans le premier mail,
Blumenthal informait madame Clinton que le gouvernement Bouteflika était
surpris et désorienté par l’attentat d’In Amenas, ayant conclu un accord
secret avec MBM en avril 2012 selon lequel MBM cantonnerait ses opérations
au Mali ou aux intérêts marocains dans le Sahara occidental mais seulement
avec « l‘encouragement » du DRS (R.197-202). Le deuxième email confirmait
que le DRS avait reçu l’ordre [de la Présidence et/ou du gouvernement) de
rencontrer MBM ou ses lieutenants dans le nord de la Mauritanie pour
découvrir pourquoi « MBM avait violé son engagement et lancé des attaques
à l’intérieur de l’Algérie ». (R.200).
Il faut noter deux choses concernant ces emails. Tout d’abord, l’auteur pense
que l’accord entre MBM et le gouvernement Bouteflika en vigueur en avril
2012 est la continuité de l’accord conclu par MBM avec le DRS dans la période
2001-2003, dont l’auteur a été le témoin. Deuxièmement, la raison pour
laquelle la Présidence et le gouvernement sont surpris par la violation de cet
accord par MBM est qu’ils ne savent pas que MBM, précisément, n’a pas, en
réalité, violé son engagement. Au moment où Blumenthal envoie ses emails à
Hillary Clinton, les 17 et 19 janvier, l’armée ne connaît pas encore le rôle qu’a
joué le général Hassan dans l’armement des terroristes. Il n’est donc pas
étonnant que la Présidence soit surprise d’apprendre, par ses services de
renseignement – le DRS – que MBM est derrière l’attaque. En fait, la
Présidence n’a alors aucun moyen de savoir que le DRS–qui était
effectivement un Etat dans l’Etat – a parrainé l’attentat, du moins jusqu’à la
fin de l’interrogatoire des trois terroristes capturés par l’armée, à une date
ultérieure au deuxième email de Blumenthal le 19 janvier.
Même si nous avons désormais des preuves écrasantes du fait que c’est le
DRS, et non MBM et AQMI, qui ordonna l’attentat d’In Amenas, il reste deux
questions essentielles: Quel était le mobile du DRS pour ordonner cette
attaque ? Et pourquoi l’opération fut un désastre ?
Ces deux questions trouveront leur réponse dans la IIe partie de notre série.
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Ceux qui soupçonnaient, ou même qui savaient, que le DRS algérien était
d’une manière ou d’une autre impliqué dans l’attentat, soutenaient que le
DRS était fâché par l’autorisation de survol de l’Algérie accordée par le
Président Bouteflika à la flotte française pour attaquer les djihadistes du nord
du Mali, car cette décision transférait effectivement le contrôle du Mali et du
Sahel –arrière-cour du DRS – à la France. Le DRS aurait surtout été
mécontent de ce que l’offensive française mettait en danger la vie de ses
propres agents sur place, tels que Abdelhamid Abou Zaïd and Iyad ag Ghali.
Si le DRS peut en effet avoir été contrarié par l’assistance apportée par le
Président Bouteflika à la France, ce qui pourrait accréditer la thèse d’une
implication du DRS dans l’opération d’In Amenas pour se venger et mettre
Bouteflika dans l’embarras à l’extérieur des frontières, la préparation et la
mise en œuvre d’une telle opération sous faux pavillon par le DRS en si peu
de temps paraît difficile, voire presque impossible. Il est donc plus
vraisemblable que le mobile de l’attaque soit à rechercher dans les
événements qui ont précédé l’intervention militaire de la France au Mali.
Mais une brève incidente est nécessaire pour expliquer les tensions existant
entre le DRS et la présidence Bouteflika, le ressentiment du DRS contre
l’intervention de la France au Mali et l’implication du DRS lui-même au Mali.
Les rébellions touareg ont été récurrentes dans l’histoire post-coloniale aussi
bien du Niger que du Mali, avec un dernier épisode dans ces deux pays en
2007. Toutefois, tandis que la rébellion au Niger était largement apaisée en
2010, celle du Mali flamba de plus belle en 2011, avec le retour de centaines
de Touaregs très en colère et lourdement armés, contraints de quitter la
Libye après la chute du régime de Kadhafi. Fin 2011, les rebelles touaregs du
Mali ainsi renforcés, désormais organisés sous le nom de Mouvement national
de libération de l’Azawad (MNLA), menaçaient sérieusement l’Algérie, dont
l’extrême sud est sensible à l’irrédentisme touareg.
Le Rapport sur In Amenas a conclu que l’événement décisif qui avait été la
cause de l’attaque d’In Amenas était un abandon progressif de l’Algérie, ou
plutôt du DRS, par les Etats-Unis et le Royaume-Unis, et à moindre échelle,
par la France (R.45). Durant les deux ans qui ont précédé la révolution
libyenne de 2011, les relations entre l’Algérie et ses alliés occidentaux
s’étaient tendues. La cause en était une histoire complexe commencée en
2003, quand l’Algérie, nouvel allié des Etats-Unis dans la guerre globale
contre la terreur (GWOT), entreprit la première d’une série d’opérations sous
faux pavillon permettant aux Etats-Unis de lancer le « second front » ou
« front trans-saharien »de sa guerre globale contre la terreu
Abderrazak El Para
Même si les opérations sous faux pavillon d’El Para avaient aidé les Etats-Unis
à légitimer leur guerre globale contre le terrorisme, elles plaçaient cependant
les Etats-Unis et leurs alliés, particulièrement britanniques, dans une position
éthique discutable de couverture du terrorisme d’Etat algérien. Vers 2010, les
Etats-Unis et la Grande-Bretagne, qui à ce moment-là avaient développé des
alliances anti-terroristes fortes avec le DRS, commencèrent à s’inquiéter de
plus en plus de l’infiltration tellement profonde d’AQMI par le DRS que
beaucoup de gens dans la région considéraient qu’AQMI et le DRS étaient
finalement la même organisation. L’Occident s’inquiétait aussi de la nature et
de l’échelle de l’implication du DRS dans les activités criminelles, notamment
le trafic de drogue et les enlèvements d’otages, certains analystes parlant
même désormais de l’Algérie comme d’un Etat « mafieux ».
Le problème, en permettant à une relation aussi dangereuse de se perpétuer
et de se développer, n’était pas seulement que cela soulevait la question de
la complicité des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne avec le terrorisme,
mais aussi que les deux pays étaient devenus tellement dépendants du DRS
en matière de renseignement qu’ils n’étaient plus capables de comprendre
vraiment ce qui se passait dans la région.
Vers la mi -2011, les relations entre l’Algérie et l’Occident – surtout les Etats-
Unis, la Grande-Bretagne et la France, se détériorèrent, alors que les alliés de
l’OTAN commençaient à comprendre que l’Algérie soutenait en secret le
régime de Kadhafi, par une aide militaire et logistique substantielle. L’année
suivante, les mêmes pays furent contraints de lire les rapports prouvant
l’implication du DRS, leur partenaire dans la lutte antiterroriste, dans le
soutien à l’insurrection islamiste au Mali.
Après cette réprimande, l’Algérie envoya l’un de ses plus durs apparatchiks,
Sadek Bouguetaya, participer au rassemblement des tribus libyennes convié
par Kadhafi le 8 mai. Dans un discours populiste, Bouguetaya fit part du
soutien inconditionnel de l’Algérie à Kadhafi et condamna les opérations de
l’OTAN en Libye. Il qualifia d’héroïques les efforts de Kadhafi pour se
maintenir au pouvoir, ajoutant qu’il était sûr que le peuple libyen vaincrait la
France, comme les forces révolutionnaires algériennes l’avaient fait en 1962.
Encore pire pour les alliés de l’OTAN, à cause de leur implication antérieure
dans des opérations terroristes clandestines à travers l’association du P2OG
avec le DRS, les Etats-Unis n’eurent pas d’autre choix que d’avaliser les
démentis algériens. L’humiliation suprême fut atteinte le 1er juin, lorsque le
général Carter Ham, commandant d’AFRICOM, fut envoyé à Alger pour y
prononcer un discours très médiatisé dans lequel il disait qu’il « ne pouvait
voir aucune voir aucune preuve » du soutien de l’Algérie à Kadhafi.
Le discours du général Ham faisait partie d’un accord global conclu lors de
discussions entre des officiels français et américains de haut niveau et le DRS
algérien. Ces pourparlers avaient deux objectifs. Le premier était de faire
échapper le régime algérien au sort de Ben Ali en Tunisie, de Moubarak en
Egypte et bientôt, espérait-on, de Kadhafi, en l’encourageant à mettre
rapidement en œuvre des réformes politiques significatives. L’autre était de
réhabiliter effectivement le régime algérien auprès de l’OTAN et du
Pentagone. L’accord était à la fois une réaffirmation de l’importance
stratégique de l’Algérie pour les Etats-Unis et un rappel aux deux parties
qu’ils partageaient trop d’opérations de renseignement clandestines récentes,
à la lumière de leurs activités conjointes P2OG-DRS dans le GWOT, pour se
fâcher. En résumé, ni les Etats-Unis, ni l’Algérie ne pouvaient se permettre la
révélation de leurs sales affaires au grand jour. La substance de l’accord était
que l’Algérie cessait de soutenir Kadhafi tandis que les Etats-Unis sauvaient
l’Algérie de la condamnation internationale en réitérant l’absence de preuve
énoncée par le général Carter Ham sur le soutien de l’Algérie à Kadhafi.
Après son soutien à Kadhafi et sa manipulation de l’insurrection islamiste au
Mali, le DRS a sans doute compris qu’il tirait sur la corde de la coopération
au-delà de ce que l’Occident pouvait accepter et que ses relations avec les
puissances occidentales clé, en particulier le Royaume-Uni et les Etats-Unis,
et peut-être même la France, devraient inéluctablement être réexaminées.
C’est ainsi qu’il lança un avertissement à l’Ouest, sous la forme d’un article
publié dans le journal algérien El Khabar le 12 novembre 2012 (R.47; 61-2;
136-42; 220-23; 246-50), tout juste deux mois avant l’attaque d’In Amenas.
L’article, écrit par un journaliste connu pour ses liens avec le DRS, avait pour
objet de mettre en garde l’Occident et de lui rappeler que l’Algérie était le
seul pays de la région réellement capable de contrer le terrorisme. La
principale histoire racontée par l’article – désinformation – décrivait comment
les forces de sécurité algériennes avaient démantelé un réseau terroriste
mené par Mohamed Lamine Bouchneb, qui devait peu de temps après
conduire l’attaque d’In Amenas. Selon le journal, ce réseau menaçait des
installations pétrolières/gazières dans la région de Hassi Messaoud.
Autrement dit, le DRS rappelait à l’Occident qu’il était le gendarme de la
région appointé par l’Ouest et qu’il n‘abandonnerait pas ce rôle facilement.
Ce que les assaillants ne savaient sans doute pas, c’est que le DRS et les
commandants de l’armée conduisant le siège se disputaient le
commandement supérieur. L’armée, en ce temps-là, ignorait complètement
que l’attaque avait été orchestrée par le DRS, d’où l’insistance du général
Athman « Bashir » Tartag, le commandant du DRS sur le site, pour assumer
le commandement supérieur de la situation. L’armée ne savait probablement
rien du jeu du DRS jusqu’à l’interrogatoire des trois terroristes faits
prisonniers. De même, il est possible, après le matin du 17 janvier, le
deuxième jour du siège, quand un hélicoptère tira dans la base de vie
blessant Bouchneb lui-même, que les assaillants aient pensé qu’ils avaient
été trahis. En effet, les pertes élevées en vies humaines, tant des otages que
des terroristes, furent certainement la conséquence des ordres donnés à
l’armée par le général Tartag d’ouvrir le feu sur les cinq véhicules – où se
trouvaient les otages et les terroristes – tandis qu’ils essayaient, plus tard ce
deuxième jour, de se précipiter de la base de vie vers la zone de production.
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28 août 2020
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Dès le début, il y eut des signes que l’implication du DRS dans l’attaque d’In
Amenas allait être couverte par les alliés occidentaux de l’Algérie, en
particulier les Etats-Unis, le Royaume Uni et la France. Après les premières
expressions d’indignation et le fait que beaucoup d’otages perdirent la vie à
cause de l’action des forces armées algériennes, le Premier ministre David
Cameron changea promptement de ton. Deux semaines après l’attaque, dès
sa descente de l’avion au retour d’une visite de deux jours à Alger en
compagnie de Sir John Sawers, le chef du MI6, il apparut au grand jour qu’il
existait une sorte d’arrangement entre « l’Etat profond » du Royaume Uni et
l’Algérie, les deux se définissant comme « du même côté » au sein de la
guerre globale contre le terrorisme.
L’une était que les alliés occidentaux de l’Algérie, notamment les Etats-Unis,
et, dans une moindre mesure le Royaume-Uni et la France, auraient été
accusés de complicité dans la promotion du terrorisme si l’implication du DRS
dans l’attaque d’In Amenas avait été rendue publique. Depuis fin 2002, les
Etats-Unis et le DRS algérien étaient liés à travers leur accord secret P2OG,
décrit dans la première partie, pour aider à justifier et promouvoir la guerre
globale contre le terrorisme. Les services de renseignement britanniques et le
bureau des Affaires étrangères et du Commonwealth (FCO) étaient tenus
parfaitement informés de cette relation et parfois même, en furent les
complices. La France, bénéficiant de beaucoup plus de renseignement de
terrain en Algérie que les Etats-Unis et le Royaume-Uni, fut informée du
recours par l’Algérie au terrorisme d’Etat et du soutien occidental dont ce
dernier bénéficiait pour atteindre les objectifs de la guerre globale contre le
terrorisme initiée par les Etats-Unis. Si la complicité entre ces pouvoirs
occidentaux et le DRS algérien dans la promotion du terrorisme d’Etat était
révélée au public, le château de cartes de la guerre globale contre le
terrorisme pouvait bien s’écrouler.
Sans surprise, les Etats-Unis jouèrent un rôle encore plus important que leurs
alliés européens pour essayer d’empêcher la révélation de l’implication du
DRS dans l’attaque d’In Amenas. Ils exercèrent des pressions sur l’Algérie
pour qu’elle abandonne les poursuites contre le général Abdelkader Aït
Ouarabi (alias général Hassan) -qui avait armé les assaillants d’In Amenas –
du chef de « création de groupe armé », un crime de trahison.
Les informations obtenues par le général Gaïd Salah, chef d’état-major, avec
la capture des trois terroristes d’In Amenas lui fournit les munitions pour s’en
prendre à son grand adversaire, le général Mohamed « Toufik » Mediène,
chef du DRS. Toutefois, il lui fallait agir avec prudence et stratégie, car
Mediène et son DRS étaient encore immensément puissants. Il patienta donc
près d’un an avant d’agir. Le 13 janvier 2014, Gaïd Salah ordonna le
limogeage du général Hassan, trois semaines avant son arrestation pour le
crime de « création de groupe armé ». C’était la stratégie retenue par la
Présidence et Gaïd Salah pour faire tomber Mediène.
On ne sait pas quel genre de pression les Etats-Unis exercèrent sur leur allié.
Ni quel genre d’accord fut conclu entre Mediène et ses ennemis à la
Présidence Bouteflika et dans l’état-major de l’armée. Tout ce que nous
savons, c’est qu’une réunion eut lieu au quartier général du DRS à Alger, en
présence de représentants des services de renseignement américains et
britanniques. Est-ce que cette réunion portait sur la déstabilisation de la
Tunisie par l’Algérie, l’arrestation de Hassan ou les deux ? On ne sait. Ce
qu’on sait, c’est qu’on n’entendit plus parler du général Hassan ou des
charges retenues contre lui pendant dix-huit mois.
En août 2015, alors que le DRS avait été beaucoup affaibli et que beaucoup
d’autres choses avaient changé en Algérie, Gaïd Salah fit un nouveau geste
contre le général Hassan, l’arrêtant pour une deuxième fois le 27. Le même
jour, avant même que les media n’évoquent l’arrestation de Hassan, James
Clapper, le directeur du renseignement national américain (DNI), se rendit à
Alger. Washington s’inquiétait des dommages que pourrait causer aux
intérêts américains la révélation publique des activités du général Hassan au
DRS, surtout se rapportant à l’attaque d’In Amenas. Le résultat de
l’intervention de Clapper fut que les charges antérieures de « création de
groupes armés » furent abandonnées à l’encontre de Hassan. Il fut poursuivi,
en revanche, pour deux délits complexes en relation avec le mouvement des
armes. Son procès, derrière les portes closes du tribunal militaire de Mers El
Kebir, dura à peine dix heures. Ni la famille de Hassan, ni les journalistes ni
aucun public ne furent autorisés à y assister. Hassan ne fut pas davantage
autorisé à citer ses propres témoins en défense. Il fut ensuite emprisonné
pendant cinq ans.
Le camp fut créé vers 2004-05 et fut opérationnel jusqu’en 2008-09, date à
laquelle il fut déménagé au sud-ouest, dans le Tassili-n-Ahaggar, avant d’être
relocalisé entièrement dans le nord du Mali vers 2009.
Bachir avait passé sept mois à Tamouret vers 2007. En 2008, il réussit à
échapper à l’étau du DRS et à fuir en Europe. Son témoignage, enregistré
pendant les quatre années qui suivirent son évasion, fut corroboré par deux
autres témoins, dont l’un avait pu situer et photographier les tombes et les
cadavres des personnes tuées dans le camp.
Bouchneb était l’un des visiteurs les plus assidus au camp. Bachir l’a vu
régulièrement en compagnie d’Abou Zaïd, de MBM quand il venait et des
officiers de l’armée/DRS, surtout le général Lallali.
Selon Bachir, les recrues du camp étaient le plus souvent au nombre de 270.
La majorité étaient des Algériens, il a également croisé quelques Egyptiens,
plusieurs Tunisiens, quelques jeunes du Maroc et de Libye, quelques uns
venus du sud du Sahara, notamment du Nigeria, du Yémen et de Somalie et
même, d’Asie centrale. A partir de ce chiffre, on peut estimer que 3000
personnes au total ont fréquenté le camp.
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29 août 2020
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Vue d’Alger
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Durant l’été dernier, Gaïd Salah, exhibant tous les attributs d’un
dictateur militaire, trônait effectivement à la tête de l’Etat, tandis
que presque tout « le gang » de Bouteflika, était soit en prison,
soit sur le point d’y entrer. Voici le dernier volet de notre série sur
l’Algérie signée par Jeremy Keenan
A l’été, Gaïd Salah, exhibant désormais tous les attributs d’un dictateur
militaire, trônait effectivement à la tête de l’Etat, tandis que presque tout « le
gang » de Bouteflika, comme Gaïd Salah les appelait désormais, était soit en
prison, soit sur le point d’y entrer. Même si les élections du 4 juillet ont dû
être reportées à cause de la marée d’opposition émanant du hirak, Gaïd
Salah ne pouvait plus être délogé. Vers la moitié de l’été, il fut clair qu’il
n’avait aucune intention de soutenir le hirak et qu’il insistait pour que les
élections présidentielles se tiennent le 12 décembre, que le hirak soit
d’accord ou pas.
Pour Gaïd Salah, le jeu était terminé. Le choc du départ de Tliba et des
menaces de Bensedira, qui atteignirent Gaïd Salah pendant qu’il se trouvait à
Oran, étaient de trop. On dit qu’il tomba malade puis fut hospitalisé. Selon le
ministère de la Défense, il souffrait d’hypertension. Certains évoquèrent un
accident vasculaire cérébral. Des généraux proches de Gaïd Salah, y compris
Bouazza Ouassini dans son double jeu, Saïd Chengriha, qui devait remplacer
Gaïd Salah en tant que chef d’état-major de l’armée et Abdelhamid Ghriss,
secrétaire général du ministère de la Défense, étaient conscients des dégâts
que les révélations de Tliba pouvaient causer à l’armée et à l’Algérie. Ils
comprirent que Gaïd Salah devait quitter ses fonctions et ils commencèrent à
préparer son retrait.
Gaïd Salah mourut le 23 décembre, officiellement d’une crise cardiaque, onze
jours après l’élection présidentielle qu’il avait convoquée. Parmi les cinq
candidats approuvés par le régime, Gaïd Salah avait jeté son dévolu sur
Abdelmajid Tebboune. Mais Tebboune n’était pas le choix de Ouassini. Il était
un ami de Gaïd Salah et, en tant qu’ancien Premier ministre, bien trop
conscient du fonctionnement du régime pour être facilement manipulé par
Ouassini. Pour cette raison, Ouassini préférait que l’élection soit truquée en
faveur d’Azzedine Mihoubi, sans charisme ni expérience et supposément
homosexuel. Un accord aurait été conclu entre Azzedine Mihoubi et Ouassini
en faveur du départ de Gaïd Salah et de son remplacement par Ouassini. Le
complot faillit réussir. A midi, les premiers résultats plaçaient Mihoubi loin
devant les autres candidats. Toutefois, quand Gaïd Salah eut vent du complot
d’Ouassini, il intervint immédiatement et ordonna que Tebboune soit déclaré
vainqueur et Ouassini placé en résidence surveillée. Bien que la participation
officielle ait été annoncée à 39,3%., elle se situait plutôt, selon les rapports
des observateurs et les témoignages recueillis dans le pays, autour de 8%.
Les Algériens avaient boycotté l’élection, comme ils avaient promis de le faire
depuis le début. Tebboune fut, quoi qu’il en soit, investi en force en tant que
dernier Président en date, illégitime et fantoche, de l’Algérie.
Les huit mois depuis l’investiture de Tebboune ont connu des développements
significatifs, notamment l’apparition de la pandémie de COVID-19 et, comme
on pouvait s’y attendre, une restructuration quasi complète des services de
renseignement. Les hommes nommés par Gaïd Salah ont été remplacés par
beaucoup de « professionnels » ayant travaillé avec Mediène, qui avaient été
chassés par Gaïd Salah. Peut-être symboliquement, tandis que Bouazza
Ouassini reste incarcéré en attendant le début d’un nouveau procès, le
général Hassan devrait être libéré prochainement. Mediène lui-même, bien
qu’officiellement toujours emprisonné, serait désormais en un lieu
« beaucoup plus confortable » et en contact avec plusieurs de ses anciens
officiers supérieurs qui conseillent désormais la Présidence Tebboune et
occupent les positions les plus élevées dans les services de renseignement.
Tandis qu’In Amenas conduisit à la « de-mediènisation » du système, les huit
mois de la Présidence de Tebboune ont vu sa « re-mediènisation ».
Malgré la propagande de Tebboune sur sa volonté de dialogue avec ce qu’il
appelle le « hirak béni », ses services de renseignement « re-mediènisés »,
plus brutalement professionnels, ont utilisé le prétexte de la crise du COVID-
19 pour accroître la répression, le harcèlement, l’intimidation et
l’emprisonnement des activistes du hirak, des journalistes indépendants et
autres opposants réels ou imaginaires du régime.