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[Série] Maroc-Algérie :

généraux et hommes de
l’ombre (3/4)
RÉSERVÉ AUX ABONNÉS | 27 février 2021 à 17h00 | Par Akram
Kharief , Farid Alilat et Jihâd Gillon

« Maroc-Algérie : demain, la
guerre ? » (3/4). Ils sont arrivés à la
tête des services secrets ou des
forces militaires de leur pays au
terme de parcours souvent brillants et
parfois mouvementés. Portraits.

• Maroc – Abdelfattah Louarak,


inspecteur général des forces armées
marocaines
Le général Abdelfattah Louarak, 66 ans, est nommé
en janvier 2017 inspecteur général des Forces armées
(le chef d’état-major en titre n’étant autre que le roi
lui-même), en remplacement du général Bouchaïb
Arroub, qui occupait cette fonction depuis 2014. Sa
promotion marque donc le début d’une stabilité à ce
poste stratégique, s’il en est.

À LIRE [Série] Maroc-Algérie : demain, la guerre ?

Il a été fait général quatre étoiles par Mohammed VI


en janvier 2017, rejoignant le très sélectif « club des
4 étoiles » avec son prédécesseur, Hosni Benslimane
(ex-commandant de la Gendarmerie royale).

Né en 1955 à Ben Ahmed (région de Casablanca-


Settat), il sort diplômé de l’académie royale militaire
de Meknès en 1976. Il connaît particulièrement bien
le terrain saharien puisqu’il y fait ses premières armes
lors du conflit du Sahara occidental (1975-1991), au
sein du onzième régiment d’infanterie motorisée,
durant une dizaine d’années. Peu d’informations
filtrent sur ses faits d’armes, mais il est décoré d’un
wissam alaouite à l’issue de cette période.

En 1986, il est transféré dans une unité d’élite, la


deuxième brigade d’infanterie parachutiste, où il doit
former les forces spéciales. Il prendra par la suite la
tête du commandement de l’Inspection train, chargée
de la logistique et des transports des forces armées.
En 1994, alors qu’il est encore commandant, il obtient
un brevet d’études supérieures au Collège
interarmées de défense de Paris (devenu l’École de
guerre en 2010). Il supervise également le
recrutement des cadres de l’armée au sein du
Département personnel officier.

Le général Louarak tient par ailleurs un rôle


diplomatique : c’est notamment lui qui se déplace à
Washington début janvier pour conclure les accords
militaires entre le royaume et les États-Unis pour la
période 2020-2030.

• Mohammed Yacine Mansouri,


directeur du renseignement national
marocain
Mohammed Yacine Mansouri, directeur général des
études et de la documentation, le contre-espionnage
marocain, 59 ans, a été un camarade de classe du roi
Mohammed VI au Collège royal de Rabat. Il est
nommé en 1999 directeur de la MAP, l’agence
marocaine de presse, avant de prendre la direction de
la Direction générale des études et de la
documentation (DGED) en 2005, sur nomination
royale. Une expérience de quinze ans, contre
simplement quelques mois pour son alter ego
algérien, Nour-Eddine Mekri…

Mohammed Yacine Mansouri joue également un rôle


diplomatique non négligeable, notamment sur le
dossier libyen, et passe ainsi pour l’architecte des
rencontres interlibyennes de Bouznika (en septembre
et octobre 2020). Il représente fréquemment le Maroc
lors des rencontres portant sur les questions de
terrorisme au sein des organismes régionaux et
internationaux.

À LIRE [Édito] Sahara : Mohammed VI ou l’art du deal

Aux côtés du ministre des Affaires étrangères Nasser


Bourita, il participe à la table ronde à Genève, sous
les auspices de l’ONU, réunissant en décembre 2018
le Polisario, des officiels algériens et des
représentants mauritaniens. Juriste de formation, puis
homme de médias, il n’a pas le parcours d’un
sécuritaire classique, même s’il fait un passage à
l’Intérieur, en rejoignant à la fin des années 1980 le
cabinet de Driss Basri, tout-puissant ministre entre
1979 et 1999. Une expérience qui l’amènera à
séjourner régulièrement au Sahara.

MOHAMMED YACINE
MANSOURI INCARNE LA
DOUBLE APPROCHE
MAROCAINE SUR LA SAHARA,
À LA FOIS SÉCURITAIRE ET
DIPLOMATIQUE
Quelques mois avant la réintégration du Maroc à
l’Union africaine en 2017, il se rend en Algérie avec
Nasser Bourita, lors d’une visite inédite, où il
rencontre notamment le ministre algérien des Affaires
étrangères de l’époque, Abdelkader Messahel.
Mohammed Yacine Mansouri incarne ainsi la double
approche marocaine sur la Sahara, à la fois
sécuritaire et diplomatique.

• Algérie – Saïd Chengriha, chef


d’état-major algérien
Après s’être engagé l’année de ses 18 ans, en 1963,
Saïd Chengriha a rapidement été envoyé en formation
à l’école de Saint-Cyr Coëtquidan, en France, où il se
spécialise dans les blindés. Après avoir combattu les
troupes israéliennes au sein du corps expéditionnaire
envoyé soutenir l’Égypte lors de la guerre du Kippour,
en 1973, il complète sa formation au sein de
l’Académie militaire de Vorochilov, en Union
soviétique.

À LIRE Algérie : le chef d’état-major Saïd Chengriha


imprime sa marque

C’est en 1992, au lendemain des insurrections liées à


l’interruption du processus électoral, que le destin de
l’officier natif d’El Kantara, dans la wilaya de Biskra,
bascule. On le charge, aux côtés de son supérieur
direct, Abdelaziz Medjahed, de prendre le
commandement du Centre de conduite et de
coordination des actions de lutte antisubversive du
secteur de Bouira, au sud-est d’Alger.

UN FAUCON TRÈS HOSTILE AU


VOISIN DE L’OUEST
Une mission suffisamment concluante pour que ses
chefs décident, deux ans plus tard, de le réaffecter à
son corps d’origine, le huitième division blindée, avec
une tâche importante : réfléchir à la modernisation de
l’Armée de terre face aux nouvelles menaces qui
émergent. Parmi celles-ci : la situation de plus en plus
tendue à la frontière marocaine. Chengriha sera
d’ailleurs nommé, en 2004, chef de la troisième
Région militaire de Béchar, frontalière, où il gagnera
une réputation de faucon très hostile au voisin de
l’ouest.

À LIRE Élection d’Abdelmadjid Tebboune en Algérie :


« Le commandement militaire nie la désaffection
populaire »

Nommé à la tête des forces terrestres en août 2018, il


est aux premières loges lorsque son supérieur
direct, Ahmed Gaïd Salah, pousse à la démission le
président Bouteflika et devient de facto le chef de
l’État par intérim. Saïd Chengriha – ou « Tcheng »,
comme on le surnomme en référence à son oncle
Abdelkader, ancienne figure de l’Armée de libération
et des services de renseignement – n’a jamais été
aussi proche du pouvoir, et quand Gaïd Salah
décède, quelques jours après l’élection d’Abdelmadjid
Tebboune, c’est tout naturellement qu’il est nommé
chef d’état-major par intérim. Poste auquel il a été
confirmé officiellement le 3 juillet 2020.

• Nour-Eddine Mekri, alias « Mahfoud


Polisario », chef du renseignement
extérieur algérien
Né dans les années 1950 à Mascara, dans l’ouest du
pays, le général-major Nour-Eddine Mekri, alias «
Mahfoud », fait partie de la génération d’officiers qui
ont rejoint l’Armée nationale populaire (ANP) pour
servir au sein des services de renseignement, qui
s’ouvraient alors aux universitaires.

À LIRE Algérie : qui est Nour-Eddine Mekri, le


nouveau patron du renseignement extérieur ?

Sa maîtrise du dossier du Sahara occidental, qu’il a


directement suivi à travers des séjours prolongés à
Tindouf (près de la frontière algéro-marocaine)
notamment, lui vaut parfois le surnom de « Mahfoud
Polisario ».

Dans les années 1980, il collabore étroitement avec


Mohamed Seddik Benyahia, ministre des Affaires
étrangères et artisan de la libération des otages
américains détenus en Iran. « Mahfoud » a également
dirigé l’Institut des hautes études de sécurité
nationale au début des années 1990.

Sa carrière bifurque le 10 septembre 2009 lorsqu’il


est nommé Directeur central au ministère de la Défense
nationale, chargé des relations extérieurs et de la coopération. Ce
poste stratégique lui permet de nommer et diriger l’ensemble des
attachés de défense algériens en poste à l’étranger, d’assister les
délégations militaires étrangères en visite en Algérie et de garder un
œil sur les représentations diplomatiques dotées de bureaux
militaires à Alger.
VICTIME COLLATÉRALE DU
CONFLIT ENTRE SON CHEF ET
AHMED GAÏD SALAH, «
MAHFOUD » EST LIMOGÉ
SANS MÉNAGEMENT
En 2015, il paie cher sa proximité avec le général
Mohamed « Toufik » Mediène. Celui-ci est poussé à la
retraite, le Département du renseignement et de la
sécurité, qu’il dirigeait, est démantelé. Victime
collatérale du conflit entre son chef et Ahmed Gaïd
Salah, « Mahfoud » est limogé sans
ménagement.

Sa nomination, le 20 janvier 2021, à la tête des


renseignements extérieurs, marque donc son retour
en grâce. Il aura pour mission de rétablir des canaux
de coordination plus étroits et plus efficaces entre
l’appareil diplomatique, l’institution militaire et les
services de renseignement extérieur. Son parcours,
au moins en théorie, fait de lui l’homme idéal pour
cette mission.

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